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Document 62024CO0264

    Ordonnance de la Cour (neuvième chambre) du 20 septembre 2024.
    MH contre BR.
    Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 94 du règlement de procédure de la Cour – Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale – Règlement (UE) no 1215/2012 – Applicabilité – Élément d’extranéité – Exigence d’indication des raisons justifiant la nécessité d’une réponse par la Cour – Absence de précisions suffisantes – Irrecevabilité manifeste.
    Affaire C-264/24.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:781

    ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

    20 septembre 2024 (*)

    « Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 94 du règlement de procédure de la Cour – Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale – Règlement (UE) no 1215/2012 – Applicabilité – Élément d’extranéité – Exigence d’indication des raisons justifiant la nécessité d’une réponse par la Cour – Absence de précisions suffisantes – Irrecevabilité manifeste »

    Dans l’affaire C‑264/24 [Gašlić] (i),

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Općinski sud u Novom Zagrebu (tribunal municipal de Novi Zagreb, Croatie), par décision du 4 avril 2024, parvenue à la Cour le 15 avril 2024, dans la procédure

    MH

    contre

    BR,

    LA COUR (neuvième chambre),

    composée de Mme O. Spineanu‑Matei, présidente de chambre, M. S. Rodin et Mme L. S. Rossi (rapporteure), juges,

    avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, sous c), du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).

    2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant MH, une personne physique domiciliée en Croatie, à BR, une personne physique également domiciliée en Croatie, au sujet de la délivrance d’un certificat relatif à un acte authentique concernant un billet à ordre émis par BR.

     Le cadre juridique

     Le droit de l’Union

     Le règlement de procédure de la Cour

    3        L’article 94 du règlement de procédure de la Cour dispose :

    « Outre le texte des questions posées à la Cour à titre préjudiciel, la demande de décision préjudicielle contient :

    a)      un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ;

    b)      la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente ;

    c)      l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal. »

     Le règlement no 1215/2012

    4        L’article 2 du règlement no 1215/2012 dispose :

    « Aux fins du présent règlement, on entend par :

    [...]

    c)      “acte authentique”, un acte dressé ou enregistré formellement en tant qu’acte authentique dans l’État membre d’origine et dont l’authenticité :

    i)      porte sur la signature et le contenu de l’acte, et

    ii)      a été établie par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à le faire ;

    [...] »

    5        L’article 60 de ce règlement prévoit :

    « L’autorité compétente ou la juridiction de l’État membre d’origine délivre, à la demande de toute partie intéressée, le certificat qu’elle établit en utilisant le formulaire figurant à l’annexe II. Ce certificat contient un résumé de l’obligation exécutoire consignée dans l’acte authentique ou de l’accord conclu entre les parties consigné dans la transaction judiciaire. »

     Le droit croate

    6        L’article 59 du Zakon o javnom bilježništvu (loi sur le notariat) (Narodne novine, br. 78/93, 29/94, 162/98, 16/07, 75/09, 120/16, 57/22) dispose, à son paragraphe 1, que les parties à une opération juridique peuvent, toutes ou certaines d’entre elles, faire certifier (authentifier) les actes relatifs à cette opération auprès d’un notaire, étant précisé que, pour constituer la garantie d’une créance, il suffit que le débiteur ait fait certifier un acte sous seing privé, l’acte ainsi certifié ayant force d’acte notarié ou de titre exécutoire notarié.

    7        L’article 214 de l’Ovršni zakon (loi sur l’exécution forcée) (Narodne novine, br. 112/12, 25/13, 93/14, 55/16, 73/17, 131/20 et 114/22) dispose, à son paragraphe 1, que le débiteur peut, par acte sous seing privé certifié par un notaire, consentir à ce que, aux fins du recouvrement de la créance d’un créancier déterminé, il soit procédé à une saisie sur tous ses comptes bancaires et qu’un montant en espèces prélevé sur ces comptes, conformément à sa déclaration contenue dans cet acte, soit versé au créancier. Ledit acte est délivré en un seul exemplaire et produit les effets d’une ordonnance d’exécution par laquelle la créance est saisie sur le compte et transférée au créancier. Cet article 214 prévoit, à son paragraphe 7, que le billet à ordre a la qualité de titre exécutoire sur le fondement duquel l’exécution forcée peut être sollicitée à l’égard du débiteur ou des garants solidaires sur d’autres actifs pouvant faire l’objet de l’exécution forcée.

     Le litige au principal et la question préjudicielle

    8        Le 18 mars 2022, BR a émis un billet à ordre en faveur de MH, pour une somme de 150 000 kunas croates (HRK) (environ 19 908,42 euros), majorée des intérêts de retard. Ce billet à ordre a été certifié par un notaire établi à Samobor (Croatie).

    9        Le 20 novembre 2023, MH a introduit auprès de ce notaire une demande de délivrance d’un certificat relatif à un acte authentique, au titre de l’article 60 du règlement no 1215/2012, en faisant valoir que ledit billet à ordre ainsi certifié constituait un acte authentique, au sens de l’article 2, sous c), de ce règlement.

    10      Le 1er décembre 2023, ledit notaire a estimé que cette demande ne pouvait pas être accueillie et l’a transmise à l’Općinski sud u Novom Zagrebu (tribunal municipal de Novi Zagreb, Croatie), qui est la juridiction de renvoi, afin que celle-ci statue sur ladite demande.

    11      Cette juridiction observe qu’il ressort de la définition d’acte authentique visée à l’article 2, sous c), du règlement no 1215/2012, tout comme de la jurisprudence de la Cour issue notamment des points 12 à 21 de l’arrêt du 17 juin 1999, Unibank (C‑260/97, EU:C:1999:312), que le notaire doit rédiger ou certifier, notamment, le contenu de l’acte concerné pour pouvoir qualifier ce dernier d’acte authentique.

    12      Selon ladite juridiction, les dispositions pertinentes de la loi sur l’exécution forcée et de la loi sur le notariat pourraient plaider en faveur de la conclusion selon laquelle un billet à ordre certifié par un notaire satisfait aux critères énoncés à cette disposition, dans la mesure où, lors de la certification de ce billet à ordre, le notaire examine et certifie tant le contenu de celui-ci que la signature du débiteur y figurant.

    13      La même juridiction observe, cependant, que, en vertu de l’article 60 du règlement no 1215/2012, le certificat relatif à un acte authentique est délivré en utilisant le formulaire figurant à l’annexe II de ce règlement. Or, un billet à ordre ne contiendrait pas tous les éléments exigés par ce formulaire, notamment ceux relatifs à une brève description de l’objet et à la date à compter de laquelle les intérêts sont échus. En effet, conformément à la réglementation croate applicable, un billet à ordre ne devrait pas décrire en détail la relation juridique dans le cadre de laquelle est née la créance au titre de laquelle ce billet est émis ni indiquer la date d’échéance de cette créance, cette date étant déterminée par le créancier lors de la présentation dudit billet aux fins du recouvrement de ladite créance.

    14      Par conséquent, même si, lors de la certification d’un billet à ordre, le notaire examine et certifie tant le contenu de celui-ci que la signature du débiteur y figurant, il existerait un doute quant à la question de savoir si un tel billet à ordre peut être qualifié d’« acte authentique », au sens de l’article 2, sous c), du règlement no 1215/2012.

    15      Dans ces conditions, l’Općinski sud u Novom Zagrebu (tribunal municipal de Novi Zagreb) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

    « L’article 2, [sous c)], du règlement [no 1215/2012] doit-il être interprété en ce sens qu’un billet à ordre certifié par un notaire et ayant la qualité de titre exécutoire, sur le fondement duquel le créancier peut solliciter un recouvrement forcé à l’égard du débiteur, remplit les conditions d’un “acte authentique” au sens de [cette disposition] ? »

     Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

    16      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

    17      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

    18      Selon une jurisprudence constante, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher. La justification du renvoi préjudiciel est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige (arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 44 ainsi que jurisprudence citée).

    19      Dès lors que la décision de renvoi sert de fondement à cette procédure, la juridiction nationale est tenue d’expliciter, dans la décision de renvoi elle-même, le cadre factuel et réglementaire du litige au principal et de fournir les explications nécessaires sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation ainsi que sur le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis [voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2020, C.F. (Contrôle fiscal), C‑430/19, EU:C:2020:429, point 23 et jurisprudence citée].

    20      À cet égard, il importe de souligner également que les informations contenues dans les décisions de renvoi doivent permettre, d’une part, à la Cour d’apporter des réponses utiles aux questions posées par la juridiction nationale et, d’autre part, aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés d’exercer le droit qui leur est conféré par l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne de présenter des observations. Il incombe à la Cour de veiller à ce que ce droit soit sauvegardé, compte tenu du fait que, en vertu de cet article, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux intéressés (ordonnance du 17 octobre 2023, Presidenza del Consiglio dei Ministri, C‑190/22, EU:C:2023:804, point 17 et jurisprudence citée).

    21      Ces exigences cumulatives concernant le contenu d’une décision de renvoi figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure, dont la juridiction de renvoi est censée, dans le cadre de la coopération instaurée à l’article 267 TFUE, avoir connaissance et qu’elle est tenue de respecter scrupuleusement. Elles sont, en outre, rappelées aux points 13, 15 et 16 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1) (ordonnance du 17 octobre 2023, Presidenza del Consiglio dei Ministri, C‑190/22, EU:C:2023:804, point 18 et jurisprudence citée).

    22      Dans ce contexte, il convient encore de rappeler que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, l’application des règles de compétence prévues par le règlement no 1215/2012 requiert l’existence d’un élément d’extranéité (arrêt du 8 février 2024, Inkreal, C‑566/22, EU:C:2024:123, point 18 et jurisprudence citée).

    23      Selon cette jurisprudence, cet élément d’extranéité existe notamment lorsqu’au moins une des parties au litige au principal a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction saisie (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 2020, Parking et Interplastics, C‑267/19 et C‑323/19, EU:C:2020:351, points 32 à 35, ainsi que du 8 février 2024, Inkreal, C‑566/22, EU:C:2024:123, points 19 à 21).

    24      En outre, un tel élément d’extranéité existe également lorsque l’objet du litige au principal ou la situation en cause au principal impliquent plusieurs États membres ou un État tiers et sont donc de nature à soulever des questions relatives à la détermination de la compétence internationale de la juridiction saisie (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 2022, EPIC Financial Consulting, C‑274/21 et C‑275/21, EU:C:2022:565, point 57 et jurisprudence citée ; du 8 septembre 2022, IRnova, C‑399/21, EU:C:2022:648, points 28 et 29, ainsi que du 8 février 2024, Inkreal, C‑566/22, EU:C:2024:123, point 22).

    25      Ainsi, lorsqu’une demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des dispositions du règlement no 1215/2012, il appartient à la juridiction de renvoi d’indiquer à la Cour, conformément à ce qu’exige l’article 94 du règlement de procédure, en quoi le litige pendant devant elle présente un élément d’extranéité, à l’existence duquel l’applicabilité du règlement no 1215/2012 à ce litige est subordonnée, lequel élément rend l’interprétation préjudicielle sollicitée nécessaire à la solution dudit litige (voir, par analogie, arrêts du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten, C‑268/15, EU:C:2016:874, point 55, et du 22 février 2024, Ente Cambiano società cooperativa per azioni, C‑660/22, EU:C:2024:152, point 27).

    26      En l’occurrence, la décision de renvoi ne répond manifestement pas à une telle exigence.

    27      En effet, cette décision n’expose pas en quoi la procédure au principal présenterait un élément d’extranéité, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 23 et 24 de la présente ordonnance, qui rendrait l’interprétation sollicitée du règlement no 1215/2012 nécessaire pour permettre à la juridiction de renvoi de « rendre son jugement » dans l’affaire dont elle est saisie.

    28      Dans ces conditions, la présente demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable.

    29      Il convient cependant de rappeler que la juridiction de renvoi conserve la faculté de soumettre une nouvelle demande de décision préjudicielle en fournissant à la Cour l’ensemble des éléments permettant à celle-ci de statuer (arrêt du 22 février 2024, Ente Cambiano società cooperativa per azioni, C‑660/22, EU:C:2024:152, point 35 et jurisprudence citée).

     Sur les dépens

    30      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare :

    La demande de décision préjudicielle introduite par l’Općinski sud u Novom Zagrebu (tribunal municipal de Novi Zagreb, Croatie), par décision du 4 avril 2024, est manifestement irrecevable.

    Signatures


    *      Langue de procédure : le croate.


    i      Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.

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