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Document 62005TJ0429

Arrêt du Tribunal (sixième chambre) du 3 mars 2010.
Artegodan GmbH contre Commission européenne.
Responsabilité non contractuelle - Médicaments à usage humain - Décision imposant le retrait d’autorisations de mise sur le marché - Annulation de la décision par un arrêt du Tribunal - Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers.
Affaire T-429/05.

European Court Reports 2010 II-00491

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2010:60

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

3 mars 2010 ( *1 )

«Responsabilité non contractuelle — Médicaments à usage humain — Décision imposant le retrait d’autorisations de mise sur le marché — Annulation de la décision par un arrêt du Tribunal — Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers»

Dans l’affaire T-429/05,

Artegodan GmbH, établie à Lüchow (Allemagne), représentée initialement par M e  U. Doepner, puis par M e  A. Lensing-Kramer, et enfin par M es  U. Reese et A. Sandrock, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. B. Stromsky et M me  M. Heller, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. M. Lumma et U. Forsthoff, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet un recours en indemnité au titre des articles 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE, visant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi par la requérante du fait de l’adoption de la décision C(2000) 453 de la Commission, du 9 mars 2000 , concernant le retrait des autorisations de mise sur le marché des médicaments à usage humain contenant de l’amfépramone,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij (rapporteur), président, V. Vadapalas et T. Tchipev, juges,

greffier: M me  C. Kantza, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 septembre 2009 ,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

Directive 65/65/CEE

1

Le 26 janvier 1965 , le Conseil a adopté la directive 65/65/CEE concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques ( JO 1965, 22, p. 369 ). Cette directive a été modifiée à plusieurs reprises, notamment par les directives 83/570/CEE du Conseil, du 26 octobre 1983 ( JO L 332, p. 1 ), et 93/39/CEE du Conseil, du 14 juin 1993 ( JO L 214, p. 22 ) (ci-après, telle que modifiée, la « directive 65/65 » ). L’article 3 de la directive 65/65 énonce le principe selon lequel aucun médicament ne peut être mis sur le marché d’un État membre sans qu’une autorisation ait été préalablement délivrée par l’autorité compétente de cet État membre en vertu de ladite directive ou qu’une autorisation ait été délivrée conformément au règlement (CEE) n o  2309/93 du Conseil, du 22 juillet 1993 , établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une agence européenne pour l’évaluation des médicaments ( JO L 214, p. 1 ).

2

L’article 10, paragraphe 1, de la directive 65/65 énonce que l’autorisation est valable pour cinq ans et renouvelable par périodes de cinq ans après examen par l’autorité compétente d’un dossier reprenant notamment l’état des données de la pharmacovigilance et les autres informations pertinentes pour la surveillance du médicament.

3

L’article 11, premier alinéa, de la directive 65/65 dispose:

« Les autorités compétentes des États membres suspendent ou retirent l’autorisation de mise sur le marché lorsqu’il apparaît que le médicament est nocif dans les conditions normales d’emploi ou que l’effet thérapeutique fait défaut ou enfin que la spécialité n’a pas la composition qualitative et quantitative déclarée. L’effet thérapeutique fait défaut lorsqu’il est établi que le médicament ne permet pas d’obtenir de résultats thérapeutiques. »

4

Selon l’article 21 de la directive 65/65, l’autorisation de mise sur le marché (ci-après l’ « AMM » ) ne peut être refusée, suspendue ou retirée que pour les raisons énumérées dans cette directive.

Directive 75/318/CEE

5

La directive 75/318/CEE du Conseil, du 20 mai 1975 , relative au rapprochement des législations des États membres concernant les normes et protocoles analytiques, toxico-pharmacologiques et cliniques en matière d’essais de médicaments ( JO L 147, p. 1 ), telle qu’elle a été modifiée à plusieurs reprises, notamment par les directives 83/570 et 93/39, fixe les règles communes pour la conduite des essais prévus à l’article 4, deuxième alinéa, point 8, de la directive 65/65 et précise les renseignements qui doivent être joints à la demande d’AMM d’un médicament, en vertu des points 3, 4, 6 et 7 du même alinéa.

6

Les septième et huitième considérants de cette directive sont libellés comme suit:

« considérant que les notions de ‘ nocivité ’ et d’ ‘ effet thérapeutique ’ visées à l’article 5 de la directive 65/65 […] ne peuvent être examinées qu’en relation réciproque et n’ont qu’une signification relative appréciée en fonction de l’état d’avancement de la science et compte tenu de la destination du médicament; que les documents et renseignements qui doivent être joints à la demande d’[AMM] doivent faire ressortir l’aspect favorable de la balance entre l’efficacité et les risques potentiels; que, dans la négative, la demande doit être rejetée;

considérant que l’appréciation de la nocivité et de l’effet thérapeutique peut évoluer à la suite de nouvelles découvertes et que les normes et protocoles devront être adaptés périodiquement au progrès scientifique » .

Directive 75/319/CEE

7

La deuxième directive 75/319/CEE du Conseil, du 20 mai 1975 , concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques ( JO L 147, p. 13 ), modifiée à plusieurs reprises, notamment par les directives 83/570 et 93/39 (ci-après, telle que modifiée, la « directive 75/319 » ), instaure, en son chapitre III (articles 8 à 15 quater), une procédure de reconnaissance mutuelle des AMM nationales (article 9), assortie de procédures d’arbitrage communautaires.

8

Cette directive prévoit expressément la saisine du comité des spécialités pharmaceutiques (ci-après le « CSP » ) de l’Agence européenne pour l’évaluation des médicaments (EMEA), pour l’application de la procédure régie par l’article 13 (voir point 9 ci-après), lorsque, dans le cadre de la procédure de reconnaissance mutuelle instituée par l’article 9, un État membre considère qu’il y a des motifs de supposer que l’autorisation du médicament concerné peut présenter un risque pour la santé publique et que les États membres ne parviennent pas à un accord dans le délai prescrit (article 10), en cas de décisions divergentes des États membres concernant l’octroi, la suspension ou le retrait des autorisations nationales (article 11) et dans des cas particuliers présentant un intérêt communautaire (article 12).

9

L’article 13 de la directive 75/319 régit la procédure devant le CSP, lequel émet un avis motivé. Le paragraphe 5 de cet article prévoit que l’EMEA transmet l’avis final du CSP aux États membres, à la Commission et à la personne responsable de la mise sur le marché, en même temps qu’un rapport décrivant l’évaluation du médicament et les raisons qui motivent ses conclusions. L’article 14 de cette directive régit la procédure décisionnelle communautaire. Aux termes de son paragraphe 1, premier alinéa, dans les 30 jours suivant la réception de l’avis du CSP, la Commission prépare un projet de décision concernant la demande, en tenant compte des dispositions du droit communautaire. Selon son paragraphe 1, troisième alinéa, dans le cas exceptionnel où le projet de décision n’est pas conforme à l’avis de l’EMEA, la Commission joint également une annexe où sont expliquées en détail les raisons des différences. La décision définitive est adoptée conformément à la procédure de réglementation visée à l’article 37 ter de la directive 75/319.

Code communautaire des médicaments à usage humain

10

L’ensemble des directives concernant les médicaments à usage humain, qui régissent la procédure communautaire décentralisée d’AMM, notamment les directives 65/65, 75/318 et 75/319, a fait l’objet d’une codification par la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001 , instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ( JO L 311, p. 67 , ci-après le « code » ).

Antécédents du litige

11

La requérante, Artegodan GmbH, est titulaire d’une AMM, initialement délivrée par l’autorité nationale compétente, pour le Tenuate retard, un médicament contenant de l’amfépramone, une substance anorexigène de type amphétaminique. Elle a repris cette AMM et la commercialisation du Tenuate retard en Allemagne en septembre 1998.

12

L’amfépramone, ainsi que d’autres substances anorexigènes, ont fait l’objet de la décision C(96) 3608 final/1 de la Commission, du 9 décembre 1996 , concernant l’AMM des médicaments à usage humain contenant les substances suivantes: clobenzorex, norpseudoéphédrine, phentermine, fenproporex, mazindol, amfépramone, phendimétrazine, phenmétrazine, méfenorex. Dans cette décision, adoptée après avis du CSP saisi au titre de l’article 12 de la directive 75/319, la Commission a enjoint aux États membres concernés de modifier certaines données cliniques figurant dans les résumés des caractéristiques du produit approuvés lors de l’octroi des AMM en question.

13

À la suite d’une réévaluation de l’amfépramone à la demande d’un État membre, la Commission a adopté, le 9 mars 2000 , sur la base de l’article 15 bis de la directive 75/319, la décision C(2000) 453 concernant le retrait des AMM des médicaments à usage humain qui contiennent de l’amfépramone (ci-après la « Décision » ). À l’article 1 er de la Décision, la Commission a ordonné aux États membres de retirer « les autorisations nationales de mise sur le marché prévues à l’article 3, premier alinéa, de la directive 65/65, concernant les médicaments [contenant de l’amfépramone], énumérés à l’annexe I » . Elle a motivé, à l’article 2 de la Décision, ce retrait en renvoyant aux conclusions scientifiques, jointes à l’avis final du CSP du 31 août 1999 concernant cette substance (ci-après l’ « avis final » ), et a imposé aux États membres concernés, à l’article 3 de la Décision, d’exécuter celle-ci dans un délai de 30 jours à compter de sa notification.

14

Par recours introduit devant le Tribunal le 30 mars 2000 , la requérante a demandé l’annulation de la Décision (affaire T-74/00). Elle a notamment invoqué l’incompétence de la Commission, ainsi qu’une violation des articles 11 et 21 de la directive 65/65 et de l’article 15 bis de la directive 75/319.

15

Par décision du Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte (institut fédéral des médicaments et des produits médicamenteux), du 11 avril 2000 , la République fédérale d’Allemagne a retiré l’AMM du Tenuate retard, en exécution de la Décision, en se fondant sur l’article 30, paragraphe 1a, de l’Arzneimittelgesetz (loi sur les médicaments), en vertu duquel l’AMM doit être retirée lorsque cela est nécessaire pour se conformer à une décision prise par la Commission au titre notamment de l’article 37 ter de la directive 75/319.

16

Toutefois, cette décision nationale de retrait du 11 avril 2000 n’a pas été immédiatement mise en œuvre. En effet, par ordonnance du même jour, le président du Tribunal a ordonné le sursis à l’exécution de la Décision, jusqu’à la date du prononcé de l’ordonnance mettant fin à la procédure en référé. Par ordonnance du 28 juin 2000 , Artegodan/Commission ( T-74/00 R, Rec. p. II-2583 ), il a ordonné le sursis à l’exécution de la Décision en ce qui concerne la requérante. Aucun pourvoi n’a été introduit contre cette ordonnance.

17

Par ailleurs, dans sept affaires connexes, d’autres titulaires d’AMM de médicaments contenant de l’amfépramone ou d’autres substances anorexigènes de type amphétaminique, à savoir la norpseudoéphédrine, le clobenzorex, le fenproporex et la phentermine, ont demandé, d’une part, l’annulation et, d’autre part, par actes séparés, le sursis à l’exécution de la Décision (affaires T-76/00 et T-141/00), ainsi que des décisions C(2000) 608 et C(2000) 452 de la Commission, du 9 mars 2000 , concernant respectivement le retrait des AMM des médicaments contenant notamment de la norpseudoéphédrine, du clobenzorex, du fenproporex (affaires T-83/00 à T-85/00) et de la phentermine (affaires T-132/00 et T-137/00).

18

Par ordonnance du 19 octobre 2000 , Trenker/Commission ( T-141/00 R, Rec. p. II-3313 ), et par six autres ordonnances du 31 octobre 2000 , Bruno Farmaceutici e.a./Commission ( T-76/00 R, Rec. p. II-3557 , publication sommaire), Schuck/Commission ( T-83/00 R II, Rec. p. II-3585 , publication sommaire), Roussel et Roussel Diamant/Commission ( T-84/00 R, Rec. p. II-3591 ), Roussel et Roussel Iberica/Commission ( T-85/00 R, Rec. p. II-3613 ), Gerot Pharmazeutika/Commission ( T-132/00 R, Rec. p. II-3635 ), et Cambridge Healthcare Supplies/Commission ( T-137/00 R, Rec. p. II-3653 , publication sommaire), le président du Tribunal a fait droit à ces demandes de sursis à l’exécution des trois décisions de la Commission en ce qui concerne les requérantes dans les sept affaires visées au point 17 ci-dessus. Ces sept ordonnances ont fait l’objet de pourvois formés par la Commission. Par ordonnances du 11 avril 2001 , Commission/Trenker [ C-459/00 P(R), Rec. p. I-2823 ], Commission/Cambridge Healthcare Supplies [ C-471/00 P(R), Rec. p. I-2865 ], Commission/Bruno Farmaceutici e.a. [ C-474/00 P(R), Rec. p. I-2909 ], Commission/Schuck [ C-476/00 P(R), Rec. p. I-2995 ], Commission/Roussel et Roussel Diamant [ C-477/00 P(R), Rec. p. I-3037 ], Commission/Roussel et Roussel Iberica [ C-478/00 P(R), Rec. p. I-3079 ], et Commission/Gerot Pharmazeutika [ C-479/00 P(R), Rec. p. I-3121 ], le président de la Cour a annulé les ordonnances du président du Tribunal et a rejeté les demandes en référé.

19

Dans l’affaire Artegodan/Commission (T-74/00 R), la Commission a sollicité, par demande enregistrée au greffe du Tribunal le 20 avril 2001 , le retrait, au titre de l’article 108 du règlement de procédure du Tribunal, de l’ordonnance du président du Tribunal du 28 juin 2000 , Artegodan/Commission, précitée. Par ordonnance du 5 septembre 2001 , Artegodan/Commission ( T-74/00 R, Rec. p. II-2367 ), le président du Tribunal a rejeté cette demande. Le 13 novembre 2001 , la Commission a formé un pourvoi contre cette ordonnance. Par ordonnance du 14 février 2002 , Commission/Artegodan [ C-440/01 P(R), Rec. p. I-1489 ], la Cour a annulé l’ordonnance attaquée et a rapporté l’ordonnance du 28 juin 2000 , Artegodan/Commission, précitée, mettant ainsi fin au sursis à l’exécution de la Décision en ce qui concerne Artegodan.

20

En conséquence, le Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte a ordonné, le 7 mars 2002 , l’exécution immédiate de sa décision du 11 avril 2000 . Cette décision s’est traduite, pour la requérante, par l’entrée en vigueur de l’interdiction de vente du Tenuate retard à la mi-mars 2002.

21

Par ordonnance du 23 juillet 2001 , le président de la deuxième chambre du Tribunal a ordonné, après avoir entendu l’ensemble des parties, la jonction, aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, des affaires T-74/00, T-76/00, T-83/00 à T-85/00, T-132/00, T-137/00 et T-141/00.

22

Par arrêt du 26 novembre 2002 , Artegodan e.a./Commission ( T-74/00, T-76/00, T-83/00 à T-85/00, T-132/00, T-137/00 et T-141/00, Rec. p. II-4945 ), le Tribunal a notamment annulé la Décision en ce qu’elle visait les médicaments commercialisés par la requérante, en accueillant le moyen tiré de l’incompétence de la Commission. En outre, le Tribunal a jugé que, à supposer même que la Commission ait été compétente pour adopter la Décision, celle-ci serait néanmoins entachée d’irrégularité en ce qu’elle violerait l’article 11 de la directive 65/65.

23

L’interdiction de vente du Tenuate retard, entrée en vigueur au mois de mars 2002, n’a pas été levée à la suite de cet arrêt.

24

La Commission a formé un pourvoi contre l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, en faisant valoir des moyens relatifs, d’une part, au raisonnement du Tribunal sur le défaut de compétence de la Commission et, d’autre part, à l’interprétation faite par le Tribunal des conditions de retrait des AMM, telles que définies par l’article 11, premier alinéa, de la directive 65/65.

25

La Commission a par ailleurs demandé, par actes séparés, que l’affaire soit soumise à une procédure accélérée et qu’il soit sursis à l’exécution de l’arrêt du Tribunal. Le président de la Cour a décidé de soumettre l’affaire à une procédure accélérée et a rejeté la demande de sursis à exécution par ordonnance du 8 mai 2003 , Commission/Artegodan e.a. ( C-39/03 P-R, Rec. p. I-4485 ).

26

Par arrêt du 24 juillet 2003 , Commission/Artegodan e.a. ( C-39/03 P, Rec. p. I-7885 ), la Cour a rejeté le pourvoi au motif que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens avancés par la Commission, il y avait lieu de constater que le Tribunal avait à juste titre jugé que cette dernière était incompétente pour arrêter notamment la Décision et que celle-ci devait en conséquence être annulée.

27

Le 6 octobre 2003 , les autorités allemandes compétentes ont signifié à la requérante le retrait de la décision du 11 avril 2000 , susmentionnée. À partir de la mi-novembre 2003, la requérante a recommencé à commercialiser le Tenuate retard.

28

Par lettre du 9 juin 2004 , la requérante a demandé à la Commission à être indemnisée du préjudice, évalué à 1652926,19  euros, qu’elle aurait subi du fait de la Décision.

29

Par lettre du 9 novembre 2004 , la Commission a rejeté cette demande, en faisant valoir que les conditions de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté n’étaient pas réunies, en l’absence d’une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire. En réponse à une lettre de la requérante du 10 mars 2005 , réitérant sa demande, la Commission a maintenu sa position, dans une lettre du 20 avril 2005 .

Procédure et conclusions des parties

30

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 décembre 2005 , la requérante a introduit le présent recours.

31

Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, à la demande de la Commission, la requérante entendue, le Tribunal a, par lettre de son greffier du 27 mars 2006 , invité les parties à limiter leurs observations à la question relative à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, l’examen de la question de l’évaluation du préjudice invoqué étant, le cas échéant, réservée à un stade ultérieur de la procédure.

32

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 avril 2006 , la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 10 mai 2006 , le président de la deuxième chambre a fait droit à cette demande.

33

La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

34

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

35

Les parties principales ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 16 septembre 2009 . L’intervenante a renoncé à participer à l’audience.

36

La requérante conclut qu’il plaise au Tribunal:

condamner la Commission à lui verser un montant de 1430821,36  euros, majoré d’intérêts fixés forfaitairement à 8% pour la période comprise entre le jour du prononcé de l’arrêt et le paiement complet;

constater que la Commission est tenue de l’indemniser de tous les dommages qu’elle subira encore à l’avenir en raison des dépenses de marketing qui sont nécessaires pour que le Tenuate retard retrouve la position sur le marché qui était la sienne avant que la Commission ne retire l’AMM de ce médicament;

condamner la Commission aux dépens.

37

La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter le recours;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

Observations liminaires sur les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté et la portée de l’arrêt du Tribunal annulant la Décision

38

Selon une jurisprudence bien établie, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (voir arrêt de la Cour du 9 septembre 2008 , FIAMM et FIAMM Technologies/Conseil et Commission, C-120/06 P et C-121/06 P, Rec. p. I-6513 , point 106, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007 , Schneider Electric/Commission, T-351/03, Rec. p. II-2237 , point 113).

39

Le caractère cumulatif de ces conditions implique que, lorsque l’une d’entre elles n’est pas remplie, le recours en indemnité doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt de la Cour du 8 mai 2003 , T. Port/Commission, C-122/01 P, Rec. p. I-4261 , point 30, et arrêt Schneider Electric/Commission, précité, point 120).

40

En l’espèce, la requérante soutient que les trois conditions déterminant l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, à savoir l’illégalité de la Décision, la réalité du préjudice invoqué et l’existence d’un lien de causalité entre la Décision et ce préjudice, sont réunies.

41

Le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord si la condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté relative à l’illégalité est remplie.

42

À cet égard, la requérante invoque, premièrement, l’incompétence de la Commission pour adopter la Décision, deuxièmement, la méconnaissance par cette institution des conditions de retrait d’une AMM, énoncées par l’article 11 de la directive 65/65, troisièmement, une violation du principe de proportionnalité, quatrièmement, une violation du principe de bonne administration et, cinquièmement, à titre subsidiaire, un cumul des irrégularités susmentionnées.

43

La Commission estime que la Décision n’est entachée d’aucune illégalité susceptible d’engager la responsabilité de la Communauté.

44

En premier lieu, avant d’aborder l’examen successif des moyens susmentionnés, il importe de relever que les deux premiers moyens, tirés, respectivement, de l’incompétence de la Commission et de la violation des conditions de retrait d’une AMM de médicaments énoncées à l’article 11 de la directive 65/65, ont été accueillis par le Tribunal dans l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, confirmé par la Cour dans l’arrêt Commission/Artegodan e.a., précité.

45

L’incompétence de la Commission pour adopter la Décision ainsi que la violation par cette institution des conditions de retrait d’une AMM énoncées par l’article 11 de la directive 65/65 doivent dès lors être considérées comme acquises, ainsi que le soutient la requérante.

46

Cependant, la Commission et la République fédérale d’Allemagne soutiennent que la Décision n’enfreint pas l’article 11 de la directive 65/65. Elles remettent ainsi en cause la solution dégagée par le Tribunal en ce qui concerne l’interprétation et l’application des conditions de retrait d’une AMM énoncées à l’article 11 de la directive 65/65, en faisant valoir que la Cour ne s’est pas prononcée sur cette question.

47

Ce moyen de défense, tiré de l’absence alléguée de violation de l’article 11 de la directive 65/65, doit d’emblée être déclaré irrecevable, dans la mesure où il se heurte à l’autorité de la chose jugée de l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité.

48

En effet, à la suite du rejet par la Cour, dans l’arrêt Commission/Artegodan e.a., précité, du pourvoi qui avait été formé par la Commission contre l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, ce dernier a acquis autorité de la chose jugée en ce qui concerne l’ensemble des points de fait et de droit qui ont effectivement ou nécessairement été tranchés par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 30 avril 2009 , CAS Succhi di Frutta/Commission, C-497/06 P, non publié au Recueil, point 33, et la jurisprudence citée, et du 16 juillet 2009 , Commission/Schneider Electric, C-440/07 P, Rec. p. I-6413 , point 102). La Commission n’est dès lors pas recevable à remettre en cause les constatations factuelles et juridiques effectuées par le Tribunal, dans l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, en ce qui concerne la violation des conditions de retrait d’une AMM énoncées par l’article 11 de la directive 65/65. La circonstance, invoquée par la Commission, que la Cour n’a pas estimé nécessaire d’examiner le moyen tiré de la violation de l’article 11 de la directive 65/65 par le Tribunal, qui avait été également avancé à l’appui du pourvoi, est, à cet égard, privée de toute pertinence.

49

En second lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, la constatation de l’illégalité d’un acte juridique — telle que l’illégalité en l’espèce de la Décision du fait tant de l’incompétence de la Commission que de la violation des conditions de retrait d’une AMM énoncées par l’article 11 de la directive 65/65 — ne suffit pas, pour regrettable que soit cette illégalité, pour considérer que la condition d’engagement de la responsabilité de la Communauté tenant à l’illégalité du comportement reproché aux institutions communautaires est remplie [voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 avril 2007 , Holcim (Deutschland)/Commission, C-282/05 P, Rec. p. I-2941 , point 47, confirmant l’arrêt du Tribunal du 21 avril 2005 , Holcim (Deutschland)/Commission, T-28/03, Rec. p. II-1357 , point 87, et arrêts du Tribunal du 6 mars 2003 , Dole Fresh Fruit International/Conseil et Commission, T-56/00, Rec. p. II-577 , points 72 à 75, et du 9 septembre 2008 , MyTravel/Commission, T-212/03, Rec. p. II-1967 , points 43 et 85].

50

En effet, selon la jurisprudence, le recours en indemnité a été institué comme une voie autonome, ayant sa fonction particulière dans le système des voies de recours et subordonnée à des conditions d’exercice conçues en vue de son objet spécifique (arrêt de la Cour du 17 décembre 1981 , Ludwigshafener Walzmühle Erling e.a./Conseil et Commission, 197/80 à 200/80, 243/80, 245/80 et 247/80, Rec. p. 3211 , point 4; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 février 1986 , Krohn Import-Export/Commission, 175/84, Rec. p. 753 , point 32 ). Alors que les recours en annulation et en carence visent à sanctionner l’illégalité d’un acte juridiquement contraignant ou l’absence d’un tel acte, le recours en indemnité a pour objet la demande en réparation d’un préjudice découlant d’un acte ou d’un comportement illicite imputable à une institution (arrêt du Tribunal du 27 novembre 2007 , Pitsiorlas/Conseil et BCE, T-3/00 et T-337/04, Rec. p. II-4779 , point 283).

51

Dans ce contexte, eu égard à l’autonomie du recours en indemnité, et contrairement à ce prétend la requérante, les conditions entourant l’engagement d’une telle responsabilité doivent également être interprétées indépendamment des conditions d’octroi d’un sursis à exécution dans le cadre d’un recours en annulation.. En effet, la procédure en référé, introduite parallèlement à un recours en annulation, vise uniquement à éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit causé par la décision attaquée, avant la décision du Tribunal au principal, lorsque les griefs invoqués à l’appui du recours principal semblent à première vue fondés (ordonnance du président du Tribunal du 28 avril 2009 , United Phosphorus/Commission, T-95/09 R, non publiée au Recueil, points 18 et 21). En revanche, le recours en indemnité, qui tend non à l’annulation d’un acte juridique illégal, mais à la réparation du préjudice causé par les institutions, est soumis à des conditions particulières définies de manière autonome en fonction de son objet spécifique (voir point 50 ci-dessus). Ainsi, il ne vise pas à assurer la réparation du préjudice causé par toute illégalité.

52

Pour admettre qu’il est satisfait à la condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté relative à l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers [arrêts de la Cour du 4 juillet 2000 , Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, Rec. p. I-5291 , point 42, et du 19 avril 2007 , Holcim (Deutschland)/Commission, précité, point 47].

53

S’agissant de l’exigence selon laquelle la violation du droit communautaire doit être suffisamment caractérisée, le critère décisif pour considérer qu’elle est satisfaite est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation [arrêts Bergaderm et Goupil/Commission, précité, point 43, et du 19 avril 2007 , Holcim (Deutschland)/Commission, précité, point 47]. Ce qui est donc déterminant pour établir si l’on se trouve en présence d’une telle violation, c’est la marge d’appréciation dont disposait l’institution en cause (voir arrêt de la Cour du 12 juillet 2005 , Commission/CEVA et Pfizer, C-198/03 P, Rec. p. I-6357 , point 66, et la jurisprudence citée).

54

Il en résulte que la nature générale ou individuelle d’un acte est privée de pertinence lors de l’examen de la condition relative à l’illégalité du comportement reproché à l’institution concernée. En effet, la nature de l’acte n’est pas déterminante pour identifier les limites du pouvoir d’appréciation dont dispose l’institution en cause [voir, en ce sens, arrêts de la Cour Bergaderm/Commission, précité, point 46; du 10 décembre 2002 , Commission/Camar et Tico, C-312/00 P, Rec. p. I-11355 , point 55; du 10 juillet 2003 , Commission/Fresh Marine, C-472/00 P, Rec. p. I-7541 , point 27, et du 19 avril 2007 , Holcim (Deutschland)/Commission, précité, point 48; arrêt du Tribunal du 23 octobre 2001 , Dieckmann & Hansen/Commission, T-155/99, Rec. p. II-3143 , point 45].

55

À cet égard, il convient de rappeler que l’exigence d’une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire, au sens de l’arrêt Bergaderm et Goupil/Commission, précité, vise, quelle que soit la nature de l’acte illicite en cause, à éviter que le risque d’avoir à supporter les dommages allégués par les entreprises concernées n’entrave la capacité de l’institution concernée à exercer pleinement ses compétences dans l’intérêt général, tant dans le cadre de son activité à portée normative ou impliquant des choix de politique économique que dans la sphère de sa compétence administrative, sans pour autant laisser peser sur des particuliers la charge des conséquences de manquements flagrants et inexcusables (voir, en ce sens, arrêts Schneider Electric/Commission, précité, point 125, et MyTravel Group/Commission, précité, point 42).

56

En l’espèce, eu égard à la jurisprudence susmentionnée, il y a lieu de rejeter d’emblée l’argument de la requérante, s’appuyant en particulier sur le point 11 de l’arrêt de la Cour du 4 octobre 1979 , Ireks-Arkady/CEE ( 238/78, Rec. p. 2955 ), selon lequel le critère relatif à une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire ne devrait pas être appliqué de manière stricte, au motif, d’une part, que la Décision constituerait un acte dont les répercussions étaient limitées à un cercle restreint d’intéressés, et non un acte normatif dont les conséquences préjudiciables pouvaient être incalculables, et, d’autre part, que le préjudice allégué dépasserait les limites des risques économiques inhérents aux activités dans le secteur concerné. En effet, ces circonstances sont dépourvues de pertinence pour apprécier si les violations alléguées du droit communautaire sont suffisamment caractérisées, au sens de l’arrêt Bergaderm et Goupil/Commission, précité.

57

Par ailleurs, à supposer même que, en présence d’un préjudice anormal et spécial, la responsabilité de la Communauté puisse se trouver engagée du fait d’un acte relevant de la sphère administrative qui ne serait pas constitutif d’une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire, ce qui ne saurait être déduit de la jurisprudence (arrêt FIAMM et FIAMM Technologies/Conseil et Commission, précité, point 168), force est de constater que la condition relative à l’existence d’un préjudice anormal n’est en tout état de cause pas remplie en l’espèce. En effet, contrairement aux allégations de la requérante, dans le système de gestion des AMM institué par la directive 65/65, dans lequel le bilan bénéfices/risques présenté par un médicament est soumis à un contrôle continu, notamment dans le cadre de la pharmacovigilance (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, points 177 à 180), le risque de retrait d’une telle AMM, à la suite d’une réévaluation de ce bilan, est inhérent à l’exercice d’une activité dans le secteur concerné et ne saurait dès lors être considéré comme imprévisible.

58

Certes, la requérante rappelle à bon droit qu’il découle des critères jurisprudentiels que, lorsque l’institution concernée ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit communautaire peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (arrêts Bergaderm et Goupil/Commission, précité, point 44, Commission/Camar et Tico, précité, point 54, et Commission/Schneider Electric, précité, point 160; arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001 , Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, T-198/95, T-171/96, T-230/97, T-174/98 et T-225/99, Rec. p. II-1975 , point 134).

59

Toutefois, contrairement à l’interprétation défendue par la requérante, cette jurisprudence n’établit aucun lien automatique entre, d’une part, l’absence de pouvoir d’appréciation de l’institution concernée et, d’autre part, la qualification de l’infraction de violation suffisamment caractérisée du droit communautaire.

60

En effet, bien qu’elle présente un caractère déterminant, l’étendue du pouvoir d’appréciation de l’institution concernée ne constitue pas un critère exclusif. À cet égard, la Cour a rappelé de manière constante que le régime qu’elle a dégagé au titre de l’article 288, deuxième alinéa, CE prend, en outre, notamment en compte la complexité des situations à régler et les difficultés d’application ou d’interprétation des textes [arrêts Bergaderm et Goupil/Commission, précité, point 40; Commission/Camar et Tico, précité, point 52; Commission/CEVA Santé Animale et Pfizer, précité, point 62; du 19 avril 2007 , Holcim (Deutschland)/Commission, précité, point 50; Schneider Electric/Commission, précité, point 116, et MyTravel Group/Commission, précité, point 38].

61

En particulier, en présence d’une marge d’appréciation de la Commission réduite [arrêt du 21 avril 2005 , Holcim (Deutschland)/Commission, précité, point 100], ou considérablement réduite, voire inexistante (arrêt Commission/Schneider Electric, précité, point 166), la Cour a confirmé le bien-fondé de l’examen par le Tribunal de la complexité des situations à régler aux fins d’apprécier si la violation du droit communautaire alléguée était suffisamment caractérisée [arrêt du 19 avril 2007 , Holcim (Deutschland)/Commission, précité, point 51, et arrêt Commission/Schneider Electric, précité, point 161].

62

Il s’ensuit que seule la constatation d’une irrégularité que n’aurait pas commise, dans des circonstances analogues, une administration normalement prudente et diligente permet d’engager la responsabilité de la Communauté. Il appartient dès lors au juge communautaire, après avoir déterminé, d’abord, si l’institution concernée disposait d’une marge d’appréciation, de prendre en considération, ensuite, la complexité de la situation à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes, le degré de clarté et de précision de la règle violée et le caractère intentionnel ou inexcusable de l’erreur commise (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, précité, points 138 et 149, et du 26 janvier 2006 , Medici Grimm/Conseil, T-364/03, Rec. p. II-79 , points 79 et 87; voir également, par analogie, en ce qui concerne la responsabilité non contractuelle d’un État membre pour violation du droit communautaire, arrêt de la Cour du 4 juillet 2000 , Haim, C-424/97, Rec. p. I-5123 , points 41 à 43).

63

En l’espèce, il y a dès lors lieu de vérifier, à la lumière des critères jurisprudentiels exposés ci-dessus, si la Commission, en méconnaissant, d’une part, les règles de compétence et, d’autre part, les conditions matérielles de retrait d’une AMM énoncées à l’article 11 de la directive 65/65, a violé de manière suffisamment caractérisée des règles de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

64

Quant aux deux moyens, tirés, respectivement, d’une violation du principe de proportionnalité et d’une violation du principe de bonne administration, il convient de les examiner ensemble dans la mesure où ils se fondent pour l’essentiel sur la même argumentation, afin de vérifier si lesdites violations sont de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté, au regard des critères jurisprudentiels susmentionnés. Enfin, le Tribunal examinera le moyen tiré du cumul des irrégularités alléguées par la requérante.

Sur le moyen tiré de l’incompétence de la Commission

Arguments des parties

65

En premier lieu, la requérante conteste l’argument de la Commission selon lequel les règles relatives à la délimitation des compétences entre les États membres et les institutions ne viseraient pas la protection des particuliers. Elle allègue qu’un intérêt individuel est protégé, même lorsque la règle de droit violée protège avant tout l’intérêt général et ne vise la protection des intérêts particuliers que par ricochet (arrêt de la Cour du 14 juillet 1967 , Kampffmeyer e.a./Commission, 5/66, 7/66 et 13/66 à 24/66, Rec. p. 317 ). En outre, l’exigence relative au caractère protecteur de la règle de droit violée servirait avant tout à limiter l’engagement de la responsabilité de la Communauté du fait d’un acte affectant un nombre indéterminé de personnes.

66

L’arrêt de la Cour du 13 mars 1992 , Vreugdenhil/Commission ( C-282/90, Rec. p. I-1937 ), invoqué par la Commission, ne serait pas pertinent en l’espèce, car il se rapporterait à la délimitation des compétences entre les institutions. En l’espèce, en vertu du principe de subsidiarité et de l’article 5 CE, les règles de répartition des compétences entre la Communauté et les États membres revêtiraient une importance particulière. De plus, une décision entraînant une grave atteinte aux droits d’un particulier serait susceptible de conduire à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté même en cas de simple violation des règles de compétence. Or, la Décision aurait porté atteinte au droit fondamental de la requérante de créer et d’exploiter une entreprise.

67

En second lieu, la requérante allègue qu’une violation suffisamment caractérisée des règles de compétence n’est pas nécessaire en l’espèce. En effet, la délimitation de la compétence d’une institution par rapport à celle des États membres serait exclusivement régie par le droit applicable, l’institution concernée ne disposant à cet égard d’aucun pouvoir d’appréciation. En se considérant illégalement comme compétente, la Commission aurait dès lors manifestement excédé les pouvoirs qui lui sont conférés par la directive 75/319.

68

En outre, la requérante conteste l’argumentation de la Commission selon laquelle il n’y aurait pas eu de violation suffisamment caractérisée du droit communautaire en raison des difficultés soulevées par l’interprétation des règles pertinentes. Cette argumentation serait d’ailleurs en contradiction avec celle avancée par la Commission dans les procédures de taxation des dépens entre les parties au présent litige.

69

La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, qui se rallie à son argumentation, estime que, en l’espèce, la méconnaissance des règles de compétence ne constituait pas une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

70

En particulier, la Commission soutient que la solution dégagée par la Cour aux points 20 et 21 de l’arrêt Vreugdenhil/Commission, précité, selon laquelle le système de répartition des compétences entre les institutions de la Communauté a pour but d’assurer le respect de l’équilibre institutionnel prévu par le traité et non la protection des particuliers, est transposable en l’espèce, en ce qui concerne la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres.

Appréciation du Tribunal

71

Afin de déterminer si l’incompétence de la Commission pour adopter la Décision, constatée dans l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, est de nature à engager la responsabilité de la Communauté, le Tribunal estime opportun de vérifier d’abord si, comme l’exige la jurisprudence (voir point 52 ci-dessus), les règles de droit violées ont pour objet de conférer des droits aux particuliers.

72

En effet, contrairement aux allégations de la requérante, la jurisprudence susmentionnée a consacré l’exigence du caractère protecteur de la règle de droit violée, indépendamment de la nature et de la portée de l’acte dont l’illégalité est invoquée, et en particulier de la question de savoir si cet acte affecte un cercle fermé, ou un nombre déterminé, de personnes.

73

En l’espèce, force est de constater que les dispositions pertinentes de la directive 75/519 délimitant les domaines de compétence respectifs de la Commission et des États membres n’ont pas pour objet de conférer des droits aux particuliers.

74

En effet, ces dispositions visent spécifiquement à organiser la répartition des compétences entre les autorités nationales et la Commission s’agissant de la procédure de reconnaissance mutuelle des AMM nationales, assortie de procédures d’arbitrage communautaires, mise en place par la directive 75/319 dans le cadre de l’harmonisation progressive des réglementations nationales relatives aux AMM de médicaments.

75

Dans ce contexte, le fait que le principe d’attribution des compétences, consacré à l’article 5 CE, ainsi que le principe de subsidiarité revêtent une importance particulière, comme le fait valoir la requérante, ne signifie pas que les règles de répartition des compétences entre la Communauté et les États membres puissent être considérées comme des règles ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, au sens de la jurisprudence. En particulier, contrairement aux allégations de la requérante lors de l’audience, la circonstance que la Décision soit privée de toute base légale, en raison de l’incompétence de la Communauté, et que la requérante ait obtenu, pour ce motif notamment, son annulation ne suffit pas pour considérer que les règles de compétence enfreintes ont pour objet de conférer des droits aux particuliers, de sorte qu’une violation de ces règles serait de nature à engager la responsabilité de la Communauté.

76

En outre, l’arrêt Kampffmeyer e.a./Commission, précité, invoqué par la requérante, n’est pas pertinent pour apprécier le caractère protecteur des règles de compétence enfreintes en l’espèce. En effet, la règle de droit dont la violation a été examinée dans cet arrêt visait notamment à rendre possible le développement de la libre circulation des marchandises. La Cour a dès lors constaté que la circonstance que les intérêts liés à la protection de la libre circulation des marchandises étaient de nature générale n’excluait pas qu’ils englobent des intérêts d’entreprises individuelles telles que les requérantes, qui, en leur qualité d’importateurs de céréales, participaient au commerce intracommunautaire. En revanche, en l’espèce, les règles relatives à la délimitation des compétences entre la Communauté et les États membres dans le cadre de la procédure de reconnaissance mutuelle des AMM nationales assortie de procédures d’arbitrage instituée par la directive 75/319 ne sauraient être comprises comme visant également à assurer la protection d’intérêts individuels. À cet égard, la requérante n’avance d’ailleurs aucun argument concret pour démontrer que les règles de compétence méconnues avaient également pour objet de conférer des droits aux particuliers.

77

Par ailleurs, l’argument de la requérante, fondé sur une atteinte alléguée à son droit de créer et d’exploiter une entreprise, est inopérant pour déterminer si les règles de compétence examinées ont également pour objet de conférer des droits aux particuliers. En effet, comme le soutient la Commission, la question relative à l’atteinte alléguée à des droits fondamentaux est entièrement distincte de la question de savoir si des règles relatives à la répartition des compétences, dont la violation est établie, ont pour objet de conférer des droits aux particuliers.

78

Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la circonstance que la Commission a outrepassé sa compétence est de nature à engager la responsabilité de la Communauté doit être rejeté comme non fondé, au motif que les règles de compétence violées n’ont pas pour objet de conférer des droits aux particuliers, sans qu’il soit par conséquent nécessaire d’examiner si la méconnaissance de ces règles constitue une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance des conditions de retrait d’une AMM énoncées par l’article 11 de la directive 65/65

Arguments des parties

79

La requérante soutient que, en enfreignant l’article 11 de la directive 65/65, la Commission a violé une norme visant à protéger les intérêts des titulaires d’AMM.

80

En outre, elle fait valoir que la violation de l’article 11 de la directive 65/65 constitue une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire. En effet, contrairement aux allégations de la Commission, cette violation ne serait pas excusable en raison des risques présentés par le Tenuate retard.

81

L’argument de la Commission selon lequel le Tenuate retard serait un médicament dangereux, voire mortel, qui générerait en outre des risques d’addiction, serait infirmé notamment par une lettre, en date du 4 août 2003 , du Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte au Bundesministerium für Gesundheit (ministère fédéral de la Santé), énonçant:  « La situation de risque demeure presque inchangée depuis 1996, année durant laquelle la première procédure de risque européenne s’est achevée sur une conclusion favorable, et se situe globalement à un niveau faible. Les risques (notamment cardiovasculaires, de dépendance […]) sont indiqués de manière adéquate dans la notice et sont considérés comme tolérables dans ces conditions. » De plus, en ce qui concerne le potentiel d’emploi abusif ou de dépendance physique, l’amfépramone aurait été classée par l’Organisation mondiale de la santé au niveau de risque le plus bas, dans le tableau IV.

82

Par ailleurs, la requérante estime qu’une violation suffisamment caractérisée n’est pas nécessaire pour engager la responsabilité de la Communauté en cas de violation de l’article 11 de la directive 65/65, dès lors que la Commission ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation. Elle fait valoir que, en l’espèce, dans la mesure où les conditions définies de manière précise par cet article n’étaient pas réunies, en l’absence de données ou d’informations scientifiques nouvelles concernant l’efficacité de l’amfépramone, la Commission n’était pas appelée à exercer un pouvoir d’appréciation. La requérante conteste en outre que l’article 11 de la directive 65/65 ait soulevé des difficultés d’interprétation.

83

En tout état de cause, la violation de l’article 11 de la directive 65/65 dans la Décision serait manifeste et grave. La gravité de cette violation du droit communautaire résulterait du fait qu’un groupe restreint et délimité d’opérateurs économiques est atteint par la Décision et que le dommage dépasse les limites des risques économiques inhérents à l’exercice d’une activité dans le secteur concerné. Comme la Commission pouvait facilement prévoir les conséquences de la Décision, eu égard au nombre limité de titulaires d’AMM concernés, le risque de retrait arbitraire de ces AMM ne devrait pas être supporté par ces entreprises.

84

Quant au caractère manifeste de la violation de l’article 11 de la directive 65/65, il résulterait de ce que la Commission aurait aisément pu adopter une décision licite, en faisant preuve de la diligence nécessaire. Eu égard notamment à l’opinion divergente annexée à l’avis final, visé au point 45 de l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, la Commission aurait du procéder à une appréciation objective de cet avis. En tout état de cause, la recommandation manifestement erronée formulée dans cet avis, à laquelle elle s’est ralliée, lui serait imputable.

85

Pour sa part, en premier lieu, la Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, qui se rallie à son argumentation, conteste l’interprétation de l’article 11 de la directive 65/65 retenue par le Tribunal dans l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité.

86

En second lieu, la Commission fait valoir que la prétendue violation de l’article 11 de la directive 65/65 ne constitue pas une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire, en raison du caractère excusable de l’erreur de droit constatée dans l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité.

Appréciation du Tribunal

87

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que le moyen de défense tiré de l’absence de violation par la Commission de l’article 11 de la directive 65/65 est irrecevable, dans la mesure où il se heurte à l’autorité de la chose jugée (voir point 47 ci-dessus).

88

Il y a dès lors lieu de vérifier si la violation de l’article 11 de la directive 65/65 dans la Décision est de nature à engager la responsabilité de la Communauté, conformément à la jurisprudence (voir point 52 ci-dessus). À cette fin, en premier lieu, il convient d’examiner si cet article a pour objet de conférer des droits aux particuliers.

89

Il découle de la jurisprudence que cette condition est remplie lorsque la règle de droit violée, tout en visant par essence des intérêts de caractère général, assure également la protection des intérêts individuels des entreprises concernées (voir, en ce sens, arrêt Kampffmeyer e.a./Commission, précité, p. 340).

90

En l’espèce, il ressort expressément de l’article 11, premier alinéa, de la directive 65/65 que l’autorité compétente est tenue de suspendre ou de retirer l’AMM d’un médicament s’il apparaît que celui-ci est nocif dans les conditions normales d’emploi, ou inefficace, ou dépourvu de la composition qualitative ou quantitative déclarée (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, point 172). Lors de la mise en œuvre de cet article, seules les exigences liées à la protection de la santé publique doivent être prises en considération (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, point 176).

91

Eu égard au principe général selon lequel la protection de la santé publique doit incontestablement se voir reconnaître une importance prépondérante par rapport aux considérations économiques, le titulaire d’une AMM d’un médicament, laquelle est valable cinq ans et renouvelable par période de cinq ans selon l’article 10 de la directive 65/65, ne peut prétendre, en vertu du principe de sécurité juridique, à une protection spécifique de ses intérêts durant la période de validité de l’AMM, si l’autorité compétente établit à suffisance de droit, en vertu de l’article 11 de cette directive, que ce médicament ne répond plus au critère d’innocuité ou au critère d’efficacité, compte tenu de l’évolution des connaissances scientifiques et des données nouvelles recueillies notamment dans le cadre de la pharmacovigilance (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, points 173 et 177).

92

Toutefois, il découle également de l’article 11 de la directive 65/65 que, nonobstant le fait que les intérêts économiques du titulaire d’une AMM ne peuvent pas être pris en considération lors de son application, le titulaire d’une telle autorisation n’est en principe exposé à une suspension ou à un retrait de cette AMM que si l’une des conditions alternatives de suspension ou de retrait énoncées audit article est remplie. En effet, une AMM ne peut être suspendue ou retirée que si l’autorité compétente établit qu’il est satisfait à l’une de ces conditions (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, points 171 et 191). Le système d’autorisation préalable permet de présumer, pendant la durée de validité de l’AMM, que le médicament considéré présente, en l’absence d’indices contraires sérieux, un bilan bénéfices/risques favorable, sans préjudice de la possibilité de suspendre l’AMM en cas d’urgence. À défaut de tels indices contraires, la nécessité de ne pas réduire l’éventail de médicaments disponibles destinés au traitement d’une affection donnée plaide en faveur du maintien du médicament sur le marché, afin de permettre, dans chaque cas, la prescription du médicament le plus approprié (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, point 195).

93

En conséquence, si l’autorité compétente ne fournit pas des indices sérieux et concluants permettant raisonnablement de douter de l’innocuité ou de l’efficacité du médicament considéré, l’AMM doit être maintenue pendant toute la durée de sa validité, pour autant que la composition qualitative et quantitative du médicament soit celle déclarée.

94

En l’espèce, la requérante soutient dès lors à bon droit que l’article 11 de la directive 65/65, qui vise essentiellement à protéger la santé publique, confère également des droits aux titulaires d’AMM concernés. Dans ses écritures, la Commission ne conteste d’ailleurs pas que l’article 11 présente également un  « caractère de règle de protection » .

95

Il en résulte que l’article 11, premier alinéa, de la directive 65/65 doit être considéré comme ayant pour objet de conférer des droits aux entreprises concernées par une décision de retrait ou de suspension d’une AMM.

96

En second lieu, s’agissant de la condition relative à une violation suffisamment caractérisée, il convient tout d’abord de déterminer l’étendue du pouvoir d’appréciation dont disposait la Commission en l’espèce.

97

À cet égard, force est de relever que, si la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation lors de l’application de l’article 11 de la directive 65/65 lorsqu’elle est appelée à effectuer des évaluations complexes, notamment en présence d’incertitudes scientifiques, dans le respect des principes de prééminence de la protection de la santé publique et de précaution — ainsi que l’a souligné le Tribunal au point 201 de l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, lu notamment en combinaison avec les points 181 et 186 de cet arrêt —, elle est, en revanche, liée par les conditions de suspension ou de retrait d’une AMM, définies à l’article 11 susvisé. En effet, si l’une de ces conditions alternatives est remplie, elle est tenue de suspendre ou de retirer l’AMM (voir point 90 ci-dessus). À l’inverse, si la Commission n’établit pas qu’il est satisfait à l’une de ces conditions, l’AMM doit être maintenue (voir point 93 ci-dessus).

98

Or, en l’espèce, la Commission n’a pas établi que l’une des conditions alternatives de suspension ou de retrait d’une AMM était remplie.

99

À cet égard, il convient de rappeler que, dans son avis final, sur lequel la Commission s’est appuyée pour adopter la Décision, le CSP avait émis une appréciation négative du bilan bénéfices/risques présenté par l’amfépramone, à la suite d’une réévaluation de son efficacité selon un critère scientifique distinct de celui qu’il avait appliqué dans son avis de 1996 concernant la même substance. En effet, se fondant sur l’évolution alléguée d’un « consensus » dans la communauté médicale relatif au critère d’appréciation de l’efficacité des médicaments dans le traitement de l’obésité, le CSP avait appliqué le critère de l’efficacité à long terme, tandis que, en 1996, il avait appliqué celui de l’efficacité à court terme. En revanche, pour ce qui est de la sécurité, le CSP avait estimé, dans son avis final, que les risques présentés par la substance considérée n’avaient pas changé depuis 1996 (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, points 202, 203 et 210).

100

L’avis final du CSP et la Décision, tout en revenant sur l’appréciation positive de l’efficacité émise en 1996, reposaient sur des données médicales et scientifiques strictement identiques à celles qui avaient été prises en considération en 1996 en ce qui concerne les effets thérapeutiques de la substance considérée, ainsi que l’avait d’ailleurs confirmé la Commission (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, points 204 et 210). Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permettait de présumer que l’existence éventuelle de substances de substitution — qui, au vu des données disponibles en 1999, auraient pu le cas échéant présenter un bilan bénéfices/risques plus favorable que celui de l’amfépramone — avait exercé une incidence sur l’application en l’espèce d’un nouveau critère d’appréciation de l’efficacité (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, point 208).

101

Dans ce contexte, le Tribunal a jugé, dans l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité (points 211 et 220), que la Commission avait enfreint l’article 11 de la directive 65/65 en se fondant sur une simple évolution d’un critère scientifique ou, plus concrètement, sur une évolution des bonnes pratiques cliniques — c’est-à-dire des pratiques thérapeutiques reconnues comme étant les plus appropriées au regard des connaissances scientifiques actuelles —, qui ne reposait sur aucune donnée scientifique ou information nouvelles. En effet, en l’absence, en l’occurrence, de toute donnée scientifique ou information nouvelles susceptibles de susciter des doutes quant à l’efficacité de la substance considérée, cet article s’opposait à ce que l’autorité compétente revienne sur l’appréciation positive de l’efficacité de l’amfépramone qui avait été émise en 1996.

102

De surcroît, et en tout état de cause, dans le cadre de son contrôle de la légalité externe de l’avis final (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, points 199 et 200), le Tribunal a constaté (points 212 à 219) que l’examen des lignes directrices sur les études cliniques de médicaments utilisés dans le cadre du contrôle du poids approuvées par le CSP en décembre 1997 (ci-après « lignes directrices du CSP » ), ainsi que des lignes directrices nationales relatives au traitement de l’obésité, sur lesquelles le CSP s’était fondé dans son avis final pour motiver l’application d’un critère scientifique distinct de celui qu’il avait appliqué en 1996 (voir point 99 ci-dessus), ne permettait pas de mettre en évidence l’évolution alléguée des bonnes pratiques cliniques.

103

En premier lieu, il apparaît ainsi, que, en l’espèce, l’application d’un nouveau critère scientifique d’évaluation de l’efficacité de la substance considérée ne reposait sur aucune donnée scientifique ou information nouvelles. Dans ces conditions, en l’absence, par ailleurs, d’identification d’un risque potentiel nouveau, l’article 11 de la directive 65/65 n’habilitait pas la Commission à imposer le retrait des AMM en cause (voir points 97 et 101 ci-dessus). En second lieu, il convient de relever que la constatation factuelle selon laquelle le nouveau critère scientifique appliqué dans l’avis final ne se fondait pas sur l’identification de données scientifiques ou d’informations nouvelles découlait nécessairement de l’examen de l’avis final et des divers rapports et documents scientifiques pertinents à la disposition de la Commission (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, points 209 et 210). Cette constatation n’impliquait, dès lors, malgré la complexité d’un tel examen, aucune marge d’appréciation. Il en est de même de la constatation selon laquelle l’évolution alléguée du critère scientifique susvisé ne ressortait pas des lignes directrices invoquées par le CSP (voir point 102 ci-dessus).

104

Il s’ensuit que, en l’espèce, la Commission ne disposait en toute hypothèse, dans ce contexte déterminé, d’aucune marge d’appréciation lors de l’application des critères matériels de suspension ou de retrait d’une AMM définis par l’article 11 de la directive 65/65.

105

Toutefois, contrairement aux allégations de la requérante, cette seule circonstance ne suffit pas pour considérer que la violation de l’article 11 de la directive 65/65 est suffisamment caractérisée pour engager la responsabilité de la Communauté. En effet, ainsi qu’il a déjà été rappelé (voir points 60 à 62 ci-dessus), il incombe au juge communautaire de prendre également en considération notamment la complexité en droit et en fait de la situation à régler.

106

En l’occurrence, il convient de relever que le principe général de la prééminence de la protection de la santé publique, concrétisé dans les dispositions matérielles de la directive 65/65, entraîne des contraintes spécifiques pour l’autorité compétente dans le cadre de l’octroi et de la gestion des AMM des médicaments. Il lui impose, en premier lieu, la prise en compte exclusive des considérations relatives à la protection de la santé, en deuxième lieu, la réévaluation du bilan bénéfices/risques présenté par un médicament lorsque des données nouvelles suscitent des doutes quant à son efficacité ou à sa sécurité et, en troisième lieu, la mise en oeuvre du régime de la preuve conformément au principe de précaution (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, point 174).

107

En l’espèce, il appartient dès lors au Tribunal d’examiner la complexité en droit et en fait de la situation, en tenant compte, en particulier, de la prééminence des objectifs de santé publique poursuivis, afin d’établir si l’erreur de droit dont s’est rendue coupable la Commission constitue une irrégularité que n’aurait pas commise une administration normalement prudente et diligente placée dans des circonstances analogues (voir point 62 ci-dessus).

108

Dans ce cadre, bien que la violation de l’article 11 de la directive 65/65 soit clairement établie et ait justifié l’annulation de la Décision, il importe de prendre en considération les difficultés particulières liées à l’interprétation et à l’application, en l’espèce, de cet article. En effet, eu égard au défaut de précision de l’article 11 de la directive 65/65, les difficultés liées à l’interprétation systématique des conditions de retrait ou de suspension d’une AMM, énoncées par cet article, à la lumière de l’ensemble du système communautaire d’autorisation préalable des médicaments (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, points 187 à 195), pouvaient raisonnablement expliquer, en l’absence de précédent similaire, l’erreur de droit qu’a commise la Commission en admettant la pertinence juridique du nouveau critère scientifique appliqué par le CSP, bien qu’il n’ait été étayé par aucune donnée scientifique ou information nouvelles.

109

En outre, en tout état de cause, il convient de prendre également en considération la complexité en l’espèce de l’examen de la motivation de l’avis final, sur lequel se fonde la Décision, qu’il incombait à la Commission d’effectuer afin d’être en mesure de vérifier l’existence d’un lien entre l’application du nouveau critère scientifique et les lignes directrices sur lesquelles le CSP s’était fondé pour motiver cette application.

110

En effet, les constatations relatives à l’absence de mise en évidence, dans les lignes directrices du CSP et les lignes directrices nationales, de l’évolution alléguée du critère scientifique susvisé (voir point 101 ci-dessus) ne pouvaient être réalisées par la Commission que sur la base d’un examen complexe des rapports scientifiques préparatoires successifs établis dans le cadre de la procédure d’examen ayant abouti à l’avis final relatif à l’amfépramone, ainsi que des lignes directrices mentionnées dans cet avis final (voir point 103 ci-dessus).

111

Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que eu égard, d’une part, à la complexité des appréciations juridiques et factuelles requises aux fins de l’application de l’article 11 de la directive 65/65, dans les circonstances de l’espèce et en l’absence de précédent similaire, et, d’autre part, au principe de la prééminence des exigences liées à la protection de la santé publique, la violation par la Commission de l’article 11 de la directive 65/65 s’expliquait par les contraintes particulières qui pesaient en l’espèce sur cette institution dans la poursuite de la finalité essentielle de protection de la santé publique visée par la directive 65/65.

112

Dans ces conditions, la violation, en l’espèce, de l’article 11 de la directive 65/65 ne peut pas être considérée comme une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

Sur les moyens tirés de la violation des principes de proportionnalité et de bonne administration

Arguments des parties

113

Selon la requérante, la Décision enfreint le principe de proportionnalité, dans la mesure où le retrait de l’AMM va au-delà de ce qui était nécessaire au regard des objectifs de protection de la santé publique.

114

La protection de la santé publique ne bénéficierait pas d’une primauté absolue, mais devrait être mise en balance avec les intérêts juridiquement protégés des titulaires d’AMM dans le cadre du contrôle de proportionnalité, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce. En effet, le rang élevé occupé par la protection de la santé et de la vie des personnes ne dispenserait pas la Commission d’évaluer concrètement les risques pour la santé publique, sur le plan tant qualitatif que quantitatif, puis de les mettre en balance avec les droits des titulaires d’AMM de médicaments, afin de prendre les mesures nécessaires et proportionnées compte tenu du degré de risque pour la santé publique. Le principe de proportionnalité imposerait de choisir, parmi les mesures ayant la même capacité à protéger la santé publique, celle entraînant l’atteinte la plus faible aux intérêts des titulaires d’AMM. Ces derniers seraient en effet protégés par le droit de propriété et le droit d’entreprendre, qui constitueraient des principes généraux du droit communautaire.

115

Le refus de la Commission de prendre en considération les intérêts des titulaires d’AMM serait en contradiction avec son interprétation de l’article 30 CE. En effet, en vertu de cette disposition, les intérêts de la santé publique et les intérêts économiques liés au fonctionnement du marché intérieur seraient mis en balance dans le cadre d’un contrôle de proportionnalité. Une interprétation cohérente du principe de proportionnalité supposerait l’application d’un critère unique, que les mesures en cause émanent d’institutions communautaires ou nationales.

116

En l’espèce, la Commission aurait dès lors dû tenir compte également du risque de préjudice irréparable pour la requérante, en cas de retrait de son AMM, en raison de l’atteinte à sa réputation et de la perte durable de parts de marché.

117

La requérante estime que le but poursuivi par la Commission, à savoir protéger les patients d’effets prétendument dangereux du Tenuate retard, aurait également été atteint si l’AMM avait été suspendue. Une telle mesure aurait d’ailleurs été proposée dans l’opinion divergente annexée à l’avis final (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, point 45).

118

En outre, la requérante rappelle que le CSP n’a pas constaté de risque supplémentaire pour la santé lié à la prise de médicaments contenant de l’amfépramone, mais a uniquement retenu le nouveau critère de l’efficacité à long terme des médicaments amincissants. Dans son avis final, il aurait constaté la nécessité de prouver, par de nouvelles études cliniques, que l’amfépramone était efficace à long terme et que le potentiel d’emploi abusif des médicaments contenant cette substance ne portait pas atteinte à son utilité thérapeutique. La Commission aurait dès lors pu se limiter à imposer à la requérante de réaliser, dans un délai raisonnable, des études cliniques sur l’efficacité à long terme du Tenuate retard et sur le risque éventuel d’emploi abusif de ce médicament. Cette obligation aurait pu être associée, au besoin, à des obligations temporaires de marquage supplémentaires.

119

Dans ces conditions, en violant de manière grave et manifeste le principe de proportionnalité, destiné à protéger les particuliers, la Commission aurait commis une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire.

120

En outre, la Commission aurait enfreint le principe de bonne administration en omettant de mettre en balance les exigences liées à la protection de la santé publique et les intérêts des entreprises concernées lors de l’appréciation de l’avis final. Il lui aurait appartenu de vérifier la logique interne de cet avis avant d’adopter la Décision. Si la Commission avait effectué un tel contrôle, elle aurait constaté que l’avis final ne contenait aucune conclusion nouvelle en ce qui concerne un nouveau risque potentiel.

121

Cette violation du principe de bonne administration constituerait également une violation suffisamment caractérisée d’une règle destinée à protéger les particuliers.

122

La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, qui se rallie à ses arguments, conteste l’ensemble de cette argumentation.

Appréciation du Tribunal

123

À l’appui des présents moyens, la requérante se fonde essentiellement sur l’idée que la protection de la santé publique ne bénéficierait pas d’une primauté absolue, mais devrait être mise en balance avec les intérêts juridiquement protégés des titulaires d’AMM, dans le cadre du contrôle de proportionnalité et conformément au principe de bonne administration, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce.

124

Cette argumentation ne saurait être accueillie. En effet, ainsi que l’a relevé le Tribunal dans l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité (points 175 et 176), il ressort du premier considérant de la directive 65/65 et, désormais, du considérant 2 du code, ainsi que du troisième considérant de la directive 93/39 — lequel énonce que, dans l’intérêt de la santé publique et du consommateur, les décisions concernant l’AMM d’un médicament doivent être exclusivement fondées sur les critères de qualité, de sécurité et d’efficacité largement harmonisés par la directive 65/65 —, que, conformément au principe général de la prééminence de la protection de la santé publique, seules les exigences liées à la protection de la santé publique doivent être prises en considération lors de l’octroi d’une AMM, du renouvellement d’une telle autorisation, et dans le cadre de la gestion des AMM en application de l’article 11 de la directive 65/65.

125

Il en résulte que, lors de l’application de l’article 11 de la directive 65/65, il incombe à l’autorité compétente de mettre en balance, au vu d’éventuelles données scientifiques ou d’informations nouvelles, les bénéfices et les risques pour la santé publique présentés par la substance considérée, à l’exclusion de toute autre considération. En particulier, même lorsque, le cas échéant, en raison d’une incertitude scientifique, l’autorité compétente dispose d’une marge d’appréciation lors de cette mise en balance, elle est cependant liée par le principe de précaution, qui est le corollaire du principe de la prééminence de la protection de la santé publique (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, points 184 à 186).

126

Si le bilan bénéfices/risques apparaît défavorable, l’article 11 de la directive 65/65 impose le retrait ou la suspension des AMM en cause (voir points 90 et 97 ci-dessus). Cependant, l’autorité compétente dispose en principe d’un pouvoir d’appréciation pour déterminer laquelle de ces mesures est la plus appropriée, eu égard aux objectifs de protection de la santé publique poursuivis (voir point 97 ci-dessus). Dans le cadre de cette appréciation, elle n’est toutefois pas habilitée à prendre en considération les intérêts des titulaires d’AMM concernés.

127

En particulier, s’agissant tout d’abord du moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité, il y a lieu de souligner que, eu égard à l’objet spécifique de la directive 65/65 — qui vise à harmoniser les conditions relatives à l’octroi et à la gestion des AMM de médicaments en consacrant, conformément au principe de la prééminence de la protection de la santé publique, des critères matériels de sécurité, d’efficacité et de qualité excluant la prise en considération de tout autre intérêt dans le cadre de l’octroi et de la gestion desdites AMM (voir point 124 ci-dessus) —, la gravité et l’étendue des risques pour la santé publique ne sauraient être mises en balance, comme le suggère la requérante, avec les intérêts des titulaires d’AMM concernés, dans le cadre d’un contrôle de proportionnalité.

128

En effet, compte tenu précisément du caractère exclusif des critères de sécurité, d’efficacité et de qualité consacrés dans le cadre du système communautaire d’harmonisation de l’octroi et de la gestion des AMM de médicaments, c’est uniquement au regard de ces critères que le caractère proportionnel d’une mesure de suspension ou de retrait d’une AMM s’apprécie. Il s’ensuit que les intérêts pertinents dans le cadre du contrôle de proportionnalité s’identifient aux intérêts liés à la protection de la santé publique, pris en considération lors de l’application de l’article 11 de la directive 65/65.

129

Dans le cadre juridique spécifique ainsi défini par la directive 65/65 — caractérisé par la consécration de critères exclusifs de qualité, de sécurité et d’efficacité qui font d’emblée obstacle à toute prise en considération d’intérêts autres que ceux liés à la protection de la santé publique —, le parallèle effectué par la requérante avec la mise en balance des intérêts liés à la protection de la santé publique, d’une part, et des intérêts liés au fonctionnement du marché intérieur, d’autre part, dans le cadre de l’article 30 CE, est, en tout état de cause, privé de pertinence.

130

Par ailleurs, il convient de rappeler que, en l’espèce, aucune des conditions alternatives énoncées par l’article 11 de la directive 65/65 n’étant remplie, la Commission n’était habilitée ni à retirer ni à suspendre l’AMM en cause. Le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité est dès lors absorbé par celui tiré de la violation de l’article 11 de cette directive. En effet, non seulement le retrait mais également une éventuelle suspension de l’AMM en cause présentaient nécessairement un caractère disproportionné, puisque, en l’absence de bilan bénéfices/risques défavorable (voir point 125 ci-dessus), aucune de ces mesures n’était appropriée et nécessaire en vue d’atteindre les objectifs de protection de la santé publique poursuivis par l’article 11 de la directive 65/65 (voir point 128 ci-dessus).

131

Dans ce contexte, il y a lieu d’établir si le retrait de l’AMM en cause constitue une violation suffisamment caractérisée du principe de proportionnalité, ainsi que le soutient la requérante.

132

À cet égard, il suffit de constater que, pour les mêmes motifs que ceux ayant conduit le Tribunal à constater l’absence de violation suffisamment caractérisée de l’article 11 de la directive 65/65 (voir points 111 et 112 ci-dessus), il n’y a pas lieu de considérer que la Commission, en imposant le retrait de l’AMM en cause plutôt qu’une mesure moins contraignante, a excédé de manière manifeste et grave les limites de son pouvoir d’appréciation, eu égard aux objectifs de protection de la santé publique poursuivis.

133

Il convient d’ajouter que la suspension de l’AMM en cause, afin de donner à la requérante la possibilité de mener des études complémentaires, ainsi qu’il avait été proposé dans l’opinion divergente annexée à l’avis final, aurait impliqué la nécessité pour la requérante de réaliser un programme de recherches s’étendant sur plusieurs années, et dont l’issue aurait été incertaine. Dans l’intervalle, le Tenuate retard aurait également été retiré du marché.

134

Pour l’ensemble de ces raisons, le moyen tiré de la violation suffisamment caractérisée du principe de proportionnalité doit être rejeté comme non fondé.

135

S’agissant ensuite du moyen tiré de la violation du principe de bonne administration, il convient de relever que ce principe n’imposait pas en l’espèce la prise en considération des intérêts de la requérante et leur mise en balance avec les exigences liées à la protection de la santé publique, dès lors que les intérêts des titulaires d’AMM ne constituent pas des éléments pertinents que l’autorité compétente est habilitée à prendre en considération lors de l’octroi ou de la gestion d’une AMM (voir points 124 à 126 ci-dessus).

136

En outre, il y a lieu de rappeler que la méconnaissance, en l’espèce, des conditions de suspension ou de retrait des AMM, énoncées par l’article 11 de la directive 65/65, ne constitue pas une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire (voir point 112 ci-dessus). Il s’ensuit que, pour les mêmes motifs relatifs à la complexité des divers rapports et documents scientifiques à examiner (voir points 109 à 111 ci-dessus), la violation alléguée du principe de bonne administration — en ce que la Commission n’aurait pas examiné avec la diligence requise la motivation de l’avis final sur lequel se fonde la Décision —, à supposer qu’elle soit établie, ne serait, en tout état de cause, pas de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

137

Il en résulte que le moyen tiré d’une violation suffisamment caractérisée du principe de bonne administration doit être rejeté comme non fondé.

Sur la combinaison des irrégularités alléguées

— Arguments des parties

138

À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que la combinaison de l’ensemble des irrégularités entachant la Décision doit être considérée comme une violation manifeste et grave du droit communautaire engageant la responsabilité de la Communauté, même dans l’hypothèse où il serait considéré qu’aucune de ces irrégularités, envisagée isolément, n’est de nature à engager la responsabilité de la Communauté. Elle rappelle que la Commission a non seulement agi en dehors de son domaine de compétence, mais a également agi de manière disproportionnée en négligeant clairement et délibérément les conséquences pour sa « survie » . De surcroît, la Commission aurait manqué à ses obligations concernant la détermination et l’appréciation des éléments de fait pertinents aux fins de l’application de l’article 11 de la directive 65/65.

139

La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, qui se rallie à ses arguments, conteste cette argumentation.

— Appréciation du Tribunal

140

Il convient de rappeler que, prises individuellement, les violations du droit communautaire invoquées par la requérante ne sont pas susceptibles d’engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté, dans la mesure où elles ne constituent pas des violations suffisamment caractérisées de règles destinées à conférer des droits aux particuliers (voir points 78, 112, 134 et 137 ci-dessus).

141

Contrairement aux allégations de la requérante, cette analyse n’est pas remise en cause par l’effet cumulatif de ces irrégularités (voir, en ce sens, arrêt MyTravel Group/Commission, précité, point 94).

142

En effet, force est de constater que le cumul des irrégularités alléguées n’est pas constitutif d’une violation suffisamment caractérisée de règles de droit communautaire ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. À cet égard, il convient de rappeler que les règles de compétence violées par la Décision n’ont pas pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir point 78 ci-dessus) et que la violation du principe de bonne administration n’a pas été établie (voir point 135 ci-dessus). Par ailleurs, il y a lieu de relever que les moyens tirés de la violation de l’article 11 de la directive 65/65 et du principe de proportionnalité se recoupent dans une large mesure (voir point 130 ci-dessus) et que le Tribunal a jugé pour les mêmes motifs, exposés au point 111 ci-dessus, que ni la violation de l’article 11 de cette directive ni celle du principe de proportionnalité n’étaient suffisamment caractérisées pour engager la responsabilité de la Communauté. Ces motifs doivent être pris en compte tant au niveau de l’examen individuel des violations du droit communautaire constatées qu’au niveau de leur examen global. Dans ces conditions, la violation cumulée de l’article 11 de la directive 65/65 et du principe de proportionnalité ne saurait être considérée comme susceptible d’entraîner l’engagement de la responsabilité de la Communauté.

143

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté liée au caractère illicite du comportement reproché à la Commission n’est pas remplie en l’espèce.

144

Le recours doit dès lors être rejeté, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

Sur les dépens

145

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En conséquence, la requérante supportera ses propres dépens et ceux exposés par la Commission.

146

Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, la République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête:

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Artegodan GmbH supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

 

3)

La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

 

Meij

Vadapalas

Tchipev

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mars 2010 .

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.

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