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Document 62013CJ0323

    Judgment of the Court (Sixth Chamber) of 15 October 2014.
    European Commission v Italian Republic.
    Case C-323/13.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:2290

    ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

    15 octobre 2014 (*)

    «Manquement d’État ‒ Environnement ‒ Directives 1999/31/CE et 2008/98/CE ‒ Plan de gestion ‒ Réseau adéquat et intégré d’installations d’élimination ‒ Obligation de mettre en place le traitement des déchets assurant le meilleur résultat pour la santé humaine et la protection de l’environnement»

    Dans l’affaire C‑323/13,

    ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 13 juin 2013,

    Commission européenne, représentée par Mmes L. Pignataro-Nolin, E. Sanfrutos Cano et A. Alcover San Pedro, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie requérante,

    contre

    République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Fiengo, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie défenderesse,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de M. A. Borg Barthet, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. E. Levits et F. Biltgen (rapporteur), juges,

    avocat général: M. N. Jääskinen,

    greffier: Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 juin 2014,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que:

    –        en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour éviter qu’une partie des déchets municipaux mis dans les décharges du SubATO de Rome et dans celles du SubATO de Latina ne soit pas soumise à un traitement comprenant une sélection adéquate des diverses fractions des déchets et la stabilisation de leur fraction organique,

    –        et en n’ayant pas établi, dans la région du Latium, de réseau intégré et adéquat d’installations de gestion des déchets, en tenant compte des meilleures techniques disponibles,

    la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent, d’une part, au titre des dispositions combinées des articles 1er, paragraphe 1, et 6, sous a), de la directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets (JO L 182, p. 1), ainsi que des articles 4 et 13 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO L 312, p. 3), et, d’autre part, au titre de l’article 16, paragraphe 1, de cette dernière directive.

     Le cadre juridique

    2        Le considérant 6 de la directive 1999/31 est ainsi rédigé:

    «considérant que la mise en décharge, comme toutes les autres formes de traitement des déchets, doit être contrôlée et gérée de façon adéquate afin de prévenir ou de réduire les conséquences néfastes qu’elle pourrait avoir sur l’environnement et les risques pour la santé humaine».

    3        Le considérant 33 de cette directive se lit comme suit:

    «considérant que l’adaptation des annexes de la présente directive au progrès scientifique et technique et la normalisation des méthodes de contrôle, d’échantillonnage et d’analyse devront être réalisées à l’aide de la même procédure de comité».

    4        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de ladite directive:

    «[...] la présente directive a pour objet, par des exigences techniques et opérationnelles strictes applicables aux déchets et aux décharges, de prévoir des mesures, procédures et orientations visant à prévenir ou à réduire autant que possible les effets négatifs de la mise en décharge des déchets sur l’environnement, et notamment la pollution des eaux de surface, des eaux souterraines, du sol et de l’air, et sur l’environnement de la planète, y compris l’effet de serre, ainsi que les risques qui en résultent pour la santé humaine, pendant toute la durée de vie de la décharge.»

    5        L’article 2, sous h), de la directive 1999/31 définit le «traitement» des déchets comme «les processus physiques, thermiques, chimiques ou biologiques, y compris le tri, qui modifient les caractéristiques des déchets de manière à en réduire le volume ou le caractère dangereux, à en faciliter la manipulation ou à en favoriser la valorisation».

    6        L’article 6 de cette directive, intitulé «Déchets admis dans les différentes catégories de décharges», dispose:

    «Les États membres prennent des mesures pour que:

    a)      seuls les déchets déjà traités soient mis en décharge. Cette disposition ne peut s’appliquer aux déchets inertes pour lesquels un traitement n’est pas réalisable techniquement ou à tous autres déchets pour lesquels un tel traitement ne contribue pas à la réalisation des objectifs de la présente directive, fixés à l’article 1er, par une réduction des quantités de déchets ou des risques pour la santé humaine ou l’environnement;

    [...]»

    7        Le considérant 6 de la directive n° 2008/98 se lit comme suit:

    «L’objectif premier de toute politique en matière de déchets devrait être de réduire à un minimum les incidences négatives de la production et de la gestion des déchets sur la santé humaine et l’environnement. La politique dans le domaine des déchets devrait également viser à réduire l’utilisation de ressources et favoriser l’application pratique d’une hiérarchie des déchets.»

    8        Aux termes de l’article 1er de la directive 2008/98, celle-ci «établit des mesures visant à protéger l’environnement et la santé humaine par la prévention ou la réduction des effets nocifs de la production et de la gestion des déchets, et par une réduction des incidences globales de l’utilisation des ressources et une amélioration de l’efficacité de cette utilisation».

    9        L’article 4 de cette directive prévoit:

    «1.      La hiérarchie des déchets ci-après s’applique par ordre de priorité dans la législation et la politique en matière de prévention et de gestion des déchets:

    a)      prévention;

    b)      préparation en vue du réemploi;

    c)      recyclage;

    d)      autre valorisation, notamment valorisation énergétique; et

    e)      élimination.

    2.      Lorsqu’ils appliquent la hiérarchie des déchets visée au paragraphe 1, les États membres prennent des mesures pour encourager les solutions produisant le meilleur résultat global sur le plan de l’environnement. Cela peut exiger que certains flux de déchets spécifiques s’écartent de la hiérarchie, lorsque cela se justifie par une réflexion fondée sur l’approche de cycle de vie concernant les effets globaux de la production et de la gestion de ces déchets.

    [...]»

    10      L’article 13 de ladite directive est libellé comme suit:

    «Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et notamment:

    a)      sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore;

    b)      sans provoquer de nuisances sonores ou olfactives; et

    c)      sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier.»

    11      L’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/98 dispose:

    «Les États membres prennent les mesures appropriées, en coopération avec d’autres États membres lorsque cela s’avère nécessaire ou opportun, en vue de l’établissement d’un réseau intégré et adéquat d’installations d’élimination des déchets et d’installations de valorisation des déchets municipaux en mélange collectés auprès des ménages privés, y compris lorsque cette collecte concerne également de tels déchets provenant d’autres producteurs, en tenant compte des meilleures techniques disponibles.»

     La procédure précontentieuse

    12      Le 26 octobre 2009, la Commission a lancé une enquête EU Pilot concernant la violation de l’obligation de traitement des déchets prévue à l’article 6, sous a), de la directive 1999/31, à propos de la décharge de Malagrotta dans la région du Latium.

    13      Par lettres des 4 et 9 décembre 2009, les autorités italiennes ont reconnu que le ministère de l’Environnement avait autorisé la région du Latium à déposer, jusqu’au 31 décembre 2009, des déchets tels quels dans cette décharge. Le 2 mars 2011, ces mêmes autorités ont informé la Commission que tous les déchets mis en décharge à Malagrotta devaient être considérés comme des déchets «traités» au sens de l’article 2, sous h), de cette directive.

    14      Le 17 juin 2011, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure à la République italienne au titre de la violation de l’article 6, sous a), de ladite directive ainsi que des articles 4 et 13 de la directive 2008/98 constatée dans plusieurs décharges de la région du Latium. Dans cette lettre, elle a précisé qu’une lecture combinée de ces dispositions implique qu’un traitement au sens de la directive 1999/31 doit avoir pour effet d’éviter ou de réduire autant que possible les effets négatifs sur l’environnement et les risques pour la santé. Or, le seul broyage et/ou la compression des déchets en mélange, n’incluant pas une sélection adéquate des différentes fractions des déchets ainsi qu’une forme quelconque de stabilisation de ces fractions, ne répondraient pas à ces objectifs. Cette institution a également reproché à la République italienne d’avoir violé l’article 16 de la directive 2008/98 en raison du déficit de capacité de traitement biomécanique (ci‑après le «TMB») qui ressortirait du plan régional de gestion des déchets, tant dans le SubATO [sub-ambito territoriale ottimale (sous-zone territoriale optimale)] de Rome dans lequel se situe la décharge de Malagrotta que dans le SubATO de Latina et dans celui de Rieti.

    15      Le 12 août 2011, les autorités italiennes ont répondu que le déficit de capacité de TMB dans le SubATO de Rieti était compensé par l’excédent de capacité d’un autre SubATO. S’agissant des SubATO de Latina et de Rome, elles faisaient valoir que les déficits de capacité de TMB avaient été réduits depuis l’année 2011 et que, pour l’avenir, ils seraient comblés grâce à la future installation de TMB.

    16      N’étant pas satisfaite de cette réponse, la Commission a, par lettre du 1er juin 2012, adressé un avis motivé à la République italienne, invitant cette dernière à s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

    17      Par lettres des 3 et 6 août 2012, la République italienne a reconnu l’existence d’un déficit de capacité de TMB pour les SubATO de Latina et de Rome. En ce qui concerne celui du SubATO de Latina, elle a indiqué qu’il existait une possibilité de le compenser par la capacité résiduelle de TMB d’un SubATO voisin. Quant au SubATO de Rome, la République italienne a avancé qu’il y aurait une réduction dudit déficit de plus de moitié d’ici à l’année 2014. En outre, elle a fait valoir qu’un protocole d’entente relatif à la fermeture de la décharge de Malagrotta et à la promotion de la collecte différenciée des déchets municipaux de Rome avait été signé.

    18      Le 10 janvier 2013, la République italienne a informé la Commission de l’adoption de mesures supplémentaires tendant à la réduction des déficits de capacité de TMB, parmi lesquelles la construction d’une décharge temporaire pour le stockage de déchets traités dans une commune de Rome et l’adoption d’un calendrier précis des défis à relever par les autorités compétentes et les entreprises titulaires des installations.

    19      Le 19 mars 2013, cet État membre a avisé la Commission des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de ces différentes mesures tout en affirmant que celles-ci étaient en cours de réalisation.

    20      Considérant que la situation demeurait insatisfaisante au regard de la réglementation de l’Union en matière de déchets, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

     Sur le recours

     Sur le premier grief, tiré d’une violation des articles 1er et 6, sous a), de la directive 1999/31 ainsi que des articles 4 et 13 de la directive 2008/98

     Argumentation des parties

    21      S’agissant, en premier lieu, des obligations découlant des dispositions susmentionnées, la Commission soutient que, pour être conforme aux directives 1999/31 et 2008/98, le traitement des déchets destinés aux décharges doit, outre modifier les caractéristiques des déchets de manière à en réduire le volume ou le caractère dangereux ainsi qu’à en faciliter la manipulation ou la valorisation, avoir également pour effet d’éviter ou de réduire autant que possible les risques pour la santé humaine et les effets nocifs sur l’environnement. Ainsi, dès lors qu’il existe un traitement permettant d’atteindre un meilleur résultat d’ensemble pour la protection de la santé humaine et de l’environnement, notamment en parvenant à stabiliser les fractions organiques des déchets, les États membres seraient tenus d’adopter ce traitement.

    22      Selon la Commission, la notion de «traitement» doit être lue en fonction de l’objectif de prévention et de réduction des effets négatifs pour l’environnement et la santé humaine, énoncé tant à l’article 1er de la directive 1999/31 qu’aux articles 1er et 4 de la directive 2008/98. En outre, il ressortirait de l’article 4, paragraphe 2, de cette dernière directive que les États membres adoptent, lors de l’application de la hiérarchie des déchets, les mesures pour encourager les solutions ayant le meilleur résultat sur l’environnement. La Commission se fonde également sur l’article 13 de ladite directive qui dispose que les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine ni nuire à l’environnement. À cet égard, elle rappelle que, dans son arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115), la Cour a jugé que la constatation d’une violation de cet article, en ce qui concerne des opérations de valorisation et d’élimination des déchets, ne saurait dépendre de l’existence effective de problèmes sanitaires.

    23      Il s’ensuit, d’après la Commission, qu’un traitement consistant uniquement à compresser et/ou à broyer des déchets en mélange destinés à la décharge, sans comprendre une sélection adéquate des diverses fractions de déchets et une forme quelconque de stabilisation, n’est pas de nature à éviter ou à réduire autant que possible les effets négatifs et les risques pour la santé de l’homme.

    24      La République italienne, tout en ne contestant pas la lecture que la Commission fait des textes en question, relève cependant que cette institution n’en a fait état que dans sa lettre de mise en demeure datée du mois de juin 2011. Or, la Commission en aurait eu connaissance dès le mois de décembre 2009 et savait que, pour la République italienne, le fait de compacter et de broyer les déchets constituait un traitement adéquat. Dans ces conditions, il serait contraire à l’esprit du traité FUE de poursuivre en manquement cet État membre alors que l’interprétation de la Commission est tardive et que la mise en conformité aux exigences qui en découlent est subordonnée à des réformes en profondeur.

    25      En tout état de cause, le délai accordé à un État membre pour se mettre en conformité avec des dispositions du droit de l’Union ne saurait être inférieur au retard avec lequel la Commission a communiqué à cet État la manière dont il convenait de comprendre ces dispositions. En réponse à l’argument, avancé par la Commission, selon lequel la lecture qu’elle fait des dispositions en cause est connue depuis la procédure EU Pilot menée au cours de l’année 2009, la République italienne relève que l’interprétation préconisée par la Commission n’a pas le rang de droit positif tant que la Cour ne s’est pas prononcée à cet égard. D’ailleurs, aussi longtemps que la Cour n’aurait pas exercé son pouvoir d’interprétation, il ne serait pas justifié d’engager, à titre préventif, une action en manquement contre un État membre.

    26      En ce qui concerne, en second lieu, la preuve du manquement visé par le premier grief, la Commission soutient que les déchets mis en décharge dans les SubATO de Rome et de Latina ne sont pas soumis à un traitement adéquat au sens des articles 1er, paragraphe 1, et 6, sous a), de la directive 1999/31 ainsi que 4 et 13 de la directive 2008/98. En effet, le déficit de capacité de TMB de la région du Latium prouverait que les déchets sont mis en décharge sans traitement préalable. Selon cette institution, l’existence d’une insuffisance de capacité des installations de TMB des SubATO de Rome et Latina peut être déduite du dispositif de contrôle prévu par le plan de gestion régional. D’ailleurs, dans le cadre de la procédure précontentieuse, les autorités italiennes auraient reconnu ce déficit et affirmé qu’il serait comblé à partir de l’année 2014.

    27      En réaction aux arguments avancés par la République italienne lors de la procédure écrite, la Commission a renoncé à poursuivre la constatation d’un manquement en considération de la décharge Albano Laziale à Cecchina, mais a maintenu ses conclusions en ce qui concerne les cinq autres décharges du SubATO de Rome (Malagrotta, Colle Fagiolara, Cupinoro, Montecelio-Inviolata et Fosso Crepacuore) et les deux décharges du SubATO de Latina se trouvant à Borgo Montello.

    28      Lors de l’audience de plaidoiries, et en réponse à une question posée par la Cour, la République italienne a reconnu qu’il ne saurait être contesté que, à l’échéance du délai fixé dans l’avis motivé, les faits matériels reprochés par la Commission étaient établis. Selon cet État membre, le manquement est dû, d’une part, à la circonstance que les autorités nationales compétentes n’ont pas été en mesure d’adapter assez vite la réglementation nationale pour se conformer à l’interprétation des directives 1999/31 et 2008/98 préconisée par la Commission et, d’autre part, à des agissements frauduleux de la part de certains gestionnaires de décharges entre-temps poursuivis et condamnés pénalement. Par ailleurs, dès l’introduction du présent recours, la République italienne aurait tout entrepris pour mettre un terme, dans les meilleurs délais, au manquement reproché. Par ailleurs, l’introduction de ce recours constituerait un procès d’intention de la part de la Commission, puisqu’elle serait informée du fait que de nouvelles dispositions nationales ont été adoptées et que la situation concernant le traitement des déchets visée par le présent recours se serait nettement améliorée.

     Appréciation de la Cour

    29      S’agissant, en premier lieu, des obligations découlant des articles 1er, paragraphe 1, et 6, sous a), de la directive 1999/31 ainsi que des articles 4 et 13 de la directive 2008/98, il convient de relever qu’il ressort de la deuxième de ces dispositions que les États membres ont l’obligation, en ce qui concerne les déchets susceptibles d’un traitement, de prendre les mesures nécessaires pour que seuls les déchets déjà traités soient mis en décharge.

    30      Aux termes de l’article 2, sous h), de la directive 1999/31, la notion de «traitement» couvre les processus physiques, thermiques, chimiques ou biologiques, y compris le tri, qui modifient les caractéristiques des déchets de manière à en réduire le volume ou le caractère dangereux, à en faciliter la manipulation ou à en favoriser la valorisation.

    31      Il résulte de la lecture combinée des articles 2, sous h), et 6, sous a), de la directive 1999/31 que les États membres ont l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour que soient soumis à un traitement tous les déchets qui s’y prêtent et pour que les déchets susceptibles de faire l’objet d’un tel traitement ne soient donc pas mis tels quels en décharge.

    32      Il convient toutefois d’ajouter que, conformément à son article 1er, paragraphe 1, cette directive vise, par des exigences techniques et opérationnelles strictes applicables aux déchets et aux décharges, à prévoir, notamment, des mesures destinées à prévenir ou à réduire autant que possible les effets négatifs de la mise en décharge des déchets sur l’environnement et les risques qui en résultent pour la santé humaine, pendant toute la durée de vie de la décharge.

    33      Eu égard à l’objectif ainsi défini par ladite directive, il ne saurait donc être valablement soutenu que, en vue de la transposition et de l’application conformes de la directive 1999/31, les États membres puissent se borner à opter pour n’importe quel traitement des déchets et n’aient pas l’obligation de rechercher et de mettre en place le traitement le plus adapté, y compris la stabilisation de la fraction organique de ces déchets, afin de réduire autant que possible les effets négatifs des déchets sur l’environnement et, partant, sur la santé humaine.

    34      Cette interprétation est corroborée, d’une part, par le considérant 6 de ladite directive, dont il ressort que la mise en décharge doit être contrôlée et gérée de façon adéquate afin de prévenir et de réduire les conséquences néfastes qu’elle peut avoir sur l’environnement et les risques pour la santé humaine.

    35      Elle se trouve confirmée, d’autre part, par la circonstance que tant le considérant 33 de la directive 1999/31 que l’article 16 de celle-ci prévoient que les critères et les exigences contenus dans les annexes de cette directive doivent être régulièrement adaptés au progrès scientifique et technique.

    36      S’agissant des obligations découlant de l’article 4 de la directive 2008/98, il suffit de relever qu’il ressort clairement de cet article, paragraphe 2, que les États membres doivent, lorsqu’ils appliquent la hiérarchie des déchets prévue par cette directive, prendre les mesures appropriées pour encourager les solutions produisant le meilleur résultat global sur le plan de l’environnement.

    37      La même constatation s’impose au sujet de l’article 13 de ladite directive, qui prévoit que les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine ni nuire à l’environnement. Or, une telle exigence, lue à la lumière du considérant 6 de la même directive, selon lequel l’objectif de toute politique en matière de déchets doit être de réduire à un minimum les incidences négatives de la production et de la gestion des déchets sur la santé humaine et sur l’environnement, implique nécessairement l’obligation pour les États membres de s’assurer que les traitements auxquels les déchets sont soumis permettent d’en réduire autant que possible les effets nocifs sur l’environnement et sur la santé humaine.

    38      Eu égard à ces considérations, il y a lieu de conclure que les articles 1er, paragraphe 1, 2, sous h), et 6, sous a), de la directive 1999/31 ainsi que 4 et 13 de la directive 2008/98 doivent être compris en ce sens qu’ils obligent les États membres à prendre les mesures nécessaires pour que les déchets mis en décharge qui s’y prêtent soient soumis à un traitement permettant de réduire autant que possible les effets négatifs de ces déchets sur l’environnement et sur la santé humaine.

    39      En ce qui concerne, en second lieu, le bien-fondé du manquement reproché à la République italienne, il y a lieu de relever que celle-ci, d’une part, ne conteste pas que la simple compression et/ou le broyage de déchets en mélange destinés à être mis en décharge ne répondent pas aux exigences établies par la directive 1999/31 et qu’elle reconnaît la matérialité des faits qui lui sont reprochés par la Commission. D’autre part, elle fait valoir qu’elle s’efforce de remédier à la situation et que, depuis l’introduction du présent recours, de nouvelles mesures ont été adoptées pour mettre un terme au manquement.

    40      À cet égard, il convient de rappeler, d’abord, que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre en cause telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêts Commission/Espagne, C‑168/03, EU:C:2004:525, point 24; Commission/Luxembourg, C‑23/05, EU:C:2005:660, point 9, et Commission/Italie, EU:C:2010:115, point 79).

    41      Ensuite, un État membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations et des délais prescrits par une directive (voir, notamment, arrêts Commission/Espagne, C‑483/10, EU:C:2013:114, point 51, et Commission/Chypre, C‑412/12, EU:C:2013:506, point 15).

    42      D’ailleurs, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, l’existence d’activités criminelles ou de personnes présentées comme agissant «à la limite de la légalité» qui seraient actives dans le secteur de la gestion des déchets ne saurait davantage justifier la méconnaissance, par un État membre, des obligations lui incombant en vertu d’une directive (voir, en ce sens, arrêt Commission/Italie, EU:C:2010:115, point 84).

    43      Enfin, s’agissant du reproche de la République italienne adressé à la Commission, consistant à soutenir que le présent recours ne constitue qu’un procès d’intention puisque cet État membre a adopté les mesures nécessaires pour mettre un terme au manquement invoqué, il y a lieu de rappeler qu’il appartient à la Commission, dans le cadre de l’accomplissement de la mission qui lui est dévolue par l’article 258 TFUE, de veiller à l’application des dispositions du traité et de vérifier si les États membres ont agi en conformité avec ces dispositions. Si elle considère qu’un État membre a manqué à ces dernières, il lui incombe d’apprécier l’opportunité d’agir contre cet État, de déterminer les dispositions qu’il a violées et de choisir le moment où elle initiera la procédure en manquement contre cet État. Lorsque la Commission apprécie seule l’opportunité de l’introduction et du maintien d’un recours en manquement, la Cour est tenue d’examiner si le manquement reproché existe ou non, sans qu’il lui appartienne de se prononcer sur l’exercice par la Commission de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts Commission/Luxembourg, C‑33/04, EU:C:2005:750, points 66 et 67, ainsi que Commission/Italie, EU:C:2010:115, point 87).

    44      Dans ces conditions, le premier grief de la Commission doit être considéré comme fondé.

    45      Compte tenu de ce qui précède, il convient donc de constater que, en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour éviter qu’une partie des déchets municipaux mis dans les décharges du SubATO de Rome, à l’exclusion de celle de Cecchina, et dans celles du SubATO de Latina, ne soit pas soumise à un traitement comprenant une sélection adéquate des diverses fractions des déchets et la stabilisation de leur fraction organique, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent au titre des dispositions combinées des articles 1er, paragraphe 1, et 6, sous a), de la directive 1999/31 ainsi que des articles 4 et 13 de la directive 2008/98.

     Sur le second grief, tiré d’une violation de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/98

     Argumentation des parties

    46      Selon la Commission, il ressort du plan de gestion des déchets ainsi que de plusieurs ordonnances du président de la région du Latium et du commissaire délégué aux urgences environnementales dans la province de Rome qu’il existe un déficit de capacité de TMB dans cette région. Il conviendrait dès lors de conclure que la République italienne a manqué à l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/98, à savoir établir un réseau intégré et adéquat d’installations d’élimination et de valorisation des déchets municipaux en mélange en tenant compte des meilleures techniques disponibles. D’ailleurs, les autorités italiennes auraient, dans une note du 26 juillet 2012, expressément reconnu qu’un tel réseau n’avait pas été établi.

    47      S’agissant des arguments avancés par la République italienne pour contester le manquement reproché, la Commission relève que les mesures dont il est fait état à cet égard sont toutes postérieures à l’échéance du délai fixé dans l’avis motivé et que les arguments et les chiffres avancés sont démentis tant par les faits que par le décret du ministère de l’Environnement, intitulé «Reconduction du docteur Goffredo Sottile dans sa fonction de commissaire chargé de la situation hautement critique en matière de gestion des déchets municipaux dans la province de Rome» (Proroga al Dr. Goffredo Sottile dell’incarico di Commissario per fronteggiare la situazione di grave criticità nella gestione dei rifiuti urbani nella provincia di Roma), du 27 juin 2013 (GURI n° 196, du 22 août 2013, p. 11), et le décret ministériel du 30 septembre 2013 (GURI n° 235, du 7 octobre 2013, p. 3).

    48      La Commission précise par ailleurs que l’affirmation de la République italienne selon laquelle l’utilisation d’autres installations désignées par décret ministériel du 3 janvier 2013 (GURI n° 5, du 7 janvier 2013, p. 50) rend l’ensemble du bassin régional du Latium autonome en matière de traitement de déchets est contredite, d’une part, par la déclaration de cet État membre selon laquelle des accords ont été conclus en 2013 afin d’expédier des déchets en dehors de cette région et, d’autre part, par des articles de presse concernant lesdits accords.

    49      La République italienne, tout en ayant contesté, au stade de la défense et de la duplique, l’allégation de la Commission selon laquelle ladite région ne serait pas autosuffisante pour le traitement des déchets destinés à être mis en décharge, a reconnu, lors de l’audience de plaidoiries et en réponse à une question posée par la Cour, que, à l’échéance du délai fixé dans l’avis motivé, dans la région du Latium, le réseau d’installations d’élimination et de valorisation des déchets municipaux en mélange n’était en réalité pas conforme à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/98.

     Appréciation de la Cour

    50      S’agissant du second grief, il importe de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 41 du présent arrêt et de la jurisprudence de la Cour qui y est citée, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour.

    51      Dès lors que, en l’espèce, il n’est pas contesté que, à l’échéance du délai fixé dans l’avis motivé, la situation dans la région du Latium ne répondait pas aux exigences découlant de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/98, force est de conclure que le second grief est également fondé.

    52      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas établi, dans la région du Latium, de réseau intégré et adéquat d’installations de gestion des déchets, en tenant compte des meilleures techniques disponibles, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/98.

     Sur les dépens

    53      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:

    1)      La République italienne,

    –        en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour éviter qu’une partie des déchets municipaux mis dans les décharges du SubATO de Rome, à l’exclusion de celle de Cecchina, et dans celles du SubATO de Latina, ne soit pas soumise à un traitement comprenant une sélection adéquate des diverses fractions des déchets et la stabilisation de leur fraction organique, a manqué aux obligations qui lui incombent au titre des dispositions combinées des articles 1er, paragraphe 1, et 6, sous a), de la directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets, ainsi que des articles 4 et 13 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives,

    –        et en n’ayant pas établi, dans la région du Latium, de réseau intégré et adéquat d’installations de gestion des déchets, en tenant compte des meilleures techniques disponibles, a manqué aux obligations qui lui incombent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/98.

    2)      La République italienne est condamnée aux dépens.

    Signatures


    * Langue de procédure: l’italien.

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