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Document 62014TJ0131

Arrêt du Tribunal (chambre des pourvois) du 13 octobre 2015.
Catherine Teughels contre Commission européenne.
Pourvoi – Pourvoi incident – Fonction publique – Fonctionnaires – Pensions – Transfert des droits à pension nationaux – Propositions de bonification d’annuités – Acte ne faisant pas grief – Irrecevabilité du recours en première instance – Article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut.
Affaire T-131/14 P.

Court reports – Reports of Staff Cases

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2015:778

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

13 octobre 2015 ( * )

«Pourvoi — Pourvoi incident — Fonction publique — Fonctionnaires — Pensions — Transfert des droits à pension nationaux — Propositions de bonification d’annuités — Acte ne faisant pas grief — Irrecevabilité du recours en première instance — Article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut»

Dans l’affaire T‑131/14 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (assemblée plénière) du 11 décembre 2013, Teughels/Commission (F‑117/11, RecFP, EU:F:2013:196), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Catherine Teughels, demeurant à Eppegem (Belgique), représentée par Mes L. Vogel et B. Braun, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et G. Gattinara, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, H. Kanninen et D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 mai 2015,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la requérante, Mme Catherine Teughels, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (assemblée plénière) du 11 décembre 2013, Teughels/Commission (F‑117/11, RecFP, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:F:2013:196), par lequel celui-ci a rejeté son recours.

Faits à l’origine du litige, procédure en première instance et arrêt attaqué

Faits à l’origine du litige

2

Les faits à l’origine du litige sont exposés aux points 15 à 27 de l’arrêt attaqué. En application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut »), Mme Teughels a demandé, le 3 novembre 2009, le transfert des droits à pension qu’elle avait acquis en Belgique avant d’entrer au service de la Commission européenne et s’est vu communiquer, le 29 juin 2010, une proposition de bonification d’annuités (ci‑après la « première proposition »), fixant à 22 ans, 1 mois et 6 jours le nombre d’annuités à prendre en compte d’après le régime de pension de l’Union européenne. La première proposition prévoyait, en outre, le versement à Mme Teughels de la somme de 12531,41 euros, au titre d’excédent du capital qui serait transféré. Mme Teughels n’a ni accepté ni refusé formellement cette proposition.

3

Le 28 septembre 2010, la Commission a informé Mme Teughels qu’elle s’estimait tenue de revoir la première proposition, afin d’appliquer les « futures » dispositions générales d’exécution des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut, lesquelles seraient également applicables à son cas. À la suite de l’adoption, par la Commission, de sa décision C (2011) 1278, du 3 mars 2011, relative aux dispositions générales d’exécution des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut relatifs au transfert de droits à pension (ci‑après les « DGE 2011 »), une nouvelle proposition de bonification d’annuités (ci‑après la « seconde proposition ») a été transmise à Mme Teughels le 24 mai 2011. Elle prévoyait la fixation à 17 ans et 7 mois du nombre d’annuités à prendre en compte.

4

Mme Teughels a introduit une réclamation contre les DGE 2011. Cette réclamation a été réinterprétée par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci‑après l’« AIPN ») comme étant dirigée contre la seconde proposition. Elle a été rejetée par décision de l’AIPN du 28 juillet 2011.

Procédure en première instance et arrêt attaqué

5

Le 8 novembre 2011, Mme Teughels a introduit un recours devant le Tribunal de la fonction publique, enregistré sous la référence F‑117/11. Elle concluait à l’annulation de la décision de rejet de la réclamation, de la seconde proposition ainsi que des DGE 2011, et plus particulièrement de leur article 9.

6

Le Tribunal de la fonction publique a, tout d’abord, considéré que les conclusions en annulation dirigées contre la décision de rejet de la réclamation étaient dépourvues d’objet autonome et que, en outre, par le chef de conclusions de la requête tendant à l’annulation des DGE 2011, Mme Teughels soulevait, en réalité, une exception d’illégalité contre celles-ci qui, à la supposer fondée, ne saurait aboutir qu’à l’annulation de la seconde proposition. Il a, dès lors, conclu qu’il y avait lieu d’examiner uniquement les conclusions tendant à l’annulation de la seconde proposition (points 35 à 41 de l’arrêt attaqué).

7

La Commission ayant soulevé une exception d’irrecevabilité, le Tribunal de la fonction publique a, ensuite, analysé la recevabilité des conclusions susvisées. Il a conclu que la seconde proposition était un acte faisant grief. Les points 48 à 66 de l’arrêt attaqué, qui traitent de cette question, sont libellés ainsi :

8

Le Tribunal de la fonction publique a poursuivi avec l’examen quant au fond du recours de Mme Teughels. D’abord, il a examiné la question de savoir si l’application rétroactive des DGE 2011 pouvait être justifiée du fait de l’adoption du règlement (CE, Euratom) no 1324/2008 du Conseil, du 18 décembre 2008, adaptant, à partir du 1er juillet 2008, le taux de la contribution au régime de pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes (JO L 345, p. 17). Le Tribunal de la fonction publique a répondu par la négative à cette question (points 79 à 103 de l’arrêt attaqué).

9

Le Tribunal de la fonction publique a, ensuite, relevé que les DGE 2011 ne pouvaient trouver application rétroactive au cas de Mme Teughels que si, au moment où elles sont devenues applicables, celle-ci se trouvait dans une situation née et entièrement constituée sous l’empire de la décision C (2004) 1588 de la Commission, du 28 avril 2004, portant dispositions générales d’exécution des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut, relatifs au transfert de droits à pension, publiée aux Informations administratives no 60, du 9 juin 2004 (ci-après les « DGE 2004 »). Il a considéré que tel n’était pas le cas, dès lors que Mme Teughels n’avait ni accepté ni refusé formellement la première proposition de bonification d’annuités qui lui avait été transmise. Il en a conclu que la situation de Mme Teughels au regard de son droit de transfert de ses droits à pension vers le système de l’Union « bien que né sous l’empire des DGE 2004, n’était pas […] entièrement constitué sous l’empire des DGE 2004 au moment de l’entrée en vigueur des DGE 2011 » (points 106 à 108 de l’arrêt attaqué).

10

Selon le Tribunal de la fonction publique, il résultait de ces considérations que les DGE 2011 n’avaient pas été appliquées rétroactivement au cas de Mme Teughels et que celle-ci ne pouvait pas se prévaloir d’un droit acquis ou du non‑respect des conditions de retrait des actes administratifs. Il a, dès lors, conclu qu’il convenait de rejeter les conclusions tendant à l’annulation de la seconde proposition et, partant, le recours dans son intégralité (points 109 à 111 de l’arrêt attaqué).

Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

11

Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 21 février 2014, Mme Teughels a formé le présent pourvoi. Le 15 mai 2014, la Commission a déposé un mémoire en réponse, contenant un pourvoi incident.

12

La procédure écrite a été clôturée le 3 décembre 2014.

13

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Par ordonnance du 13 avril 2015, les parties entendues, le président de la chambre des pourvois a ordonné la jonction de la présente affaire et des affaires T‑103/13 P, Commission/Cocchi et Falcione, et T‑104/14 P, Commission/Verile et Gjergji, aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

14

Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues aux articles 64 et 144 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, le Tribunal a invité la Commission à répondre à une question écrite. Il a été déféré à cette demande dans le délai imparti.

15

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 6 mai 2015.

16

Par ordonnance du 8 juin 2015, le Tribunal (chambre des pourvois) a ordonné la réouverture de la procédure orale. Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure orale, il a invité les parties à prendre position sur une éventuelle disjonction de la présente affaire des affaires T‑103/13 P et T‑104/14 P, aux fins de l’arrêt.

17

Les parties entendues, la présente affaire a été disjointe des affaires T‑103/13 P et T‑104/14 P par décision du 7 juillet 2015. Par décision du même jour, le Tribunal a clos de nouveau la procédure orale.

18

Mme Teughels conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler l’arrêt attaqué ;

évoquer le recours au fond et, en conséquence, annuler les « décisions » qui en font l’objet ;

condamner la Commission aux dépens.

19

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler l’arrêt attaqué, dans la seule mesure où le Tribunal de la fonction publique a considéré recevable le recours ;

en tout état de cause, rejeter le pourvoi ;

condamner la requérante aux dépens du pourvoi.

Sur le pourvoi incident

20

Il y a lieu d’examiner, en premier lieu, le pourvoi incident de la Commission.

21

Celle-ci invoque un moyen unique, tiré d’une erreur de droit du Tribunal de la fonction publique, en ce qu’il a jugé recevable le recours de Mme Teughels. Elle fait valoir qu’une proposition de bonification d’annuités adressée par une institution à son fonctionnaire ou agent dans le cadre de l’application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut n’est pas un acte faisant grief. Elle constitue, selon elle, une simple mesure intermédiaire, dont l’objectif est de préparer la décision portant transfert, vers le système de pensions de l’Union, des droits acquis par l’intéressé dans le cadre d’un autre système. Il s’ensuivrait qu’un acte portant retrait d’une telle proposition ne constitue pas non plus un acte faisant grief et ne saurait faire l’objet d’une demande d’annulation.

22

En réponse, Mme Teughels se rallie aux considérations énoncées par le Tribunal de la fonction publique dans l’arrêt attaqué, pour justifier la conclusion selon laquelle la seconde proposition présentait le caractère d’un acte faisant grief.

23

Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 91, paragraphe 1, du statut, la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer sur tout litige entre l’Union et l’une des personnes visées au statut et portant sur la légalité d’un acte faisant grief à la personne concernée.

24

Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, seuls peuvent être considérés comme faisant grief des actes produisant des effets juridiques obligatoires affectant directement et immédiatement la situation juridique des intéressés, en modifiant, de façon caractérisée, leur situation juridique (voir arrêts du 21 janvier 1987, Stroghili/Cour des comptes,204/85, Rec, EU:C:1987:21, point 6 et jurisprudence citée, et du 15 juin 1994, Pérez Jiménez/Commission,T‑6/93, RecFP, EU:T:1994:63, point 34 et jurisprudence citée).

25

Il est, dès lors, nécessaire d’examiner si une proposition de bonification d’annuités, communiquée à un fonctionnaire ou agent par son institution à la suite de la présentation, par celui-ci, d’une demande de transfert, en application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, de ses droits à pension acquis dans le cadre d’un autre système, au régime de pension de l’Union, constitue un acte faisant grief au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut.

26

Force est de constater, en l’espèce, que, si le Tribunal de la fonction publique a rappelé, au point 51 de l’arrêt attaqué, qu’il avait déjà jugé que la proposition de bonification d’annuités était un acte faisant grief au fonctionnaire concerné, il n’a pas indiqué les effets juridiques obligatoires qui affectaient, dès la formulation de la proposition, la situation juridique de l’intéressé.

27

La seule indication figure au point 53, troisième phrase, de l’arrêt attaqué, où le Tribunal de la fonction publique affirme qu’une proposition de bonification d’annuités « constitue l’engagement nécessaire de la part de l’institution de procéder correctement à la mise en œuvre effective du droit au transfert des droits à pension du fonctionnaire que celui-ci a exercé en soumettant sa demande de transfert ».

28

Il est, partant, nécessaire d’examiner, en tenant également compte des considérations du Tribunal de la fonction publique rappelées au point 27 ci‑dessus, si une proposition telle que la seconde proposition produit des effets juridiques obligatoires affectant directement et immédiatement la situation juridique de son destinataire et, dans l’affirmative, d’identifier ces effets.

29

En vertu de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut :

« Le fonctionnaire qui entre au service [de l’Union] après avoir :

cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale

ou

exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, entre le moment de sa titularisation et le moment où il obtient le droit à une pension d’ancienneté au sens de l’article 77 du statut, de faire verser [à l’Union] le capital, actualisé jusqu’à la date du transfert effectif, représentant les droits à pension qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

En pareil cas, l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, par voie de dispositions générales d’exécution, compte tenu du traitement de base, de l’âge et du taux de change à la date de la demande de transfert, le nombre d’annuités qu’elle prend en compte d’après le régime de pension [de l’Union] au titre de la période de service antérieur sur la base du capital transféré, déduction faite du montant qui représente la revalorisation du capital entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif.

De cette faculté le fonctionnaire ne pourra faire usage qu’une seule fois par État membre et par fonds de pension. »

30

Il doit être remarqué que le membre de phrase « par voie de dispositions générales d’exécution », qui figure au deuxième alinéa de cette disposition, ne saurait, à l’évidence, être compris en ce sens que la détermination du nombre d’annuités reconnues à l’intéressé à la suite du transfert, au régime de pension de l’Union, de ses droits à pension acquis dans un autre système, est directement effectuée par les dispositions générales d’exécution que chaque institution est habilitée à adopter. Comme l’indique également leur nom, les dispositions générales d’exécution constituent un acte de portée générale, adopté sur la base des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut.

31

Ainsi, l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut doit être compris en ce sens que chaque institution détermine, par voie de dispositions générales d’exécution, la méthode de calcul du nombre d’annuités à prendre en considération dans le régime de pension de l’Union, à la suite du transfert d’un capital représentant les droits acquis dans le cadre d’un autre régime de pension par un fonctionnaire. Cette méthode doit être fondée sur les paramètres indiqués à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, à savoir le traitement de base de chaque fonctionnaire, son âge et le taux de change à la date de la demande de transfert.

32

Le nombre d’annuités à prendre en considération concrètement pour chaque fonctionnaire dont les droits à pension acquis dans un autre régime ont fait l’objet d’un transfert, sous forme de capital, au régime de pension de l’Union est fixé par un acte individuel, qui fait application de la méthode déterminée dans les dispositions générales d’exécution au cas particulier de ce fonctionnaire.

33

Il y a également lieu de rappeler que, comme le Tribunal l’a relevé dans son ordonnance du 14 décembre 1993, Calvo Alonso-Cortés/Commission (T‑29/93, Rec, EU:T:1993:115, point 46), il découle de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut qu’une institution de l’Union ne peut procéder elle-même au transfert des droits à pension acquis par le fonctionnaire dans son pays et ne peut reconnaître et déterminer le nombre des annuités à prendre en compte d’après son propre régime au titre de la période de service antérieur qu’après que l’État membre concerné a déterminé les modalités de transfert.

34

En effet, comme le Tribunal de la fonction publique le reconnaît lui-même au point 53 de l’arrêt attaqué, le transfert du capital représentant les droits à pension acquis dans un autre régime est « nécessaire pour compléter l’ensemble de la procédure de transfert des droits à pension vers les caisses du régime de pension de l’Union ».

35

D’une part, il ressort de ces considérations que l’institution dont relève l’intéressé ne peut lui reconnaître des annuités de pension à prendre en considération dans le régime de pension de l’Union qu’une fois effectué le transfert du capital représentant ses droits à pension acquis dans un autre régime.

36

D’autre part, il s’ensuit que de telles annuités peuvent être reconnues à l’intéressé seulement si, et dans la mesure où, il résulte de l’application de la méthode de calcul prévue dans les dispositions générales d’exécution adoptées par l’institution en question qu’elles correspondent effectivement au capital transféré au régime de pension de l’Union, déduction faite, conformément à l’article 11, paragraphe 2, dernier alinéa, de l’annexe VIII du statut, du montant qui représente la revalorisation de ce capital entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif.

37

En d’autres termes, aucune bonification d’annuités ne saurait être reconnue à l’intéressé si elle ne correspond pas à un capital effectivement transféré au régime de pension de l’Union.

38

Par ailleurs, il résulte également des considérations qui précèdent que, lorsque, en application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et des dispositions générales adoptées en vue de son exécution, une institution de l’Union détermine concrètement le nombre d’annuités à reconnaître à l’intéressé dans le régime de pension de l’Union à la suite du transfert du capital représentant ses droits à pension acquis dans un autre régime, elle exerce une compétence liée et ne dispose donc d’aucune marge d’appréciation.

39

Il convient ensuite d’analyser la procédure qui doit être suivie dans l’hypothèse d’une demande de transfert au régime de pension de l’Union de droits à pension acquis dans un autre régime, telle que cette procédure résulte tant des dispositions applicables que des explications fournies par la Commission quant à sa propre pratique.

40

Il convient de constater que la communication d’une proposition de bonification d’annuités n’est pas expressément prévue à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut. Cette disposition envisage seulement une demande de l’intéressé, qui conduit au versement à l’Union du capital représentant les droits à pension qu’il a acquis au titre de ses activités antérieures et, à la suite de ce versement, à la détermination, suivant les modalités prévues à la même disposition, du nombre d’annuités prises en compte à l’égard de l’intéressé dans le régime de pension de l’Union.

41

Dans la mesure où les points 52 et 53 de l’arrêt attaqué doivent être compris en ce sens que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut donne « compétence » à la Commission pour communiquer une proposition de bonification d’annuités au fonctionnaire qui a soumis une demande de transfert des droits à pension qu’il a acquis dans un autre régime, il doit être remarqué qu’il ne ressort ni de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut ni d’une autre disposition ou d’un quelconque principe que l’institution à laquelle l’intéressé a soumis sa demande de transfert de ses droits à pension est tenue de soumettre à celui-ci une proposition indiquant le résultat en annuités de pension supplémentaires qu’un éventuel transfert générera.

42

En particulier, une obligation de communiquer une proposition en vue du transfert de droits à pension acquis antérieurement ne résulte ni des DGE 2004 ni des DGE 2011. Aucun de ces deux textes, qui figurent dans le dossier de première instance, communiqué au Tribunal conformément à l’article 137, paragraphe 2, du règlement de procédure du 2 mai 1991, ne prévoit la communication, au fonctionnaire ou agent ayant demandé le transfert de ses droits à pension acquis antérieurement, d’une proposition de bonification d’annuités.

43

Il paraît, ainsi, que la pratique consistant en la communication à l’intéressé d’une telle proposition a été adoptée de manière volontaire par la Commission. À l’évidence, cette pratique vise à fournir à un fonctionnaire ou agent ayant manifesté son intérêt à un éventuel transfert, au régime de pension de l’Union, de ses droits à pension dans le cadre d’un autre régime, acquis au titre de ses activités avant son entrée en fonction, les informations nécessaires pour lui permettre de prendre, en toute connaissance de cause, la décision de faire effectuer, ou non, ce transfert.

44

À cet égard, il ressort des explications de la Commission, résumées aux points 43 à 46 de l’arrêt attaqué et répétées dans ses écrits devant le Tribunal, que la procédure de transfert de droits à pension vers le régime de l’Union comporte, dans la pratique, cinq étapes : premièrement, l’intéressé soumet une demande en ce sens ; deuxièmement, le service compétent de la Commission obtient de la caisse de pension externe concernée communication du montant du capital susceptible d’être transféré et, sur la base de cette information, communique à l’intéressé une proposition ; troisièmement, l’intéressé refuse ou accepte la proposition de bonification d’annuités ; quatrièmement, en cas d’acceptation de la proposition, la Commission demande et obtient le transfert du capital concerné à l’Union ; enfin, cinquièmement, elle adopte une décision fixant les droits de l’intéressé. Selon elle, c’est seulement cette dernière décision qui constitue un acte faisant grief.

45

Il s’ensuit que, dans la pratique, la Commission a ajouté aux trois étapes de la procédure de transfert prévues à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut (demande de l’intéressé ; transfert du capital ; détermination du nombre d’annuités prises en compte) deux autres étapes (proposition de bonification d’annuités ; acceptation par l’intéressé qui donne ainsi son assentiment au transfert). Elle accorde ainsi à l’intéressé la possibilité d’obtenir, sous la forme d’une « proposition », une information aussi précise que possible quant à la portée des droits qui lui seraient reconnus en cas de transfert, vers le régime de pension de l’Union, de ses droits acquis dans le cadre d’un autre système. Elle lui permet également, après avoir obtenu cette information, de mettre fin à la procédure engagée par sa demande initiale, sans aucune conséquence pour lui. En effet, ce n’est que s’il confirme, postérieurement à la réception de la proposition, sa volonté de procéder au transfert de ses droits à pension acquis dans un autre régime que ce transfert est effectivement réalisé.

46

Force est de constater que, après la communication d’une proposition de bonification d’annuités, la situation juridique de l’intéressé n’a pas changé. En effet, comme il a déjà été relevé aux points 35 à 37 ci‑dessus, aucune bonification d’annuités ne saurait être reconnue à l’intéressé tant que le capital représentant ses droits à pension acquis dans un autre régime n’a pas été transféré au régime de pension de l’Union. Or, au moment de la transmission à l’intéressé de la proposition, ce transfert n’a pas encore été effectué. C’est seulement après que l’intéressé, ayant reçu la proposition, a donné son assentiment à la poursuite de la procédure de transfert que la Commission demande le transfert, vers le régime de pension de l’Union, du capital représentant les droits à pension acquis par l’intéressé auprès de la caisse de pension externe concernée.

47

Qualifier la proposition de la Commission d’« engagement », comme le Tribunal de la fonction publique l’a fait au point 53 de l’arrêt attaqué, ne saurait conduire à une conclusion différente. Selon le Tribunal de la fonction publique, une proposition de bonification d’annuités constitue « l’engagement nécessaire de la part de l’institution de procéder correctement à la mise en œuvre effective du droit au transfert des droits à pension du fonctionnaire que celui‑ci a exercé en soumettant sa demande de transfert ».

48

Or, comme le fait valoir à juste titre la Commission, l’obligation, pour l’institution concernée, de procéder correctement à la mise en œuvre du droit au transfert des droits à pension prévu à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut découle directement du texte de cette dernière disposition. À supposer même que la proposition de bonification d’annuités doive être interprétée comme un « engagement » dans le sens évoqué par le Tribunal de la fonction publique, l’institution concernée s’engagerait simplement à appliquer correctement à la situation de l’intéressé l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et les dispositions générales d’exécution. Or, cette obligation de l’institution concernée découle directement des dispositions en question, même à défaut d’un engagement exprès. Partant, il ne résulterait d’un tel engagement ni une nouvelle obligation incombant à l’institution en question ni, par conséquent, une modification de la situation juridique de l’intéressé.

49

Il ne saurait non plus être admis qu’une proposition de bonification d’annuités modifie la situation juridique de l’intéressé, en ce qu’elle implique au profit de ce dernier un droit de se voir reconnaître, dans le régime de pension de l’Union, le nombre d’annuités indiqué dans cette proposition s’il donne son assentiment au transfert, vers ce régime, des droits à pension qu’il a acquis dans un autre régime. Un tel droit impliquerait une obligation correspondante, pour l’institution auteur de la proposition, une fois le transfert effectué, de reconnaître automatiquement à l’intéressé le nombre d’annuités indiquées dans la proposition.

50

Une telle qualification de la proposition de bonification d’annuités et des effets juridiques qui en découleraient n’est pas, au demeurant, conciliable avec le libellé de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut.

51

Cette disposition fait référence, d’abord, à la « faculté » d’un fonctionnaire qui se trouve dans une des situations y mentionnées « de faire verser [à l’Union] le capital […] représentant les droits à pension qu’il a acquis » au titre de ses activités antérieures. Elle relève, ensuite, que, « [e]n pareil cas, l’institution où le fonctionnaire est en service détermine […] le nombre d’annuités qu’elle prend en compte d’après le régime de pension [de l’Union] au titre de la période de service antérieur sur la base du capital transféré ».

52

Il en résulte que, conformément à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, la détermination effective du nombre d’annuités reconnues au fonctionnaire qui a demandé le transfert, au régime de pension de l’Union, de ses droits à pension acquis antérieurement dans un autre régime intervient nécessairement après la réalisation concrète du transfert, « sur la base du capital transféré ». Il ne saurait dès lors être considéré qu’une proposition de fixation d’annuités qui, par sa nature même, est communiquée antérieurement à ce transfert peut procéder à une telle détermination.

53

La jurisprudence citée au point 33 ci‑dessus et les considérations exposées aux points 34 à 38 ci‑dessus confirment cette conclusion.

54

En effet, le nombre d’annuités à reconnaître résulte de l’application de la méthode de conversion en annuités du capital représentant les droits antérieurs, prévue par les dispositions générales d’exécution adoptées par l’institution en question conformément à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut.

55

S’il était considéré que la Commission est tenue de reconnaître, dans tous les cas, à un fonctionnaire le nombre d’annuités de pension indiqué dans la proposition, cela pourrait conduire, dans certains cas, à la reconnaissance d’un nombre d’annuités différent de celui résultant de l’application correcte au capital effectivement transféré de la méthode prévue dans les dispositions générales d’exécution pertinentes. Les motifs expliquant la divergence entre le nombre d’annuités indiqué dans la proposition et celui résultant de l’application de la méthode susmentionnée, qu’ils tiennent à une divergence entre, d’une part, la valeur du capital représentant les droits acquis par l’intéressé dans un autre régime de pension, telle que communiquée à la Commission par les responsables de ce régime et prise en considération pour la préparation de la proposition, et, d’autre part, la valeur (déduction faite d’une éventuelle revalorisation entre la date de la demande et la date du transfert effectif) du capital effectivement transféré, ou à une application erronée de la méthode de calcul des annuités lors de la préparation de la proposition, sont indifférents. Ce qui importe, c’est que, conformément à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et aux considérations exposées aux points 35 à 38 ci‑dessus, la Commission ne peut pas reconnaître à l’intéressé un nombre d’annuités différent de celui qui correspond, en application de la méthode de conversion prévue dans les dispositions générales d’exécution, au capital effectivement transféré au régime de pension de l’Union.

56

Les considérations du Tribunal de la fonction publique exposées aux points 58, 59 et 61 à 65 de l’arrêt attaqué ne sauraient conduire à une conclusion différente. En substance, le Tribunal de la fonction publique part de la prémisse que la valeur du capital pris en considération pour la préparation de la proposition sera la même que celle devant être prise en considération une fois le transfert réalisé, dans la mesure où, conformément à l’article 11, paragraphe 2, deuxième alinéa, dernière phrase, de l’annexe VIII du statut, « [le] montant qui représente la revalorisation du capital entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif » n’est pas pris en compte lors de la détermination du nombre d’annuités à reconnaître à l’intéressé dans le régime de pension de l’Union.

57

Or, indépendamment même du fait que le Tribunal de la fonction publique n’a pas pris en considération la possibilité d’erreurs, soit des responsables du régime de pension auquel l’intéressé était affilié antérieurement, soit de la Commission elle-même, qui pourraient affecter le contenu de la proposition communiquée à l’intéressé, il suffit de relever que les considérations en question n’altèrent, en définitive, rien au fait que, conformément au libellé de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, la détermination des annuités reconnues à l’intéressé au titre de ses droits à pension acquis dans un autre régime ne peut intervenir qu’une fois effectué le transfert au régime de pension de l’Union du capital représentant ces droits.

58

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’une proposition de bonification d’annuités, telle que la seconde proposition visée par le recours de Mme Teughels devant le Tribunal de la fonction publique, ne produit pas d’effets juridiques obligatoires affectant directement et immédiatement la situation juridique de son destinataire, en modifiant, de façon caractérisée, sa situation juridique. Partant, elle ne constitue pas un acte faisant grief, au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut.

59

Cette conclusion n’est remise en cause ni par les autres considérations de l’arrêt attaqué ni par les arguments de Mme Teughels.

60

En premier lieu, le Tribunal de la fonction publique s’est appuyé, au point 49 de l’arrêt attaqué, sur le fait que, dans son arrêt du 18 décembre 2008, Belgique et Commission/Genette (T‑90/07 P et T‑99/07 P, Rec, EU:T:2008:605, point 91), le Tribunal a qualifié de « décisions » deux propositions de bonification d’annuités qui avaient été communiquées par la Commission au fonctionnaire concerné dans cette affaire.

61

Il convient, toutefois, de relever que le Tribunal n’a analysé, ni dans l’arrêt Belgique et Commission/Genette, point 60 supra (EU:T:2008:605), ni dans un autre arrêt, la question du caractère, ou non, d’acte faisant grief, au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut, d’une proposition de bonification d’annuités et qu’il ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si une telle proposition produisait, à l’égard de son destinataire, des effets juridiques obligatoires en précisant, le cas échéant, quels étaient ces effets.

62

De plus, il y a lieu de rappeler que, contrairement à ce qui est le cas en l’espèce, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Belgique et Commission/Genette, point 60 supra (EU:T:2008:605), le fonctionnaire concerné avait accepté les propositions de bonification d’annuités qui lui avaient été adressées et ses droits à pension acquis, avant son entrée en fonction à la Commission au sein du régime de pension belge, avaient déjà fait l’objet d’un transfert vers le régime de pension de l’Union, avant l’introduction de son recours (arrêt Belgique et Commission/Genette, point 60 supra, EU:T:2008:605, point 12).

63

Son recours ne portait pas, d’ailleurs, sur la légalité de la décision adoptée à la suite de ce transfert, portant reconnaissance de bonification d’annuités au sein du régime de pension de l’Union. Les actes de la Commission visés par le recours dans cette affaire avaient rejeté une demande de l’intéressé, introduite après la réalisation du transfert, par laquelle celui-ci sollicitait l’autorisation de retirer sa demande antérieure de transfert de ses droits à pension, soumise sous l’empire d’une loi belge abrogée depuis, et de soumettre une nouvelle demande, afin de profiter d’une nouvelle loi belge qu’il estimait plus favorable pour lui (arrêt Belgique et Commission/Genette, point 60 supra, EU:T:2008:605, points 12 et 92).

64

Le Tribunal a considéré que la demande rejetée par les actes attaqués était fondée sur une contestation de l’application, par les autorités compétentes belges, de la législation belge pertinente. La Commission ne disposant d’aucune compétence pour connaître d’une telle contestation, le Tribunal a conclu que les actes attaqués dans cette affaire ne faisaient pas grief à l’intéressé et, après annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique, a rejeté le recours comme irrecevable (arrêt Belgique et Commission/Genette, point 60 supra, EU:T:2008:605, points 79 et 93 à 108).

65

Il en ressort que l’arrêt Belgique et Commission/Genette, point 60 supra (EU:T:2008:605), concernait une question distincte qui se situait bien en aval du transfert, vers le régime de pension de l’Union, des droits à pension acquis en Belgique par l’intéressé. En effet, au moment de l’introduction du recours dans cette affaire, ce transfert avait été effectivement réalisé et ni sa légalité ni le caractère d’acte faisant grief ou non des actes adoptés en vue de sa réalisation n’étaient en cause dans cette affaire.

66

Il s’ensuit qu’aucun enseignement utile pour les questions soulevées dans la présente affaire ne saurait être tiré de l’arrêt Belgique et Commission/Genette, point 60 supra (EU:T:2008:605).

67

En deuxième lieu, pour justifier sa conclusion selon laquelle une proposition de bonification d’annuités constituait un acte faisant grief, le Tribunal de la fonction publique a fait référence au droit des fonctionnaires à une protection juridictionnelle effective, aux exigences de sécurité juridique « inhérentes aux règles de délai énoncées par le statut » (point 50 de l’arrêt attaqué), au « but de la procédure administrative de transfert des droits à pension » ainsi qu’à la « substance même du droit conféré au fonctionnaire par l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut de choisir de procéder au transfert de ses droits à pension ou de les conserver dans les caisses de retraite nationales ou internationales d’origine », qui serait « anéanti[e] », si le fonctionnaire concerné était contraint à contester « le mode par lequel les services de la Commission ont calculé le nombre d’annuités de bonification auxquelles il a droit » seulement après la réalisation du transfert de ses droits à pension acquis antérieurement (point 60 de l’arrêt attaqué).

68

Premièrement, s’agissant du droit à une protection juridictionnelle effective, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas du même article.

69

Dans la mesure où, ainsi qu’il a été relevé ci‑dessus, une proposition de bonification d’annuités ne produit pas d’effets juridiques obligatoires affectant directement et immédiatement la situation juridique de son destinataire, en modifiant, de façon caractérisée, sa situation juridique, elle ne viole pas les droits de celui-ci, de sorte qu’il ne saurait être question d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective quant à un tel acte.

70

En tout état de cause, c’est la décision qui sera adoptée une fois réalisé le transfert du capital représentant les droits à pension acquis par l’intéressé avant son entrée en fonction qui pourrait violer les droits de celui-ci. Cette décision constitue un acte faisant grief et peut faire l’objet d’un recours en annulation conformément à l’article 91, paragraphe 1, du statut, si bien que le droit de l’intéressé à une protection juridictionnelle effective est pleinement respecté.

71

Deuxièmement, force est de constater que le Tribunal de la fonction publique est resté en défaut d’expliquer en quoi les « exigences de sécurité juridique inhérentes aux règles des délais énoncées par le statut » seraient violées si l’on admettait qu’une proposition de bonification d’annuités n’est pas un acte faisant grief à son destinataire.

72

Troisièmement, s’agissant de la finalité de la « procédure administrative de transfert des droits à pension » et de la « substance » du droit conféré à chaque fonctionnaire par l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, évoquées au point 60 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de relever, tout d’abord, que, au point 91 de l’arrêt Belgique et Commission/Genette, point 60 supra (EU:T:2008:605), cité au même point de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est limité à constater, en substance, qu’une demande de transfert de droits à pension en application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut donnait lieu à l’adoption des décisions tant des autorités gestionnaires du régime de pension auquel l’intéressé était affilié avant son entrée en service que de l’institution de l’Union dont il relevait. Les conséquences que le Tribunal de la fonction publique paraît avoir tiré du point 91 de l’arrêt Belgique et Commission/Genette, point 60 supra (EU:T:2008:605), ne découlent nullement de cet arrêt.

73

Ensuite, il est vrai que, selon la jurisprudence citée au point 48 de l’arrêt attaqué, le système de transfert des droits à pension, tel que prévu à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, en permettant une coordination entre les régimes nationaux et le régime de pension de l’Union, vise à faciliter le passage des emplois nationaux, publics ou privés, à l’administration de l’Union et à garantir ainsi à l’Union les meilleures possibilités de choix d’un personnel qualifié déjà doté d’une expérience professionnelle appropriée (voir ordonnance du 9 juillet 2010, Ricci et Pisaneschi, C‑286/09 et C‑287/09, EU:C:2010:420, point 28 et jurisprudence citée).

74

Cette disposition vise, ainsi, à obtenir que les droits acquis par les fonctionnaires de l’Union dans un État membre, nonobstant leur caractère éventuellement limité, ou même conditionnel ou futur, ou leur insuffisance pour permettre le bénéfice immédiat d’une pension, puissent être conservés au profit du fonctionnaire intéressé et être pris en compte par le régime de pension auquel il se trouve affilié à la fin de sa carrière professionnelle, en l’occurrence le régime de pension de l’Union. Ces considérations font apparaître que la « faculté » mentionnée par l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut a pour objet d’ouvrir au profit des fonctionnaires de l’Union un droit dont l’exercice ne dépend que de leur propre choix (arrêts du 20 octobre 1981, Commission/Belgique,137/80, Rec, EU:C:1981:237, points 12 et 13, et Belgique et Commission/Genette, point 60 supra, EU:T:2008:605, points 89 et 90).

75

Toutefois, il ne ressort pas de cette jurisprudence que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut exige également qu’il soit assuré à l’intéressé la possibilité, avant de décider s’il exercera ou non son droit de transférer au régime de pension de l’Union ses droits à pension acquis dans un autre régime, de connaître définitivement le nombre d’annuités de pension qui lui seront reconnues à la suite d’un tel transfert. Cette disposition n’exige pas non plus qu’un éventuel différend entre l’intéressé et son institution, concernant l’interprétation et l’application des dispositions pertinentes, soit tranché par le juge de l’Union avant même que l’intéressé ne décide s’il souhaite ou non transférer au régime de pension de l’Union ses droits à pension acquis auprès d’un autre régime.

76

Certes, la possibilité de voir le juge de l’Union prendre position sur les effets présumés d’un hypothétique transfert, au régime de pension de l’Union, des droits acquis, auprès d’un autre régime, par un fonctionnaire qui n’aurait pas encore donné son assentiment à un tel transfert pourrait présenter un intérêt certain pour le fonctionnaire en question.

77

Force est toutefois de rappeler que l’article 270 TFUE ne donne pas au juge de l’Union la compétence de donner des avis consultatifs, mais uniquement celle de statuer sur tout litige entre l’Union et ses fonctionnaires dans les limites et conditions déterminées par le statut.

78

Or, c’est précisément le statut qui prévoit, à son article 91, paragraphe 1, qu’un recours en annulation tel que celui formé par Mme Teughels en l’espèce ne peut viser qu’un acte faisant grief. Si l’acte contre lequel le recours a été formé ne fait pas grief au requérant, le recours est irrecevable. L’éventuel intérêt du requérant de voir trancher au fond la question posée par son recours est, à cet égard, sans pertinence.

79

Par ailleurs, il doit être relevé qu’il est impossible, pour l’intéressé, de connaître tous les paramètres pertinents, au moment où il choisit s’il exercera ou non son droit de faire transférer au régime de pension de l’Union les droits à pension qu’il avait acquis auprès d’un autre régime. En effet, il ne peut connaître avec certitude l’évolution future ni du régime de pension de l’Union ni de celui auprès duquel il était affilié antérieurement. Nécessairement, il doit faire son choix en se fondant partiellement sur des hypothèses et des prévisions qui peuvent très bien s’avérer, en tout ou en partie, incomplètes, non définitives ou inexactes.

80

En troisième lieu, l’argument que le Tribunal de la fonction publique tire de l’article 8, paragraphe 5, des DGE 2011 (point 57 de l’arrêt attaqué) ne saurait conduire à une conclusion différente.

81

Cette disposition prévoit ce qui suit :

82

Force est de constater que cette disposition ne se réfère pas à la proposition de bonification d’annuités, communiquée par l’institution concernée au fonctionnaire qui est intéressé par un éventuel transfert de ses droits à pension acquis dans un autre régime vers le régime de pension de l’Union. En effet, comme il a déjà été relevé au point 42 ci‑dessus, la communication d’une telle proposition n’est pas prévue par les DGE 2011.

83

L’article 8, paragraphe 5, des DGE 2011 se réfère à la « décision » de l’intéressé « donnant l’ordre de faire verser à l’Union […] le capital représentant ses droits à pension ». En d’autres termes, il vise l’assentiment définitif de l’intéressé au transfert, au régime de pension de l’Union, des droits à pension qu’il a acquis auprès d’un autre régime.

84

C’est en raison de la pratique établie par la Commission elle-même que cette demande définitive prend la forme de l’assentiment de l’intéressé au transfert de ses droits acquis antérieurement, donné en réponse à la proposition de fixation d’annuités qui lui a été communiquée en réponse à sa demande initiale. Les textes applicables n’obligent pas la Commission d’adopter cette pratique, qui donne à l’intéressé la possibilité d’arrêter, après réception de la proposition de bonification d’annuités, les démarches mises en œuvre à la suite de sa demande initiale de transfert de ses droits à pension.

85

Il convient, en outre, de préciser que l’assentiment de l’intéressé doit être compris comme visant la poursuite de la procédure du transfert et non le contenu de la proposition. En d’autres termes, en donnant son assentiment à la suite de la communication de la proposition, comme le lui demande la Commission, il exprime simplement sa volonté de procéder au transfert de ses droits à pension acquis antérieurement au régime de pension de l’Union. Il ressort de l’ensemble des considérations exposées ci‑dessus que le nombre d’annuités de pension additionnelles que ce transfert générera au profit de l’intéressé ne sera déterminé qu’une fois le transfert effectivement réalisé et que l’intéressé pourra, le cas échéant, contester la décision adoptée à cet égard devant les instances administratives et judiciaires compétentes.

86

Par ailleurs, il convient de remarquer que l’article 8, paragraphe 5, des DGE 2011 ne fait qu’énoncer de manière expresse ce qui découle, en tout état de cause, du texte de l’article 11 de l’annexe VIII du statut. En effet, si un fonctionnaire ou agent, en application du paragraphe 2 de cette disposition, fait verser à l’Union le capital représentant ses droits à pension acquis antérieurement dans le cadre d’un autre régime de pension, cette opération, qui implique la perte de ses droits dans le cadre de cet autre régime avec, en contrepartie, une augmentation de ses annuités de pension prises en compte dans le régime de pension de l’Union, est, en principe, irréversible. Un nouveau transfert des droits à pension, du régime de pension de l’Union vers un autre régime, ne peut intervenir que dans les hypothèses envisagées au paragraphe 1 du même article, qui présupposent toutes la cessation des fonctions de l’intéressé.

87

Il ressort, ainsi, des considérations qui précèdent que la disposition de l’article 8, paragraphe 5, des DGE 2011 est sans pertinence pour la question au cœur de la présente affaire, à savoir celle du caractère d’acte faisant grief ou non d’une proposition de bonification d’annuités.

88

En quatrième et dernier lieu, ne saurait prospérer l’argument de Mme Teughels selon lequel, en substance, la Commission aurait répondu sur le fond à sa réclamation contre la seconde proposition, sans faire valoir qu’elle visait un acte ne faisant pas grief.

89

Il suffit de rappeler, à cet égard, que les conditions de recevabilité d’un recours sont d’ordre public et que le juge de l’Union doit, le cas échéant, les examiner d’office et, dans ce contexte, rejeter comme irrecevable le recours, si l’acte visé par celui-ci n’est pas un acte faisant grief (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 1990, B./Commission,T‑130/89, Rec, EU:T:1990:78, points 13 et 14 et jurisprudence citée). Le fait que la Commission, pour des raisons liées à sa politique à l’égard du personnel, répond sur le fond à une réclamation au lieu de la rejeter comme irrecevable ne saurait conduire à une conclusion différente (voir, en ce sens, arrêt B./Commission, précité, EU:T:1990:78, point 16 et jurisprudence citée).

90

Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit en considérant que la seconde proposition constituait un acte faisant grief et pouvait faire l’objet d’un recours sur le fondement de l’article 91 du statut.

91

Partant, il convient d’accueillir le pourvoi incident et d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le pourvoi.

Sur le recours en première instance

92

Il ressort de l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour que, en cas d’annulation de la décision du Tribunal de la fonction publique, le Tribunal statue lui‑même sur le litige, si celui‑ci est en état d’être jugé.

93

En l’espèce, l’affaire étant en état d’être jugée, il y a lieu pour le Tribunal de statuer définitivement sur le litige.

94

Pour les motifs mentionnés par le Tribunal de la fonction publique (voir point 6 ci‑dessus), qui n’ont pas, au demeurant, été contestés par Mme Teughels dans le cadre de la présente procédure et que le Tribunal fait siens, il convient de conclure que les conclusions du recours devant le Tribunal de la fonction publique tendaient à l’annulation de la seule seconde proposition.

95

Or, comme il a été relevé au point 90 ci-dessus, l’acte visé par ces conclusions, à savoir la seconde proposition, n’est pas un acte faisant grief.

96

Par ailleurs, il est constant entre les parties qu’aucune suite n’a été donnée à la demande de transfert de droits à pension de Mme Teughels, cette dernière n’ayant pas marqué son accord avec la seconde proposition. Il n’est, dès lors, pas possible de réinterpréter les conclusions en annulation de son recours devant le Tribunal de la fonction publique comme visant, en réalité, la décision portant détermination des annuités de pension qui lui ont été reconnues. Ses droits à pension acquis antérieurement à son entrée en service à la Commission n’ayant pas fait l’objet d’un transfert au régime de pension de l’Union, aucune décision de ce type n’a été adoptée à son égard.

97

Dans ces conditions, il convient de rejeter comme irrecevable le recours de Mme Teughels, formé contre un acte qui ne lui faisait pas grief et qui n’était pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

Sur les dépens

98

Conformément à l’article 211, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le pourvoi est fondé et que le Tribunal juge lui-même le litige, il statue sur les dépens.

99

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 211, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

100

Toutefois, en vertu de l’article 211, paragraphe 3, du même règlement, dans les pourvois formés par les institutions, les frais exposés par celles-ci restent à leur charge.

101

En l’espèce, Mme Teughels ayant succombé en ses conclusions tant en ce qui concerne le pourvoi qu’en ce qui concerne le pourvoi incident, il convient d’ordonner qu’elle supportera ses propres dépens dans la présente instance ainsi que ceux exposés par la Commission et liés au pourvoi. La Commission supportera ses propres dépens afférents au pourvoi incident.

102

S’agissant des dépens liés à la procédure de première instance, il convient, en application de l’article 211, paragraphe 3, du règlement de procédure, d’ordonner que chaque partie supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

 

1)

L’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (assemblée plénière) du 11 décembre 2013, Teughels/Commission (F‑117/11), est annulé.

 

2)

Le recours introduit par Mme Catherine Teughels devant le Tribunal de la fonction publique dans l’affaire F‑117/11 est rejeté.

 

3)

Mme Teughels supportera ses propres dépens afférents à la présente instance ainsi que ceux exposés par la Commission européenne et liés au pourvoi. La Commission supportera ses propres dépens afférents au pourvoi incident.

 

4)

Mme Teughels ainsi que la Commission supporteront chacune leurs propres dépens liés à la procédure de première instance.

 

Jaeger

Kanninen

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 octobre 2015.

Signatures


( * )   Langue de procédure : le français.

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