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Document 62008CJ0334

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 8 juillet 2010.
Commission européenne contre République italienne.
Manquement d’État - Ressources propres de l’Union - Refus de mettre à la disposition de l’Union des ressources propres correspondant à certaines autorisations douanières illégales - Force majeure - Comportement frauduleux des autorités douanières - Responsabilité des États membres - Régularité de l’inscription des droits constatés dans la comptabilité séparée.
Affaire C-334/08.

European Court Reports 2010 I-06869

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2010:414

Affaire C-334/08

Commission européenne

contre

République italienne

«Manquement d’État — Ressources propres de l’Union — Refus de mettre à la disposition de l’Union des ressources propres correspondant à certaines autorisations douanières illégales — Force majeure — Comportement frauduleux des autorités douanières — Responsabilité des États membres — Régularité de l’inscription des droits constatés dans la comptabilité séparée»

Sommaire de l'arrêt

1.        Ressources propres des Communautés européennes — Constatation et mise à disposition par les États membres

(Règlement du Conseil nº 1150/2000, art. 17, § 1 et 2; décision du Conseil 2000/597, art. 2, § 1, a) et b), et 8, § 1)

2.        Ressources propres des Communautés européennes — Constatation et mise à disposition par les États membres

(Règlement du Conseil nº 1150/2000, art. 17, § 2)

3.        Ressources propres des Communautés européennes — Constatation et mise à disposition par les États membres

(Règlement du Conseil nº 1150/2000, art. 17, § 2; décision du Conseil 2000/597, art. 2 et 8)

4.        Ressources propres des Communautés européennes — Constatation et mise à disposition par les États membres

(Règlement du Conseil nº 1150/2000, art. 6, § 3, a) et b), et 17, § 2)

1.        Les ressources propres de l'Union, visées à l'article 2, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2000/597, relative au système des ressources propres des Communautés européennes, sont, selon l'article 8, paragraphe 1, de ladite décision, perçues par les États membres et ceux-ci ont l'obligation de mettre ces ressources à la disposition de la Commission. En vertu de l'article 17, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 1150/2000, portant application de la décision 94/728 relative au système des ressources propres des Communautés, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 du même règlement soient mis à la disposition de la Commission. Les États membres n'en sont dispensés que si le recouvrement n'a pu être effectué pour des raisons de force majeure ou lorsqu'il s'avère qu'il est définitivement impossible de procéder au recouvrement pour des raisons qui ne peuvent leur être imputées.

À cet égard, le comportement de tout organe d'un État est, en principe, attribuable à ce dernier. Un organe comprend toute personne ou entité qui a ce statut d’après le droit interne de l’État en cause. La circonstance que, par son comportement, une telle personne ou entité, habilitée à l’exercice de prérogatives de puissance publique et agissant en cette qualité, enfreigne la loi, détourne ses compétences ou contrevienne aux instructions de ses supérieurs hiérarchiques n’est pas de nature à infirmer cette conclusion.

(cf. points 34-35, 39)

2.        La notion de force majeure visée par l'article 17, paragraphe 2, du règlement nº 1150/2000, portant application de la décision 94/728 relative au système des ressources propres des Communautés, doit être entendue au sens de circonstances étrangères à celui qui l'invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n'auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées. L'un des éléments constitutifs de la notion de force majeure est la réalisation d'un événement étranger à la personne qui veut s'en prévaloir, c'est-à-dire la survenance d'un fait qui se produit à l'extérieur de la sphère d'intervention de cette personne.

Le comportement des fonctionnaires douaniers, qui, dans l'exercice de leurs fonctions, délivrent des autorisations illégales, ne peut pas être considéré comme étant étranger à l'administration à laquelle ils appartiennent. Eu outre, il n'a pas été établi que les conséquences dudit comportement, imputable à l'État membre, n'auraient pas pu être évitées malgré la diligence dont a pu faire preuve cet État membre. Par conséquent, cet État membre n'est pas fondé à invoquer la force majeure afin d'être dispensé de l'obligation de mise à la disposition de la Commission des ressources propres de l'Union.

(cf. points 42, 46-47, 49)

3.        Si une erreur commise par les autorités douanières d'un État membre a pour effet que les ressources propres de l'Union n'ont pas été recouvrées, une telle erreur ne saurait remettre en cause l'obligation de l'État membre concerné de payer les droits qui ont été constatés ainsi que les intérêts de retard.

Dans ces conditions, un État membre qui s'abstient de constater le droit de l'Union sur les ressources propres et de mettre le montant correspondant à la disposition de la Commission, sans que l'une des conditions prévues à l'article 17, paragraphe 2, du règlement nº 1150/2000, portant application de la décision 94/728 relative au système des ressources propres des Communautés, soit remplie, manque à ses obligations en vertu du droit de l’Union et, notamment, des articles 2 et 8 de la décision 2000/597, relative au système des ressources propres des Communautés.

(cf. points 50-51)

4.        La possibilité, pour les États membres, de se voir exemptés de leur obligation de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés exige non seulement le respect des conditions énoncées à l'article 17, paragraphe 2, du règlement nº 1150/2000, portant application de la décision 94/728 relative au système des ressources propres des Communautés, modifié, mais aussi que lesdits droits aient été régulièrement inscrits dans la comptabilité B.

En effet, l'article 6, paragraphe 1, dudit règlement prévoit que les États membres doivent tenir une comptabilité des ressources propres auprès du Trésor public ou de l'organisme désigné par eux. En application du paragraphe 3, sous a) et b), du même article, les États membres sont obligés de reprendre dans la comptabilité A les droits constatés conformément à l'article 2 de ce règlement au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté, sans préjudice de la faculté d’inscrire dans la comptabilité B, dans le même délai, les droits constatés qui n'ont «pas encore été recouvrés» et pour lesquels «aucune caution n'a été fournie», ainsi que les droits constatés et «couverts par des garanties, qui font l'objet de contestations et sont susceptibles de subir des variations à la suite des différends survenus».

L'inscription des ressources propres dans la comptabilité B traduit ainsi une situation exceptionnelle caractérisée par le fait de permettre aux États membres soit de ne pas mettre ces droits à la disposition de la Commission dès leur constatation parce qu'ils n'ont pas encore été recouvrés, au titre de l'article 6, paragraphe 3, sous b), du règlement nº 1150/2000, soit d'être dispensés de le faire si lesdits droits s'avèrent irrécouvrables pour des raisons de force majeure ou pour d'autres raisons qui ne leur sont pas imputables, sur le fondement de l'article 17, paragraphe 2, de ce règlement.

Dans ces conditions, afin de pouvoir bénéficier d'une telle situation exceptionnelle, il est nécessaire que l'inscription des droits constatés dans la comptabilité B ait été effectuée par les États membres dans le respect du droit de l'Union.

(cf. points 65-66, 68-69)







ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

8 juillet 2010 (*)

«Manquement d’État – Ressources propres de l’Union – Refus de mettre à la disposition de l’Union des ressources propres correspondant à certaines autorisations douanières illégales – Force majeure – Comportement frauduleux des autorités douanières – Responsabilité des États membres – Régularité de l’inscription des droits constatés dans la comptabilité séparée»

Dans l’affaire C‑334/08,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 18 juillet 2008,

Commission européenne, représentée par MM. A. Aresu et A. Caeiros, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par Mme I. Bruni, en qualité d’agent, assistée de M. G. Albenzio, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenu par:

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. M. Lumma et B. Klein, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), président de chambre, MM. A. Rosas, U. Lõhmus, A. Ó Caoimh et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. N. Nanchev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 décembre 2009,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 avril 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en refusant de mettre à la disposition de la Commission les ressources propres correspondant à la dette douanière née à la suite de la délivrance irrégulière par la Direzione Compartimentale delle Dogane per le Regioni Puglia e Basilicata (direction régionale des douanes des Pouilles et de la Basilicate) sise à Bari, à partir du 27 février 1997, d’autorisations de création et de gestion d’entrepôts douaniers de type C à Tarente, puis d’autorisations consécutives de transformation sous douane et de perfectionnement actif, jusqu’à leur révocation le 4 décembre 2002, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 10 CE, de l’article 8 de la décision 2000/597/CE, Euratom du Conseil, du 29 septembre 2000, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 253, p. 42), et des articles 2, 6, 10, 11 et 17 du règlement (CE, Euratom) n° 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 94/728/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO L 130, p. 1).

 Le cadre juridique

2        En matière de ressources propres de l’Union, la décision 94/728/CE, Euratom du Conseil, du 31 octobre 1994, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 293, p. 9) a été abrogée et remplacée, avec effet au 1er janvier 2002, par la décision 2000/597.

3        Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2000/597:

«1.      Constituent des ressources propres inscrites au budget de l’Union européenne, les recettes provenant:

b)      des droits du tarif douanier commun et des autres droits établis ou à établir par les institutions des Communautés sur les échanges avec les pays non membres […]

[…]»

4        L’article 8, paragraphe 1, de la décision 2000/597 dispose:

«Les ressources propres des Communautés visées à l’article 2, paragraphe 1, points a) et b), sont perçues par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, qui sont, le cas échéant, adaptées aux exigences de la réglementation communautaire.

La Commission procède, à intervalles réguliers, à un examen des dispositions nationales qui lui sont communiquées par les États membres, notifie aux États membres les adaptations qu’elle juge nécessaires pour assurer leur conformité avec la réglementation communautaire et fait rapport à l’autorité budgétaire.

Les États membres mettent les ressources visées à l’article 2, paragraphe 1, points a) à d), à la disposition de la Commission.»

5        L’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 1150/2000, figurant sous le titre Ier de celui-ci, intitulé «Dispositions générales», énonce:

«Aux fins de l’application du présent règlement, un droit des Communautés sur les ressources propres visées à l’article 2, paragraphe 1, points a) et b), de la décision 94/728/CE, Euratom est constaté dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable.»

6        L’article 6, paragraphes 1 à 3, sous a) et b), du règlement nº 1150/2000, figurant sous le titre II de celui-ci, intitulé «Comptabilisation des ressources propres», prévoit:

«1.      Une comptabilité des ressources propres est tenue auprès du trésor de chaque État membre ou de l’organisme désigné par chaque État membre et ventilée par nature de ressources.

2.      Pour les besoins de la comptabilité des ressources propres, l’arrêté comptable est effectué au plus tôt à treize heures le dernier jour ouvrable du mois de la constatation.

3.      a)     Les droits constatés conformément à l’article 2 sont, sous réserve du point b) du présent paragraphe, repris dans la comptabilité [couramment désignée comme la ‘comptabilité A’] au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté.

         b)     Les droits constatés et non repris dans la comptabilité visée au point a) parce qu’ils n’ont pas encore été recouvrés et qu’aucune caution n’a été fournie sont inscrits, dans le délai prévu au point a) dans une comptabilité séparée [couramment désignée comme la ‘comptabilité B’]. Les États membres peuvent procéder de la même manière lorsque les droits constatés et couverts par des garanties font l’objet de contestations et sont susceptibles de subir des variations à la suite des différends survenus.»

7        L’article 9, paragraphe 1, du règlement nº 1150/2000, figurant sous le titre III de celui-ci, intitulé «Mise à disposition des ressources propres», dispose:

«Selon les modalités définies à l’article 10, chaque État membre inscrit les ressources propres au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de la Commission auprès de son trésor ou de l’organisme qu’il a désigné. […]»

8        Aux termes de l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 1150/2000, relevant du même titre III:

«Après déduction de 10 % au titre des frais de perception en application de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 94/728/CE, Euratom, l’inscription des ressources propres visées à l’article 2, paragraphe 1, points a) et b), de cette décision, intervient au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté conformément à l’article 2 du présent règlement.

Toutefois, pour les droits repris dans la comptabilité [B] conformément à l’article 6, paragraphe 3, point b), l’inscription doit intervenir au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui du recouvrement des droits.»

9        L’article 11 du règlement nº 1150/2000 énonce:

«Tout retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9, paragraphe 1, donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’un intérêt dont le taux est égal au taux d’intérêt appliqué au jour de l’échéance sur le marché monétaire de l’État membre concerné pour les financements à court terme, majoré de deux points. Ce taux est augmenté de 0,25 point par mois de retard. Le taux ainsi augmenté est applicable à toute la période du retard.»

10      L’article 17, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 1150/2000, figurant sous le titre VII de celui-ci, intitulé «Dispositions relatives au contrôle», prévoit:

«1.      Les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 soient mis à la disposition de la Commission dans les conditions prévues par le présent règlement.

2.      Les États membres ne sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés que si le recouvrement n’a pu être effectué pour des raisons de force majeure. En outre, dans des cas d’espèce, les États membres peuvent ne pas mettre ces montants à la disposition de la Commission lorsqu’il s’avère, après examen approfondi de toutes les données pertinentes du cas en question, qu’il est définitivement impossible de procéder au recouvrement pour des raisons qui ne sauraient leur être imputables. Ces cas doivent être mentionnés dans le rapport prévu au paragraphe 3, dans la mesure où les montants dépassent 10 000 euros, convertis en monnaie nationale au taux du premier jour ouvrable du mois d’octobre de l’année civile passée. Ce rapport doit comporter une indication des raisons qui ont empêché l’État membre de mettre à disposition les montants en cause. La Commission dispose d’un délai de six mois pour communiquer, le cas échéant, ses observations à l’État membre concerné.»

11      Le règlement nº 1150/2000 a été modifié par le règlement (CE, Euratom) nº 2028/2004 du Conseil, du 16 novembre 2004 (JO L 352, p. 1, ci-après «le règlement n° 1150/2000 modifié»), lequel est entré en vigueur le 28 novembre 2004.

12      L’article 17, paragraphe 2, du règlement nº 1150/2000 modifié énonce:

«Les États membres sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés qui s’avèrent irrécouvrables:

a)      soit pour des raisons de force majeure;

b)      soit pour d’autres raisons qui ne leur sont pas imputables.

Les montants de droits constatés sont déclarés irrécouvrables par décision de l’autorité administrative compétente constatant l’impossibilité du recouvrement.

Les montants de droits constatés sont réputés irrécouvrables au plus tard après une période de cinq ans à compter de la date à laquelle le montant a été constaté conformément à l’article 2 ou, en cas de recours administratif ou judiciaire, à compter de la date de la notification ou de la publication de la décision définitive.

En cas de paiement échelonné, la période de cinq ans au maximum court à compter du dernier paiement effectif dans la mesure où celui-ci ne solde pas la dette.

Les montants déclarés ou réputés irrécouvrables sont définitivement retirés de la comptabilité [B] visée à l’article 6, paragraphe 3, point b). Ils sont mentionnés en annexe au relevé trimestriel visé au paragraphe 4, point b), du même article ainsi que, le cas échéant, dans le relevé trimestriel visé au paragraphe 5 de cet article.»

 La procédure précontentieuse

13      À la suite d’une plainte relative à des irrégularités douanières qui auraient été commises dans la circonscription douanière de Tarente (Italie), la Commission a, par lettre du 27 octobre 2003, demandé aux autorités italiennes de lui fournir des éclaircissements à ce sujet.

14      Dans sa réponse, ces autorités ont transmis à la Commission un rapport d’audit interne du 18 février 2003, dont il ressortait que:

–        les 27 février et 7 avril 1997, les autorités douanières italiennes compétentes avaient délivré, notamment à Fonderie SpA (ci-après «Fonderie»), une série d’autorisations concernant la création de deux entrepôts douaniers privés de type C et la transformation des lingots d’aluminium qui s’y trouvaient, lesquels relèvent de la position tarifaire douanière 7601 à laquelle correspond un droit de douane de 6 %, en débris d’aluminium, qui relèvent de la position tarifaire 7602 à laquelle correspond une franchise de droits, en utilisant la procédure de transformation sous douane;

–        les autorisations en cause avaient été émises en violation de la législation douanière communautaire et avaient eu pour conséquence l’absence de constatation et de recouvrement des ressources propres communautaires, pendant la période s’étendant des années 1997 à 2002, la dette douanière étant estimée à environ 46,6 milliards de lires italiennes;

–        après le dépôt d’une réclamation par une société du même secteur, les autorités douanières compétentes avaient révoqué les autorisations en question le 4 décembre 2002 et constaté les droits des Communautés sur les ressources propres concernées;

–        outre les sociétés concernées, certains fonctionnaires de la douane italienne avaient également été rendus responsables du montant de la dette douanière et de l’octroi des autorisations illicites, une procédure pénale ayant été engagée à leur encontre du chef de «contrebande aggravée» et de «falsification d’actes publics».

15      Par lettre du 30 septembre 2005, les autorités italiennes ont soumis des informations complémentaires à la Commission dont il résultait que le montant total des recettes communautaires détournées s’élèverait à 22 730 818,35 euros et que celui-ci avait été inscrit, au cours des mois de mars, juin et juillet de l’année 2003, dans la comptabilité B, en application de l’article 6, paragraphe 3, sous b), du règlement nº 1150/2000.

16      Après un échange de courrier entre les autorités italiennes et la Commission, celle-ci a, le 23 mars 2007, adressé à la République italienne une lettre de mise en demeure invitant cet État membre à mettre à sa disposition, dans les meilleurs délais, le montant de 22 730 818,35 euros correspondant aux ressources propres qu’il a lui-même constatées, et à faire figurer ce montant dans l’annexe du relevé mensuel de la comptabilité A, visée à l’article 6, paragraphe 3, sous a), du règlement nº 1150/2000.

17      Les autorités italiennes ont répondu par lettre du 7 mai 2007, par laquelle elles exprimaient leur désaccord sur la position adoptée par la Commission. En particulier, les autorités italiennes soutenaient que, dans le cas d’espèce, il s’agissait non pas d’une «erreur» ou d’une «négligence» des autorités, mais d’effets dommageables d’agissements intentionnels d’autrui, à caractère frauduleux, qui ne pouvaient pas être imputés à l’État.

18      Le 23 octobre 2007, la Commission a adressé à la République italienne un avis motivé en lui demandant de prendre les mesures nécessaires, dans un délai de deux mois suivant la réception dudit avis, afin de verser à la Commission le montant de 22 730 818,35 euros au titre des recettes propres des Communautés. Le 24 décembre 2007, les autorités italiennes ont répondu à l’avis motivé, en réitérant les objections concernant les griefs de la Commission.

19      C’est dans ces conditions que la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

20      Par ordonnance du président de la Cour du 3 décembre 2008, la République fédérale d’Allemagne a été admise à intervenir à l’appui des conclusions de la République italienne.

 Sur le recours

 Sur le grief tiré de la violation l’article 8 de la décision 2000/597 et des articles 2, 6, 10, 11 et 17 du règlement n° 1150/2000

 Argumentation des parties

21      La Commission, tout en constatant que les autorités douanières italiennes estiment que tant la délivrance irrégulière des autorisations que le fonctionnement des régimes douaniers concernés constituent une conséquence de la fraude organisée par des fonctionnaires nationaux, soutient que l’État italien ne saurait décliner toute responsabilité à l’égard des conséquences d’actes administratifs pris en son nom. Ainsi, sans attendre le résultat de la procédure pénale ni l’issue de la procédure de recouvrement auprès des débiteurs, l’État italien serait tenu de prendre à sa charge les conséquences financières des agissements de ses propres organes administratifs. Il serait par conséquent secondaire de savoir si l’irrégularité était imputable à l’administration italienne en raison soit d’une erreur ou d’une fraude commise par des membres de son personnel, soit d’un défaut de surveillance adéquate, soit encore d’une pratique irrégulière systématique.

22      La Commission fait valoir que, dans le contexte du système des ressources propres communautaires et compte tenu du principe de coopération loyale, il est inadmissible que l’État membre soit déchargé de sa responsabilité pour le montant de la dette douanière née directement du fait des actions commises par sa propre administration. Il en ressortirait que, dans le cas d’espèce, il ne peut incomber à la Communauté de supporter le risque financier lié aux actions de recouvrement a posteriori auprès des débiteurs.

23      La République italienne observe que les faits qui sont à l’origine de cette affaire sont incontestablement liés à des délits incriminables sur le plan pénal. Étant donné que, dans le cadre de la responsabilité pénale, celle-ci a une dimension subjective, les faits en cause ne pourraient en aucun cas être imputés à l’administration dont les fonctionnaires corrompus dépendaient.

24      La République italienne rappelle que, en vertu de l’article 17, paragraphe 2, du règlement nº 1150/2000, les États membres ne sont pas tenus de mettre à la disposition de la Commission les montants dont le recouvrement n’a pas pu être effectué pour des raisons de force majeure. Selon cet État membre, les éléments caractérisant la force majeure se trouvent réunis lorsque le sujet mis en cause a fait ce qui était normalement en son pouvoir et que, pour des raisons indépendantes de sa volonté, liées à des comportements intentionnels et frauduleux extérieurs, il n’a pas pu empêcher la commission d’un événement répréhensible. Les agissements illicites des fonctionnaires constitueraient un événement extérieur à l’action de l’administration et au devoir de surveillance et de contrôle auquel elle était astreinte. Il ne serait, par conséquent, pas possible d’imputer à l’État italien une responsabilité objective pour le paiement des ressources communautaires, compte tenu de l’introduction de recours devant les juridictions tant pénales que civiles contre les responsables de ces agissements et la diligence manifestée pendant les phases de contrôle et de répression desdits agissements.

25      La Commission précise, dans sa réplique, que si la force majeure constitue, en effet, une circonstance exonératoire de toute responsabilité, c’est parce qu’elle découle d’un événement extérieur à l’organisme dans le cadre duquel le fait dommageable s’est produit et dont cet organisme ne peut que subir l’effet pervers. En l’espèce, au contraire, l’acte intentionnel des fonctionnaires se serait produit à l’intérieur même de l’administration à laquelle est imputée l’activité des agents en cause. Dès lors, il s’agirait non pas d’un cas de force majeure, mais d’un agissement illégal d’une administration nationale directement imputable à la République italienne.

26      Cet État membre rétorque que, dès lors qu’un fonctionnaire agit pour ses intérêts propres et illicites, se désintéressant complètement de la fonction institutionnelle qu’il détient, il se place à l’extérieur de l’appareil administratif auquel il appartient. S’il n’en allait pas ainsi, tout comportement, fût-il frauduleux, dont se rendrait coupable un fonctionnaire national, devrait entraîner la responsabilité de l’administration, en l’espèce de l’État membre auquel, abstraitement, l’auteur de ce comportement se rattache.

27      Dans son mémoire en intervention, la République fédérale d’Allemagne soutient que la Commission ne pouvait pas, au terme du délai fixé dans l’avis motivé, réclamer la mise à disposition des ressources propres parce que, à cette date, le manquement imputé à l’État membre en cause n’existait pas.

28      La République fédérale d’Allemagne fait, tout d’abord, valoir que c’était à bon droit que les autorités italiennes avaient inscrit les ressources propres en cause dans la comptabilité B et non dans la comptabilité A, étant donné qu’il s’agissait de droits constatés qui n’avaient pas encore été recouvrés et qu’aucune caution n’avait été fournie. Par ailleurs, il découlerait de la jurisprudence de la Cour qu’il n’existait pas d’obligation de transférer les montants constatés de la comptabilité B à la comptabilité A.

29      La République fédérale d’Allemagne rappelle, en outre, qu’il résulte des dispositions combinées des articles 6, paragraphe 3, sous b), et 10, paragraphe 1, second alinéa, du règlement nº 1150/2000 modifié, en tant que principe, que l’obligation de mise à disposition des droits repris dans la comptabilité B présuppose le recouvrement préalable des montants par chaque État membre.

30      Il ne pourrait être dérogé à ce principe qu’à titre exceptionnel, sur la base de l’article 17, paragraphes 2 à 4, du règlement n° 1150/2000 modifié. La République fédérale d’Allemagne ajoute que ces dispositions du règlement nº 1150/2000 modifié prévoient les conditions de l’exonération des États membres de leur obligation de mettre à la disposition de la Communauté les ressources propres inscrites à la comptabilité B, parmi lesquelles figure la condition portant sur l’exigence que les montants s’avèrent irrécouvrables. Selon le gouvernement allemand, si cette condition n’est pas satisfaite, c’est-à-dire si les montants que les autorités nationales ont déclaré irrécouvrables étaient, en réalité, susceptibles d’être recouvrés, les États membres seraient alors soumis, exceptionnellement, à l’obligation de mettre à la disposition de la Commission les ressources propres, et ce avant même leur recouvrement.

31      Or, en l’espèce, les autorités nationales n’auraient pas déclaré les montants en cause irrécouvrables, pas plus qu’elles ne les auraient mis au rang de montants réputés irrécouvrables. Dans ces conditions, il faudrait attendre l’échéance du délai de cinq ans, prévu à l’article 17, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement n° 1150/2000 modifié, qui court à compter de l’inscription des ressources dans la comptabilité B, pour que la Commission puisse imposer à la République italienne le paiement desdites ressources. Un tel délai n’ayant pas expiré avant le mois de juillet de l’année 2008, il y aurait lieu d’en déduire que cet État membre n’avait pas manqué à ses obligations au terme du délai fixé dans l’avis motivé, à savoir à la fin du mois de décembre de l’année 2007.

32      Dans sa réponse, la Commission objecte que, en vertu de l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 93, paragraphe 4, du règlement de procédure de celle-ci, une partie intervenante est empêchée de développer, dans son mémoire en intervention, des moyens qui altèrent ou déforment le cadre du litige tel que défini dans la requête introductive d’instance. L’argumentation du gouvernement allemand à l’égard du règlement n° 1150/2000 modifié devrait donc être déclarée irrecevable au motif qu’elle se trouve totalement en dehors du cadre juridique défini par les parties et qu’elle n’est pas pertinente au regard des observations formulées par les autorités italiennes.

33      Ladite argumentation serait, en tout état de cause, dénuée de fondement, étant donné que, d’une part, la procédure spéciale visée à l’article 17, paragraphes 2 à 4, du règlement nº 1150/2000 modifié serait inopérante dans son ensemble et, d’autre part, le délai de cinq ans qui y est prévu ne serait pas applicable. Selon la Commission, cette procédure ne peut s’appliquer qu’aux ressources qui figurent légitimement dans la comptabilité B, et qui ne peuvent donc être mises à la disposition des Communautés en raison de leur caractère irrécouvrable. Dans le cas d’espèce, en revanche, les sommes en question auraient été inscrites dans la comptabilité B en raison d’une erreur commise par les autorités italiennes, qui auraient dû les inscrire dans la comptabilité A au moment de l’importation – et du dédouanement consécutif – des marchandises sur lesquelles portaient les autorisations délivrées illégalement par ces mêmes autorités.

 Appréciation de la Cour

34      Ainsi qu’il résulte de l’article 8, paragraphe 1, de la décision 2000/597, les ressources propres de l’Union visées à l’article 2, paragraphe 1, sous a) et b), de ladite décision sont perçues par les États membres et ceux-ci ont l’obligation de mettre ces ressources à la disposition de la Commission.

35      En vertu de l’article 17, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1150/2000, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 du même règlement soient mis à la disposition de la Commission. Les États membres n’en sont dispensés que si le recouvrement n’a pu être effectué pour des raisons de force majeure ou lorsqu’il s’avère qu’il est définitivement impossible de procéder au recouvrement pour des raisons qui ne peuvent leur être imputées (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2005, Commission/Danemark, C‑392/02, Rec. p. I‑9811, point 66).

36      En l’espèce, ni l’existence d’une dette douanière ni le montant des ressources propres ne sont contestés, ce montant ayant, du reste, été constaté par les autorités italiennes.

37      La République italienne allègue que le non-recouvrement des ressources propres est dû non pas à des erreurs administratives imputables aux autorités nationales, mais à des comportements frauduleux de fonctionnaires douaniers qui ont agi de concert avec les responsables de la société impliquée. Un tel comportement ne pourrait que rompre le lien de causalité existant entre l’administration et l’acte dommageable, permettant, de ce fait, la reconnaissance d’une situation de force majeure, au sens de l’article 17, paragraphe 2, du règlement n° 1150/2000.

38      Un tel argument ne saurait être accueilli.

39      Tout d’abord, il convient de relever que le comportement de tout organe de l’État est, en principe, attribuable à ce dernier. Un organe comprend toute personne ou entité qui a ce statut d’après le droit interne de l’État en cause. La circonstance que, par son comportement, une telle personne ou entité, habilitée à l’exercice de prérogatives de puissance publique et agissant en cette qualité, enfreigne la loi, détourne ses compétences ou contrevienne aux instructions de ses supérieurs hiérarchiques n’est pas de nature à infirmer cette conclusion.

40      En l’occurrence, il ressort du rapport d’audit interne du 18 février 2003, transmis par l’administration italienne des douanes à la Commission, que, par décisions, respectivement, des 27 février et 7 avril 1997, les autorités douanières compétentes ont délivré à Fonderie des autorisations illégales concernant la création de deux entrepôts douaniers privés de type C et la transformation des lingots d’aluminium qui s’y trouvaient en débris d’aluminium, soumettant en conséquence les produits en cause à un régime de franchise de droits de douane alors que ceux-ci étaient normalement passibles de tels droits.

41      Il résulte également dudit rapport que les illégalités susmentionnées ont eu pour conséquence la non-constatation des droits sur les ressources propres de l’Union et le non-recouvrement de celles-ci entre l’année 1997 et l’année 2002.

42      Il est constant que, au moment où les autorisations illégales ont été délivrées par les fonctionnaires douaniers, ceux-ci se trouvaient dans l’exercice de leurs fonctions.

43      Ces actes, accomplis par des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions, doivent ainsi être considérés comme ayant été effectués au sein même de l’administration.

44      Dans ces conditions, il apparaît que l’agissement illégal de l’administration nationale doit être attribué à la République italienne.

45      Ensuite, se pose la question de savoir si cet État peut être fondé à invoquer des raisons de force majeure, au sens de l’article 17, paragraphe 2, du règlement n° 1150/2000, afin d’être dispensé de l’obligation de mise à disposition des montants correspondant aux droits constatés.

46      Selon une jurisprudence constante, la notion de force majeure doit être entendue au sens de circonstances étrangères à celui qui l’invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées (voir, notamment, arrêts du 5 février 1987, Denkavit België, 145/85, Rec. p. 565, point 11, ainsi que du 5 octobre 2006, Commission/Allemagne, C‑105/02, Rec. p. I‑9659, point 89, et Commission/Belgique, C‑377/03, Rec. p. I‑9733, point 95).

47      L’un des éléments constitutifs de la notion de force majeure est la réalisation d’un événement étranger à la personne qui veut s’en prévaloir, c’est-à-dire la survenance d’un fait qui se produit à l’extérieur de la sphère d’intervention de cette personne.

48      Par ailleurs, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 31 de ses conclusions, la République italienne ne saurait être fondée, pour tenter de s’exonérer de toute responsabilité, à opposer l’existence de la force majeure en faisant valoir que les irrégularités commises auraient été décelées non pas dans le cadre des contrôles habituels, mais uniquement à la suite d’une plainte d’une entreprise concurrente. Comme la cause de la non-perception des droits de douane relève, en l’espèce, du champ de la responsabilité de la République italienne, les mesures concrètes qui auraient été ou non susceptibles de prévenir les agissements en cause ne présentent plus aucune pertinence.

49      Les considérations énoncées aux points précédents indiquent que le comportement des fonctionnaires douaniers en cause en l’espèce ne peut pas être considéré comme étant étranger à l’administration à laquelle ils appartiennent. En outre, il n’a pas été établi que les conséquences dudit comportement, imputable à la République italienne, n’auraient pas pu être évitées malgré la diligence dont a pu faire preuve cet État membre. Par conséquent, cet État membre n’est pas fondé à invoquer la force majeure afin d’être dispensé de l’obligation de mise à la disposition de la Commission des ressources propres de l’Union.

50      Enfin, pour ce qui est de l’obligation de la République italienne de mettre le montant correspondant aux droits constatés à la disposition de la Commission, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, si une erreur commise par les autorités douanières d’un État membre a pour effet que les ressources propres de l’Union n’ont pas été recouvrées, une telle erreur ne saurait remettre en cause l’obligation de l’État membre concerné de payer les droits qui ont été constatés ainsi que les intérêts de retard (voir, en ce sens, arrêts Commission/Danemark, précité, point 63, et du 19 mars 2009, Commission/Italie, C‑275/07, Rec. p. I‑2005, point 100).

51      Dans ces conditions, un État membre qui s’abstient de constater le droit de l’Union sur les ressources propres et de mettre le montant correspondant à la disposition de la Commission, sans que l’une des conditions prévues à l’article 17, paragraphe 2, du règlement nº 1150/2000 soit remplie, manque à ses obligations en vertu du droit de l’Union et, notamment, des articles 2 et 8 de la décision 2000/597 (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2007, Commission/Danemark, C‑19/05, Rec. p. I‑8597, point 32).

52      S’agissant, en outre, de l’intervention de la République fédérale d’Allemagne à l’appui des conclusions de la République italienne, il y a lieu de faire les observations suivantes.

53      Selon l’article 40, paragraphe 4, du statut de la Cour de justice, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties.

54      De même, l’article 93, paragraphe 5, du règlement de procédure de la Cour dispose, notamment, que le mémoire en intervention contient les moyens et les arguments invoqués par l’intervenant.

55      Tout en concluant, à l’instar de la République italienne, au rejet du recours de la Commission, la République fédérale d’Allemagne présente, dans son mémoire en intervention, un moyen de défense supplémentaire par rapport à ceux sur lesquels ledit État membre mis en cause a fondé son argumentation. Dès lors, en procédant de la sorte, la République fédérale d’Allemagne n’a pas méconnu les dispositions susmentionnées du statut et du règlement de procédure de la Cour de justice (voir, en ce sens, arrêts du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30/59, Rec. p. 1, et du 15 juillet 2004, Espagne/Commission, C‑501/00, Rec. p. I‑6717, points 131 à 157).

56      Le mémoire en intervention de la République fédérale d’Allemagne doit ainsi être examiné par la Cour.

57      Le moyen invoqué par la République fédérale d’Allemagne, tiré de l’inexistence du manquement reproché à la République italienne au terme du délai fixé dans l’avis motivé, repose sur la prémisse que les modifications introduites par le règlement nº 2028/2004 à l’égard du règlement nº 1150/2000, et notamment de l’article 17, paragraphe 2, de celui-ci, sont applicables au cas d’espèce.

58      La République fédérale d’Allemagne soutient, en effet, que, étant donné que les autorités italiennes n’avaient pas déclaré les montants en cause irrécouvrables pas plus qu’elles ne les avaient considérés comme irrécouvrables, il faudrait alors attendre l’échéance du délai de cinq ans, prévu à l’article 17, paragraphe 2, du règlement nº 1150/2000 modifié, qui court à compter de l’inscription des droits constatés dans la comptabilité B – c’est-à-dire, à compter des mois de mars, juin et juillet de l’année 2003 –, pour que la Commission puisse imposer au gouvernement italien le paiement desdits droits. Un tel délai n’ayant pas expiré avant le mois de juillet de l’année 2008, il apparaîtrait que la République italienne n’avait pas manqué à ses obligations au terme du délai fixé dans l’avis motivé, à savoir à la fin du mois de décembre de l’année 2007.

59      À cet égard, il importe de rappeler que la présente procédure en manquement vise à faire constater que la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union du fait de son refus de mettre à la disposition de la Commission des ressources propres de l’Union résultant d’importations effectuées entre l’année 1997 et l’année 2002, et dont les droits constatés ont été inscrits par cet État membre dans la comptabilité B au cours des mois de mars, juin et juillet de l’année 2003, alors que le règlement nº 2028/2004 n’est entré en vigueur que le 28 novembre 2004.

60      Selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond qui sont habituellement interprétées comme ne visant pas des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur (voir, notamment, arrêts du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 9, ainsi que du 1er juillet 2004, Tsapalos et Diamantakis, C‑361/02 et C‑362/02, Rec. p. I‑6405, point 19).

61      L’article 17, paragraphe 2, du règlement nº 1150/2000 modifié établit une nouvelle procédure permettant aux autorités administratives des États membres soit de déclarer que certains montants de droits constatés sont irrécouvrables, soit de considérer que les montants de droits constatés sont réputés irrécouvrables au plus tard après une période de cinq ans à compter de la date à laquelle le montant a été constaté. Ces montants sont définitivement retirés de la comptabilité B et, sous réserve de l’opposition de la Commission aux raisons invoquées par les États membres fondées sur la force majeure ou sur d’autres raisons qui ne leur sont pas imputables, les États membres sont dispensés de mettre lesdits montants à la disposition de cette institution.

62      Par la modification de l’article 17, paragraphe 2, du règlement n° 1150/2000, le législateur de l’Union a voulu créer un nouveau mécanisme procédural afin de remédier aux insuffisances de l’ancien système de double comptabilité, en prévoyant que certains montants de droits constatés qui n’ont pas pu être recouvrés cessent de figurer dans la comptabilité B sans que les États membres ne soient obligés de les mettre à la disposition de la Commission.

63      Un tel objectif ressort, notamment, du sixième considérant du règlement nº 2028/2004, aux termes duquel «[l]e système d’une double comptabilité, introduit en 1989, visait à établir une distinction au niveau du recouvrement effectif des droits. Ce système n’a répondu que partiellement à ses objectifs quant au mode d’apurement de la comptabilité [B]. Les contrôles de la Cour des comptes et de la Commission ont mis en évidence des anomalies récurrentes dans la tenue de la comptabilité [B] qui ne permettent pas à cette comptabilité de refléter la réalité de la situation en matière de recouvrement. Il convient notamment d’apurer la comptabilité [B] des montants dont le recouvrement s’avère aléatoire à la fin d’une période donnée et dont le maintien en fausse le solde».

64      S’agissant de dispositions de nature procédurale, il y a lieu, conformément à la jurisprudence rappelée au point 60 du présent arrêt, de les appliquer au présent litige.

65      Toutefois, il importe de relever d’emblée que la possibilité, pour les États membres, de se voir exemptés de leur obligation de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés exige non seulement le respect des conditions énoncées à l’article 17, paragraphe 2, du règlement nº 1150/2000 modifié, mais aussi que lesdits droits aient été régulièrement inscrits dans la comptabilité B.

66      En effet, l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1150/2000 prévoit que les États membres doivent tenir une comptabilité des ressources propres auprès du Trésor public ou de l’organisme désigné par eux. En application du paragraphe 3, sous a) et b), du même article, les États membres sont obligés de reprendre dans la comptabilité A les droits constatés conformément à l’article 2 de ce règlement au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté, sans préjudice de la faculté d’inscrire dans la comptabilité B, dans le même délai, les droits constatés qui n’ont «pas encore été recouvrés» et pour lesquels «aucune caution n’a été fournie», ainsi que les droits constatés et «couverts par des garanties, qui font l’objet de contestations et sont susceptibles de subir des variations à la suite des différends survenus» (voir, en ce sens, arrêt Commission/Allemagne, précité, point 74).

67      Par ailleurs, aux fins de la mise à disposition des ressources propres, l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 1150/2000 impose que chaque État membre inscrive les ressources propres au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de la Commission, selon les modalités définies à l’article 10 dudit règlement. Conformément au paragraphe 1 de cette dernière disposition, après déduction des frais de perception, l’inscription des ressources propres intervient au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté conformément à l’article 2 du même règlement, à l’exception des droits repris dans la comptabilité B en application de l’article 6, paragraphe 3, sous b), de ce règlement, pour lesquels l’inscription doit intervenir, au plus tard, le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui du «recouvrement» (voir, en ce sens, arrêt Commission/Allemagne, précité, point 75).

68      L’inscription des ressources propres dans la comptabilité B traduit ainsi une situation exceptionnelle caractérisée par le fait de permettre aux États membres soit de ne pas mettre ces droits à la disposition de la Commission dès leur constatation parce qu’ils n’ont pas encore été recouvrés, au titre de l’article 6, paragraphe 3, sous b), du règlement nº 1150/2000, soit d’être dispensés de le faire si lesdits droits s’avèrent irrécouvrables pour des raisons de force majeure ou pour d’autres raisons qui ne leur sont pas imputables, sur le fondement de l’article 17, paragraphe 2, de ce règlement.

69      Dans ces conditions, afin de pouvoir bénéficier d’une telle situation exceptionnelle, il est nécessaire que l’inscription des droits constatés dans la comptabilité B ait été effectuée par les États membres dans le respect du droit de l’Union.

70      En l’espèce, l’absence de constatation et de recouvrement des droits sur les ressources propres de l’Union découlant des taxes sur les importations effectuées par Fonderie entre l’année 1997 et l’année 2002 trouve son origine dans le comportement des fonctionnaires douaniers italiens lequel, ainsi que la Cour l’a constaté au point 44 du présent arrêt, doit être imputé à la République italienne.

71      Si ledit comportement avait été conforme aux obligations imposées, notamment, par les articles 2, paragraphes 1 et 2, ainsi que 6, paragraphe 3, sous a), du règlement nº 1150/2000, les droits sur les ressources propres en cause auraient été constatés dès la réalisation des opérations d’importations et de leur dédouanement consécutif et, de ce fait, ils auraient dû être inscrits dans la comptabilité A au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel ils ont été constatés.

72      Il s’ensuit que, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 77 de ses conclusions, la République italienne, d’une part, doit être placée, pour la période comprise entre l’année 1997 et l’année 2002, dans une situation équivalente à celle où elle aurait constaté les droits et les aurait inscrits dans la comptabilité A. D’autre part, cet État membre ne saurait faire valoir que les conditions d’une inscription dans la comptabilité B sont remplies puisque, en n’ayant pas constaté les droits, il a lui-même provoqué l’émergence des conditions d’application de l’article 6, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 1150/2000.

73      Les autorités italiennes ayant irrégulièrement inscrit les droits sur les ressources propres dans la comptabilité B, les dispositions de l’article 17, paragraphe 2, du règlement nº 1150/2000 modifié ne lui sont pas applicables.

74      Partant, le moyen de défense supplémentaire soulevé par la République fédérale d’Allemagne doit être écarté.

 Sur le grief tiré de la violation de l’article 10 CE

75      En ce qui concerne la violation de l’article 10 CE, également invoquée par la Commission, il suffit de relever qu’il n’y a pas lieu de constater un manquement aux obligations générales contenues dans les dispositions de cet article, distinct du manquement constaté aux obligations plus spécifiques auxquelles était tenue la République italienne en vertu de l’article 8 de la décision 2000/597 et des articles 2, 6, 10, 11 et 17 du règlement nº 1150/2000 (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2007, Commission/Danemark, précité, point 36).

76      Eu égard à tout ce qui précède, il convient de constater que, en refusant de mettre à la disposition de la Commission les ressources propres correspondant à la dette douanière née à la suite de la délivrance irrégulière par la Direzione Compartimentale delle Dogane per le Regioni Puglia e Basilicata sise à Bari, à partir du 27 février 1997, d’autorisations de création et de gestion d’entrepôts douaniers de type C à Tarente, puis d’autorisations consécutives de transformation sous douane et de perfectionnement actif, jusqu’à leur révocation le 4 décembre 2002, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 8 de la décision 2000/597 et des articles 2, 6, 10, 11 et 17 du règlement n° 1150/2000.

 Sur les dépens

77      En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. Conformément au paragraphe 4 du même article, la République fédérale d’Allemagne supporte ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)      En refusant de mettre à la disposition de la Commission des Communautés européennes les ressources propres correspondant à la dette douanière née à la suite de la délivrance irrégulière par la Direzione Compartimentale delle Dogane per le Regioni Puglia e Basilicata sise à Bari, à partir du 27 février 1997, d’autorisations de création et de gestion d’entrepôts douaniers de type C à Tarente, puis d’autorisations consécutives de transformation sous douane et de perfectionnement actif, jusqu’à leur révocation le 4 décembre 2002, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 8 de la décision 2000/597/CE, Euratom du Conseil, du 29 septembre 2000, relative au système des ressources propres des Communautés européennes, et des articles 2, 6, 10, 11 et 17 du règlement (CE, Euratom) n° 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 94/728/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés.

2)      La République italienne est condamnée aux dépens.

3)      La République fédérale d’Allemagne supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.

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