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Document 62012CO0352

Order of the Court (Tenth Chamber) of 20 June 2013.
Consiglio Nazionale degli Ingegneri v Comune di Castelvecchio Subequo and Comune di Barisciano.
Article 99 of the Rules of Procedure — Public contracts — Directive 2004/18/EC — Article 1(2)(a) and (d) — Services — Support activities relating to the drawing up of a reconstruction plan for certain parts of the territory of a municipality damaged by an earthquake — Contract concluded between two public entities, one a university — Public entity likely to be classified as an economic operator — Extraordinary circumstances.
Case C‑352/12.

European Court Reports 2013 -00000

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2013:416

ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

20 juin 2013 (*)

«Article 99 du règlement de procédure – Marchés publics ? Directive 2004/18/CE ? Article 1er, paragraphe 2, sous a) et d) ? Services ? Activités de soutien relatives à l’élaboration du plan de reconstruction de certaines parties du territoire d’une commune endommagées par un séisme ? Contrat conclu entre deux entités publiques, dont une université ? Entité publique susceptible d’être qualifiée d’opérateur économique ? Circonstances extraordinaires»

Dans l’affaire C‑352/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per l’Abruzzo (Italie), par décision du 9 mai 2012, parvenue à la Cour le 25 juillet 2012, dans la procédure

Consiglio Nazionale degli Ingegneri

contre

Comune di Castelvecchio Subequo,

en présence de:

Università degli Studi Chieti Pescara – Dipartimento Scienze e Storia dell’Architettura,

et

Consiglio Nazionale degli Ingegneri

contre

Comune di Barisciano,

en présence de:

Scuola di Architettura e Design Vittoria (SAD) dell’Università degli Studi di Camerino,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. D. Šváby (rapporteur) et C. Vajda, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 1er, paragraphe 2, sous a) et d), 2 et 28 ainsi que de l’annexe II A, catégories 8 et 12, de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114), telle que modifiée par le règlement (CE) n° 1177/2009 de la Commission, du 30 novembre 2009 (JO L 314, p. 64, ci-après la «directive 2004/18»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre de deux litiges opposant le Consiglio Nazionale degli Ingegneri (conseil national des ingénieurs), d’une part, au Comune di Castelvecchio Subequo et, d’autre part, au Comune di Barisciano, au sujet de conventions par lesquelles ces deux communes ont confié des missions portant sur des activités de soutien relatives à l’élaboration de plans de reconstruction de certaines parties de leurs territoires endommagées par le séisme survenu dans les environs de L’Aquila (Italie) le 6 avril 2009, respectivement, à l’Università degli Studi Chieti Pescara – Dipartimento Scienze e Storia dell’Architettura et à la Scuola di Architettura e Design Vittoria (SAD) dell’Università degli Studi di Camerino.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 1er de la directive 2004/18 dispose:

«[...]

2.      a)     Les ‘marchés publics’ sont des contrats à titre onéreux conclus par écrit entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et ayant pour objet l’exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services au sens de la présente directive.

[...]

d)      Les ‘marchés publics de services’ sont des marchés publics autres que les marchés publics de travaux ou de fournitures portant sur la prestation de services visés à l’annexe II.

[...]

8.      Les termes ‘entrepreneur’, ‘fournisseur’ et ‘prestataire de services’ désignent toute personne physique ou morale ou entité publique ou groupement de ces personnes et/ou organismes qui offre, respectivement, la réalisation de travaux et/ou d’ouvrages, des produits ou des services sur le marché.

Le[s] terme[s] ‘opérateur économique’ couvre[nt] à la fois les notions d’entrepreneur, fournisseur et prestataire de services. Il[s sont] utilisé[s] uniquement dans un souci de simplification du texte.

[...]

9.      Sont considérés comme ‘pouvoirs adjudicateurs’: l’État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public et les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou un ou plusieurs de ces organismes de droit public.

[...]»

4        Aux termes de l’article 2 de cette directive, «[l]es pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité, de manière non discriminatoire et agissent avec transparence».

5        En vertu de l’article 7, sous b), de ladite directive, celle-ci s’applique notamment aux marchés de services passés par des pouvoirs adjudicateurs autres que les autorités gouvernementales centrales reprises à l’annexe IV de celle-ci, pour autant qu’il s’agisse de marchés non exclus en vertu des exceptions visées à cet article et que leur valeur estimée hors taxe sur la valeur ajoutée soit égale ou supérieure à 193 000 euros.

6        Conformément à l’article 9, paragraphes 1 et 2, de cette même directive, le calcul de la valeur estimée d’un marché public est fondé sur le montant total payable, hors taxe sur la valeur ajoutée, estimé par le pouvoir adjudicateur au moment de l’envoi de l’avis de marché ou, le cas échéant, au moment où la procédure d’attribution du marché est engagée.

7        L’article 20 de la directive 2004/18 prévoit que les marchés ayant pour objet des services figurant à l’annexe II A de cette directive sont passés conformément aux articles 23 à 55 de celle-ci, parmi lesquels l’article 28 dispose que, «[p]our passer leurs marchés publics, les pouvoirs adjudicateurs appliquent les procédures nationales, adaptées aux fins de [cette] directive».

8        Intitulé «Cas justifiant le recours à la procédure négociée sans publication d’un avis de marché», l’article 31 de ladite directive dispose:

«Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer leurs marchés publics en recourant à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché dans les cas suivants:

1)      dans le cas des marchés publics de travaux, de fournitures et de services:

[...]

c)      dans la mesure strictement nécessaire, lorsque l’urgence impérieuse, résultant d’événements imprévisibles pour les pouvoirs adjudicateurs en question, n’est pas compatible avec les délais exigés par les procédures ouvertes, restreintes ou négociées avec publication d’un avis de marché visées à l’article 30. Les circonstances invoquées pour justifier l’urgence impérieuse ne doivent en aucun cas être imputables aux pouvoirs adjudicateurs;

[...]»

9        L’article 38, paragraphe 8, de la directive 2004/18 prévoit la possibilité de mener une procédure accélérée dans les termes suivants:

«Dans les procédures restreintes et négociées avec publication d’un avis de marché visées à l’article 30, lorsque l’urgence rend impraticables les délais minimaux fixés au présent article, les pouvoirs adjudicateurs peuvent fixer:

a)      un délai pour la réception des demandes de participation qui ne peut être inférieur à 15 jours à compter de la date d’envoi de l’avis de marché ou à 10 jours si l’avis est envoyé par moyens électroniques conformément au format et aux modalités de transmission indiquées à l’annexe VIII, point 3;

b)      et, dans le cas des procédures restreintes, un délai pour la réception des offres qui ne peut être inférieur à 10 jours à compter de la date d’envoi de l’invitation à soumissionner.»

10      L’annexe II A de cette directive comporte notamment les catégories de services suivantes:

–        catégorie 8, relative aux services de recherche et de développement, à l’exclusion des services de recherche et de développement autres que ceux dont les fruits appartiennent exclusivement au pouvoir adjudicateur et/ou à l’entité adjudicatrice pour son usage dans l’exercice de sa propre activité pour autant que la prestation du service soit entièrement rémunérée par le pouvoir adjudicateur et/ou l’entité adjudicatrice, et

–        catégorie 12, relative aux services d’architecture, aux services d’ingénierie, aux services intégrés d’ingénierie, aux services d’aménagement urbain et d’architecture paysagère, aux services connexes de consultations scientifiques et techniques ainsi qu’aux services d’essais et d’analyses techniques.

 Le droit italien

11      Aux termes de l’article 15, paragraphe 1, de la loi n° 241 du 7 août 1990, portant de nouvelles dispositions en matière de procédure administrative et de droit d’accès aux documents administratifs (legge n. 241 – Nuove norme in materia di procedimento amministrativo e di diritto di accesso ai documenti amministrativi, GURI n° 192, du 18 août 1990, p. 7), «les administrations publiques ont toujours la faculté de conclure entre elles des accords portant sur une coopération dans des activités présentant un intérêt commun».

12      Conformément à l’article 63 du décret du président de la République n° 382 du 11 juillet 1980, portant réorganisation de l’enseignement universitaire, concernant la formation ainsi que l’expérimentation organisationnelle et didactique (decreto del Presidente della Repubblica n. 382 – Riordinamento della docenza universitaria, relativa fascia di formazione nonché sperimentazione organizzativa e didattica, supplément ordinaire à la GURI n° 209, du 31 juillet 1980, ci-après le «décret n° 382/1980»), «[l]es universités sont les lieux privilégiés de la recherche scientifique».

13      L’article 66, premier alinéa, de ce décret dispose:

«Pour autant que cela n’entrave pas le déroulement de leur fonction scientifique de transmission des connaissances, les universités peuvent effectuer des activités de recherche et de conseil fixées au moyen de contrats et de conventions passés avec des entités publiques et privées. L’exécution de ces contrats et conventions sera confiée, en règle générale, aux départements [universitaires] et, lorsque ceux-ci n’auront pas été institués, aux institutions ou aux cliniques universitaires ou à des enseignants à temps plein.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

14      Le séisme survenu le 6 avril 2009 dans les environs de L’Aquila a engendré une situation d’urgence extraordinaire. Afin de faire face à celle-ci, des institutions spéciales, disposant d’un pouvoir réglementaire, ont été mises sur pied.

15      Le Comune di Castelvecchio Subequo et le Comune di Barisciano sont situés dans la région touchée par ce séisme, lequel a fortement endommagé le centre de ces deux communes, parmi d’autres. Il en est résulté la nécessité de redéfinir le contexte urbain et bâti des communes sinistrées dans des conditions qui, à la fois, soient innovantes et tiennent compte de l’ampleur ainsi que de la complexité des opérations à envisager.

16      C’est ainsi que le décret du Commissario delegato per la ricostruzione n° 3 du 9 mars 2010 prévoit que chaque commune concernée établit un plan de reconstruction. À cette fin, il y a lieu, tout d’abord, d’identifier et de délimiter les zones dans lesquelles le patrimoine bâti doit être reconstruit ou restauré et des travaux d’urbanisation doivent éventuellement être réalisés, et d’établir un état des lieux. Ensuite, un plan de reconstruction doit être élaboré en vue d’assurer le renouveau socio-économique, de promouvoir la réhabilitation de l’habitat en tenant compte de l’ensemble des données urbanistiques pertinentes et de faciliter le retour de la population, tout en identifiant les opérations de nature à renforcer la sécurité des constructions. Le plan de reconstruction doit également déterminer les opérations à réaliser, prévoir la mise en sécurité des secteurs concernés, contenir une évaluation économique de ces opérations, identifier les personnes concernées et programmer lesdites opérations en tenant compte des priorités. Ce plan doit, enfin, déterminer les modalités de l’interconnexion des différents secteurs, les domaines d’intervention, les travaux d’urbanisation à réaliser et établir une programmation coordonnée des ouvrages publics et privés.

17      Afin de remplir leurs obligations à cet égard, les communes et établissements universitaires en cause au principal ont établi des projets de convention similaires, visant à instaurer «une coopération scientifique entre des entités publiques dans le but d’assurer l’exécution d’une mission de service public d’intérêt commun». Dans le cadre de cette mission, chaque établissement universitaire concerné aurait pour tâche d’apporter à la commune cocontractante le soutien nécessaire pour l’élaboration du plan de reconstruction à établir par celle-ci, en réalisant l’étude préliminaire, l’analyse préalable et l’élaboration du projet de reconstruction.

18      Concrètement, outre l’assistance technique générale de l’administration communale, la mission confiée à chacun de ces établissements comporte les prestations suivantes:

–        dans la phase préliminaire, relative à la délimitation des secteurs visés par le plan de reconstruction (phase 1), la mise en place du plan urbanistique et du programme de travaux publics, y compris la détermination des secteurs, l’identification des blocs de bâtiments concernés et des interventions publiques;

–        dans la phase préparatoire, relative à la détermination des blocs de bâtiments concernés et des interventions publiques (phase 2), l’élaboration du projet préliminaire avec établissement d’une planimétrie, de coupes et de perspectives, l’étude de faisabilité, le plan d’évacuation des décombres;

–        dans la phase d’élaboration et d’approbation du plan de reconstruction, relative à la définition des critères et des modalités d’intervention (phase 3), la rédaction du plan de reconstruction, y compris les critères et les modalités d’intervention et l’étude de faisabilité, ainsi que, à l’échelle de la zone globale, la voirie, le schéma structurel et le schéma directeur, et

–        dans la phase de mise en œuvre du plan de reconstruction, relative à la coordination, à la vérification et au contrôle (phase 4), la finalisation du plan de reconstruction en adéquation avec les instruments de planification et de surveillance existants.

19      Par référence à la délibération du conseil municipal du Comune di Barisciano, le choix de s’adresser à cette fin à un établissement universitaire est justifié par la considération selon laquelle «la planification d’opérations sur le territoire, surtout à l’échelle supracommunale, vise un développement durable, cohérent et intelligent de la totalité de la zone concernée par les travaux et [...] la vision d’ensemble d’une université spécialisée [...] peut présenter des avantages techniques et des expertises dans l’intérêt exclusif de la collectivité».

20      Le projet de convention entre le Comune di Barisciano et la Scuola di Architettura e Design Vittoria (SAD) dell’Università degli Studi di Camerino prévoit une contrepartie globale de 450 000 euros, et le projet de convention entre le Comune di Castelvecchio Subequo et l’Università degli Studi Chieti Pescara – Dipartimento Scienze e Storia dell’Architettura, une contrepartie globale de 213 851,20 euros. Ces projets ont été approuvés par des délibérations des conseils municipaux concernés, respectivement, les 25 février et 14 avril 2011.

21      Le Consiglio Nazionale degli Ingegneri a introduit un recours contre chacune de ces délibérations et demande que les conventions concernées soient déclarées invalides pour contrariété avec le droit de l’Union.

22      Le Tribunale amministrativo regionale per l’Abruzzo (tribunal administratif régional des Abruzzes) considère que ce droit autorise, sous certaines conditions, un pouvoir adjudicateur à conclure un contrat à titre onéreux avec une autre administration publique sans recourir à une procédure d’appel d’offres public, se référant à cet égard, notamment, à l’arrêt du 9 juin 2009, Commission/Allemagne (C‑480/06, Rec. p. I‑4747), et que le droit italien reconnaît lui aussi cette possibilité par l’article 15 de la loi n° 241 du 7 août 1990, qui permet aux administrations publiques de conclure entre elles des accords afin de régir, de concert, l’accomplissement d’activités d’intérêt commun.

23      Cette juridiction souligne que les accords visés à cet article ont pour objectif la coordination de l’action des différents appareils administratifs, chacun porteur d’un intérêt public spécifique, dans le cadre d’une collaboration destinée à assurer la gestion des services publics la plus efficace et économe possible, et que la jurisprudence est actuellement fixée en ce sens que la notion d’intérêt commun est plutôt large, correspondant à la poursuite de l’intérêt public de la part des entités participant à l’accord conformément à leurs objectifs institutionnels, même en dehors de l’hypothèse de fonctions communes. Partant, il serait possible de recourir audit article dès lors qu’une administration publique confie, à titre onéreux ? pour autant toutefois que la contrepartie soit limitée au remboursement des coûts ?, à une autre administration publique, un service relevant des missions de cette dernière.

24      Ladite juridiction indique que, dans le même sens, les activités relatives au nouvel aménagement du territoire à mettre en œuvre à la suite du séisme du 6 avril 2009 sont normalement exécutées «en coopération avec les diverses personnes publiques et privées qui sont impliquées dans les processus de reconstruction et visent à fournir le soutien technique et administratif nécessaire aux structures institutionnelles compliquées».

25      Sur ces bases, la juridiction de renvoi est amenée à constater que les accords en cause au principal paraissent réguliers. En effet, ils visent à la poursuite d’un intérêt commun, au sens de la législation italienne, puisque leur objet correspond, dans le chef des communes, aux obligations et aux objectifs énoncés dans la réglementation extraordinaire mentionnée au point 16 de la présente ordonnance et, dans le chef des établissements universitaires concernés, à la fonction de recherche et de conseil liée à leur mission scientifique et didactique de base, fonction autorisée par le décret n° 382/1980. Est spécialement visée, à cet égard, «l’extraordinaire unicité des activités à exécuter, qui intéressent entre autres la recherche scientifique appliquée», ce qui permettrait à ces établissements universitaires d’étudier la problématique scientifique liée à la planification et à la reconstruction d’un territoire touché par un séisme, en rapport étroit avec leur domaine de compétence. En outre, si la participation éventuelle de personnes privées aux activités visées par lesdits accords n’est pas exclue, cette participation supposerait que ces personnes soient désignées à l’issue de procédures de concours ordinaires.

26      Cette juridiction nourrit cependant des doutes quant à la compatibilité avec la directive 2004/18 de la conclusion de tels accords entre des administrations publiques dès lors que l’une d’elles est susceptible de revêtir en même temps la qualité d’opérateur économique, indépendamment du fait que ces accords puissent être caractérisés par des objectifs et des intérêts publics évidents, comme c’est le cas des conventions en cause au principal. Or, ladite juridiction relève, par référence à l’arrêt du 23 décembre 2009, CoNISMa (C‑305/08, Rec. p. I‑12129), que les universités publiques italiennes peuvent être considérées comme des opérateurs économiques et sont donc admises à prendre part à des appels d’offres, de sorte que les contrats qu’elles concluent avec des pouvoirs adjudicateurs auraient vocation à rentrer dans le champ d’application du droit de l’Union en matière de marchés publics.

27      À cet égard, elle constate que la contrepartie prévue dans les conventions en cause au principal ne semble pas objectivement en rapport avec les frais encourus, même si elle n’est pas de nature à procurer un profit substantiel aux établissements universitaires concernés. Il résulte par ailleurs de la décision de renvoi, en particulier des questions posées, qu’elle considère que les missions confiées à ces établissements par les conventions en cause au principal constituent des activités visées à l’annexe II A, catégories 8 ou 12, de la directive 2004/18.

28      La juridiction de renvoi souligne cependant le fait que ces missions présentent un intérêt public pour les administrations contractantes et s’inscrivent dans un contexte factuel et réglementaire extraordinaire.

29      Dans ces conditions, le Tribunale amministrativo regionale per l’Abruzzo a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      La directive [2004/18], et en particulier son article 1er, paragraphe 2, sous a) et d), ses articles 2 et 28 ainsi que son annexe II[ A], catégories 8 et 12, s’opposent-ils à une réglementation nationale qui autorise la passation sous une forme écrite, entre deux pouvoirs adjudicateurs, d’accords portant sur des activités de soutien aux communes concernant l’étude, l’analyse et [l’élaboration du] projet de reconstruction des centres historiques du Comune di Barisciano et du Comune di Castelvecchio Subequo, telles que précisées dans le chapitre technique annexé [aux conventions en cause au principal] et identifiées par la législation sectorielle, nationale et régionale, en échange d’une contrepartie dont le caractère de rémunération n’est pas évident, dès lors que l’administration [devant exécuter cette mission] est susceptible de revêtir la qualité d’opérateur économique?

2)      La directive [2004/18], et en particulier [les dispositions susmentionnées de celle-ci,] s’opposent-[elles] à une réglementation nationale [telle que celle susmentionnée] dès lors que le recours à l’attribution directe est expressément justifié à l’aune des législations primaire et secondaire qui ont été adoptées à la suite [du séisme survenu à L’Aquila le 6 avril 2009] et compte tenu des intérêts publics spécifiques qui ont été décrits?»

 Sur les questions préjudicielles

30      En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une question posée à titre préjudiciel est identique à une question sur laquelle celle-ci a déjà statué, lorsque la réponse à une telle question peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée à titre préjudiciel ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

31      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

32      Par ses questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2004/18 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui autorise la conclusion, sans appel à la concurrence, d’un contrat par lequel des entités publiques instituent entre elles une coopération telle que celles en cause au principal, eu égard, le cas échéant, à un contexte factuel et réglementaire extraordinaire, tel que l’endommagement important d’une partie significative des bâtiments de plusieurs localités à la suite d’un séisme et les dispositions exceptionnelles adoptées en vue de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour parer aux conséquences de ce séisme.

33      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, conformément à l’appréciation opérée par la juridiction de renvoi, les conventions en cause au principal portent sur des prestations dont la valeur excède le seuil d’application de la directive 2004/18.

34      Afin de répondre aux questions posées, il importe de relever que, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2004/18, un contrat à titre onéreux conclu par écrit entre un opérateur économique et un pouvoir adjudicateur, et ayant pour objet la prestation de services visés à l’annexe II A de cette directive constitue un marché public.

35      À cet égard, premièrement, il est sans incidence, d’une part, que cet opérateur soit lui-même un pouvoir adjudicateur et, d’autre part, que l’entité concernée ne poursuive pas à titre principal une finalité lucrative, qu’elle n’ait pas une structure d’entreprise ou encore qu’elle n’assure pas une présence continue sur le marché (arrêt du 19 décembre 2012, Ordine degli Ingegneri della Provincia di Lecce e.a., C‑159/11, non encore publié au Recueil, point 26).

36      Ainsi, s’agissant d’entités telles que des établissements universitaires publics, la Cour a jugé que de telles entités ont, en principe, la faculté de participer à une procédure d’attribution d’un marché public de services. Toutefois, les États membres peuvent réglementer les activités de ces entités, et notamment autoriser ou ne pas autoriser ces dernières à opérer sur le marché compte tenu de leurs objectifs institutionnels et statutaires. Pour autant, si, et dans la mesure où, lesdites entités sont habilitées à offrir certains services sur le marché, il ne peut pas leur être interdit de participer à un appel d’offres portant sur les services concernés (voir, notamment, arrêt Ordine degli Ingegneri della Provincia di Lecce e.a., précité, point 27 et jurisprudence citée). Or, en l’occurrence, la juridiction de renvoi a indiqué que l’article 66, premier alinéa, du décret n° 382/1980 autorise expressément les universités publiques à fournir des prestations de recherche et de conseil à des entités publiques ou privées dans la mesure où cette activité ne porte pas atteinte à leur mission d’enseignement.

37      Deuxièmement, des activités telles que celles faisant l’objet des contrats en cause au principal, nonobstant le fait, mentionné par la juridiction de renvoi, qu’elles sont susceptibles de relever des missions confiées aux universités, en particulier de la recherche scientifique, rentrent, selon ce qui constitue la nature effective de ces activités, soit dans le cadre des services de recherche et de développement visés à l’annexe II A, catégorie 8, de la directive 2004/18, soit dans le cadre des services d’aménagement urbain et des services connexes de consultations scientifiques et techniques visés à la catégorie 12 de cette annexe.

38      Troisièmement, tel qu’il ressort du sens normal et habituel des termes «à titre onéreux», un contrat ne saurait échapper à la notion de marché public du seul fait que sa rémunération reste limitée au remboursement des frais encourus pour fournir le service convenu (arrêt Ordine degli Ingegneri della Provincia di Lecce e.a., précité, point 29).

39      Sous réserve des vérifications qui incombent à la juridiction de renvoi, il apparaît que les contrats en cause au principal présentent l’ensemble des caractéristiques énoncées aux points 34 à 38 de la présente ordonnance.

40      Il résulte toutefois de la jurisprudence de la Cour que deux types de marchés conclus par des entités publiques ne rentrent pas dans le champ d’application du droit de l’Union en matière de marchés publics.

41      Il s’agit, en premier lieu, des marchés conclus par une entité publique avec une personne juridiquement distincte de celle-ci lorsque, à la fois, cette entité exerce sur cette personne un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services et que ladite personne réalise l’essentiel de ses activités avec la ou les entités qui la détiennent (voir, en ce sens, arrêts du 18 novembre 1999, Teckal, C‑107/98, Rec. p. I‑8121, point 50, ainsi que Ordine degli Ingegneri della Provincia di Lecce e.a., précité, point 32).

42      Il est cependant constant que cette exception n’est pas applicable dans un contexte tel que celui des affaires au principal, dès lors qu’il ressort de la décision de renvoi que les communes concernées n’exercent pas de contrôle sur les établissements universitaires qui sont leur cocontractant respectif.

43      Il s’agit, en second lieu, des contrats qui instaurent une coopération entre des entités publiques ayant pour objet d’assurer la mise en œuvre d’une mission de service public qui est commune à celles-ci (arrêt Ordine degli Ingegneri della Provincia di Lecce e.a., précité, point 34 et jurisprudence citée).

44      Dans cette hypothèse, les règles du droit de l’Union en matière de marchés publics ne sont pas applicables pour autant que, en outre, de tels contrats soient conclus exclusivement par des entités publiques, sans la participation d’une partie privée, qu’aucun prestataire privé ne soit placé dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents et que la coopération qu’ils instaurent soit uniquement régie par des considérations et des exigences propres à la poursuite d’objectifs d’intérêt public (arrêt Ordine degli Ingegneri della Provincia di Lecce e.a., précité, point 35 et jurisprudence citée).

45      Si, comme l’a relevé la juridiction de renvoi, des contrats tels que ceux en cause au principal semblent satisfaire à certains des critères mentionnés aux deux points précédents de la présente ordonnance, ils ne sauraient toutefois sortir du champ d’application du droit de l’Union en matière de marchés publics que s’ils satisfont à tous ces critères.

46      À cet égard, il paraît résulter des indications contenues dans la décision de renvoi que ces contrats comportent un ensemble d’aspects matériels dont une partie importante, voire prépondérante, correspond à des activités généralement effectuées par des ingénieurs ou des architectes et qui, bien qu’elles soient basées sur un fondement scientifique, ne s’apparentent cependant pas à la recherche scientifique. Par conséquent, contrairement à ce que la Cour a pu constater au point 37 de l’arrêt Commission/Allemagne, précité, la mission de service public qui fait l’objet de la coopération entre des entités publiques instaurée par lesdits contrats ne paraît pas assurer la mise en œuvre d’une mission de service public qui est commune aux établissements universitaires et aux communes en cause au principal.

47      C’est toutefois à la juridiction de renvoi qu’il appartient d’effectuer les vérifications requises à cet égard.

48      S’agissant de la nature des faits dans le prolongement desquels se situent les marchés en cause au principal, il est évident que l’endommagement important d’une partie significative des bâtiments de plusieurs localités à la suite d’un séisme de grande ampleur constitue un événement extraordinaire et imprévisible.

49      Toutefois, il y a lieu de souligner que des circonstances extraordinaires et imprévisibles ne peuvent justifier l’attribution directe d’un marché devant normalement faire l’objet d’une procédure ouverte, d’une procédure restreinte ou d’une procédure négociée avec publication d’un avis de marché que dans les conditions prévues à l’article 31, point 1, sous c), de la directive 2004/18.

50      Il résulte d’une jurisprudence constante que le recours à cette dérogation est soumis à trois conditions cumulatives, à savoir l’existence, outre d’un événement imprévisible, d’une urgence impérieuse incompatible avec les délais exigés par d’autres procédures et d’un lien de causalité entre l’événement imprévisible et l’urgence impérieuse qui en résulte [voir notamment, s’agissant de la directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO L 199, p. 84), arrêt du 2 juin 2005, Commission/Grèce, C‑394/02, Rec. p. I‑4713, point 40 et jurisprudence citée].

51      Eu égard à son caractère dérogatoire, cette disposition doit faire l’objet d’une interprétation stricte (voir notamment, s’agissant de la directive 93/38, arrêt du 4 juin 2009, Commission/Grèce, C‑250/07, Rec. p. I‑4369, point 34 et jurisprudence citée).

52      C’est ainsi, notamment, que, ne pouvant procéder à l’attribution directe d’un marché en cas d’urgence impérieuse que dans la mesure où cela est strictement nécessaire, un pouvoir adjudicateur ne saurait se prévaloir de la dérogation prévue à l’article 31, point 1, sous c), de la directive 2004/18 lorsqu’il lui aurait été matériellement possible de recourir à la procédure accélérée prévue à l’article 38, paragraphe 8, de celle-ci [voir notamment, s’agissant de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), arrêt du 18 novembre 2004, Commission/Allemagne, C‑126/03, Rec. p. I‑11197, point 23 et jurisprudence citée] et, a fortiori, à la procédure normale telle qu’organisée par les paragraphes 1 à 7 de cet article (voir, s’agissant de la directive 93/38, arrêt du 2 juin 2005, Commission/Grèce, précité, point 44).

53      Partant, une réglementation nationale ne saurait autoriser le recours à une attribution directe de marchés publics en cas d’urgence impérieuse que dans le respect des conditions prévues à l’article 31, point 1, sous c), de la directive 2004/18, telles qu’explicitées aux points 50 à 52 de la présente ordonnance (voir, par analogie, arrêt du 28 mars 1985, Commission/Italie, 274/83, Rec. p. 1077, points 34 et 35), cette réglementation fût-elle motivée par un événement extraordinaire et imprévisible.

54      Il incombe donc à la juridiction de renvoi de vérifier, le cas échéant, si ces conditions sont réunies dans les affaires au principal, étant précisé que la charge de la preuve incombe à la partie qui entend s’en prévaloir (voir notamment, s’agissant de la directive 93/38, arrêt du 2 juin 2005, Commission/Grèce, précité, point 33 et jurisprudence citée).

55      Il convient donc de répondre aux questions posées que la directive 2004/18 s’oppose à une réglementation nationale qui autorise la conclusion, sans appel à la concurrence, d’un contrat par lequel des entités publiques instituent entre elles une coopération lorsque – ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier – un tel contrat n’a pas pour objet d’assurer la mise en œuvre d’une mission de service public commune à ces entités, qu’il n’est pas exclusivement régi par des considérations et des exigences propres à la poursuite d’objectifs d’intérêt public ou qu’il est de nature à placer un prestataire privé dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents. Le fait qu’un tel contrat intervienne dans une situation extraordinaire ne peut être pris en considération que pour autant que le pouvoir adjudicateur établisse que sont réunies les conditions d’application de l’article 31, point 1, sous c), de cette directive.

 Sur les dépens

56      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit:

La directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, telle que modifiée par le règlement (CE) n° 1177/2009 de la Commission, du 30 novembre 2009, s’oppose à une réglementation nationale qui autorise la conclusion, sans appel à la concurrence, d’un contrat par lequel des entités publiques instituent entre elles une coopération lorsque – ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier – un tel contrat n’a pas pour objet d’assurer la mise en œuvre d’une mission de service public commune à ces entités, qu’il n’est pas exclusivement régi par des considérations et des exigences propres à la poursuite d’objectifs d’intérêt public ou qu’il est de nature à placer un prestataire privé dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents. Le fait qu’un tel contrat intervienne dans une situation extraordinaire ne peut être pris en considération que pour autant que le pouvoir adjudicateur établisse que sont réunies les conditions d’application de l’article 31, point 1, sous c), de cette directive.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.

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