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Dokument 62005FJ0077

    Judgment of the Civil Service Tribunal (Second Chamber) of 30 November 2006.
    Panagiotis Balabanis and Olivier Le Dour v Commission of the European Communities.
    Officials - Promotion.
    Case F-77/05.

    European Court Reports – Staff Cases 2006 I-A-1-00139; II-A-1-00535

    Identyfikator ECLI: ECLI:EU:F:2006:127




    ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
    (deuxième chambre)

    30 novembre 2006


    Affaire F-77/05


    Panagiotis Balabanis et Olivier Le Dour

    contre

    Commission des Communautés européennes

    « Fonctionnaires – Promotion – Article 45 du statut – Modification du statut – Application dans le temps – Exercice de promotion 2004 – Non‑inscription sur la liste des fonctionnaires promouvables – Prise en considération de la période de stage pour le calcul de l’ancienneté minimum de deux ans »

    Objet : Recours, introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA, par lequel MM. Balabanis et Le Dour demandent l’annulation des décisions de la Commission refusant, d’une part, de reconnaître leur vocation à la promotion au titre de l’exercice de promotion 2004 et, d’autre part, de les promouvoir au titre dudit exercice de promotion.

    Décision : La décision du 14 septembre 2004, par laquelle la Commission a refusé de considérér les requérants comme éligibles à une promotion au titre de l’exercice de promotion 2004, est annulée. La décision du 30 novembre 2004, par laquelle la Commission n’a pas promu les requérants au titre de l’exercice de promotion 2004, est annulée. La Commission est condamnée aux dépens.


    Sommaire


    1.      Fonctionnaires – Promotion – Condition tenant à l’ancienneté minimale dans le grade

    (Statut des fonctionnaires, art. 45 ; règlement du Conseil n° 723/2004, art. 2)

    2.      Fonctionnaires – Promotion – Examen comparatif des mérites

    (Statut des fonctionnaires, art. 45)


    1.      À défaut de disposition transitoire dans le règlement n° 723/2004 modifiant, avec effet au 1er mai 2004, le statut des fonctionnaires ainsi que le régime applicable aux autres agents, l’article 45 du statut, tel que modifié par ce règlement, est applicable à toutes les promotions de fonctionnaires prenant effet à compter de ladite date.

    Dès lors, en l’absence d’un intérêt public péremptoire justifiant une dérogation à la règle selon laquelle la date d’adoption des décisions de promotion constitue la date pertinente pour apprécier si le fonctionnaire justifie du minimum d’ancienneté requis pour être éligible à une promotion, une disposition générale d’exécution du statut adoptée par la Commission et selon laquelle, pour prétendre à la promotion dans le cadre de l’exercice de promotion 2004, les fonctionnaires devaient, indépendamment de la date à laquelle interviendraient les décisions de promotion, satisfaire, au plus tard au 30 avril 2004, à la condition d’ancienneté dans leur grade prévue à l’article 45 du statut dans sa rédaction antérieure, est illégale. En effet, elle fait obstacle à l’application immédiate de l’article 45 du statut modifié et prive les fonctionnaires intéressés du droit de se prévaloir de la nouvelle condition d’éligibilité prévue par cet article, restreignant illégalement son champ d’application dans le temps. Une telle disposition générale d’exécution doit, dès lors, être écartée, l’ancienneté des fonctionnaires intéressés devant être appréciée au regard des conditions prescrites par l’article 45 du statut modifié.

    (voir points 38, 41, 44 et 49 à 51)


    2.      Il ressort expressément des termes de l’article 45 du statut que, dans le cadre d’une procédure de promotion, l’autorité investie du pouvoir de nomination est tenue d’effectuer son choix sur la base d’un examen comparatif des rapports de notation et des mérites respectifs des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Il s’ensuit que, lorsque ladite autorité n’a pas procédé à l’examen comparatif des mérites d’un fonctionnaire, alors que celui‑ci avait vocation à la promotion, la décision arrêtant la liste des fonctionnaires promus doit être annulée en ce qu’elle n’a pas pris en compte l’éligibilité à la promotion du fonctionnaire et, par voie de conséquence, n’a pas procédé à la comparaison de ses mérites.

    (voir points 56 et 57)




    ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
    DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

    30 novembre 2006 (*)

    « Fonctionnaires – Promotion – Article 45 du statut – Modification du statut – Application dans le temps – Exercice de promotion 2004 – Non-inscription sur la liste des fonctionnaires promouvables – Prise en considération de la période de stage pour le calcul de l’ancienneté minimum de deux ans »

    Dans l’affaire F‑77/05,

    ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

    Panagiotis Balabanis et Olivier Le Dour, fonctionnaires de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentés par Mes X. Martin, S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis et E. Marchal, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

    parties requérantes,

    contre

    Commission des Communautés européennes, représentée par Mme C. Berardis-Kayser et M. G. Berscheid, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie défenderesse,

    LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

    composé de M. S. Van Raepenbusch, président, Mme I. Boruta (rapporteur) et M. H. Kanninen, juges,

    greffier : M. S. Boni, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er juin 2006,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 1er août 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 5 août suivant), MM. Balabanis et Le Dour demandent l’annulation des décisions, par lesquelles la Commission des Communautés européennes a refusé, d’une part, de reconnaître leur vocation à la promotion au titre de l’exercice de promotion 2004 et, d’autre part, de les promouvoir au titre dudit exercice de promotion.

     Cadre juridique

    2        Le statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, le modifiant (JO L 124, p. 1) (ci-après le « statut »), disposait à son article 45 :

    « 1. La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur de la catégorie ou du cadre auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l’objet.

    Ce minimum d’ancienneté est, pour les fonctionnaires nommés au grade de base de leur cadre ou de leur catégorie, de six mois à compter de leur titularisation ; il est de deux ans pour les autres fonctionnaires.

    […] »

    3        Le statut des fonctionnaires des Communautés européennes, tel que modifié par le règlement n° 723/2004 (ci-après le « statut modifié ») dispose quant à lui à son article 45 :

    « 1. La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de l’article 6, paragraphe 2. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet […] »

    4        L’article 6, deuxième alinéa, de l’annexe XIII du statut modifié, inséré par le règlement n° 723/2004, prévoit :

    « Lorsque la promotion d’un fonctionnaire prend effet avant le 1er mai 2004, les dispositions du statut en vigueur à la date de prise d’effet de ladite promotion s’appliquent. »

    5        L’article 7, paragraphe 5, de ladite annexe, inséré par le règlement n° 723/2004, prévoit :

    « Pour chaque fonctionnaire, sans préjudice du paragraphe 3, la première promotion obtenue après le 1er mai 2004, entraîne, selon la catégorie à laquelle il appartenait avant le 1er mai 2006 et selon l’échelon où il se trouve au moment où sa promotion prend effet, une augmentation du traitement mensuel de base à déterminer sur la base du tableau suivant :

    Échelon

    Grade

    1

    2

    3

    4

    5

    6

    7

    8

    A

    13,1 %

    11,0 %

    6,8 %

    5,7 %

    5,5 %

    5,2 %

    5,2 %

    4,9 %

    B

    11,9 %

    10,5 %

    6,4 %

    4,9 %

    4,8 %

    4,7 %

    4,5 %

    4,3 %

    C

    8,5 %

    6,3 %

    4,6 %

    4,0 %

    3,9 %

    3,7 %

    3,6 %

    3,5 %

    D

    6,1 %

    4,6 %

    4,3 %

    4,1 %

    4,0 %

    3,9 %

    3,7 %

    3,6 %

    […] »

    6        Le 24 mars 2004, la Commission a adopté une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut (ci-après les « DGE »).

    7        L’article 1er, paragraphe 2, des DGE énonce :

    « Sont promouvables au sens de la présente décision les fonctionnaires visés au paragraphe 1 ayant le minimum d’ancienneté dans leur grade mentionné à l’article 45 du statut. »

    8        Aux termes de l’article 2 des DGE :

    « […]

    2. L’exercice de promotion vise à établir la liste des fonctionnaires promus après comparaison des mérites individuels appréciés dans la durée. [À] cette fin, sont attribués des points de mérite et, éventuellement, des points de priorité.

    […]

    6. Le seuil de promotion est le nombre minimum de points nécessaire pour pouvoir être promu dans un grade donné. […] »

    9        L’article 10, paragraphe 5, des DGE dispose :

    « Pour les fonctionnaires promouvables à l’intérieur d’une carrière, les promotions prennent effet le 1er janvier de l’année pendant laquelle l’exercice est lancé. Pour ceux promouvables de carrière à carrière, les promotions prennent effet, si possible, le 1er avril. Si, à la date respective, le fonctionnaire ne possède pas encore l’ancienneté dans le grade requise, la promotion prend effet le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel cette ancienneté est acquise. »

    10      L’article 13, paragraphe 3, des DGE, intitulé « Dispositions transitoires », est ainsi libellé :

    « Dans le cadre de l’exercice de promotion 2004, les fonctionnaires promouvables au sens de l’article premier, paragraphe 2, sont ceux qui, à la date du 30 avril 2004 ont le minimum d’ancienneté dans leur grade mentionné à l’article 45 du statut. […] »

    11      Le 30 avril 2004, la Commission a publié un document intitulé « Exercice de promotion 2004 » (Informations administratives n° 29-2004). Ce document contient notamment la remarque préliminaire suivante :

    « Il convient de souligner d’emblée que l’exercice de promotion 2004, bien que se clôturant après le 1er mai 2004, sera conduit selon l’ancien système de catégories et carrières (A, B, C, D). En effet, les promotions prendront effet avant l’entrée en vigueur du […] statut [modifié]. Elles se feront donc sur la base des anciens grades. »

    12      Le 30 novembre 2004, la Commission a publié un second document également intitulé « Exercice de promotion 2004 » (Informations administratives n° 130-2004). À son point VII, libellé « Mise en œuvre des décisions de promotion », ce document énonce :

    « L’exercice de promotion 2004 s’inscrit dans le cadre de ‘l’ancien statut’ en vigueur avant le 1er mai 2004. […]

    Les décisions de promotion prendront effet au 1er janvier 2004 (promotions vers les grades A 4/LA 4, A 6/LA 6, B 2, B 4, C 2, C 4, D 2) ou au 1er avril 2004 (autres grades). La promotion des fonctionnaires qui, à une de ces dates, ne disposeraient pas de l’ancienneté minimale requise, prendra effet le 1er jour du mois suivant lequel l’ancienneté minimale est acquise et au plus tard le 30 avril 2004.

    […] »

     Faits à l’origine du litige

    13      Lauréats du concours COM/T/A/99, MM. Balabanis et Le Dour ont été nommés fonctionnaires stagiaires au 16 mars 2002 et classés respectivement au grade A 5, échelon 6 et au grade A 6, échelon 3.

    14      Ils ont été affectés à la direction générale (DG) « Recherche ».

    15      Ils ont été titularisés dans leurs grade et échelon le 23 janvier 2003 avec effet au 16 décembre 2002.

    16      Le 9 juin 2004, MM. Balabanis et Le Dour ont, en application de l’article 90, paragraphe 1, du statut modifié, demandé à la Commission d’organiser un second exercice de promotion en 2004 pour les fonctionnaires devenus promouvables entre le 1er mai et le 31 décembre de cette même année. Ils faisaient en effet valoir que ces fonctionnaires seraient exclus de la comparaison des mérites effectuée dans le cadre de l’exercice de promotion 2004, alors que, pour les exercices de promotion précédents, l’ensemble des fonctionnaires promouvables sur l’année complète avaient vu leurs mérites comparés, y compris ceux qui n’étaient devenus promouvables que dans la seconde moitié de l’année.

    17      Par décision du 14 septembre 2004, la Commission a rejeté la demande des requérants. Elle a justifié ce rejet en expliquant qu’elle avait légitimement pu, dans les circonstances exceptionnelles de 2004, s’écarter des dispositions en vigueur antérieurement et exclure de la comparaison des mérites les fonctionnaires devenus promouvables entre le 1er mai et le 31 décembre 2004. Par ailleurs, elle a confirmé aux intéressés qu’elle ne procèderait pas en 2004 à un second exercice de promotion pour ces fonctionnaires.

    18      Dans les Informations administratives n° 130-2004 susmentionnées, la Commission a publié la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice de promotion 2004 (ci-après la « liste des fonctionnaires promus »). Les noms des requérants n’y figuraient pas.

    19      Par des notes datées respectivement des 13 et 20 décembre 2004, MM. Le Dour et Balabanis ont chacun introduit une réclamation, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut modifié, contre la décision précitée du 14 septembre 2004 ainsi que contre la décision de ne pas les retenir au nombre des fonctionnaires promus au titre de l’exercice de promotion 2004.

    20      Ils y faisaient valoir que c’est à tort que, pour les exclure de la comparaison des mérites, la Commission aurait estimé qu’ils n’étaient pas promouvables au titre de l’exercice de promotion 2004. En effet, ils auraient satisfait à la condition d’ancienneté requise par l’article 45 du statut modifié alors applicable, en l’occurrence deux ans à compter de leur nomination.

    21      Ils ajoutaient que, s’ils n’avaient pas été exclus de la comparaison des mérites, ils auraient été promus, puisque le total des points de mérite et de priorité qu’ils avaient accumulés était supérieur au seuil de promotion.

    22      Leurs réclamations ont été rejetées par des décisions explicites de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), adoptées le 15 avril 2005.

    23      Dans ces décisions, l’AIPN a exposé que, en application de l’article 13, paragraphe 3, des DGE, l’appréciation de l’ancienneté requise pour être inscrit sur la liste des fonctionnaires promouvables avait été effectuée au regard des conditions prévues par l’article 45 du statut. Or, les requérants ne remplissaient pas, selon elle, ces conditions, à savoir une ancienneté de deux ans à compter de la titularisation.

     Procédure et conclusions des parties

    24      Le présent recours a initialement été enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous le numéro T‑305/05.

    25      Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant le Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe de ce dernier sous le numéro F‑77/05.

    26      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

    –        annuler les décisions de la Commission de ne pas prendre en considération leurs mérites respectifs au titre de l’exercice de promotion 2004, ainsi que de ne pas les promouvoir au grade supérieur de leur catégorie ;

    –        condamner la Commission aux dépens.

    27      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    –        rejeter le recours ;

    –        statuer sur les dépens comme de droit.

     En droit

    28      Par leur recours, les requérants demandent, en substance, l’annulation de la décision du 14 septembre 2004, par laquelle la Commission ne les a pas considérés comme éligibles à la promotion au titre de l’exercice de promotion 2004, ainsi que de la décision du 30 novembre 2004, par laquelle la Commission, par voie de conséquence, ne les a pas retenus sur la liste des fonctionnaires promus.

     Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 14 septembre 2004

    29      Les requérants soulèvent, à l’encontre de la décision susvisée, deux moyens. Le premier est tiré de la violation de l’article 45 du statut modifié. Le second, soulevé dans le mémoire en réplique, est tiré de la méconnaissance du principe de l’égalité de traitement. Il convient d’examiner tout particulièrement le premier moyen invoqué.

     Arguments des parties

    30      À l’appui du premier moyen, les requérants font observer que, pour les considérer comme non éligibles à la promotion au titre de l’exercice de promotion 2004, la Commission s’est fondée sur l’article 45 du statut. Or, l’exercice de promotion s’étant déroulé intégralement après le 1er mai 2004, date d’entrée en vigueur du règlement n° 723/2004, elle aurait dû se fonder sur les dispositions de l’article 45 du statut modifié et, ce faisant, constater qu’ils satisfaisaient à la condition d’ancienneté prévue par ces dernières dispositions.

    31      Les requérants ajoutent que la Commission ne saurait se prévaloir des dispositions de l’article 13, paragraphe 3, des DGE. En effet, elle n’expliquerait pas en quoi la réforme du statut aurait constitué une circonstance exceptionnelle lui permettant de déroger, dans le respect du principe de proportionnalité, aux obligations qui lui étaient imposées par l’article 45 du statut modifié, celui-ci étant en vigueur au jour de l’adoption des décisions attaquées. Ainsi, les dispositions de l’article 13, paragraphe 3, des DGE, auraient « illégalement rétréci » le champ d’application dudit article 45.

    32      En défense, la Commission répond que l’ancienneté des requérants devait être appréciée au regard de l’article 45 du statut, et non de l’article 45 du statut modifié. En effet, il résulterait de l’article 13, paragraphe 3, des DGE, que les fonctionnaires promouvables dans le cadre de l’exercice de promotion 2004 seraient ceux qui, à la date du 30 avril 2004, avaient le minimum d’ancienneté dans leur grade mentionnée à l’article 45 du statut. Or, à la date du 30 avril 2004, ledit article aurait encore été applicable, puisque le règlement n° 723/2004 l’ayant modifié, ne serait entré en vigueur que le 1er mai 2004 et n’aurait pas entendu donner effet rétroactif à cette modification. Cette interprétation serait, du reste, confirmée par les Informations administratives n° 29-2004 et n° 130-2004, qui rappelaient que l’exercice de promotion 2004 était régi par les règles du statut en vigueur avant le 1er mai 2004.

    33      La Commission conteste ensuite l’affirmation des requérants selon laquelle l’article 13, paragraphe 3, des DGE serait illégal. Certes, les dispositions générales d’exécution en vigueur antérieurement à celles du 24 mars 2004 prévoyaient que la comparaison des mérites devait concerner l’ensemble des fonctionnaires devenus promouvables au cours de l’année. Toutefois, cette circonstance n’aurait pas fait obstacle à ce que la Commission fixe, pour la période transitoire visée à l’article 7, paragraphe 5, du statut modifié, une date différente de celle du 31 décembre pour la vérification des conditions de promouvabilité, dès lors que cette même date, retenue par le passé, ne ressortait pas d’une disposition statutaire, mais d’une disposition générale d’exécution qu’elle était en droit de modifier.

    34      De plus, la Commission rappelle qu’il a été jugé que les contraintes inhérentes au passage d’un mode de gestion à un autre, s’agissant de la carrière des fonctionnaires, pouvaient imposer à l’administration de s’écarter temporairement, et dans certaines limites, de l’application stricte des règles et principes de valeur permanente s’appliquant ordinairement aux situations en cause (arrêt du Tribunal de première instance du 11 février 2003, Leonhardt/Parlement, T‑30/02, RecFP, p. I‑A‑41 et II‑265, point 51). Or, en l’espèce, dans les circonstances exceptionnelles de 2004, ce serait, d’une part, pour éviter de conférer un effet rétroactif à la modification du statut, contraire à l’article 2 du règlement n° 723/2004, et d’autre part, pour inscrire entièrement les promotions dans le cadre du statut en vigueur avant le 1er mai 2004, que la Commission aurait adopté l’article 13, paragraphe 3, des DGE. Du reste, ce serait également pour éviter de donner un tel effet rétroactif à la modification en question du statut qu’aurait été inséré l’article 6, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut modifié.

     Appréciation du Tribunal

    35      Il convient de rappeler tout d’abord que, selon la jurisprudence, la date de la décision de promotion constitue la date pertinente pour apprécier si le fonctionnaire justifie du minimum d’ancienneté requis pour être éligible pour une promotion (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 7 octobre 1987, Brüggeman/CESE, 248/86, Rec. p. 3963, point 8 ; arrêt du Tribunal de première instance du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, non encore publié au Recueil, point 84).

    36      En l’espèce, la liste des fonctionnaires promus a été adoptée le 30 novembre 2004. Il est constant que, à cette date, les requérants remplissaient la condition énoncée au paragraphe 1 de l’article 45 du statut modifié consistant à détenir une ancienneté de deux ans au minimum dans le grade. En revanche, au regard du paragraphe 1 de l’article 45 du statut, ils n’auraient pas rempli, à cette même date, la condition d’ancienneté de deux ans calculée alors à partir de la titularisation.

    37      Il importe donc de déterminer laquelle des deux versions de l’article 45, paragraphe 1, est applicable en l’espèce.

    38      À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu de son article 2, le règlement n° 723/2004 est entré en vigueur le 1er mai 2004.

    39      Il y a lieu d’ajouter que, selon un principe généralement reconnu, une règle nouvelle s’applique, sauf dérogation, immédiatement aux situations à naître ainsi qu’aux effets futurs de situations nées sous l’empire de la loi ancienne (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 9 décembre 1965, Singer, 44/65, Rec. p. 1191, 1200 ; du 15 février 1978, Bauche, 96/77, Rec. p. 383, point 48 ; du 16 mai 1979, Tomadini, 84/78, Rec. p. 1801, point 21 ; du 5 février 1981, P./Commission, 40/79, Rec. p. 361, point 12 ; du 10 juillet 1986, Licata/CESE, 270/84, Rec. p. 2305, point 31 ; du 14 janvier 1987, Allemagne/Commission, 278/84, Rec. p. 1, point 36 ; du 29 janvier 2002, Pokrzeptowicz-Meyer, C‑162/00, Rec. p. I‑1049, point 50 ; ordonnance de la Cour du 13 juin 2006, Echouikh, C‑336/05, non encore publié au Recueil, point 54).

    40      Or, le règlement n° 723/2004 ne contient aucune disposition transitoire prévoyant que l’article 45 du statut modifié ne serait applicable qu’à une date ultérieure à celle de l’entrée en vigueur dudit règlement. Tout au plus est-il précisé, à l’article 6, deuxième alinéa, de l’annexe XIII du statut modifié, que, « [l]orsque la promotion d’un fonctionnaire prend effet avant le 1er mai 2004, les dispositions du statut en vigueur à la date de prise d’effet de ladite promotion s’appliquent ». Il en découle précisément que, dans l’hypothèse où la promotion prend effet non pas avant, mais après le 1er mai 2004, les dispositions du statut modifié, en particulier celles de l’article 45 du statut modifié, s’appliquent immédiatement.

    41      Il convient donc de considérer que, à défaut de disposition transitoire, l’article 45 du statut modifié est applicable depuis le 1er mai 2004 à toutes les promotions de fonctionnaires.

    42      La question est néanmoins de savoir si la Commission était en droit de prévoir à l’article 13, paragraphe 3, des DGE que, pour prétendre à la promotion dans le cadre de l’exercice de promotion 2004, les fonctionnaires devaient satisfaire au plus tard au 30 avril 2004 à la condition d’ancienneté dans leur grade prévue à l’article 45 du statut.

    43      La Commission avance deux arguments en ce sens.

    44      D’une part, elle soutient que l’article 13, paragraphe 3, des DGE a été adopté afin d’éviter de conférer un effet rétroactif à l’article 45 du statut modifié. Toutefois, ainsi qu’il a été dit au point 41 du présent arrêt, l’article 45 du statut modifié est entré en vigueur le 1er mai 2004, date à compter de laquelle il s’applique à toutes les promotions de fonctionnaires. Or, la date pertinente pour apprécier si le fonctionnaire justifie le minimum d’ancienneté requis pour être éligible à une promotion est la date de la décision de promotion elle-même (voir, par exemple, arrêt Casini/Commission, précité), en l’espèce le 30 novembre 2004. Dès lors, la situation des requérants, en ce qui concerne leur vocation à la promotion au titre de l’exercice 2004, n’a été acquise qu’à cette date. Par suite, c’était l’article 45 du statut modifié qui était applicable à leur situation, notamment, s’agissant d’apprécier le minimum d’ancienneté dont ils devaient justifier pour être promouvables. Par conséquent, la question n’est pas, contrairement à ce que soutient la Commission, d’appliquer rétroactivement cette disposition, mais de l’appliquer immédiatement, à compter de son entrée en vigueur, à la situation des requérants. Ainsi, en l’absence de toute rétroactivité dans l’application de l’article 45 dans sa version modifiée, le premier argument de la Commission ne saurait être retenu.

    45      D’autre part, la Commission fait valoir que l’article 13, paragraphe 3, des DGE a été adopté en raison de la transition d’une structure de carrière vers une autre au cours d’une même année civile, afin que, comme il ressort du point 2.5 du document intitulé « Exercice de promotion 2004 », susmentionné, l’exercice de promotion puisse entièrement avoir lieu sur la base de la seule réglementation en vigueur avant le 1er mai 2004.

    46      Toutefois, il a déjà été jugé que les dispositions générales d’exécution adoptées sur la base de l’article 110, premier alinéa, du statut, si elles peuvent fixer des critères aptes à guider l’administration dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire ou préciser la portée des dispositions statutaires manquant de clarté, ne peuvent pas, par le biais de la précision d’un terme statutaire clair, rétrécir le champ d’application du statut (arrêt du Tribunal de première instance du 14 décembre 1990, Brems/Conseil, T‑75/89, Rec. p. II‑899, point 29).

    47      Ainsi, la Commission ne pouvait, par le biais de dispositions générales d’exécution fixant la date à laquelle la condition d’ancienneté des fonctionnaires devait être remplie, pour l’exercice au cours duquel intervenait la modification du statut, chercher à empêcher l’applicabilité immédiate d’une disposition réglementaire modificative, à laquelle le législateur lui-même n’aurait pas marqué son intention de déroger, et priver ainsi les fonctionnaires intéressés du droit de se prévaloir de la nouvelle condition d’éligibilité prévue par l’article 45 du statut modifié.

    48      En tout état de cause, la Commission n’a, ni dans ses écritures ni au cours de l’audience, établi en quoi les contraintes inhérentes à la réforme du statut auraient justifié qu’elle s’écartât de la règle selon laquelle la date d’adoption de la liste des fonctionnaires promus constituait la date pertinente pour apprécier si le fonctionnaire justifiait du minimum d’ancienneté requis pour être éligible à une promotion. En particulier, elle allègue, sans le prouver, que la prise en compte de la seule ancienne structure de carrière aurait été nécessaire pour assurer le bon déroulement de l’exercice de promotion 2004. Il convient à cet égard de constater que l’article 2 de l’annexe XIII du statut modifié a prévu, à compter du 1er mai 2004, le passage des anciens grades aux grades « intermédiaires » pour la période allant du 1er mai 2004 au 30 avril 2006, l’article 7, paragraphe 5, de la même annexe régissant, quant à lui, de manière précise, l’hypothèse de l’obtention d’une première promotion après le 1er mai 2004. La Commission n’a pas davantage expliqué ce qui l’aurait empêchée de prendre en compte, dès le 1er mai 2004, la nouvelle structure de carrière intermédiaire pour l’attribution des promotions prenant effet à compter de cette date.

    49      En conséquence, en l’absence, d’une part, de toute disposition transitoire dans le règlement n° 723/2004 qui aurait pu retarder, jusqu’au 1er janvier 2005 par exemple, l’application de l’article 45 du statut modifié et, d’autre part, en tout état de cause, de toute explication suffisamment étayée de la Commission, qui aurait pu, le cas échéant, légitimement justifier au regard d’un intérêt public péremptoire, qu’elle s’écartât temporairement et partiellement, par la voie des DGE, de l’application d’une nouvelle réglementation du Conseil pour les besoins de l’exercice de promotion 2004, il y a lieu de considérer que l’article 13, paragraphe 3, des DGE a illégalement restreint le champ d’application dans le temps de l’article 45 du statut modifié.

    50      Il y a lieu, par voie de conséquence, d'écarter, en l'espèce, l'application de l'article 13, paragraphe 3, des DGE.

    51      Dans ces conditions, il convient de considérer que, au 30 novembre 2004, date à laquelle est intervenue la décision de promotion, l’ancienneté des requérants devait être appréciée au regard des conditions prescrites par l’article 45 du statut modifié.

    52      Par conséquent, et sans qu’il soit besoin d’examiner le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance du principe de l’égalité de traitement, la décision du 14 septembre 2004, en ce qu’elle a été adoptée sans que l’ancienneté des requérants ait été dûment prise en compte selon les termes de l’article 45 du statut modifié, doit être annulée.

     Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 30 novembre 2004

     Arguments des parties

    53      Les requérants font valoir que le total des points de mérite et de priorité qu’ils avaient chacun accumulés dépassait le seuil de promotion et que, par suite, si la Commission n’avait pas à tort refusé de reconnaître leur vocation à la promotion, ils auraient été promus au grade supérieur au titre de l’exercice de promotion 2004.

    54      La Commission conclut au rejet des conclusions susmentionnées, rappelant notamment que, selon une jurisprudence constante, le statut ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions requises pour être promus.

     Appréciation du Tribunal

    55      Ainsi que le rappelle la Commission, il est de jurisprudence constante que le statut ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus (arrêts du Tribunal de première instance du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T‑262/94, RecFP p. I‑A‑257 et II‑739, point 67 ; du 9 avril 2003, Tejada Fernández/Commission, T‑134/02, RecFP p. I‑A‑125 et II‑609, point 40, et du 13 avril 2005, Nielsen/Conseil, T‑353/03, non encore publié au Recueil, point 57).

    56      Il importe également de rappeler que, pour évaluer les mérites à prendre en considération dans le cadre d’une décision de promotion tant au titre de l’article 45 du statut que de l’article 45 du statut modifié, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation et que, dans ce domaine, le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et mérites des candidats à celle de l’AIPN (arrêts de la Cour du 4 février 1987, Bouteiller/Commission, 324/85, Rec. p. 529, point 6, et du 3 avril 2003, Parlement/Samper, C‑277/01 P, Rec. p. I‑3019, point 35 ; arrêts du Tribunal de première instance, Baiwir/Commission, précité, point 66 ; du 5 mars 1998, Manzo-Tafaro/Commission, T‑221/96, RecFP p. I‑A‑115 et II‑307, point 16, et Nielsen/Commission, précité, point 58). De plus, il ressort expressément des termes de l’article 45 du statut modifié que, dans le cadre d’une procédure de promotion, l’AIPN est tenue d’effectuer son choix sur la base d’un examen comparatif des rapports de notation et des mérites respectifs des fonctionnaires ayant vocation à la promotion.

    57      Or, en l’espèce, il est constant que la Commission n’a pas procédé à l’examen comparatif des mérites des requérants, alors que ces derniers, ainsi qu’il a été démontré ci-dessus, avaient vocation à la promotion. Par suite, la décision du 30 novembre 2004, en ce qu’elle n’a pas pris en compte l’éligibilité des requérants à la promotion et, par voie de conséquence, n’a pas procédé à la comparaison de leurs mérites, doit également être annulée.

     Sur les dépens

    58      Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, non encore publié au Recueil, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles applicables relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

    59      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens du requérant.

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

    déclare et arrête :

    1)      La décision du 14 septembre 2004, par laquelle la Commission des Communautés européennes a refusé de considérer MM. Balabanis et Le Dour comme éligibles à une promotion au titre de l’exercice de promotion 2004, est annulée.

    2)      La décision du 30 novembre 2004, par laquelle la Commission des Communautés européennes n’a pas promu MM. Balabanis et Le Dour au titre de l’exercice de promotion 2004, est annulée.

    3)      La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

    Van Raepenbusch

    Boruta

    Kanninen

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 novembre 2006.

    Le greffier

     

           Le président

    W. Hakenberg

     

           S. Van Raepenbusch


    * Langue de procédure : le français.

    Góra