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Document 62016TJ0693(01)

Judgment of the General Court (Fourth Chamber) of 15 December 2021 (Extracts).
HG v European Commission.
Case T-693/16 P RENV-RX.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2021:895

 ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

15 décembre 2021 ( *1 )

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Affectation dans un pays tiers – Logement familial mis à disposition par l’administration – Non-respect de l’obligation d’y résider en famille – Procédure disciplinaire – Sanction disciplinaire de suspension d’avancement d’échelon – Réparation du préjudice subi par l’Union – Article 22 du statut – Rejet du recours au fond – Annulation sur pourvoi – Arrêt sur pourvoi réexaminé par la Cour et annulé – Renvoi au Tribunal »

Dans l’affaire T‑693/16 P-RENV-RX,

HG, représenté par Me L. Levi, avocate,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée par M. T. Bohr, en qualité d’agent, assisté de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse en première instance,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 19 juillet 2016, HG/Commission (F‑149/15, EU:F:2016:155), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur), P. Nihoul, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu l’arrêt de la Cour du 26 mars 2020,

à la suite de l’audience du 17 juin 2021,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

[omissis]

2

Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, HG, fonctionnaire de la Commission européenne, demande l’annulation de l’arrêt attaqué par lequel le Tribunal de la fonction publique a rejeté son recours tendant, d’abord, à titre principal, à l’annulation de la décision de la Commission, du 10 février 2015, lui infligeant la sanction disciplinaire de suspension d’avancement d’échelon pour une durée de 18 mois et le condamnant à réparer le préjudice qu’aurait subi de son fait la Commission à hauteur de 108596,35 euros (ci-après la « décision litigieuse ») et, pour autant que de besoin, à l’annulation de la décision de rejet de sa réclamation à l’encontre de la décision litigieuse, ensuite, à titre subsidiaire, à la réduction de la sanction financière contenue dans cette décision et, enfin, à la condamnation de la Commission à la réparation du préjudice moral et du préjudice de réputation qu’il aurait subis, évalués à 20000 euros, ainsi qu’à sa condamnation aux dépens.

[omissis]

Procédure et conclusions des parties

[omissis]

39

Le premier arrêt sur pourvoi, annulant l’arrêt attaqué au motif de l’irrégularité de la composition de la formation de jugement du Tribunal de la fonction publique ayant statué, a été rendu à la suite de cette procédure, mais il a lui-même été annulé par la Cour, ainsi que cela est exposé aux points 1 et 3 ci-dessus, et le pourvoi a été renvoyé au Tribunal. De ce fait, l’affaire qui avait été renvoyée au Tribunal en vertu du premier arrêt sur pourvoi afin qu’il statue sur le recours introduit par le requérant devant le Tribunal de la fonction publique (affaire T‑440/18 RENV) a été close par décision du greffe du 26 mars 2020.

[omissis]

45

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 17 juin 2021. La phase orale de la procédure a été close le même jour.

46

Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler l’arrêt attaqué ;

annuler la décision litigieuse ;

pour autant que de besoin, annuler la décision de rejet de la réclamation ;

à titre subsidiaire, réduire la sanction financière contenue dans la décision litigieuse ;

condamner la Commission à la réparation de son préjudice moral et de réputation à hauteur de 20000 euros ;

condamner la Commission à l’ensemble des dépens des deux instances.

47

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le pourvoi ;

condamner le requérant aux entiers dépens.

En droit

Sur le pourvoi

[omissis]

Sur les moyens avancés à l’encontre de l’arrêt attaqué en ce qui concerne la responsabilité financière du requérant retenue dans la décision litigieuse

[omissis]

– Sur le moyen tiré d’erreurs de droit commises par le juge du fond en ce qui concerne la responsabilité financière du requérant retenue dans la décision litigieuse

83

Le requérant expose tout d’abord, au point 11 du pourvoi, que, en examinant ses arguments « sur l’absence de matérialité des atteintes alléguées au devoir de loyauté », le Tribunal de la fonction publique a, au point 151 de l’arrêt attaqué, estimé que, puisque l’obligation de loyauté d’un fonctionnaire de l’Union à l’égard de celle-ci s’impose de manière générale et objective, peu importaient les raisons ayant amené le requérant à violer cette obligation, à supposer ces raisons établies. Or, selon le requérant, lorsqu’elle applique l’article 22 du statut susceptible de fonder la responsabilité financière d’un fonctionnaire à l’égard de l’Union en raison de fautes personnelles graves qu’il a commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, l’AIPN devrait tenir compte d’éventuelles circonstances atténuantes pouvant se trouver dans les raisons expliquant le manquement de ce fonctionnaire. À défaut, le principe de proportionnalité serait violé. En jugeant que les raisons expliquant son comportement n’avaient pas d’importance, le Tribunal de la fonction publique aurait donc commis une erreur de droit, tant au regard de l’article 22 du statut qu’au regard du principe de proportionnalité.

[omissis]

86

L’article 22, premier alinéa, du statut prévoit que « [l]e fonctionnaire peut être tenu de réparer en totalité ou en partie le préjudice subi par l’Union en raison de fautes personnelles graves qu’il aurait commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ».

[omissis]

90

L’article 11, premier alinéa, première phrase, du statut, d’après laquelle « [l]e fonctionnaire doit s’acquitter de ses fonctions et régler sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts de l’Union » consacre le devoir de loyauté des fonctionnaires de l’Union à l’égard de celle-ci. Ce devoir est explicitement mentionné dans la suite du même alinéa, à la troisième phrase, qui précise que le fonctionnaire remplit les fonctions qui lui sont confiées de manière objective et impartiale et dans le respect de son devoir de loyauté envers l’Union. Ce devoir est également explicitement mentionné à l’article 17 bis du statut concernant les limites à la liberté d’expression des fonctionnaires. Les modalités du respect du devoir de loyauté sont précisées au regard de certains aspects ou de certaines circonstances dans plusieurs dispositions du statut comme les articles 12, 12 ter ou 17 bis.

[omissis]

93

La question est donc de savoir si les raisons qui peuvent conduire un fonctionnaire à avoir un comportement dicté en tout ou partie par d’autres intérêts que ceux de l’Union ou même un comportement opposé à ceux-ci, par exemple la volonté de nuire, la corruption, l’indifférence, la motivation politique, la volonté de se procurer un avantage ou d’en procurer à d’autres, une pression extérieure insurmontable, un impératif personnel, doivent être prises en compte pour apprécier si un tel comportement constitue, ou non, une marque de déloyauté à l’égard de l’Union.

94

Au point 151 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a répondu par la négative en s’appuyant sur l’arrêt du 23 octobre 2013, Gomes Moreira/ECDC (F‑80/11, EU:F:2013:159). Dans cet arrêt, il a été jugé, en substance, aux points 65 et 66, que la constatation d’un manquement à plusieurs obligations statutaires visant notamment à assurer la loyauté des fonctionnaires ne dépendait pas de la circonstance que le fonctionnaire concerné ait causé un préjudice à l’Union ou que son comportement ait suscité des plaintes. Cette appréciation était appuyée elle-même sur un précédent jurisprudentiel (arrêt du 3 juillet 2001, E/Commission, T‑24/98 et T‑241/99, EU:T:2001:175, point 76) dans lequel il a été jugé qu’il n’était pas nécessaire que le fonctionnaire concerné ait cherché à profiter personnellement de son comportement ou que ce dernier ait causé un préjudice à l’institution pour constater un manquement à plusieurs obligations du même ordre. Dans une autre affaire, ayant donné lieu à l’arrêt du 19 mars 1998, Tzoanos/Commission (T‑74/96, EU:T:1998:58, point 66), elle-même invoquée comme précédent jurisprudentiel dans l’arrêt du 3 juillet 2001, E/Commission (T‑24/98 et T‑241/99, EU:T:2001:175), s’agissant d’un possible manquement à l’obligation, pour un fonctionnaire, de demander une autorisation pour exercer une activité extérieure, qui relève de l’obligation de loyauté et qui a une portée générale, il a été jugé que, pour apprécier l’existence d’un tel manquement, il était superflu de savoir si cette activité pouvait engendrer un conflit d’intérêts compte tenu des fonctions exercées par ce fonctionnaire.

95

Contrairement à ce qu’a estimé le Tribunal de la fonction publique, il ne ressort pas de tels précédents que les raisons qui ont conduit un fonctionnaire à adopter un comportement enfreignant certaines de ses obligations envers l’Union ne doivent en aucun cas être prises en considération pour déterminer s’il a été déloyal à l’égard de celle-ci.

96

Certes, si certaines circonstances sont par nature indifférentes à ce propos, comme les circonstances identifiées dans les arrêts mentionnés au point 94 ci-dessus, la question de savoir si un comportement a été déloyal dépend précisément du contexte dans lequel il s’est inscrit. Par exemple, un fonctionnaire peut croire agir en vue des intérêts de l’Union dans l’exercice de ses fonctions, mais agir en réalité contre eux parce qu’il est dépassé par une situation particulièrement complexe et inédite, ce qui ne traduit pas nécessairement un manque de loyauté de sa part même si à un moment donné il a perdu de vue les intérêts de l’Union. Un problème personnel grave d’un fonctionnaire peut lui faire passer momentanément au second plan les intérêts de l’Union dans le cadre de sa conduite, sans que, en fonction des circonstances, il puisse toujours lui être reproché un manque de loyauté de ce fait. Inversement, si un fonctionnaire fait valoir qu’il a méconnu les intérêts de l’Union parce qu’il a été dépassé par la situation, ou qu’il a fait passer les intérêts de l’Union au second plan par rapport à des problèmes personnels graves, il n’est pas indifférent de savoir, pour apprécier sa loyauté envers l’Union, s’il a rendu compte à la hiérarchie de ses difficultés et quelle attitude il a adoptée dans ce contexte.

97

Ainsi, apprécier la loyauté d’une personne, c’est apprécier son comportement à l’égard de l’entité ou de la personne à laquelle cette loyauté est due en fonction du contexte. L’article 11, premier alinéa, première phrase, du statut qui dispose que « [l]e fonctionnaire doit s’acquitter de ses fonctions et régler sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts de l’Union » prescrit à ce sujet un comportement général caractérisant la loyauté à l’égard de l’Union, mais n’en constitue pas une définition absolue écartant la prise en compte du contexte dans lequel doit être appréciée cette loyauté, exigée sur le fondement de l’article 11, premier alinéa, troisième phrase, du statut, dans laquelle est mentionnée l’obligation des fonctionnaires de l’Union de remplir leurs fonctions dans « le respect [du] devoir de loyauté envers l’Union ».

98

À cet égard, dans les arrêts sur lesquels s’est appuyé, directement ou indirectement, le Tribunal de la fonction publique au point 151 de l’arrêt attaqué, l’appréciation selon laquelle, en substance, diverses obligations statutaires s’imposent de manière générale et objective vise ces obligations proprement dites, mais ne signifie pas que, d’un point de vue plus général, la loyauté ou la déloyauté d’un fonctionnaire de l’Union doit s’apprécier indépendamment des circonstances dans lesquelles il a adopté un comportement donné et des raisons pour lesquelles il a adopté un tel comportement. Le Tribunal de la fonction publique a donc commis une erreur de droit en jugeant que les raisons ayant motivé la conduite du requérant étaient indifférentes pour constater l’atteinte portée à son devoir de loyauté.

99

En outre, c’est à juste titre que le requérant soutient que, pour qualifier, dans le cadre de l’application de l’article 22 du statut, le comportement d’un fonctionnaire de constitutif d’une faute personnelle grave, l’AIPN doit tenir compte des circonstances et ne peut se contenter de constater que le fonctionnaire en cause a méconnu des règles s’imposant à lui, ou autrement dit, ne peut se contenter de constater qu’il a manqué à certaines de ses obligations.

[omissis]

102

Dans le cadre du contrôle de légalité, le juge du fond peut, pour rejeter des moyens ou des arguments d’une partie requérante, s’appuyer sur des constatations, des appréciations et des qualifications retenues dans l’acte attaqué, si celles-ci sont légales, et motiver en outre le rejet de ces moyens et ces arguments par ses propres considérations juridiques (voir, en ce sens, ordonnance du 27 septembre 2004, UER/M6 e.a., C‑470/02 P, non publiée, EU:C:2004:565, points 69 et 70, et arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 65). En revanche, dans le cadre du contrôle de légalité, le juge du fond ne peut substituer sa propre appréciation ou motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué pour justifier celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 27 janvier 2000, DIR International Film e.a./Commission, C‑164/98 P, EU:C:2000:48, point 38, et du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, points 88 et 89). Cependant, lorsqu’il exerce une compétence de pleine juridiction, comme, sur le fondement de l’article 91, paragraphe 1, du statut, dans les litiges de caractère pécuniaire entre l’Union et ses fonctionnaires et en particulier, sur le fondement de l’article 22, troisième alinéa, du statut, dans les litiges relatifs à la responsabilité financière des fonctionnaires envers l’Union, le juge du fond peut lui-même tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire et, donc, apporter à cet égard sa propre appréciation ou motivation pour justifier le paiement d’une somme par une partie à l’autre partie (voir, en ce sens, arrêts du 27 octobre 1987, Houyoux et Guery/Commission, 176/86 et 177/86, EU:C:1987:461, point 16, et du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C‑583/08 P, EU:C:2010:287, point 44 et jurisprudence citée).

103

En l’espèce, il doit être constaté que, en indiquant, au point 159 de l’arrêt attaqué, que la situation du requérant était irrégulière dès septembre 2008, le Tribunal de la fonction publique a repris une appréciation figurant dans la décision litigieuse aux considérants 22 et 37. Or, la reprise de cette appréciation ne visait, ainsi qu’il ressort du point 160 de l’arrêt attaqué, qu’à réfuter les arguments du requérant sur l’évaluation du préjudice qu’il avait pu faire subir à l’Union, dont il contestait toute existence jusqu’en septembre 2009, mais ne visait pas, contrairement à ce que soutient le requérant, à affirmer que les conditions d’application de l’article 22 du statut étaient réunies dès septembre 2008. Ce faisant, le Tribunal de la fonction publique n’a donc ni qualifié de faute personnelle grave le comportement du requérant entre septembre 2008 et décembre 2008 ni, d’ailleurs, fait croire qu’une faute personnelle grave avait été retenue par l’AIPN pour une période commençant dès septembre 2008 et n’a donc pas dénaturé le dossier à ce propos comme le soutient aussi le requérant au point 14 du pourvoi.

104

Par ailleurs, en indiquant, au même point 159 de l’arrêt attaqué, que la délégation avait été privée à partir de janvier 2009 de la possibilité d’utiliser le logement de fonction du requérant à de nouvelles fins, le Tribunal de la fonction publique a certes ajouté, même en tenant compte de la décision de rejet de la réclamation du requérant, un motif par rapport à la décision litigieuse dans laquelle il était seulement indiqué que le préjudice résultait de la prise en charge par l’Union du coût de la location injustifiée de l’appartement familial mis à la disposition du requérant. Néanmoins, ce motif supplémentaire avancé par le Tribunal de la fonction publique consiste seulement à dire que le comportement du requérant n’a pas permis de diminuer le préjudice identifié dans la décision litigieuse, mais n’identifie pas un préjudice supplémentaire. De plus, cette appréciation peut relever de l’exercice du pouvoir de pleine juridiction du Tribunal de la fonction publique concernant la responsabilité financière du requérant, pouvoir que celui-ci lui avait au demeurant demandé d’exercer. Dès lors, l’erreur de droit, tirée de ce que le Tribunal de la fonction publique aurait identifié au point 159 de l’arrêt attaqué un nouveau préjudice hypothétique non susceptible d’engager la responsabilité financière du requérant, n’est pas établie. Il doit également être constaté que le motif supplémentaire avancé par le Tribunal de la fonction publique ne saurait révéler une dénaturation du dossier telle que définie au point 67 ci-dessus.

105

Le requérant estime ensuite, aux points 21 à 23 du pourvoi, qu’en examinant ses arguments sur la « violation de la prescription quinquennale ou du délai raisonnable », le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit en jugeant que la prescription de cinq ans prévue à l’article 85, second alinéa, du statut, invoquée dans la requête, ne s’appliquait pas à sa situation.

[omissis]

107

Aux points 167 et 168 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique, en s’appuyant sur l’arrêt du 27 janvier 2016, DF/Commission, (T‑782/14 P, EU:T:2016:29, point 54), a souligné que l’article 85 du statut vise la répétition des sommes indûment perçues par un fonctionnaire et que, en l’occurrence, le requérant n’avait reçu aucune somme de la part de l’institution, mais lui avait causé un préjudice financier, et que les sommes versées par celle-ci au bailleur n’étaient pas indues.

[omissis]

109

Sur le fond, il y a lieu de souligner que l’arrêt du 27 janvier 2016, DF/Commission (T‑782/14 P, EU:T:2016:29), invoqué par le Tribunal de la fonction publique, mentionné au point 107 ci-dessus, ne permet pas de considérer que l’article 85 du statut ne s’applique pas à une situation dans laquelle un avantage en nature est accordé. En effet, en indiquant, au point 54 de cet arrêt, rendu dans une affaire dans laquelle le fonctionnaire requérant, auquel le remboursement d’une indemnité non due était réclamé, arguait qu’il ne pourrait pas récupérer la partie transférée à son ex-épouse dans le cadre d’une pension alimentaire, le Tribunal s’est limité à juger que l’article 85 du statut ne concerne que la relation financière entre le fonctionnaire ayant bénéficié des versements irréguliers et l’institution concernée, peu important les éventuelles conséquences de la répétition pour le fonctionnaire à l’égard d’autres personnes qui avaient pu bénéficier directement ou indirectement des versements irréguliers faisant l’objet de la récupération par cette institution, ces questions relevant du droit privé. Par conséquent, ledit arrêt ne se prononce pas sur la question de savoir si un avantage en nature, comme la fourniture d’un appartement de fonction, peut être considéré comme faisant partie de la relation financière entre un fonctionnaire et son institution et peut faire l’objet d’une action en répétition de l’indu. D’ailleurs, rien ne s’oppose à ce qu’un avantage en nature indu, qui équivaut au versement indirect d’une somme, fasse l’objet d’une répétition. À défaut, les institutions ne pourraient jamais obtenir le remboursement de ces avantages indus, sauf à engager la procédure prévue à l’article 22 du statut et à prouver la faute personnelle grave des fonctionnaires concernés, ce qui serait inadapté à un certain nombre de circonstances et conduirait à une inégalité de traitement entre les fonctionnaires ayant bénéficié d’un avantage indu sous la forme du versement direct d’une somme d’argent et ceux ayant bénéficié d’un avantage indu sous la forme d’un avantage en nature. Aussi, en jugeant que, dès lors que le requérant n’avait reçu directement aucune somme de son institution, il ne pouvait invoquer l’article 85 du statut, le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit.

110

Toutefois, si les motifs d’un arrêt du juge du fond révèlent une violation du droit de l’Union, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté. La même approche vaut à l’égard de l’analyse par le juge du fond d’un moyen de la requête, ou d’une branche de moyen de la requête, pris de manière isolée (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 1992, Lestelle/Commission, C‑30/91 P, EU:C:1992:252, points 27 à 29).

111

En l’occurrence, le Tribunal de la fonction publique a également rappelé, au point 167 de l’arrêt attaqué, que, par son comportement, le requérant avait causé un préjudice financier à son institution. Ce rappel conduit à souligner que la responsabilité financière du requérant n’a pas été établie par l’AIPN sur le fondement de l’article 85 du statut concernant la répétition de l’indu sur la base de la constatation d’un avantage indu, mais sur le fondement de l’article 22 du statut concernant la réparation des préjudices subis par l’Union en raison de fautes personnelles graves commises par ses fonctionnaires dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, sur la base de l’identification d’un préjudice causé à l’Union du fait d’une faute personnelle grave du requérant.

112

Il doit être souligné que les conditions de recours à l’article 85 et à l’article 22 du statut sont nettement différentes, de même que leur contexte. La décision de répétition de l’indu suppose seulement, aux termes de l’article 85 du statut, la démonstration qu’une somme ou un avantage équivalent a été irrégulièrement fourni au fonctionnaire concerné et que celui-ci avait connaissance de cette irrégularité ou qu’elle était si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance, alors que la décision d’obliger à la réparation d’un préjudice sur le fondement de l’article 22 du statut suppose la démonstration d’une faute personnelle grave du fonctionnaire à l’origine de ce préjudice. La décision de répétition de l’indu peut être adoptée, après, le cas échéant, avoir recueilli des éléments de fait ou des observations du fonctionnaire concerné, dès que la démonstration des conditions prévues à l’article 85 du statut est faite, alors que la décision d’obliger à la réparation d’un préjudice sur le fondement de l’article 22 du statut ne peut être adoptée, en vertu du deuxième alinéa de cette disposition, qu’après observation des formalités prescrites en matière disciplinaire, c’est-à-dire, compte tenu de la nécessité de caractériser une faute grave, en principe à la suite d’une enquête, d’une procédure devant le conseil de discipline et de la phase contradictoire finale avec l’AIPN, ainsi que cela est prévu à l’annexe IX du statut. Ces différences dans la nature et dans les conditions de fond et d’adoption des décisions en question justifient que l’AIPN puisse, en fonction des circonstances, agir au titre de l’article 22 du statut alors qu’elle aurait pu agir au titre de l’article 85 du statut, même si les règles ou les principes en matière de délais ne sont pas identiques dans les deux cas, ce qui peut au demeurant aussi se justifier par ces différences.

113

Eu égard aux motifs figurant aux points 111 et 112 ci-dessus, la règle de prescription spécifique à l’article 85 du statut, invoquée par le requérant, a été écartée à juste titre par le Tribunal de la fonction publique.

114

Le requérant estime ensuite, aux points 24 et 25 du pourvoi, que, en examinant ses arguments sur la « violation de la prescription quinquennale ou du délai raisonnable », le Tribunal de la fonction publique a également commis des erreurs de droit en rejetant les arguments subsidiaires de la requête selon lesquels, si la prescription quinquennale prévue à l’article 85, second alinéa, du statut ne s’appliquait pas, il y aurait lieu de tenir compte, « comme paramètre également du délai raisonnable » pour l’application de l’article 22 du statut, de la prescription quinquennale établie à l’article 81 du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).

[omissis]

127

Il y a lieu de relever que, en l’espèce, tant le requérant que le Tribunal de la fonction publique se sont mépris sur le champ d’application de la loi en invoquant respectivement, au point 130 de la requête, les dispositions de l’article 81 du règlement no 966/2012 pour exciper d’une prescription ou du non-respect d’un délai raisonnable et, au point 170 de l’arrêt attaqué, celles de l’article 93, paragraphe 2, du règlement délégué no 1268/2012, prises pour l’application des premières, pour exciper de l’interruption du délai invoqué.

128

En effet, au sein du règlement no 966/2012, qui était le règlement fixant les règles financières applicables au budget général de l’Union au moment de l’adoption de la décision litigieuse, l’article 81 figure dans le chapitre « Opérations de recettes » et suit, dans le même chapitre, les articles 78, 79 et 80 qui établissent respectivement les principes selon lesquels les créances sont constatées, leur recouvrement est ordonné et leur recouvrement est effectué. Cet article 81 dispose notamment, en son paragraphe 1er, que, sans préjudice de dispositions particulières, non pertinentes en l’espèce, les créances détenues par l’Union sur des tiers sont soumises à un délai de prescription de cinq ans et, en son paragraphe 2, que la Commission est habilitée à adopter des actes délégués en ce qui concerne l’établissement de règles détaillées en matière de délai de prescription. L’article 80 du règlement délégué no 1268/2012, pris pour l’application de l’article 78 du règlement no 966/2012, dispose, en son paragraphe 3, que l’ordonnateur qui a constaté une créance en informe le débiteur par une note de débit, cette dernière devant préciser la date limite de paiement à partir de laquelle des intérêts de retard seront exigibles si la dette n’est pas encore honorée. L’article 93 du règlement délégué no 1268/2012, pris pour l’application de l’article 81 du règlement no 966/2012, dispose notamment, en son paragraphe 1er, que le délai de prescription pour les créances détenues par l’Union sur des tiers commence à courir à compter de cette date limite de paiement et, en son paragraphe 2, que ce délai est interrompu par tout acte d’une institution, ou d’un État membre agissant à la demande d’une institution, notifié au tiers et visant au recouvrement de la créance.

129

Il en ressort qu’en l’état du droit applicable à la présente affaire, la prescription invoquée par le requérant, fondée sur l’article 81 du règlement no 966/2012, ne peut concerner qu’une phase postérieure à la constatation de la créance, commençant plus précisément à la date limite de paiement mentionnée dans la note de débit envoyée au tiers débiteur et ne peut donc pas être opposée en ce qui concerne les phases précédentes aboutissant à la constatation de la créance (voir, par analogie, arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, points 86 à 89). Or, en l’espèce, c’est le délai entre la survenance des faits générateurs de la créance et le moment où cette dernière a été établie avec la décision litigieuse, donc avant même sa constatation au sens de l’article 78 du règlement no 966/2012, que le requérant estime excessif. Par conséquent, que ce soit par application directe ou même comme paramètre du délai raisonnable, le délai de prescription de cinq ans prévu à l’article 81 du règlement no 966/2012 ne pouvait s’appliquer au bénéfice du requérant.

130

Le Tribunal de la fonction publique a, par conséquent, avancé de manière erronée les dispositions de l’article 93, paragraphe 2, du règlement délégué no 1268/2012, dispositions d’application de l’article 81 du règlement no 966/2012, en réponse à l’argumentation du requérant concernant la prescription fondée sur ce dernier article. Néanmoins, la conclusion à laquelle est parvenue le Tribunal de la fonction publique selon laquelle la créance relative aux loyers en cause n’était pas prescrite en vertu des règles relevant de la réglementation financière est néanmoins fondée pour les motifs de droit exposés au point 129 ci-dessus.

131

Dans ces conditions, eu égard aux considérations exprimées au point 110 ci-dessus concernant la possibilité de substitution de motifs de droit par le juge du pourvoi et au fait que le requérant n’a pas avancé dans son pourvoi d’autres arguments visant à critiquer l’analyse faite par le Tribunal de la fonction publique du moyen de la requête tiré de la violation de la prescription quinquennale ou du délai raisonnable, il y a lieu de rejeter le moyen du pourvoi tiré d’erreurs de droit en ce qui concerne la responsabilité financière du requérant, pour autant qu’il porte sur l’application de l’article 81 du règlement no 966/2012.

[omissis]

Sur les moyens avancés à l’encontre de l’arrêt attaqué en ce qui concerne les vices de procédure et la violation des droits de la défense allégués devant le juge du fond

[omissis]

– Sur le moyen tiré d’erreurs de droit commises par le juge du fond en ce qui concerne les vices de procédure et la violation des droits de la défense allégués devant lui

[omissis]

156

Au point 28 du pourvoi, le requérant conteste, d’abord, l’appréciation de principe portée au point 70 de l’arrêt attaqué en arguant que les griefs retenus contre un fonctionnaire ne sauraient évoluer en cours de procédure en étant adaptés en fonction de ses réponses, non pour être allégés, mais pour maintenir coûte que coûte une procédure disciplinaire à son égard. Cette façon d’agir ne permettrait pas au fonctionnaire concerné de se défendre en temps utile. Le Tribunal de la fonction publique aurait donc commis une erreur de droit.

[omissis]

159

S’agissant des arguments du pourvoi relatés au point 156 ci-dessus concernant l’appréciation de principe citée à la fin du point 155 ci-dessus, il ressort de l’annexe IX du statut relative à la procédure disciplinaire que celle-ci est précédée d’une phase d’enquête, conduite par l’OLAF ou par l’AIPN, laquelle peut disposer d’un service spécialisé à cet égard comme l’IDOC au sein de la Commission. Ce n’est qu’à l’issue de cette phase d’enquête, ainsi que cela est prévu à l’article 3 de la même annexe, que la procédure disciplinaire est le cas échéant ouverte, avec ou sans consultation du conseil de discipline selon le degré de sanction envisageable. Par conséquent, dans le cas où le conseil de discipline est consulté, c’est dans le rapport de l’AIPN accompagnant la saisine de celui-ci qu’est définie la faute alléguée du fonctionnaire en cause, ainsi que le confirme l’article 12, paragraphe 1, de la même annexe d’après lequel ce rapport « doit indiquer clairement les faits reprochés et, s’il y a lieu, les circonstances dans lesquelles ils ont été commis, y compris toutes les circonstances aggravantes ou atténuantes ». C’est relativement à la faute identifiée dans ce rapport, transmis au fonctionnaire concerné en application de l’article 12, paragraphe 2, de la même annexe, que son comportement va être apprécié, tant par le conseil de discipline que par l’AIPN, au regard également des éléments complémentaires apportés pendant cette phase disciplinaire, et que va le cas échéant lui être infligée une sanction. C’est relativement à cette même faute, que lui reproche l’AIPN après enquête, que le fonctionnaire concerné va pouvoir continuer à exercer ses droits de la défense selon les modalités prévues aux articles 12 à 22 de la même annexe, notamment en prenant connaissance de l’ensemble du dossier et en présentant des observations écrites et verbales au conseil de discipline et, après que celui-ci a rendu son avis, à l’AIPN. Par conséquent, d’éventuels ajustements concernant le contenu de la faute pendant la phase d’enquête, au cours de laquelle les services chargés de l’enquête entreprennent celle-ci sur la base d’une faute possible, ne sauraient constituer une atteinte aux droits de la défense, ainsi que l’a jugé à bon droit le Tribunal de la fonction publique, y compris d’ailleurs si, compte tenu des investigations conduites, la faute identifiée en fin d’enquête est plus étendue ou plus grave que la faute éventuelle initialement cernée. À cet égard, les articles 1er et 2 de l’annexe IX du statut, qui concernent tous deux la phase d’enquête, indiquent que lorsque la possibilité qu’un fonctionnaire soit impliqué dans une affaire apparaît, ce dernier en est informé pour autant que cela ne nuise pas au déroulement de l’enquête. Cela n’oblige aucunement à cristalliser la faute possible dès le début des investigations (voir, en ce sens, arrêt du 15 mai 1997, N/Commission, T‑273/94, EU:T:1997:71, point 79). L’erreur de droit alléguée dans le pourvoi à l’égard du point 70 de l’arrêt attaqué n’est donc pas établie.

[omissis]

162

Néanmoins, les motifs mentionnés au point 161 ci-dessus ne suffisent pas, en droit, pour rejeter la critique du requérant sur l’absence, dans le dossier transmis par l’AIPN au conseil de discipline et dans son dossier individuel, auxquels il a eu accès, du résultat de la mesure d’instruction effectuée par l’IDOC relative à l’existence de cette règle de non-attribution d’un logement de fonction dans des circonstances que le requérant aurait rencontrées.

163

Il doit, à cet égard, être souligné que cette mesure d’instruction a effectivement été exécutée, ainsi qu’il ressort de la décision de rejet de la réclamation du requérant par l’AIPN du 10 septembre 2015, indiquant que « les échanges avec le SEAE n’ont pas permis de confirmer avec certitude l’existence d’une telle règle et pratique au sein du SEAE » et que « l’existence d’une telle règle [n’est] pas avérée ». Le requérant a lui-même fait état, dans sa réclamation contre la décision litigieuse, d’une explication similaire donnée par les représentants de l’AIPN lors de la séance du conseil de discipline. [A 23 F, page 253] Or, l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut dispose que dès réception du rapport de l’AIPN au conseil de discipline, le fonctionnaire concerné a le droit d’obtenir communication intégrale de son dossier individuel et de prendre copie de toutes les pièces de la procédure. Cette disposition vise à assurer le respect des droits de la défense une fois la phase d’enquête terminée. Il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être observé même s’il s’agit d’une procédure de caractère administratif (arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 9). Il a, en outre, été jugé que, dans le cadre d’une procédure disciplinaire, le fonctionnaire concerné doit avoir la possibilité de prendre position sur tout document qu’une institution entend utiliser contre lui, sauf, pour ce qui est de la légalité de la décision prise à l’issue de cette procédure, à ce que ce document ne soit en définitive pas déterminant (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2001, E/Commission, T‑24/98 et T‑241/99, EU:T:2001:175, points 92 et 93). L’article 13, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut participe aussi, désormais, au respect du principe énoncé à l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la charte des droits fondamentaux, visant à assurer le droit à une bonne administration, selon lequel toute personne a un droit d’accès au dossier qui la concerne. Il en résulte qu’une mesure d’instruction des services d’enquête, quel qu’en soit le résultat, doit faire partie du dossier transmis au conseil de discipline et à l’intéressé. En l’occurrence, il doit de plus être observé : d’abord, que l’AIPN a utilisé, lors de la séance du conseil de discipline, le résultat de cette mesure d’instruction en indiquant que l’existence de la règle invoquée par le requérant n’était pas confirmée, ceci sans avoir donné préalablement connaissance au requérant de ce résultat dans le dossier ; ensuite, que le conseil de discipline a, en substance, au considérant 38 de son avis, repris cette conclusion ; enfin, que cette conclusion a encore été répétée dans la décision de rejet de la réclamation du requérant par l’AIPN du 10 septembre 2015. Il ne peut pas être exclu que si le requérant avait pu prendre connaissance, une fois le conseil de discipline saisi, de la teneur de la mesure d’instruction effectuée par l’IDOC, il aurait pu, surtout si celle-ci s’était avérée succincte, faite de manière informelle ou peu documentée, approfondir son argumentation à ce propos et, par exemple, demander, de manière plus convaincante que dans sa note au conseil de discipline du 23 septembre 2014, une reprise des investigations à ce sujet, notamment en demandant une enquête contradictoire ordonnée par le conseil de discipline sur le fondement de l’article 17, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut.

[omissis]

169

En jugeant, au point 80 de l’arrêt attaqué, que les griefs du requérant sur l’appréciation des faits par le conseil de discipline étaient inopérants, le Tribunal de la fonction publique a en effet commis une erreur de droit.

170

Lorsque la procédure disciplinaire comporte l’intervention du conseil de discipline, c’est-à-dire, compte tenu des dispositions des articles 3 et 11 de l’annexe IX du statut, lorsque l’AIPN ouvre une procédure disciplinaire en envisageant qu’elle puisse conduire à infliger une sanction plus sévère que l’avertissement par écrit ou le blâme, cette intervention constitue un élément essentiel de la procédure, car elle constitue le moment d’un débat contradictoire approfondi avec, éventuellement, la conduite d’une enquête complémentaire à celles déjà diligentées antérieurement et car l’AIPN se prononce ensuite en tenant compte des travaux du conseil de discipline, c’est-à-dire en tenant compte de son avis motivé adopté à la majorité et même des opinions divergentes de certains de ses membres éventuellement exprimées, ainsi qu’il résulte des articles 12 à 18 de la même annexe. Le requérant souligne à juste titre à cet égard que lorsque l’AIPN s’écarte de l’avis du conseil de discipline, elle doit en exposer les motifs de manière circonstanciée, ainsi que l’a jugé à plusieurs reprises le Tribunal de la fonction publique (voir, en ce sens, arrêts du 3 juin 2015, Bedin/Commission, F‑128/14, EU:F:2015:51, point 29 ; du 18 juin 2015, CX/Commission, F‑27/13, EU:F:2015:60, points 57 et 58, et du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 147). Par conséquent, l’intervention du conseil de discipline constitue, lorsque celui-ci doit être saisi comme en l’espèce, une formalité substantielle de la procédure dont un fonctionnaire sanctionné à l’issue de cette procédure doit pouvoir en principe contester l’avis, lorsque l’AIPN reprend à son compte l’appréciation des faits par le conseil de discipline. D’ailleurs, la Cour a jugé que l’avis même du conseil de discipline pouvait faire l’objet d’une demande en annulation recevable (arrêt du 29 janvier 1985, F./Commission, 228/83, EU:C:1985:28, point 16). Dans le cas d’un recours, comme en l’espèce, demandant seulement l’annulation de la décision finale de l’AIPN infligeant une sanction, ce n’est dès lors que dans l’hypothèse où l’AIPN s’écarterait clairement, ou ne tiendrait clairement pas compte, dans sa décision finale, d’une appréciation portée par le conseil de discipline ou par l’un de ses membres qu’il pourrait être jugé qu’un moyen ou un grief porté à l’encontre de cette appréciation est inopérant, puisque l’acte attaqué est en effet la décision finale et non l’avis du conseil de discipline ou l’opinion de certains de ses membres. Dans les autres hypothèses, il serait excessivement formaliste d’exiger du requérant qu’il vise dans ses moyens et ses griefs des passages spécifiques de la décision litigieuse pour contester une appréciation émise dans le cadre des travaux du conseil de discipline alors que l’AIPN a tenu compte de cette appréciation pour arrêter sa décision.

[omissis]

Sur le recours en annulation de la décision litigieuse et sur les demandes accessoires

[omissis]

Sur le premier moyen de la requête, tiré de vices de procédure affectant les actes préparatoires à la décision litigieuse

[omissis]

239

Comme cela a déjà été exposé au point 147 ci-dessus, le requérant reproche au conseil de discipline, en premier lieu, au point 59 de la requête, de ne pas avoir statué sur la régularité de sa saisine et plus généralement sur les questions procédurales qu’il avait soulevées dans la note en défense qu’il lui avait adressée, mentionnée au point 19 ci-dessus.

240

À cet égard, c’est à juste titre que le conseil de discipline, aux points 1 et 2 de son avis, a exposé en substance qu’il ne lui appartenait pas de contrôler la régularité de la procédure d’enquête, mais seulement la régularité du déroulement de la procédure devant lui. En effet, comme l’a relevé le Tribunal de la fonction publique au point 78 de l’arrêt attaqué, aux termes de l’article 18 de l’annexe IX du statut, le rôle du conseil de discipline est d’émettre un avis motivé quant à la réalité des faits incriminés et, le cas échéant, quant à la sanction que les faits reprochés devraient selon lui entraîner. C’est à l’AIPN, habilitée à infliger une sanction au fonctionnaire concerné, de vérifier que la procédure d’enquête ainsi que la procédure disciplinaire dans son ensemble ont été régulières et, le cas échéant, au juge saisi d’un recours contre la décision adoptée par l’AIPN de le faire également. Pour sa part, le conseil de discipline doit, comme tout organe administratif ou consultatif, veiller à la régularité de la procédure devant lui, qui est une des phases de la procédure disciplinaire. Par ailleurs, s’il estime que préalablement à sa saisine, la procédure d’enquête a été insuffisante, il lui appartient de la compléter, au-delà des déclarations écrites ou verbales faites devant lui par le fonctionnaire concerné et par l’AIPN, par ses propres questions, voire par une enquête contradictoire, ainsi que cela est prévu à l’article 17 de l’annexe IX du statut. En l’occurrence, aux points 1 et 2 de son avis, le conseil de discipline a indiqué qu’il n’avait pas le pouvoir de condamner d’éventuelles irrégularités affectant la procédure antérieure à sa saisine, mais il s’est assuré que la note de l’IDOC du 31 octobre 2013, qui avait initié l’enquête relative à la responsabilité financière du requérant et qui devait faire partie du dossier transmis au conseil de discipline, avait pu faire l’objet d’observations de la part du requérant et il a rappelé qu’il avait pu lui-même en prendre connaissance en temps utile. Il y a par ailleurs lieu d’observer que, dans la requête, le requérant ne reproche pas au conseil de discipline de ne pas avoir mené d’investigations complémentaires, par voie de questions ou d’enquête. Il y a donc lieu de rejeter les arguments du requérant exposés au point 59 de la requête et rappelés au point 74 de l’arrêt attaqué, reprochant au conseil de discipline de ne pas avoir statué sur certaines irrégularités procédurales alléguées.

[omissis]

Sur les moyens de la requête concernant la responsabilité financière du requérant (quatrième branche du quatrième moyen et sixième moyen)

286

L’article 22 du statut dispose que le fonctionnaire de l’Union peut être tenu de réparer en totalité ou en partie le préjudice subi par l’Union en raison de fautes personnelles graves qu’il a commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

[omissis]

295

Le requérant savait que la situation de ne pas occuper avec sa famille un appartement de fonction d’une dimension prévue pour le logement de celle-ci, qu’il avait sollicité, était une situation qui ne pouvait perdurer, même si la cheffe d’administration de la délégation ne l’a pas forcé à remettre à disposition son logement de fonction. Il a admis, notamment lors de sa seconde audition par l’OLAF, que cette dernière avait insisté pour que sa famille le rejoigne dans cet appartement et il ne nie pas qu’un logement de fonction prévu pour être occupé en famille doit normalement l’être. À ce propos, les dispositions pertinentes de l’annexe X du statut et leurs modalités d’application ne peuvent être interprétées, ensemble avec la prise en compte des intérêts de l’Union, due par ses fonctionnaires aux termes de l’article 11 du statut, qu’en ce sens que le fonctionnaire qui a demandé un logement de fonction dimensionné pour les besoins de sa famille l’occupe avec sa famille ou fasse savoir qu’il doit y renoncer lorsque des difficultés persistantes empêchent, au-delà d’un délai raisonnable, l’emménagement de celle-ci. Pour le fonctionnaire concerné, c’est une question de loyauté.

296

En l’espèce, si un problème de vitrification défectueuse du parquet rendait l’aménagement familial impossible, ce qui aurait alors relevé de la responsabilité du propriétaire, il aurait fallu que le requérant refuse l’entrée dans les lieux ou entame une autre démarche appropriée auprès de la délégation afin que cette dernière puisse mettre le propriétaire face à ses responsabilités.

297

Enfin, même si la présence d’un ami « garde-appartement » a pu répondre à un souci du requérant que son appartement de fonction ne soit pas intempestivement occupé par des tiers, c’est uniquement parce que le requérant n’y résidait pas en permanence en raison du fait que sa famille ne l’y avait pas rejoint que cet arrangement de « garde-appartement » sur le long terme trouvait une justification.

298

Ainsi, aucune des raisons liées aux problèmes de santé de sa femme et de son enfant, à des désordres internes à l’appartement ou à l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation ne peuvent justifier le comportement personnel du requérant et ne sauraient établir qu’il est resté loyal à l’égard de l’Union à partir de janvier 2009, soit après les quatre premiers mois du bail, en ne proposant pas de renoncer à l’appartement de dimension familiale dont il bénéficiait et en le conservant pour son propre bénéfice, même s’il a fait preuve d’une certaine transparence sur la situation envers la cheffe d’administration de la délégation.

[omissis]

300

À ce stade de l’analyse, il doit donc être admis, compte tenu de la dépense d’argent public sans nécessité entraînée par l’attitude du requérant et de son maintien dans son appartement de fonction au-delà d’un délai raisonnable, que l’AIPN a retenu à juste titre que la faute personnelle du requérant présentait un caractère grave, puisque de janvier 2009, quatre mois après le début du bail, jusqu’au terme de celui-ci en août 2010, il a prolongé l’usage irrégulier de son appartement de fonction sans entamer aucune démarche à l’égard de la délégation pour le remettre à disposition. La faute de nature à engager la responsabilité financière du requérant au titre de l’article 22 du statut a donc été à bon droit caractérisée pour cette période.

[omissis]

302

En ce qui concerne le préjudice que l’attitude du requérant a entraîné, il y a lieu tout d’abord d’écarter l’argument de ce dernier, exprimé aux points 120 à 123 de la requête, fondé sur le fait que le bail ne pouvait pas être résilié la première année sans que le loyer soit néanmoins dû pour toute cette année, ce qui aurait exclu tout préjudice pour l’Union pendant la première année du bail de septembre 2008 à août 2009. Le préjudice pour l’Union existe bien pendant toute la période retenue comme fautive pour le requérant dans la décision litigieuse, soit de janvier 2009 à août 2010, donc notamment de janvier à août 2009, puisque, pendant ce temps, l’Union payait un appartement de fonction familial à un fonctionnaire qui ne l’occupait que seul et partiellement dans la semaine, alors même qu’il disposait d’un autre appartement familial à proximité où était restée sa famille et où lui-même vivait partiellement. En outre, ce préjudice a bien été causé par le requérant qui, après avoir demandé un tel appartement de fonction n’a pas mis fin à la situation précitée en ne proposant pas de restituer cet appartement après quelques mois. Comme cela est relevé au point 296 ci-dessus, si véritablement un problème durable de vitrification défectueuse du parquet rendait l’aménagement familial dans l’appartement de fonction impossible, ce qui aurait alors relevé de la responsabilité du propriétaire, il aurait fallu que le requérant refuse d’emblée l’entrée dans les lieux ou entame une autre démarche appropriée auprès de la délégation afin que cette dernière puisse mettre rapidement et fermement le propriétaire face à ses responsabilités. Ce préjudice est aussi démontré jusqu’à la fin du bail, dans la mesure où, en ne remettant pas son appartement de fonction à la disposition de la délégation, le requérant a empêché la Commission de jouir de ce bien alors qu’elle payait les loyers y afférents, en particulier en l’empêchant d’utiliser autrement cet appartement, ainsi que l’a relevé le Tribunal de la fonction publique au pont 159 de l’arrêt attaqué, ou du moins de résilier le bail sans pénalités à partir de septembre 2009, ce qui aurait pu réduire le préjudice effectivement subi par l’Union. À cet égard, le fait qu’ait été prévue dans le bail une période de non-résiliation par le preneur pendant la première année, sauf à ce que les loyers soient tout de même honorés pendant cette période, ne saurait conduire à estimer qu’il n’y a pas de préjudice pour cette période, contrairement à ce que soutient le requérant. Pendant cette période, la délégation a bien payé un appartement de fonction de dimension familiale, à la suite d’une demande du requérant, sans que ce soit justifié et sans pouvoir en tirer aucune utilité.

303

Ensuite, le requérant soutient, au point 125 de la requête, que, dans la mesure où il aurait eu droit à un appartement de fonction plus petit, pour célibataire, le préjudice de l’Union s’est limité à la différence de loyer entre l’appartement de fonction familial qu’il a occupé et un tel appartement de fonction plus petit. Cet argument ne pourrait prospérer que si le requérant avait effectivement demandé un appartement de fonction pour célibataire au cours du bail prévu pour l’appartement familial, mais, en l’absence de cette circonstance, qui se réduit à une pure spéculation, d’autant que son épouse était propriétaire d’un appartement à New York dans lequel résidait sa famille, il doit être retenu que sur l’ensemble de la période du bail, l’Union a effectivement subi un préjudice correspondant à l’intégralité des loyers payés pour l’appartement de fonction attribué au requérant alors qu’il n’était pas nécessaire de louer cet appartement. Ce préjudice s’étend donc, comme la Commission l’a relevé dans la décision litigieuse, sur la période allant de janvier 2009 à août 2010 pour laquelle il est jugé, au point 300 ci-dessus, que le requérant a commis une faute personnelle grave.

[omissis]

307

Comme cela est exposé aux points 106 et 114 ci-dessus, le requérant invoque la prescription quinquennale prévue à l’article 85, second alinéa, du statut et, à titre subsidiaire, comme paramètre du délai raisonnable pour l’application de l’article 22 du statut, la prescription quinquennale établie à l’article 81 du règlement no 966/2012. Ainsi qu’il est jugé aux points 113 et 129 ci-dessus, aucune de ces deux dispositions n’est applicable à la présente espèce. En fait, aucune disposition du droit de l’Union ne précise le délai dans lequel, par rapport aux faits en cause, une enquête, une procédure disciplinaire et une décision retenant la responsabilité financière d’un fonctionnaire au titre de l’article 22 du statut doivent intervenir. Il peut néanmoins être tenu compte de ce que l’article 85, second alinéa, du statut constitue une illustration d’un délai de prescription retenu par le législateur concernant certaines relations entre l’Union et ses fonctionnaires, même si eu égard aux différences caractérisant l’application de l’article 22 du statut par rapport à l’application de l’article 85 du statut, soulignées au point 112 ci-dessus, un délai d’une durée analogue à respecter dans le cadre de l’application de l’article 22 du statut ne saurait être un délai ininterruptible comme celui prévu à l’article 85, second alinéa, du statut.

308

Il ressort de la jurisprudence que, lorsque le législateur n’a pas prévu de délai de prescription, l’exigence de sécurité juridique requiert que les institutions de l’Union exercent leurs pouvoirs dans un délai raisonnable (voir arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, point 96 et jurisprudence citée). Il y a donc lieu de vérifier si, en conduisant une enquête, en engageant une procédure disciplinaire et en retenant en définitive une responsabilité financière du requérant pour la période de janvier 2009 à août 2010, les services de la Commission et l’AIPN ont méconnu, dans l’exercice de leurs compétences, le principe du délai raisonnable pour agir.

309

Le caractère raisonnable d’un délai doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et des différentes étapes procédurales que l’institution de l’Union a suivies, ainsi que du comportement des parties au cours de la procédure. En effet, le caractère raisonnable d’un délai ne saurait être examiné par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite (voir arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, points 99 et 100 et jurisprudence citée).

310

En l’occurrence, la période pour laquelle une faute grave du requérant est retenue court de janvier 2009 à août 2010. L’OLAF a informé le requérant de l’ouverture d’une enquête le concernant à propos de l’usage de son appartement de fonction en mars 2012, soit moins de deux ans après la fin de cette période continue. À l’issue de la phase d’enquête, impliquant successivement l’OLAF et l’IDOC, l’AIPN a engagé une procédure disciplinaire à l’encontre du requérant en juillet 2014 et a adopté la décision litigieuse retenant notamment la responsabilité financière du requérant en février 2015. Cette décision a été confirmée en septembre 2015 avec le rejet de la réclamation du requérant. Au regard de cet enchaînement des faits, il doit être considéré que l’autorité administrative n’a pas exercé ses pouvoirs dans des délais déraisonnables.

[omissis]

Sur les moyens nouveaux avancés par le requérant à l’occasion de la procédure du pourvoi

[omissis]

315

La dénonciation, par le requérant, d’agissements frauduleux d’un de ses collègues à New York a été faite au moyen d’un courrier électronique du requérant à l’IDOC daté du 13 mai 2013, produit en annexe 36 de la requête. Ce courrier a été envoyé alors que le requérant faisait déjà l’objet de l’enquête concernant l’usage de son appartement de fonction et il visait en premier lieu à faire douter de la crédibilité de deux témoignages à charge contre lui qui avaient été pris en compte par l’OLAF. C’est dans ce contexte que le requérant a fait état du comportement potentiellement irrégulier, à divers titres, de ce collègue, qui aurait été lié aux deux personnes ayant témoigné. Il ressort de ce courrier que la dénonciation faite par le requérant portait en partie sur des faits manifestement déjà connus de la hiérarchie de la délégation et de lui-même depuis un certain temps et en partie sur des faits qui avaient été portés à la connaissance de l’OLAF par d’autres personnes de la délégation, avant que le requérant n’en fasse lui-même part à l’IDOC plusieurs mois après en avoir pris connaissance de manière fortuite. Dès lors, la dénonciation du requérant ne s’inscrit pas dans le cadre du lancement d’une alerte sur des faits qui peuvent laisser présumer une activité illégale, qu’un fonctionnaire découvre, tel que prévu à l’article 22 bis du statut, mais elle s’inscrit seulement dans le cadre de la défense par un fonctionnaire de ses propres intérêts. Le requérant ne peut donc pas se prévaloir d’une qualité de lanceur d’alerte, à supposer qu’une telle qualité ait pu valoir circonstance atténuante au regard de faits qui n’avaient rien à voir avec ceux qu’il a dénoncés, même si ces derniers se sont avérés exacts.

[omissis]

317

Il ressort de tout ce qui précède que, aucun des moyens d’annulation présentés contre la décision litigieuse n’ayant pu prospérer, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation formées par le requérant, y compris celles dirigées contre la décision de rejet de sa réclamation. À cet égard, le Tribunal renvoie aux motifs exposés par le Tribunal de la fonction publique aux points 43 à 45 de l’arrêt attaqué.

Sur la demande de réduction du montant de la réparation financière exigée du requérant

318

Il doit être constaté que le requérant, en demandant dans ses conclusions que le juge exerce la compétence de pleine juridiction prévue à l’article 22, troisième alinéa, du statut pour réduire la réparation financière exigée de lui dans la décision litigieuse, n’a pas avancé d’argument particulier pour justifier la réduction demandée, en dehors de ceux exposés au soutien de ses moyens d’annulation. Néanmoins, comme l’a relevé l’avocate générale Kokott au point 60 de ses conclusions dans l’affaire Gogos/Commission (C‑583/08 P, EU:C:2010:118), pour les aspects strictement pécuniaires d’un litige entre l’Union et l’un de ses fonctionnaires, le juge de l’Union n’est pas tenu de se limiter à un contrôle de la légalité des actes en cause, mais peut également en examiner l’opportunité et donc substituer son appréciation à celle de l’AIPN. À cet égard, l’article 91, paragraphe 1, seconde phrase, du statut permet au juge de l’Union, dans les litiges à caractère pécuniaire et dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, d’évaluer d’office, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, un préjudice subi ex æquo et bono (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C‑583/08 P, EU:C:2010:287, point 44 et jurisprudence citée). En outre, une telle compétence peut être exercée en l’absence même de toute demande en ce sens (voir, en ce sens, conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Gogos/Commission, C‑583/08 P, EU:C:2010:118, point 61) et, a fortiori, dans le cas où une telle demande est formulée, en l’absence de toute argumentation spécifique soulevée au soutien de cette dernière. En l’espèce, au regard des exigences du respect du contradictoire, la question du rôle de la cheffe d’administration de la délégation a été largement débattue tant dans les écritures des parties qu’à l’audience, notamment par les questions du Tribunal posées à cette occasion.

319

Il ressort de ce débat et des pièces du dossier que la cheffe d’administration de la délégation n’a pas exigé du requérant qu’il quitte son logement de fonction, mais s’est contentée de lui rappeler l’irrégularité de sa situation (voir point 274 ci-dessus). Même si cette circonstance ne remet pas en cause l’existence d’une faute grave du requérant consistant à prolonger l’usage irrégulier de son appartement de fonction de janvier 2009 à août 2010 (voir point 300 ci-dessus), elle fait apparaître que, du fait de l’absence d’initiative appropriée de sa représentante sur place alors que celle-ci était au courant de la situation, la Commission a contribué à la pleine réalisation du préjudice qu’elle a subi alors qu’elle aurait pu en réduire l’étendue, aucun obstacle n’apparaissant comme ayant pu empêcher une telle initiative, notamment si celle-ci avait consisté à exiger du requérant qu’il libère son appartement de fonction, les conditions de son occupation n’étant pas réunies. Ainsi et au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, le Tribunal estime ex æquo et bono que la réparation par le requérant du préjudice subi par l’Union doit être réduite (voir, en ce sens, arrêts du 7 novembre 1985, Adams/Commission, 145/83, EU:C:1985:448, points 53 et 54, et du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission, T‑351/03, EU:T:2007:212, points 332 et 334).

320

Il y a donc lieu de fixer, conformément à l’article 22 du statut, la réparation due par le requérant en raison du préjudice qu’il a fait subir à l’Union en raison de la faute personnelle grave qu’il a commise en n’entamant aucune démarche pour remettre à disposition son appartement de fonction à partir de janvier 2009 à la somme de 80000 euros au jour du prononcé du présent arrêt, ce qui implique soit que les sommes, y compris d’éventuels intérêts, que le requérant aurait déjà versées et excédant ce montant lui soient remboursées par la Commission, soit que cette dernière exige du requérant d’éventuels paiements complémentaires jusqu’à concurrence dudit montant. Dans les deux hypothèses, les paiements ou remboursements requis devraient être augmentés d’intérêts au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour les opérations principales de refinancement, calculés à compter du prononcé du présent arrêt.

[omissis]

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

L’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 19 juillet 2016, HG/Commission (F‑149/15), est annulé.

 

2)

Le montant de la réparation due par HG à l’Union européenne est fixé à une somme de 80000 euros au jour du prononcé du présent arrêt.

 

3)

Le recours dans l’affaire F‑149/15 est rejeté pour le surplus.

 

4)

HG et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens dans les affaires F‑149/15, T‑693/16 P, T‑440/18 RENV et T‑693/16 P‑RENV-RX.

 

Gervasoni

Madise

Nihoul

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 décembre 2021.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le français.

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.

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