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Document 62021CO0313

Order of the Court (Eighth Chamber) of 22 December 2022.
Council of the European Union and European Commission v FI.
Joined Cases C-313/21 P and C-314/21 P.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:1045

 ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

22 décembre 2022 ( *1 )

« Pourvoi – Article 182 du règlement de procédure de la Cour – Fonction publique – Pension – Statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Article 20 de l’annexe VIII – Octroi d’une pension de survie – Conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire titulaire d’une allocation d’invalidité – Mariage conclu postérieurement à l’admission de ce fonctionnaire au bénéfice d’une allocation d’invalidité – Condition de durée minimale du mariage de cinq ans à la date du décès du fonctionnaire – Article 19 de l’annexe VIII – Mariage conclu antérieurement à l’admission du fonctionnaire au bénéfice d’une allocation d’invalidité – Absence de condition de durée minimale du mariage – Exception d’illégalité de l’article 20 de l’annexe VIII – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 20 – Principe d’égalité de traitement – Article 21, paragraphe 1 – Principe de non-discrimination – Article 52, paragraphe 1 – Absence d’une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate au regard de l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union européenne »

Dans les affaires jointes C‑313/21 P et C‑314/21 P,

ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits le 19 mai 2021,

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Alver et M. Bauer, en qualité d’agents,

partie requérante dans l’affaire C‑313/21 P,

les autres parties à la procédure étant :

FI,

partie demanderesse en première instance,

Commission européenne, représentée par MM. T. S. Bohr et B. Mongin, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Parlement européen,

partie intervenante en première instance,

et

Commission européenne, représentée par MM. T. S. Bohr et B. Mongin, en qualité d’agents,

partie requérante dans l’affaire C‑314/21 P,

les autres parties à la procédure étant :

FI,

partie demanderesse en première instance,

Parlement européen,

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Alver et M. Bauer, en qualité d’agents,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Safjan (rapporteur), président de chambre, MM. N. Piçarra et N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, les parties et l’avocat général entendus, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 182 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1

Par leurs pourvois, le Conseil de l’Union européenne (C‑313/21 P) et la Commission européenne (C‑314/21 P) demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 mars 2021, FI/Commission (T‑694/19, non publié, ci-après l’ arrêt attaqué , EU:T:2021:122), par lequel celui-ci a annulé les décisions de la Commission des 8 mars 2019 et 1er avril 2019, rejetant la demande d’octroi d’une pension de survie à FI (ci-après les « décisions litigieuses »).

Le cadre juridique

2

L’article 1er quinquies du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») est ainsi libellé :

« 1.   Dans l’application du présent statut est interdite toute discrimination, telle qu’une discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.

Aux fins du présent statut, les partenariats non matrimoniaux sont traités au même titre que le mariage, pourvu que toutes les conditions énumérées à l’article 1er, paragraphe 2, point c), de l’annexe VII soient remplies.

2.   Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, ce qui constitue un élément essentiel à prendre en considération dans la mise en œuvre de tous les aspects du présent statut, le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas les institutions de l’Union européenne de maintenir ou d’adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle.

[...]

5.   Dès lors qu’une personne relevant du présent statut, qui s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement tel que défini ci-dessus, établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l’institution de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement. Cette disposition ne s’applique pas dans les procédures disciplinaires.

6.   Dans le respect du principe de non-discrimination et du principe de proportionnalité, toute limitation de ces principes doit être objectivement et raisonnablement justifiée et doit répondre à des objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel. Ces objectifs peuvent notamment justifier la fixation d’un âge obligatoire de la retraite et d’un âge minimum pour bénéficier d’une pension d’ancienneté. »

3

L’article 35 du statut dispose :

« Tout fonctionnaire est placé dans une des positions suivantes :

a)

L’activité,

b)

Le détachement,

c)

Le congé de convenance personnelle,

d)

La disponibilité,

e)

Le congé pour services militaires,

f)

Le congé parental ou le congé familial,

g)

Le congé dans l’intérêt du service. »

4

L’article 47 du statut prévoit :

« La cessation définitive des fonctions résulte :

a)

De la démission,

b)

De la démission d’office,

c)

Du retrait d’emploi dans l’intérêt du service,

d)

Du licenciement pour insuffisance professionnelle,

e)

De la révocation,

f)

De la mise à la retraite,

g)

Du décès. »

5

L’article 52, premier et deuxième alinéas, du statut énonce :

« Sans préjudice des dispositions de l’article 50, le fonctionnaire est mis à la retraite :

a)

soit d’office, le dernier jour du mois durant lequel il atteint l’âge de 66 ans,

b)

soit à sa demande, le dernier jour du mois pour lequel la demande a été présentée lorsqu’il a atteint l’âge de la retraite ou que, ayant atteint un âge compris entre 58 ans et l’âge de la retraite, il réunit les conditions requises pour l’octroi d’une pension à jouissance immédiate, conformément à l’article 9 de l’annexe VIII. L’article 48, deuxième alinéa, deuxième phrase, s’applique par analogie.

Toutefois, à sa demande et lorsque l’autorité investie du pouvoir de nomination considère que l’intérêt du service le justifie, un fonctionnaire peut rester en activité jusqu’à l’âge de 67 ans, voire, à titre exceptionnel, jusqu’à l’âge de 70 ans, auquel cas il est mis à la retraite d’office le dernier jour du mois au cours duquel il atteint cet âge. »

6

L’article 53 du statut est rédigé de la manière suivante :

« Le fonctionnaire reconnu par la commission d’invalidité comme remplissant les conditions prévues à l’article 78 est mis d’office à la retraite le dernier jour du mois au cours duquel est prise la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination constatant l’incapacité définitive pour le fonctionnaire d’exercer ses fonctions. »

7

Selon l’article 78, premier alinéa, du statut :

« Dans les conditions prévues aux articles 13 à 16 de l’annexe VIII, le fonctionnaire a droit à une allocation d’invalidité lorsqu’il est atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de son groupe de fonctions. »

8

L’article 1er, paragraphe 2, sous c), de l’annexe VII du statut prévoit :

« A droit à l’allocation de foyer :

[...]

c)

le fonctionnaire enregistré comme partenaire stable non matrimonial, à condition que :

i)

le couple fournisse un document officiel reconnu comme tel par un État membre ou par toute autorité compétente d’un État membre, attestant leur statut de partenaires non matrimoniaux,

ii)

aucun des partenaires ne soit marié ni ne soit engagé dans un autre partenariat non matrimonial,

iii)

les partenaires n’aient pas l’un des liens de parenté suivants : parents, parents et enfants, grands-parents et petits-enfants, frères et sœurs, tantes, oncles, neveux, nièces, gendres et belles-filles,

iv)

le couple n’ait pas accès au mariage civil dans un État membre ; un couple est considéré comme ayant accès au mariage civil aux fins du présent point uniquement dans les cas où les membres du couple remplissent l’ensemble des conditions fixées par la législation d’un État membre autorisant le mariage d’un tel couple,

[...] »

9

L’annexe VIII du statut, relative aux « [m]odalités du régime de pensions », comporte, notamment, un chapitre 4, intitulé « Pension de survie », qui comprend les articles 17 à 29 de cette annexe. L’article 17 est rédigé de la manière suivante :

« Le conjoint survivant d’un fonctionnaire décédé dans l’une des positions visées à l’article 35 du statut bénéficie, pour autant qu’il ait été son conjoint pendant un an au moins et sous réserve des dispositions de l’article 1er, paragraphe 1, ci-dessus et de l’article 22 ci-dessous, d’une pension de survie égale à 60 % de la pension d’ancienneté qui aurait été versée au fonctionnaire s’il avait pu, sans condition de durée de service ni d’âge, y prétendre à la date de son décès.

La condition d’antériorité prévue ci-dessus ne joue pas si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage ou d’un mariage antérieur du fonctionnaire pour autant que le conjoint survivant pourvoie ou ait pourvu aux besoins de ces enfants ou si le décès du fonctionnaire résulte soit d’une infirmité ou d’une maladie contractée à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, soit d’un accident. »

10

L’article 18 de l’annexe VIII du statut dispose :

« Le conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire titulaire d’une pension d’ancienneté, pour autant que le mariage ait été contracté avant que l’intéressé ait cessé d’être au service d’une institution et qu’il ait été son conjoint pendant un an au moins, a droit, sous réserve des dispositions prévues à l’article 22, à une pension de survie égale à 60 % de la pension d’ancienneté dont bénéficiait son conjoint au jour de son décès. Le minimum de la pension de survie est de 35 % du dernier traitement de base ; toutefois, le montant de la pension de survie ne peut en aucun cas dépasser le montant de la pension d’ancienneté dont bénéficiait son conjoint au jour de son décès.

La condition de durée du mariage prévue au premier alinéa ne joue pas si un ou plusieurs enfants sont issus d’un mariage du fonctionnaire contracté antérieurement à sa cessation d’activité, pour autant que le conjoint survivant pourvoie ou ait pourvu aux besoins de ces enfants. »

11

L’article 19 de l’annexe VIII du statut prévoit :

« Le conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire titulaire d’une allocation d’invalidité, pour autant qu’il ait été son conjoint à la date de son admission au bénéfice de cette allocation, a droit, sous réserve des dispositions de l’article 22, à une pension de survie égale à 60 % de l’allocation d’invalidité dont bénéficiait son conjoint au jour du décès.

Le minimum de la pension de survie est de 35 % du dernier traitement de base ; toutefois, le montant de la pension de survie ne peut en aucun cas dépasser le montant de l’allocation d’invalidité dont bénéficiait son conjoint au jour de son décès. »

12

L’article 20 de l’annexe VIII du statut énonce :

« La condition d’antériorité prévue aux articles 17 bis, 18, 18 bis et 19 ci-dessus ne joue pas si le mariage, même contracté postérieurement à la cessation d’activité du fonctionnaire, a duré au moins cinq ans. »

13

Aux termes de l’article 27 de l’annexe VIII du statut :

« Le conjoint divorcé d’un fonctionnaire ou d’un ancien fonctionnaire a droit à la pension de survie définie au présent chapitre, à condition de justifier avoir droit pour son propre compte, au décès de son ex‑conjoint, à une pension alimentaire à charge dudit ex-conjoint et fixée soit par décision de justice, soit par convention intervenue entre les anciens époux, officiellement enregistrée et mise en exécution.

La pension de survie ne peut, toutefois, excéder la pension alimentaire telle qu’elle était versée au moment du décès de son ex-conjoint, celle‑ci étant actualisée selon les modalités prévues à l’article 82 du statut.

Le conjoint divorcé perd son droit s’il s’est remarié avant le décès de son ex-conjoint. Il bénéficie des dispositions de l’article 26 s’il se remarie après le décès de celui-ci. »

Les antécédents des litiges et les décisions litigieuses

14

À partir de l’année 2001, FI a vécu en concubinage avec une fonctionnaire d’une institution de l’Union, laquelle a été mise d’office à la retraite au cours de l’année 2005 pour cause d’invalidité et admise au bénéfice d’une allocation d’invalidité.

15

Le 12 mai 2014, FI et cette fonctionnaire se sont mariés. Cette dernière est décédée le 25 janvier 2019, soit moins de cinq ans après la date de conclusion du mariage.

16

FI a, en sa qualité de conjoint survivant d’une ancienne fonctionnaire de l’Union, introduit une demande d’octroi d’une pension de survie au titre du chapitre 4 de l’annexe VIII du statut.

17

Par les décisions litigieuses, l’Office de gestion et de liquidation des droits individuels (PMO) de la Commission a rejeté la demande de FI au motif que celui-ci ne remplissait pas les conditions prévues à l’article 20 de l’annexe VIII du statut pour pouvoir bénéficier d’une pension de survie, son mariage avec la fonctionnaire défunte, contracté postérieurement à la cessation d’activité de celle-ci, ayant duré moins de cinq années.

18

La réclamation introduite par FI contre ces décisions a été rejetée.

Le recours en première instance et l’arrêt attaqué

19

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 octobre 2019, FI a introduit un recours tendant à l’annulation des décisions litigieuses.

20

Le Parlement européen et le Conseil ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

21

À l’appui de son recours, FI a soulevé trois moyens, le premier étant tiré, en substance, de l’illégalité de l’article 20 de l’annexe VIII du statut au regard du principe d’égalité de traitement.

22

Statuant sur ce premier moyen, le Tribunal a constaté que, aux fins de l’octroi d’une pension de survie, la situation couverte par l’article 19 de l’annexe VIII du statut, à savoir celle du conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire de l’Union titulaire d’une allocation d’invalidité qui s’est marié avant la mise en invalidité de celui-ci, était comparable à la situation couverte par l’article 20 de cette annexe, à savoir celle du conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire titulaire d’une allocation d’invalidité qui a contracté mariage après la mise en invalidité. Le Tribunal a ensuite jugé qu’il existait une différence de traitement de situations comparables en fonction de la date de la conclusion du mariage, en ce que la pension de survie est accordée au conjoint survivant sans condition de durée minimale du mariage dans le cadre de l’article 19 de l’annexe VIII du statut alors que, dans le cadre de l’article 20 de cette annexe, elle ne lui est accordée qu’à la condition que le mariage ait duré au moins cinq ans. Le Tribunal a ajouté qu’une telle différence de traitement entraînait un désavantage pour le conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire qui s’est marié après la mise en invalidité de celui-ci par rapport au conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire qui a contracté mariage avant cette mise en invalidité.

23

Après avoir indiqué que la différence de traitement instituée à l’article 20 de l’annexe VIII du statut était prévue par la loi, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), le Tribunal a vérifié si la différence de traitement relevée pouvait être justifiée par un objectif d’intérêt général et si elle était proportionnée au regard de l’objectif poursuivi, notamment à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 48 de l’arrêt attaqué.

24

À cet égard, s’agissant de l’objectif d’intérêt général visant à prévenir les fraudes, le Tribunal, tout en reconnaissant que la condition selon laquelle le mariage doit avoir satisfait à une condition de durée minimale pour ouvrir le droit à une pension de survie permet de s’assurer que ce mariage ne repose pas exclusivement sur des considérations étrangères à un projet de vie commun, telles que des considérations purement financières ou liées à l’obtention d’un droit de séjour, a jugé déraisonnable de considérer que la condition de durée minimale du mariage de cinq années prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, qui est absente à l’article 19 de l’annexe VIII du statut et qui ne souffre aucune exception permettant d’établir l’absence de fraude, quels que soient les éléments de preuve objectifs apportés, puisse être nécessaire aux fins de la réalisation de l’objectif de lutte contre la fraude.

25

Le Tribunal a conclu que l’article 20 de l’annexe VIII du statut violait le principe d’égalité de traitement. Dans ces conditions, il a fait droit à l’exception d’illégalité soulevée par FI et annulé les décisions litigieuses.

Les conclusions des parties aux pourvois et la procédure devant la Cour

26

Par son pourvoi dans l’affaire C‑313/21 P, le Conseil demande à la Cour :

d’accueillir le pourvoi et d’annuler l’arrêt attaqué ;

de statuer définitivement sur le litige et de rejeter le recours en première instance comme étant non fondé, et

de condamner FI aux dépens exposés en première instance et dans le cadre du pourvoi.

27

Par son pourvoi dans l’affaire C‑314/21 P, la Commission demande à la Cour :

d’annuler l’arrêt attaqué ;

de rejeter le recours en première instance, et

de condamner FI aux dépens exposés en première instance et dans le cadre du pourvoi.

28

Par décision du président de la Cour du 30 juin 2021, les présentes affaires ont été suspendues dans l’attente du prononcé de l’arrêt dans les affaires jointes C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P. Après le prononcé de l’arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a. (C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557), la procédure a été reprise par décision du président de la Cour du 19 juillet 2022.

29

En application de l’article 54, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, le président de la Cour a décidé, le 30 juin 2021, de joindre les affaires C‑313/21 P et C‑314/21 P aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de l’arrêt.

Sur les pourvois

Sur l’application de l’article 182 du règlement de procédure

30

En vertu de l’article 182 du règlement de procédure, lorsque la Cour a déjà statué sur une ou plusieurs questions de droit identiques à celles soulevées par les moyens du pourvoi, principal ou incident, et qu’elle considère que le pourvoi est manifestement fondé, elle peut, sur proposition du juge rapporteur, les parties et l’avocat général entendus, décider de déclarer le pourvoi manifestement fondé par voie d’ordonnance motivée comportant référence à la jurisprudence pertinente.

31

La Commission précise qu’elle n’a pas d’objection à l’application de cet article.

32

Le Conseil et FI n’ont pas répondu à l’invitation de la Cour de se prononcer à ce sujet.

33

En l’occurrence, il y a lieu de constater que les moyens de pourvoi invoqués dans le cadre des présentes affaires soulèvent des questions de droit identiques à celles sur lesquelles la Cour a statué dans l’arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a. (C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557). Par conséquent, il convient de faire application de l’article 182 du règlement de procédure dans les présentes affaires.

Sur le fond

34

À l’appui de son pourvoi dans l’affaire C‑313/21 P, le Conseil soulève trois moyens tirés, le premier, d’erreurs de droit en ce qui concerne l’existence d’une différence de traitement, le deuxième, d’erreurs de droit portant sur l’étendue du contrôle juridictionnel par le Tribunal des choix faits par le législateur de l’Union et, le troisième, d’erreurs de droit s’agissant de la justification de la différence de traitement.

35

De son côté, à l’appui de son pourvoi dans l’affaire C‑314/21 P, la Commission fait valoir trois moyens tirés, le premier, d’une erreur de droit concernant les critères d’appréciation de la légalité des choix faits par le législateur de l’Union et d’une violation de l’obligation de motivation, le deuxième, d’une erreur de droit dans l’interprétation du principe de non-discrimination et, le troisième, d’une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte et de plusieurs violations de l’obligation de motivation.

Sur le premier moyen dans l’affaire C‑313/21 P ainsi que sur la troisième branche du premier moyen et sur le deuxième moyen dans l’affaire C‑314/21 P

– Argumentation des parties

36

Par ces moyens et branches, le Conseil et la Commission soutiennent que, par l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation du principe d’égalité de traitement et du principe de non-discrimination en ce qu’il a conclu, à tort, à la comparabilité des situations couvertes par les dispositions des articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut et, partant, à l’existence d’une différence de traitement tenant à l’application de régimes différents à ces situations comparables.

37

Ces institutions considèrent que le Tribunal a, aux points 57 et 58 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit en considérant que la date de la conclusion du mariage était le seul élément déterminant l’application de l’article 19 ou de l’article 20 de l’annexe VIII du statut et que, dès lors, les situations relevant de ces dispositions étaient comparables. Or, si le Tribunal avait pris en compte l’ensemble des éléments caractérisant ces situations, il aurait dû constater qu’il existe une différence essentielle et objective entre les fonctionnaires en service et ceux bénéficiant d’une allocation d’invalidité et ayant cessé d’être au service d’une institution de l’Union. Cette différence tiendrait à la situation juridique respective de ces fonctionnaires, notamment eu égard aux droits et aux obligations professionnels auxquels les premiers, au contraire des seconds, sont tenus en vertu des dispositions statutaires pendant toute la durée de leur service.

38

En particulier, tant le Conseil que la Commission mettent en exergue le fait que le fonctionnaire en service, au contraire des anciens fonctionnaires qui n’ont plus l’obligation de travailler, doit cotiser au régime de pensions, perçoit un traitement de base supérieur à la pension d’ancienneté qui lui sera octroyée lorsqu’il sera à la retraite, a l’obligation de résider sur son lieu d’affectation et a droit à des indemnités de dépaysement, d’expatriation et de voyage. Ces considérations montreraient que la situation d’un fonctionnaire qui se marie après sa mise en invalidité et sa cessation d’activité ne nécessite pas, avec la même évidence que dans le cas du fonctionnaire qui se marie alors qu’il est encore en service, qu’un revenu de remplacement soit offert au conjoint survivant par l’octroi de la pension de survie.

39

La Commission estime également que la situation des fonctionnaires relevant de l’article 19 et celle des fonctionnaires relevant de l’article 20 de l’annexe VIII du statut se distinguent sur le plan personnel. D’une part, les anciens fonctionnaires bénéficiant d’une allocation d’invalidité auraient une espérance de vie généralement plus limitée que celle des fonctionnaires qui ne sont pas bénéficiaires d’une telle allocation, cette limitation contribuant nécessairement à aggraver le risque de fraude et à expliquer ainsi la différence de traitement en cause. D’autre part, la Commission soutient que le risque d’abus ou de fraude est plus limité dans le cas où le conjoint survivant s’est marié avant la mise en invalidité de son conjoint et a, par la suite, assisté ce dernier pendant toute la durée du mariage jusqu’à son décès, alors que, dans le cas d’une union contractée postérieurement à la mise en invalidité et à la cessation d’activité de ce conjoint, il ne serait pas manifestement inadéquat d’exiger que le mariage dure cinq ans afin d’attendre que la solidarité et l’entraide mutuelle des conjoints soient établies de manière objective.

40

Le Conseil et la Commission ajoutent que c’est à tort que le Tribunal a refusé, au point 55 de l’arrêt attaqué, de tirer les conséquences du point 33 de son arrêt du 17 juin 1993, Arauxo-Dumay/Commission (T‑65/92, EU:T:1993:47), dans lequel il avait mis en exergue l’existence d’une différence entre les situations régies, respectivement, par l’article 19 et l’article 20 de l’annexe VIII du statut. En effet, la logique sous-tendant cet arrêt serait transposable au cas d’espèce malgré la différence des faits en cause.

41

La Commission soutient par ailleurs que, au point 56 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ignoré à tort, dans son analyse, la finalité de la durée minimale du mariage prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, à savoir, ainsi que cela résulte des points 87 et 88 de l’arrêt du 19 décembre 2019, HK/Commission (C‑460/18 P, EU:C:2019:1119), celle d’éviter des pactes successoraux et, partant, de contracter mariage dans le seul but de pouvoir obtenir le paiement d’une pension de survie sans que ce mariage corresponde à aucune réalité ni à aucune stabilité des relations entre les personnes concernées. Ainsi, le Tribunal n’aurait pas respecté le critère selon lequel, lors de l’appréciation du caractère comparable des situations, il faut prendre en considération l’ensemble des éléments qui les caractérisent ainsi que l’ensemble des règles de droit régissant les positions de chacune des situations à comparer. En particulier, en considérant, à ce même point de l’arrêt attaqué, qu’un mariage conclu après l’admission au bénéfice d’une allocation d’invalidité ne modifie pas de manière essentielle la situation du conjoint survivant en ce qui concerne ses droits patrimoniaux en comparaison avec la situation faisant l’objet de l’article 19 de l’annexe VIII du statut, le Tribunal aurait, outre l’absence totale de motivation de cette considération, ignoré le risque qu’un tel mariage soit le prétexte à la conclusion de pactes successoraux. En effet, il ne saurait être nié que, compte tenu de la situation du fonctionnaire qui se marie après une telle admission, le risque de fraude et d’abus est plus grand que dans le cas du fonctionnaire qui s’est marié avant ladite admission.

– Appréciation de la Cour

42

À titre liminaire, il y a lieu de rappeler la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle l’égalité en droit, énoncée à l’article 20 de la Charte, est un principe général du droit de l’Union qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 95 ainsi que jurisprudence citée).

43

L’exigence tenant au caractère comparable des situations, afin de déterminer l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement, doit être appréciée au regard de l’ensemble des éléments qui les caractérisent et, notamment, à la lumière de l’objet et du but poursuivi par l’acte qui institue la distinction en cause, étant entendu qu’il doit être tenu compte, à cet effet, des principes et des objectifs du domaine dont relève cet acte. Pour autant que les situations ne sont pas comparables, une différence de traitement des situations concernées ne viole pas l’égalité en droit consacrée à l’article 20 de la Charte (arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 96 ainsi que jurisprudence citée).

44

C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner les allégations du Conseil et de la Commission selon lesquelles le Tribunal a conclu erronément, dans l’arrêt attaqué, à la comparabilité des situations couvertes par les dispositions des articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut et à l’existence d’une différence de traitement de ces situations comparables en fonction de la date de la conclusion du mariage.

45

À cet égard, il convient de relever que, aux points 50, 51 et 54 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que les articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut ont pour objet, sous réserve du respect de la condition de durée minimale du mariage prévue à la seconde de ces dispositions, l’octroi de pensions de survie au conjoint survivant en fonction de la seule nature juridique des liens unissant ce conjoint au conjoint décédé. Le Tribunal a également indiqué que lesdites dispositions poursuivent l’objectif d’octroyer au conjoint survivant un revenu de remplacement destiné à compenser partiellement la perte des revenus du conjoint décédé, celui‑ci ayant été, avant son décès, un ancien fonctionnaire qui n’était plus en activité.

46

Dès lors, le Tribunal a considéré, en substance, que ces deux dispositions de l’annexe VIII du statut avaient un objet et un but sensiblement identiques au regard de la jurisprudence mentionnée au point 43 de la présente ordonnance et rappelée par le Tribunal lui-même au point 44 de l’arrêt attaqué. Selon le Tribunal, le principal élément caractérisant les pensions de survie concernées réside dans la nature juridique des liens unissant le conjoint survivant, en tant que personne à laquelle lesdites dispositions confèrent un droit, à l’ancien fonctionnaire décédé. Toujours selon le Tribunal, l’application des articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut diffère uniquement, ainsi que cela ressort sans ambiguïté du point 52 de l’arrêt attaqué, selon que le mariage a été conclu avant ou après la date d’admission au bénéfice de l’allocation d’invalidité du fonctionnaire, l’article 20 de cette annexe prévoyant une condition de durée minimale du mariage au contraire de l’article 19 de ladite annexe.

47

Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a pu considérer, d’une part, au point 57 de l’arrêt attaqué, que les situations couvertes par les dispositions des articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut étaient comparables et, d’autre part, aux points 52 et 58 de l’arrêt attaqué, que les situations couvertes par ces dispositions se distinguaient seulement au regard de la date de la conclusion du mariage par rapport à la date d’admission au bénéfice de l’allocation d’invalidité du fonctionnaire.

48

Le Conseil et la Commission affirment, cependant, en premier lieu, que les situations visées aux articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut se distinguent de manière essentielle et objective par le fait que, précisément, à la date de la conclusion du mariage, le fonctionnaire exerce, dans le cadre de la première disposition, ses fonctions auprès d’une institution de l’Union, tandis que, dans le cadre de la seconde disposition, il est, en raison de sa mise en invalidité et de son admission au bénéfice de l’allocation d’invalidité, dans l’impossibilité d’exercer ces fonctions. Le Tribunal aurait ainsi omis de tenir suffisamment compte de cet élément caractéristique dans son appréciation de la comparabilité des situations.

49

Toutefois, ainsi que le Tribunal l’a indiqué à bon droit au point 53 de l’arrêt attaqué, la nature juridique des liens qui unissaient le conjoint survivant au fonctionnaire décédé ne diffère pas selon que, à la date de la conclusion du mariage, le fonctionnaire exerçait une activité professionnelle ou non et selon le montant des cotisations au régime de pensions de l’Union qui ont été payées ou qui seraient encore dues. De même, comme le Tribunal l’a constaté au point 56 de l’arrêt attaqué, la circonstance que le fonctionnaire défunt se soit marié avant ou après son admission au bénéfice d’une allocation d’invalidité n’est pas de nature à modifier, de manière essentielle, la situation du conjoint survivant en ce qui concerne ses droits patrimoniaux, dont fait partie le droit à une pension de survie en tant que revenu de remplacement.

50

En effet, la date de la conclusion du mariage est déterminée par la seule volonté des futurs époux. Cette décision procède d’un libre choix de la part du fonctionnaire sur la base de considérations multiples qui n’impliquent pas nécessairement ni uniquement la prise en compte des circonstances liées à l’exercice ou non d’une activité professionnelle. Contrairement à ce qu’affirment le Conseil et la Commission, le fait que ce fonctionnaire a été ou non mis en invalidité à cette date et, ainsi, est dans l’impossibilité ou non d’exercer ses fonctions ne saurait, dès lors, avoir une incidence déterminante sur l’appréciation de la comparabilité des situations en cause au regard des critères rappelés au point 43 de la présente ordonnance, et, notamment, de l’objet et du but des articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut, tels que rappelés au point 45 de la présente ordonnance. À cet égard, le raisonnement du Tribunal, rappelé au point précédent de la présente ordonnance, est fondé, en substance, sur cet objet et ce but ainsi que sur le principal élément caractéristique du droit à une pension de survie, indiqué au point 46 de la présente ordonnance.

51

Il est vrai que, ainsi qu’il ressort de ce même point 46 de la présente ordonnance, le fait que, à la date de la conclusion du mariage, le fonctionnaire est admis au bénéfice d’une allocation d’invalidité ou non et, partant, est dans l’impossibilité ou non d’exercer ses fonctions a une incidence sur la condition de durée minimale du mariage. Alors que cette condition n’est pas exigée dans le cas où le mariage est contracté lorsque le fonctionnaire n’est pas encore admis au bénéfice d’une allocation d’invalidité et, partant, exerce ses fonctions, le mariage doit avoir duré au moins cinq ans dans le cas où le fonctionnaire se marie après avoir été admis au bénéfice d’une telle allocation et, partant, n’est plus en mesure d’exercer ses fonctions.

52

Toutefois, comme cela ressort des points 49 et 50 de la présente ordonnance, ni la question de l’exercice des fonctions ni la date de la conclusion du mariage ne sont des éléments pertinents au stade de la comparabilité des situations en ce qu’ils sont dénués de lien direct avec l’objet, le but et le principal élément caractéristique du droit à une pension de survie visé aux articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut.

53

C’est pour cette raison qu’il convient de considérer, par analogie, comme la Cour l’a, s’agissant de la pension de survie prévue à l’article 17 de l’annexe VIII du statut, indiqué au point 70 de l’arrêt du 19 décembre 2019, HK/Commission (C‑460/18 P, EU:C:2019:1119), que l’octroi de la pension de survie dépend « seulement », dans son principe même, de la nature juridique des liens qui unissaient la personne concernée au fonctionnaire décédé, et ce alors même que la Cour a reconnu, au point 89 de cet arrêt, que la durée minimale du mariage constitue elle aussi une condition pour que le conjoint survivant bénéficie de la pension de survie.

54

En effet, c’est la nature juridique des liens entre les conjoints qui sous‑tend le régime des pensions de survie de la fonction publique de l’Union, en ce que cette condition d’octroi est commune à l’ensemble des pensions de survie visées aux articles 17 à 20 et à l’article 27 de l’annexe VIII du statut. La condition de durée minimale du mariage, quant à elle, revêt un caractère accessoire à la condition relative à la nature juridique des liens entre les conjoints, dans la mesure où elle vise seulement à préciser la durée pendant laquelle le lien juridique doit avoir perduré aux fins de l’octroi de la pension de survie. Cette condition accessoire n’est en outre pas reprise dans certaines des pensions de survie, telles que celles visées aux articles 19 et 27 de l’annexe VIII du statut.

55

C’est donc à juste titre que le Tribunal a, aux points 51 et 53 de l’arrêt attaqué, insisté, dans sa motivation, sur l’importance du lien juridique entre les conjoints en tant qu’élément principal caractérisant le régime des pensions de survie de l’Union et conclu à l’absence d’incidence de l’admission au bénéfice d’une allocation d’invalidité ou de l’exercice des fonctions sur ce lien.

56

Le Conseil et la Commission soutiennent, en deuxième lieu, que la situation d’un ancien fonctionnaire qui se marie après son admission au bénéfice d’une allocation d’invalidité et qui est ainsi dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions ne nécessite pas qu’un revenu de remplacement soit offert au conjoint survivant avec la même évidence que dans le cas du fonctionnaire qui se marie alors qu’il exerce ses fonctions. À cet égard, il suffit de rappeler, ainsi que le Tribunal l’a indiqué à juste titre au point 56 de l’arrêt attaqué, en faisant référence au point 69 de l’arrêt du 19 décembre 2019, HK/Commission (C‑460/18 P, EU:C:2019:1119), que le droit aux pensions de survie visées aux articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut n’est pas soumis à des conditions de ressources ou de patrimoine devant caractériser une incapacité du conjoint survivant à faire face à ses besoins et démontrant ainsi sa dépendance financière passée par rapport au défunt.

57

La Commission avance, en troisième lieu, que le Tribunal n’a pas tenu compte de la finalité de la durée minimale du mariage prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut au contraire de l’article 19 de cette annexe, durée qui consisterait, ainsi qu’il résulte du point 89 de l’arrêt du 19 décembre 2019, HK/Commission (C‑460/18 P, EU:C:2019:1119), à éviter la conclusion de pactes successoraux frauduleux ou abusifs, un tel risque d’abus ou de fraude distinguant, sur le plan personnel, les situations couvertes par ces deux articles. À cet égard, il suffit de relever que cet aspect n’est pas pertinent au stade de la comparabilité des situations. Cet argument se rapporte en effet à la justification de la condition de durée minimale du mariage, si bien qu’il ne peut intervenir qu’au stade de l’appréciation du caractère proportionné de l’éventuelle différence de traitement constatée.

58

Il ressort des considérations qui précèdent que, contrairement à ce que la Commission et le Conseil affirment, les conclusions auxquelles le Tribunal est parvenu, aux points 57 et 58 de l’arrêt attaqué, ne sont pas entachées d’une erreur de droit.

59

Dans ces conditions, il convient de qualifier d’inopérant l’argument du Conseil et de la Commission selon lequel le Tribunal a, à tort, refusé, au point 55 de l’arrêt attaqué, de tirer les conséquences du point 33 de l’arrêt du 17 juin 1993, Arauxo-Dumay/Commission (T‑65/92, EU:T:1993:47). En effet, à supposer même que cet argument soit fondé, les conclusions du Tribunal relatives à la comparabilité des situations se fondent à suffisance sur la motivation figurant respectivement aux points 50 à 54 et 56 de l’arrêt attaqué, indépendamment des considérations exposées au point 55 de cet arrêt.

60

Il s’ensuit qu’il convient de rejeter comme étant non fondés le premier moyen dans l’affaire C‑313/21 P ainsi que la troisième branche du premier moyen et le deuxième moyen dans l’affaire C‑314/21 P.

Sur le deuxième moyen dans l’affaire C‑313/21 P ainsi que sur les deux premières branches du premier moyen dans l’affaire C‑314/21 P

– Argumentation des parties

61

Par ces moyens, le Conseil et la Commission reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir commis, dans l’arrêt attaqué, une erreur de droit en ce qui concerne l’étendue du contrôle juridictionnel.

62

Ces deux institutions font valoir que, à la deuxième phrase du point 48 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait application d’une jurisprudence de l’Union développée dans le contexte radicalement différent des choix de politique de personnel dans des situations où plusieurs options sont ouvertes au législateur. C’est ainsi que le Tribunal aurait, notamment au point 80 de l’arrêt attaqué, conclu à tort au caractère simplement « déraisonnable » du choix du législateur de l’Union concernant la durée minimale de mariage retenue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut. Ce faisant, il aurait procédé à un contrôle allant au-delà du caractère « manifestement inapproprié ou inadéquat » de la disposition en cause par rapport à l’objectif poursuivi par les institutions compétentes, à savoir, en l’espèce, prévenir l’abus de droit et les fraudes. Le Tribunal aurait, de la sorte, substitué sa propre appréciation à celle du législateur de l’Union et aurait donc dépassé les limites du contrôle de légalité.

63

La Commission avance, en outre, que le Tribunal, alors qu’il aurait affirmé fonder son appréciation de la légalité de l’article 20 de l’annexe VIII sur les articles 20 et 21 de la Charte, s’est écarté de la jurisprudence de la Cour selon laquelle l’appréciation de la légalité d’un acte de l’Union au regard des droits fondamentaux ne saurait, en tout état de cause, reposer sur des allégations tirées des conséquences de cet acte dans un cas particulier. En effet, le Tribunal aurait tiré argument de la particularité des circonstances factuelles de l’espèce, au point 77 de l’arrêt attaqué, pour juger l’article 20 de l’annexe VIII du statut illégal.

– Appréciation de la Cour

64

Il y a lieu de relever que le Tribunal a rappelé, aux points 46 à 48 de l’arrêt attaqué, les exigences mentionnées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte ainsi que la jurisprudence applicable aux fins du contrôle de proportionnalité d’une différence de traitement. Il a ensuite jugé, au point 49 de l’arrêt attaqué, que, si les situations visées respectivement aux articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut étaient comparables, il devrait alors vérifier qu’il n’apparaissait pas déraisonnable pour le législateur de l’Union d’estimer que la différence de traitement instituée puisse être appropriée et nécessaire aux fins de la réalisation de l’objectif d’intérêt général poursuivi par la condition relative à la durée minimale de mariage prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut. Ayant conclu à la comparabilité des situations, il a effectué cette analyse à partir du point 62 de l’arrêt attaqué.

65

Or, ainsi que le soutiennent le Conseil et la Commission, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, en présence de règles statutaires, telles que celles en cause en l’espèce, et compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur de l’Union à cet égard, le principe d’égalité de traitement, tel que consacré à l’article 20 de la Charte, n’est méconnu que lorsque le législateur de l’Union procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 127 ainsi que jurisprudence citée).

66

Cette jurisprudence est applicable dans le cadre de la vérification de l’exigence de proportionnalité imposée à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte (arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 128).

67

En l’occurrence, le Tribunal a considéré, au point 49 de l’arrêt attaqué, qu’il devait vérifier s’il n’apparaissait pas déraisonnable pour le législateur de l’Union d’estimer que la différence de traitement instituée puisse être appropriée et nécessaire aux fins de la réalisation de l’objectif d’intérêt général poursuivi par la condition relative à la durée minimale de mariage prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut.

68

Or, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 65 et 66 de la présente ordonnance, il aurait dû se limiter à vérifier si la différenciation opérée à cette disposition, lue en combinaison avec l’article 19 de cette annexe, n’apparaissait pas arbitraire ou manifestement inadéquate au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi. En procédant de manière incorrecte à l’examen de l’exigence de proportionnalité, le Tribunal a méconnu l’étendue de son contrôle juridictionnel et a ainsi commis une erreur de droit. En effet, sans cette erreur, le Tribunal aurait été amené à adopter un raisonnement différent et à parvenir éventuellement à des conclusions autres que celles auxquelles il a abouti aux points 80, 81 et 83 de l’arrêt attaqué.

69

Cette méconnaissance de l’étendue du contrôle juridictionnel s’est également répercutée au point 67 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal s’est en effet attaché à examiner, à partir de ce point, si la condition de durée minimale du mariage de cinq ans prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, prise isolément et indépendamment de l’article 19 de cette annexe, était, au regard de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, proportionnée en ce sens qu’elle n’allait pas manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union. Or, ainsi qu’il ressort du point 66 de la présente ordonnance, même dans le cadre de cette disposition de la Charte, le Tribunal aurait dû se contenter d’examiner si la différenciation constatée en l’espèce, à savoir le fait que la condition de durée minimale du mariage est exigée dans les situations relevant de l’article 20 de l’annexe VIII du statut alors qu’elle ne l’est pas dans les situations relevant de l’article 19 de cette annexe, l’ensemble de ces situations étant par ailleurs comparables, devait être considérée comme arbitraire ou manifestement inadéquate au regard de l’objectif, commun à ces deux dispositions, poursuivi par le législateur de l’Union.

70

Dans ces conditions et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments soulevés par le Conseil et la Commission, il y a lieu de faire droit au deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑313/21 P ainsi qu’à la deuxième branche du premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑341/21 P.

71

Partant, il convient, sans qu’il soit besoin d’examiner le troisième moyen dans l’affaire C‑313/21 P ni la première branche du premier moyen et le troisième moyen dans l’affaire C‑314/21 P, d’accueillir les pourvois et d’annuler l’arrêt attaqué.

Sur le recours devant le Tribunal

72

Conformément à l’article 61, premier alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

73

En l’espèce, eu égard notamment à la circonstance que le recours en annulation dans l’affaire T‑694/19 est fondé sur des moyens ayant fait l’objet d’un débat contradictoire devant le Tribunal et dont l’examen n’exige d’adopter aucune mesure supplémentaire d’organisation de la procédure ou d’instruction du dossier, il convient de considérer que ce recours est en état d’être jugé et qu’il y a lieu de statuer définitivement sur celui-ci.

74

À l’appui de son recours devant le Tribunal, FI a soulevé quatre moyens tirés, premièrement, de l’illégalité de l’article 20 de l’annexe VIII du statut, deuxièmement, d’une erreur de droit dans l’application des articles 18 et 20 de cette annexe, troisièmement, d’une erreur d’interprétation de la notion de « conjoint » telle qu’utilisée dans le régime de l’Union relatif aux pensions de survie et, quatrièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation due à l’absence de prise en compte de sa situation particulière.

Sur le premier moyen, tiré de l’illégalité de l’article 20 de l’annexe VIII du statut

75

Par son premier moyen, FI soutient que l’article 20 de l’annexe VIII du statut, en ce qu’il impose une condition de durée minimale du mariage de cinq ans, méconnaît les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination fondée sur l’âge, sur la nature du lien juridique de la vie commune ainsi que sur le handicap.

Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement

76

Par cette branche, FI avance que, en excluant le paiement d’une pension de survie au conjoint survivant dans le cas où le mariage conclu postérieurement à l’admission de son conjoint au bénéfice d’une allocation d’invalidité a duré moins de cinq ans, alors que, conformément à l’article 19 de l’annexe VIII du statut, cette condition de durée minimale du mariage n’est pas imposée lorsque le mariage est conclu antérieurement à cette admission, l’article 20 de cette annexe enfreint le principe d’égalité de traitement prévu notamment à l’article 20 de la Charte et à l’article 1er quinquies du statut et, ainsi, est entaché d’illégalité.

77

La Commission, soutenue par le Parlement et par le Conseil, conteste cette argumentation.

78

Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés reconnus par celle-ci doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.

79

Par ailleurs, le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré à l’article 20 de la Charte, dont le principe de non-discrimination énoncé à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte est une expression particulière. Ces deux principes sont également rappelés à l’article 1er quinquies du statut (arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 140 ainsi que jurisprudence citée).

80

Ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 42 de la présente ordonnance, le principe général d’égalité de traitement exige du législateur de l’Union, conformément aux exigences de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Une différence de traitement est justifiée dès lors qu’elle est fondée sur un critère objectif et raisonnable, à savoir lorsqu’elle est en rapport avec un but légalement admissible poursuivi par la législation en cause, et que cette différence est proportionnée au but poursuivi par le traitement concerné (arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 142 ainsi que jurisprudence citée).

81

Comme cela a été exposé au point 43 de la présente ordonnance, l’exigence tenant au caractère comparable des situations, afin de déterminer l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement, doit être appréciée au regard de l’ensemble des éléments qui les caractérisent et, notamment, à la lumière de l’objet et du but poursuivi par l’acte qui institue la distinction en cause, étant entendu qu’il doit être tenu compte, à cet effet, des principes et des objectifs du domaine dont relève cet acte. Pour autant que les situations ne sont pas comparables, une différence de traitement des situations concernées ne viole pas l’égalité en droit consacrée à l’article 20 de la Charte.

82

En outre, il y a lieu de rappeler la jurisprudence de la Cour, mentionnée au point 65 de la présente ordonnance, selon laquelle, en présence de règles statutaires telles que celles en cause en l’espèce et compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur de l’Union à cet égard, le principe d’égalité de traitement n’est méconnu que lorsque le législateur de l’Union procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi par la réglementation en cause.

83

C’est à l’aune de cette jurisprudence et des exigences de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte qu’il convient d’examiner l’exception d’illégalité de l’article 20 de l’annexe VIII du statut, soulevée par FI au regard du principe d’égalité de traitement, consacré à l’article 20 de la Charte et rappelé à l’article 1er quinquies du statut.

84

S’agissant, en premier lieu, de la comparabilité des situations visées aux articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut, il y a lieu de considérer, pour les motifs indiqués aux points 45 à 60 de la présente ordonnance, que ces situations sont comparables.

85

En deuxième lieu, il convient de constater que, en ne prévoyant pas, à l’article 19 de l’annexe VIII du statut, une condition de durée minimale du mariage contrairement à l’article 20 de cette annexe, le législateur de l’Union a traité de manière différente des situations comparables.

86

En troisième lieu, il convient d’examiner si cette différence de traitement est conforme à l’article 20 de la Charte en ce qu’elle répond aux critères énoncés à l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci et rappelés au point 78 de la présente ordonnance.

87

Premièrement, il est constant que cette différence de traitement est prévue par la loi, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, dès lors qu’elle résulte de l’article 20 de l’annexe VIII du statut, lu en combinaison avec l’article 19 de cette annexe. Tandis que ce dernier article ne prévoit pas de condition de durée minimale du mariage, l’article 20 de l’annexe VIII du statut prévoit une condition de durée minimale du mariage chiffrée de manière précise qui définit la portée de la limitation de l’exercice du droit à l’égalité de traitement (voir, s’agissant de la portée de l’exigence selon laquelle toute limitation de l’exercice des droits fondamentaux doit être prévue par la loi, arrêt du 26 avril 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑401/19, EU:C:2022:297, point 64 ainsi que jurisprudence citée).

88

Deuxièmement, la limitation apportée au régime des pensions de survie par la différence de traitement en cause respecte le contenu essentiel du principe d’égalité de traitement, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. En effet, cette limitation ne remet pas en cause ce principe en tant que tel dans la mesure où elle ne porte que sur la question, limitée, de la condition minimale de durée du mariage à laquelle les conjoints survivants de fonctionnaires ou d’anciens fonctionnaires décédés doivent satisfaire ou non pour pouvoir bénéficier d’une pension de survie, sans que les conjoints relevant de l’article 20 de l’annexe VIII du statut soient privés de la possibilité de bénéficier, à l’instar de ceux relevant de l’article 19 de cette annexe, d’une telle pension.

89

Troisièmement, ladite limitation répond à un objectif d’intérêt général, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, à savoir celui visant à prévenir les abus de droit et les fraudes, l’interdiction de celles-ci constituant un principe général du droit de l’Union dont le respect s’impose aux justiciables (voir, en ce sens, arrêt du 6 février 2018, Altun e.a., C‑359/16, EU:C:2018:63, point 49). La Cour a, en effet, déjà jugé que la condition selon laquelle le mariage doit avoir duré un certain temps pour que le conjoint survivant bénéficie de la pension de survie vise à s’assurer de la réalité et de la stabilité des relations entre les personnes concernées (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, HK/Commission, C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, point 89). Il s’agit d’un critère uniforme et indistinctement applicable à l’ensemble des conjoints survivants couverts par l’article 20 de l’annexe VIII du statut, qui vise non pas à présumer l’existence d’abus ou de fraudes dans le chef des conjoints survivants, mais à prévenir la commission de tels abus ou fraudes.

90

S’agissant, quatrièmement, de l’examen de proportionnalité, il convient, dans le cadre du contrôle de légalité d’une disposition du droit de l’Union au regard du principe d’égalité de traitement et en raison du large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur de l’Union en matière de règles statutaires, de vérifier, ainsi qu’il a été rappelé aux points 65 et 82 de la présente ordonnance, si, en imposant une durée minimale du mariage de cinq ans au conjoint survivant ayant épousé un fonctionnaire après l’admission de ce dernier au bénéfice d’une allocation d’invalidité, alors que l’article 19 de l’annexe VIII du statut ne prévoit pas une telle condition dans le cas d’un mariage contracté avec un fonctionnaire avant une telle admission, l’article 20 de cette annexe prévoit une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif d’intérêt général rappelé au point précédent de la présente ordonnance.

91

Ainsi que la Commission, soutenue par le Parlement et le Conseil, l’a indiqué en substance dans ses écrits, il n’apparaît ni arbitraire ni manifestement inadéquat d’exiger, à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, une durée minimale du mariage, alors qu’une telle condition de durée n’est pas exigée à l’article 19 de cette annexe. En effet, dans l’hypothèse visée à cet article 20, caractérisée par le fait que le mariage est contracté après l’admission du fonctionnaire au bénéfice d’une allocation d’invalidité, l’incitation aux abus ou à la fraude est susceptible d’être favorisée, d’une part, par l’état de faiblesse et de dépendance dans laquelle peut se trouver un fonctionnaire tombé gravement malade au point qu’il a été reconnu invalide et, partant, dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, au sens de l’article 78, paragraphe 1, du statut, et, d’autre part, par les implications financières pouvant découler de ce statut d’invalidité, le conjoint du fonctionnaire pouvant être amené à contracter mariage dans l’espoir que, en fonction de la maladie dont souffre ce fonctionnaire, l’espérance de vie de ce dernier sera sensiblement inférieure à la moyenne et lui permettra ainsi de bénéficier d’une pension de survie à un âge précoce et pour une durée potentiellement très longue.

92

En revanche, le fait que l’article 19 de l’annexe VIII du statut ne prévoit pas, contrairement à l’article 20 de cette annexe, une condition de durée minimale du mariage s’explique, ainsi qu’il ressort des écrits de la Commission et du Parlement, par le fait que, la mise en invalidité d’un fonctionnaire de l’Union étant le plus souvent imprévisible pour un couple déjà marié et venant bouleverser la situation de ce couple, le risque d’abus ou de fraude apparaît négligeable, de sorte que le législateur de l’Union a souhaité faire abstraction de cette condition, de la même manière qu’il en a également fait abstraction dans le cadre de l’article 17, second alinéa, et de l’article 18, second alinéa, de l’annexe VIII du statut pour tenir compte des situations dans lesquelles, d’une part, le décès du fonctionnaire résulte soit d’une infirmité ou d’une maladie contractée à l’occasion de l’exercice de ses fonctions soit d’un accident et, d’autre part, le conjoint survivant pourvoit ou a pourvu aux besoins des enfants issus d’un mariage contracté antérieurement à la cessation d’activité du fonctionnaire.

93

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, en fixant à l’article 20 de l’annexe VIII du statut une durée minimale du mariage de cinq ans afin de prévenir les abus et les fraudes alors qu’aucune durée minimale du mariage n’est prévue dans les situations couvertes par l’article 19 de cette annexe, le législateur de l’Union, dans le cadre du large pouvoir d’appréciation qui lui appartient, n’a pas opéré de différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate.

94

Il découle de ce qui précède que la différence de traitement instituée à l’article 20 de l’annexe VIII du statut est conforme à l’article 20 de la Charte et que, partant, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de non-discrimination fondée sur l’âge

95

FI allègue une violation du principe de non-discrimination fondée sur l’âge, consacré à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte et rappelé à l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut, en ce que l’article 20 de l’annexe VIII du statut couvre des fonctionnaires âgés en raison du fait qu’ils se marient après leur retraite, alors que l’article 19 de cette annexe s’applique dans l’hypothèse d’un mariage célébré avant l’admission du fonctionnaire au bénéfice de l’allocation d’invalidité et couvre ainsi des fonctionnaires encore en service et, partant, beaucoup plus jeunes. Imposer, comme le fait l’article 20 de l’annexe VIII du statut, une condition de durée minimale du mariage dans les situations dans lesquelles le mariage a été contracté après la cessation de fonctions du fonctionnaire décédé discriminerait ainsi les couples relevant de cette disposition en raison de leur âge.

96

La Commission, soutenue par le Parlement et par le Conseil, conteste cette argumentation.

97

À cet égard, il convient de constater que, ainsi que la Commission l’a indiqué dans son mémoire en défense devant le Tribunal, la deuxième branche du premier moyen de FI est fondée sur une prémisse inexacte.

98

En effet, ainsi qu’il ressort du point 47 de la présente ordonnance, les situations couvertes par les articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut se distinguent seulement au regard de la date de la conclusion du mariage non pas par rapport à la date de cessation de fonctions du fonctionnaire par l’effet de la mise à la retraite, mais par rapport à la date d’admission au bénéfice de l’allocation d’invalidité de ce fonctionnaire.

99

Or, l’admission du fonctionnaire au bénéfice d’une allocation d’invalidité est indépendante de l’âge du fonctionnaire, dans la mesure où des fonctionnaires de tous âges peuvent être admis au bénéfice d’une telle allocation.

100

Il en va également ainsi lorsque, en vertu de l’article 53 du statut, le fonctionnaire est, ainsi que cela s’est produit en l’espèce, mis à la retraite d’office concomitamment à sa mise en invalidité et à son admission au bénéfice d’une allocation d’invalidité. En effet, dans un tel cas, la mise à la retraite est effectuée en fonction non pas de l’âge de la retraite visé à l’article 52 du statut, mais uniquement de la date d’admission au bénéfice de l’allocation, laquelle, ainsi qu’il a été rappelé au point précédent, peut intervenir à tout âge.

101

Il découle de ce qui précède que la prétendue rupture d’égalité de traitement dont FI se prévaut n’est pas fondée sur l’âge, au sens de l’article 21, paragraphe 1, de la Charte et de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut, et que, dès lors, l’article 20 de l’annexe VIII du statut ne saurait être considéré comme étant entaché d’illégalité en raison d’une discrimination fondée sur le critère de l’âge. La deuxième branche du premier moyen doit, partant, être rejetée comme étant non fondée.

Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de non-discrimination fondée sur la nature du lien juridique de la vie commune

102

Dans le cadre de cette branche, FI soutient, d’une part, qu’il fait l’objet d’une discrimination en raison de son état civil du fait de la distinction que l’article 20 de l’annexe VIII du statut opère entre les conjoints mariés et les conjoints vivant en concubinage, puisque la situation factuelle, réelle et concrète au quotidien de ces catégories de conjoints est strictement la même.

103

D’autre part, FI rappelle que le champ d’application du statut a été étendu, par l’effet de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, second alinéa, du statut et de l’article 1er, paragraphe 2, sous c), de l’annexe VII du statut, à d’autres formes de communauté de vie que le mariage civil, à savoir à certains partenariats non matrimoniaux enregistrés. Dans ces conditions, il conviendrait d’interpréter le principe de non‑discrimination en conformité avec l’évolution des mœurs de la société et d’appliquer l’article 20 de l’annexe VIII du statut à l’ensemble des couples non matrimoniaux, lesquels se trouveraient dans une situation comparable et devraient ainsi être traités de la même manière.

104

La Commission, soutenue par le Parlement et par le Conseil, conteste cette argumentation.

105

À cet égard, il suffit de rappeler que la Cour a déjà jugé que, au regard de la pension de survie, les concubins ne sont pas dans une situation comparable à celle des personnes mariées ni à celle des partenaires ayant conclu un partenariat non matrimonial enregistré, au sens de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, second alinéa, du statut, pour bénéficier de l’application de l’article 20 de l’annexe VIII du statut, et que cette disposition ne viole ainsi pas le principe général d’égalité de traitement ni le principe de non-discrimination. Au demeurant, FI ne prétend pas, en tout état de cause, que le concubinage ferait naître, dans le droit national dont il relève, des obligations de même nature que celles issues du mariage (voir, par analogie, arrêt du 19 décembre 2019, HK/Commission, C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, points 80, 84 et 85).

106

Par ailleurs, pour les mêmes considérations que celles exposées aux points 91 à 94 de l’ordonnance du 22 décembre 2022, Commission/KM et Conseil/KM (C‑341/21 P et C‑357/21 P), un couple de concubins qui, à l’instar de FI et de sa conjointe avant leur mariage, n’est pas privé de la possibilité de se marier dans l’État membre dont il relève ne se trouve pas dans une situation comparable à celle d’un couple de même sexe uni par un partenariat non matrimonial enregistré mais privé d’une telle possibilité et que, partant, l’article 20 de l’annexe VIII ne saurait être entaché d’illégalité du fait d’une violation du principe de non-discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

107

Quant à l’interprétation extensive que FI entend suggérer, au regard de l’évolution des mœurs de la société, du principe de non-discrimination et de l’article 20 de l’annexe VIII du statut en ce sens que ce dernier devrait couvrir l’ensemble des couples non matrimoniaux, y compris les couples de concubins, il suffit de rappeler que, à l’heure actuelle, il existe toujours, dans les différents États membres de l’Union, une absence générale d’assimilation entre le mariage, d’une part, et les autres formes d’union légale ainsi que les unions de fait, d’autre part. Dans la mesure où le législateur de l’Union a uniquement entendu réserver le bénéfice des pensions de survie aux personnes mariées et aux personnes ayant conclu un partenariat non matrimonial enregistré, au sens de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, second alinéa, du statut, il n’appartient pas au juge de l’Union d’interpréter le statut en ce sens que seraient assimilées au mariage et à de tels partenariats des situations légales ou de fait qui en sont distinctes. Au contraire, il incombe au seul législateur d’adopter, le cas échéant, des mesures modificatrices en ce sens (voir, par analogie, arrêt du 31 mai 2001, D et Suède/Conseil, C‑122/99 P et C‑125/99 P, EU:C:2001:304, points 37, 38 et 50).

108

Il ressort des considérations qui précèdent que la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de non-discrimination fondée sur le handicap

109

Par cette branche telle qu’explicitée également dans les observations de FI sur les mémoires en intervention du Parlement et du Conseil ainsi que dans la réponse de FI du 23 novembre 2020 aux questions pour réponse écrite du Tribunal, FI considère, d’une part, que, alors que les conjoints survivants relevant respectivement de l’article 19 et de l’article 20 de l’annexe VIII du statut se trouvent dans la même situation en ce qu’ils ont assisté un fonctionnaire handicapé bénéficiaire d’une allocation d’invalidité au moment de son décès, la seconde de ces dispositions enfreint le principe de non-discrimination fondée sur le handicap en ce qu’il prive des conjoints survivants tels que FI du bénéfice d’une pension de survie en raison du seul fait qu’ils ont contracté mariage avec un tel fonctionnaire après l’admission de ce dernier au bénéfice d’une allocation d’invalidité.

110

D’autre part, FI considère qu’il fait l’objet d’une discrimination « par association » en raison du handicap dont souffrait son épouse décédée et invoque à cet égard l’arrêt du 17 juillet 2008, Coleman (C‑303/06, EU:C:2008:415). FI se serait en effet occupé au quotidien et à plein temps d’une personne atteinte d’un handicap comme si le couple avait été marié dès le premier jour de leur vie commune et avec le même dévouement que celui prodigué par des conjoints survivants relevant de l’article 19 de l’annexe VIII du statut. FI précise à cet égard que le handicap de son épouse a été la cause factuelle qui, en raison du fait qu’il s’agissait d’une priorité primant toute autre considération relative au statut juridique du couple, a conduit à leur mariage tardif.

111

La Commission, soutenue par le Parlement et par le Conseil, conteste cette argumentation.

112

Il y a lieu de rappeler que, en vertu de la jurisprudence de la Cour, tout cas de discrimination fondée sur le handicap, au sens de l’article 21, paragraphe 1, de la Charte et de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut suppose que, dans des situations comparables, un traitement défavorable ou un désavantage particulier doit être ou avoir été subi par une personne en fonction du handicap dont cette personne ou un membre de sa famille souffre (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 17 juillet 2008, Coleman, C‑303/06, EU:C:2008:415, point 56, et du 26 janvier 2021, Szpital Kliniczny im. dra J. Babińskiego Samodzielny Publiczny Zakład Opieki Zdrowotnej w Krakowie, C‑16/19, EU:C:2021:64, point 29).

113

Or, même à supposer que la maladie ayant entraîné la mise en invalidité de la conjointe de FI et son admission au bénéfice d’une allocation d’invalidité puisse être qualifiée de handicap, la prétendue rupture d’égalité de traitement dont FI affirme avoir été victime en raison du handicap de sa conjointe n’est aucunement fondée sur ce handicap.

114

En effet, ainsi que la Commission l’a expliqué dans ses écrits devant le Tribunal, son refus d’octroyer une pension de survie à FI est lié non pas au handicap de la conjointe de ce dernier, mais au fait que le couple a décidé de rester en concubinage et de ne contracter que postérieurement à l’admission de cette conjointe au bénéfice d’une allocation d’invalidité un mariage qui a duré moins de cinq ans avant le décès de celle-ci.

115

Quant à l’incidence que le handicap allégué de la conjointe de FI a pu avoir sur la décision du couple de se marier tardivement, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il a été indiqué au point 50 de la présente ordonnance, la date de la conclusion du mariage est déterminée par la seule volonté des futurs époux, leur décision procédant d’un libre choix sur la base de considérations multiples qui n’impliquent pas nécessairement ni uniquement la prise en compte des circonstances liées au handicap de l’un d’entre eux. Il ne pourrait en aller autrement que dans des circonstances exceptionnelles, telles que l’impossibilité pour la personne handicapée d’exprimer sa volonté de se marier, de telles circonstances n’ayant cependant pas été alléguées en l’espèce par FI.

116

Dès lors, il y a lieu de rejeter la quatrième branche du premier moyen comme étant non fondée et, partant, l’intégralité du premier moyen, tiré d’une illégalité de l’article 20 de l’annexe VIII du statut au regard des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination.

Sur les deuxième et troisième moyens, tirés respectivement d’une erreur de droit dans l’application des articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut ainsi que d’une erreur d’interprétation de la notion de « conjoint » au sens du régime prévu par le statut pour les pensions de survie

117

Par ces deux moyens, qu’il y a lieu de traiter conjointement, FI fait valoir qu’il convient d’interpréter les articles du statut relatifs au régime des pensions de survie, tels que les articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut, comme visant la vie commune en couple, qu’il s’agisse d’unions légales ou de fait. En particulier, il conviendrait de reconnaître les mêmes droits aux personnes qui, sans être mariées ni unies par un partenariat non matrimonial enregistré, au sens de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, second alinéa, du statut, ont partagé, pendant la durée de cinq ans prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, la vie commune avec un fonctionnaire de l’Union entre-temps décédé.

118

L’assimilation de la notion de « conjoint » à l’ensemble des formes d’union légale ainsi qu’aux unions de fait serait en outre justifiée par l’évolution sociale des dernières années, qui aurait amené de nombreux États membres à aligner le mariage sur les autres formes d’union ou, du moins, à rapprocher le régime matrimonial des régimes non matrimoniaux, de telle sorte qu’il ne serait désormais plus possible d’enfermer la notion de « couple » dans le seul rapport fondé sur le mariage civil. FI ajoute que le législateur de l’Union a lui-même accompagné cette évolution en modifiant le statut de manière à assimiler, dans le cadre du régime d’assurance maladie des fonctionnaires de l’Union, le partenaire non marié d’un fonctionnaire aux conjoints.

119

La Commission, soutenue par le Parlement et par le Conseil, conteste cette argumentation.

120

À titre liminaire, il convient de préciser que, bien que FI invoque, dans le cadre de son deuxième moyen, une erreur de droit dans l’application des articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut, il ressort tant de la structure logique de la requête que des explications fournies par FI dans sa réponse du 23 novembre 2020 aux questions pour réponse écrite du Tribunal que FI entendait également inclure dans son argumentation l’article 19 de cette annexe, en ce que les articles 18 à 20 de ladite annexe forment un ensemble de règles indissociablement liées. Compte tenu du fait que les institutions ont elles aussi compris, dans leurs écrits, que le deuxième moyen de FI visait également l’article 19 de l’annexe VIII du statut, il convient de considérer que FI reproche à la Commission, dans le cadre de ce moyen, d’avoir fait une application incorrecte de l’article 20 de cette annexe, lu en combinaison avec les articles 18 et 19 de cette dernière.

121

Sur le fond, il convient, pour des raisons analogues à celles exposées aux points 105 à 107 de la présente ordonnance, de rejeter les deuxième et troisième moyens comme étant non fondés, étant précisé que, s’agissant de l’argument de FI tiré de l’assimilation, dans le cadre du régime d’assurance maladie des fonctionnaires de l’Union, du partenaire non marié d’un fonctionnaire aux conjoints, il suffit de relever que cette assimilation, limitée à un domaine précis du statut, procède de la seule volonté du législateur et que, en l’absence de modifications expresses apportées par ce dernier au reste du statut, ladite assimilation ne saurait être invoquée à l’appui d’une généralisation transversale dans le reste du statut.

Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission due à l’absence de prise en compte de la situation particulière de FI

122

FI rappelle que, jusqu’au décès de sa conjointe intervenu au cours de l’année 2019, il a vécu en concubinage avec celle-ci avant que le couple ne s’engage dans une relation maritale qui a duré presque cinq années, à environ trois mois près. Pendant toute la durée de leur vie commune, FI indique qu’il a pourvu aux soins de son épouse. Ainsi, le fait d’avoir vécu aux côtés de celle-ci dans de telles circonstances ferait apparaître comme particulièrement injuste le refus de lui octroyer une pension de survie au motif qu’il lui manque moins de quatre mois pour remplir la condition de durée minimale du mariage de cinq ans imposée à l’article 20 de l’annexe VIII du statut. Ce faisant, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation.

123

Sans contredire les faits exposés par FI, la Commission, soutenue par le Parlement et par le Conseil, conteste cette argumentation.

124

Il convient de rappeler, ainsi qu’il a été indiqué au point 89 de la présente ordonnance, que la condition de durée minimale du mariage de cinq ans prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut est un critère uniforme et indistinctement applicable à l’ensemble des conjoints survivants couverts par cette disposition, laquelle vise non pas à présumer l’existence d’abus ou de fraudes dans le chef des conjoints survivants, mais à prévenir la commission de tels abus ou fraudes.

125

Il convient également de faire observer que, sans préjudice des cas particuliers expressément prévus par le législateur de l’Union, le droit de l’Union ne connaît pas de principe général du droit selon lequel une norme en vigueur du droit de l’Union ne peut être appliquée lorsque cette norme entraîne, pour l’intéressé, une rigueur que le législateur de l’Union aurait manifestement cherché à éviter s’il avait envisagé ce cas au moment de l’édiction de la norme (arrêt du 26 mai 2016, Ezernieki, C‑273/15, EU:C:2016:364, point 56 et jurisprudence citée).

126

Par ailleurs, la Cour a déjà jugé que, même s’il doit résulter dans des situations marginales des inconvénients casuels de l’instauration d’une réglementation générale et abstraite, il ne peut être reproché au législateur d’avoir eu recours à une catégorisation, dès lors que, ainsi qu’il a été jugé aux points 78 à 116 de la présente ordonnance au sujet de l’article 20 de l’annexe VIII du statut, elle n’est pas discriminatoire par essence au regard de l’objectif qu’elle poursuit (arrêt du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, EU:C:2010:188, point 81 et jurisprudence citée).

127

Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant à FI de lui octroyer une pension de survie au motif que la condition de durée minimale du mariage de cinq ans prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut n’était pas remplie.

128

Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté comme étant non fondé, de même que, par voie de conséquence, le recours de FI dans son intégralité.

Sur les dépens

129

Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

130

Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute personne qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

131

FI ayant succombé en ses moyens après accueil des pourvois et le Conseil ainsi que la Commission ayant respectivement conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par ces deux institutions tant en première instance que dans les présents pourvois.

132

Bien qu’il n’ait pas participé à la procédure de pourvoi, le Parlement est intervenu en première instance devant le Tribunal. À la suite de l’annulation de l’arrêt attaqué et de l’évocation de l’affaire T‑694/19 dans la présente ordonnance, il convient de statuer à nouveau sur les dépens de cette institution en première instance, conformément aux dispositions combinées de l’article 137 et de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure.

133

À cet égard, conformément à l’article 140, paragraphe 1, de ce règlement, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dans ces conditions, le Parlement supportera les dépens qu’il a exposés en première instance.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

 

1)

L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 mars 2021, FI/Commission (T‑694/19, non publié, EU:T:2021:122), est annulé.

 

2)

Le recours de FI dans l’affaire T‑694/19 est rejeté.

 

3)

FI est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne tant dans l’affaire T‑694/19 que dans les affaires C‑313/21 P et C‑314/21 P.

 

4)

Le Parlement européen supporte les dépens exposés dans l’affaire T‑694/19.

 

Fait à Luxembourg, le 22 décembre 2022.

Le greffier

A. Calot Escobar

Le président de chambre

M. Safjan


( *1 ) Langue de procédure : le français.

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