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Document 62016TJ0829

Arrêt du Tribunal (huitième chambre) du 27 novembre 2018.
Mouvement pour une Europe des nations et des libertés contre Parlement européen.
Droit institutionnel – Parlement européen – Décision déclarant inéligibles certaines dépenses d’un parti politique aux fins d’une subvention au titre de l’exercice financier 2015 – Droit à une bonne administration – Sécurité juridique – Règlement (CE) no 2004/2003 – Interdiction du financement indirect d’un parti politique national.
Affaire T-829/16.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2018:840

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

27 novembre 2018 ( *1 )

« Droit institutionnel – Parlement européen – Décision déclarant inéligibles certaines dépenses d’un parti politique aux fins d’une subvention au titre de l’exercice financier 2015 – Droit à une bonne administration – Sécurité juridique – Règlement (CE) no 2004/2003 – Interdiction du financement indirect d’un parti politique national »

Dans l’affaire T‑829/16,

Mouvement pour une Europe des nations et des libertés, établi à Paris (France), représenté par Me A. Varaut, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes C. Burgos et S. Alves, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du Parlement européen du 12 septembre 2016 déclarant certaines dépenses inéligibles aux fins d’une subvention au titre de l’exercice financier 2015,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. M. Collins (rapporteur), président, R. Barents et J. Passer, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 26 juin 2018,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Le 10 juin 2015, le Mouvement pour une Europe des nations et des libertés, le requérant, a lancé une campagne relative à l’immigration dans le cadre de l’accord de Schengen (ci-après la « campagne »). La version française d’une affiche de cette campagne comportait le logo du requérant ainsi que le logo d’une flamme, accompagné du nom « Front national ». Par ailleurs, la version en langue néerlandaise de cette affiche comportait le logo du requérant ainsi que celui du Vlaams Belang.

2

Dans son rapport annuel d’audit des comptes des partis politiques européens relatif à l’année 2015, adopté le 25 avril 2016, un cabinet d’audit indépendant a indiqué qu’il n’avait pas pu obtenir des éléments de preuve suffisants et objectifs pour conclure que les dépenses de la campagne étaient éligibles, ce qui pourrait conduire à une réduction du montant de la subvention allouée par le Parlement européen.

3

À la suite d’une demande du Parlement, le 10 juin 2016, le requérant a fourni au Parlement une copie des affiches litigieuses.

4

Par lettre du 22 juillet 2016, le Parlement a informé le requérant que les dépenses en cause risquaient d’être inéligibles, car cela constituait un financement indirect de deux partis politiques nationaux, dans la mesure où ces derniers n’avaient pas contribué au financement de la campagne. Selon lui, un tel financement pourrait être contraire à l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen (JO 2003, L 297, p. 1,). Dès lors, il a invité le requérant à fournir ses observations sur cette prétendue irrégularité avant le 22 août 2016.

5

Le 27 juillet 2016, le requérant a demandé certaines informations additionnelles au Parlement, notamment concernant les précédents relatifs à ce type d’irrégularité.

6

Le 10 août 2016, le Parlement a répondu au requérant, en l’informant également de la prolongation du délai pour fournir ses observations jusqu’au 2 septembre 2016.

7

Le 2 septembre 2016, le requérant a envoyé ses observations.

8

Le 5 septembre 2016, le secrétaire général a adressé une note au bureau du Parlement, en l’invitant à adopter la décision finale concernant la clôture des comptes d’une série de partis politiques au niveau européen, dont le requérant, pour l’exercice financier 2015. Cette note indiquait que les rapports finaux et tout autre document relatif à la clôture des comptes pour cet exercice financier étaient à la disposition des membres du bureau du Parlement sur demande.

9

Le 7 septembre 2016, les services du Parlement ont transmis les observations du requérant au président du Parlement, en précisant qu’elles n’affectaient pas la position du Parlement.

10

Lors de sa réunion du 12 septembre 2016, le bureau du Parlement a examiné le rapport final présenté par le requérant après la clôture de ses comptes pour l’exercice financier 2015. Il a déclaré inéligible la somme de 63853 euros liée à la campagne et a fixé le montant de la subvention finale allouée au requérant à 400777,83 euros (ci-après la « décision attaquée »).

11

Le 26 septembre 2016, le Parlement a notifié au requérant la décision attaquée.

Procédure et conclusions des parties

12

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 novembre 2016, le requérant a introduit le présent recours.

13

Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 7 février 2017, le Parlement a soulevé une exception d’irrecevabilité, conformément à l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

14

Le requérant a déposé ses observations sur cette exception les 17 et 27 mars 2017.

15

Par ordonnance du 2 mai 2017, il a été décidé de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond.

16

Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter l’exception d’irrecevabilité du recours ;

annuler la décision attaquée ;

condamner le Parlement aux dépens.

17

Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme irrecevable ;

à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

condamner le requérant aux dépens.

18

Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité les parties à déposer certains documents et à répondre à certaines questions écrites avant l’audience, ce qu’elles ont fait dans les délais impartis.

19

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 26 juin 2018.

En droit

Sur la recevabilité

20

Le Parlement soulève une exception d’irrecevabilité tirée de la violation de l’article 263 TFUE et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

21

D’une part, le Parlement reproche au requérant d’avoir formé le recours contre le bureau du Parlement, qui n’est ni une institution, ni un organe, ni un organisme de l’Union au sens de l’article 263 TFUE. Dès lors, le Tribunal serait incompétent pour connaître dudit recours.

22

D’autre part, le Parlement soutient que la requête ne respecte pas les exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, tel qu’il est interprété par la jurisprudence, en ce qu’elle n’identifie pas les moyens invoqués et ne contient pas un exposé sommaire desdits moyens, de façon à lui permettre de préparer sa défense. En particulier, il relève que, même si la requête contient une section intitulée « La violation du principe de bonne administration » qui est consacrée à une prétendue violation de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), elle contient également une section intitulée « [a]u fond », qui est la plus longue de la requête et dans laquelle aucun moyen n’est identifié.

23

Le requérant conteste les griefs soulevés par le Parlement.

24

En ce qui concerne le premier grief soulevé par le Parlement, il convient de rappeler que le Tribunal est compétent pour connaître des recours introduits, au titre de l’article 263 TFUE, à l’encontre des seuls actes des institutions, des organes ou des organismes de l’Union européenne.

25

À cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, que le présent recours est dirigé contre la décision attaquée, qui a été adoptée le 12 septembre 2016 par l’organe compétent selon les dispositions internes du Parlement, à savoir son bureau, et notifiée au requérant le 26 septembre 2016. Il s’ensuit qu’une demande d’annulation de cette décision est nécessairement dirigée contre le Parlement, auteur de l’acte (voir, en ce sens, ordonnance du 5 septembre 2012, Farage/Parlement et Buzek, T‑564/11, non publiée, EU:T:2012:403, point 18).

26

Deuxièmement, lorsque le Parlement a notifié au requérant la décision attaquée, il a indiqué explicitement que celui-ci pouvait introduire un recours en annulation contre « la décision du bureau du Parlement » devant le Tribunal.

27

Troisièmement, conformément à la jurisprudence, il y a lieu de relever que, dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, le requérant a précisé que le recours devait être regardé comme ayant été formé à l’encontre du Parlement, sans persister dans la désignation du bureau du Parlement européen en tant que partie défenderesse (voir, en ce sens, ordonnance du 16 octobre 2006, Aisne et Nature/Commission, T‑173/06, non publiée, EU:T:2006:320, points 17 et 20).

28

Quatrièmement, l’identification dans la requête de la décision attaquée qui a été adoptée le 12 septembre 2016 et notifiée le 26 septembre 2016, ne permet pas de douter que l’intention du requérant était de diriger le recours contre le Parlement. La précision mentionnée au point 27 ci-dessus doit en effet être considérée comme étant une clarification à cet égard et non comme étant une modification ou une régularisation de la requête portant sur un élément visé à l’article 76 du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2004, Espagne et Finlande/Parlement et Conseil, C‑184/02 et C‑223/02, EU:C:2004:497, point 17).

29

Cinquièmement, lors de l’audience, le requérant a confirmé que son recours visait la décision attaquée, qui a été adoptée le 12 septembre 2016, à savoir un acte du Parlement.

30

Ces éléments permettent de constater sans ambiguïté que le recours est formé contre le Parlement, au sens de l’article 263 TFUE.

31

Enfin, il y a lieu de relever que la présente affaire se distingue de celles ayant donné lieu aux ordonnances du 18 septembre 2015, Petrov e.a./Parlement et président du Parlement (T‑452/15, non publiée, EU:T:2015:709), et du 4 février 2016, Voigt/Parlement (T‑618/15, non publiée, EU:T:2016:72), citées par le Parlement, dans lesquelles les recours avaient été introduits contre le président du Parlement et contre le Parlement. En effet, dans ces dernières affaires, le Tribunal s’est borné à rejeter les recours comme étant partiellement irrecevables en tant qu’ils étaient dirigés contre le président du Parlement et a poursuivi son examen au fond dans la mesure où ils étaient également dirigés contre le Parlement, et sans avoir examiné qui était effectivement visé par le recours, à la différence du cas d’espèce.

32

Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le premier grief d’irrecevabilité soulevé par le Parlement.

33

S’agissant du second grief soulevé par le Parlement, il convient de rappeler que, selon l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête contient les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens.

34

Selon une jurisprudence constante, indépendamment de toute question de terminologie, cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans avoir à solliciter d’autres informations. Il faut, en effet, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même, et ce afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice (voir arrêt du 6 octobre 2015, Corporación Empresarial de Materiales de Construcción/Commission, T‑250/12, EU:T:2015:749, point 101 et jurisprudence citée).

35

En l’espèce, comme le Parlement l’admet lui-même, la requête contient une partie intitulée « La violation du principe de bonne administration ». En outre, le texte de cette partie fait référence en particulier à l’article 41 de la Charte. Par ailleurs, il ressort des points 22 à 42 de la requête que le requérant reproche notamment au Parlement de ne pas avoir fourni à son organe de décision, à savoir son bureau, les observations du requérant avant l’adoption de la décision attaquée. Il s’agit du premier moyen avancé par le requérant.

36

Quant à la partie intitulée « Au fond », elle est divisée en trois sous-parties. La première sous-partie est intitulée « Le financement d’un parti politique national : une notion floue vecteur d’insécurité juridique ». Il ressort également des points 44 à 57 de la requête, qui s’y rapportent, que le requérant considère que l’interdiction du financement indirect d’un parti politique national, résultant de l’article 7 du règlement no 2004/2003, est contraire au principe de sécurité juridique. Il s’agit donc du deuxième moyen soulevé par le requérant.

37

Lors de l’audience, le Parlement a fait valoir, en particulier, que la requête n’invoquait pas explicitement une violation du principe de sécurité juridique et que, dès lors, un moyen tiré de la violation dudit principe devrait être rejeté comme étant irrecevable. À cet égard, il y a lieu de relever que la violation de ce principe est invoquée explicitement dans le titre de la première sous-partie, comme cela est indiqué au point 36 ci-dessus, ainsi qu’aux points 43 et 52 de la requête. Par ailleurs, le Parlement a répondu aux points 32 à 39 du mémoire en défense aux arguments avancés par le requérant. Dès lors, il convient de rejeter les arguments avancés lors de l’audience.

38

Enfin, les deuxième et troisième sous-parties de la partie intitulée « Au fond » de la requête sont intitulées respectivement « La traduction dans les États membres d’une campagne européenne » et « Un logo à format légal ». Il ressort également des points 58 à 81 de la requête, qui s’y rapportent, que, en substance, le requérant soutient que, dans la décision attaquée, le Parlement a apprécié de façon erronée la dépense concernée en la déclarant inéligible dans la mesure où elle constituait un financement indirect d’un parti politique national au sens de l’article 7 du règlement no 2004/2003. Il s’agit donc du troisième moyen soulevé par le requérant.

39

Partant, la requête satisfait aux exigences minimales dégagées par la jurisprudence à la lumière de l’article 76, sous d), du règlement de procédure. D’ailleurs, force est de constater que le Parlement a été en mesure d’identifier les moyens et les arguments avancés par le requérant afin de les contester dans ses propres écritures. Dès lors, le second grief d’irrecevabilité doit être rejeté.

40

Au vu de ce qui précède, l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement doit être rejetée.

Sur le fond

41

Au soutien de la demande d’annulation de la décision attaquée, le requérant avance, en substance, trois moyens, tirés, le premier, de la violation du principe de bonne administration, le deuxième, de la violation du principe de sécurité juridique et, le troisième, de la violation de l’article 7 du règlement no 2004/2003.

Sur la violation du principe de bonne administration

42

Par le premier moyen, le requérant invoque la violation du principe de bonne administration, notamment du droit de voir ses affaires traitées impartialement et équitablement et du droit d’être entendu, garantis par l’article 41 de la Charte. À cet égard, il fait valoir que l’organe de décision, à savoir le bureau du Parlement, n’a pas examiné l’affiche litigieuse et n’a pas pris en compte ses observations, qui ne lui ont pas été communiquées, en se fondant simplement sur une note du secrétaire général entachée de partialité. Il soutient qu’il aurait dû avoir l’opportunité de se défendre devant ce bureau, à tout le moins par écrit. Par ailleurs, il conteste que le travail des services du Parlement puisse être considéré comme étant purement préparatoire, puisque ce sont eux qui analysent les documents pertinents et font des propositions à ce bureau qui, n’ayant pas connaissance de ces documents et des arguments du requérant, ne peut qu’entériner la proposition qui lui est présentée.

43

Le requérant ajoute que cela constitue également une violation de l’article 16 du code européen de bonne conduite administrative, approuvé par résolution du Parlement du 6 septembre 2001 (JO 2002, C 72 E, p. 331, ci-après le « code européen de bonne conduite administrative »), garantissant le droit d’être entendu et de faire des observations.

44

Enfin, le requérant considère que le Parlement a violé l’article 8 de la décision du bureau du Parlement, du 29 mars 2004, fixant les modalités d’application du règlement no 2004/2003, telle que modifiée (JO 2014, C 63, p. 1, ci-après la « décision du bureau du Parlement du 29 mars 2004 »), selon lequel ce bureau donne au bénéficiaire la possibilité de prendre position sur les irrégularités constatées avant de prendre une décision. Dans la réplique, il précise que la lettre du Parlement du 22 juillet 2016 faisait référence explicitement à cette disposition.

45

Le Parlement conteste les arguments du requérant.

46

Aux termes de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, intitulé « [d]roit à une bonne administration », toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et les organes de l’Union.

47

De plus, aux termes de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, le droit à une bonne administration comporte notamment le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

48

Selon la jurisprudence, le principe de bonne administration implique notamment l’obligation pour l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2017, Schniga/OCVV, C‑625/15 P, EU:C:2017:435, point 47).

49

L’exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155). Il ressort de la jurisprudence que l’impartialité subjective est présumée jusqu’à preuve du contraire (voir, par analogie, arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 54, et du 19 février 2009, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement, C‑308/07 P, EU:C:2009:103, point 46).

50

Il ressort également de la jurisprudence que le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit de l’Union qui trouve à s’appliquer dès lors que l’administration se propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief. En vertu de ce principe, les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision. À cette fin, ils doivent bénéficier d’un délai suffisant (arrêt du 18 décembre 2008, Sopropé, C‑349/07, EU:C:2008:746, points 36 et 37).

51

C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner le premier moyen.

52

En ce qui concerne le grief tiré de la violation de l’obligation d’examiner impartialement et équitablement tous les éléments pertinents du cas d’espèce, il y a lieu de rappeler que, le 10 juin 2016, le Parlement a obtenu une copie des affiches de la campagne. De plus, il a invité le requérant à formuler ses observations sur l’inéligibilité des dépenses litigieuses avant le 22 août 2016, un délai qui a été prolongé par la suite jusqu’au 2 septembre 2016. Le 5 septembre 2016, le secrétaire général du Parlement a adressé une note au bureau du Parlement en l’invitant à déclarer inéligibles les dépenses litigieuses et en ajoutant que le rapport final et tout autre document relatif à la clôture des comptes pour l’exercice financier 2015 étaient disponibles sur demande. Par ailleurs, les observations du requérant du 2 septembre 2016 ont été prises en compte, ainsi qu’il ressort du courriel des services du Parlement adressé au président le 7 septembre 2016 et comme le requérant l’a reconnu lui-même à l’audience, même s’il soutient qu’elles n’ont pas été examinées par l’entité correcte.

53

Il y a lieu de préciser que, avec ce même courriel du 7 septembre 2016, les services du Parlement ont transmis les observations du requérant au président du Parlement, qui est un des membres du bureau en vertu de l’article 24 du règlement intérieur du Parlement en vigueur à l’époque, en ajoutant qu’elles n’affectaient pas la proposition relative à l’éventuelle déclaration d’inéligibilité des dépenses litigieuses. Dans ce contexte, le 12 septembre 2016, le bureau du Parlement a adopté la décision attaquée.

54

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le Parlement a recueilli les éléments nécessaires pour prendre sa décision équitablement et impartialement.

55

De surcroît, il ne saurait être reproché à l’organe compétent pour adopter la décision attaquée, à savoir le bureau du Parlement, de s’appuyer sur le travail préparatoire des services de l’institution. À cet égard, le requérant a admis, lors de l’audience, qu’il est en effet loisible au Parlement de s’appuyer sur le travail préparatoire de ses services. Il ne saurait être reproché non plus au Parlement d’agir sur une proposition de son secrétaire général, ce qui est par ailleurs prévu par l’article 224 du règlement intérieur du Parlement en vigueur à l’époque. De plus, il convient de relever que la note dudit secrétaire général du 5 septembre 2016 informait les membres de ce bureau que tous les documents pertinents, y compris donc les observations du requérant, étaient disponibles sur demande.

56

Il y a lieu de rejeter également l’argument avancé par le requérant à l’audience selon lequel le courriel du 7 septembre 2016 démontrerait que la décision attaquée aurait été adoptée de facto par les services du Parlement, et non par l’organe compétent, à savoir le bureau du Parlement. En effet, ce courriel, adressé par ces services au président du Parlement, confirme explicitement que les observations du requérant ont été examinées par ces services, qu’elles n’affectaient pas la proposition envoyée audit bureau par le secrétaire général du Parlement et qu’elles ont été effectivement transmises au président, membre de ce bureau.

57

Il convient d’ajouter que le requérant n’avance aucun argument susceptible de remettre en cause l’impartialité objective ou subjective du Parlement, au sens de la jurisprudence citée au point 49 ci-dessus.

58

Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief tiré de la violation de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte.

59

En ce qui concerne le grief tiré de la violation du droit d’être entendu, force est de constater que le requérant a été en mesure de fournir ses observations sur l’éventuelle inéligibilité des dépenses litigieuses, comme il ressort du point 52 ci-dessus. De plus, ainsi qu’il résulte du point 55 ci-dessus, contrairement à ce que soutient le requérant, rien ne s’oppose à ce que le bureau du Parlement s’appuie sur le travail préparatoire des services de ladite institution ou à ce qu’il agisse sur une proposition du secrétaire général de cette institution. Enfin, il convient de rappeler à nouveau que les observations du requérant ont été envoyées par lesdits services au président du Parlement et étaient disponibles pour les membres dudit bureau sur demande.

60

Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief tiré de la violation de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.

61

En ce qui concerne la violation de l’article 16 du code européen de bonne conduite administrative, il y a lieu de relever que cette disposition garantit le droit d’être entendu et de faire des observations. Dès lors, indépendamment de la valeur juridique contraignante de ce texte à l’égard du Parlement, qui l’a adopté par résolution du 6 septembre 2001, il y a lieu de rejeter ce grief pour les raisons indiquées au point 59 ci-dessus.

62

Enfin, s’agissant de la violation de la décision du bureau du Parlement du 29 mars 2004, indépendamment de la question de savoir si c’est l’article 7 ou l’article 8 qui est applicable, il suffit de constater que le requérant fait valoir en substance la violation du droit d’être entendu, qui est reflété dans ces dispositions. Dès lors, il y a lieu de rejeter ce grief également pour les raisons indiquées au point 59 ci-dessus.

63

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.

Sur la violation du principe de sécurité juridique

64

Par le deuxième moyen, le requérant fait valoir, en substance, que l’interdiction du financement indirect de partis politiques nationaux, établie à l’article 7 du règlement no 2004/2003, est contraire au principe de sécurité juridique. En particulier, il considère que toute campagne menée avec les fonds d’un parti politique au niveau européen est susceptible de soutenir indirectement l’action d’un parti politique national. Dès lors, il critique que la décision attaquée se soit fondée sur cette notion vague pour déclarer inéligibles les dépenses litigieuses.

65

Le Parlement conteste les arguments du requérant.

66

À titre liminaire, même si le requérant ne soulève pas formellement une exception d’illégalité au titre de l’article 277 TFUE, il convient de relever qu’il soutient en substance que l’article 7 du règlement no 2004/2003, ayant servi de fondement pour l’adoption de la décision attaquée, est contraire au principe général de sécurité juridique. À cet égard, il y a lieu de préciser qu’il n’existe pas d’exigence en droit de l’Union d’une invocation formelle d’une exception d’illégalité (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 2016, Yanukovych/Conseil, T‑346/14, EU:T:2016:497, point 56, et du 15 septembre 2016, Yanukovych/Conseil, T‑348/14, EU:T:2016:508, point 57). En effet, la jurisprudence permet de considérer qu’une exception d’illégalité a été soulevée implicitement, dans la mesure où il ressort relativement clairement de la requête que le requérant formule en fait un tel grief (arrêt du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T‑262/94, EU:T:1996:75, point 37). En l’espèce, il ressort de l’analyse des points 44 et suivants de la requête que le requérant soulève implicitement une exception d’illégalité. Par ailleurs, il ressort du point 33 du mémoire en défense que le Parlement a été en mesure de comprendre parfaitement le portée du grief soulevé par le requérant. Dès lors, il y a lieu d’examiner le fond du deuxième moyen.

67

Aux termes de l’article 7 du règlement no 2004/2003, les fonds des partis politiques au niveau européen provenant du budget général de l'Union ou de toute autre source ne peuvent être utilisés pour le financement direct ou indirect d'autres partis politiques, et notamment des partis nationaux ou des candidats nationaux.

68

Selon la jurisprudence, le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les règles du droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 15 février 1996, Duff e.a., C‑63/93, EU:C:1996:51, point 20 ; du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, EU:C:2007:326, point 79, et du 18 novembre 2008, Förster, C‑158/07, EU:C:2008:630, point 67).

69

À cet égard, il y a lieu de relever que la portée de la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires. La prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé (arrêt du 21 septembre 2017, Eurofast/Commission, T‑87/16, non publié, EU:T:2017:641, point 98).

70

De plus, comme le fait valoir le Parlement, le principe de sécurité juridique ne s’oppose pas à ce que le droit de l’Union attribue un pouvoir d’appréciation à l’administration compétente ou à ce qu’il utilise des notions juridiques indéterminées qui doivent être interprétées et appliquées au cas d’espèce par ladite administration, sans préjudice du contrôle du juge de l’Union (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission, C‑266/06 P, non publié, EU:C:2008:295, point 45, et du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission, T‑99/04, EU:T:2008:256, point 163).

71

Par ailleurs, les exigences du principe de sécurité juridique ne sauraient être comprises comme imposant qu’une norme utilisant une notion juridique indéterminée mentionne les différentes hypothèses concrètes dans lesquelles elle est susceptible de s’appliquer, dans la mesure où toutes ces hypothèses ne peuvent pas être déterminées à l’avance par le législateur (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, point 42).

72

En l’espèce, force est de constater que l’interdiction du financement direct ou indirect des partis politiques nationaux, contenue dans l’article 7 du règlement no 2004/2003, est claire. De surcroît, l’interdiction du financement indirect est en effet le corollaire de l’interdiction du financement direct, car autrement cette interdiction pourrait être facilement contournée. En ce qui concerne le contenu de l’interdiction du financement indirect, force est de constater qu’il s’agit d’une notion juridique indéterminée et que la disposition en cause ne contient pas une définition exhaustive de la notion ou une liste des comportements susceptibles de rentrer dans le champ d’application de l’interdiction. Cependant, il y a lieu de considérer qu’un opérateur diligent doit être en mesure de prévoir, comme le soutient le Parlement, qu’il existe un financement indirect lorsqu’un parti politique national obtient un avantage financier notamment en évitant des dépenses qu’il aurait dû supporter, même si aucun transfert direct de fonds n’est effectué. En d’autres termes, il ne saurait être accepté qu’un parti politique au niveau européen diligent ne soit pas en mesure de prévoir que l’octroi d’un avantage quelconque à un parti politique national, sans que celui-ci en supporte le coût, constitue un financement indirect des activités de ce dernier.

73

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme non fondé.

Sur la violation de l’article 7 du règlement no 2004/2003

74

Par le troisième moyen, le requérant fait valoir que c’est à tort que la décision attaquée a considéré que les dépenses relatives à l’affiche litigieuse constituaient un financement indirect de partis politiques nationaux, aux termes de l’article 7 du règlement no 2004/2003, pour deux motifs principalement.

75

D’une part, selon le requérant, l’affiche litigieuse traduisait une campagne à portée européenne, lancée au siège du Parlement à Strasbourg (France) le 10 juin 2015, afin de faire prendre conscience aux citoyens de l’Union des effets négatifs de l’accord de Schengen sur les flux migratoires. Il soutient que, dans le cadre de la campagne, qui visait l’ensemble des États membres de l’Union, il avait décidé de mettre en ligne une série d’affiches avec le drapeau de l’Union sur son site Internet et sur les réseaux sociaux, alors que la France et la Belgique, concernés par des flux migratoires particulièrement importants, faisaient l’objet de campagnes d’affichage spécifiques. Il souligne que le Front national ne s’est pas associé à cette campagne en France et n’a effectué aucune conférence de presse sur ce sujet. Par ailleurs, les élections régionales en France auraient été encore lointaines à l’époque et auraient porté sur des enjeux sans rapport direct avec les flux migratoires.

76

Selon le requérant, si la thèse du Parlement était acceptée, il serait obligé à faire des campagnes d’affichage uniquement sur des thèmes sans aucun rapport avec les préoccupations politiques du Front national, ce qui serait impossible, puisqu’un parti politique national embrasse l’ensemble des thèmes susceptibles d’intéresser les citoyens. Il ajoute que le thème des flux migratoires et du traité de Schengen est un thème européen.

77

D’autre part, le requérant fait valoir que les prétendus logos des partis politiques nationaux en cause, à savoir ceux du Front national et du Vlaams Belang, étaient d’une taille cinq fois plus petite que celle du logo du requérant. Dès lors, cette situation se distinguerait du précédant mentionné par le Parlement dans ses lettres du 22 juillet et du 10 août 2016, dans lequel les logos en cause étaient de taille similaire. De plus, il relève que, aux termes du point 6, paragraphe 7 du guide sur les subventions de fonctionnement accordées par le Parlement aux partis et aux fondations politiques au niveau européen, relatif au financement des campagnes dans le cadre des élections au Parlement, les noms et les logos du parti politique européen ne doivent pas être moins visibles que ceux des partis nationaux ou des candidats dans les publications, afin que l’aide ne soit pas considérée comme une aide financière indirecte.

78

Le requérant soutient que la présence du prétendu logo du Front national dans les affiches n’était pas destinée à favoriser indirectement ce parti politique national, mais à rendre la campagne compréhensible par les citoyens français. Il en irait de même pour le prétendu logo du Vlaams Belang en ce qui concerne les affiches destinées à la Belgique.

79

Dans ses écritures, le requérant fait valoir également que le logo figurant sur les affiches destinées à la France n’était pas celui du Front national, puisque le logo de ce parti est une flamme tricolore (bleu, blanc et rouge), alors que le logo litigieux avait uniquement deux couleurs. Dès lors, il s’agirait du logo de la délégation du Front national au sein du requérant et non du logo du Front national en tant que tel. De plus, il ajoute que le Parlement ne fournit pas la preuve que le public français percevrait l’affiche comme provenant du Front national. En réalité, l’affiche indiquerait explicitement que le requérant « a la seule responsabilité de ce contenu ».

80

Or, lors de l’audience, le requérant a admis qu’il était probable que le public associe l’affiche au Front national en raison du logo litigieux, car il serait probablement incapable de percevoir la différence. Cependant, il soutient que, en réalité il serait nécessaire que le public puisse associer ce logo avec un parti politique national, en l’espèce le Front national, pour qu’il puisse identifier la provenance du message en raison de la méconnaissance des partis politiques au niveau européen.

81

Le Parlement conteste les arguments du requérant.

82

Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 7 du règlement no 2004/2003, les fonds des partis politiques au niveau européen provenant du budget général de l’Union ou de toute autre source ne peuvent être utilisés pour le financement direct ou indirect d'autres partis politiques, et notamment des partis nationaux ou des candidats nationaux. De plus, ainsi qu’il a été indiqué au point 72 ci-dessus, il est loisible de considérer qu’existe un financement indirect lorsqu’un parti politique national obtient un avantage financier notamment en évitant des dépenses qu’il aurait dû supporter, même si aucun transfert direct de fonds n’est effectué.

83

Dès lors, dans le cadre de l’appréciation du troisième moyen, il y a lieu de déterminer si c’est à tort que la décision attaquée a conclu que les deux partis politiques nationaux, à savoir le Front national et le Vlaams Belang, ont reçu un avantage financier indirect résultant de la réalisation de la campagne. Aux fins de cet examen, il est opportun de prendre en compte un faisceau d’indices relatifs au contenu de ladite campagne, à la perception du public, ainsi que des indices géographiques et temporels.

84

Premièrement, en ce qui concerne le contenu de la campagne, il convient de relever que ce n’est pas le thème de cette campagne, à savoir les prétendus effets de l’accord de Schengen sur les flux migratoires, qui est considéré comme étant problématique par le Parlement. En réalité, il ressort de la lettre du Parlement du 22 juillet 2016, de la note du secrétaire général du Parlement au bureau de ladite institution du 5 septembre 2016 et de la lettre du Parlement du 26 septembre 2016 notifiant la décision attaquée que l’élément décisif fondant celle-ci est la considération que le public puisse percevoir cette campagne comme provenant, au moins en partie, du Front national et du Vlaams Belang. Dès lors, contrairement à ce que suggère le requérant, l’interprétation défendue par le Parlement n’impliquerait pas qu’il soit obligé à faire campagne sur des thèmes sans aucun rapport avec les préoccupations de tout parti politique national afin de respecter l’article 7 du règlement no 2004/2003.

85

Deuxièmement, ainsi qu’il a été indiqué au point 84 ci-dessus, l’élément central de la décision attaquée est la perception de la part du public que la campagne proviendrait, au moins en partie, du Front national et du Vlaams Belang, en l’absence d’un cofinancement adéquat. À cet égard, il convient de constater que la réalisation d’une campagne qui est perçue par le public comme ayant été au moins organisée conjointement avec un parti politique national, alors que celui-ci ne contribue pas adéquatement à son financement, est susceptible de conférer un avantage financier indirect au parti politique national. En effet, dans cette hypothèse, le parti politique national bénéficie d’une visibilité accrue parmi le public et de la diffusion d’un message auquel il adhère, alors qu’il n’a supporté aucun des coûts liés à la réalisation de cette campagne.

86

En l’occurrence, même si le requérant a tenté d’argumenter dans ses écritures que le logo figurant sur les affiches destinées à la France n’était pas véritablement celui du Front national et que le Parlement n’avait pas démontré que le public français percevait l’affiche comme provenant du Front national, il y a lieu de constater que, lors de l’audience, le requérant a renoncé à cette argumentation, en reconnaissant que le public associerait probablement l’affiche au Front national en raison de ce logo.

87

De plus, force est de constater que le requérant n’a avancé dans ses écritures aucun argument visant à remettre en question la constatation relative au fait que le logo figurant sur la version en langue néerlandaise de l’affiche était celui du Vlaams Belang. En réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, il a d’ailleurs reconnu qu’il s’agissait en effet du logo du Vlaams Belang.

88

Partant, c’est sans commettre d’erreur que la décision attaquée a pu conclure que, en l’espèce, le public percevrait la campagne, au moins en partie, comme provenant du Front national et du Vlaams Belang.

89

Par ailleurs, il y a lieu de rejeter l’argument avancé par le requérant au point 68 de la requête, et souligné lors de l’audience, selon lequel la présence des logos du Front national et du Vlaams Belang respectivement était nécessaire afin de permettre l’identification de l’auteur de la campagne pour les citoyens. S’il est en effet loisible à un parti politique au niveau européen d’organiser une campagne conjointement avec un parti politique national, il n’en demeure pas moins qu’il appartient alors au parti politique national de contribuer adéquatement au financement de ladite campagne, afin d’éviter la violation de l’interdiction du financement indirect, prévue par l’article 7 du règlement no 2004/2003. À cet égard, il convient de constater que le requérant ne soutient pas que les partis politiques nationaux en cause, à savoir le Front national et le Vlaams Belang, ont cofinancé d’une manière quelconque la campagne.

90

Il y a également lieu de rejeter l’argument du requérant relatif à la taille des logos. En effet, le fait que, sur les affiches, le logo du requérant soit de taille plus grande que celui du Front national et du Vlaams Belang, ce qui ne saurait être nié, ne suffit pas pour exclure que la campagne soit associée, au moins en partie, avec les parties politiques nationaux en cause. Contrairement à ce que suggère le requérant, ce n’est pas uniquement lorsque la taille des logos du parti politique au niveau européen et du parti politique national en cause est similaire qu’il y a lieu de considérer qu’il existe un avantage indirect accordé au parti politique national. Lorsque le logo du parti politique national a une taille plus petite que celle du parti politique au niveau européen, comme en l’espèce, il n’est pas déraisonnable pour le Parlement de conclure que le public percevra la campagne en question comme provenant au moins en partie du parti politique national dans la mesure où le logo du parti politique national demeure identifiable.

91

Il y a lieu de rejeter également l’argument avancé par le requérant sur le fondement du point 6, paragraphe 7 du guide sur les subventions de fonctionnement accordées par le Parlement aux partis et aux fondations politiques au niveau européen. En effet, comme le Parlement le fait valoir à juste titre, cette disposition concerne les campagnes pour les élections au Parlement européen, dans lesquelles les partis politiques nationaux doivent forcément être présents, puisque ce sont eux et non les partis politiques au niveau européen qui participent aux élections au Parlement. Or, la campagne ne concernait pas les élections au Parlement. Dès lors, cet argument ne saurait être accueilli.

92

Enfin, en ce qui concerne la mention en bas de l’affiche selon laquelle le requérant « a la seule responsabilité de ce contenu », il convient de relever que cette mention est peu visible en raison de la petite taille des caractères. De plus, cette mention est illisible au moins sur la version de l’affiche diffusée sur les réseaux sociaux sur Internet.

93

Au vu de ce qui précède, il convient de relever que l’indice relatif à la perception du public, compte tenu de la présence des logos des partis politiques nationaux, confirme que ceux-ci ont pu recevoir un avantage indirect résultant de la campagne, qui a été financée entièrement par le requérant.

94

Troisièmement, en ce qui concerne l’élément géographique, c’est à bon droit que le Parlement a retenu comme indice pertinent le fait que la campagne visait en particulier deux pays de l’Union, à savoir la France et la Belgique, ce qui résulte notamment de l’utilisation des drapeaux français et de la région flamande ainsi que des logos du Front national et du Vlaams Belang. Il convient d’ajouter que, même si le requérant prétend que cette campagne aurait été menée à l’échelle de l’Union, il n’en fournit pas la moindre preuve. De plus, la simple publication d’une version de l’affiche avec le drapeau de l’Union sur le site Internet du requérant et sur les pages de ce dernier sur les réseaux sociaux, à supposer qu’elle soit avérée, n’est pas comparable en matière d’ampleur à la campagne d’affichage menée en France et en Belgique.

95

En ce qui concerne l’argument du requérant relatif au lancement de la campagne au siège du Parlement à Strasbourg, il suffit de relever que ce seul élément ne suffit pas pour démontrer l’absence de financement indirect des partis politiques nationaux, compte tenu non seulement des autres indices, mais aussi des considérations relatives à l’élément géographique exposées au point 94 ci-dessus.

96

Quatrièmement, s’agissant de l’élément temporel, il y a lieu de rejeter l’argument avancé par le requérant selon lequel les élections régionales étaient encore lointaines en France. En premier lieu, indépendamment de la question de l’utilisation effective de la version française de l’affiche qui a pu être faite par le Front national, par ses membres ou par ses sympathisants lors de ces élections, contrairement à ce que fait valoir le requérant, une période de cinq mois entre le lancement de la campagne et ces élections ne semble pas suffisante pour rendre invraisemblable l’utilisation de cette campagne aux fins de ces élections. En second lieu, en tout état de cause, il convient de relever que l’élément temporel est un des indices susceptibles d’être pris en compte comme il résulte du point 83 ci-dessus. Cependant, il ne s’agit pas d’une condition indispensable ou même de l’indice le plus déterminant. En l’espèce, eu égard à la lettre du Parlement du 22 juillet 2016, la note du secrétaire général du Parlement au bureau de ladite institution du 5 septembre 2016 et la lettre du Parlement du 26 septembre 2016 notifiant la décision attaquée, il y a lieu constater que l’éventuelle proximité temporelle avec les élections en question n’est pas parmi les éléments retenus par le Parlement pour conclure qu’il y avait eu un financement indirect de partis politiques nationaux. Cela ne saurait être critiqué, puisqu’un avantage en matière d’image et de visibilité pour un parti politique national ne doit pas nécessairement être circonscrit à une période électorale précise.

97

À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

98

Partant, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

Sur les dépens

99

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux du Parlement, conformément aux conclusions de ce dernier.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Mouvement pour une Europe des nations et des libertés supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement européen.

 

Collins

Barents

Passer

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 novembre 2018.

Le greffier

E. Coulon

Le président

A. M. Collins


( *1 ) Langue de procédure : le français.

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