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Document 62022CO0082

Order of the Court (Eighth Chamber) of 22 December 2022.
Jean-François Jalkh v European Parliament.
Appeal – Article 181 of the Rules of Procedure of the Court of Justice – Law governing the institutions – Member of the European Parliament – Protocol (No 7) on the privileges and immunities of the European Union – Third paragraph of Article 9 – Decision to waive parliamentary immunity – Appeal in part manifestly inadmissible and in part manifestly unfounded.
Case C-82/22 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:1039

ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

22 décembre 2022 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Droit institutionnel – Membre du Parlement européen – Protocole (no 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne – Article 9, troisième alinéa – Décision de levée de l’immunité parlementaire – Pourvoi, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑82/22 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 7 février 2022,

Jean-François Jalkh, demeurant à Gretz-Armainvilliers (France), représenté par Me F. Wagner, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Parlement européen, représenté par Mme A. Dumbrăvan et M. N. Lorenz, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Piçarra (rapporteur), faisant fonction de président de chambre, MM. N. Jääskinen et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, M. Jean-François Jalkh demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 1er décembre 2021, Jalkh/Parlement (T‑230/21, non publié, ci–après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:848), par lequel celui–ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision P9_TA(2021)0092 du Parlement, du 25 mars 2021, portant levée de l’immunité parlementaire du requérant [2020/2110(IMM)] (ci–après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

2        L’article 9 du protocole (no 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne, annexé aux traités UE et FUE (ci-après le « protocole sur les privilèges et immunités »), dispose, à ses premier et troisième alinéas :

« Pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui–ci bénéficient :

a)      sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays,

[...]

L’immunité ne peut être invoquée dans le cas de flagrant délit et ne peut non plus mettre obstacle au droit du Parlement européen de lever l’immunité d’un de ses membres. »

3        L’article 25 de l’annexe IX du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable au présent litige (ci–après le « statut »), intitulée « Procédure disciplinaire », figure à la section 7 de celle-ci, intitulée « Poursuites pénales parallèles », et prévoit :

« Lorsque le fonctionnaire fait l’objet de poursuites pénales pour les mêmes faits, sa situation n’est définitivement réglée qu’après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive. »

 Les antécédents du litige

4        Les antécédents du litige, tels qu’ils ressortent des points 1 à 9, 32 et 33 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.

5        Le requérant a été élu député au Parlement européen au titre des 8e (2014-2019) et 9e (2019-2024) législatures.

6        Le 9 mars 2015, le président du Parlement a adressé une lettre à la ministre française de la Justice concernant d’éventuelles irrégularités relatives à la prise en charge des frais d’assistance parlementaire de députés du parti politique français alors dénommé « Front national ». Par la suite, les autorités françaises ont mené une enquête préliminaire et, le 5 décembre 2016, une information judiciaire des chefs d’abus de confiance, de recel d’abus de confiance, d’escroquerie en bande organisée, de faux et usage de faux et de travail dissimulé par dissimulation de salarié concernant les conditions d’emploi des assistants de députés, membres de ce parti, a été ouverte.

7        Dans le cadre de cette information judiciaire, le requérant a été interrogé, d’une part, sur son emploi en tant qu’assistant parlementaire local à temps plein auprès d’un député durant la période comprise entre le mois de juillet 2009 et le mois d’avril 2014 et, d’autre part, sur l’emploi, en sa qualité de député, d’une assistante parlementaire locale à temps plein durant la période allant du 1er juillet 2014 au 4 janvier 2016, à l’exception de la période allant du 24 août au 14 décembre 2015. Le requérant n’a déféré à aucune des convocations qui lui avaient été adressées par les enquêteurs. Le 15 novembre 2019, il a refusé de comparaître devant les magistrats instructeurs en vue de son interrogatoire, en faisant valoir son immunité parlementaire.

8        Par lettre du 16 juin 2020, la ministre française de la Justice a transmis au président du Parlement la requête de la procureure générale près la cour d’appel de Paris (France) tendant à obtenir la levée de l’immunité parlementaire du requérant. Cette lettre comportait une formule de politesse dactylographiée, à laquelle était ajoutée la mention manuscrite « très attentive ».

9        Le 17 septembre 2020, la demande de levée de l’immunité parlementaire du requérant, accompagnée de ladite lettre ainsi que des lettres des magistrats instructeurs et des autorités du parquet près la cour d’appel de Paris, dépourvues du logo du ministère français de la Justice, des signatures de leurs auteurs et de la mention manuscrite évoquée au point précédent, a été communiquée aux membres de la commission des affaires juridiques du Parlement.

10      Le 4 décembre 2020, le requérant a adressé au président du Parlement, ainsi qu’au président de la commission des affaires juridiques de cette institution, une lettre de mise en demeure visant à ce que, dans les 48 heures suivantes, l’original de la lettre du 16 juin 2020, comportant la mention manuscrite évoquée au point 8 de la présente ordonnance, soit distribué à tous les membres de cette commission et à lui–même.

11      Le 15 décembre 2020, le requérant a déposé une plainte contre X avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction auprès du tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique), des chefs de faux, d’usage de faux et de complicité de faux et d’usage de faux.

12      Le 16 mars 2021, le président de la commission des affaires juridiques du Parlement a communiqué aux membres de celle–ci une copie de l’original de la lettre du 16 juin 2020.

13      Le 25 mars 2021, le Parlement a adopté la décision litigieuse, portant levée de l’immunité parlementaire du requérant.

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 avril 2021, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

15      Au soutien de son recours, il a soulevé quatre moyens, tirés, le premier, d’une exception d’illégalité à l’égard du point 32 de la communication aux membres no 11/2019 de la commission des affaires juridiques du Parlement, du 19 novembre 2019 (ci–après la « communication no 11/2019 »), le deuxième, de la violation de formalités substantielles, le troisième, de la violation de l’article 8 du protocole sur les privilèges et immunités et, le quatrième, de la violation de l’article 9 de ce protocole ainsi que de l’existence d’un fumus persecutionis.

16      Au point 38 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, en réponse aux premier et deuxième moyens du recours dont il était saisi, qu’aucune disposition ni aucun principe du droit de l’Union ne s’oppose, par principe, à ce que le Parlement poursuive jusqu’à son terme la procédure de levée de l’immunité d’un député, quand bien même celui–ci aurait déposé une plainte en matière pénale relative à un fait survenu au cours de cette procédure. Le Tribunal a ajouté que l’invocation, par le requérant, de dispositions du droit de la fonction publique de l’Union, ainsi que d’un arrêt de la Cour administrative de Luxembourg ayant fait application du principe selon lequel « le pénal tient l’administratif en l’état » n’était pas de nature à infirmer cette constatation.

17      Aux points 64 à 66 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, en réponse au quatrième moyen de ce recours, que le pouvoir d’appréciation dont dispose le Parlement pour décider, sur le fondement de l’article 9, troisième alinéa, du protocole sur les privilèges et immunités, de lever l’immunité de l’un de ses membres, prévue au premier alinéa, sous a), de cet article, n’était pas restreint par les circonstances invoquées par le requérant, à savoir, d’une part, que les faits qui lui étaient reprochés entraient, pour partie, dans la sphère de son activité de député et, d’autre part, que la levée de son immunité pourrait aboutir à la perte de son mandat en raison de son incarcération ou d’une sanction d’inéligibilité.

18      Au point 68 de cet arrêt, le Tribunal a constaté, toujours en réponse au quatrième moyen dudit recours, que la communication aux membres no 11/2003 de la commission juridique et du marché intérieur du Parlement, du 6 juin 2003, portant sur la « Levée d’immunité conformément à l’article [9] du Protocole sur les privilèges et immunités. Principes établis sur la base des affaires relatives à l’expression d’opinions » (ci–après la « communication no 11/2003 »), outre qu’elle était juridiquement non contraignante, avait été remplacée par la communication no 11/2019. Le requérant ne pouvait donc pas se prévaloir de la communication no 11/2003 afin de démontrer une erreur manifeste d’appréciation tirée de l’existence d’un fumus persecutionis.

19      Ayant écarté l’ensemble des moyens invoqués, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.

 Les conclusions des parties

20      Le requérant demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler la décision litigieuse ;

–        de condamner le Parlement aux dépens.

21      Le Parlement demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi comme étant manifestement irrecevable et, à titre subsidiaire, comme étant non fondé ;

–        de condamner le requérant aux dépens.

 Sur le pourvoi

22      En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, cette juridiction peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

23      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

24      Au soutien de son pourvoi, le requérant soulève trois moyens tirés, le premier, d’une violation du principe selon lequel « le pénal tient l’administratif, le civil en l’état », le deuxième, d’une violation, « via la commission JURI du Parlement », du point 7 de la communication no 11/2019 et, le troisième, d’une violation de l’article 9 du protocole sur les privilèges et immunités.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation du principe selon lequel « le pénal tient l’administratif, le civil en l’état »

 Argumentation des parties

25      Par son premier moyen, le requérant reproche au Tribunal d’avoir, au point 38 de l’arrêt attaqué, commis une erreur manifeste d’appréciation en ne prenant en compte ni l’article 25 de l’annexe IX du statut, qui consacrerait la règle selon laquelle « le pénal tient l’administratif, le civil en l’état »  et qui serait applicable « par analogie et a fortiori » à la procédure de levée de l’immunité parlementaire, ni un arrêt d’une juridiction luxembourgeoise, évoqué par le requérant devant le Tribunal, faisant application de ce principe. Le Tribunal aurait ainsi ignoré que le droit de l’Union repose sur les traditions juridiques des États membres. La prise en considération de cette règle aurait dû conduire à la suspension de la procédure de levée de l’immunité parlementaire du requérant, dès lors que celui–ci avait saisi les autorités judiciaires belges d’une plainte contre X avec constitution de partie civile des chefs de faux et usage de faux.

26      Selon le Parlement, ce moyen est manifestement non fondé.

 Appréciation de la Cour

27      Au point 38 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté qu’aucune disposition ni aucun principe du droit de l’Union ne s’oppose, par principe, à ce que le Parlement poursuive la procédure de levée de l’immunité parlementaire, quand bien même le député concerné aurait déposé, auprès des autorités nationales compétentes, une plainte pénale à l’égard d’un fait survenu au cours de cette procédure.

28      Contrairement à ce que fait valoir, en substance, le requérant, cette constatation n’est pas entachée d’une erreur de droit.

29      En effet, tout d’abord, la procédure de levée de l’immunité parlementaire vise à protéger l’indépendance du Parlement et à éviter qu’une entrave soit apportée au fonctionnement de cette institution (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies, C‑502/19, EU:C:2019:1115, points 82 à 84), en même temps qu’elle est l’expression de la coopération loyale qui s’impose entre celle–ci et les autorités des États membres, notamment en matière d’administration de la justice (arrêt du 21 octobre 2008, Marra, C‑200/07 et C‑201/07, EU:C:2008:579, points 41 et 42).

30      Ensuite, cette procédure ne vise pas à imposer des sanctions au député qui en fait l’objet et, partant, reste, en tout état de cause, en dehors du champ d’application de la règle, invoquée par le requérant, « le pénal tient l’administratif, le civil en état », laquelle ne peut donc être appliquée « par analogie ou a fortiori » à une procédure de levée de l’immunité parlementaire.

31      Enfin, l’article 25 de l’annexe IX du statut intègre le régime applicable à la procédure disciplinaire, laquelle a pour objet de sanctionner les manquements aux obligations commis par un fonctionnaire de l’Union si les faits pour lesquels elle a été déclenchée sont établis. Conformément à cette disposition, lorsque le fonctionnaire qui fait l’objet d’une procédure disciplinaire fait en même temps l’objet de poursuites pénales pour les mêmes faits, sa situation n’est définitivement réglée qu’après que la décision rendue par la juridiction pénale nationale saisie est devenue définitive. Ladite disposition permet ainsi d’assurer une articulation entre la procédure disciplinaire et les poursuites pénales diligentées au regard des mêmes faits, sans affecter la position du fonctionnaire en cause dans le cadre de ces poursuites pénales (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, DK/SEAE, C‑851/19 P, EU:C:2021:607, point 40).

32      Or, à la différence d’une procédure disciplinaire, la procédure de levée de l’immunité parlementaire, visée à l’article 9, troisième alinéa, du protocole sur les privilèges et immunités, n’a pas pour objet de déterminer si les faits reprochés au député concerné sont établis, cette question relevant de la compétence des autorités de l’État membre qui a demandé la levée de cette immunité (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2020, Troszczynski/Parlement, C‑12/19 P, EU:C:2020:725, point 57). Il s’ensuit que l’article 25 de l’annexe IX du statut, contrairement à ce que soutient le requérant, ne trouve pas à s’appliquer à la procédure de levée de l’immunité parlementaire. En tout état de cause, cette disposition ne couvre manifestement pas une situation dans laquelle le fonctionnaire qui fait l’objet d’une procédure disciplinaire dépose lui–même une plainte pénale auprès des autorités nationales compétentes, laquelle, par définition, ne saurait porter sur les mêmes faits que ceux pour lesquels ce fonctionnaire fait l’objet d’une procédure disciplinaire.

33      De surcroît, le fait d’admettre, comme le soutient le requérant, que, à la suite du seul dépôt de sa plainte contre X avec constitution de partie civile des chefs de faux et usage de faux, le Parlement serait tenu de suspendre la procédure de levée de l’immunité parlementaire dont il fait l’objet reviendrait à lui reconnaître un droit de compromettre sérieusement le déroulement de cette procédure.

34      Eu égard à ce qui précède, le premier moyen est manifestement non fondé et doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du point 7 de la communication no 11/2019

 Argumentation des parties

35      Par son deuxième moyen, le requérant considère que le Tribunal a, au point 68 de l’arrêt attaqué, méconnu l’arrêt du 8 novembre 2018, Troszczynski/Parlement (T‑550/17, non publié, EU:T:2018:754, points 77 et 78), conformément auquel les institutions de l’Union sont tenues de prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et de s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens. Le Tribunal n’aurait ainsi pas pris en compte toutes les règles applicables afin de déterminer l’existence d’un fumus persecutionis, dont notamment celles résultant de la communication no 11/2003, et aurait, ainsi, apprécié de façon erronée certains éléments de fait.

36      Le Parlement estime que le deuxième moyen doit être écarté comme étant manifestement irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme étant manifestement non fondé.

 Appréciation de la Cour

37      Au point 68 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, en se fondant sur l’arrêt du 17 septembre 2020, Troszczynski/Parlement (C‑12/19 P, EU:C:2020:725, point 44), que la communication no 11/2003 était juridiquement non contraignante et que, en outre, elle avait été remplacée par la communication no 11/2019, en vertu du point 53 de celle–ci.

38      En effet, aux termes de ce point 53, la communication no 11/2019 « remplace toutes les communications précédentes et tous les autres documents de la commission des affaires juridiques [du Parlement] concernant ses pratiques et modalités de fonctionnement dans le domaine des immunités », dont, notamment, la communication no 11/2003. Ainsi, ayant été remplacée par la communication no 11/2019 le 19 novembre 2019, date de la publication de celle-ci, la communication no 11/2003 n’était plus applicable à la date à laquelle la décision litigieuse a été adoptée. Dès lors, le Tribunal n’était pas tenu de prendre en considération, dans l’arrêt attaqué, la communication no 11/2003 et n’a pu, de ce fait, méconnaître l’arrêt du 8 novembre 2018, Troszczynski/Parlement (T‑550/17, non publié, EU:T:2018:754, point 77), lequel s’est borné à préciser la relation entre la communication no 11/2003 et la communication aux membres no 11/2016 de la commission des affaires juridiques du Parlement, du 9 mai 2016, ayant pour objet les « Principes applicables aux affaires d’immunité ».

39      En tout état de cause, il ne découle aucunement du principe énoncé au point 78 de l’arrêt du 8 novembre 2018, Troszczynski/Parlement (T‑550/17, non publié, EU:T:2018:754), selon lequel les institutions de l’Union sont tenues « de prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et de s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens », que ces institutions sont tenues de continuer à prendre en compte des dispositions après qu’elles ont été abrogées et remplacées par d’autres dispositions.

40      Il s’ensuit que l’argument tiré de ce que le Tribunal n’a pas pris en compte toutes les règles applicables afin de déterminer l’existence d’un fumus persecutionis manque manifestement de fondement.

41      Par ailleurs, il convient de rappeler que, aux termes du point 7 de la communication no 11/2019, « [c]haque groupe politique désigne [...] un député qui fait office de rapporteur permanent pour les affaires d’immunité et assume les fonctions de coordinateur, afin de veiller à ce que les affaires d’immunité soient traitées par des députés expérimentés. Les groupes politiques prennent soin de nommer des rapporteurs permanents connus pour leur probité exemplaire ». Il résulte du libellé de ce point, de nature essentiellement organisationnelle, qu’il n’a pas pour objet d’établir un faisceau d’éléments susceptibles de démontrer l’existence d’un fumus persecutionis.

42      Dès lors, ledit point ne peut servir de base ni à un examen des « irrégularités graves », invoquées par le requérant, liées à la prétendue falsification de pièces du dossier de demande de levée de l’immunité parlementaire du requérant communiquées à la commission des affaires juridiques, ni à celui de la mention manuscrite « très attentive », complétant la formule de politesse dactylographiée figurant sur la lettre de la ministre française de la Justice du 16 juin 2020.

43      Eu égard à ce qui précède, le deuxième moyen doit être écarté comme étant manifestement non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 9 du protocole sur les privilèges et immunités

 Argumentation des parties

44      Par son troisième moyen, le requérant fait grief au Tribunal d’avoir commis, aux points 64 à 66 de l’arrêt attaqué, une erreur manifeste d’appréciation des limites du pouvoir dont dispose le Parlement pour décider s’il convient de lever l’immunité d’un de ses membres, sur le fondement de l’article 9, troisième alinéa, du protocole sur les privilèges et immunités, dès lors que cette institution n’aurait pas pris en compte le fait que la levée de l’immunité parlementaire du requérant pourrait aboutir à la perte du mandat de celui-ci en raison de sa possible incarcération ou d’une éventuelle sanction d’inéligibilité. Dans ce contexte, le requérant ajoute que « le contrôle du budget de frais d’assistance parlementaire d’un député peut être un moyen d’instrumentalisation de l’action judiciaire à des fins politiques », particulièrement lorsque la procédure de levée de l’immunité parlementaire vise une « personnalité politique de l’opposition ».

45      Le Parlement considère que le troisième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Appréciation de la Cour

46      Aux points 64 à 66 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que le pouvoir d’appréciation dont dispose le Parlement pour décider, sur le fondement de l’article 9, troisième alinéa, du protocole sur les privilèges et immunités, de lever l’immunité parlementaire de l’un de ses membres n’est pas restreint notamment par la circonstance que la levée de l’immunité parlementaire du requérant pourrait aboutir à la perte du mandat de celui-ci, en raison de son incarcération ou d’une sanction d’inéligibilité. Selon le Tribunal, cette circonstance n’est pas de nature à établir une violation de cet article 9.

47      Cette constatation du Tribunal n’est pas entachée d’une erreur de droit, contrairement à ce qu’allègue, en substance, le requérant. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 32 de la présente ordonnance, la procédure de levée de l’immunité parlementaire vise à déterminer si les conditions pour une telle levée, en vertu de l’article 9, troisième alinéa, du protocole sur les privilèges et immunités, sont réunies au moment où il en est fait la demande, et non pas à déterminer si les faits reprochés au député concerné au niveau national sont établis, cette question relevant de la compétence des autorités de l’État membre concerné (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2020, Troszczynski/Parlement, C‑12/19 P, EU:C:2020:725, point 57).

48      Ainsi, la levée de l’immunité parlementaire n’entraîne nullement la perte du mandat du député concerné. Elle vise seulement à permettre aux autorités nationales compétentes, dans le cadre des procédures prévues à cette fin, de déterminer si les faits qui sont reprochés à ce député sont établis. Si, à l’issue de telles procédures, ces faits sont établis, le député concerné peut certes, en vertu du droit national applicable, se voir infliger une peine susceptible de conduire, le cas échéant, à la perte de son mandat. Toutefois, exclure la levée de l’immunité parlementaire en raison de cette seule éventualité reviendrait à priver de tout effet utile l’article 9, troisième alinéa, du protocole sur les privilèges et immunités. Cette partie de l’argumentation du requérant manque donc manifestement de fondement.

49      S’agissant de l’argument du requérant selon lequel le contrôle du budget des frais d’assistance parlementaire peut être un « moyen d’instrumentalisation de l’action judiciaire à des fins politiques », particulièrement lorsque la procédure de levée de l’immunité vise une « personnalité politique de l’opposition », il y a lieu de constater que cet argument est vague et imprécis, le requérant ne démontrant nullement que tel est le cas en l’espèce. Or, il est de jurisprudence constante que les éléments du pourvoi qui ne contiennent aucune argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué ne répondent pas aux exigences découlant de l’article 256 TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, et doivent donc être écartés comme étant manifestement irrecevables (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2019, Deza/ECHA, C‑419/17 P, EU:C:2019:52, point 94).

50      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, manifestement non fondé et, en partie, manifestement irrecevable.

51      Eu égard aux motifs qui précèdent, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

52      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

53      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de cet article 184, paragraphe 1, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

54      Le requérant ayant succombé en ses moyens et le Parlement ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de condamner le requérant à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parlement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

2)      M. Jean-François Jalkh est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen.

Fait à Luxembourg, le 22 décembre 2022.

Le greffier

 

Le président de chambre faisant fonction

A. Calot Escobar

 

N. Piçarra


*      Langue de procédure : le français.

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