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Document 62023CO0761
Order of the Court (Sixth Chamber) of 4 October 2024.#N.V.N. v Komise pro rozhodování ve věcech pobytu cizinců.#Request for a preliminary ruling from the Nejvyšší správní soud.#Case C-761/23.
Order of the Court (Sixth Chamber) of 4 October 2024.
N.V.N. v Komise pro rozhodování ve věcech pobytu cizinců.
Request for a preliminary ruling from the Nejvyšší správní soud.
Case C-761/23.
Order of the Court (Sixth Chamber) of 4 October 2024.
N.V.N. v Komise pro rozhodování ve věcech pobytu cizinců.
Request for a preliminary ruling from the Nejvyšší správní soud.
Case C-761/23.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:879
ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)
4 octobre 2024 (*)
« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Réponse pouvant être clairement déduite de la jurisprudence – Directive 2011/98/UE – Délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d’un État membre – Principe d’équivalence – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Informations classifiées – Accès au dossier »
Dans l’affaire C‑761/23,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême, République tchèque), par décision du 23 novembre 2023, parvenue à la Cour le 11 décembre 2023, dans la procédure
N.V.N.
contre
Komise pro rozhodování ve věcech pobytu cizinců,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de la sixième chambre, M. L. Bay Larsen (rapporteur), vice‑président de la Cour, M. G. Xuereb, juge,
avocat général : M. J. Richard de la Tour,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que du principe d’équivalence.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant N.V.N., un ressortissant d’un pays tiers, au Komise pro rozhodování ve věcech pobytu cizinců (Commission de décision en matière de séjour des étrangers, République tchèque) (ci-après la « Commission de séjour ») au sujet de la décision par laquelle cette dernière a rejeté le recours de N.V.N. contre le refus de sa demande de délivrance d’une carte de travail.
Le cadre juridique
3 L’article 4 de la directive 2011/98/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d’un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre (JO 2011, L 343, p. 1), dispose :
« 1. La demande de délivrance, de modification ou de renouvellement du permis unique est introduite dans le cadre d’une procédure de demande unique. Les États membres décident si la demande de permis unique doit être introduite par le ressortissant d’un pays tiers ou par son employeur. Les États membres peuvent aussi décider d’autoriser une demande émanant de l’un ou l’autre. Si la demande doit être déposée par le ressortissant d’un pays tiers, les États membres permettent que la demande soit introduite à partir d’un pays tiers ou, si le droit national le prévoit, sur le territoire de l’État membre dans lequel le ressortissant d’un pays tiers se trouve légalement.
2. Les États membres examinent la demande déposée en vertu du paragraphe 1 et adoptent une décision de délivrance, de modification ou de renouvellement du permis unique dès lors que le demandeur remplit les conditions prévues par le droit de l’Union ou par le droit national. La décision de délivrance, de modification ou de renouvellement du permis unique prend la forme d’un acte administratif unique, combinant permis de séjour et permis de travail.
3. La procédure de demande unique est sans préjudice de la procédure de délivrance d’un visa, qui peut être obligatoire pour une première entrée.
4. Lorsque les conditions prévues sont remplies, les États membres délivrent un permis unique aux ressortissants de pays tiers qui introduisent une demande d’admission et aux ressortissants de pays tiers qui ont déjà été admis et qui demandent le renouvellement ou la modification de leur titre de séjour après l’entrée en vigueur des dispositions nationales d’application. »
4 L’article 8, paragraphe 2, de cette directive prévoit :
« Toute décision de rejet d’une demande de délivrance, de modification, de renouvellement ou de retrait du permis unique est susceptible d’un recours en justice dans l’État membre concerné, conformément au droit national. [...] »
Le litige au principal et la question préjudicielle
5 Le 2 juillet 2019, N.V.N. a déposé auprès de l’ambassade de la République tchèque à Hanoï (République socialiste du Viêt Nam) une demande de délivrance d’une carte de travail.
6 Par une décision du 2 octobre 2020, le Ministerstvo vnitra (ministère de l’Intérieur, République tchèque) a rejeté cette demande, au motif qu’il n’était pas dans l’intérêt de la République tchèque d’autoriser le séjour de N.V.N. sur son territoire. Cette appréciation était fondée, pour partie, sur des informations classifiées dont disposait le ministère de l’Intérieur.
7 N.V.N. a contesté cette décision devant la Commission de séjour. Par une décision du 6 janvier 2021, celle-ci a confirmé la décision du ministère de l’Intérieur.
8 N.V.N. a introduit un recours contre cette décision de la Commission de séjour devant le Krajský soud v Ústí nad Labem (cour régionale d’Ústí nad Labem, République tchèque). Par un arrêt du 23 novembre 2021, celle-ci a rejeté ce recours.
9 N.V.N. s’est pourvu en cassation contre cet arrêt devant le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême, République tchèque), qui est la juridiction de renvoi. Il se prévaut notamment d’une violation, par les autorités administratives tchèques, de son droit de prendre connaissance des informations classifiées qui fondent le rejet de sa demande de carte de travail. Il conteste également la manière dont le Krajský soud v Ústí nad Labem (cour régionale d’Ústí nad Labem) a examiné ces informations classifiées.
10 La juridiction de renvoi relève que la demande introduite par N.V.N. relève du champ d’application de la directive 2011/98.
11 Au vu notamment de l’interprétation des dispositions de droit de l’Union retenue dans les arrêts du 4 juin 2013, ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:363), et du 22 septembre 2022, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság e.a. (C‑159/21, EU:C:2022:708), la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité avec le droit de l’Union de la réglementation tchèque relative à l’accès des ressortissants de pays tiers aux informations classifiées sur la base desquelles leur demande de titre de séjour a été rejetée.
12 Elle expose que les juridictions tchèques ont accès à l’ensemble des informations classifiées utilisées par les autorités administratives et peuvent apprécier tant la justification de l’absence de communication de ces informations que la légalité de toute décision relative au séjour. En outre, ces juridictions peuvent ordonner à l’autorité administrative compétente la communication d’informations dont la classification ne serait pas justifiée. En revanche, lesdites juridictions ne disposent pas de la faculté de communiquer elles-mêmes au ressortissant concerné d’un pays tiers ou à son représentant des informations classifiées ou de déclassifier de telles informations.
13 Par ailleurs, les pouvoirs des juridictions tchèques ne sont ainsi encadrés que dans le contentieux relatif au séjour des étrangers. Ces juridictions conservent ainsi, dans les autres types de contentieux, la faculté de communiquer les informations classifiées pertinentes à une partie ou à son représentant.
14 Dans ces conditions, le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’interprétation de l’article 47 de la [Charte] s’oppose-t-elle à une réglementation nationale qui empêche le juge de statuer, dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, sur la consultation des documents ou pièces classifiés qui, dans la procédure de délivrance d’un permis unique – au sens de l’article 4 de la directive [2011/98] – menée devant l’autorité administrative, ont été conservés à l’écart du dossier administratif ? »
La procédure devant la Cour
15 Par une décision du président de la Cour du 31 janvier 2024, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt du 25 avril 2024, NW et PQ (Informations classifiées) (C‑420/22 et C‑528/22, EU:C:2024:344).
16 Par une lettre du 21 mai 2024, le greffe de la Cour a communiqué cet arrêt à la juridiction de renvoi et l’a invitée à lui indiquer si, à la lumière de celui-ci, elle souhaitait maintenir sa demande de décision préjudicielle.
17 Par une décision du 18 juin 2024, parvenue au greffe de la Cour le 21 juin 2024, cette juridiction a informé la Cour qu’elle entendait maintenir sa demande de décision préjudicielle.
18 Elle a, en particulier, précisé qu’il n’existait, selon elle, aucune raison légitime de limiter, dans le contentieux relatif au séjour des étrangers, les pouvoirs dont disposent les juridictions tchèques. Elle estime donc qu’il serait utile que la Cour se prononce à cet égard.
19 Dans ce contexte, le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême) a décidé de modifier sa demande de décision préjudicielle et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’interprétation des articles 41 et 47 de la [Charte] et, en particulier, le principe d’équivalence s’opposent-ils à une réglementation nationale qui empêche le juge, uniquement dans le cadre d’un recours dirigé contre une décision adoptée en application du zákon o pobytu cizinců (loi relative au séjour des étrangers), de statuer sur la consultation des documents ou pièces classifiés qui, dans la procédure de délivrance d’un permis unique – au sens de l’article 4 de la directive [2011/98] – menée devant l’autorité administrative, ont été conservés à l’écart du dossier administratif, les modalités assurant les droits de la défense en vertu de la loi relative au séjour des étrangers étant donc moins favorables que celles qui s’appliquent devant les juridictions conformément à la réglementation générale ?
2) Si la réponse à la question précédente est affirmative, le fait que le demandeur d’un permis unique (au sens de l’article 4 de la directive [2011/98]) soit un ressortissant d’un pays tiers qui ne jouit pas de droits dérivés d’un membre de sa famille, citoyen de l’Union (article 20 TFUE), a-t-il une influence sur l’examen de l’affaire ? »
Sur les questions préjudicielles
20 En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence.
21 En l’occurrence, malgré les doutes exprimés par la juridiction de renvoi, la Cour estime que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée par la juridiction de renvoi peut être clairement déduite de la jurisprudence. Il y a donc lieu de faire application de l’article 99 du règlement de procédure dans la présente affaire.
Sur la première question
22 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 41 et 47 de la Charte, lus en combinaison avec le principe d’équivalence, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui interdit à une juridiction nationale, appelée à contrôler la légalité d’une décision relative au séjour prise en application de la directive 2011/98, fondée sur des informations classifiées, d’autoriser elle-même l’accès de la personne concernée à ces informations, dans l’hypothèse où cette juridiction considère que l’absence de communication de ces informations à cette personne n’apparaît pas justifiée, alors qu’elle dispose d’un tel pouvoir dans le cadre de recours ne relevant pas du contentieux du droit de séjour des étrangers.
23 À titre liminaire, dès lors que la juridiction de renvoi vise, dans sa première question, l’article 41 de la Charte, qui consacre le droit à une bonne administration, il y a lieu de rappeler que cet article s’adresse non pas aux États membres, mais uniquement aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union. En revanche, ledit article reflète un principe général du droit de l’Union ayant vocation à s’appliquer aux États membres lorsqu’ils mettent en œuvre ce droit (arrêt du 13 juillet 2023, Azienda Ospedale-Università di Padova, C‑765/21, EU:C:2023:566, point 43 et jurisprudence citée).
24 En l’occurrence, ce principe général du droit de l’Union est dépourvu de pertinence aux fins de l’examen de la première question, étant donné que celle‑ci porte non pas sur les règles régissant la procédure menée par les autorités administratives compétentes, mais sur les pouvoirs dont doivent disposer les juridictions nationales dans le cadre des recours juridictionnels formés contre les décisions prises par ces autorités.
25 À cette fin, l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2011/98 prévoit que toute décision de rejet d’une demande de délivrance du permis unique prévu par cette directive est susceptible d’un recours en justice dans l’État membre concerné, conformément au droit national.
26 Cela étant, d’une part, le droit de l’Union ne comporte pas de dispositions définissant précisément les pouvoirs dont doit disposer la juridiction nationale compétente pour examiner un recours introduit contre une décision statuant sur le droit au séjour au titre de ladite directive.
27 D’autre part, les règles relatives à la classification et à la déclassification des informations au titre de réglementations nationales ne font pas l’objet de règles harmonisées par un acte de l’Union [arrêt du 25 avril 2024, NW et PQ (Informations classifiées), C‑420/22 et C‑528/22, EU:C:2024:344, point 103].
28 Dès lors, étant donné que le droit de l’Union ne définit pas les pouvoirs dont doit disposer, en ce qui concerne la communication d’informations classifiées, une juridiction nationale appelée à contrôler la légalité d’une décision relative au séjour prise en application de la directive 2011/98, ces pouvoirs relèvent de l’ordre juridique interne de chaque État membre, en vertu du principe de l’autonomie procédurale des États membres, à condition, toutefois, que les modalités des recours concernés ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) [voir, en ce sens, arrêt du 25 avril 2024, NW et PQ (Informations classifiées), C‑420/22 et C‑528/22, EU:C:2024:344, points 79 et 87 ainsi que jurisprudence citée].
29 À cet égard, il importe également de rappeler que les États membres, lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union, sont tenus d’assurer le respect du droit à un recours effectif consacré à l’article 47, premier alinéa, de la Charte [voir, en ce sens, arrêt du 25 avril 2024, NW et PQ (Informations classifiées), C‑420/22 et C‑528/22, EU:C:2024:344, points 80 et 87 ainsi que jurisprudence citée].
30 S’agissant du principe d’équivalence, il convient de rappeler que celui‑ci requiert que l’ensemble des règles applicables aux recours s’applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit de l’Union et à ceux, similaires, fondés sur la méconnaissance du droit interne (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 62 ainsi que jurisprudence citée).
31 Partant, si les modalités procédurales nationales applicables aux recours contre les décisions relatives au séjour dont la compatibilité avec le droit interne est contestée confèrent à la juridiction nationale compétente le pouvoir d’autoriser elle-même l’accès de la personne concernée aux informations classifiées ayant servi de base à ces décisions, ce pouvoir doit être reconnu, de la même manière, à la juridiction nationale compétente pour examiner les recours contre les décisions relatives au séjour dont la compatibilité avec le droit de l’Union est contestée.
32 En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle, sous réserve des vérifications incombant à la juridiction de renvoi, que le droit tchèque comporte une limitation générale des pouvoirs des juridictions statuant en matière de séjour des ressortissants de pays tiers, mais que ce droit ne prévoit pas l’application de régimes différents selon que les recours introduits en cette matière sont fondés sur la violation du droit de l’Union ou sur celle du droit interne.
33 Or, il résulte de ce qui précède qu’une telle réglementation ne saurait être regardée comme étant incompatible avec le principe d’équivalence.
34 S’agissant du principe d’effectivité et de l’article 47 de la Charte, la Cour a jugé qu’il serait incompatible avec le droit fondamental à un recours juridictionnel effectif de fonder une décision juridictionnelle sur des faits et des documents dont les parties elles-mêmes, ou l’une d’entre elles, n’ont pas pu prendre connaissance et sur lesquels elles n’ont donc pas été en mesure de prendre position [arrêt du 25 avril 2024, NW et PQ (Informations classifiées), C‑420/22 et C‑528/22, EU:C:2024:344, point 106 ainsi que jurisprudence citée].
35 Pour autant, il est loisible aux États membres, en vue d’éviter, pour des raisons relevant de la sûreté de l’État, dans des cas exceptionnels, la communication à l’intéressé des motifs précis et complets qui constituent le fondement d’une décision relative au séjour, de prévoir des techniques et des règles de droit de procédure permettant de concilier, d’une part, les considérations légitimes de la sûreté de l’État quant à la nature et aux sources des renseignements ayant été pris en considération pour l’adoption d’une telle décision et, d’autre part, la nécessité de garantir à suffisance au justiciable le respect de ses droits procéduraux, tels que le droit d’être entendu ainsi que le principe du contradictoire [arrêt du 25 avril 2024, NW et PQ (Informations classifiées), C‑420/22 et C‑528/22, EU:C:2024:344, point 107 ainsi que jurisprudence citée].
36 La Cour a considéré comme étant compatible avec l’article 47 de la Charte un système dans lequel la juridiction nationale compétente peut prendre connaissance tant de l’ensemble des motifs que des éléments de preuve y afférents sur lesquels la décision en cause a été prise, mais également vérifier si les raisons liées à la sûreté de l’État invoquées par l’autorité nationale s’opposent effectivement ou non à la communication complète de ces motifs et de ces éléments de preuve [arrêt du 25 avril 2024, NW et PQ (Informations classifiées), C‑420/22 et C‑528/22, EU:C:2024:344, point 108 ainsi que jurisprudence citée].
37 S’agissant du contrôle juridictionnel de ces raisons, la Cour a estimé qu’il était suffisant, afin de garantir le respect de l’article 47 de la Charte, que la juridiction nationale compétente puisse, dans l’hypothèse où elle considère que lesdites raisons ne sont pas valables, donner la possibilité à l’autorité nationale de communiquer à l’intéressé les motifs et les éléments de preuve manquants [arrêt du 25 avril 2024, NW et PQ (Informations classifiées), C‑420/22 et C‑528/22, EU:C:2024:344, point 109 ainsi que jurisprudence citée].
38 Dans une telle hypothèse, si l’autorité nationale décide de ne pas procéder à la communication de l’ensemble des motifs et des éléments de preuve y afférents, la juridiction compétente doit, en vue de se conformer à l’article 47 de la Charte, procéder à l’examen de la légalité de la décision en cause sur la base des seuls motifs et éléments de preuve qui ont été communiqués [arrêt du 25 avril 2024, NW et PQ (Informations classifiées), C‑420/22 et C‑528/22, EU:C:2024:344, point 110 ainsi que jurisprudence citée].
39 À l’inverse, dans l’hypothèse où la juridiction nationale compétente juge que les raisons invoquées par l’autorité nationale s’opposent à la communication complète de ces motifs et de ces éléments de preuve, la Cour a estimé que la juridiction nationale compétente peut tenir compte desdits motifs et desdits éléments de preuve en mettant en balance de manière appropriée les exigences pertinentes et a relevé que, lorsque cette juridiction entend procéder ainsi, elle doit veiller à ce que la substance des motifs qui constituent le fondement de la décision en cause soit communiquée à l’intéressé d’une manière qui tienne dûment compte de la confidentialité nécessaire des éléments de preuve [arrêt du 25 avril 2024, NW et PQ (Informations classifiées), C‑420/22 et C‑528/22, EU:C:2024:344, point 111 ainsi que jurisprudence citée].
40 Toutefois, la Cour a également précisé que, lorsque cette obligation de communication est méconnue, ladite juridiction est tenue d’en tirer, en vertu du droit national, les conséquences [arrêt du 25 avril 2024, NW et PQ (Informations classifiées), C‑420/22 et C‑528/22, EU:C:2024:344, point 112 ainsi que jurisprudence citée].
41 Il découle de ce qui précède, d’une part, que la communication de tout ou partie des motifs et des éléments de preuve doit, le cas échéant, être envisagée par la juridiction nationale compétente indépendamment de leur classification éventuelle et, d’autre part, qu’il reste loisible aux États membres de réserver à l’autorité nationale compétente le pouvoir de communiquer ou non ces motifs ou ces éléments de preuve, pour autant que la juridiction nationale compétente ait le pouvoir de tirer les conséquences de la décision finalement arrêtée à cet égard par ces autorités [arrêts du 25 avril 2024, NW et PQ (Informations classifiées), C‑420/22 et C‑528/22, EU:C:2024:344, point 113, ainsi que du 29 juillet 2024, protectus, C‑185/23, EU:C:2024:657, point 99].
42 Dans tous les cas, une telle solution est de nature, lorsque l’autorité nationale fait obstacle de manière injustifiée à la communication de tout ou partie des éléments qui fondent la décision en cause, à assurer le respect intégral de l’article 47 de la Charte, en tant qu’elle garantit que la méconnaissance, par cette autorité, des obligations procédurales qui lui incombent ne conduira pas à ce que la décision juridictionnelle soit fondée sur des faits et des documents dont le demandeur n’a pas pu prendre connaissance et sur lesquels il n’a donc pas été en mesure de prendre position [arrêts du 25 avril 2024, NW et PQ (Informations classifiées), C‑420/22 et C‑528/22, EU:C:2024:344, point 114, ainsi que du 29 juillet 2024, protectus, C‑185/23, EU:C:2024:657, point 100].
43 Partant, il ne saurait être considéré qu’il est indispensable, pour assurer une protection juridictionnelle effective lors de l’appréciation de la légalité d’une décision relative à l’application de la directive 2011/98, que la juridiction nationale saisie du recours contre cette décision dispose du pouvoir de communiquer elle‑même certaines informations classifiées au demandeur, lorsque l’absence de communication de ces informations au demandeur, le cas échéant par l’intermédiaire de son avocat, n’apparaît pas justifiée [voir, en ce sens, arrêts du 25 avril 2024, NW et PQ (Informations classifiées), C‑420/22 et C‑528/22, EU:C:2024:344, point 115, ainsi que du 29 juillet 2024, protectus, C‑185/23, EU:C:2024:657, point 101].
44 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que les articles 41 et 47 de la Charte, lus en combinaison avec le principe d’équivalence, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui interdit à une juridiction nationale, appelée à contrôler la légalité d’une décision relative au séjour prise en application de la directive 2011/98, fondée sur des informations classifiées, d’autoriser elle-même l’accès de la personne concernée à ces informations, dans l’hypothèse où cette juridiction considère que l’absence de communication de ces informations à cette personne n’apparaît pas justifiée, alors qu’elle dispose d’un tel pouvoir dans le cadre de recours ne relevant pas du contentieux du droit de séjour des étrangers.
Sur la seconde question
45 Au regard de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.
Sur les dépens
46 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :
Les articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lus en combinaison avec le principe d’équivalence, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui interdit à une juridiction nationale, appelée à contrôler la légalité d’une décision relative au séjour prise en application de la directive 2011/98/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d’un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre, fondée sur des informations classifiées, d’autoriser elle-même l’accès de la personne concernée à ces informations, dans l’hypothèse où cette juridiction considère que l’absence de communication de ces informations à cette personne n’apparaît pas justifiée, alors qu’elle dispose d’un tel pouvoir dans le cadre de recours ne relevant pas du contentieux du droit de séjour des étrangers.
Signatures
* Langue de procédure : le tchèque.