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Document 62021CO0597(01)

Order of the Court (Sixth Chamber) of 15 December 2022.
Centro Petroli Roma Srl v Agenzia delle Dogane e dei Monopoli.
Request for a preliminary ruling from the Consiglio di Stato.
Reference for a preliminary ruling – Articles 53 and 99 of the Rules of Procedure of the Court of Justice – Article 267 TFEU – Scope of the obligation on national courts or tribunals of last instance to make a reference for a preliminary ruling – Exceptions to that obligation – Criteria – Situations in which the correct interpretation of EU law is so obvious as to leave no scope for any reasonable doubt – Condition related to the national court or tribunal of last instance being convinced that the matter would be equally obvious to the other courts or tribunals of last instance of the Member States and to the Court of Justice.
Case C-597/21.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:1010

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

15 décembre 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Articles 53 et 99 du règlement de procédure de la Cour – Article 267 TFUE – Portée de l’obligation de renvoi des juridictions nationales statuant en dernier ressort – Exceptions à cette obligation – Critères – Situations dans lesquelles l’interprétation correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable – Condition pour la juridiction nationale statuant en dernier ressort d’être convaincue que la même évidence s’imposerait également aux autres juridictions de dernier ressort des États membres et à la Cour »

Dans l’affaire C‑597/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décision du 14 septembre 2021, parvenue à la Cour le 27 septembre 2021, dans la procédure

Centro Petroli Roma Srl

contre

Agenzia delle Dogane e dei Monopoli,

en présence de :

IP Industrial SpA,

Eni SpA,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, M. A. Arabadjiev (rapporteur), président de la première chambre, et Mme I. Ziemele, juge,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, et à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 101 à 106 et 267 TFUE ainsi que de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36, ci-après la « directive “services” »), et de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE (JO 2009, L 9, p. 12), telle que modifiée par la directive (UE) 2019/475 du Conseil, du 18 février 2019 (JO 2019, L 83, p. 42) (ci-après la « directive 2008/118 »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Centro Petroli Roma Srl à l’Agenzia delle Dogane e dei Monopoli (Agence des douanes et des monopoles, Italie) au sujet de la décision de cette agence de suspendre l’autorisation délivrée à cette société pour l’exploitation d’un entrepôt commercial à Rome (Italie).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive « services »

3        L’article 9 de la directive « services » prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres ne peuvent subordonner l’accès à une activité de service et son exercice à un régime d’autorisation que si les conditions suivantes sont réunies :

a)      le régime d’autorisation n’est pas discriminatoire à l’égard du prestataire visé ;

b)      la nécessité d’un régime d’autorisation est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général ;

c)      l’objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle. »

4        L’article 14 de cette directive dispose :

« Les États membres ne subordonnent pas l’accès à une activité de services ou son exercice sur leur territoire au respect de l’une des exigences suivantes :

[...]

5)      l’application au cas par cas d’un test économique consistant à subordonner l’octroi de l’autorisation à la preuve de l’existence d’un besoin économique ou d’une demande du marché, à évaluer les effets économiques potentiels ou actuels de l’activité ou à évaluer l’adéquation de l’activité avec les objectifs de programmation économique fixés par l’autorité compétente ; cette interdiction ne concerne pas les exigences en matière de programmation qui ne poursuivent pas des objectifs de nature économique mais relèvent de raisons impérieuses d’intérêt général ;

[...] »

5        L’article 15, paragraphe 2, de ladite directive est libellé comme suit :

« Les États membres examinent si leur système juridique subordonne l’accès à une activité de service ou son exercice au respect de l’une des exigences non discriminatoires suivantes :

a)      les limites quantitatives ou territoriales sous forme, notamment, de limites fixées en fonction de la population ou d’une distance géographique minimum entre prestataires ; 

[...] »

6        L’article 16, paragraphe 1, troisième alinéa, de la même directive prévoit :

« Les États membres ne peuvent pas subordonner l’accès à une activité de service ou son exercice sur leur territoire à des exigences qui ne satisfont pas aux principes suivants :

[...]

b)      la nécessité : l’exigence doit être justifiée par des raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l’environnement ;

c)      la proportionnalité : l’exigence doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. »

 La directive 2008/118

7        L’article 16 de la directive 2008/118 dispose, à son paragraphe 1 :

« L’ouverture et l’exploitation d’un entrepôt fiscal par un entrepositaire agréé sont subordonnées à l’autorisation des autorités compétentes de l’État membre dans lequel l’entrepôt fiscal est situé.

Cette autorisation est soumise aux conditions que les autorités sont en droit de fixer afin de prévenir toute forme éventuelle de fraude ou d’abus. »

 Le droit italien

8        Il ressort de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), du decreto legislativo n. 504 – Testo unico delle disposizioni legislative concernenti le imposte sulla produzione e sui consumi e relative sanzioni penali e amministrative (décret législatif no 504, portant texte unique des dispositions législatives concernant les impôts et taxes sur la production et sur la consommation ainsi que les sanctions pénales et administratives y afférentes), du 26 octobre 1995 (supplément ordinaire à la GURI no 279, du 29 novembre 1995), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « décret législatif no 504/1995 »), que l’accise est un impôt indirect sur la production ou la consommation, notamment, de produits énergétiques.

9        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, sous e), de ce décret législatif l’entrepôt fiscal est l’installation dans laquelle des produits soumis à accises sont fabriqués, transformés, détenus, reçus ou expédiés, en suspension de droits d’accises, dans les conditions fixées par l’administration fiscale.

10      L’article 2, paragraphes 1 et 2, dudit décret législatif prévoit que l’obligation fiscale correspondante naît, notamment, au moment de la fabrication ou de l’importation des produits et qu’elle est exigible lorsque le produit est mis à la consommation sur le territoire de l’État.

11      L’article 5 du décret législatif no 504/1995 dispose :

« 1.      La fabrication, l’élaboration, la transformation et la détention des produits soumis à accises et en suspension de droits d’accises sont effectuées sous le régime de l’entrepôt fiscal. [...]

2.      Le régime de l’entrepôt fiscal est autorisé par l’administration fiscale. [...]

[...]

4.      Les entrepôts fiscaux sont soumis à une surveillance financière et, à l’exception de ceux qui manipulent des tabacs manufacturés, sont considérés comme compris dans le circuit douanier ; la surveillance financière doit assurer, compte tenu du fonctionnement de l’installation, la protection fiscale, y compris par un suivi. [...] »

12      Aux termes de l’article 23, paragraphes 1 à 5, de ce décret législatif :

« 1.      Le régime de l’entrepôt fiscal est autorisé :

a)      pour les raffineries et pour les autres installations de production où sont obtenus les produits énergétiques visés à l’article 21, paragraphe 2, ou les produits énergétiques visés à l’article 21, paragraphe 3, lorsqu’ils sont destinés à la carburation et à la combustion, ainsi que les produits soumis à accise au sens de l’article 21, paragraphes 4 et 5 ;

b)      pour les installations pétrochimiques.

2.      L’exploitation des installations visées au paragraphe 1 est subordonnée à l’octroi de la licence visée à l’article 63.

3.      La gestion en régime d’entrepôt fiscal peut être autorisée, en cas de réelles nécessités opérationnelles et de besoin effectif d’approvisionnement de l’installation, pour les entrepôts commerciaux de gaz de pétrole liquéfié d’une capacité non inférieure à 400 mètres cubes et pour les entrepôts commerciaux d’autres produits énergétiques d’une capacité non inférieure à 10 000 mètres cubes.

4.      La gestion en régime d’entrepôt fiscal peut également être autorisée pour les entrepôts commerciaux de gaz de pétrole liquéfié d’une capacité inférieure à 400 mètres cubes et les entrepôts commerciaux d’autres produits énergétiques d’une capacité inférieure à 10 000 mètres cubes lorsque, outre les conditions prévues au paragraphe 3, au moins une des conditions suivantes est remplie :

a)      l’entrepôt effectue des livraisons de produits exonérés d’accises ou soumis à un droit d’accises réduit ou des transferts de produits énergétiques en régime de suspension de droits vers des pays de l’Union européenne ou des exportations vers des pays hors Union européenne pour un montant total égal à au moins 30 % du total des extractions sur une période de deux ans ;

b)      l’entrepôt est une dépendance d’un entrepôt fiscal situé à proximité immédiate et appartenant au même groupe de sociétés ou, s’il appartient à un autre propriétaire, est destiné de manière permanente à fonctionner au service de cet entrepôt.

5.      L’exploitation des entrepôts fiscaux autorisés au sens des paragraphes 3 et 4 est subordonnée à l’octroi de la licence visée à l’article 63. »

13      La circulaire no 14/D, référence no 133627/RU, du 4 décembre 2017, de l’Agence des douanes et des monopoles comporte des directives d’application du décret législatif no 504/1995.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

14      Par sa décision no 13042/RU, du 25 février 2020, l’Agence des douanes et des monopoles a suspendu l’autorisation délivrée à Centro Petroli Roma pour l’exploitation de son entrepôt commercial à Rome. Les motifs de la suspension prononcée tenaient, notamment, au non-respect des exigences relatives à la quantité minimale de produit soumis à un taux réduit au cours de la période de deux ans, prévues à l’article 23, paragraphe 4, du décret législatif no 504/1995 – cette quantité étant bien inférieure à 30 % du total des extractions – et l’absence de nécessité opérationnelle de cet entrepôt, étant donné la présence concomitante sur le même territoire de deux grands entrepôts fiscaux, qui pouvaient « répondre à toute exigence d’approvisionnement en produits de la part du marché ».

15      Centro Petroli Roma a formé un recours contre cette décision devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie).

16      Par le jugement no 1924, du 16 février 2021, cette juridiction a rejeté le recours.

17      Centro Petroli Roma a interjeté appel de ce jugement devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie).

18      Cette société fait valoir, notamment, que la directive « services » est applicable à l’activité d’opérateur d’entrepôt fiscal, dès lors que celle-ci implique la prestation de services effectuée contre rémunération. Or, l’article 23 du décret législatif no 504/1995 et la circulaire no 14/D, référence no 133627/RU, du 4 décembre 2017, ne respecteraient pas les exigences énoncées à l’article 14, point 5, à l’article 15 et à l’article 16, paragraphe 1, sous b) et c), de cette directive, dès lors qu’ils durciraient considérablement les conditions d’octroi des autorisations d’exploitation de certains entrepôts de produits énergétiques.

19      En outre, l’exigence prévue à l’article 23, paragraphe 4, sous a), de ce décret législatif ne respecterait pas les principes de nécessité et de proportionnalité, énoncés à l’article 16, sous b) et c), de la directive « services », et viserait à éliminer les « petits » concurrents des « grandes » entreprises titulaires d’une licence. Cette exigence méconnaîtrait également l’article 9, paragraphe 1, sous b), de cette directive, en ce qu’elle ne serait pas justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général. Par ailleurs, ladite exigence, de même que celle tenant à l’existence de réelles nécessités opérationnelles et au besoin effectif d’approvisionnement de l’installation, prévue à l’article 23, paragraphe 3, dudit décret législatif, seraient également contraires à l’article 9 de ladite directive ainsi qu’aux articles 101 à 106 TFUE.

20      Par conséquent, Centro Petroli Roma demande au Consiglio di Stato (Conseil d’État) de laisser inappliqué l’article 23, paragraphes 3 et 4, du décret législatif no 504/1995 et, à titre subsidiaire, de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, portant sur la compatibilité de ces dispositions du droit italien avec la directive « services » et la directive 2008/118 ainsi qu’avec les règles du traité FUE protégeant la libre concurrence.

21      La juridiction de renvoi considère qu’il appartient aux États membres d’identifier les conditions permettant d’atteindre l’objectif consistant à prévenir tout comportement abusif en relation avec l’ouverture et l’exploitation d’un entrepôt fiscal de produits énergétiques, qui serait poursuivi par la directive 2008/118.

22      Cette juridiction souligne à cet égard qu’elle considère que la réglementation nationale en cause au principal est compatible avec le droit de l’Union.

23      Elle fait observer, toutefois, qu’elle est une juridiction de dernière instance dans l’ordre judiciaire italien, qu’elle est appelée à se prononcer sur un litige portant sur l’application d’une réglementation nationale visant à transposer le droit de l’Union et qu’une question relative à l’interprétation et à l’application de ce droit est soulevée dans ce litige.

24      La juridiction de renvoi relève que, dans l’arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a. (283/81, EU:C:1982:335), la Cour a précisé que, afin d’éviter que ne s’établisse une jurisprudence nationale contraire au droit de l’Union dans un État membre, lorsqu’aucun recours juridictionnel n’est prévu contre la décision d’une juridiction nationale, cette dernière est en principe tenue de s’adresser à la Cour, au sens de l’article 267, troisième alinéa, TFUE, lorsqu’elle est appelée à se prononcer sur une question d’interprétation du droit de l’Union.

25      Conformément à cet arrêt, les juridictions nationales ne seraient pas, en revanche, tenues de procéder à un renvoi préjudiciel, notamment, lorsque l’application correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable.

26      Toutefois, les critères permettant de déterminer la présence d’une telle situation, énoncés dans ledit arrêt et la jurisprudence subséquente, seraient difficiles à apprécier.

27      Or, la mise en œuvre incorrecte de ces critères serait susceptible de conduire à l’engagement de la responsabilité civile des juridictions suprêmes italiennes sur le fondement de l’article 2, paragraphe 3 bis, de la legge n. 117 – Risarcimento dei danni cagionati nell’ esercizio delle funzioni giudiziarie e responsabilità civile dei magistrati (loi no 117, portant sur la réparation des dommages causés dans l’exercice des fonctions juridictionnelles et la responsabilité civile des magistrats), du 13 avril 1988 (GURI no 88, du 15 avril 1988, p. 3), disposition qui prévoirait que, en cas de violation manifeste du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte également du manquement à l’obligation de renvoi préjudiciel, ainsi que du fait que l’acte ou la mesure est contraire à l’interprétation donnée par la Cour. Ainsi, ces juridictions seraient contraintes, afin d’éviter l’introduction d’une action en dommages‑intérêts, de procéder systématiquement à un renvoi préjudiciel, allongeant ainsi la durée de la procédure en violation du principe de durée raisonnable de celle-ci, consacré par la Constitution italienne et par le droit de l’Union.

28      S’agissant, en particulier, de l’exigence pour les juridictions nationales statuant en dernier ressort qui sont certaines de l’interprétation et de l’application à donner au droit de l’Union de démontrer de manière circonstanciée que la même évidence s’impose également aux juridictions des autres États membres et à la Cour, qui résulterait des arrêts du 6 octobre 1982, Cilfit e.a. (283/81, EU:C:1982:335, point 16), ainsi que du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement (C‑379/15, EU:C:2016:603, points 51 et 52), il serait difficile, voire impossible, d’exclure le « moindre doute » en ce qui concerne l’éventualité qu’une juridiction d’un autre État membre ou la Cour tranche la même question, y compris partiellement, d’une manière différente.

29      La preuve circonstanciée de l’évidence de l’interprétation et de l’application du droit de l’Union constituerait une probatio diabolica. L’exigence ainsi formulée par la Cour aurait pour conséquence que les juridictions nationales statuant en dernier ressort seraient tenues de saisir la Cour à titre préjudiciel dès qu’une question relative à l’interprétation du droit de l’Union, soulevée dans le litige dont elles sont saisies, n’est pas matériellement identique à une question ayant déjà fait l’objet d’un arrêt préjudiciel de la Cour.

30      Le Consiglio di Stato (Conseil d’État) se demande si le respect de ladite exigence doit être établi de manière subjective, c’est-à-dire si les juridictions statuant en dernier ressort sont tenues d’exposer les motifs pour lesquels elles estiment que leur interprétation du droit de l’Union en cause devant elles sera la même que celles des juridictions des autres États membres ou de la Cour si ces dernières étaient amenées à interpréter les mêmes dispositions, ou bien s’il suffit que les juridictions statuant en dernier ressort exposent de manière objective les raisons pour lesquelles il n’existe pas de doutes raisonnables quant à l’interprétation et l’application du droit de l’Union, ce sans examiner l’interprétation que pourraient donner d’autres juridictions et en tenant compte du fait que ce droit utilise une terminologie qui lui est propre, du libellé de la disposition dudit droit en cause, du contexte dans lequel cette disposition s’inscrit, des objectifs de protection qui la sous-tendent ainsi que de l’état de l’évolution du droit de l’Union à la date à laquelle ladite disposition doit être appliquée.

31      La juridiction de renvoi estime qu’il convient de suivre la seconde de ces alternatives, dès lors que celle-ci permettrait d’éviter d’avoir à rapporter une probatio diabolica et assurerait la mise en œuvre concrète de la dérogation à l’obligation de renvoi, énoncée dans l’arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a. (283/81, EU:C:1982:335).

32      Cette juridiction se demande également si l’article 267 TFUE, lu à la lumière des principes d’indépendance des juges et de durée raisonnable de la procédure, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une juridiction suprême nationale qui a examiné et rejeté la demande de renvoi préjudiciel en interprétation du droit de l’Union puisse faire l’objet, de plein droit ou à la discrétion de l’auteur du recours, d’une action en responsabilité civile et disciplinaire.

33      La réponse à l’ensemble de ces interrogations serait pertinente, dès lors que le Consiglio di Stato (Conseil d’État) serait appelé à trancher, dans le litige au principal, des questions importantes portant sur l’interprétation et l’application du droit de l’Union dont la réponse ne ressortirait pas de la jurisprudence de la Cour, quand bien même ces questions ne se poseraient que de manière théorique. En effet, bien que la juridiction de renvoi exclut l’existence de doutes raisonnables quant à l’interprétation des dispositions du droit de l’Union invoquées par Centro Petroli Roma, elle se considère dans l’impossibilité de démontrer avec certitude que l’interprétation à donner de ces dispositions s’impose subjectivement, avec évidence, également aux juridictions nationales des autres États membres et à la Cour elle-même.

34      La juridiction de renvoi précise donc qu’elle ne pose la question préjudicielle portant sur lesdites dispositions que pour le cas où la Cour estimerait qu’une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours juridictionnel de droit interne doit déférer à son obligation de saisir la Cour au titre de l’article 267 TFUE, lorsqu’il n’est pas possible de démontrer de manière circonstanciée que les juridictions des autres États membres et la Cour donneraient la même réponse que celle envisagée par cette première juridiction à la question d’interprétation du droit de l’Union qui se pose devant elle.

35      C’est dans ces conditions que le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 267 TFUE, interprété correctement, impose-t-il à la juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit national de procéder au renvoi préjudiciel d’une question en interprétation du droit de l’Union pertinente dans le cadre du litige au principal, même si tout doute d’interprétation peut être écarté quant à la signification de la disposition de droit de l’Union concernée – compte tenu de la terminologie et de la signification des termes de cette disposition propres au droit de l’Union, du contexte de droit de l’Union dans lequel elle s’inscrit et des objectifs de protection qui la sous‑tendent, eu égard à l’état d’évolution du droit de l’Union au moment où elle doit être appliquée dans le cadre de la procédure nationale –, mais qu’il n’est pas possible de prouver de manière circonstanciée, du point de vue subjectif quant à l’attitude d’autres juridictions, que l’interprétation fournie par la juridiction saisie soit la même que celle susceptible d’être donnée par les juridictions d’autres États membres et par la Cour si elles étaient saisies de la même question ?

2)      Afin de sauvegarder les valeurs constitutionnelles et européennes [d’]indépendance de la justice et de [...] durée raisonnable des procédures, est-il possible d’interpréter l’article 267 TFUE en ce sens qu’il exclut que la juridiction suprême nationale, qui a examiné et rejeté la demande de renvoi préjudiciel en interprétation du droit de l’Union, puisse faire l’objet, de plein droit ou à la discrétion du demandeur seulement, d’une action en responsabilité civile et disciplinaire ?

3)      Au cas où la Cour répondrait par la négative aux [deux premières questions] :

a)      L’interprétation correcte des articles 101 à 106 TFUE ainsi que du cadre réglementaire défini par [la directive “services” et la directive 2008/118] fait-elle obstacle à une règle nationale telle que celle qui ressort de l’article 23, paragraphe 3, du [décret législatif no 504/1995], qui prévoit que [l]a gestion en régime d’entrepôt fiscal peut être autorisée, en cas de réelles nécessités opérationnelles et de besoin effectif d’approvisionnement de l’installation, pour les entrepôts commerciaux de gaz de pétrole liquéfié d’une capacité non inférieure à 400 mètres cubes et pour les entrepôts commerciaux d’autres produits énergétiques d’une capacité non inférieure à 10 000 mètres cubes[...] ?

b)      L’interprétation correcte des articles 101 à 106 TFUE ainsi que du cadre réglementaire défini par [la directive “services” et la directive 2008/118] fait-elle obstacle à une réglementation nationale, telle que celle qui ressort de l’article 23, paragraphe 4, sous a) et b), du décret législatif no 504[/1995] [...] qui prévoit que [...] la gestion en régime d’entrepôt fiscal peut être autorisée notamment pour les entrepôts commerciaux de gaz de pétrole liquéfié d’une capacité inférieure à 400 mètres cubes et les entrepôts commerciaux d’autres produits énergétiques d’une capacité inférieure à 10 000 mètres cubes lorsque, outre les conditions prévues au paragraphe 3 [de cet article], au moins une des conditions suivantes est remplie :

i)      l’entrepôt effectue des livraisons de produits exonérés d’accises ou soumis à un droit d’accises réduit ou des transferts de produits énergétiques en régime de suspension de droits vers des pays de l’Union européenne ou des exportations vers des pays hors Union européenne pour un montant total égal à au moins 30 % du total des extractions sur une période de deux ans ;

ii)      l’entrepôt est une dépendance d’un entrepôt fiscal situé à proximité immédiate et appartenant au même groupe de sociétés ou, s’il appartient à un autre propriétaire, est destiné de manière permanente à fonctionner au service de cet entrepôt ?

c)      L’interprétation et l’application correctes du principe de proportionnalité, lu en combinaison avec les articles 101 à 106 TFUE et le cadre réglementaire défini par [la directive “services” et la directive 2008/118] et, en particulier, par l’article 9, l’article 14, point 5, et l’article 15, paragraphe 2, de la directive [“services”], s’opposent-elles à des mesures réglementaires (circulaires, règlements ou autres) adoptées par l’autorité nationale afin de préciser, en les complétant, les conditions susmentionnées prévues à l’article 23, paragraphe 4, sous a) et b), du décret législatif no 504[/1995] [...] ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

36      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsqu’une réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

37      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre de la présente affaire, s’agissant de la réponse à la première question.

38      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 267 TFUE doit être interprété en ce sens qu’une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours juridictionnel de droit interne qui, en tenant compte du fait que le droit de l’Union utilise une terminologie qui lui est propre ainsi que de la nécessité de replacer chaque disposition de ce droit dans son contexte et de l’interpréter à la lumière de l’ensemble des dispositions dudit droit, des finalités de celui-ci et de l’état de son évolution à la date à laquelle son application doit être faite, considère que l’interprétation correcte de la disposition du droit de l’Union applicable au litige dont elle est saisie s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable doit, afin de pouvoir s’abstenir de soumettre à la Cour une question d’interprétation de cette disposition, prouver de manière circonstanciée que, d’un point de vue subjectif, les autres juridictions de dernier ressort des États membres et la Cour effectueraient la même interprétation de ladite disposition.

39      À cet égard, il convient de rappeler que, dans la mesure où il n’existe aucun recours juridictionnel de droit interne contre la décision d’une juridiction nationale, cette dernière est, en principe, tenue de saisir la Cour au sens de l’article 267, troisième alinéa, TFUE dès lors qu’une question relative à l’interprétation du droit de l’Union est soulevée devant elle (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 32 ainsi que jurisprudence citée).

40      Pour autant, selon une jurisprudence constante de la Cour, une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours juridictionnel de droit interne peut s’abstenir de soumettre à la Cour une question d’interprétation du droit de l’Union et la résoudre sous sa propre responsabilité lorsque l’interprétation correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 39 ainsi que jurisprudence citée).

41      Avant de conclure à l’existence d’une telle situation, la juridiction nationale statuant en dernier ressort doit être convaincue que la même évidence s’imposerait également aux autres juridictions de dernier ressort des États membres et à la Cour (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 40 ainsi que jurisprudence citée).

42      En outre, l’existence de l’éventualité visée au point 40 de la présente ordonnance doit être évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit de l’Union, des difficultés particulières que présente l’interprétation de ce dernier et du risque de divergences de jurisprudence au sein de l’Union européenne (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 41 ainsi que jurisprudence citée).

43      II y a lieu d’abord de tenir compte du fait que les dispositions du droit de l’Union sont rédigées en plusieurs langues et que les diverses versions linguistiques font également foi (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 42 ainsi que jurisprudence citée).

44      En effet, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques, dès lors que les dispositions du droit de l’Union doivent être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 43 ainsi que jurisprudence citée).

45      Si une juridiction nationale statuant en dernier ressort ne saurait certes être tenue de se livrer, à cet égard, à un examen de chacune des versions linguistiques de la disposition de l’Union en cause, il n’en reste pas moins qu’elle doit tenir compte des divergences entre les versions linguistiques de cette disposition dont elle a connaissance, notamment lorsque ces divergences sont exposées par les parties et sont avérées (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 44).

46      Il importe de relever ensuite que le droit de l’Union utilise une terminologie qui lui est propre et des notions autonomes qui n’ont pas nécessairement le même contenu que les notions équivalentes qui peuvent exister dans les droits nationaux (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 45 ainsi que jurisprudence citée).

47      Enfin, chaque disposition du droit de l’Union doit être replacée dans son contexte et interprétée à la lumière de l’ensemble des dispositions de ce droit, de ses finalités et de l’état de son évolution à la date à laquelle l’application de la disposition en cause doit être faite (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 46 ainsi que jurisprudence citée).

48      Ainsi, ce n’est que si, à l’aide des critères interprétatifs mentionnés aux points 41 à 47 de la présente ordonnance, une juridiction nationale statuant en dernier ressort conclut à l’absence d’éléments susceptibles de faire naître un doute raisonnable quant à l’interprétation correcte du droit de l’Union que cette juridiction nationale pourra s’abstenir de soumettre à la Cour une question d’interprétation du droit de l’Union et la résoudre sous sa propre responsabilité (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 47).

49      Cela étant, la seule possibilité de se livrer à une ou plusieurs autres lectures d’une disposition du droit de l’Union, dans la mesure où aucune de ces autres lectures ne paraisse suffisamment plausible à la juridiction nationale concernée, notamment au regard du contexte et de la finalité de ladite disposition, ainsi que du système normatif dans lequel elle s’insère, ne saurait suffire pour considérer qu’il existe un doute raisonnable quant à l’interprétation correcte de cette disposition (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 48).

50      Toutefois, lorsque l’existence de lignes de jurisprudence divergentes – au sein des juridictions d’un même État membre ou entre des juridictions d’États membres différents – relatives à l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union applicable au litige au principal est portée à la connaissance de la juridiction nationale statuant en dernier ressort, celle-ci doit être particulièrement vigilante dans son appréciation relative à une éventuelle absence de doute raisonnable quant à l’interprétation correcte de la disposition de l’Union en cause et tenir compte, notamment, de l’objectif poursuivi par la procédure préjudicielle qui est d’assurer l’unité d’interprétation du droit de l’Union (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 49).

51      Contrairement à ce que semble considérer la juridiction de renvoi, il ne résulte pas des considérations qui précèdent que, afin de pouvoir considérer que l’interprétation correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable et s’abstenir, pour cette raison, de soumettre à la Cour une question d’interprétation de ce droit, une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours juridictionnel de droit interne doive « démontrer de manière circonstanciée » que la même évidence s’impose également aux juridictions des autres États membres et à la Cour.

52      En effet, il résulte de ces considérations que les juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne doivent apprécier sous leur propre responsabilité, de manière indépendante et avec toute l’attention requise, si elles se trouvent dans l’hypothèse visée au point 40 de la présente ordonnance (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 50).

53      À cet égard, lorsqu’une juridiction nationale statuant en dernier ressort considère se trouver dans cette hypothèse, les motifs de sa décision doivent faire apparaître que l’interprétation du droit de l’Union s’est imposée à cette juridiction avec une évidence ne laissant place à aucun doute raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 51).

54      Si une juridiction nationale statuant en dernier ressort, qui considère se trouver dans ladite hypothèse, a acquis, aux termes d’une appréciation qui tient compte des critères interprétatifs mentionnés aux points 42 à 47 de la présente ordonnance ainsi que des considérations exposées aux points 48 à 50 de celle-ci, la conviction que les autres juridictions de dernier ressort des États membres et la Cour partageraient son analyse, cette juridiction nationale peut s’abstenir de soumettre à la Cour une question d’interprétation du droit de l’Union et la résoudre sous sa propre responsabilité.

55      Quant à l’arrêt du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement (C‑379/15, EU:C:2016:603), auquel se réfère la juridiction de renvoi, il convient de relever que, si la Cour a jugé, au point 51 de cet arrêt, que la juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel doit saisir la Cour à titre préjudiciel lorsqu’elle possède le moindre doute en ce qui concerne l’interprétation ou l’application correcte du droit de l’Union, il ressort de ce point 51 que cette obligation ne s’impose que lorsqu’il est envisagé, dans un litige au principal, de mettre en œuvre la faculté exceptionnelle pour les juridictions nationales de décider de maintenir, dans les conditions qui ressortent de l’arrêt du 28 février 2012, Inter‑Environnement Wallonie et Terre wallonne (C41/11, EU:C:2012:103), certains effets d’un acte national incompatible avec le droit de l’Union.

56      De même, ce n’est qu’au regard de cette faculté exceptionnelle que la Cour a jugé, au point 52 de l’arrêt du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement (C‑379/15, EU:C:2016:603), que l’absence de doute raisonnable quant à l’exercice de celle-ci doit être démontrée de manière circonstanciée.

57      Or, il ne ressort pas des éléments soumis à la Cour que l’exercice de ladite faculté exceptionnelle soit en cause dans l’affaire au principal.

58      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 267 TFUE doit être interprété en ce sens qu’une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours juridictionnel de droit interne peut s’abstenir de soumettre à la Cour une question d’interprétation du droit de l’Union et la résoudre sous sa propre responsabilité lorsque l’interprétation correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable. L’existence d’une telle éventualité doit être évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit de l’Union, des difficultés particulières que présente son interprétation et du risque de divergences de jurisprudence au sein de l’Union. Cette juridiction nationale n’est pas tenue de prouver de manière circonstanciée que les autres juridictions de dernier ressort des États membres et la Cour effectueraient la même interprétation, mais doit avoir acquis, aux termes d’une appréciation qui tient compte de ces éléments, la conviction que la même évidence s’imposerait également à ces autres juridictions nationales et à la Cour.

 Sur la deuxième question

59      Conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque la Cour est manifestement incompétente pour connaître d’une affaire ou lorsqu’une demande ou une requête est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

60      Il convient de faire application de ladite disposition dans la présente affaire, s’agissant de la deuxième question.

61      Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 267 TFUE, lu à la lumière des principes d’indépendance des juges et de durée raisonnable de la procédure, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui permet d’engager la responsabilité civile et disciplinaire d’une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours juridictionnel de droit interne, lorsque cette juridiction a examiné et rejeté la demande, formulée par l’une des parties au litige devant elle, visant à ce que ladite juridiction saisisse la Cour à titre préjudiciel d’une question relative à l’interprétation du droit de l’Union.

62      Selon une jurisprudence constante de la Cour, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour, lesquelles bénéficient d’une présomption de pertinence. Partant, dès lors que la question posée porte sur l’interprétation ou la validité d’une règle du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer, sauf s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, si le problème est de nature hypothétique ou encore si la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile à ladite question (arrêt du 5 mai 2022, Zagrebačka banka, C‑567/20, EU:C:2022:352, point 43 et jurisprudence citée).

63      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que le litige au principal a trait à l’annulation d’un acte administratif portant suspension de l’autorisation délivrée à un opérateur économique pour l’exploitation d’un entrepôt commercial et non à l’engagement de la responsabilité civile et disciplinaire d’une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours juridictionnel de droit interne.

64      Dès lors, il apparaît de manière manifeste que la deuxième question n’a aucun rapport avec l’objet du litige au principal.

65      Il s’ensuit que la deuxième question est manifestement irrecevable.

 Sur la troisième question

66      Il ressort de la décision de renvoi que la troisième question n’est posée qu’en cas de réponse affirmative à la première question. Au vu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question.

 Sur les dépens

67      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :

L’article 267 TFUE doit être interprété en ce sens qu’une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours juridictionnel de droit interne peut s’abstenir de soumettre à la Cour une question d’interprétation du droit de l’Union et la résoudre sous sa propre responsabilité lorsque l’interprétation correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable. L’existence d’une telle éventualité doit être évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit de l’Union, des difficultés particulières que présente son interprétation et du risque de divergences de jurisprudence au sein de l’Union européenne.

Cette juridiction nationale n’est pas tenue de prouver de manière circonstanciée que les autres juridictions de dernier ressort des États membres et la Cour effectueraient la même interprétation, mais doit avoir acquis, aux termes d’une appréciation qui tient compte de ces éléments, la conviction que la même évidence s’imposerait également à ces autres juridictions nationales et à la Cour.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

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