This document is an excerpt from the EUR-Lex website
Document 62023CJ0029
Judgment of the Court (Sixth Chamber) of 4 October 2024.#Ferriera Valsabbia SpA and Others v European Commission.#Joined Cases C-29/23 P and C-30/23 P.
Urteil des Gerichtshofs (Sechste Kammer) vom 4. Oktober 2024.
Ferriera Valsabbia SpA u. a. gegen Europäische Kommission.
Verbundene Rechtssachen C-29/23 P und C-30/23 P.
Urteil des Gerichtshofs (Sechste Kammer) vom 4. Oktober 2024.
Ferriera Valsabbia SpA u. a. gegen Europäische Kommission.
Verbundene Rechtssachen C-29/23 P und C-30/23 P.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:844
ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
4 octobre 2024 (*)
« Pourvoi – Concurrence – Ententes – Marché des ronds à béton – Décision de la Commission européenne constatant une infraction à l’article 65 CA, après l’expiration du traité CECA, sur le fondement du règlement (CE) no 1/2003 – Décision prise à la suite de l’annulation de décisions antérieures – Tenue d’une nouvelle audition en présence des autorités de concurrence des États membres – Droits de la défense – Principe de bonne administration – Exigence d’impartialité – Délai raisonnable – Obligation de motivation »
Dans les affaires jointes C‑29/23 P et C‑30/23 P,
ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits le 18 janvier 2023,
Ferriera Valsabbia SpA, établie à Odolo (Italie),
Valsabbia Investimenti SpA, établie à Odolo,
représentées par Me G. Carnazza, avvocata, Mes D. M. Fosselard et D. Slater, avocats (C‑29/23 P),
Alfa Acciai SpA, établie à Brescia (Italie), représentée par Mes G. Carnazza, S. D’Ecclesiis, avvocati, Mes D. M. Fosselard et D. Slater, avocats (C‑30/23 P),
parties requérantes,
l’autre partie à la procédure étant :
Commission européenne, représentée par MM. G. Conte, P. Rossi et Mme C. Sjödin, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. P. G. Xuereb (rapporteur) et A. Kumin, juges,
avocat général : M. N. Emiliou,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par leurs pourvois, Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA ainsi que Alfa Acciai SpA demandent l’annulation, respectivement, des arrêts du Tribunal de l’Union européenne du 9 novembre 2022, Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti/Commission (T‑655/19, EU:T:2022:689), et du 9 novembre 2022, Alfa Acciai/Commission (T‑656/19, EU:T:2022:690), (ci-après, ensemble, les « arrêts attaqués »), par lesquels cette juridiction a rejeté leurs recours tendant à l’annulation de la décision C(2019) 4969 final de la Commission, du 4 juillet 2019, relative à une violation de l’article 65 du traité CECA (affaire AT.37956 – Ronds à béton) (ci–après la « décision litigieuse »), en tant qu’elle les concerne.
Le cadre juridique
Le règlement (CE) no 1/2003
2 L’article 14, intitulé « comité consultatif », du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), dispose :
« 1. La Commission consulte un comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes avant de prendre une décision en application des articles 7, 8, 9, 10 et 23, de l’article 24, paragraphe 2, et de l’article 29, paragraphe 1.
2. Pour l’examen des cas individuels, le comité consultatif est composé de représentants des autorités de concurrence des États membres. [...]
[...]
5. La Commission tient le plus grand compte de l’avis du comité consultatif. Elle informe ce dernier de la façon dont elle a tenu compte de son avis.
[...] »
3 Selon l’article 23, paragraphe 2, sous a), de ce règlement, la Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 101 ou 102 du traité FUE.
4 L’article 27 dudit règlement, intitulé « Audition des parties, des plaignants et des autres tiers », prévoit :
« 1. Avant de prendre les décisions prévues aux articles 7, 8 et 23 et à l’article 24, paragraphe 2, la Commission donne aux entreprises et associations d’entreprises visées par la procédure menée par la Commission l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission. La Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations. Les plaignants sont étroitement associés à la procédure.
2. Les droits de la défense des parties concernées sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure. [...]
3. Si la Commission le juge nécessaire, elle peut également entendre d’autres personnes physiques ou morales. Si des personnes physiques ou morales justifiant d’un intérêt suffisant demandent à être entendues, il doit être fait droit à leur demande. Les autorités de concurrence des États membres peuvent également demander à la Commission d’entendre d’autres personnes physiques ou morales.
[...] »
Le règlement no 773/2004
5 L’article 11, intitulé « Droit des parties d’être entendues », du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), tel que modifié par le règlement (CE) no 622/2008 de la Commission, du 30 juin 2008 (JO 2008, L 171, p. 3) (ci-après le « règlement no 773/2004 »), dispose :
« 1. La Commission donne aux parties auxquelles elle adresse une communication des griefs la possibilité d’être entendues avant de consulter le comité consultatif visé à l’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2003.
2. Dans ses décisions, la Commission ne retient que les griefs au sujet desquels les parties visées au paragraphe 1 ont eu l’occasion de présenter des observations. »
6 L’article 12 du règlement no 773/2004, intitulé « Droit à une audition », énonce :
« 1. La Commission donne aux parties auxquelles elle adresse une communication des griefs la possibilité de développer leurs arguments lors d’une audition, si elles en font la demande dans leurs observations écrites.
2. Toutefois, lorsqu’elles présentent des propositions de transaction, les parties confirment à la Commission qu’elles ne demanderont à développer leurs arguments lors d’une audition que si la communication des griefs ne reflète pas la teneur de leurs propositions de transaction. »
7 L’article 13 de ce règlement, intitulé « Audition des tiers », prévoit :
« 1. Si des personnes physiques ou morales autres que celles qui sont visées aux articles 5 et 11 demandent à être entendues et justifient d’un intérêt suffisant, la Commission les informe par écrit de la nature et de l’objet de la procédure et elle leur donne la possibilité de faire connaître leur point de vue par écrit dans un délai qu’elle fixe.
2. La Commission peut, le cas échéant, inviter les personnes visées au paragraphe 1 à développer leurs arguments lors de l’audition des parties auxquelles une communication des griefs a été adressée, si elles en font la demande dans leurs observations écrites.
3. La Commission peut inviter toute autre personne à exprimer son point de vue par écrit et à assister à l’audition des parties auxquelles une communication des griefs a été adressée. La Commission peut aussi inviter ces personnes à exprimer leur point de vue au cours de cette audition. »
8 L’article 14 dudit règlement, intitulé « Conduite des auditions », est libellé comme suit :
« 1. Les auditions sont conduites en toute indépendance par un conseiller-auditeur.
2. La Commission invite les personnes qui doivent être entendues à assister à l’audition à la date qu’elle fixe.
3. La Commission invite les autorités de concurrence des États membres à prendre part à l’audition. Elle peut également inviter les fonctionnaires et agents d’autres autorités des États membres.
[...] »
Les antécédents du litige et la décision litigieuse
9 Les antécédents du litige, qui figurent aux points 1 à 28 des arrêts attaqués, peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit.
10 Ferriera Valsabbia et Alfa Acciai sont des sociétés de droit italien actives dans le secteur des ronds à béton. Valsabbia Investimenti contrôle 100 % du capital de Ferriera Valsabbia.
La décision de 2002
11 Entre le mois d’octobre et le mois de décembre 2000, la Commission des Communautés européennes a effectué, conformément à l’article 47 CA, des vérifications auprès d’entreprises italiennes productrices de ronds à béton, dont les requérantes et une association d’entreprises, la Federazione Imprese Siderurgiche Italiane (Fédération des entreprises sidérurgiques italiennes) (ci-après la « Fédération »). Elle leur a également adressé des demandes de renseignements, en application de cette disposition.
12 Le 26 mars 2002, la Commission a ouvert une procédure d’application de l’article 65 CA et formulé des griefs au titre de l’article 36 CA (ci-après la « communication des griefs ») notifiés notamment à Alfa Acciai ainsi qu’à Ferriera Valsabbia et à Valsabbia Investimenti. Celles-ci ont répondu à la communication des griefs respectivement le 14 et le 31 mai 2002.
13 Le 13 juin 2002, la Commission a procédé à une première audition des parties, à laquelle les requérantes ont participé.
14 Le 12 août 2002, la Commission a adressé, aux mêmes destinataires que ceux visés au point 12 du présent arrêt, des griefs supplémentaires (ci-après la « communication des griefs supplémentaires »). Elle y a expliqué sa position concernant la poursuite de la procédure après l’expiration du traité CECA, le 23 juillet 2002. Les requérantes ont répondu à la communication des griefs supplémentaires au mois de septembre 2002.
15 Le 30 septembre 2002, la Commission a procédé à une deuxième audition des parties, en présence des représentants des autorités de concurrence des États membres. Cette audition concernait l’objet de la communication des griefs supplémentaires, à savoir les conséquences juridiques de l’expiration du traité CECA sur la poursuite de la procédure.
16 À l’issue de la procédure administrative, la Commission a adopté la décision C(2002) 5087 final, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (COMP/37.956 – Ronds à béton) (ci-après la « décision de 2002 »), adressée à la Fédération et à huit entreprises, dont les requérantes. Elle y a constaté que cette association et ces entreprises avaient, entre le mois de décembre 1989 et le mois de juillet 2000, mis en œuvre une entente unique, complexe et continue sur le marché italien des ronds à béton en barres ou en rouleaux ayant pour objet ou pour effet la fixation des prix et la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes de ces produits, contraire à l’article 65, paragraphe 1, CA. Elle a, à ce titre, infligé une amende d’un montant de 7,175 millions d’euros à Alfa Acciai et, de manière solidaire, une amende d’un montant de 10,25 millions d’euros à Ferriera Valsabbia et à Valsabbia Investimenti.
17 Le 5 mars 2003, les requérantes ont formé des recours devant le Tribunal contre la décision de 2002. Le Tribunal a annulé cette décision à l’égard des requérantes et des autres entreprises destinataires (arrêt du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission, T‑27/03, T‑46/03, T‑58/03, T‑79/03, T‑80/03, T‑97/03 et T‑98/03, EU:T:2007:317), au motif que la base juridique utilisée, soit l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA, n’était plus en vigueur au moment de l’adoption de ladite décision. De ce fait, la Commission n’avait pas compétence, sur le fondement de ces dispositions, pour constater et sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA après l’expiration du traité CECA. Le Tribunal n’a pas examiné les autres aspects de la même décision.
18 La décision de 2002 est devenue définitive à l’égard de la Fédération, qui n’a pas introduit de recours devant le Tribunal.
La décision de 2009
19 Par lettre du 30 juin 2008, la Commission a informé les requérantes et les autres entreprises concernées de son intention d’adopter une nouvelle décision, en corrigeant la base juridique utilisée. Elle a, en outre, précisé que ladite décision serait fondée sur les preuves présentées dans la communication des griefs et la communication des griefs supplémentaires. Sur invitation de la Commission, les requérantes ont présenté des observations écrites le 4 septembre 2008.
20 Le 30 septembre 2009, la Commission a adopté la décision C(2009) 7492 final, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire COM/37.956 – Ronds à béton, réadoption), adressée aux mêmes entreprises que la décision de 2002, dont les requérantes. Cette décision a été adoptée sur le fondement des règles procédurales du traité CE et du règlement no 1/2003. Elle reposait sur les éléments visés dans la communication des griefs et la communication des griefs supplémentaires et reprenait, en substance, la teneur et les conclusions de la décision de 2002. En particulier, le montant des amendes infligées aux requérantes restait inchangé.
21 Le 8 décembre 2009, la Commission a adopté une décision modificative, intégrant, dans son annexe, les tableaux illustrant les variations de prix omis de sa décision du 30 septembre 2009 et corrigeant les renvois numérotés auxdits tableaux dans huit notes en bas de page.
22 Alfa Acciai ainsi que Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti ont, respectivement le 8 février 2010 et le 17 février 2010, formé des recours devant le Tribunal contre la décision de la Commission du 30 septembre 2009, telle que modifiée par la décision du 8 décembre 2009 (ci-après la « décision de 2009 »). Le 9 décembre 2014, le Tribunal a rejeté ces recours (arrêts du 9 décembre 2014, Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti/Commission, T‑92/10, EU:T:2014:1032, et du 9 décembre 2014, Alfa Acciai/Commission, T‑85/10, EU:T:2014:1037), réduit le montant des amendes infligées à deux autres destinataires de la décision de 2009 et rejeté les autres recours introduits contre cette décision (ci-après, pris ensemble, les « arrêts de 2014 »).
23 Le 20 février 2015, les requérantes ont introduit des pourvois contre les arrêts du 9 décembre 2014 par lesquels le Tribunal avait rejeté leurs recours. Par arrêt du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717), la Cour a annulé lesdits arrêts du Tribunal ainsi que la décision de 2009 à l’égard, notamment, des requérantes.
24 Dans cet arrêt, la Cour a rappelé l’importance de la tenue, sur demande des parties concernées, d’une audition à laquelle les autorités de concurrence des États membres sont invitées, l’omission d’une telle audition constituant une violation des formes substantielles. Elle a précisé que, en l’espèce, une telle violation avait eu lieu. L’audition du 13 juin 2002, la seule qui concernait le fond de l’affaire, n’aurait pas pu être considérée comme étant conforme aux exigences procédurales relatives à l’adoption d’une décision sur le fondement du règlement no 1/2003, en raison de l’absence de participation des autorités de concurrence des États membres.
25 Pour les mêmes motifs, la Cour a annulé d’autres arrêts de 2014 ainsi que la décision de 2009, à l’égard de trois autres entreprises. En revanche, la décision de 2009 est devenue définitive pour les entreprises destinataires qui n’avaient pas formé de pourvois.
La décision de 2019
26 Par lettre du 15 décembre 2017, la Commission a informé les requérantes de son intention de reprendre la procédure administrative et d’organiser une nouvelle audition des parties en présence des autorités de concurrence des États membres.
27 Par lettres du 1er février 2018, les requérantes ont présenté des observations dans lesquelles elles ont contesté le pouvoir de la Commission de reprendre la procédure administrative.
28 Le 23 avril 2018, la Commission a tenu une nouvelle audition concernant le fond de l’affaire, à laquelle ont pris part, en présence des représentants des autorités de concurrence des États membres et du conseiller-auditeur, les requérantes ainsi que trois autres entreprises destinataires de la décision de 2009.
29 Par lettres du 19 novembre 2018 ainsi que des 18 janvier et 6 mai 2019, la Commission a envoyé trois demandes de renseignements aux requérantes concernant leur chiffre d’affaires.
30 Le 4 juillet 2019, la Commission a adopté la décision litigieuse, qui était adressée aux cinq entreprises, dont les requérantes, à l’égard desquelles la décision de 2009 avait été annulée, notamment à Partecipazioni Industriali SpA (anciennement Riva Acciaio SpA puis Riva Fire SpA).
31 Par la décision litigieuse, la Commission a constaté la même infraction que celle ayant fait l’objet de la décision de 2009, tout en réduisant les amendes infligées aux entreprises destinataires de 50 % en raison de la durée de la procédure. Par l’article 2 de cette décision, elle a infligé à Alfa Acciai une amende d’un montant de 3,587 millions d’euros et à Ferriera Valsabbia ainsi qu’à Valsabbia Investimenti, de manière solidaire, une amende d’un montant de 5,125 millions d’euros.
32 Le 8 juillet 2019, la Commission a notifié une copie incomplète de la décision litigieuse, ne comprenant que les pages impaires.
33 Le 18 juillet 2019, une version complète de la décision litigieuse a été notifiée aux requérantes.
La procédure devant le Tribunal et les arrêts attaqués
34 Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 27 septembre 2019, les requérantes ont introduit des recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
35 Au soutien de leurs recours, les requérantes ont soulevé quatre moyens tirés, le premier, de la violation de règles procédurales lors de l’audition du 23 avril 2018, laquelle aurait entraîné une violation des droits de la défense, le deuxième, du refus de la Commission de vérifier, avant d’adopter la décision litigieuse, la compatibilité de cette décision avec le principe du délai raisonnable de la procédure, le troisième, et une partie du quatrième, de la violation du principe du délai raisonnable de la procédure, et, le quatrième, de la violation de l’obligation de motivation ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation.
36 S’agissant, notamment, du premier moyen, les requérantes ont fait valoir, par le premier des trois griefs soulevés dans le cadre de ce moyen, que le comité consultatif prévu par le règlement no 1/2003 n’avait pas été valablement consulté, car les modalités de l’audition à laquelle les membres de ce comité représentants des autorités de concurrence des États membres devaient être invités n’auraient pas permis de garantir leur impartialité.
37 Par le deuxième grief dudit moyen, les requérantes faisaient valoir que la Commission, d’une part, a violé diverses règles relatives à l’organisation des auditions et, d’autre part, a commis une erreur en omettant d’inviter la Fédération, Leali SpA et sa filiale Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA, Lucchini SpA, Partecipazioni Industriali SpA, Industrie Riunite Odolesi SpA et l’Associazione Nazionale Sagomatori Ferro (Association nationale des entreprises de façonnage de fer) (ci-après l’« Ansfer ») à l’audition du 23 avril 2018, alors que, ayant joué un rôle important dans le dossier, ces entités auraient pu communiquer aux autorités de concurrence des États membres des éléments permettant à ces dernières d’arrêter leur position en pleine connaissance de cause. Selon les requérantes, n’ayant pu bénéficier d’un avis rendu en pleine connaissance de cause par ces autorités, leurs droits de la défense avaient été méconnus.
38 Par le troisième grief du premier moyen, les requérantes ont soutenu qu’il était impossible de remédier au défaut procédural censuré par la Cour. En raison du délai écoulé, les changements intervenus dans l’identité des acteurs et la structure du marché étaient tels, selon elles, qu’aucune audition ne pouvait être organisée dans des conditions identiques ou, à tout le moins, équivalentes à celles qui prévalaient en 2002.
39 Par les arrêts attaqués, le Tribunal a rejeté les recours dans leur intégralité.
40 S’agissant du premier moyen de première instance, le Tribunal a jugé, premièrement, que l’argumentation des requérantes n’était pas susceptible d’établir que l’impartialité tant des représentants des autorités de concurrence des États membres au sein du comité consultatif que de la Commission n’était pas garantie en l’espèce. Deuxièmement, en n’invitant pas à l’audition du 23 avril 2018 certaines entreprises et associations, la Commission n’aurait violé ni les règles relatives à l’organisation des auditions ni les droits de la défense des requérantes. Troisièmement, les changements du contexte relatifs à l’écoulement du temps n’affecteraient pas la possibilité, pour la Commission, de reprendre une procédure à la suite de l’annulation d’une de ses décisions par un arrêt de la Cour ou du Tribunal, pour autant que cette institution ait vérifié que la poursuite de la procédure apparaissait encore comme étant une solution appropriée à la situation, ainsi que la Commission l’aurait fait en l’occurrence.
41 En ce qui concerne le troisième moyen de première instance, le Tribunal a considéré que ni la durée des phases administratives de la procédure menée par la Commission ni la durée totale de cette procédure n’était excessive et que, en tout état de cause, même à supposer que la durée de la procédure puisse être considérée comme contraire au principe du délai raisonnable, aucune atteinte à leurs droits de la défense découlant de cette durée n’avait pu être établie par les requérantes.
42 S’agissant du quatrième moyen de première instance, le Tribunal a jugé, en ce qui concerne les trois derniers griefs que ce moyen comportait, premièrement, que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant, malgré les changements intervenus sur le marché des ronds à béton, qu’adopter une décision et infliger une sanction était encore nécessaire pour dissuader les entreprises destinataires d’adopter un tel comportement à l’avenir et pour dissuader l’ensemble des acteurs éventuellement concernés de commettre des infractions comparables dans le futur. Deuxièmement, le Tribunal a rejeté, comme n’étant pas fondées, les objections des requérantes visant l’un des arguments avancés par la Commission, dans la décision litigieuse, pour justifier la reprise de la procédure administrative, à savoir qu’il y avait lieu de garantir la possibilité pour des tiers d’introduire encore des actions en réparation à la suite de l’adoption de cette décision. Troisièmement, le Tribunal a jugé, notamment, que, étant donné que la durée de la procédure administrative n’était pas déraisonnable, la Commission n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en affirmant, au considérant 555 de la décision litigieuse, que, « en ce qui concerne la phase administrative, [elle] estime avoir toujours mené son activité d’enquête avec célérité et sans interruptions injustifiées ».
Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour
43 Par leurs pourvois, les requérantes demandent à la Cour :
– d’annuler les arrêts attaqués ;
– d’annuler la décision litigieuse, et
– de condamner la Commission aux dépens des deux instances.
44 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter les pourvois et
– de condamner les requérantes aux dépens.
45 Par décision du président de la Cour du 14 février 2023, les affaires C‑29/23 P et C‑30/23 P ont été jointes aux fins de la suite de la procédure et de l’arrêt.
Sur les pourvois
46 Au soutien de leurs pourvois, les requérantes soulèvent trois moyens.
Sur le premier moyen
Sur la première branche
– Argumentation des parties
47 Par la première branche de leur premier moyen, les requérantes contestent les motifs par lesquels le Tribunal, aux points 61 à 64 des arrêts attaqués, a rejeté leur grief tiré d’un manque d’impartialité des autorités de concurrence des États membres siégeant au sein du comité consultatif.
48 Premièrement, en jugeant, au point 63 de cet arrêt, qu’il serait incompatible avec l’article 266 TFUE de considérer que « la connaissance possible d’une solution antérieurement adoptée et, le cas échéant, confirmée dans un arrêt du Tribunal annulé par la suite par la Cour sur pourvoi » puisse « faire obstacle, par elle-même, à une reprise de procédure », le Tribunal aurait commis une erreur de droit. En effet, il aurait omis de tenir compte du caractère exceptionnel de la situation en cause qui appelait une réponse du Tribunal à la lumière des faits de l’affaire et des arguments des requérantes. Accueillir le grief des requérantes n’aurait emporté de conséquences que pour les seules situations analogues à celle de l’espèce.
49 Deuxièmement, le Tribunal n’aurait pas pris position à l’égard des circonstances spécifiques qui auraient sensiblement accru le risque de partialité des représentants des autorités de concurrence des États membres, au regard, en particulier, d’une décision de l’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (AGCM) (autorité garante de la concurrence et du marché, Italie), adoptée en 2017, dans laquelle cette autorité se serait appuyée tant sur la décision de 2009 que sur les arrêts de 2014. Les arrêts attaqués seraient donc entachés d’un défaut de motivation, constitutif d’une omission de statuer.
50 Troisièmement, l’impartialité des autorités de concurrence des États membres aurait été remise en cause par les avis que ces autorités avaient déjà émis à un stade antérieur de la procédure en cause.
51 La Commission fait valoir que ce dernier argument est nouveau et donc irrecevable. En tout état de cause, ledit argument ainsi que la première branche prise dans son ensemble seraient dépourvus de fondement.
– Appréciation de la Cour
52 S’agissant, en premier lieu, du grief selon lequel les autorités de concurrence des États membres n’auraient pas été impartiales du fait qu’elles avaient déjà émis des avis à un stade antérieur de la procédure, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 170, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. Ainsi, selon une jurisprudence constante, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour des moyens et des arguments qu’elle n’a pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à l’autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens et des arguments qui ont été débattus devant lui (arrêt du 29 février 2024, Euranimi/Commission, C‑95/23 P, EU:C:2024:177, point 53 et jurisprudence citée).
53 Au point 55 des arrêts attaqués, le Tribunal a relevé que le grief de première instance tiré d’un manque d’impartialité des autorités de concurrence des États membres était fondé sur le fait que, lorsque ces autorités ont participé à l’audition du 23 avril 2018 et ont, ensuite, rendu leur avis, elles connaissaient la position qu’avaient adoptée la Commission dans ses décisions de 2002 et de 2009 et le Tribunal dans les arrêts de 2014 ce qui, selon les requérantes, aurait inévitablement influencé lesdites autorités d’une manière rendant impossible la formulation d’un avis en toute impartialité.
54 Cette description du grief de première instance n’a pas été contestée par les requérantes dans leurs pourvois. Or, force est de constater qu’il ne ressort pas de ladite description que, devant le Tribunal, les requérantes aient fait valoir que le prétendu manque d’impartialité des autorités de concurrence des États membres était dû au fait que ces autorités avaient déjà émis des avis à un stade antérieur de la procédure en cause.
55 Il s’ensuit que l’argumentation prise de ce fait ayant été soulevée pour la première fois devant la Cour, elle doit être rejetée comme étant irrecevable.
56 En deuxième lieu, s’agissant du grief visé au point 48 du présent arrêt, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il découle de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure qu’un pourvoi doit, sous peine d’irrecevabilité, indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (arrêt du 18 janvier 2024, Jenkinson/Conseil e.a., C‑46/22 P, EU:C:2024:50, point 60 ainsi que jurisprudence citée).
57 Ne répond notamment pas à ces exigences et doit être déclaré irrecevable un moyen dont l’argumentation n’est pas suffisamment claire et précise pour permettre à la Cour d’exercer son contrôle de légalité (arrêt du 18 janvier 2024, Jenkinson/Conseil e.a., C‑46/22 P, EU:C:2024:50, point 61 ainsi que jurisprudence citée).
58 En l’espèce, le Tribunal, après avoir rappelé que l’exigence d’impartialité, prévue à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, recouvre tant l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, que l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime, a jugé, aux points 62 et 63 des arrêts attaqués, que décider que la connaissance possible d’une solution antérieurement adoptée et, le cas échéant, confirmée dans un arrêt du Tribunal annulé par la suite par la Cour pourrait faire obstacle, par elle-même, à une reprise de la procédure serait incompatible avec l’article 266 TFUE qui, en cas d’annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE, impose aux institutions, aux organes ou aux organismes de l’Union de prendre les mesures que comporte l’exécution des arrêts rendus à leur égard, sans pour autant les affranchir de la mission consistant à assurer, dans les domaines relevant de leur compétence, l’application du droit de l’Union.
59 Or, bien que les requérantes soutiennent qu’une telle appréciation est erronée en droit, faute pour le Tribunal d’avoir tenu compte du caractère exceptionnel de la situation en cause, elles restent en défaut de démontrer comment ce caractère prétendument exceptionnel pourrait remettre en cause l’appréciation selon laquelle la seule connaissance de solutions antérieurement adoptées et, le cas échéant, confirmées par le juge de l’Union ne signifiait pas que les autorités de concurrence des États membres siégeant dans le comité consultatif n’étaient pas en mesure de former et d’émettre leurs avis avec l’impartialité requise. Ainsi, les requérantes ne développent aucune argumentation juridique précise permettant à la Cour d’effectuer son contrôle de légalité.
60 Il s’ensuit que le grief visé au point 48 du présent arrêt doit être rejeté comme étant irrecevable.
61 En troisième lieu, en ce qui concerne les circonstances spécifiques qui auraient sensiblement accru le risque de partialité des représentants des autorités de concurrence des États membres, les requérantes se bornent à invoquer la décision de l’AGCM de 2017 mentionnée au point 49 du présent arrêt. Toutefois, les requérantes n’ont pas contesté la déclaration de la Commission dans son mémoire en réponse, selon laquelle elles n’avaient pas invoqué cette décision dans la procédure en première instance. Il s’ensuit que les requérantes ne peuvent pas reprocher au Tribunal de ne pas avoir examiné cet élément dans les arrêts attaqués.
62 Par conséquent, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant irrecevable.
Sur la deuxième branche
– Argumentation des parties
63 Par la deuxième branche du premier moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal, aux points 67, 68, 71, 74 et 139 des arrêts attaqués, a commis une erreur de droit en rejetant leur grief tiré de la violation des droits de la défense causée par l’absence de certaines entreprises et associations lors de l’audition du 23 avril 2018.
64 D’une part, le Tribunal aurait commis une erreur en jugeant, au point 67 de ces arrêts, que ce grief reviendrait, pour les requérantes, à invoquer la violation des droits de la défense de tiers. Or, les requérantes auraient fait valoir qu’une audition sur le fond de l’affaire, en présence des représentants des autorités de concurrence des États membres, ne pouvait plus être organisée en 2018, vu l’impossibilité pratique de reproduire les conditions dans lesquelles ces représentants se seraient trouvés au cours de l’année 2002 en disposant de la possibilité d’aborder les points de vue de toutes les parties à la procédure et des personnes physiques ou morales ayant justifié d’un intérêt suffisant, au sens de l’article 27, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement no 1/2003 et de l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement no 773/2004.
65 D’autre part, le Tribunal aurait omis d’examiner la violation des obligations incombant à la Commission en vertu de l’article 266 TFUE. Eu égard aux arrêts du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717), et du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission (T‑691/14, EU:T:2018:922), ainsi qu’aux conclusions de l’avocat général Wahl dans les affaires Feralpi e.a./Commission (C‑85/15 P, C‑86/16 P et C‑87/15 P, C‑88/15 P et C‑89/15 P, EU:C:2016:940), la Commission aurait été tenue, afin de reprendre la procédure, d’organiser une audition apte à fournir aux représentants des autorités de concurrence des États membres les informations les plus complètes possible, c’est-à-dire les plus semblables possible à celles dont ils auraient pu disposer s’ils avaient participé à l’audition du 13 juin 2002, pour permettre au comité consultatif d’émettre son avis en pleine connaissance de cause.
66 La Commission conteste cette argumentation.
– Appréciation de la Cour
67 S’agissant du premier grief, il y a lieu de relever que le Tribunal, après avoir résumé l’argumentation des requérantes au point 65 des arrêts attaqués, qui n’est pas contesté dans le cadre du présent pourvoi, a jugé, au point 66 de ces arrêts, qu’il convenait « d’examiner si, dans l’organisation de l’audition [du 23 avril 2018], la Commission [avait] violé une règle qui s’imposait à elle et si elle [avait], de la sorte, ou d’une quelconque autre manière, entravé les droits de la défense des requérantes » à l’occasion de cette audition. Aux points 67 à 141 desdits arrêts, le Tribunal a procédé à cet examen.
68 Or, aux points 67 et 68 des arrêts attaqués, le Tribunal s’est borné à rappeler que la participation à l’audition fait partie des droits procéduraux dont la violation, en raison de leur nature subjective, doit être invoquée par l’entreprise ou le tiers qui en est titulaire et que, partant, les requérantes ne sauraient demander avec succès l’annulation d’une décision pour le seul motif qu’auraient été méconnus, en l’espèce, des droits procéduraux bénéficiant à des tiers ou à d’autres parties.
69 Contrairement à ce que les requérantes font valoir, le Tribunal n’a pas jugé qu’elles avaient invoqué la violation des droits procéduraux de tiers, ce qui est d’ailleurs confirmé par le fait que, par la suite, le Tribunal a examiné, de manière détaillée, si, au-delà du respect dû aux droits dont disposaient d’autres personnes ou entités, la Commission avait enfreint des règles concernant l’organisation des auditions d’une manière ayant pu entraver la défense des requérantes.
70 Le premier grief repose donc sur une lecture erronée des points 67 et 68 de l’arrêt attaqué et doit, partant, être rejeté comme étant non fondé.
71 S’agissant du deuxième grief, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 266 TFUE, l’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour.
72 Dans l’arrêt annulant, d’une part, les arrêts du Tribunal rejetant les recours des requérantes contre la décision de 2009 et, d’autre part, cette décision, en ce qu’elle concernait les requérantes, la Cour a considéré que la Commission aurait été tenue, en application des articles 12 et 14 du règlement no 773/2004, de donner aux parties l’occasion de développer leurs arguments lors d’une audition sur le fond de l’affaire à laquelle les autorités de concurrence des États membres devaient être invitées, ce que cette institution avait omis de faire. Compte tenu de l’importance, dans le cadre de la procédure prévue par les règlements nos 1/2003 et 773/2004, de la tenue, sur demande des parties concernées, d’une audition à laquelle, conformément à l’article 14, paragraphe 3, du second de ces règlements, les autorités de concurrence des États membres sont invitées, la Cour a jugé que l’omission d’une telle audition constitue une violation des formes substantielles et que le Tribunal avait donc commis une erreur de droit en jugeant que la Commission n’avait pas l’obligation, avant l’adoption de la décision litigieuse, d’organiser une nouvelle audition conformément à l’article 14 du règlement no 773/2004 (arrêt du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission, C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717, points 44 à 48).
73 Il s’ensuit que, pour pouvoir adopter la décision litigieuse, la Commission était tenue d’organiser une audition conforme aux dispositions des règlements nos 1/2003 et 773/2004.
74 Or, au point 139 des arrêts attaqués, le Tribunal a jugé, au terme d’un examen détaillé, que la Commission n’avait pas violé de règles procédurales concernant l’audition d’autres personnes ou entités et que, par conséquent, l’exercice des droits de la défense dont se prévalaient les requérantes n’avait pu être entravé d’aucune manière par la violation de telles règles.
75 Il est vrai que les requérantes, par la deuxième branche du premier moyen, critiquent le point 139 des arrêts attaqués. Toutefois, elles ne contestent pas, sauf en ce qui concerne le cas de l’Ansfer, visé par la troisième branche de ce moyen, les considérations qui ont amené le Tribunal à considérer que la Commission n’avait pas enfreint les dispositions des règlements nos 1/2003 et 773/2004.
76 En effet, les requérantes se bornent à faire valoir que, pour satisfaire à ses obligations découlant de l’article 266 TFUE, la Commission aurait dû organiser une audition qui aurait permis aux représentants des autorités de concurrence des États membres de disposer des informations les plus semblables à celles qu’ils auraient pu obtenir s’ils avaient participé à l’audition du 13 juin 2002.
77 Or, une obligation d’une telle nature ne se laisse déduire ni de l’article 266 TFUE ni de l’arrêt de la Cour du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717).
78 Certes, il ressort de la jurisprudence du Tribunal invoquée par les requérantes que l’audition doit être organisée de manière à permettre au comité consultatif de rendre son avis en pleine connaissance de cause. Toutefois, cette condition est remplie dès que la Commission s’est conformée aux obligations que lui imposent les règlements nos 1/2003 et 773/2004 à cet égard. Or, en l’occurrence, et sauf pour le cas de l’Ansfer, qui sera examiné dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, les requérantes n’ont pas contesté que tel était le cas.
79 Il s’ensuit que la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.
Sur la troisième branche
– Argumentation des parties
80 Par la troisième branche du premier moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal, aux points 118, 121, 125 et 130 des arrêts attaqués, a commis plusieurs erreurs de droit s’agissant de la décision de la Commission de ne pas inviter l’Ansfer à l’audition du 23 avril 2018.
81 Premièrement, la jurisprudence citée par le Tribunal au point 118 des arrêts attaqués ne serait pas pertinente. Ainsi, cette jurisprudence ne pourrait pas confirmer l’appréciation du Tribunal selon laquelle une personne, telle que l’Ansfer, pouvait perdre sa qualité de « tiers intéressé » en raison de l’écoulement du temps lié aux instances judiciaires relatives à l’affaire en cause.
82 Deuxièmement, la Commission aurait expressément affirmé, au considérant 110 de la décision litigieuse, que l’Ansfer avait le statut de tiers intéressé. En conséquence, il n’y aurait eu aucun réexamen de la position procédurale de l’Ansfer, contrairement à ce qu’affirmerait le Tribunal.
83 Troisièmement, il aurait en tout état de cause été impossible de procéder à un tel réexamen, étant donné que la décision de reconnaître le statut de tiers intéressé à l’Ansfer avait été prise avant les auditions du 13 juin et du 30 septembre 2002 et ne pouvait donc être affectée par l’annulation de la décision de 2009.
84 Quatrièmement, il ne serait pas possible de déterminer sur quel fondement le Tribunal pouvait affirmer, au point 125 des arrêts attaqués, que, si les requérantes estimaient que l’intervention de l’Ansfer était nécessaire ou utile pour leur défense, il leur appartenait d’informer cette association de la reprise de la procédure afin qu’elle se manifeste auprès de la Commission ou de demander à cette dernière d’inviter ladite association. En effet, ayant déjà invité l’Ansfer en 2002, la Commission n’aurait pas pu omettre de l’inviter à l’audition du 23 avril 2018.
85 À titre subsidiaire, les requérantes s’opposent à l’argument tiré par le Tribunal du fait que l’Ansfer n’a pas participé à l’audition du 30 septembre 2002. En effet, tandis que l’objet de cette audition était limité à l’examen des questions de procédure liées à l’expiration du traité CA, l’Ansfer n’aurait pu contribuer qu’à la discussion des questions de fond. Son absence à ladite audition ne saurait donc constituer une preuve de son désintérêt à l’égard du fond de l’affaire.
86 La Commission considère que le grief tiré du considérant 110 de la décision litigieuse est irrecevable, en tant qu’il n’aurait pas été soulevé en première instance. En tout état de cause, ce grief serait non fondé. Les autres griefs seraient dépourvus de fondement.
– Appréciation de la Cour
87 En premier lieu, il convient de relever que le simple fait que le Tribunal a fait référence, dans les arrêts attaqués, à une jurisprudence que les requérantes considèrent comme n’étant pas pertinente ne suffit pas, en tant que tel, pour établir que cette juridiction ait commis une erreur de droit.
88 En deuxième lieu, si les requérantes peuvent, de manière recevable, invoquer le considérant 110 de la décision litigieuse, il y a lieu de relever que ce considérant se limite à indiquer que le conseiller-auditeur avait reconnu, à un certain moment, l’Ansfer comme appartenant aux tiers intéressés, au sens de l’article 27, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement no 1/2003 et de l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement no 773/2004, sans se prononcer sur la question de savoir si cette association avait conservé ce statut jusqu’en 2018.
89 En troisième lieu, les arguments résumés aux points 84 et 85 du présent arrêt sont fondés sur la prémisse que l’Ansfer a maintenu son statut de tiers intéressé jusqu’en 2018.
90 Or, le Tribunal a considéré que cette prémisse était erronée.
91 Il y a lieu de rappeler que, à cet égard, le Tribunal, au point 116 des arrêts attaqués, a énuméré certains faits non contestés par les requérantes, à savoir que, en 2002, l’Ansfer, ayant appris l’ouverture de la procédure menée par la Commission, avait demandé à être autorisée à participer à l’audition du 13 juin 2002 en tant que tiers intéressé ; que cette demande avait été acceptée par la Commission ; que l’Ansfer s’était présentée à ladite audition, où, sans que son représentant y prit la parole, elle avait déposé des observations écrites, et que, sur cette base, l’Ansfer avait été invitée à participer à l’audition du 30 septembre 2002, relative aux conséquences de l’expiration du traité CECA mais qu’elle n’avait pas répondu à cette invitation et ne s’était pas davantage présentée lors de cette audition.
92 C’est en s’appuyant sur ces faits que le Tribunal a jugé, au point 121 des arrêts attaqués, que la Commission avait pu considérer, sans commettre d’erreur, au vu de l’absence de réponse de l’Ansfer à l’invitation à participer à la deuxième audition du 30 septembre 2002 et de son absence de participation à cette audition, que cette association avait renoncé à participer à la procédure ou, à tout le moins, ne souhaitait pas développer davantage ses arguments lors de l’audition du 23 avril 2018.
93 En quatrième lieu, s’il est vrai que les requérantes critiquent, à titre subsidiaire, le Tribunal pour s’être fondé sur le fait que l’Ansfer n’a pas participé à l’audition du 30 septembre 2002, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 29 février 2024, Euranimi/Commission, C‑95/23 P, EU:C:2024:177, point 84 et jurisprudence citée).
94 Or, force est de constater que les requérantes contestent, par un grief subsidiaire, l’appréciation des faits par le Tribunal, sans alléguer de dénaturation.
95 Il s’ensuit que la troisième branche du premier moyen et, partant, ce moyen dans sa totalité doivent être rejetés comme étant, en partie, irrecevables et, en partie, non fondés.
Sur le deuxième moyen
96 Par leur deuxième moyen, les requérantes contestent les motifs par lesquels le Tribunal, aux points 195 à 222 des arrêts attaqués, a considéré que le principe du délai raisonnable n’avait pas été enfreint.
97 Ce moyen est divisé en trois branches.
98 Par les deux premières branches, les requérantes contestent, d’une part, les appréciations du Tribunal relatives à la durée des étapes administratives de la procédure aboutissant à l’adoption de la décision litigieuse et, d’autre part, les appréciations relatives à la durée totale de cette procédure qui, à la date du dépôt du pourvoi, atteignait presque 22 ans.
99 Par la troisième branche, elles contestent l’appréciation du Tribunal selon laquelle la durée de la procédure n’a pas porté atteinte à leurs droits de la défense.
100 Ainsi que le Tribunal l’a rappelé, en substance, au point 165 des arrêts attaqués, la violation du principe du respect du délai raisonnable n’est susceptible de justifier l’annulation d’une décision prise à l’issue d’une procédure administrative fondée sur les articles 101 ou 102 TFUE que si elle emporte également une violation des droits de la défense de l’entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 2016, PROAS/Commission, C‑616/13 P, EU:C:2016:415, points 74 à 76, et du 28 janvier 2021, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission, C‑466/19 P, EU:C:2021:76, point 32 ainsi que jurisprudence citée).
101 Il s’ensuit que, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 180 des arrêts attaqués, la durée d’une procédure peut avoir pour conséquence l’annulation d’une décision attaquée si deux conditions sont satisfaites de manière cumulative, la première étant que cette longueur apparaisse comme ayant été déraisonnable et la seconde étant que le dépassement du délai raisonnable ait entravé l’exercice des droits de la défense.
102 C’est à la lumière de la seconde de ces conditions qu’il convient d’examiner la troisième branche du deuxième moyen.
Argumentation des parties
103 Par la troisième branche du deuxième moyen, les requérantes font valoir que, contrairement aux appréciations effectuées aux points 216 à 222 des arrêts attaqués, la durée de la procédure a porté atteinte à leurs droits de la défense.
104 En effet, si l’audition sur le fond des griefs avait eu lieu dès le 30 septembre 2002, ces droits auraient été pleinement respectés, car les représentants des autorités de concurrence des États membres auraient alors pu entendre toutes les entreprises concernées et toutes les associations intéressées. Si une audition sur le fond avait été organisée avant l’adoption de la décision de 2009, ces représentants auraient encore pu entendre un grand nombre de ces entreprises et de ces associations, qui étaient alors présentes sur le marché et parties à la procédure. L’audition du 23 avril 2018, à laquelle n’auraient participé que quatre entreprises, n’aurait pas respecté les droits de la défense des requérantes ni n’aurait ouvert au comité consultatif l’accès aux mêmes informations et témoignages que ceux dont il aurait pu disposer si les représentants des autorités de concurrence des États membres avaient pris part à une audition sur le fond au cours de l’année 2002.
105 La Commission considère que cette argumentation est, en partie, irrecevable et, en tout état de cause, non fondée.
Appréciation de la Cour
106 Dans la mesure où les requérantes soutiennent, en substance, que le Tribunal a omis de statuer sur les considérations résumées au point 104 du présent arrêt, leur argumentation ne peut pas être considérée comme étant irrecevable. En tout état de cause, force est de constater que cette argumentation ne saurait être accueillie. En effet, s’il est vrai que, ainsi qu’il ressort de ces considérations, à l’audition du 23 avril 2018, les représentants des autorités de concurrence des États membres n’étaient plus en mesure d’entendre certaines entreprises et certaines associations qui soit avaient fait faillite entre-temps soit n’étaient plus parties à la procédure, les requérantes n’ont aucunement établi devant le Tribunal que, de ce seul fait, la durée de la procédure en cause aurait entraîné une violation de leurs droits de la défense.
107 Dès lors, la troisième branche du deuxième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.
108 Il s’ensuit que l’une des deux conditions, visées au point 101 du présent arrêt, requises pour que la violation du principe du délai raisonnable puisse donner lieu à l’annulation d’une décision n’est pas remplie.
109 Partant, le deuxième moyen, fondé sur une violation du principe du délai raisonnable, doit être rejeté comme étant non fondé, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les première et deuxième branches de ce moyen.
Sur le troisième moyen
Sur la première branche
– Argumentation des parties
110 Par la première branche du troisième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal, aux points 239 à 244 des arrêts attaqués, n’a pas vérifié si la Commission avait examiné, avant d’adopter la décision litigieuse, si les objectifs visant à assurer l’effet dissuasif de cette décision et à éviter l’impunité des entreprises concernées pouvaient concrètement justifier l’imposition d’une sanction, eu égard à la nature exceptionnelle de l’affaire.
111 S’agissant du premier de ces éléments, le Tribunal aurait dû examiner concrètement, si, en 2019, et eu égard aux changements importants intervenus sur le marché des ronds à béton, le risque de la réitération de l’infraction visée par la décision litigieuse était suffisamment réel et de nature à justifier l’imposition d’une sanction.
112 À cet égard, le Tribunal aurait dû prendre en compte le fait que, s’agissant de la période comprise entre l’année 2001 et l’année 2008, le volume de la production italienne avait régressé de 70 % par rapport à celui de l’année 2002, tandis que les importations avaient au contraire tellement augmenté que la Commission avait jugé nécessaire d’imposer des droits anti-dumping.
113 Dans leurs mémoires en réplique, les requérantes précisent avoir cherché à illustrer qu’il est impossible de présumer que les parties à la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision litigieuse étaient capables, compte tenu de leur position sur le marché, de commettre de nouveau un quelconque type d’infraction au droit de la concurrence de l’Union.
114 En ce qui concerne la question, visée au point 110 du présent arrêt, de savoir si l’objectif d’éviter l’impunité pouvait concrètement justifier l’imposition d’une sanction, le raisonnement du Tribunal serait manifestement erroné. En raison du grand nombre d’annulations et de réadoptions successives des décisions de sanction, les requérantes n’auraient certainement pas pu s’estimer tirées d’affaire « en toute impunité » si une nouvelle sanction ne leur était pas infligée. En effet, les requérantes auraient passé les 20 dernières années à justifier les comportements qui leur sont reprochés, et, au cours de 13 de ces 20 années, elles auraient porté les stigmates d’une condamnation pour infraction aux règles de concurrence. À cet égard, les requérantes relèvent qu’il résulterait de la jurisprudence du Tribunal, notamment de l’arrêt du 12 décembre 2018, Biogaran/Commission (T‑677/14, EU:T:2018:910), qu’il convient de tenir compte de l’atteinte non négligeable à la réputation que représente, pour une personne morale, la constatation qu’elle a été impliquée dans une infraction aux règles de concurrence. Enfin, après avoir payé la pénalité infligée, à deux reprises, les requérantes auraient également subi un appauvrissement substantiel.
115 Dans leurs mémoires en réplique, les requérantes soutiennent que la Commission ne leur a remboursé que des intérêts d’un montant insuffisant pour les dédommager de la privation illégale d’importantes sommes d’argent qu’elles auraient pu investir dans leurs activités. En effet, bien que la jurisprudence récente de la Cour oblige la Commission, dans de tels cas, à verser, en plus du remboursement de l’amende provisoirement payée, des intérêts forfaitaires, cette institution aurait refusé de payer de tels intérêts et se serait également opposée à cette jurisprudence dans le cadre des recours, encore pendants, dans les affaires Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti/Commission (T‑420/21 et T‑421/21).
116 La Commission considère que cette argumentation est, en partie, irrecevable et, en tout état de cause, non fondée.
– Appréciation de la Cour
117 En premier lieu, il convient de rappeler que, aux points 239 à 241 des arrêts attaqués, le Tribunal a jugé que la Commission avait pu considérer, au vu du caractère grave de l’infraction constatée, qu’adopter une décision et infliger une sanction était encore justifié par l’effet dissuasif que pourraient produire, sur les marchés, cette décision et cette sanction, étant donné que c’est le fait d’avoir à payer l’amende infligée qui dissuade effectivement une entreprise, et de manière générale les acteurs du marché, de commettre une violation des règles de concurrence de l’Union. Si, certes, une sanction avait déjà été infligée aux requérantes à deux reprises au cours de la procédure, la première fois par la décision de 2002 et la seconde fois par celle de 2009, ces décisions auraient été annulées par le juge de l’Union. Le Tribunal a considéré que, dans ces conditions, la sanction imposée était justifiée au regard de la nécessité d’assurer l’effet dissuasif de la décision litigieuse.
118 Ces considérations ne sont viciées d’aucune erreur de droit.
119 En effet, il importe de rappeler que l’effectivité des règles de concurrence de l’Union implique, notamment, la nécessité d’assurer l’effet dissuasif des sanctions infligées en matière d’infractions à ces règles (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2024, Lietuvos notarų rūmai e.a., C‑128/21, EU:C:2024:49, point 109 et jurisprudence citée).
120 En outre, les amendes infligées en raison de violations des règles de concurrence de l’Union ont pour objet de réprimer les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d’autres opérateurs économiques de violer, à l’avenir, ces règles (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2024, Lietuvos notarų rūmai e.a., C‑128/21, EU:C:2024:49, point 110 et jurisprudence citée).
121 Étant donné que l’effet dissuasif d’une telle amende ne se limite donc pas à prévenir une réitération de l’entente anticoncurrentielle spécifique qui a donné lieu à l’imposition de cette amende, le fait de savoir s’il y a un risque réel d’une telle réitération de la part des seules entreprises visées par la décision litigieuse est dépourvu de pertinence. Partant, et contrairement à ce que les requérantes font valoir, le fait que le Tribunal ne s’est pas prononcé sur ce point ne constitue pas une omission de statuer.
122 Dans la mesure où les requérantes soutiennent que, compte tenu de leur position sur le marché, elles étaient incapables de commettre un quelconque type d’infraction au droit de la concurrence de l’Union, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 52 du présent arrêt, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. Ainsi, selon une jurisprudence constante, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour des moyens et des arguments qu’elle n’a pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à l’autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens et des arguments qui ont été débattus devant lui (arrêt du 29 février 2024, Euranimi/Commission, C‑95/23 P, EU:C:2024:177, point 53 et jurisprudence citée).
123 Or, ainsi que l’a relevé la Commission, l’argument, au demeurant de nature factuelle, visé au point précédent du présent arrêt n’a pas été soulevé en première instance. Dès lors, cet argument doit être rejeté comme étant irrecevable.
124 En second lieu, il y a lieu de rappeler que, au point 242 des arrêts attaqués, le Tribunal a jugé que l’imposition d’une amende avait pour objectif, en l’espèce, non seulement de conférer un certain effet dissuasif à la décision litigieuse, mais également d’éviter que les entreprises concernées ne bénéficient d’une totale impunité.
125 Or, les décisions de 2002 et de 2009 ayant été annulées et les amendes correspondantes ayant été restituées, majorées des intérêts, seule une nouvelle décision infligeant une amende aux requérantes pouvait garantir que leur participation à l’entente visée par la décision litigieuse ne reste pas impunie.
126 Dans la mesure où les requérantes tirent, dans ce contexte, et dans leurs mémoires en réplique, argument de ce que la Commission n’aurait pas fait accompagner le remboursement des montants des deux premières sanctions d’un montant d’intérêts adéquat, elles soulèvent des questions qui ne relèvent pas du litige en première instance mais de deux affaires qu’elles ont introduites postérieurement aux arrêts attaqués sur le fondement des articles 266 et 268 TFUE et qui sont actuellement pendantes devant le Tribunal, à savoir les affaires Ferriere Valsabbia et Valsabbia Investimenti/Commission (T‑410/21) et Alfa Acciai/Commission (T‑411/21). Eu égard à la jurisprudence citée au point 122 du présent arrêt, l’argumentation des requérantes visant ces questions est donc irrecevable.
127 Par ailleurs, il est vrai que, dans l’arrêt du 12 décembre 2018, Biogaran/Commission (T‑677/14, EU:T:2018:910), auquel se réfèrent les requérantes, le Tribunal a tenu compte de l’atteinte non négligeable à la réputation que représente, pour une personne physique ou morale, la constatation qu’elle a été impliquée dans une infraction aux règles de concurrence. Toutefois, cette appréciation visait non pas à indiquer qu’une telle atteinte constitue une forme de sanction résultant de la constatation d’une infraction par une décision de la Commission, mais à expliquer pourquoi il est nécessaire que cette institution fasse état de preuves précises et concordantes pour établir l’existence d’une telle infraction.
128 Il s’ensuit que la première branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée.
Sur la deuxième branche
– Argumentation des parties
129 Par la deuxième branche de leur troisième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal, aux points 247 à 249 des arrêts attaqués, a commis une erreur de droit en considérant qu’il était nécessaire, en l’espèce, d’infliger une sanction aux requérantes pour garantir aux tiers éventuellement lésés par l’entente en cause le droit d’intenter des actions en dommages–intérêts.
130 La Commission considère que cette argumentation est inopérante. En tout état de cause, elle serait dénuée de fondement.
– Appréciation de la Cour
131 Au point 243 des arrêts attaqués, le Tribunal a jugé que, compte tenu de la gravité et de la durée de l’infraction constatée par la Commission, l’objectif d’éviter une totale impunité aux entreprises concernées suffisait, à lui seul, pour justifier en l’espèce l’adoption d’une décision imposant une sanction.
132 Cette appréciation du Tribunal n’a pas été contestée par les requérantes dans leurs pourvois.
133 Il s’ensuit que le Tribunal, en faisant état d’autres considérations susceptibles de justifier l’adoption de la décision litigieuse, comme par exemple l’intention de protéger le droit de tiers d’introduire une action en réparation devant les juridictions nationales, a exposé ces considérations à titre surabondant.
134 Par conséquent, le grief soulevé par les requérantes dans le cadre de la deuxième branche du troisième moyen étant dirigé contre des motifs surabondants de l’arrêt attaqué, il ne saurait entraîner l’annulation de cet arrêt.
135 Il s’ensuit que la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant inopérante.
Sur la troisième branche
– Argumentation des parties
136 Par la troisième branche de leur troisième moyen, les requérantes contestent les appréciations portées par le Tribunal aux points 262 à 264 des arrêts attaqués, notamment celle, exposée au point 263 de ces arrêts, dont il ressort que l’affirmation de la Commission contenue au considérant 555 de la décision litigieuse « selon laquelle, “[d]ans la présente affaire, en ce qui concerne la phase administrative, [elle] estime avoir toujours mené son activité d’enquête avec célérité et sans interruptions injustifiées”, ne contient pas non plus d’erreur d’appréciation ». Selon les requérantes, il est impossible que la procédure administrative ait été conduite avec célérité en l’espèce.
137 La Commission conteste cette argumentation.
– Appréciation de la Cour
138 Il y a lieu de relever que, aux points 262 et 263 des arrêts attaqués, le Tribunal a répondu à l’argumentation des requérantes résumée aux points 260 et 261 de ces arrêts selon laquelle la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le délai raisonnable n’avait pas été dépassé en l’espèce et que, en particulier, cette institution ne pouvait affirmer, comme elle l’avait fait, que la procédure administrative s’était déroulée avec célérité.
139 S’il est vrai que, ainsi que les requérantes l’ont fait valoir dans leurs mémoires en réplique, une procédure peut ne pas être d’une durée excessive, sans toutefois être « rapide », toujours est-il que leur argumentation se recoupe avec celle soulevée dans le cadre de la première branche du deuxième moyen. Or, ainsi qu’il a été expliqué au point 109 du présent arrêt, le deuxième moyen devait être rejeté sans qu’il fût nécessaire d’examiner sa première branche.
140 Partant, à supposer même que le Tribunal ait commis une erreur en considérant qu’il était possible que la Commission ait mené son activité d’enquête « avec célérité » en l’espèce, une telle erreur ne serait pas susceptible d’entraîner l’annulation des arrêts attaqués.
141 Il s’ensuit que la troisième branche du troisième moyen et, partant, ce moyen dans sa totalité doivent être rejetés comme étant, en partie, irrecevables et, en partie, non fondés.
142 Par conséquent, aucun des moyens invoqués par les requérantes au soutien de leurs pourvois n’étant susceptible de prospérer, il y a lieu de rejeter ceux-ci dans leur ensemble.
Sur les dépens
143 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
144 La Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens et ces dernières ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :
1) Les pourvois sont rejetés.
2) Ferriera Valsabbia SpA, Valsabbia Investimenti SpA et Alfa Acciai SpA supportent leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.
Signatures
* Langue de procédure : l’italien.