EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62013TJ0680

Arrêt du Tribunal (quatrième chambre élargie) du 13 juillet 2018.
Dr. K. Chrysostomides & Co. LLC e.a. contre Conseil de l'Union européenne e.a.
Responsabilité non contractuelle – Politique économique et monétaire – Programme de soutien à la stabilité de Chypre – Décision du conseil des gouverneurs de la BCE relative à la fourniture de liquidités d’urgence à la suite d’une demande de la Banque centrale de Chypre – Déclarations de l’Eurogroupe des 25 mars, 12 avril, 13 mai et 13 septembre 2013 concernant Chypre – Décision 2013/236/UE – Protocole d’accord du 26 avril 2013 sur les conditions spécifiques de politique économique conclu entre Chypre et le mécanisme européen de stabilité – Compétence du Tribunal – Recevabilité – Exigences de forme – Épuisement des voies de recours internes – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers – Droit de propriété – Confiance légitime – Égalité de traitement.
Affaire T-680/13.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2018:486

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

13 juillet 2018 ( *1 )

« Responsabilité non contractuelle – Politique économique et monétaire – Programme de soutien à la stabilité de Chypre – Décision du conseil des gouverneurs de la BCE relative à la fourniture de liquidités d’urgence à la suite d’une demande de la Banque centrale de Chypre – Déclarations de l’Eurogroupe des 25 mars, 12 avril, 13 mai et 13 septembre 2013 concernant Chypre – Décision 2013/236/UE – Protocole d’accord du 26 avril 2013 sur les conditions spécifiques de politique économique conclu entre Chypre et le mécanisme européen de stabilité – Compétence du Tribunal – Recevabilité – Exigences de forme – Épuisement des voies de recours internes – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers – Droit de propriété – Confiance légitime – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑680/13,

Dr. K. Chrysostomides & Co. LLC, établie à Nicosie (Chypre), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe ( 1 ), représentées par M. P. Tridimas, barrister,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. A. de Gregorio Merino, Mmes E. Dumitriu-Segnana, E. Chatziioakeimidou et E. Moro, en qualité d’agents,

Commission européenne, représentée initialement par MM. B. Smulders, J.-P. Keppenne et M. Konstantinidis, puis par MM. Keppenne, Konstantinidis et L. Flynn, en qualité d’agents,

Banque centrale européenne (BCE), représentée initialement par MM. N. Lenihan et F. Athanasiou, puis par M. P. Papapaschalis et Mme P. Senkovic et enfin par Mme M. Szablewska et M. K. Laurinavičius, en qualité d’agents, assistés de Me H.-G. Kamann, avocat,

Eurogroupe, représenté par le Conseil de l’Union européenne, représenté par M. A. de Gregorio Merino, Mmes E. Dumitriu-Segnana, E. Chatziioakeimidou et E. Moro, en qualité d’agents,

et

Union européenne, représentée par la Commission européenne, représentée initialement par MM. B. Smulders, J.-P. Keppenne et M. Konstantinidis, puis par MM. Keppenne, Konstantinidis et L. Flynn, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que les requérants auraient prétendument subi du fait de la décision du conseil des gouverneurs de la BCE du 21 mars 2013 relative à la fourniture de liquidités d’urgence à la suite d’une demande présentée par la Banque centrale de Chypre, des déclarations de l’Eurogroupe des 25 mars, 12 avril, 13 mai et 13 septembre 2013 concernant Chypre, de la décision 2013/236/UE du Conseil, du 25 avril 2013, adressée à Chypre, portant mesures spécifiques pour restaurer la stabilité financière et une croissance durable (JO 2013, L 141, p. 32), du protocole d’accord du 26 avril 2013 sur les conditions spécifiques de politique économique conclu entre la République de Chypre et le mécanisme européen de stabilité (MES) ainsi que d’autres actes et comportements de la Commission, du Conseil, de la BCE et de l’Eurogroupe liés à l’octroi d’une facilité d’assistance financière à la République de Chypre,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, J. Schwarcz, C. Iliopoulos, L. Calvo-Sotelo Ibáñez-Martín et Mme I. Reine, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 11 septembre 2017,

rend le présent

Arrêt

I. Antécédents du litige

A. Traité MES

1

Le 2 février 2012, a été conclu à Bruxelles (Belgique) le traité instituant le mécanisme européen de stabilité entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Chypre, le Grand-Duché de Luxembourg, la République de Malte, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Slovénie, la République slovaque et la République de Finlande (ci-après le « traité MES »). Ce traité est entré en vigueur le 27 septembre 2012.

2

Le considérant 1 du traité MES est libellé comme suit :

« Le Conseil européen est convenu le 17 décembre 2010 qu’il était nécessaire que les États membres de la zone euro mettent en place un mécanisme permanent de stabilité. Le mécanisme européen de stabilité (“MES”) assumera le rôle actuellement attribué à la Facilité européenne de stabilité financière (“FESF”) et au Mécanisme européen de stabilisation financière (“MESF”) en fournissant, pour autant que de besoin, une assistance financière aux États membres de la zone euro. »

3

Conformément aux articles 1er et 2 ainsi qu’à l’article 32, paragraphe 2, du traité MES, les parties contractantes, à savoir les États membres dont la monnaie est l’euro (ci-après les « EMME »), instituent entre elles une institution financière internationale, le mécanisme européen de stabilité (MES), qui possède la personnalité juridique.

4

L’article 3 du traité MES décrit l’objectif du MES comme suit :

« Le MES a pour but de mobiliser des ressources financières et de fournir, sous une stricte conditionnalité adaptée à l’instrument d’assistance financière choisi, un soutien à la stabilité à ses membres qui connaissent ou risquent de connaître de graves problèmes de financement, si cela est indispensable pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble et de ses États membres. À cette fin, il est autorisé à lever des fonds en émettant des instruments financiers ou en concluant des accords ou des arrangements financiers ou d’autres accords ou arrangements avec ses membres, des institutions financières ou d’autres tiers. »

5

L’article 4, paragraphes 1 et 3 et paragraphe 4, premier alinéa, du traité MES énonce :

« 1.   Le MES est doté d’un conseil des gouverneurs et d’un conseil d’administration, ainsi que d’un directeur général et des effectifs jugés nécessaires.

[...]

3.   L’adoption d’une décision d’un commun accord requiert l’unanimité des membres participant au vote. Les abstentions ne font pas obstacle à l’adoption d’une décision d’un commun accord.

4.   Par dérogation au paragraphe 3, une procédure de vote d’urgence est utilisée lorsque la Commission et la [Banque centrale européenne (BCE)] considèrent toutes deux que le défaut d’adoption urgente d’une décision relative à l’octroi ou à la mise en œuvre d’une assistance financière, telle que définie aux articles 13 à 18, menacerait la soutenabilité économique et financière de la zone euro [...] »

6

L’article 5, paragraphe 3, du traité MES prévoit que « [l]e membre de la Commission […] en charge des affaires économiques et monétaires et le président de la BCE, ainsi que le président de l’Eurogroupe (s’il n’est pas lui-même président ou gouverneur), peuvent participer aux réunions du conseil des gouverneurs [du MES] en qualité d’observateurs ».

7

L’article 6, paragraphe 2, du traité MES énonce que « [l]e membre de la Commission […] en charge des affaires économiques et monétaires et le président de la BCE peuvent chacun désigner un observateur [au conseil d’administration du MES] ».

8

L’article 12 du traité MES définit les principes auxquels le soutien à la stabilité est soumis et prévoit, en son paragraphe 1, ce qui suit :

« Si cela est indispensable pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble et de ses États membres, le MES peut fournir à un membre du MES un soutien à la stabilité, subordonné à une stricte conditionnalité adaptée à l’instrument d’assistance financière choisi. Cette conditionnalité peut prendre la forme, notamment, d’un programme d’ajustement macroéconomique ou de l’obligation de continuer à respecter des conditions d’éligibilité préétablies. »

9

L’article 13 du traité MES décrit la procédure d’octroi d’un soutien à la stabilité à un membre du MES dans les termes suivants :

« 1.   Un membre du MES peut adresser une demande de soutien à la stabilité au président du conseil des gouverneurs. Cette demande indique le ou les instruments d’assistance financière à envisager. Dès réception de cette demande, le président du conseil des gouverneurs charge la Commission […], en liaison avec la BCE :

a)

d’évaluer l’existence d’un risque pour la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble ou de ses États membres, à moins que la BCE n’ait déjà soumis une analyse en vertu de l’article 18, paragraphe 2 ;

b)

d’évaluer la soutenabilité de l’endettement public. Lorsque cela est utile et possible, il est attendu que cette évaluation soit effectuée en collaboration avec le [Fonds monétaire international (FMI)] ;

c)

d’évaluer les besoins réels ou potentiels de financement du membre du MES concerné.

2.   Sur la base de la demande du membre du MES et de l’évaluation visée au paragraphe 1, le conseil des gouverneurs peut décider d’octroyer, en principe, un soutien à la stabilité au membre du MES concerné sous la forme d’une facilité d’assistance financière.

3.   S’il adopte une décision en vertu du paragraphe 2, le conseil des gouverneurs charge la Commission […] – en liaison avec la BCE et, lorsque cela est possible, conjointement avec le FMI – de négocier avec le membre du MES concerné un protocole d’accord définissant précisément la conditionnalité dont est assortie cette facilité d’assistance financière. Le contenu du protocole d’accord tient compte de la gravité des faiblesses à traiter et de l’instrument d’assistance financière choisi. Parallèlement, le directeur général du MES prépare une proposition d’accord relatif à la facilité d’assistance financière précisant les modalités et les conditions financières de l’assistance ainsi que les instruments choisis, qui sera adoptée par le conseil des gouverneurs.

Le protocole d’accord doit être pleinement compatible avec les mesures de coordination des politiques économiques prévues par le [traité FUE], notamment avec tout acte de droit de l’Union européenne, incluant tout avis, avertissement, recommandation ou décision s’adressant au membre du MES concerné.

4.   La Commission […] signe le protocole d’accord au nom du MES, pour autant qu’il respecte les conditions énoncées au paragraphe 3 et qu’il ait été approuvé par le conseil des gouverneurs.

5.   Le conseil d’administration approuve l’accord relatif à la facilité d’assistance financière qui précise les aspects financiers du soutien à la stabilité à octroyer ainsi que, le cas échéant, les modalités du versement de la première tranche de l’assistance.

[…]

7.   La Commission […] – en liaison avec la BCE et, lorsque cela est possible, conjointement avec le FMI – est chargée de veiller au respect de la conditionnalité dont est assortie la facilité d’assistance financière. »

B. Difficultés financières de la République de Chypre et demande d’assistance financière

10

Au cours des premiers mois de l’année 2012, la République hellénique et ses créanciers obligataires privés se sont accordés sur, puis ont procédé à, un échange de titres de créances grecs avec une décote substantielle sur la valeur nominale de la dette grecque détenue par les investisseurs privés [Private Sector Involvement (ci-après le « PSI »)].

11

En conséquence de leur exposition aux titres ayant fait l’objet du PSI, plusieurs banques établies à Chypre, dont la Cyprus Popular Bank Public Co Ltd (ci-après la « Laïki ») et la Trapeza Kyprou Dimosia Etaireia LTD (ci-après la « BoC »), ont subi d’importantes pertes. Ensemble, ces pertes s’élevaient à plus de quatre milliards d’euros et représentaient approximativement 25 % du produit intérieur brut (PIB) de la République de Chypre.

12

La Laïki, la BoC et d’autres banques établies à Chypre ont ensuite subi des problèmes de sous-capitalisation. N’étant plus en mesure de fournir suffisamment de garanties pour obtenir des financements de la Banque centrale européenne (BCE), la Laïki a demandé, et obtenu, un soutien exceptionnel à la liquidité [Emergency Liquidity Assistance (ci-après l’« ELA »)] de la part de la Kentriki Trapeza tis Kyprou (Banque centrale de Chypre, ci-après la « BCC »). Le montant total de l’ELA octroyé à la Laïki s’élevait à 3,8 milliards d’euros en mai 2012 et à près de 9,6 milliards d’euros le 3 juillet 2012.

13

Dans ces circonstances, la République de Chypre a jugé nécessaire d’intervenir au soutien du secteur bancaire chypriote, notamment en recapitalisant la Laïki à hauteur de 1,8 milliards d’euros en juin 2012. Au cours du même mois, la BoC a annoncé avoir, elle aussi, demandé aux autorités chypriotes un soutien en capital, mais ne pas l’avoir obtenu.

14

À cette époque, la République de Chypre faisait elle-même déjà face à d’importantes difficultés financières et budgétaires. Sa notation ayant été abaissée d’un ou de deux crans par les agences de notation Fitch, Moody’s et Standard & Poor’s au premier trimestre de l’année 2011, en raison, notamment, de l’exposition de son secteur bancaire à l’économie grecque, la République de Chypre se trouvait depuis mai 2011 dans l’impossibilité de se refinancer sur les marchés à des taux compatibles avec une viabilité budgétaire à long terme. Dans ces conditions, la République de Chypre a couvert ses besoins de financement, notamment, en émettant des bons du Trésor à très court terme et en concluant, en octobre 2011, un accord de prêt officiel d’un montant de 2,5 milliards d’euros avec la Fédération de Russie.

15

Le 25 juin 2012, l’agence de notation Fitch ayant, à la suite des agences de notation Moody’s et Standard & Poor’s, abaissé la note de la République de Chypre en catégorie spéculative, les titres de créance de cette dernière ont cessé de satisfaire aux conditions nécessaires pour être admis en garantie aux opérations monétaires de l’Eurosystème, lequel est constitué des banques centrales des EMME et de la BCE, qui conduisent la politique monétaire de l’Union européenne. Le même jour, la République de Chypre a présenté au président de l’Eurogroupe une demande d’assistance financière du MES ou du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Selon les déclarations du gouvernement chypriote, l’assistance demandée visait à « contenir les risques pour l’économie chypriote, notamment ceux provenant des effets d’entraînement négatifs à travers son secteur financier, très exposé à l’économie grecque ».

16

Par déclaration du 27 juin 2012, l’Eurogroupe a indiqué que l’assistance financière demandée serait fournie à la République de Chypre soit par le FESF, soit par le MES, dans le cadre d’un programme d’ajustement macroéconomique devant se concrétiser dans un protocole d’accord dont la négociation serait menée, d’une part, par la Commission européenne, en liaison avec la BCE et le Fonds monétaire international (FMI), et, d’autre part, par les autorités chypriotes.

17

Le 29 novembre 2012, des représentants de la Commission, de la BCE, du FMI et de la République de Chypre ont établi un projet de protocole d’accord.

18

Par déclaration du 21 janvier 2013, l’Eurogroupe a, d’une part, indiqué qu’un accord final au sujet d’un programme d’ajustement macroéconomique pourrait être trouvé en mars 2013 et, d’autre part, encouragé les parties concernées à réaliser des progrès aux fins de finaliser les composantes du projet de protocole d’accord.

19

En mars 2013, la République de Chypre et les autres EMME sont parvenus à un accord politique sur ce projet de protocole d’accord.

20

Par déclaration du 16 mars 2013, l’Eurogroupe a salué cet accord ainsi que l’engagement des autorités chypriotes à prendre des mesures supplémentaires visant à mobiliser des ressources internes, aux fins de limiter le volume de l’assistance financière liée au programme d’ajustement macroéconomique visé au point 18 ci-dessus. Parmi ces mesures figuraient, notamment, l’institution d’une taxe sur les dépôts bancaires de Chypre, la restructuration et la recapitalisation de banques ainsi que le renflouement interne des détenteurs d’obligations de rang inférieur. L’Eurogroupe a également souligné que le secteur financier chypriote ferait l’objet d’une réduction appropriée en vue de remédier à sa fragilité et à sa très grande taille par rapport au PIB de la République de Chypre. Dans ce contexte, l’Eurogroupe a indiqué qu’il considérait que l’octroi d’une assistance financière susceptible d’assurer la stabilité financière de la République de Chypre et de la zone euro était, en principe, justifié et a invité les parties intéressées à accélérer les négociations en cours.

21

Le 18 mars 2013, la République de Chypre a ordonné la fermeture des banques les jours ouvrables des 19 et 20 mars 2013. Par la suite, les autorités chypriotes ont décidé de proroger cette fermeture jusqu’au 28 mars 2013 afin d’éviter des retraits massifs aux guichets.

22

Le 19 mars 2013, le Parlement chypriote a rejeté un projet de loi du gouvernement chypriote relatif à la création d’une taxe sur tous les dépôts bancaires de Chypre. Le gouvernement chypriote a alors élaboré un nouveau projet de loi prévoyant uniquement la restructuration de deux banques chypriotes, à savoir la BoC et la Laïki (ci-après les « banques visées »).

23

Le 21 mars 2013, alors que les dettes de la Laïki et de la BoC provenant de l’ELA s’élevaient respectivement à 9,5 milliards d’euros et à 1,9 milliards d’euros, la BCE a publié un communiqué de presse dans lequel elle a indiqué ce qui suit :

« Le conseil des gouverneurs de la BCE a décidé de maintenir le niveau existant d’ELA jusqu’au […] 25 mars 2013.

Une prolongation pour le remboursement ne pourrait être envisagée que si un programme de l’[Union ou du FMI] qui garantirait la solvabilité des banques concernées est mis en place. »

24

Le 22 mars 2013, le Parlement chypriote a adopté la O peri exiyiansis pistotikon kai allon idrimaton nomos (No. 17(I)/2013) [loi sur l’assainissement d’établissements de crédit et d’autres établissements, EE, annexe I (I), no 4379, 22.3.2013, p. 117] (ci-après la « loi du 22 mars 2013 »). En vertu du point 3, paragraphe 1, et du point 5, paragraphe 1, de cette loi, la BCC a été chargée, conjointement avec le ministère des Finances chypriote, de l’assainissement des établissements visés par ladite loi. À cette fin, tout d’abord, le point 12, paragraphe 1, de la loi du 22 mars 2013 prévoit que la BCC peut, par décret, restructurer les dettes et les obligations d’un établissement soumis à une procédure de résolution, y compris par voie de réduction, de modification, de rééchelonnement ou de novation du capital nominal ou du solde de tout genre de créances existantes ou futures sur cet établissement ou par le biais d’une conversion de titres de dette en fonds propres. Ensuite, ledit point exclut de ces mesures les dépôts assurés, au sens du point 2, cinquième alinéa, de la loi du 22 mars 2013, soit les dépôts d’un montant inférieur ou égal à 100000 euros. Le point 3, paragraphe 2, sous a) et b), de cette loi prévoit que les actionnaires d’un établissement soumis à une procédure de résolution sont les premiers à supporter toute perte résultant de la mise en œuvre des mesures de résolution, tandis que les créanciers d’un tel établissement ne supportent ces pertes qu’après les actionnaires. Enfin, il ressort du point 3, paragraphe 2, sous d), de ladite loi que les mesures adoptées sur le fondement de cette loi ne peuvent pas placer les créanciers des banques concernées dans une situation financière moins favorable que celle dans laquelle ils se trouveraient en cas de liquidation de ces banques. Le point 12, paragraphe 14, de la loi en question précise que, en cas de mise en œuvre de la mesure prévue au point 12, paragraphe 1, de la même loi, les parties affectées reçoivent, en paiement de leurs demandes, au minimum le montant qu’elles auraient reçu, en vertu du droit chypriote, en cas de liquidation desdites banques.

25

Par déclaration du 25 mars 2013, l’Eurogroupe a indiqué être parvenu à un accord avec les autorités chypriotes sur les éléments essentiels d’un futur programme macroéconomique d’ajustement ayant le soutien de tous les EMME ainsi que de la Commission, de la BCE et du FMI.

26

Dans cette déclaration, il est, notamment, indiqué ce qui suit :

« L’Eurogroupe salue les plans de restructuration du secteur financier mentionnés en annexe. Ces mesures serviront de base pour restaurer la viabilité du secteur financier. En particulier, elles garantissent tous les dépôts inférieurs à 100000 euros, conformément aux principes de l’Union.

Le programme contiendra une approche décisive en vue de remédier aux déséquilibres du secteur financier. Il y aura une réduction appropriée du secteur financier […]

L’Eurogroupe demande instamment la mise en œuvre immédiate de l’accord entre [la République de Chypre] et la [République hellénique] relatif aux succursales grecques des banques chypriotes, qui protège la stabilité des systèmes bancaires grec et chypriote à la fois. »

27

L’annexe de cette déclaration est rédigée comme suit :

« À la suite d’une présentation des projets politiques des autorités [de la République de Chypre], qui ont été largement salués par l’Eurogroupe, il y a eu accord sur ce qui suit :

1.

La Laïki est immédiatement démantelée – avec une contribution complète des actionnaires, des détenteurs d’obligations et des déposants non assurés – selon une résolution de la [BCC] en utilisant le cadre de résolution bancaire nouvellement adopté.

2.

La Laïki est scindée en une structure de défaisance et en une banque assainie. La structure de défaisance devra disparaître progressivement.

3.

La banque assainie est intégrée dans la [BoC] à l’aide du cadre de résolution bancaire et après consultation des conseils d’administration de la BoC et de la Laïki. Elle apportera [un ELA] s’élevant à 9 milliards d’euros. Seuls les dépôts non [assurés] de la BoC resteront gelés jusqu’à ce que la recapitalisation ait été réalisée et pourront ensuite être soumis à des conditions appropriées.

4.

Le conseil des gouverneurs de la BCE apportera des liquidités à la BoC en respectant les règles applicables.

5.

La BoC sera recapitalisée par le biais d’une conversion des dépôts non [assurés] en fonds propres avec une contribution complète des actionnaires et des détenteurs d’obligations.

6.

La conversion sera effectuée de manière à sécuriser un ratio de capital de 9 % à la fin du programme.

7.

Tous les détenteurs de dépôts [assurés] dans toutes les banques bénéficieront d’une protection totale en conformité avec la législation pertinente de [l’Union].

8.

L’enveloppe du programme (jusqu’à 10 milliards d’euros) ne servira pas à recapitaliser la Laïki ou la [BoC]. »

28

Ainsi qu’il a été précisé en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, il était estimé que, sur les 10 milliards d’euros que comptait l’enveloppe du programme, 3,4 milliards d’euros seraient alloués aux besoins budgétaires de la République de Chypre, 4,1 milliards d’euros au rachat, par cette dernière, de titres de créance et 2,5 milliards d’euros à la recapitalisation et à la restructuration de banques chypriotes autres que les banques visées.

C. Mesures de restructuration bancaire adoptées par la République de Chypre

29

Le 25 mars 2013, le gouverneur de la BCC a soumis les banques visées à une procédure d’assainissement.

30

Par la suite, quatre décrets ont été publiés à cette fin sur le fondement de la loi du 22 mars 2013, à savoir :

le Kanonistiki Dioikitiki Praxi 96/2013, peri tis polisis ergasion ton en elladi ergasion tis Trapezas Kyprou Dimosias Etaireias Ltd Diatagma tou 2013 (décret 96/2013, sur la vente de certaines opérations de la BoC en Grèce, acte administratif réglementaire no 96), du 26 mars 2013 [EE, annexe III (I), no 4640, 26.3.2013, p. 745] (ci-après le « décret no 96 ») ;

le Kanonistiki Dioikitiki Praxi 97/2013, peri tis polisis ergasion ton en elladi ergasion tis Cyprus Popular Bank Public Co Ltd Diatagma tou 2013 (décret 97/2013, sur la vente de certaines opérations de la Laïki en Grèce, acte administratif réglementaire no 97), du 26 mars 2013 [EE, annexe III (I), no 4640, 26.3.2013, p. 749] (ci-après le « décret no 97 ») ;

le Kanonistiki Dioikitiki Praxi 103/2013, peri diasosis me idia mesa tis Trapezas Kyprou Dimosias Etaireias Ltd Diatagma tou 2013 (décret 103/2013, sur l’assainissement par des moyens propres de la BoC, acte administratif réglementaire no 103), du 29 mars 2013 [EE, annexe III (I), no 4645, 29.3.2013, p. 769] (ci-après le « décret no 103 ») ;

le Kanonistiki Dioikitiki Praxi 104/2013, peri tis Polisis Orismenon Ergasion tis Cyprus Popular Bank Public Co Ltd Diatagma tou 2013 (décret 104/2013, sur la vente de certaines activités de la Laïki, acte administratif réglementaire no 104), du 29 mars 2013 [EE, annexe III (I), no 4645, 29.3.2013, p. 781] (ci-après le « décret no 104 »).

31

Les décrets nos 96 et 97 prévoient, respectivement, la vente des succursales de la BoC et de la Laïki établies en Grèce (ci-après, prises ensemble, les « succursales grecques »).

32

Les points 5 et 6 du décret no 103 prévoient une recapitalisation de la BoC, aux frais, notamment, de ses titulaires de dépôts non assurés et de ses actionnaires, afin qu’elle puisse continuer à fournir des services bancaires. Ainsi, les dépôts non assurés de la BoC ont été convertis en actions de celle-ci (37,5 % de chaque dépôt non assuré), en titres convertibles, par la BCC, soit en actions, soit en dépôts (22,5 % de chaque dépôt non assuré), et en titres pouvant être convertis en dépôts par la BCC (40 % de chaque dépôt non assuré). Parmi les titres pouvant être convertis en dépôts par la BCC, 25 % (10 % de chaque dépôt non assuré) ont été libérés. Les 75 % restants (30 % de chaque dépôt non assuré) sont demeurés inaccessibles aux déposants. Le point 6, paragraphe 5, du décret no 103 précise que, si les contributions des déposants non assurés excèdent ce qui est nécessaire aux fins de restaurer les capitaux propres de la BoC, l’autorité de résolution déterminera le montant correspondant à la surcapitalisation et le traitera comme si la conversion n’avait jamais eu lieu. Le décret no 103 est, conformément à son point 10, entré en vigueur le 29 mars 2013, à 6 h 00.

33

À la suite de modifications apportées au décret no 103 le 30 juillet 2013, d’une part, 10 % des dépôts non assurés, qui avaient préalablement été convertis en titres convertibles en actions ou en dépôts, ont été convertis en actions de la BoC. Parmi les titres convertibles, par la BCC, soit en actions, soit en dépôts, restants (12,5 % de chaque dépôt non assuré) et ceux pouvant être convertis en dépôts par la BCC et n’ayant pas encore été libérés (30 % de chaque dépôt non assuré), 12 % ont été placés dans un nouveau compte courant, tandis que 88 % ont été placés, à parts égales, dans des comptes à terme de six mois, de neuf mois et de douze mois.

34

D’autre part, la valeur nominale de un euro de chaque action ordinaire de la BoC a été réduite à un centime. Par la suite, une centaine d’actions ordinaires d’une valeur nominale de un centime ont été fusionnées en une action ordinaire d’une valeur nominale de un euro. Les actions ordinaires d’une valeur nominale de un centime dont le nombre était inférieur à 100 et qui ne pouvaient, dès lors, être fusionnées pour former une nouvelle action ordinaire d’une valeur nominale de un euro ont été supprimées.

35

Quant au décret no 104, les dispositions combinées de ses points 2 et 5 prévoient, pour le 29 mars 2013 à 6 h 10, le transfert de certains éléments d’actif et de passif de la Laïki à la BoC, y compris les dépôts inférieurs à 100000 euros et la dette liée à l’ELA. Les dépôts supérieurs à 100000 euros ont été maintenus auprès de la Laïki, en attendant sa liquidation.

36

À la suite de modifications apportées au décret no 104 le 30 juillet 2013, approximativement 18 % du nouveau capital social de la BoC a été octroyé à la Laïki au cours de l’année 2013.

37

Après l’adoption des décrets nos 96, 97, 103 et 104 (ci-après, pris ensemble, les « décrets dommageables »), la Commission, la BCE et le FMI ont engagé de nouvelles discussions avec les autorités chypriotes en vue de la finalisation d’un protocole d’accord.

D. Octroi d’une assistance financière à la République de Chypre

38

Par déclaration du 12 avril 2013, premièrement, l’Eurogroupe a salué un accord convenu entre les autorités chypriotes, d’une part, et le FMI, la Commission et la BCE, d’autre part. Il a indiqué que, compte tenu de cet accord, étaient réunis les éléments nécessaires au lancement des procédures nationales requises aux fins de l’approbation formelle de l’accord relatif à l’assistance financière demandée par la République de Chypre. Il a également relevé qu’il s’attendait à ce que le conseil des gouverneurs du MES soit en mesure d’approuver cet accord pour le 24 avril 2013, sous réserve de la clôture des procédures nationales. Deuxièmement, l’Eurogroupe a relevé que les autorités chypriotes avaient mis en œuvre des mesures décisives de résolution, de restructuration et de recapitalisation visant à remédier à la situation fragile et unique du secteur financier chypriote.

39

Lors de sa réunion du 24 avril 2013, premièrement, le conseil des gouverneurs du MES a confirmé, d’une part, que la Commission et la BCE avaient été chargées d’effectuer les évaluations visées à l’article 13, paragraphe 1, du traité MES et, d’autre part, que la Commission, en collaboration avec la BCE et le FMI, avait été chargée de négocier le protocole d’accord avec la République de Chypre. Deuxièmement, il a décidé d’octroyer un soutien à la stabilité à la République de Chypre sous la forme d’une facilité d’assistance financière (ci-après la « FAF »), conformément à la proposition du directeur général du MES. Troisièmement, il a approuvé un nouveau projet de protocole d’accord négocié, d’une part, par la Commission, en collaboration avec la BCE et le FMI, et, d’autre part, par la République de Chypre. Quatrièmement, il a chargé la Commission de signer ce protocole au nom du MES.

40

Le 25 avril 2013, agissant en vertu de l’article 136, paragraphe 1, TFUE, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2013/236/UE, adressée à Chypre, portant mesures spécifiques pour restaurer la stabilité financière et une croissance durable (JO 2013, L 141, p. 32). Cette décision prévoit une série de « mesures et [de] résultats » en vue de corriger le déficit budgétaire de la République de Chypre et de rétablir la solidité du système financier de cette dernière.

41

Le 26 avril 2013, le nouveau protocole d’accord (ci-après le « protocole d’accord du 26 avril 2013 ») a été signé par le vice-président de la Commission, au nom du MES, par le ministre des Finances de la République de Chypre et par le gouverneur de la BCC.

42

Sous le titre « Restructuration et résolution [des banques visées] », les points 1.23 à 1.28 de ce protocole d’accord énoncent :

« 1.23

L’examen de la valeur financière et comptable déjà mentionné a révélé que les deux plus grandes banques de Chypre étaient insolvables. Afin de régler cette situation, le gouvernement a mis en œuvre un plan de résolution et de restructuration de grande ampleur. Afin d’éviter l’accumulation de futurs déséquilibres et de rétablir la viabilité du secteur, tout en préservant la concurrence, une stratégie comprenant quatre volets, qui n’implique pas l’utilisation de l’argent des contribuables, a été adoptée.

1.24

Premièrement, tous les actifs (y compris les prêts dans le domaine du transport maritime) et les passifs liés à la Grèce, estimés respectivement à 16,4 et à 15 milliards d’euros, selon l’hypothèse défavorable, ont été cédés. Les actifs et les passifs grecs ont été acquis par Piraeus Bank, dont la restructuration sera prise en charge par les autorités helléniques. La cession a été mise en place en vertu d’un accord signé le 26 mars 2013. La valeur comptable des actifs s’élevant à 19,2 milliards d’euros, cette cession a permis de réduire substantiellement l’exposition mutuelle entre la Grèce et Chypre.

1.25

Concernant la succursale de [la Laïki] au Royaume-Uni, tous les dépôts ont été transférés à la filiale britannique de [la BoC]. Les actifs associés ont été intégrés au sein de [la BoC].

1.26

Deuxièmement, [la BoC] reprend – par le biais d’une procédure d’achat et d’absorption – les actifs chypriotes de [la Laïki], à leur juste valeur, ainsi que ses dépôts assurés et son exposition [à l’ELA], à leur valeur nominale. Les dépôts non assurés de [la Laïki] seront maintenus au sein de l’ancienne entité. Le but est que la valeur des actifs cédés soit supérieure à celle des passifs cédés de sorte que la différence corresponde à la recapitalisation de [la BoC] par [la Laïki] à hauteur de 9 % des actifs pondérés en fonction des risques qui ont été cédés. [La BoC] fait l’objet d’une recapitalisation de sorte à atteindre, à la fin du programme, un ratio minimal de fonds propres (core tier one ratio) de 9 %, selon l’hypothèse défavorable du test de résistance, ce qui devrait contribuer à rétablir la confiance et à normaliser les conditions de financement. La conversion de 37,5 % des dépôts non assurés détenus dans [la BoC] en actions ordinaires, assorties d’un plein droit de vote et des droits à dividendes, fournit la plus grande partie des besoins en capital, avec un apport supplémentaire en capitaux propres de la part de l’ancienne entité de [la Laïki]. Une partie des dépôts non assurés restants de [la BoC] sera temporairement gelée.

1.27

Troisièmement, afin de s’assurer que les objectifs de la capitalisation seront atteints, une évaluation indépendante plus détaillée et actualisée des actifs [des banques visées] sera menée à bien, conformément aux exigences du cadre pour la résolution des défaillances bancaires, pour la fin juin 2013. À cet effet, les termes de référence de l’exercice d’évaluation indépendante seront convenus au plus tard pour la mi-avril 2013, en consultation avec la [Commission], la [BCE] et le [FMI]. Après cette évaluation, il sera procédé, si nécessaire, à une conversion additionnelle de dépôts non assurés en actions ordinaires, de sorte à s’assurer que l’objectif visant un niveau minimum de capitaux propres de 9 % en conditions de crise puisse être atteint à la fin du programme. Si [la BoC] devait être surcapitalisée au regard de cet objectif, il sera procédé à un rachat d’actions afin de rembourser les déposants du montant correspondant à la surcapitalisation.

1.28

Enfin, compte tenu de l’importance systémique de la [BoC], il est important que les opérations de la [Laïki] soient rapidement intégrées, l’efficience opérationnelle améliorée, le recouvrement des prêts non performants optimisé, avec mise en œuvre du recouvrement par l’entité viable, et les conditions de financement progressivement normalisées. Pour réaliser ces objectifs et garantir que la [BoC] puisse opérer avec des garanties maximales pour préserver stabilité et viabilité continue pendant une période de transition, la BCC, après consultation avec le ministère des Finances, nommera un nouveau conseil d’administration et un nouveau directeur général par intérim jusqu’à ce que les nouveaux actionnaires de la [BoC] soient organisés dans le cadre d’une assemblée générale. La BCC exigera du conseil d’administration qu’il prépare un plan de restructuration définissant les objectifs commerciaux et les politiques de crédit de la banque d’ici fin septembre 2013. Pour garantir que les activités commerciales normales ne soient pas affectées, des arrangements institutionnels seront élaborés d’ici fin juin 2013 conformément au droit chypriote pour protéger la [BoC] de risques réputationnels et de gouvernance. »

43

Le 30 avril 2013, le Parlement chypriote a approuvé le protocole d’accord du 26 avril 2013.

44

Le 8 mai 2013, le MES, la République de Chypre et la BCC ont conclu l’accord relatif à la FAF. Le même jour, le conseil d’administration du MES a approuvé cet accord ainsi qu’une proposition relative aux modalités de paiement à la République de Chypre d’une première tranche d’aide d’un montant de 3 milliards d’euros. Cette tranche a été divisée en deux versements. Le premier, de l’ordre de 2 milliards d’euros, a été effectué le 13 mai 2013. Le second, de l’ordre de 1 milliard d’euros, a été effectué le 26 juin 2013.

45

Par déclaration du 13 mai 2013, l’Eurogroupe a salué la décision du conseil des gouverneurs du MES d’approuver la première tranche d’aide et a confirmé que la République de Chypre avait mis en œuvre les mesures convenues dans le protocole d’accord du 26 avril 2013.

46

Par déclaration du 13 septembre 2013, l’Eurogroupe a salué, d’une part, la conclusion de la première mission de contrôle de la Commission, de la BCE et du FMI et, d’autre part, le fait que la BoC était sortie de la procédure de résolution le 30 juillet 2013. En outre, l’Eurogroupe a exprimé son soutien au versement d’une deuxième tranche d’aide. De l’ordre de 1,5 milliards d’euros, celui-ci a été effectué le 27 septembre 2013.

II. Procédure et conclusions des parties

47

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 décembre 2013, les requérants, Dr. K. Chrysostomides & Co. LLC et les autres parties dont les noms figurent en annexe, ont introduit le présent recours.

48

Dans leur requête, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

à titre principal, condamner les défendeurs à leur payer les montants indiqués en annexe à la requête, majorés des intérêts courant du 16 mars 2013 jusqu’au prononcé de l’arrêt du Tribunal ;

à titre subsidiaire, constater que l’Union et/ou les défendeurs ont engagé leur responsabilité extracontractuelle et déterminer la procédure à suivre afin d’établir les pertes récupérables qu’ils ont effectivement subies ;

condamner les défendeurs aux dépens.

49

Dans leur requête, les requérants ont également sollicité le traitement prioritaire de la présente affaire, en application de l’article 55, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

50

Par actes séparés, déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 14 juillet 2014, le 16 juillet 2014 et le 18 août 2014, le Conseil, la BCE et la Commission ont soulevé des exceptions d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du 2 mai 1991.

51

Dans son exception d’irrecevabilité, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme étant irrecevable ;

condamner les requérants aux dépens.

52

Dans son exception d’irrecevabilité, la BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme étant irrecevable ou comme étant manifestement dénué de tout fondement en droit au sens de l’article 111 du règlement de procédure du 2 mai 1991 ;

condamner les requérants aux dépens.

53

Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

à titre principal, rejeter le recours comme étant manifestement irrecevable ;

à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant manifestement dénué de tout fondement en droit au sens de l’article 111 du règlement de procédure du 2 mai 1991 ;

en tout état de cause, condamner les requérants aux dépens.

54

Les requérants ont présenté leurs observations sur ces exceptions le 2 octobre 2014. Dans ces observations, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter les exceptions d’irrecevabilité ;

à titre subsidiaire, joindre les exceptions d’irrecevabilité au fond ;

faire droit aux conclusions de la requête.

55

Par ordonnance du 3 juin 2015, le Tribunal (première chambre) a décidé de joindre au fond les exceptions d’irrecevabilité soulevées par les défendeurs, conformément à l’article 114, paragraphe 4, du règlement de procédure du 2 mai 1991.

56

Le 28 juillet 2015, le 30 juillet 2015 et le 31 juillet 2015, respectivement, le Conseil, la BCE et la Commission ont présenté des mémoires en défense.

57

Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme étant irrecevable ;

à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant manifestement non fondé ;

condamner les requérants aux dépens.

58

La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme étant irrecevable ;

à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant non fondé ;

condamner les requérants aux dépens.

59

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme étant irrecevable et/ou non fondé ;

condamner les requérants aux dépens.

60

Le 23 septembre 2015, le Tribunal a décidé, en application de l’article 83, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, qu’un second échange de mémoires n’était pas nécessaire.

61

Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 octobre 2015, les requérants ont demandé, conformément à l’article 83, paragraphe 2, du règlement de procédure, à être autorisés à déposer une réplique.

62

Par décision du 28 octobre 2015, le Tribunal a fait droit à cette demande.

63

Le 9 décembre 2015, les requérants ont présenté leur réplique. Le 29 janvier 2016, le 11 février 2016 et le 12 février 2016, respectivement, le Conseil, la Commission et la BCE ont présenté leurs dupliques.

64

Par courrier déposé au greffe du Tribunal le 2 mars 2016, les requérants ont demandé, d’une part, la tenue d’une audience et, d’autre part, que la présente affaire et l’affaire T‑786/14, Bourdouvali e.a./Conseil e.a., soient jointes aux fins de la phase orale de la procédure. Les défendeurs ont indiqué au Tribunal qu’ils n’avaient aucune objection à la jonction demandée.

65

Le 18 avril 2016, en application de l’article 69, sous d), du règlement de procédure, le président de la première chambre du Tribunal a décidé de suspendre la présente procédure jusqu’à l’adoption de la décision mettant fin à l’instance dans les affaires C‑8/15 P, Ledra Advertising/Commission et BCE, C‑9/15 P, Eleftheriou e.a./Commission et BCE, C‑10/15 P, Theophilou et Theophilou/Commission et BCE, C‑105/15 P, Mallis et Malli/Commission et BCE, C‑106/15 P, Tameio Pronoias Prosopikou Trapezis Kyprou/Commission et BCE, C‑107/15 P, Chatzithoma/Commission et BCE, C‑108/15 P, Chatziioannou/Commission et BCE, et C‑109/15 P, Nikolaou/Commission et BCE.

66

À la suite des arrêts du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701), et Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702), par lesquels la Cour a mis fin à l’instance dans les procédures visées au point 65 ci-dessus, la présente procédure a repris.

67

Le 27 octobre 2016, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à présenter des observations quant aux conséquences qu’elles tiraient de ces deux arrêts pour le présent litige. Les parties ont déféré à cette invitation dans le délai imparti.

68

La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

69

Le 27 avril 2017, le président de la quatrième chambre du Tribunal a décidé de joindre la présente affaire à l’affaire T‑786/13, Bourdouvali e.a./Conseil e.a., aux fins de la phase orale de la procédure.

70

Le 17 mai 2017, sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer la présente affaire devant une formation de jugement élargie.

71

Le 18 mai 2017, sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure sans accéder à la demande de traitement prioritaire présentée par les requérants. Le même jour, le président de la quatrième chambre élargie du Tribunal a fixé l’audience au 12 juillet 2017.

72

Le 14 juin 2017, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties. Ces dernières ont répondu dans le délai imparti.

73

Par lettre du 20 juin 2017, les requérants ont sollicité le report de l’audience, prévue pour le 12 juillet 2017 (voir point 71 ci-dessus). Le 26 juin 2017, le président de la quatrième chambre élargie a fait droit à cette demande et a reporté l’audience au 11 septembre 2017.

74

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 11 septembre 2017.

III. En droit

75

Lors de l’entrée en vigueur des décrets dommageables (voir points 30 à 36 ci-dessus), les requérants étaient soit des titulaires de dépôts auprès des banques visées, soit des actionnaires de celles-ci.

76

L’application des mesures prévues par les décrets dommageables, tels que modifiés le 30 juillet 2013 (ci-après, prises ensemble, les « mesures dommageables »), aurait provoqué une réduction substantielle de la valeur des dépôts, des actions et des créances obligataires des requérants, chiffrée précisément par ceux-ci dans une annexe de la requête.

77

Tout d’abord, les requérants font valoir que l’adoption des mesures dommageables est imputable aux défendeurs. Ceux-ci auraient pris certains actes (ci-après les « actes litigieux »), par lesquels ils auraient, premièrement, contraint la République de Chypre à adopter les mesures dommageables pour bénéficier d’une aide qui lui était indispensable, deuxièmement, approuvé l’adoption de ces mesures et, troisièmement, favorisé ou pérennisé leur mise en œuvre. Il s’agirait, plus particulièrement, des actes suivants :

la déclaration de l’Eurogroupe du 25 mars 2013 ;

l’« accord de l’Eurogroupe du 25 mars 2013 » ;

la « décision du conseil des gouverneurs de la BCE du 21 mars 2013 tendant au remboursement de l’ELA pour le 26 mars [2013] à moins qu’un accord n’intervienne sur un paquet de sauvetage » ;

les « décisions de la BCE de continuer à octroyer l’ELA » ;

la négociation et la conclusion, par la Commission, du protocole d’accord du 26 avril 2013 ;

les autres actes par lesquels les défendeurs ont entériné et approuvé les mesures dommageables, à savoir les déclarations de l’Eurogroupe des 12 avril, 13 mai et 13 septembre 2013, les « considérations de la Commission selon lesquelles les mesures adoptées par les autorités chypriotes étaient conformes à la conditionnalité », la décision 2013/236 et l’approbation, par la Commission et la BCE, du versement des différentes tranches de la FAF à la République de Chypre.

78

Ensuite, les requérants soutiennent que les actes litigieux ont été adoptés sans prendre en compte les intérêts du groupe fermé constitué des déposants ou des actionnaires des banques visées, en violation grave et caractérisée du droit de l’Union.

79

Enfin, d’une part, les requérants relèvent qu’il y a un lien direct entre les mesures dommageables et les pertes qu’ils ont subies. D’autre part, ils demandent à être indemnisés de ces pertes.

A. Sur la compétence du Tribunal

80

Les défendeurs contestent la compétence du Tribunal pour connaître du présent recours.

81

Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 268 et de l’article 340, deuxième et troisième alinéas, TFUE, le Tribunal n’est, en matière de responsabilité non contractuelle, compétent que pour connaître des litiges relatifs à la réparation des dommages causés par les institutions, les organes ou les organismes de l’Union ou par leurs agents agissant dans l’exercice de leurs fonctions (voir, en ce sens, ordonnance du 1er avril 2008, Ayyanarsamy/Commission et Allemagne, T‑412/07, non publiée, EU:T:2008:84, point 24).

82

Selon la jurisprudence, le terme « institution », employé à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, ne doit pas être compris comme visant les seules institutions de l’Union énumérées à l’article 13, paragraphe 1, TUE (voir, en ce sens, arrêt du 2 décembre 1992, SGEEM et Etroy/BEI, C‑370/89, EU:C:1992:482, point 16). Ce terme recouvre également, eu égard au système de responsabilité non contractuelle établi par le traité FUE, tous les autres organes et organismes de l’Union institués par les traités et destinés à contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union. Par conséquent, les actes pris par ces organes et organismes dans l’exercice des compétences qui leur sont attribuées par le droit de l’Union sont imputables à l’Union, conformément aux principes généraux communs aux États membres visés à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2002, Lamberts/Médiateur, T‑209/00, EU:T:2002:94, point 49).

83

Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait connaître d’une demande en indemnité dirigée contre l’Union et fondée sur l’illégalité d’un acte ou d’un comportement dont l’auteur n’est ni une institution, un organe ou un organisme de l’Union ni l’un de leurs agents agissant dans l’exercice de ses fonctions. Ainsi, les dommages causés par les autorités nationales dans l’exercice de leurs propres compétences ne sont susceptibles de mettre en jeu que la responsabilité de ces dernières et les juridictions nationales demeurent seules compétentes pour en assurer la réparation (voir, en ce sens, arrêts du 7 juillet 1987, L’Étoile commerciale et CNTA/Commission, 89/86 et 91/86, EU:C:1987:337, point 17 et jurisprudence citée, et du 4 février 1998, Laga/Commission, T‑93/95, EU:T:1998:22, point 47).

84

En revanche, il n’est pas exclu que le Tribunal puisse connaître d’un recours tendant à la réparation de dommages causés par un acte ou un comportement par lequel une autorité nationale assure l’exécution d’une réglementation de l’Union. En pareil cas, il convient de vérifier, pour fonder la compétence du Tribunal, si l’illégalité alléguée à l’appui du recours émane bien d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union ou de l’un de ses agents agissant dans l’exercice de ses fonctions et ne peut être regardée comme étant, en réalité, imputable à l’autorité nationale en cause (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 février 1986, Krohn Import-Export/Commission, 175/84, EU:C:1986:85, point 19). Tel est le cas lorsque les autorités nationales ne disposent d’aucune marge d’appréciation pour mettre en œuvre une réglementation de l’Union entachée d’une telle illégalité (voir, en ce sens, arrêt du 11 janvier 2002, Biret International/Conseil, T‑174/00, EU:T:2002:2, point 33 et jurisprudence citée).

85

En outre, le Tribunal est compétent pour connaître d’un recours tendant à la réparation de dommages causés par des actes ou des comportements illicites de la Commission ou de la BCE liés aux tâches qui leur sont confiées dans le cadre du traité MES (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 54 à 60).

86

En l’espèce, sans préjudice de l’identification de la cause déterminante du préjudice allégué, il y a lieu de constater que c’est dans l’application des mesures dommageables qu’est susceptible de trouver son origine immédiate la perte patrimoniale que les requérants prétendent avoir subie, que ce soit en tant qu’actionnaires ou déposants des banques visées. Comme en conviennent les requérants, ces mesures ont été introduites au moyen des décrets dommageables. Or, les décrets dommageables, publiés le 29 mars 2013 (voir point 30 ci-dessus) et, pour certains, modifiés le 30 juillet 2013, ont été adoptés par une autorité chypriote, le gouverneur de la BCC, en vertu d’une loi chypriote, la loi du 22 mars 2013. L’adoption de cette loi et de ces décrets est antérieure à la signature du protocole d’accord du26 avril 2013 et n’a pas été formellement requise par un acte de l’Union, à la différence, par exemple, d’un acte national de transposition d’une directive. Les décrets dommageables ne sont donc pas, formellement, imputables à l’Union.

87

À cet égard, premièrement, les défendeurs avancent que l’adoption des décrets dommageables n’est pas non plus, en réalité, imputable à l’Union et ne saurait donc engager sa responsabilité. Ces décrets seraient exclusivement imputables aux autorités chypriotes, qui les auraient adoptés unilatéralement, dans l’exercice de leur pouvoir souverain. La Commission et la BCE précisent que le protocole d’accord du 26 avril 2013 mentionne les mesures dommageables à des fins historiques et descriptives, l’octroi de la FAF n’ayant été conditionné qu’à l’adoption de mesures futures. Quant aux conseils techniques fournis au cours d’une procédure nationale, la Commission et la BCE rappellent qu’ils n’engagent pas la responsabilité de l’Union.

88

Deuxièmement, le Conseil et la Commission soulignent que l’Eurogroupe est une réunion intergouvernementale informelle dont les déclarations, dépourvues d’effets juridiques, sont imputables à chaque État membre représenté et ne sauraient, par suite, engager la responsabilité de l’Union.

89

Troisièmement, la BCE rappelle que l’ELA relève de la compétence des banques centrales nationales de l’Eurosystème. La BCE se bornerait à vérifier s’il interfère avec les missions et les objectifs du Système européen de banques centrales (SEBC). Pour ce faire, n’ayant pas les facultés pour évaluer la solvabilité des banques chypriotes, la BCE aurait été contrainte de souscrire aux évaluations effectuées par la BCC, lesquelles étaient fortement fondées sur la perspective d’adoption imminente d’un programme de soutien. Dès lors, la BCE aurait inévitablement dû considérer que son approche devait varier si aucun programme de ce type n’était adopté.

90

En tout état de cause, le 21 mars 2013, la BCE n’aurait pas adopté de décision au titre de l’article 14.4 du protocole no 4, du 30 mars 2010, sur les statuts du [SEBC] et de la BCE (JO 2010, C 83, p. 230, ci-après les « statuts de la BCE »), mais aurait émis une simple déclaration d’intention dépourvue d’effets juridiques et pouvant être librement modifiée, même dans l’hypothèse où ladite déclaration aurait pu augmenter la pression supportée par les autorités chypriotes en raison de la situation déplorable des finances publiques et des banques chypriotes.

91

Quatrièmement, la Commission relève que ni le traité MES ni la jurisprudence ne l’obligent à garantir que tout ce qui relève dudit traité respecte le droit de l’Union. Toutefois, dès lors qu’elle conserve son rôle de gardienne des traités, consacré à l’article 17 TUE, dans le cadre du MES, la Commission aurait veillé à la conformité du protocole d’accord du 26 avril 2013 avec le droit de l’Union. Or, il ressortirait de la jurisprudence que l’article 17 TUE ne confère pas de droits aux particuliers et qu’une violation de celui-ci n’est pas de nature à engager la responsabilité de l’Union.

92

Les requérants rétorquent que le Tribunal est compétent pour connaître du présent recours.

93

Premièrement, ils avancent que, même si les décrets dommageables sont formellement des actes souverains et unilatéraux de la République de Chypre, les mesures dommageables sont, en réalité, imputables aux défendeurs. En effet, dans sa déclaration du 25 mars 2013, l’Eurogroupe aurait décidé de subordonner la FAF à l’adoption de ces mesures et, compte tenu de la « demande de la BCE de remboursement de l’ELA pour le 26 mars 2013 », la FAF aurait été indispensable pour éviter la faillite de la République de Chypre, dont la marge de manœuvre était inexistante. L’Eurogroupe ayant ainsi exigé l’adoption des mesures dommageables, la circonstance que celles-ci ont été adoptées avant la signature du protocole d’accord du 26 avril 2013 serait sans incidence sur leur imputabilité à l’Union. À l’inverse, le fait que les mesures dommageables ont été recensées dans le protocole d’accord du 26 avril 2013 et que leur mise en œuvre a été surveillée par la Commission, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision 2013/236, ainsi que la teneur de l’article 2, paragraphe 6, de cette décision montreraient qu’il s’agissait de conditions auxquelles l’octroi de la FAF a été subordonné.

94

Deuxièmement, les requérants relèvent que l’Eurogroupe peut engager la responsabilité de l’Union, dès lors qu’il s’agit d’un organe prévu par le droit primaire et dont les tâches s’effectuent dans le cadre de l’union monétaire, qui relève de la compétence exclusive de l’Union. Par ailleurs, l’Eurogroupe étant réuni généralement le soir de la réunion du Conseil Ecofin et rassemblant des États membres représentant 215 des 255 voix nécessaires pour atteindre la majorité qualifiée à l’époque des faits, ses décisions seraient toujours suivies par le Conseil.

95

Les requérants ajoutent qu’un acte non contraignant, tel qu’une publication, peut engager la responsabilité de l’Union. En tout état de cause, la déclaration de l’Eurogroupe du 25 mars 2013 serait contraignante. L’Eurogroupe aurait décidé de subordonner la FAF à des conditions précises, que les autorités chypriotes, le MES et les institutions de l’Union concernées ont perçues comme étant contraignantes. En particulier, le conseil des gouverneurs du MES ayant la même composition que l’Eurogroupe, il ne pouvait, selon les requérants, qu’entériner cette décision, voire était lié par celle-ci. Cela ressortirait, par ailleurs, de la déclaration du 25 mars 2013 elle-même, ainsi que de la résolution du Parlement du 13 mars 2014 sur le rapport d’enquête sur le rôle et les activités dans les pays « sous programme » de la zone euro de la troïka, à savoir la Commission, la BCE et le FMI. Les requérants estiment à cet égard qu’est applicable par analogie en l’espèce la jurisprudence selon laquelle un acte de l’Union, lorsqu’il autorise un État membre à entreprendre une action, affecte directement la situation juridique des particuliers concernés si l’exercice par l’État membre de son pouvoir d’appréciation ne fait aucun doute.

96

En outre, les requérants relèvent que l’octroi de la FAF ne sort pas du cadre de l’Union. En effet, tout d’abord, cet octroi aurait été décidé par l’Eurogroupe, un organe de l’Union, en vue de réaliser des objectifs de l’Union. Ensuite, la FAF aurait été formellement accordée par le MES, un mécanisme dont la nécessité a été décidée par le Conseil européen, dont les objectifs sont étroitement liés à ceux de l’Union, et qui est placé sous le contrôle et la surveillance de la Commission et de la BCE. Enfin, la FAF aurait été accompagnée de la décision 2013/236, adoptée la veille de la signature du protocole d’accord du 26 avril 2013.

97

Troisièmement, les requérants relèvent que, conformément à l’article 14.4 des statuts de la BCE, cette dernière doit être informée de toute opération d’ELA et dispose du droit d’opposer son veto à une telle opération. Le fait que la BCE ne dispose d’aucune compétence de vérification de la solvabilité des banques ne signifierait pas que sa décision puisse être arbitraire.

98

Quatrièmement, les requérants font valoir que la responsabilité de l’Union est engagée si ses institutions, lorsqu’elles agissent dans le cadre du MES, violent le droit de l’Union, coopèrent dans l’adoption d’un acte pris en violation de ce droit ou s’abstiennent de veiller à la compatibilité de l’acte en question avec ledit droit. La responsabilité de l’Union serait également engagée au motif que les défendeurs auraient approuvé les mesures dommageables.

99

Le débat entre les parties soulève, en substance, deux interrogations, que le Tribunal examinera successivement. D’une part, il s’agit pour le Tribunal de déterminer si les mesures dommageables, formellement imputables à la République de Chypre, sont, en réalité, imputables aux défendeurs en tout ou en partie (voir points 101 à 193 ci-après).

100

D’autre part, il s’agit pour le Tribunal de déterminer si certains actes et comportements des défendeurs ont pu, indépendamment de la question de l’imputabilité des mesures dommageables, engager la responsabilité extracontractuelle de l’Union (voir points 194 à 207 ci-après).

1.   Sur l’imputabilité aux défendeurs des mesures dommageables

101

À titre liminaire, il convient de rappeler que la vérification de l’imputabilité d’un acte ou d’un comportement litigieux à l’Union peut être pertinente, d’une part, dans le cadre de l’appréciation de la compétence du Tribunal, dans la mesure où celui-ci est incompétent pour connaître de la réparation d’un préjudice imputable non aux institutions, aux organes ou aux organismes de l’Union ou à leurs agents agissant dans l’exercice de leurs fonctions, mais à un État membre ou à une autre entité externe à l’Union, et, d’autre part, dans le cadre de l’examen au fond d’un recours, étant donné qu’elle fait partie des éléments permettant de déterminer si est remplie l’une des trois conditions d’engagement de la responsabilité de l’Union, à savoir l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché à ces institutions, à ces organes ou à ces organismes ou à leurs agents agissant dans l’exercice de leurs fonctions et le préjudice allégué (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2017, Sotiropoulou e.a./Conseil, T‑531/14, non publié, EU:T:2017:297, point 57). En l’espèce, eu égard notamment à l’argumentation des parties (voir points 87 à 98 ci-dessus), le Tribunal estime qu’il convient d’examiner la question de l’imputabilité dans le cadre de l’examen de la compétence du Tribunal.

102

Les requérants font valoir, en substance, que les défendeurs ont, en réalité, au moyen des actes litigieux (voir point 77 ci-dessus), contraint la République de Chypre à adopter les mesures dommageables. Il en résulterait que les pertes que les requérants auraient, en leur qualité d’actionnaires ou de déposants des banques visées, subies du fait de ces mesures peuvent être considérées comme ayant été causées par des institutions, des organes ou des organismes de l’Union ou par leurs agents agissant dans l’exercice de leurs fonctions, ce que les défendeurs contestent.

103

Il convient donc d’examiner, conformément à la jurisprudence citée aux points 81 à 85 ci-dessus, si le Conseil, la Commission et la BCE ainsi que l’Eurogroupe, pour autant qu’il puisse être considéré comme étant une institution de l’Union au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, ont, au moyen des actes litigieux (voir point 77 ci-dessus), exigé l’adoption des mesures dommageables (voir points 104 à 182 ci-après) et, le cas échéant, si la République de Chypre avait une marge d’appréciation pour s’affranchir d’une telle exigence (voir points 183 à 191 ci-après). À cet égard, le Tribunal précise d’emblée que l’appréciation du caractère contraignant ou non des actes litigieux et de la pression économique et financière à laquelle la République de Chypre aurait fait face a trait à la détermination de la marge d’appréciation de cette dernière et sera donc, le cas échéant, examinée dans la partie du présent arrêt consacrée à cette question.

a)   Sur la question de savoir si les défendeurs ont, au moyen des actes litigieux, exigé l’adoption des mesures dommageables

104

Il y a lieu d’examiner chacun des actes litigieux (voir point 77 ci-dessus) aux fins de déterminer s’il peut être considéré que, par l’un ou plusieurs d’entre eux, le Conseil, la Commission et la BCE ainsi que l’Eurogroupe, pour autant qu’il puisse être considéré comme étant une institution de l’Union au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, ont imposé l’adoption des mesures dommageables à la République de Chypre.

1) Déclaration de l’Eurogroupe du 25 mars 2013

105

Les requérants soutiennent, en substance, que, par sa déclaration du 25 mars 2013, l’Eurogroupe a conditionné l’octroi de la FAF à l’adoption des mesures dommageables.

106

Avant d’examiner le contenu de cette déclaration, il y a lieu de déterminer si l’Eurogroupe peut être considéré comme une institution de l’Union au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE. Conformément à la jurisprudence citée au point 82 ci-dessus, ce n’est, en effet, que dans cette hypothèse qu’un acte de l’Eurogroupe, tel que ladite déclaration, peut engager la responsabilité de l’Union. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, comme il a été indiqué au point 82 ci-dessus, le terme « institution » employé à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE englobe non seulement les institutions de l’Union énumérées à l’article 13, paragraphe 1, TUE, mais aussi tous les autres organes et organismes de l’Union institués par les traités et destinés à contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union.

107

Le Conseil et la Commission considèrent, en substance, que l’Eurogroupe n’est pas une institution de l’Union au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE. Au soutien de cette thèse, le Conseil s’appuie, notamment, sur le point 61 de l’arrêt du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702), dont il ressortirait que l’Eurogroupe ne peut ni être assimilé à une formation du Conseil, ni être qualifié d’organe ou d’organisme de l’Union. Or, dans la mesure où l’Eurogroupe ne serait ni une formation du Conseil, ni un organe, ni un organisme de l’Union, il ne pourrait engager la responsabilité non contractuelle de cette dernière.

108

À cet égard, il convient de constater que, au point 61 de l’arrêt du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702), la Cour a pris soin de préciser que l’Eurogroupe ne pouvait être qualifié d’organe ou d’organisme de l’Union « au sens de l’article 263 TFUE ».

109

Or, la compétence que le juge de l’Union exerce dans le contentieux de la légalité au titre de l’article 263 TFUE diffère tant par son objet que par les griefs qui peuvent être invoqués de celle dont il est investi dans le contentieux de la responsabilité non contractuelle au titre des articles 268 et 340 TFUE (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 juillet 1961, Vloeberghs/Haute Autorité, 9/60 et 12/60, EU:C:1961:18, p. 425). En effet, comme le soulignent les requérants, le recours en indemnité lié à une responsabilité non contractuelle de l’Union pour les actions ou les omissions de ses institutions a été institué comme une voie de recours autonome par rapport à d’autres actions en justice, ayant sa fonction particulière dans le cadre du système des voies de recours et subordonnée à des conditions d’exercice conçues en vue de son objet spécifique (arrêts du 28 avril 1971, Lütticke/Commission, 4/69, EU:C:1971:40, point 6 ; du 12 avril 1984, Unifrex/Commission et Conseil, 281/82, EU:C:1984:165, point 11, et du 7 juin 2017, Guardian Europe/Union européenne, T‑673/15, sous pourvoi, EU:T:2017:377, point 53). Alors que le recours en annulation prévu à l’article 263 TFUE tend à la suppression d’une mesure déterminée, le recours en indemnité fondé sur l’article 340 TFUE a pour objet la réparation du préjudice causé par une institution (voir, en ce sens, arrêts du 2 décembre 1971, Zuckerfabrik Schöppenstedt/Conseil, 5/71, EU:C:1971:116, point 3, et du 18 septembre 2014, Georgias e.a./Conseil et Commission, T‑168/12, EU:T:2014:781, point 32).

110

Ainsi, indépendamment de sa qualité d’acte attaquable susceptible d’un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, tout acte d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union ou de l’un de ses agents agissant dans l’exercice de ses fonctions est, en principe, susceptible de faire l’objet d’un recours en indemnité au titre de l’article 268 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2009, Arizmendi e.a./Conseil et Commission, T‑440/03, T‑121/04, T‑171/04, T‑208/04, T‑365/04 et T‑484/04, EU:T:2009:530, point 65). De même, un comportement non décisionnel de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union peut fonder un recours en indemnité, bien qu’il ne puisse pas faire l’objet d’un recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2003, Philip Morris International/Commission, T‑377/00, T‑379/00, T‑380/00, T‑260/01 et T‑272/01, EU:T:2003:6, point 123).

111

Il en ressort que, dans le système des voies de recours institué par le traité FUE, le recours en responsabilité non contractuelle poursuit une finalité compensatoire, destinée notamment à assurer une protection juridictionnelle effective au justiciable également à l’encontre d’actes et de comportements des institutions, des organes ou des organismes de l’Union ou de l’un de leurs agents agissant dans l’exercice de ses fonctions qui ne sauraient faire l’objet d’un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE. Ainsi, au regard des finalités différentes et complémentaires de ces deux types de recours, il ne saurait être considéré que le contenu de la notion d’« institution » au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE se limite nécessairement aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union visés à l’article 263, premier alinéa, TFUE.

112

Au contraire, l’identification des entités de l’Union qui peuvent être qualifiées d’« institutions » au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE doit s’opérer selon des critères propres à cette disposition, différents de ceux qui régissent l’identification des organes et des organismes visés à l’article 263, premier alinéa, TFUE. Pour les besoins de l’article 263 TFUE, le critère pertinent a trait à la faculté de l’entité défenderesse de prendre des actes destinés à produire des effets juridiques envers des tiers (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, EU:C:1986:166, points 23 à 25). À l’inverse, pour les besoins de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, il importe de déterminer si l’entité de l’Union à laquelle l’acte ou le comportement incriminé est imputable a été instituée par les traités et est destinée à contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2002, Lamberts/Médiateur, T‑209/00, EU:T:2002:94, point 49).

113

Or, l’article 137 TFUE et le protocole no 14, du 26 octobre 2012, sur l’Eurogroupe (JO 2012, C 326, p. 283), annexé au traité FUE, prévoient, notamment, l’existence, la composition, les modalités de réunion et les fonctions de l’Eurogroupe. À ce dernier égard, l’article 1er dudit protocole dispose que l’Eurogroupe se réunit « pour discuter de questions liées aux responsabilités spécifiques qu[e les ministres qui le composent] partagent en matière de monnaie unique ». Ces questions relèvent, en vertu de l’article 119, paragraphe 2, TFUE, de l’action de l’Union aux fins des objectifs énoncés à l’article 3 TUE, parmi lesquels figure l’établissement d’une union économique et monétaire dont la monnaie est l’euro. Il s’ensuit que l’Eurogroupe est une entité de l’Union formellement instituée par les traités et destinée à contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union. Sont donc imputables à l’Union les actes et les comportements de l’Eurogroupe dans l’exercice des compétences qui lui sont attribuées par le droit de l’Union.

114

Toute solution contraire se heurterait au principe de l’Union de droit, en ce qu’elle permettrait l’établissement, au sein même de l’ordre juridique de l’Union, d’entités dont les actes et les comportements ne pourraient engager la responsabilité de cette dernière.

115

Dans ces conditions, il convient de vérifier si l’Eurogroupe a, par sa déclaration du 25 mars 2013, exigé que la République de Chypre adopte les mesures dommageables. À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever que, dans sa déclaration du 25 mars 2013, l’Eurogroupe s’est livré, de façon très générale, à un compte rendu de certaines mesures convenues sur le plan politique avec la République de Chypre, en vue de stabiliser la situation financière de celle-ci, et a annoncé ou encouragé certaines démarches futures.

116

En revanche, l’Eurogroupe n’a exprimé de position définitive ni quant à l’octroi de la FAF, ni quant aux conditions que la République de Chypre devrait respecter pour en bénéficier. En particulier, il n’a indiqué ni que la FAF ne serait octroyée à la République de Chypre que dans l’hypothèse où celle-ci adopterait ou mettrait en œuvre les mesures dommageables, ni que les plans de restructuration du secteur financier spécifiés dans l’annexe de la déclaration en cause étaient considérés comme faisant partie du programme d’ajustement macroéconomique que la République de Chypre serait tenue de respecter en vertu de l’article 12, paragraphe 1, du traité MES.

117

Deuxièmement, il ressort de la déclaration en cause que l’Eurogroupe a estimé que la faculté d’octroyer ou de refuser l’assistance demandée relevait non pas de sa compétence, mais de celle du conseil des gouverneurs du MES. Il y a donc lieu de considérer que, contrairement aux allégations des requérants et malgré l’existence de formulations dans son annexe qui pourraient paraître catégoriques, dont celles selon lesquelles, d’une part, la Laïki est immédiatement démantelée, avec une contribution complète des actionnaires, des détenteurs d’obligations et des déposants non assurés, et, d’autre part, la BoC sera recapitalisée par le biais d’une conversion des dépôts non garantis en fonds propres avec une contribution complète des actionnaires et des détenteurs d’obligations (voir point 27 ci-dessus), la déclaration du 25 mars 2013 de l’Eurogroupe était de nature purement informative. L’Eurogroupe s’est limité à informer le public de l’existence de certains accords adoptés sur le plan politique et à exprimer son avis quant à la probabilité de l’octroi de la FAF par le MES (voir, en ce sens, ordonnance du 16 octobre 2014, Mallis et Malli/Commission et BCE, T‑327/13, EU:T:2014:909, points 56 à 61).

118

Dès lors, il ne saurait être considéré que, par sa déclaration du 25 mars 2013, l’Eurogroupe a exigé que la République de Chypre adopte les mesures dommageables.

2) « Accord de l’Eurogroupe du 25 mars 2013 »

119

Ainsi qu’ils l’ont confirmé dans leur réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, les requérants considèrent également que la déclaration de l’Eurogroupe du 25 mars 2013 informe de l’existence d’un accord daté du même jour, en vertu duquel les membres de l’Eurogroupe seraient préalablement convenus que la FAF ne serait accordée à la République de Chypre que si celle-ci adoptait les mesures dommageables, sans aucune possibilité de les négocier.

120

L’existence d’un tel accord ne ressort pas de manière claire et univoque du libellé de la déclaration de l’Eurogroupe du 25 mars 2013. Néanmoins, les requérants déduisent l’existence de cet accord de certaines pièces du dossier, dont une lettre adressée par le ministre de l’Économie allemand au Parlement allemand le 13 avril 2013, en vue d’obtenir l’approbation de la décision du MES d’octroyer la FAF à la République de Chypre. Cette lettre contient un passage rédigé comme suit :

« L’Eurogroupe a conclu que, dans le contexte du rejet de l’accord initial par le Parlement de Chypre et de l’incertitude des développements ayant eu lieu entretemps, particulièrement dans le secteur bancaire chypriote, un potentiel programme ne pourrait être envisagé qu’après la mise en œuvre des mesures suivantes :

dissociation des succursales grecques du secteur bancaire chypriote : les succursales grecques des plus grandes banques chypriotes sont reprises par le secteur bancaire grec ;

liquidation de la [Laïki] et restructuration de la [BoC] sans l’utilisation des fonds d’un potentiel programme d’assistance […]

Les propriétaires et autres créanciers des banques sont donc impliqués comme suit dans les mesures de restructuration susmentionnées :

les propriétaires et les titulaires de créances subordonnées et les créanciers obligataires supporteront des pertes proportionnelles à leurs parts dans leur entièreté ;

les dépôts [confiés] à la [Laïki] de plus de 100000 euros et qui ne sont pas assujettis à la protection des dépôts bancaires contribueront à couvrir les besoins financiers des mesures de liquidation. Les dépôts de moins de 100000 euros et qui sont assujettis à la protection des dépôts bancaires seront transférés à la [BoC] ;

les actifs de valeur de la [Laïki] seront transférés à la [BoC]. Les actifs transférés devraient avoir une valeur supérieure aux passifs transférés, de sorte que la [Laïki] contribue ainsi également à renforcer le capital de la [BoC] ;

37,5 % des dépôts dans la [BoC] qui ne sont pas assujettis à la protection des dépôts bancaires seront convertis en actions de la banque. [Une part supplémentaire de 22,5 % de ces dépôts] pourrait aussi être convertie en actions en cas de nécessité. L’objectif est d’atteindre un ratio de capital de base de 9 % à la [BoC]. »

121

Il ressort de ce passage que le ministre de l’Économie allemand a informé le Parlement allemand de l’existence d’un accord, entre les membres de l’Eurogroupe, consistant à conditionner l’octroi de la FAF à l’adoption des mesures dommageables – ou, à tout le moins, de mesures très semblables à celles-ci. L’existence d’un tel accord est corroborée par plusieurs déclarations des autorités chypriotes et témoignages devant une commission d’enquête du Parlement chypriote.

122

Il y a donc lieu de considérer, premièrement, qu’il y a eu un accord (ci-après l’« accord de conditionnalité ») entre les représentants des EMME selon lequel la FAF ne serait octroyée à la République de Chypre que si elle adoptait les mesures dommageables (ou, à tout le moins, des mesures très semblables à celles-ci), deuxièmement, que cet accord était de nature informelle, dans la mesure où il n’a pas été conclu en vertu d’une procédure déterminée ou sur le fondement d’une base juridique déterminée, troisièmement, que ledit accord a été conclu soit pendant une réunion de l’Eurogroupe du 25 mars 2013, soit aux alentours de cette date, et, quatrièmement, que le ministre de l’Économie allemand a estimé que l’accord en cause avait été conclu par l’Eurogroupe.

123

Or, premièrement, il convient de relever que, en vertu des dispositions combinées de l’article 137 TFUE et de l’article 1er du protocole no 14 sur l’Eurogroupe, l’Eurogroupe est une réunion informelle des ministres des EMME, dont l’objet est de faciliter l’échange de vues au sujet de questions liées aux responsabilités spécifiques qu’ils partagent en matière de monnaie unique (voir, en ce sens, ordonnance du 16 octobre 2014, Mallis et Malli/Commission et BCE, T‑327/13, EU:T:2014:909, point 41). Ce protocole précise que les réunions de l’Eurogroupe sont préparées par les représentants des ministres chargés des finances des EMME et de la Commission. Au regard de ces dispositions, il est raisonnable de conclure que l’Eurogroupe est, en principe, composé des ministres chargés des finances des EMME. Comme l’a confirmé le Conseil lors de l’audience, tel était le cas en l’espèce, les ministres des EMME présents lors de la réunion de l’Eurogroupe du 25 mars 2013 étant ceux chargés des questions financières.

124

Deuxièmement, le conseil des gouverneurs du MES est, conformément à l’article 5, paragraphe 1, du traité MES, composé des ministres chargés des finances des EMME.

125

Dès lors, ainsi que le soulignent à juste titre les requérants, les membres du conseil des gouverneurs du MES et les ministres réunis au sein l’Eurogroupe sont, en principe et en tout cas en l’espèce, les mêmes personnes physiques. Il en résulte qu’il est, en pratique, impossible de déterminer a priori si un accord « informel », tel que l’accord de conditionnalité, a été conclu par ces personnes en tant que représentantes des EMME au sein de l’Eurogroupe ou en tant que membres du conseil des gouverneurs du MES.

126

Or, il y a lieu de rappeler que la FAF a été octroyée par le MES, selon les règles et les procédures prévues par le traité MES, et non par l’Eurogroupe.

127

Dès lors, il y a lieu de considérer que l’accord de conditionnalité a été conclu par les ministres chargés des finances des EMME réunis le 25 mars 2013 en tant que membres du conseil des gouverneurs du MES, et non en tant que membres de l’Eurogroupe. La mention de l’Eurogroupe dans la lettre du ministre de l’Économie allemand visée au point 120 ci-dessus peut s’expliquer par la circonstance que les représentants des EMME auprès de l’Eurogroupe réunis à cette date sont, en pratique, les mêmes personnes physiques que les membres du conseil des gouverneurs du MES.

128

À cet égard, il convient d’ajouter que, en créant le MES, les EMME ont choisi d’attribuer à cette organisation internationale, qui possède la personnalité juridique, des compétences concrètes et exclusives en matière d’octroi d’une assistance financière aux EMME en difficulté. L’exercice de ces compétences est soumis à des règles de droit international public, propres à une organisation de coopération intergouvernementale, le droit de l’Union n’étant applicable que dans la mesure où le traité MES le prévoit spécifiquement. Les EMME ont donc clairement situé l’octroi d’une FAF en dehors tant de la sphère d’activité de l’Union que de son cadre normatif.

129

Les EMME ont, certes, fait appel à des institutions de l’Union, à savoir la Commission et la BCE, pour remplir certaines tâches au bénéfice du MES. Toutefois, les fonctions confiées à ces institutions dans le cadre du traité MES ne comportent aucun pouvoir décisionnel propre et les activités exercées par lesdites institutions dans le cadre du même traité n’engagent que le MES (arrêts du 27 novembre 2012, Pringle, C‑370/12, EU:C:2012:756, point 161, et du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 53).

130

Quant à l’Eurogroupe, il n’est, à la différence de la Commission et de la BCE, pas même mentionné dans le traité MES en tant qu’organe pouvant effectuer des tâches pour le compte du MES.

131

Il n’y a donc pas lieu d’attribuer aux ministres chargés des finances des EMME réunis au sein de l’Eurogroupe en qualité de membres de celui-ci la capacité d’anticiper ou de conditionner les décisions adoptées par le conseil des gouverneurs du MES, cette capacité ne pouvant leur être attribuée qu’en tant que membres de ce conseil, quand bien même les accords relatifs aux conditions d’octroi d’une FAF seraient décidés dans le cadre d’une réunion de l’Eurogroupe.

132

Partant, il y a lieu de considérer que l’accord de conditionnalité a été conclu par les représentants des EMME en tant que membres du conseil des gouverneurs du MES.

133

Compte tenu de ce qui précède, il ne saurait être considéré que l’Eurogroupe a, au moyen de l’accord de conditionnalité, exigé l’adoption des mesures dommageables.

3) « Décision du conseil des gouverneurs de la BCE du 21 mars 2013 tendant au remboursement de l’ELA pour le 26 mars [2013] à moins qu’un accord n’intervienne sur un paquet de sauvetage »

134

Les requérants visent également le communiqué de presse de la BCE du 21 mars 2013 (voir point 23 ci-dessus). Ainsi qu’ils l’ont précisé lors de l’audience, les requérants estiment que ce communiqué de presse annonce la décision du conseil des gouverneurs de la BCE tendant au remboursement de l’ELA pour le 26 mars 2013, à moins qu’un accord n’intervienne sur un paquet de sauvetage.

135

Pour rappel, le communiqué en question est rédigé comme suit :

« Le conseil des gouverneurs de la BCE a décidé de maintenir le niveau existant d’ELA jusqu’au […] 25 mars 2013.

Une prolongation pour le remboursement ne pourrait être envisagée que si un programme de l’[Union ou du FMI] qui garantirait la solvabilité des banques concernées est mis en place. »

136

En premier lieu, il convient de déterminer la portée de ce communiqué. À cette fin, il y a lieu de rappeler les principales règles qui encadrent l’ELA.

137

Il ressort de l’accord du 7 février 2013 sur l’ELA que l’ELA se définit comme la fourniture de « monnaie de banque centrale » ou de toute autre assistance pouvant résulter en une augmentation de la « monnaie de banque centrale » à une institution financière, ou à un groupe d’institutions financières, faisant face à des problèmes de liquidité, sans que ces opérations entrent dans le cadre de la politique monétaire unique.

138

Selon ce même accord, la responsabilité de l’ELA incombe à la banque centrale nationale concernée, qui en assume les coûts et les risques. L’ELA repose donc, en principe, sur une base juridique nationale. En l’espèce, il ressort de l’exception d’irrecevabilité de la BCE et de sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal que l’ELA a été octroyé aux banques visées par la BCC sur le fondement du point 6, paragraphe 2, sous e), et du point 46, paragraphe 3, de la O peri tis Kentrikis Trapezas tis Kyprou nomos tou 2002 (No. 138(I)/2002) [loi sur la Banque Centrale de Chypre de 2002, EE, annexe I(I), no 3624, 19.7.2002] (ci-après la « loi du 19 juillet 2002 »). Aux termes de la première de ces dispositions, la BCC a, notamment, pour tâche d’assurer la stabilité du système financier. Quant à la seconde de ces dispositions, elle habilite la BCC à « accorder des avances contre des sûretés ou à octroyer des prêts contre des sûretés à des banques pour une durée déterminée et pour des motifs qu[’elle] peut désigner ».

139

Ainsi qu’il ressort du courrier de la BCC du 25 juillet 2017 annexé à la réponse de la BCE aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, le conseil des gouverneurs de la BCC a, dans un document du 31 janvier 2011, précisé les principes et les procédures régissant la fourniture de l’ELA. Ce document indique, notamment, que la BCC peut appliquer le point 46, paragraphe 3, de la loi du 19 juillet 2002 aux fins de fournir une assistance temporaire à un établissement de crédit supervisé solvable, mais non liquide. Ledit document précise qu’une telle assistance vise à sauvegarder la stabilité financière, ne peut être envisagée que dans le cas d’un potentiel risque systémique et n’est généralement accordée que dans des circonstances exceptionnelles.

140

Il ressort également de ce document que, comme en conviennent les requérants, l’ELA ne relève pas de la politique monétaire unique et entre donc dans le champ de l’article 14.4 des statuts de la BCE. Cette disposition est rédigée comme suit :

« Les banques centrales nationales peuvent exercer d’autres fonctions que celles qui sont spécifiées dans [les statuts de la BCE], à moins que le conseil des gouverneurs ne décide, à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, que ces fonctions interfèrent avec les objectifs et les missions du SEBC. Ces fonctions, que les banques centrales nationales exercent sous leur propre responsabilité et à leurs propres risques, ne sont pas considérées comme faisant partie des fonctions du SEBC. »

141

Dans un document intitulé « Procédures relatives à l’[ELA] » et invoqué à l’appui de l’exception d’irrecevabilité de la BCE, cette dernière indique que, en vertu de l’article 14.4 des statuts de la BCE, le conseil des gouverneurs de la BCE s’est vu conférer la responsabilité de restreindre les opérations d’ELA s’il considère que celles-ci interfèrent avec les objectifs et les missions du SEBC. À cette fin, la décision du conseil des gouverneurs de la BCE du 3 novembre 2011 sur des questions procédurales relatives à l’ELA et l’accord du 7 février 2013 sur l’ELA (voir point 137 ci-dessus) prévoient un système d’information et de coopération entre les banques centrales nationales et la BCE.

142

Parmi les informations que la banque centrale nationale concernée doit, à ce titre, fournir à la BCE au sujet de toute opération d’ELA figure « l’évaluation par le contrôleur prudentiel, à court et moyen terme, de la position de liquidité et de la solvabilité de l’établissement de crédit recevant l’ELA, y compris les critères utilisés pour parvenir à une conclusion positive à propos de la solvabilité ». Cette exigence doit être comprise au regard de l’interdiction du financement monétaire prévue par l’article 123 TFUE, dont l’article 21.1 des statuts de la BCE reprend la substance. À cet égard, la BCE relève dans son exception d’irrecevabilité qu’elle a toujours considéré que le financement d’institutions financières solvables par le biais de l’ELA était compatible avec cette interdiction, alors que le financement d’institutions financières insolvables ne l’était pas. Le document de la BCC du 31 janvier 2011 cité au point 139 ci-dessus corrobore cette affirmation, indiquant que toute fourniture d’ELA en cas de problèmes sous-jacents de solvabilité contreviendrait clairement à l’article 123 TFUE et à l’article 21.1 des statuts de la BCE.

143

Or, à l’époque des faits, la BCE n’était investie d’aucune compétence en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit de l’Union, qui relevait exclusivement des autorités de surveillance prudentielle nationales. Dans ces conditions, la BCE était, pour assurer le respect de l’interdiction du financement monétaire, tributaire des informations que lui fournissaient ces autorités quant à la solvabilité des banques bénéficiant de l’ELA.

144

En deuxième lieu, il convient d’examiner si le communiqué de presse du 21 mars 2013 témoigne de l’existence d’une décision adoptée en vertu de l’article 14.4 des statuts de la BCE, comme le font valoir en substance les requérants (voir point 134 ci-dessus), ou d’une simple déclaration d’intention, comme le soutient la BCE (voir point 90 ci-dessus).

145

À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 14.4 des statuts de la BCE, le conseil des gouverneurs de la BCE est l’organe compétent pour interdire à une banque centrale nationale d’octroyer l’ELA lorsque celui-ci interfère avec les objectifs et les missions du SEBC. Or, le communiqué de presse du 21 mars 2013 indique que le conseil des gouverneurs de la BCE a « décidé » de maintenir un certain niveau d’ELA jusqu’au 25 mars 2013. Il en résulte implicitement, mais nécessairement, que, à compter du 26 mars 2013, le maintien de ce niveau d’ELA ne serait plus autorisé et que, comme le précise ce communiqué, « [u]ne prolongation pour le remboursement ne pourrait être envisagée que si un programme de l’[Union ou du FMI] qui garantirait la solvabilité des banques concernées [était] mis en place ».

146

Il y a donc lieu de considérer, à l’instar des requérants, que le communiqué de presse du 21 mars 2013 fait état de l’existence d’une décision du conseil des gouverneurs de la BCE consistant à s’opposer au maintien du niveau existant d’ELA à partir du 26 mars 2013 et à conditionner une éventuelle prolongation de son remboursement à la conclusion d’un programme d’assistance financière garantissant la solvabilité des banques visées (ci-après la « décision du conseil des gouverneurs de la BCE du 21 mars 2013 »).

147

En troisième lieu, il convient d’examiner s’il peut être déduit de cette lecture du communiqué de presse du 21 mars 2013 que la BCE a exigé l’adoption des mesures dommageables par la République de Chypre.

148

À cet égard, il importe de relever que le communiqué de presse du 21 mars 2013 se limite à énoncer une obligation de résultat. En effet, dans ce communiqué, la BCE ne fait aucune référence, directe ou indirecte, aux mesures dommageables, mais se contente de conditionner une éventuelle prolongation du remboursement de l’ELA à la conclusion d’un programme de l’Union et du FMI qui assurerait la solvabilité des banques concernées. Ledit communiqué ne spécifie aucunement les caractéristiques qu’un tel programme devrait revêtir, ni ne mentionne des déclarations de l’Eurogroupe, des actes du MES ou des négociations en cours portant sur l’adoption des mesures dommageables.

149

Contrairement aux allégations des requérants, l’article de presse du 17 octobre 2014 intitulé « Before a bailout, E.C. B. minutes showed doubts over keeping a Cyprus bank afloat » (Avant un renflouement, les procès-verbaux de la BCE ont montré des doutes quant au maintien à flots d’une banque chypriote), ne remet aucunement en cause cette appréciation. En effet, cet article se borne à rapporter qu’« une lecture attentive de procès-verbaux [des réunions du conseil des gouverneurs de la BCE] révèle qu’à plusieurs reprises les représentants de la BCE ont affirmé qu’ils mettraient un terme au programme [d’ELA octroyé à la Laïki] si [la République de] Chypre n’accomplissait pas les progrès nécessaires en vue d’assurer un programme de sauvetage économique », sans qu’il y soit à aucun moment soutenu que ces représentants ont exigé qu’un tel programme prenne une forme spécifique ou revête des caractéristiques particulières.

150

À les supposer avérés, les propos qu’aurait tenus un membre du directoire de la BCE lors des réunions de l’Eurogroupe des 15 et 16 mars 2013 n’étayent pas davantage la thèse des requérants. Selon un article de presse du 19 février 2015, intitulé « Did the troika defraud billions at the expense of thousands of depositors in Cyprus ? » (La troïka a-t-elle escroqué des milliards aux dépens de milliers de déposants à Chypre ?), auquel se réfèrent les requérants, ce membre du directoire de la BCE aurait menacé de priver les banques chypriotes d’accès à l’ELA. Toutefois, il ne ressort aucunement des propos rapportés par cet article que ledit membre du directoire de la BCE aurait ainsi entendu conditionner la prorogation de la non-opposition de la BCE au maintien de l’ELA à l’adoption des mesures dommageables. Tout au plus est-il possible de considérer, au regard du témoignage devant une commission d’enquête du Parlement chypriote du ministre chargé des finances de la République de Chypre à l’époque des faits, que ces propos portaient sur l’institution d’une taxe sur tous les dépôts bancaires de Chypre. Or, cette taxe, dont la création a été rejetée par le Parlement chypriote le 19 mars 2013 (voir point 22 ci-dessus), ne figure pas parmi les mesures dommageables.

151

Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure, comme le relève, en substance, la BCE, qu’il ressort du communiqué de presse du 21 mars 2013 que la République de Chypre avait le loisir de prendre d’autres mesures que les mesures dommageables aux fins d’assurer la solvabilité des banques visées (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 14 juillet 2016, Alcimos Consulting/BCE, T‑368/15, non publiée, EU:T:2016:438, point 38). Il ne saurait donc être considéré que, par ce communiqué de presse ou par la décision dont il fait état, la BCE a exigé que la République de Chypre adopte ces mesures.

4) « [Décisions] de continuer à octroyer l’ELA » prétendument adoptées par la BCE

152

Les requérants opèrent une distinction entre la décision du conseil des gouverneurs de la BCE du 21 mars 2013 (voir points 134 à 151 ci-dessus) et ce qu’ils qualifient de décisions de la BCE « de continuer à octroyer l’ELA ». Lors de l’audience, les requérants ont précisé que ces décisions étaient antérieures au communiqué de presse du 21 mars 2013.

153

Or, à cette époque, l’ELA relevait de la compétence des seules autorités de surveillance prudentielle nationales (voir points 137 à 143 ci-dessus), le conseil des gouverneurs de la BCE n’étant, en la matière, compétent que pour restreindre les opérations d’ELA dont il considérait qu’elles interféraient avec les objectifs et les missions du SEBC. Il convient donc de considérer que les actes de la BCE que les requérants visent sont ceux par lesquels celle-ci aurait, avant le 21 mars 2013, décidé de ne pas s’opposer à l’ELA.

154

Il y a, toutefois, lieu de constater qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la BCE aurait, par de telles décisions, exigé l’adoption des mesures dommageables par la République de Chypre. Au contraire, les requérants ont eux-mêmes reconnu lors de l’audience qu’ils invoquaient ces décisions simplement pour mettre en exergue le caractère prétendument arbitraire de la décision du conseil des gouverneurs de la BCE du 21 mars 2013.

155

Il ne saurait donc être considéré que, par des « [décisions] de continuer à octroyer l’ELA » antérieures au communiqué de presse du 21 mars 2013, la BCE a exigé que la République de Chypre adopte les mesures dommageables.

5) Actes postérieurs

156

Parmi les actes litigieux (voir point 77, cinquième et sixième tirets, ci-dessus) figurent également les quatre groupes d’actes suivants :

la négociation et la conclusion du protocole d’accord du 26 avril 2013 par la Commission ;

les « considérations de la Commission selon lesquelles les mesures adoptées par les autorités chypriotes étaient conformes à la conditionnalité » et l’approbation, par la Commission et par la BCE, du versement des différentes tranches de la FAF à la République de Chypre ;

les déclarations de l’Eurogroupe des 12 avril, 13 mai et 13 septembre 2013 ;

la décision 2013/236.

157

Ces actes sont postérieurs au 29 mars 2013 et, partant, à l’adoption des décrets dommageables. Il n’est, dès lors, pas possible de considérer que les défendeurs ont, par le biais desdits actes, exigé l’adoption des mesures dommageables figurant dans ces décrets. Tout au plus auraient-ils ainsi pu exiger l’adoption des mesures dommageables introduites par les modifications apportées aux décrets dommageables le 30 juillet 2013 et visées aux points 33 et 34 ci-dessus. Les requérants soutiennent, néanmoins, que l’ensemble des actes litigieux s’inscrit dans un « continuum », qui débute par les comportements des défendeurs ayant conduit à l’adoption de l’accord de conditionnalité et se poursuit par leurs différentes interventions avant et après la signature du protocole d’accord du 26 avril 2013. Lors de l’audience, les requérants ont précisé que chacun de ces actes et comportements était un « chaînon nécessaire dans la chaîne de la conditionnalité ». Dans ces conditions, le refus des défendeurs d’adopter l’un desdits actes aurait signifié l’échec des mesures dommageables, qui n’auraient alors pas ou plus pu être mises en œuvre.

158

L’argumentation des requérants revient, en substance, à considérer que l’adoption, par les défendeurs, de chacun des actes visés au point 156 ci-dessus était une condition nécessaire au maintien ou à la mise en œuvre continue, par la République de Chypre, des mesures dommageables. Force est, toutefois, de constater que ce raisonnement demeure de l’ordre de la spéculation. En effet, il ne ressort pas des pièces du dossier que la République de Chypre aurait été contrainte d’abroger ou de cesser de mettre en œuvre les mesures dommageables si l’un des actes postérieurs visés au point 156 ci-dessus n’avait pas été adopté.

159

Il est, cependant, possible d’interpréter les écritures des requérants devant le Tribunal, et notamment leur argument selon lequel la République de Chypre n’aurait pas pu, sans violer certains de ces actes postérieurs, abroger la loi du 22 mars 2013 et les décrets dommageables ou cesser de mettre en œuvre les mesures dommageables introduites le 29 mars 2013, en ce sens que les défendeurs auraient contraint la République de Chypre à maintenir ou à continuer de mettre en œuvre ces mesures. Le préjudice allégué résulterait alors non seulement de l’adoption des mesures dommageables, mais également du maintien et de la mise en œuvre continue de ces dernières.

160

Il convient donc d’examiner si les défendeurs ont, en adoptant les actes visés au point 156 ci-dessus, contraint la République de Chypre à maintenir ou à continuer de mettre en œuvre les mesures dommageables introduites le 29 mars 2013. Il sera également examiné si les défendeurs ont, par le biais de ces actes, exigé l’adoption des mesures dommageables introduites par les modifications apportées aux décrets dommageables le 30 juillet 2013 et visées aux points 33 et 34 ci-dessus.

161

En premier lieu, s’agissant de la conclusion du protocole d’accord du 26 avril 2013 par la Commission, il y a lieu de relever que les mesures spécifiées dans celui-ci se divisent en trois groupes, dont chacun se rapporte à un objectif différent, à savoir, premièrement, le rétablissement de la santé du système financier chypriote et de la confiance des déposants et du marché, deuxièmement, la continuation du processus de consolidation fiscale et, troisièmement, la mise en œuvre de réformes structurelles.

162

Les mesures dommageables sont évoquées dans le cadre du premier de ces trois groupes. Elles sont décrites tout d’abord succinctement sous le titre « Progrès à ce jour », puis plus en détail, aux points 1.23 à 1.28 du protocole d’accord du 26 avril 2013 (voir point 42 ci-dessus).

163

À titre liminaire, il y a lieu d’examiner l’argument de la BCE et de la Commission, selon lequel les mesures dommageables sont répertoriées dans ce protocole d’accord à des fins purement historiques et descriptives (voir point 87 ci-dessus).

164

À cet égard, premièrement, il est indiqué aux considérants D et F du protocole d’accord du 26 avril 2013, d’une part, que la FAF est accordée à la République de Chypre à condition qu’elle respecte les mesures spécifiées dans celui-ci et, d’autre part, que le conseil des gouverneurs du MES doit décider, sur la base des rapports de la Commission et avant d’effectuer chaque versement, si ces mesures ont été respectées. Or, contrairement à ce que soutient la Commission, aucune disposition du protocole d’accord du 26 avril 2013 n’indique que la République de Chypre peut se limiter à adopter certaines mesures nouvelles. Il ressort plutôt d’une lecture d’ensemble de ce protocole que la mise en œuvre de toutes les mesures y figurant, et donc également le maintien de celles ayant déjà été adoptées avant sa signature, a été considérée comme étant nécessaire.

165

Deuxièmement, aux points 1.23 à 1.28 du protocole d’accord du 26 avril 2013, des mesures ayant déjà été adoptées sont mentionnées en combinaison avec des mesures à adopter. Or, ces dernières n’auraient aucune raison d’être en l’absence des mesures ayant déjà été adoptées. Ainsi, il est indiqué, au point 1.26 du protocole du 26 avril 2013, que la recapitalisation de la BoC a été effectuée par le biais, notamment, d’une conversion des dépôts non assurés en actions (mesure déjà adoptée) et, au point 1.27 de ce protocole, que, si, à la suite d’une évaluation des besoins de capital de la BoC devant être réalisée postérieurement, il est considéré que la BoC est sous-capitalisée, une partie plus importante des dépôts non assurés devra être convertie en actions, tandis que, s’il est considéré que la BoC est surcapitalisée, les titulaires de dépôts non assurés auront droit à un remboursement (mesure à adopter).

166

Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de la Commission et de la BCE selon lequel les mesures dommageables sont répertoriées dans le protocole d’accord du 26 avril 2013 à des fins purement historiques et descriptives et, partant, de considérer que le point 1.26 de ce protocole d’accord exige le maintien des mesures dommageables introduites le 29 mars 2013 en tant que condition d’octroi de la FAF. Quant au point 1.27 de ce protocole, il traite des conversions additionnelles de dépôts de la BoC en actions, telles qu’elles ont été introduites le 30 juillet 2013 par les modifications du décret no 103 visées au point 33 ci-dessus.

167

Toutefois, il importe de relever que la Commission a signé le protocole d’accord du 26 avril 2013 au nom du MES, conformément à l’article 13, paragraphe 4, du traité MES. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 129 ci-dessus, les fonctions confiées à la Commission et à la BCE dans le cadre du traité MES ne comportent aucun pouvoir décisionnel propre et les activités exercées par ces deux institutions dans le cadre du même traité n’engagent que le MES (arrêts du 27 novembre 2012, Pringle, C‑370/12, EU:C:2012:756, point 161, et du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 53). Dès lors, l’exigence de maintien et de mise en œuvre continue des mesures dommageables ainsi que l’exigence éventuelle de conversions additionnelles d’actions de la BoC, inscrites dans ce protocole d’accord, ne sont imputables qu’au MES, et non à la Commission.

168

Il ressort de ce qui précède que, en concluant le protocole d’accord du 26 avril 2013, la Commission n’a exigé ni le maintien ni la mise en œuvre continue des mesures dommageables introduites le 29 mars 2013 par la République de Chypre, mais s’est limitée à fournir une assistance opérationnelle au MES en vue de la conclusion d’un accord dont seuls celui-ci et la République de Chypre sont responsables. La même conclusion s’impose s’agissant des mesures dommageables introduites le 30 juillet 2013 par les modifications apportées aux décrets dommageables et visées aux points 33 et 34 ci-dessus.

169

En deuxième lieu, à supposer même qu’ils puissent être considérés comme ayant exigé le maintien ou la mise en œuvre continue des mesures dommageables ou l’adoption des mesures dommageables introduites le 30 juillet 2013 par les modifications apportées aux décrets dommageables et visées aux points 33 et 34 ci-dessus, le constat, par la Commission, que « les mesures adoptées par les autorités chypriotes étaient conformes à la conditionnalité » et l’approbation, par la Commission et par la BCE, du versement des différentes tranches de la FAF à la République de Chypre (voir point 156, deuxième tiret, ci-dessus) ne sont, pour des raisons analogues à celles exposées aux points 167 et 168 ci-dessus, imputables qu’au MES. En effet, lorsque, au titre de l’article 13, paragraphe 7, du traité MES, la Commission, en liaison avec la BCE, veille au respect de la conditionnalité dont est assortie la FAF, elle se limite à accomplir une tâche opérationnelle pour le compte du MES, qui seul détient le pouvoir décisionnel.

170

En troisième lieu, s’agissant des déclarations de l’Eurogroupe des 12 avril, 13 mai et 13 septembre 2013 (voir point 156, troisième tiret, ci-dessus), il y a lieu de relever que, dans celles-ci, l’Eurogroupe ne fait aucune référence à la nécessité de maintenir ou de continuer à mettre en œuvre les mesures dommageables pour que la République de Chypre puisse bénéficier des différentes tranches de la FAF accordée par le MES. Il ne fait pas non plus référence à la nécessité d’adopter les mesures dommageables introduites le 30 juillet 2013 par les modifications apportées aux décrets dommageables et visées aux points 33 et 34 ci-dessus. Dans ces déclarations, l’Eurogroupe se contente, en substance, de décrire très succinctement et de saluer certaines mesures adoptées par les autorités chypriotes ainsi que d’exprimer l’opinion selon laquelle ces mesures sont susceptibles de contribuer à atténuer les difficultés financières auxquelles la République de Chypre fait face. L’Eurogroupe décrit également, dans lesdites déclarations, les étapes passées et à venir de la procédure d’assistance financière et exprime, notamment, son soutien au versement d’une nouvelle tranche d’aide.

171

Partant, il ne saurait être considéré que, par les déclarations des 12 avril, 13 mai et 13 septembre 2013, l’Eurogroupe a exigé le maintien ou la mise en œuvre continue des mesures dommageables ou l’adoption des mesures dommageables introduites le 30 juillet 2013 par les modifications apportées aux décrets dommageables et visées aux points 33 et 34 ci-dessus.

172

En quatrième lieu, s’agissant de la décision 2013/236 (voir point 156, quatrième tiret, ci-dessus), par laquelle le Conseil aurait « approuv[é] et intégr[é] dans le corpus du droit de l’U[nion] » les conditions d’octroi prétendument illégales de la FAF, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’avancent, en substance, les requérants, l’ensemble des mesures dommageables n’est pas spécifiquement mentionné dans celle-ci. En effet, seuls les considérants 5 et 9 et l’article 2, paragraphe 6, de cette décision, qui ne visent pas la plupart des mesures dommageables directement, portent sur des questions liées à celles-ci.

173

Le considérant 5 de la décision 2013/236 comporte un passage rédigé dans les termes suivants :

« Le 25 mars 2013, l’Eurogroupe est parvenu à un accord politique avec les autorités chypriotes sur les grandes lignes d’un programme d’ajustement macroéconomique. Le secteur bancaire serait restructuré et sa taille réduite […] En outre, la recapitalisation des deux plus grandes banques viendrait presque exclusivement de ces banques elles-mêmes (c’est-à-dire de leurs actionnaires, créanciers obligataires et déposants). »

174

Le considérant 9 de la décision 2013/236 est ainsi rédigé :

« Il est essentiel de renforcer la résilience à long terme du secteur bancaire chypriote pour rétablir la stabilité financière de Chypre et, par conséquent, compte tenu des liens étroits existants, pour préserver celle de l’ensemble de la zone euro. Une restructuration et une réduction sensible de la taille du secteur bancaire chypriote sont en cours. La chambre des représentants de Chypre a adopté des textes législatifs établissant un cadre complet pour le redressement et la résolution des défaillances d’établissements de crédit. Ce nouveau cadre a permis une réduction immédiate et significative de la taille du secteur bancaire chypriote. Pour préserver la liquidité du secteur bancaire chypriote, des mesures administratives temporaires ont été imposées, y compris les contrôles sur les capitaux. »

175

Dans ces deux considérants, le Conseil décrit, de manière générique, les efforts de restructuration du secteur financier déjà mis en œuvre par les autorités chypriotes, mais ne détaille pas le contenu des mesures dommageables introduites le 29 mars 2013, si ce n’est par une référence générale au rôle des actionnaires et des déposants des banques visées dans la recapitalisation de celles-ci, ni n’indique que ces mesures doivent être maintenues ou que les autorités chypriotes doivent continuer à les mettre en œuvre. Le Conseil ne fait pas non plus référence de manière plus spécifique aux mesures dommageables introduites le 30 juillet 2013 par les modifications apportées aux décrets dommageables et visées aux points 33 et 34 ci-dessus.

176

Quant à l’article 2, paragraphe 6, de la décision 2013/236, il dispose :

« Pour rétablir la solidité de son secteur financier, [la République de Chypre] poursuit la réforme et la restructuration en profondeur de son secteur bancaire et consolide les banques viables en restaurant leurs capitaux propres, en assainissant leur situation de liquidité et en renforçant leur supervision. Le programme prévoit les mesures et résultats suivants :

a)

veiller à ce que la liquidité du secteur bancaire soit étroitement surveillée. Les restrictions temporaires à la libre circulation des capitaux récemment imposées […] font l’objet d’un suivi étroit. Le but est que la durée pendant laquelle ces restrictions restent en place ne dépasse pas le strict nécessaire […] Les plans de financement et de fonds propres à moyen terme des banques nationales qui dépendent du financement des banques centrales ou reçoivent des aides d’État devraient refléter de manière réaliste le désendettement escompté dans le secteur bancaire, et réduire la dépendance de celles-ci à l’égard des prêts des banques centrales, tout en évitant des ventes d’urgence […] d’actifs et un resserrement du crédit. Les règles relatives aux exigences minimales en matière de liquidités sont mises à jour afin de prévenir à l’avenir une concentration excessive sur le même émetteur ;

b)

établir une valorisation indépendante des actifs [des banques visées] et procéder rapidement à l’intégration des activités de la [Laïki] au sein de la [BoC]. Cette valorisation est effectuée rapidement pour permettre la conversion des dépôts en actions au sein de la [BoC] ;

c)

adopter les exigences réglementaires nécessaires relatives à une augmentation à 9 % du ratio minimal de fonds propres de base (core tier 1) d’ici à la fin de 2013 ;

d)

prendre des mesures afin de réduire autant que possible le coût de la restructuration bancaire supporté par le contribuable. Les établissements de crédit à caractère commercial et coopératifs sous-capitalisés lèvent, dans la plus large mesure possible, des capitaux auprès de sources privées, avant que des aides d’État ne leur soient octroyées. Tout plan de restructuration est formellement approuvé selon les règles relatives aux aides d’État avant que de telles aides d’État ne soient fournies […] ;

e)

veiller à ce qu’un registre de crédit soit créé […] ;

f)

renforcer la gouvernance des banques, notamment en interdisant les prêts aux administrateurs indépendants ou aux parties qui leur sont liées ;

g)

optimiser le recouvrement des prêts non performants, tout en réduisant au minimum les incitations au défaut stratégique des emprunteurs […] ;

h)

aligner la réglementation et la supervision des établissements de crédit coopératifs sur celles des banques commerciales ;

i)

vérifier la viabilité des établissements de crédit coopératifs et développer, en consultation avec la Commission et la BCE et le FMI, une stratégie pour la structure, le fonctionnement et la viabilité futurs du secteur des établissements de crédit coopératifs […] d’ici au milieu de l’année 2015 ;

j)

renforcer la surveillance de l’endettement des entreprises et des ménages et établir un cadre pour une restructuration ciblée de la dette du secteur privé […] ;

k)

améliorer […] le cadre de lutte contre le blanchiment de capitaux et assurer la pleine transparence des entités […] ;

l)

introduire une supervision obligatoire fondée sur des niveaux de capitalisation ;

m)

intégrer des tests de résistance dans la supervision […] des banques ; et

n)

mettre en œuvre un système unifié de communication des données pour les banques et les établissements de crédit. »

177

Parmi ces « mesures et résultats », seuls peuvent être considérés comme ayant trait aux mesures dommageables ceux visés, d’une part, à l’article 2, paragraphe 6, sous b), de la décision 2013/236 et portant sur l’intégration de la Laïki dans la BoC et sur la conversion des dépôts en actions au sein de la BoC et, d’autre part, à l’article 2, paragraphe 6, sous d), de la même décision et portant sur la réduction du coût de la restructuration bancaire supporté par le contribuable.

178

En ce qui concerne, tout d’abord, l’intégration de la Laïki dans la BoC, il importe de souligner que l’article 2, paragraphe 6, sous b), de la décision 2013/236 se limite à identifier, dans des termes généraux, une mesure que la République de Chypre était tenue d’adopter. Cette disposition n’indique pas que l’intégration de la Laïki dans la BoC doit être réalisée selon des modalités particulières. Les autorités chypriotes disposaient donc, à tout le moins, d’une importante marge d’appréciation aux fins de définir ces modalités. Or, l’intégration de la Laïki dans la BoC n’était pas, en tant que telle, susceptible d’être entachée de l’une des illégalités dont se plaignent les requérants. Tout au plus les modalités de mise en œuvre de cette mesure pouvaient-elles comporter une telle illégalité. Par conséquent, à le supposer avéré, le préjudice que les requérants estiment avoir subi du fait de l’intégration de la Laïki dans la BoC résulterait non pas de l’article 2, paragraphe 6, sous b), de la décision 2013/236, mais des mesures d’application adoptées par la République de Chypre pour mettre en œuvre cette intégration.

179

En ce qui concerne, ensuite, la réduction du coût de la restructuration bancaire supporté par le contribuable, il convient d’observer que l’article 2, paragraphe 6, sous d), de la décision 2013/236 se limite à, d’une part, prescrire, dans des termes généraux, l’adoption de mesures à cette fin et, d’autre part, exiger que les établissements de crédit à caractère commercial et coopératifs sous-capitalisés lèvent, dans la plus large mesure possible, des capitaux auprès de sources privées avant que des aides d’État ne leur soient octroyées. L’article 2, paragraphe 6, sous d), de la décision 2013/236 ne fait référence à aucun moyen spécifique à mettre en œuvre pour ce faire et laisse donc à la République de Chypre une importante marge d’appréciation à cet égard. Cette interprétation est corroborée par le fait que ladite disposition vise tant les établissements de crédit à caractère commercial que les établissements de crédit coopératifs, alors que seuls les premiers ont fait l’objet des mesures dommageables. Dès lors, ladite disposition ne saurait être lue comme imposant le maintien ou la mise en œuvre continue, par la République de Chypre, des mesures dommageables.

180

En ce qui concerne, enfin, la conversion en actions des dépôts confiés à la BoC, il y a lieu de relever que l’article 2, paragraphe 6, sous b), de la décision 2013/236 requiert qu’une valorisation indépendante des actifs des banques visées soit effectuée dans un délai permettant de réaliser cette conversion. Il en résulte implicitement, mais nécessairement, que, sans préjudice de la faisabilité pratique d’un tel exercice, l’article 2, paragraphe 6, sous b), de la décision 2013/236 ne permettait pas aux autorités chypriotes de revenir sur la conversion en actions de dépôts de la BoC. Or, dans les circonstances de l’espèce et, notamment, au vu de la situation financière des banques visées, l’exigence de maintien ou de mise en œuvre continue de cette conversion était, indépendamment de ses modalités précises, susceptible de comporter une ou plusieurs des illégalités qu’invoquent les requérants.

181

Dès lors, il y a lieu de considérer que le Conseil a, au moyen de l’article 2, paragraphe 6, sous b), de la décision 2013/236, exigé que la République de Chypre maintienne ou continue de mettre en œuvre la mesure dommageable consistant à convertir en actions des dépôts non assurés de la BoC. En revanche, le Conseil n’a pas, en adoptant la décision 2013/236, exigé le maintien ou la mise en œuvre continue, par la République de Chypre, des autres mesures dommageables introduites le 29 mars 2013 ou l’adoption de celles introduites après cette date par les modifications apportées aux décrets dommageables et visées aux points 33 et 34 ci-dessus.

182

Il convient donc, conformément aux considérations exposées au point 103 ci-dessus, d’examiner si la République de Chypre avait une marge d’appréciation pour s’affranchir de l’exigence de maintien ou de mise en œuvre continue de la mesure dommageable visée, à tout le moins implicitement, à l’article 2, paragraphe 6, sous b), de la décision 2013/236 et portant sur la conversion en actions de dépôts de la BoC.

b)   Sur la question de savoir si la République de Chypre avait une marge d’appréciation pour s’affranchir de l’exigence de maintien ou de mise en œuvre continue de la mesure consistant en la conversion en actions de dépôts de la BoC

183

La décision 2013/236 a été adoptée par le Conseil, sur proposition de la Commission, au visa du « traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment [de] son article 136, paragraphe 1, en liaison avec l’article 126, paragraphe 6 ». Cette décision a été publiée dans la série L du Journal officiel de l’Union européenne, qui a pour objet de publier des actes juridiquement contraignants.

184

À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 136, paragraphe 1, TFUE dispose :

« Afin de contribuer au bon fonctionnement de l’union économique et monétaire et conformément aux dispositions pertinentes des traités, le Conseil adopte, conformément à la procédure pertinente parmi celles visées aux articles 121 et 126, à l’exception de la procédure prévue à l’article 126, paragraphe 14, des mesures concernant les [EMME] pour :

a)

renforcer la coordination et la surveillance de leur discipline budgétaire ;

b)

élaborer, pour ce qui les concerne, les orientations de politique économique, en veillant à ce qu’elles soient compatibles avec celles qui sont adoptées pour l’ensemble de l’Union, et en assurer la surveillance. »

185

L’article 126, paragraphe 6, TFUE, qui concerne la procédure en vertu de laquelle la décision 2013/236 a été adoptée, prévoit que le Conseil, sur proposition de la Commission, et compte tenu des observations éventuelles de l’État membre concerné, « décide », après une évaluation globale, s’il y a ou non un déficit excessif dans cet État membre.

186

La décision 2013/236 constitue donc une décision au sens de l’article 288, quatrième alinéa, TFUE. En tant que telle, cette décision était, lorsqu’elle était en vigueur, obligatoire pour la République de Chypre dans tous ses éléments, y compris son article 2, paragraphe 6, sous b).

187

Le caractère obligatoire de la décision 2013/236 est confirmé tant par son libellé et sa substance que par le contexte dans lequel elle s’inscrit et par l’intention de son auteur. En effet, en premier lieu, si les considérants 7, 10, 11, 13 et 14 de cette décision sont rédigés au conditionnel, ses dispositions sont intégralement libellées en des termes impératifs, comme en témoigne l’utilisation systématique de l’indicatif présent aux articles 1er et 2 (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2012, Rahman e.a., C‑83/11, EU:C:2012:519, point 21). Ainsi, l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2013/236 dispose que la République de Chypre « met en œuvre de manière rigoureuse un programme d’ajustement macroéconomique […] dont les principaux éléments sont fixés à l’article 2 de la présente décision ». En particulier, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 176 ci-dessus, l’article 2, paragraphe 6, de cette décision énonce que « [la République de Chypre] poursuit la réforme et la restructuration de son secteur bancaire et consolide les banques viables en restaurant leurs capitaux propres, en assainissant leur situation de liquidité et en renforçant leur supervision ». À cet effet, le programme d’ajustement macroéconomique « prévoit », ainsi qu’il a été relevé aux points 176 et 177 ci-dessus, des « mesures et résultats », parmi lesquels figure la mesure consistant à effectuer rapidement une valorisation indépendante des actifs des banques visées aux fins de permettre la conversion des dépôts en actions au sein de la BoC.

188

En second lieu, il ressort des écritures du Conseil devant le Tribunal que la décision 2013/236 était destinée à produire des effets juridiques contraignants et que le Conseil avait l’intention de lui conférer de tels effets. À cet égard, premièrement, le Conseil reconnaît expressément avoir jugé nécessaire, en adoptant cette décision, de « rendre [la République de] Chypre destinataire d’un acte ayant des effets juridiquement contraignants ».

189

Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que la décision 2013/236 a été adoptée le 25 avril 2013, soit, d’une part, le lendemain de la réunion du 24 avril 2013, pendant laquelle le conseil des gouverneurs du MES a, notamment, décidé d’octroyer un soutien à la stabilité à la République de Chypre sous la forme de la FAF et a approuvé un nouveau projet de protocole d’accord, et, d’autre part, la veille de la signature du protocole d’accord du 26 avril 2013 (voir points 39 à 41 ci-dessus).

190

Dans ce contexte, selon la réponse du Conseil aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la décision 2013/236 s’inscrivait dans « une pratique commune établie depuis le début de la crise de la zone euro, selon laquelle la conditionnalité dont est assortie l’assistance qui a fait l’objet d’un accord au niveau intergouvernemental entre l’État membre bénéficiaire et le MES est couplée aux décisions adoptées par le Conseil sur la base de l’article 136 TFUE » aux fins de « garanti[r] la correspondance et la cohérence entre le domaine d’action intergouvernemental et celui de l’Union ».

191

Il résulte de ce qui précède que, en vertu de l’article 2, paragraphe 6, sous b), de la décision 2013/236, la République de Chypre n’avait aucune marge d’appréciation pour revenir sur la conversion en actions de dépôts de la BoC.

c)   Conclusion sur l’imputabilité aux défendeurs de l’adoption, du maintien ou de la mise en œuvre continue des mesures dommageables

192

Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le maintien ou la mise en œuvre continue, par la République de Chypre, de la mesure dommageable consistant à convertir en actions des dépôts non assurés de la BoC est, à tout le moins en partie, imputable à l’Union. Par conséquent, le Tribunal est compétent pour connaître du présent recours pour autant qu’il porte sur cette mesure, telle qu’elle ressort de l’article 2, paragraphe 6, sous b), de la décision 2013/236.

193

En revanche, sans qu’il soit besoin d’examiner si la République de Chypre avait une marge de manœuvre à cet égard, il convient de considérer que l’adoption, le maintien et la mise en œuvre continue des autres mesures dommageables ne sauraient être imputés aux défendeurs. Le Tribunal n’est donc pas compétent pour en connaître dans le cadre du présent recours.

2.   Sur l’engagement de la responsabilité de l’Union du fait de certains actes et comportements des défendeurs

194

Les arguments des requérants peuvent être interprétés en ce sens que, indépendamment de la question de savoir si l’adoption des mesures dommageables ou, éventuellement, leur maintien ou leur mise en œuvre continue est imputable aux défendeurs, certains actes et comportements de ceux-ci liés à l’octroi de la FAF ont engagé la responsabilité de l’Union. Il s’agit, premièrement, des actes et des comportements par lesquels les décrets dommageables auraient, selon les requérants, été « approuvés par la Commission, la BCE, l’Eurogroupe et le Conseil », deuxièmement, de comportements de la Commission et de la BCE afférents au protocole d’accord du 26 avril 2013, troisièmement, de la transmission, par les défendeurs, et notamment par l’Eurogroupe, d’assurances précises quant à la non-adoption des mesures dommageables et, quatrièmement, des différentes décisions adoptées par la BCE en ce qui concerne l’ELA dont a bénéficié la Laïki.

195

Il y a lieu de déterminer, à propos de chacun de ces actes ou comportements, s’il est susceptible d’engager la responsabilité de l’Union.

196

Premièrement, s’agissant de la prétendue approbation des décrets dommageables par les défendeurs (voir point 194 ci-dessus), il y a lieu de constater que les requérants ne décrivent pas avec précision les actes ou les comportements qu’ils visent, mais se contentent de faire référence à la « conditionnalité que les institutions défenderesses ont entérinée et approuvée en donnant leur accord à l’octroi de l’assistance financière ». Il est, néanmoins, possible de déduire de la structure de leur argumentation qu’ils visent ainsi, tout d’abord, la surveillance, par la Commission et la BCE, de la mise en œuvre des mesures dommageables au titre de l’article 13, paragraphe 7, du traité MES, ensuite, la surveillance du programme d’ajustement macroéconomique au titre de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision 2013/236 et, enfin, les déclarations de l’Eurogroupe des 12 avril et 13 mai 2013. Au soutien de cette argumentation, les requérants s’appuient sur l’arrêt du 14 juillet 1967, Kampffmeyer e.a./Commission (5/66, 7/66, 13/66 à 16/66 et 18/66 à 24/66, non publié, EU:C:1967:31, p. 317), duquel il ressortirait que la responsabilité de l’Union peut être engagée du fait de l’approbation, par les institutions de l’Union, d’actes ayant causé un dommage à une partie requérante.

197

À cet égard, tout d’abord, le Tribunal observe que la surveillance, par la Commission et la BCE, de la mise en œuvre des mesures dommageables au titre de l’article 13, paragraphe 7, du traité MES sera examinée avec les autres comportements de ces institutions afférents au protocole d’accord du 26 avril 2013 (voir points 201 à 204 ci-après).

198

Ensuite, il y a lieu de relever que la surveillance, par la Commission et la BCE, de la mise en œuvre du programme d’ajustement macroéconomique au titre de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision 2013/236 relève d’une compétence propre ayant été accordée par le droit de l’Union à des institutions de l’Union et, partant, est susceptible d’engager la responsabilité de l’Union.

199

Enfin, en ce qui concerne les déclarations de l’Eurogroupe des 12 avril et 13 mai 2013, il convient de rappeler que, comme il a été souligné au point 113 ci-dessus, l’article 1er du protocole no 14, du 26 octobre 2012, sur l’Eurogroupe dispose que l’Eurogroupe se réunit « pour discuter de questions liées aux responsabilités spécifiques qu[e les ministres qui le composent] partagent en matière de monnaie unique ». Ces questions relèvent, en vertu de l’article 119, paragraphe 2, TFUE, de l’action de l’Union aux fins des objectifs énoncés à l’article 3 TUE, parmi lesquels figure l’établissement d’une union économique et monétaire dont la monnaie est l’euro.

200

Dans ses déclarations des 12 avril et 13 mai 2013, l’Eurogroupe s’est contenté de décrire très succinctement et de saluer certaines mesures adoptées par les autorités chypriotes ainsi que d’exprimer l’opinion selon laquelle ces mesures étaient, notamment, susceptibles de contribuer à atténuer les difficultés financières auxquelles la République de Chypre faisait face (voir point 170 ci-dessus). Or, au regard des considérations rappelées au point 199 ci-dessus, il ne saurait être considéré que l’expression d’une telle opinion par l’Eurogroupe est étrangère aux compétences dont le droit de l’Union investit celui-ci. Par conséquent, elle est susceptible d’engager la responsabilité de l’Union.

201

Deuxièmement, les requérants visent plusieurs comportements de la Commission et de la BCE afférents au protocole d’accord du 26 avril 2013, à savoir la négociation et la signature du protocole d’accord du 26 avril 2013 par la Commission et la surveillance de l’application des mesures dommageables par la BCE et par la Commission au titre de l’article 13, paragraphe 7, du traité MES. À cet égard, il importe de relever que les tâches confiées à la Commission et à la BCE par le traité MES ne dénaturent pas les attributions que le traité UE et le traité FUE confèrent à ces institutions. S’agissant, en particulier, de la Commission, l’article 13, paragraphes 3 et 4, du traité MES lui impose l’obligation de veiller à la compatibilité avec le droit de l’Union des protocoles d’accord conclus par le MES, de sorte qu’elle conserve, dans le cadre du traité MES, son rôle de gardienne des traités, tel qu’il ressort de l’article 17, paragraphe 1, TUE, selon lequel elle « promeut l’intérêt général de l’Union » et « surveille l’application du droit de l’Union ». Elle est ainsi tenue de s’abstenir de signer un protocole d’accord dont elle douterait de la compatibilité avec le droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 56 à 59).

202

Par conséquent, une partie requérante est en droit d’opposer à la Commission des comportements illicites liés à l’adoption du protocole d’accord du 26 avril 2013 au nom du MES dans le cadre d’un recours en indemnité (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 55).

203

Contrairement aux allégations de la BCE, il ne saurait être déduit de l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701), que les comportements illicites de la Commission liés à l’adoption d’un protocole d’accord sont les seuls comportements illicites d’une institution de l’Union dans le cadre du traité MES à pouvoir engager la responsabilité extracontractuelle de cette dernière. En effet, tout d’abord, la Cour a jugé dans cet arrêt que la nature juridique des actes du MES, qui n’engagent que le MES et ne relèvent pas de l’ordre juridique de l’Union, n’était pas de nature à faire obstacle à ce que soient opposés à la Commission et à la BCE certains comportements illicites liés, le cas échéant, à l’adoption d’un protocole d’accord au nom du MES, dans le cadre d’un recours en responsabilité extracontractuelle (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 53 à 55). Ensuite, s’il est vrai que l’article 17, paragraphe 1, TUE et l’article 13, paragraphes 3 et 4, du traité MES imposent à la Commission des obligations qui n’incombent pas à la BCE (voir point 201 ci-dessus), il reste que, par ses fonctions dans le cadre du traité MES, la BCE apporte son soutien aux politiques économiques générales de l’Union au titre de l’article 282, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 27 novembre 2012, Pringle, C‑370/12, EU:C:2012:756, point 165). Enfin, il importe de souligner que, à l’instar de la Commission, la BCE est tenue de respecter la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») lorsqu’elle agit en dehors du cadre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 67). Il s’ensuit que des comportements illicites liés à la surveillance de l’application des mesures dommageables par la BCE et par la Commission peuvent leur être opposés dans le cadre d’un recours en indemnité.

204

La négociation et la signature du protocole d’accord du 26 avril 2013 par la Commission ainsi que la surveillance de l’application des mesures dommageables par la BCE et par la Commission au titre de l’article 13, paragraphe 7, du traité MES sont donc susceptibles d’engager la responsabilité de l’Union.

205

Troisièmement, s’agissant de la transmission, par les défendeurs, et notamment par l’Eurogroupe, d’assurances précises quant à la non-adoption des mesures dommageables, il importe de rappeler que le principe de protection de la confiance légitime est un principe général de droit de l’Union, de rang supérieur, visant la protection des particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 1992, Mülder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 et C‑37/90, EU:C:1992:217, point 15), dont la violation par une institution de l’Union peut engager la responsabilité de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C‑152/88, EU:C:1990:259, point 26).

206

Par conséquent, la transmission, par les défendeurs, et notamment par l’Eurogroupe, d’assurances précises quant à la non-adoption des mesures dommageables est susceptible d’engager la responsabilité de l’Union.

207

Quatrièmement, les décisions adoptées par la BCE en ce qui concerne l’ELA sont des actes adoptés par une institution de l’Union dans l’exercice d’une compétence propre lui ayant été accordée par le droit de l’Union et, partant, sont susceptibles d’engager la responsabilité de l’Union.

3.   Conclusion sur la compétence du Tribunal

208

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que le Tribunal est compétent pour connaître du présent recours en tant qu’il porte sur, premièrement, la prétendue approbation des décrets dommageables par les défendeurs, deuxièmement, l’obligation de maintien ou de mise en œuvre continue de la conversion en actions des dépôts non assurés de la BoC telle qu’elle ressort de l’article 2, paragraphe 6, sous b), de la décision 2013/236, troisièmement, la négociation et la signature, par la Commission, du protocole d’accord du 26 avril 2013, quatrièmement, la surveillance, par la Commission et par la BCE, de l’application des mesures dommageables au titre de l’article 13, paragraphe 7, du traité MES, cinquièmement, la transmission alléguée d’assurances précises, par les défendeurs, et notamment par l’Eurogroupe, que les mesures dommageables ne seraient pas adoptées et, sixièmement, les décisions adoptées par la BCE en ce qui concerne l’ELA.

B. Sur la recevabilité

209

Le Conseil, la Commission et la BCE soutiennent que le présent recours est, en tout ou en partie, irrecevable. Leur argumentation porte, d’une part, sur le respect des exigences de forme applicables (voir points 210 à 234 ci-après) et, d’autre part, sur le défaut d’épuisement des voies de recours internes (voir points 235 à 242 ci-après).

1.   Sur le respect des exigences de formes

210

Le Conseil et la BCE font valoir que le recours n’est pas conforme aux exigences de forme applicables. Premièrement, la BCE avance que le recours ne respecte pas les exigences prévues à l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991. Tout d’abord, les requérants auraient omis d’établir l’existence d’un quelconque lien de causalité entre le comportement prétendument illégal reproché aux défendeurs et le préjudice allégué. En particulier, les requérants resteraient en défaut d’expliquer comment la BCE aurait pu, au vu de son rôle purement consultatif quant à l’adoption des mesures dommageables, être responsable du préjudice allégué. Ensuite, les requérants ne décriraient pas à suffisance le préjudice qu’ils prétendent avoir subi, en ce qu’ils omettraient de démontrer qu’ils auraient perdu une fraction moins importante de leurs dépôts si les banques visées avaient été placées en liquidation au lieu de faire l’objet des mesures dommageables. Enfin, les arguments juridiques des requérants seraient si faibles que l’illicéité alléguée des mesures prises par la BCE serait insuffisamment étayée.

211

Deuxièmement, le Conseil soutient que la requête ne satisfait pas aux exigences de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991 pour autant qu’elle concerne la décision 2013/236. En effet, la requête ne permettrait d’identifier avec le degré de précision requis ni l’illégalité dont les requérants estiment que cette décision est entachée, ni les raisons pour lesquelles ils estiment qu’un lien de causalité existe entre cette illégalité et le préjudice qu’ils prétendent avoir subi, ni l’étendue précise de l’implication du Conseil dans la réalisation de ce préjudice. Le Conseil en conclut que le recours est irrecevable en tant qu’il porte sur ladite décision.

212

Les requérants concluent au rejet de ces fins de non-recevoir.

213

Premièrement, ils font valoir que la requête établit un lien de causalité direct entre le comportement illégal des institutions défenderesses et le préjudice qu’ils ont subi. S’agissant, en particulier, de l’argument de la BCE au sujet de la description du préjudice, les requérants estiment qu’il relève du fond et non de la recevabilité du recours.

214

Deuxièmement, ils relèvent qu’ils ont exposé les motifs pour lesquels la décision 2013/236, qui intégrerait les conditions de la FAF dans le droit de l’Union, est illégale et a causé le préjudice allégué.

215

À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, toute requête doit indiquer l’objet du litige, les conclusions et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, point 20, et arrêt du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, EU:T:1999:124, point 29).

216

Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation de dommages prétendument causés par une institution, un organe ou un organisme de l’Union ou l’un de ses agents agissant dans l’exercice de ses fonctions doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que la partie requérante reproche à la partie défenderesse, les raisons pour lesquelles la partie requérante estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’elle prétend avoir subi ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (arrêts du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T‑387/94, EU:T:1996:120, point 107, et du 29 janvier 1998, Dubois et Fils/Conseil et Commission, T‑113/96, EU:T:1998:11, point 30).

217

Avant d’examiner les arguments des parties visés aux points 210 à 214 ci-dessus à la lumière de cette jurisprudence et à supposer même qu’il puisse être considéré que les allégations des requérants quant au renflouement interne dont auraient fait l’objet les actionnaires de la Laïki se rapportent à des actes ou à des comportements à l’égard desquels le Tribunal est compétent, il y a lieu d’observer que ces allégations sont trop imprécises pour que le Tribunal puisse les apprécier. En effet, les requérants se contentent, en substance, d’alléguer que les actions de la Laïki ont, en conséquence des mesures dommageables, été « supprimées » sans contrepartie financière ou que leur valeur économique a été « totalement éteinte ».

218

Or, il ressort des pièces du dossier et, notamment, des éléments rapportés aux points 30 à 36 ci-dessus, que les décrets dommageables ne prévoient pas que les actions de la Laïki font l’objet d’une quelconque mesure de renflouement interne. Dans ces conditions, l’argumentation des requérants ne permet pas de comprendre comment les défendeurs auraient pu, en prêtant leur soutien aux mesures dommageables, qui figurent dans les décrets dommageables, contribuer à la réalisation du préjudice dont les actionnaires de la Laïki auraient été victimes. Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence citée aux points 215 et 216 ci-dessus, le présent recours est manifestement irrecevable en tant qu’il porte sur la réparation du préjudice qu’auraient subi les requérants du fait de la prétendue suppression des actions de la Laïki.

219

Cela étant précisé, il convient de vérifier si le présent recours est conforme aux exigences de forme décrites aux points 215 et 216 ci-dessus en tant qu’il porte sur les actes et les comportements à l’égard desquels le Tribunal est compétent, à savoir, premièrement, la prétendue approbation des décrets dommageables par les défendeurs, deuxièmement, l’obligation de maintien ou de mise en œuvre continue de la conversion en actions des dépôts non assurés de la BoC telle qu’elle ressort de l’article 2, paragraphe 6, sous b), de la décision 2013/236, troisièmement, la négociation et la signature, par la Commission, du protocole d’accord du 26 avril 2013, quatrièmement, la surveillance, par la Commission et par la BCE, de l’application des mesures dommageables au titre de l’article 13, paragraphe 7, du traité MES, cinquièmement, la transmission alléguée d’assurances précises, par les défendeurs, et notamment par l’Eurogroupe, que les mesures dommageables ne seraient pas adoptées et, sixièmement, les décisions adoptées par la BCE en ce qui concerne l’ELA.

220

Premièrement, s’agissant de la prétendue approbation des décrets dommageables par les défendeurs, il y a lieu de relever que, aux fins d’établir l’existence d’un lien de causalité entre, d’une part, la surveillance du programme d’ajustement macroéconomique au titre de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision 2013/236 et les déclarations de l’Eurogroupe des 12 avril et 13 mai 2013 et, d’autre part, le préjudice allégué, les requérants se contentent d’invoquer l’arrêt du 14 juillet 1967, Kampffmeyer e.a./Commission (5/66, 7/66, 13/66 à 16/66 et 18/66 à 24/66, non publié, EU:C:1967:31, p. 317), duquel il ressortirait que la responsabilité de l’Union peut être engagée au motif que les institutions de l’Union ont approuvé des actes ayant causé un dommage à une partie requérante.

221

À cet égard, il convient de constater que, dans ses déclarations des 12 avril et 13 mai 2013, l’Eurogroupe, qui n’est pas compétent pour adopter des décisions contraignantes, s’est contenté de décrire très succinctement et de saluer certaines mesures adoptées par les autorités chypriotes ainsi que d’exprimer l’opinion selon laquelle ces mesures étaient, notamment, susceptibles de contribuer à atténuer les difficultés financières auxquelles la République de Chypre faisait face (voir point 170 ci-dessus). Par ces déclarations, l’Eurogroupe a donc exprimé envers la République de Chypre une opinion dépourvue de caractère contraignant et qui ne liait pas les autorités nationales compétentes.

222

Quant à la surveillance, par la Commission et par la BCE, de la mise en œuvre du programme d’ajustement macroéconomique, il y a lieu de rappeler que l’article 1er, paragraphe 2, de la décision 2013/236 dispose, notamment, que la Commission, en liaison avec la BCE, et le cas échéant avec le FMI, surveille les progrès accomplis par la République de Chypre dans la mise en œuvre de son programme. L’article 1er, paragraphe 3, de cette décision prévoit que la Commission, tout d’abord, en liaison avec la BCE et, le cas échéant, avec le FMI, examine avec les autorités chypriotes les modifications ou les mises à jour qu’il pourrait être nécessaire d’apporter au programme, ensuite, fournit, de manière suivie, des conseils et des orientations en ce qui concerne les réformes budgétaires, financières et structurelles et, enfin, évalue à intervalles réguliers l’impact économique du programme et recommande les corrections nécessaires en vue de renforcer la croissance et la création d’emplois, d’assurer l’assainissement budgétaire requis et de réduire au minimum les incidences sociales négatives. Aucune de ces obligations incombant à la Commission ne comporte, en tant que tel, de pouvoir décisionnel ou de contrainte. Toute approbation qu’aurait pu émettre la Commission dans le cadre de la mise en œuvre de ses responsabilités au titre de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision 2013/236 aurait donc été dépourvue de caractère contraignant et n’aurait, par suite, pas lié les autorités chypriotes.

223

Il en ressort que la République de Chypre, qui n’a pas été contrainte d’adopter les mesures dommageables (voir points 105 à 155 ci-dessus), n’était pas non plus tenue de demander à la Commission, à la BCE ou à l’Eurogroupe l’autorisation de les adopter. Ainsi qu’il ressort des points 221 et 222 ci-dessus, la Commission, la BCE et l’Eurogroupe n’ont, en tout état de cause, donné aux autorités chypriotes aucune autorisation de cette nature par les actes ou par les comportements visés à ces points.

224

À l’inverse, dans l’arrêt du 14 juillet 1967, Kampffmeyer e.a./Commission (5/66, 7/66, 13/66 à 16/66 et 18/66 à 24/66, non publié, EU:C:1967:31, p. 317), la Cour a jugé que la responsabilité de la Communauté européenne avait été engagée du fait que la Commission avait autorisé, à tort, l’adoption, par la République fédérale d’Allemagne, de certaines mesures de sauvegarde en matière agricole. Dans cette affaire, l’autorisation de la Commission était une condition nécessaire à l’adoption de ces mesures. Le fait générateur de la responsabilité de la Communauté n’était donc pas la simple approbation, de la part de l’une de ses institutions, des mesures prises par un État membre, mais l’autorisation de ces mesures, en l’absence de laquelle celles-ci n’auraient pas pu être mises en œuvre.

225

Dès lors, le simple renvoi à l’arrêt du 14 juillet 1967, Kampffmeyer e.a./Commission (5/66, 7/66, 13/66 à 16/66 et 18/66 à 24/66, non publié, EU:C:1967:31, p. 317) ne permet pas de comprendre en quoi le fait d’approuver l’adoption des mesures dommageables était susceptible de provoquer la perte patrimoniale que les requérants invoquent.

226

Il s’ensuit que le présent recours est irrecevable en tant qu’il porte sur la prétendue approbation de l’adoption des décrets dommageables par les défendeurs.

227

Deuxièmement, s’agissant de l’obligation de maintien ou de mise en œuvre continue de la conversion en actions des dépôts non assurés de la BoC telle qu’elle ressort de l’article 2, paragraphe 6, sous b), de la décision 2013/236, il y a lieu d’observer que les requérants identifient avec un degré de précision suffisant, d’une part, le comportement qu’ils reprochent au Conseil, à savoir d’avoir, par cette décision, « approuv[é] et intégr[é] dans le corpus du droit de l’U[nion] » les conditions d’octroi prétendument illégales de la FAF, et, d’autre part, le caractère et l’étendue du préjudice allégué, qui sont tous deux décrits de manière détaillée dans le corps de la requête introductive d’instance et en annexe à celle-ci. Ainsi qu’il ressort du point 159 ci-dessus, les requérants expliquent également avec suffisamment de précision le lien de causalité qui existe, selon eux, entre le comportement du Conseil dont ils invoquent l’illégalité et le préjudice allégué.

228

Troisièmement, s’agissant de la signature du protocole d’accord du 26 avril 2013, il est possible d’interpréter les arguments des requérants en ce sens qu’ils estiment que, si la Commission n’avait pas accepté de signer le protocole d’accord du 26 avril 2013, le MES et la République de Chypre n’auraient pas pu convenir que le maintien ou la mise en œuvre continue des mesures dommageables introduites le 29 mars 2013 et l’adoption des mesures dommageables introduites le 30 juillet 2013 par les modifications aux décrets dommageables visées aux points 33 et 34 ci-dessus fussent une condition nécessaire à l’octroi de la FAF.

229

La décision de signer le protocole d’accord du 26 avril 2013 serait donc, à tout le moins en partie, à l’origine du préjudice invoqué. À cet égard, les requérants ont identifié les raisons pour lesquelles ils estiment qu’un lien de causalité existe entre le comportement consistant à signer le protocole d’accord du 26 avril 2013, d’une part, et le préjudice invoqué, d’autre part.

230

En revanche, les allégations des requérants concernant la négociation du protocole d’accord du 26 avril 2013 ne font l’objet d’aucun développement spécifique et circonstancié dans les parties de leurs écritures consacrées à l’argumentation juridique. En particulier, rien dans ces écritures ne permet d’identifier les motifs pour lesquels les requérants considèrent que le comportement de la Commission ou de la BCE dans le cadre de la négociation du protocole d’accord du 26 avril 2013 a contribué à causer le préjudice allégué.

231

Quatrièmement, s’agissant de la surveillance, par la Commission et par la BCE, de l’application des mesures dommageables au titre de l’article 13, paragraphe 7, du traité MES, les considérations exposées aux points 228 et 229 ci-dessus s’appliquent mutatis mutandis.

232

Cinquièmement, la transmission, par les défendeurs, et notamment par l’Eurogroupe, d’assurances précises quant à la non-adoption des mesures dommageables a, selon les requérants, suscité chez eux une confiance légitime qui aurait été violée lors de l’adoption desdites mesures. Ce faisant, les requérants ont identifié avec un degré de précision suffisant l’illégalité qu’ils reprochent aux défendeurs d’avoir commise et les raisons pour lesquelles ils estiment qu’un lien de causalité existe entre ce comportement et le préjudice invoqué.

233

Sixièmement, les requérants indiquent que les décisions adoptées par la BCE en ce qui concerne l’ELA ont contribué à la violation du principe de protection de la confiance légitime et du droit de propriété ainsi qu’à aggraver les difficultés économiques de la Laïki et, partant, le préjudice qu’ils ont subi. Ils ont donc identifié avec un degré de précision suffisant l’illégalité dont ils considèrent que ces décisions sont entachées et les raisons pour lesquelles ils estiment qu’un lien de causalité existe entre ce comportement et le préjudice invoqué.

234

Il s’ensuit que le présent recours est conforme aux exigences de forme applicables en tant qu’il porte sur, premièrement, l’obligation de maintien ou de mise en œuvre de la conversion en actions des dépôts non assurés de la BoC telle qu’elle ressort de l’article 2, paragraphe 6, sous b), de la décision 2013/236, deuxièmement, la signature, par la Commission, du protocole d’accord du 26 avril 2013, troisièmement, la surveillance, par la Commission et par la BCE, de l’application des mesures dommageables au titre de l’article 13, paragraphe 7, du traité MES, quatrièmement, la transmission alléguée d’assurances précises, par les défendeurs, et notamment par l’Eurogroupe, que les mesures dommageables ne seraient pas adoptées et, cinquièmement, les décisions adoptées par la BCE en ce qui concerne l’ELA.

2.   Sur le prétendu défaut d’épuisement des voies de recours internes

235

Dans le cadre de son argumentation relative au préjudice allégué, la Commission soutient, en substance, que, dans la mesure où la cause immédiate de ce préjudice réside dans des mesures nationales, où aucun préjudice accessoire ne peut être attribué à la seule Union et où les illégalités invoquées ne sont qu’indirectement liées à de prétendues actions de l’Union, les requérants doivent épuiser les voies de recours nationales avant que le juge de l’Union ne puisse se prononcer sur leur demande d’indemnisation.

236

Les requérants rétorquent qu’ils n’étaient pas, en vertu de la jurisprudence, tenus d’engager des actions devant les juridictions nationales avant de saisir le Tribunal, dans la mesure où, d’une part, les mesures dommageables sont imputables à l’Union et où, d’autre part, ces juridictions ne pouvaient leur garantir une protection juridictionnelle effective.

237

Pour autant qu’elle puisse être interprétée comme portant sur la recevabilité du présent recours, et non sur le seul préjudice allégué, l’argumentation de la Commission doit être écartée.

238

Selon la jurisprudence, l’action en indemnité au titre de l’article 268 et de l’article 340, deuxième et troisième alinéas, TFUE doit être appréciée au regard de l’ensemble du système de protection juridictionnelle des particuliers et que sa recevabilité peut donc se trouver subordonnée, dans certains cas, à l’épuisement de voies de recours internes qui sont ouvertes pour obtenir l’annulation d’une décision de l’autorité nationale, pourvu que ces voies de recours internes assurent d’une manière efficace la protection des particuliers intéressés en étant susceptibles d’aboutir à la réparation du dommage allégué (voir, en ce sens, arrêts du 30 mai 1989, Roquette frères/Commission, 20/88, EU:C:1989:221, point 15 et jurisprudence citée, et du 13 décembre 2006, É. R. e.a./Conseil et Commission, T‑138/03, EU:T:2006:390, point 40).

239

Dans un arrêt du 18 septembre 2014, Holcim (Romania)/Commission (T‑317/12, EU:T:2014:782, points 73 à 77), le Tribunal a précisé que les cas d’irrecevabilité dus au non-épuisement des voies de recours internes se limitaient à l’hypothèse dans laquelle le non-épuisement de ces voies de recours interdisait au juge de l’Union d’identifier le caractère et le quantum du préjudice invoqué devant lui, tant et si bien que les exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, telles qu’interprétées par la jurisprudence citée aux points 215 et 216 ci-dessus, n’étaient pas satisfaites.

240

Or, en l’espèce, le Tribunal est en mesure d’identifier le caractère et le quantum du préjudice allégué, que les requérants ont décrit avec un degré de précision suffisant dans leurs écritures et dans les annexes à celles-ci. Dès lors et sans même qu’il soit besoin de déterminer si les actes et les comportements visés au point 234 ci-dessus pouvaient faire l’objet d’un recours devant des juridictions nationales, il ne saurait être considéré que le présent recours est irrecevable au seul motif que les requérants n’auraient pas épuisé les voies de recours internes.

241

Tout au plus pourrait-il être considéré, dans ces conditions, que l’introduction, par un ou plusieurs requérants, d’une action devant une juridiction nationale tendant à l’indemnisation du même préjudice que le présent recours est susceptible d’avoir une incidence sur l’examen du bien-fondé de ce recours. Selon la jurisprudence, lorsque, en premier lieu, une personne a introduit deux actions tendant à l’indemnisation d’un seul et même préjudice, l’une dirigée contre une autorité nationale, devant une juridiction nationale, l’autre dirigée contre une institution de l’Union, devant le juge de l’Union, et, en second lieu, il existe un risque que, en raison d’appréciations différentes de ce préjudice par les deux juridictions saisies, ladite personne soit insuffisamment ou abusivement indemnisée, le juge de l’Union doit, avant de statuer sur le préjudice, attendre que la juridiction nationale se soit prononcée sur l’action portée devant elle par une décision mettant fin à l’instance (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 1967, Kampffmeyer e.a./Commission, 5/66, 7/66, 13/66 à 16/66 et 18/66 à 24/66, non publié, EU:C:1967:31, p. 344, et du 13 décembre 2006, É. R. e.a./Conseil et Commission, T‑138/03, EU:T:2006:390, point 42). En pareil cas, le juge de l’Union est tenu d’attendre que le juge national ait statué avant de se prononcer sur l’existence et le quantum du préjudice. En revanche, il lui est possible, avant même que le juge national ne statue, de déterminer si le comportement reproché à l’institution défenderesse est de nature à engager la responsabilité extracontractuelle de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2014, Holcim (Romania)/Commission, T‑317/12, EU:T:2014:782, point 80].

242

Dès lors, quand bien même un ou plusieurs des requérants auraient, en l’espèce, introduit devant les juridictions chypriotes une action tendant à l’indemnisation du même préjudice que le présent recours, rien n’interdirait au Tribunal de se prononcer sur les illégalités alléguées avant même que ces juridictions ne statuent.

C. Conclusion sur la compétence du Tribunal et sur la recevabilité du recours

243

Au regard de l’ensemble de ce qui précède, il convient de considérer que le Tribunal est compétent pour connaître du présent recours et que ce dernier est recevable, pour autant qu’il porte sur, premièrement, l’obligation de maintien ou de mise en œuvre continue de la conversion en actions des dépôts non assurés de la BoC telle qu’elle ressort de l’article 2, paragraphe 6, sous b), de la décision 2013/236, deuxièmement, la signature, par la Commission, du protocole d’accord du 26 avril 2013, troisièmement, la surveillance, par la Commission et par la BCE, de l’application des mesures dommageables au titre de l’article 13, paragraphe 7, du traité MES, quatrièmement, la transmission alléguée d’assurances précises, par les défendeurs, et notamment par l’Eurogroupe, que les mesures dommageables ne seraient pas adoptées et, cinquièmement, les décisions adoptées par la BCE en ce qui concerne l’ELA.

244

En revanche, pour ce qui est des autres actes et comportements que les requérants reprochent aux défendeurs, il y a lieu de conclure, pour partie, à l’irrecevabilité du recours et, pour partie, à l’incompétence du Tribunal pour en connaître. Feront donc seuls l’objet d’un examen au fond les moyens et les arguments des parties se rapportant aux actes et aux comportements visés au point 243 ci-dessus.

D. Sur le fond

245

Il ressort d’une jurisprudence constante, applicable mutatis mutandis à la responsabilité non contractuelle de la BCE prévue à l’article 340, troisième alinéa, TFUE, que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution de l’Union, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement de l’institution et le préjudice invoqué (voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 64 et jurisprudence citée, et du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 65). Dans la mesure où ces trois conditions doivent être cumulativement remplies, la circonstance que l’une d’entre elles fait défaut suffit pour rejeter un recours en indemnité (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 14).

246

En l’espèce, il convient de commencer par examiner si la première de ces conditions, relative à l’illégalité du comportement reproché aux défendeurs, est satisfaite.

247

À cet égard, la Cour a déjà précisé à maintes reprises que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 65 et jurisprudence citée).

248

Dans leur requête, les requérants font valoir que les défendeurs ont agi sans prendre en compte les intérêts du groupe fermé constitué des déposants ou des actionnaires des banques visées, en violation grave et caractérisée de trois règles de droit de l’Union tendant à la protection des particuliers, à savoir le droit de propriété, le principe de protection de la confiance légitime et le principe d’égalité de traitement.

249

Le Conseil et la BCE rétorquent, en substance, que ni les actes et les comportements visés au point 243 ci-dessus, ni les mesures dommageables ne sont entachés d’une violation du droit de l’Union.

250

La Commission, considérant que le préjudice invoqué n’est imputable qu’à la République de Chypre, s’abstient de défendre de manière systématique la légalité de mesures que cette dernière aurait unilatéralement adoptées et se limite, en substance, à présenter des observations ciblées au sujet des illégalités invoquées par les requérants.

251

Le Tribunal examinera successivement les violations alléguées, premièrement, du droit de propriété (voir points 252 à 402 ci-après), deuxièmement, du principe de protection de la confiance légitime (voir points 404 à 439 ci-après) et, troisièmement, du principe d’égalité de traitement (voir points 440 à 508 ci-après).

1.   Sur l’existence d’une éventuelle violation du droit de propriété

252

Les requérants estiment avoir été privés de leur droit de propriété sur les dépôts qu’ils avaient confiés aux banques visées ou sur les actions de celles-ci qu’ils détenaient, en violation de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »).

253

Les défendeurs contestent l’argumentation des requérants.

254

Il est de jurisprudence constante que le droit de propriété garanti par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte n’est pas une prérogative absolue. Ainsi qu’il ressort de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ce droit, à la condition qu’elles répondent à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même dudit droit (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 69 et 70 et jurisprudence citée).

255

À cet égard, il ressort de l’article 12 du traité MES que l’adoption d’un protocole d’accord tel que celui du 26 avril 2013 répond à un objectif d’intérêt général poursuivi par l’Union, à savoir celui d’assurer la stabilité du système bancaire de la zone euro dans son ensemble. En effet, les services financiers jouent un rôle central dans l’économie de l’Union. Dans la mesure où les banques, source essentielle de financement pour les entreprises, sont souvent interconnectées, la défaillance d’une ou de plusieurs banques risque de se propager rapidement aux autres banques, soit dans l’État membre concerné, soit dans d’autres États membres, et, par suite, de produire des effets d’entraînement négatifs dans d’autres secteurs de l’économie (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 71 et 72 et jurisprudence citée ; Cour EDH, 10 juillet 2012, Grainger et autres c. Royaume-Uni, CE :ECHR :2012 :0710DEC003494010, points 39 et 42, et 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce, CE :ECHR :2016 :0721JUD 006306614, point 103).

256

Dans l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 73 à 75), la Cour a jugé que, compte tenu de l’objectif d’intérêt général visé au point 255 ci-dessus et eu égard au risque imminent de pertes financières auquel les déposants auprès des banques visées auraient été exposés en cas de faillite de ces dernières, trois des mesures dommageables décrites aux points 31 à 35 ci-dessus ne constituaient pas, telles qu’elles ressortaient des points 1.23 à 1.27 du protocole d’accord du 26 avril 2013, une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même du droit de propriété desdits déposants et ne pouvaient, dès lors, être considérées comme étant des restrictions injustifiées de celui-ci. Parmi ces mesures figurent, premièrement, la reprise, par la BoC, des dépôts assurés de la Laïki et le maintien des dépôts non assurés auprès de la Laïki, en attendant sa liquidation, deuxièmement, la conversion de 37,5 % des dépôts non assurés de la BoC en actions, assorties d’un plein droit de vote et des droits à dividendes, et, troisièmement, le gel temporaire d’une autre partie de ces dépôts non assurés, étant précisé que, si la BoC devait être surcapitalisée au regard de l’objectif visant un seuil minimal de capitaux propres de 9 % en conditions de crise, il serait procédé à un rachat d’actions aux fins de rembourser les titulaires de dépôts non assurés du montant correspondant à la surcapitalisation (ci-après, prises ensemble, la « première série de mesures dommageables »).

257

En revanche, la Cour n’a pas, dans l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701), examiné la conformité avec le droit de propriété des deux autres mesures dommageables. Il s’agit, en substance, d’une part, de celle portant sur la vente des succursales grecques, telle qu’elle ressort du point 1.24 du protocole d’accord du 26 avril 2013 et qui est prévue par les décrets nos 96 et 97 (voir point 31 ci-dessus), et, d’autre part, de celle ayant trait à la réduction de la valeur nominale de un euro de chaque action ordinaire de la BoC à une valeur nominale de un centime, qui est prévue par le décret no 103 et les modifications apportées à celui-ci le 30 juillet 2013 et qui participe de la recapitalisation de la BoC visée au point 1.26 du protocole d’accord du 26 avril 2013 (voir point 34 ci-dessus) (ci-après, prises ensemble, la « seconde série de mesures dommageables »).

258

Le Tribunal examinera, dans un premier temps, la conformité avec le droit de propriété des requérants de la première série de mesures dommageables (voir points 259 à 324 ci-après) et, dans un deuxième temps, celle de la seconde série de mesures dommageables (voir points 326 à 360 ci-après). Le Tribunal examinera, dans un troisième temps, les arguments, tirés de la violation de l’article 14.4 des statuts de la BCE, du droit à une bonne administration et des exigences d’équité et de cohérence, que les requérants soulèvent à l’appui de leur grief pris d’une violation du droit de propriété (voir points 362 à 402 ci-après).

a)   Sur la première série de mesures dommageables

259

En l’espèce, les requérants ne contestent pas que, comme l’a retenu la Cour dans l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701) (voir points 255 et 256 ci-dessus), l’objectif poursuivi par la première série de mesures dommageables revêt un caractère d’intérêt général. Les requérants contestent, néanmoins, l’applicabilité à la présente espèce de la conclusion à laquelle est parvenue la Cour dans cet arrêt, selon laquelle la première série de mesures dommageables ne constituait pas une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même du droit de propriété des déposants des banques visées et ne pouvait, dès lors, être considérée comme restreignant celui-ci de manière injustifiée. Ils avancent trois arguments à cet égard, relatifs, le premier, à la nature de l’examen effectué par la Cour dans ledit arrêt (voir points 260 à 262 ci-après), le deuxième, aux éléments de preuve invoqués par les parties requérantes dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt (voir points 263 à 266 ci-après) et, le troisième, au respect des exigences selon lesquelles toute restriction du droit de propriété doit être prévue par la loi et proportionnée au but poursuivi (voir points 267 à 324 ci-après).

1) Sur la nature de l’examen effectué par la Cour dans l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P)

260

Les requérants relèvent que, dans l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701), la Cour s’est contentée d’examiner l’existence d’une éventuelle violation du droit de propriété des déposants sous l’angle de l’inclusion, dans le protocole d’accord du 26 avril 2013, des points 1.23 à 1.27, qui portaient, notamment, sur la première série de mesures dommageables. La Cour n’aurait donc pas examiné le comportement des défendeurs dont l’illégalité est invoquée dans la présente affaire. Ce comportement s’inscrirait dans un continuum qui aurait débuté avec les interventions des défendeurs avant la signature du protocole d’accord et se serait poursuivi avec leurs interventions après la signature de celui-ci. Or, les points 1.23 à 1.27 du protocole d’accord du 26 avril 2013 décriraient des mesures qui auraient été adoptées préalablement à la signature de celui-ci et seraient imputables aux défendeurs.

261

Cet argument procède d’une lecture erronée de l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701). Certes, la Cour a conclu, au point 75 de cet arrêt, qu’il ne saurait être considéré que, en ayant permis l’adoption des points 1.23 à 1.27 du protocole d’accord du 26 avril 2013, la Commission avait contribué à une violation du droit de propriété des requérants. Pour ce faire, toutefois, la Cour a examiné, aux points 73 et 74 du même arrêt, si la première série de mesures dommageables, telle qu’elle ressortait des points 1.23 à 1.27 de ce protocole, violait, en elle-même, le droit de propriété des requérants. Le raisonnement exposé auxdits points portait donc sur la légalité intrinsèque de ces mesures. Quant à l’allégation des requérants selon laquelle le comportement incriminé s’inscrit dans un continuum, elle a déjà été écartée au point 158 ci-dessus.

262

Il convient donc de rejeter le premier argument des requérants.

2) Sur les éléments de preuve présentés par les parties requérantes dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P)

263

Les requérants font valoir que la conclusion à laquelle est parvenue la Cour dans l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701), quant à l’existence d’une violation du droit de propriété doit être lue à la lumière des prétentions étroites des requérants dans cette affaire. Il serait, en effet, évident que, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, ni le Tribunal ni la Cour n’eussent examiné la moindre preuve tendant à établir une violation du droit de propriété. Or, dans la présente affaire, les requérants auraient fourni de nombreux éléments de preuve relatifs aux circonstances ayant conduit à l’adoption « de la déclaration de l’Eurogroupe » et expliquant le comportement des défendeurs avant et après cette déclaration. Ces preuves, que la Cour n’aurait pas examinées dans l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701), devraient faire l’objet d’un examen minutieux en l’espèce aux fins de déterminer si les mesures dommageables constituent une ingérence démesurée dans le droit de propriété des requérants et de garantir leur droit à une protection juridictionnelle effective.

264

À cet égard, il convient de relever que les preuves auxquelles se réfèrent les requérants concernent, au premier chef, l’imputabilité des mesures dommageables aux défendeurs et la réalité du préjudice invoqué. Ces preuves ne sont pas, en tant que telles, de nature à démontrer que les conclusions auxquelles la Cour est parvenue dans l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701), quant à l’existence d’une telle violation sont inapplicables en l’espèce.

265

Par conséquent, il y a lieu de rejeter le deuxième argument des requérants pour autant qu’il porte sur des éléments de preuve relatifs à l’imputabilité des mesures dommageables aux défendeurs et à la réalité du préjudice invoqué.

266

Dans la mesure, toutefois, où certaines des preuves auxquelles les requérants font référence pourraient être considérées comme tendant à établir que la première série de mesures dommageables est entachée d’une violation du droit de propriété, elles seront, pour autant que de besoin, examinées dans le cadre de l’appréciation des arguments des requérants relatifs aux exigences selon lesquelles toute restriction du droit de propriété doit être prévue par la loi et proportionnée au but poursuivi.

3) Sur le respect des exigences selon lesquelles toute restriction du droit de propriété doit être prévue par la loi et proportionnée au but poursuivi

267

Les requérants soutiennent, en substance, que la première série de mesures dommageables est entachée d’une violation manifeste de leur droit de propriété, en ce que ces mesures n’étaient pas prévues par la loi et auraient été adoptées sans leur accorder la possibilité d’exercer leurs droits de défense et en dépit de l’existence de mesures moins restrictives, telles qu’une diminution progressive des dépôts en fonction de leur montant. À cet égard, les requérants avaient déjà indiqué, dans leur requête, qu’il résultait de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte que toute restriction du droit de propriété devait être à la fois prévue par la loi et proportionnée au but poursuivi.

268

Le Tribunal examinera successivement la conformité de la première série de mesures dommageables avec les exigences selon lesquelles toute restriction du droit de propriété doit, d’une part, être prévue par la loi et, d’autre part, être proportionnée au but poursuivi. Ce faisant, le Tribunal tiendra compte de ce que, conformément au point 1.27 du protocole d’accord du 26 avril 2013, les dépôts non assurés de la BoC ayant été gelés pouvaient faire l’objet d’une conversion en actions, ce qui a été le cas en l’espèce (voir points 32 et 33 ci-dessus).

i) Sur l’exigence selon laquelle toute restriction du droit de propriété doit être prévue par la loi

269

Au soutien de leur allégation selon laquelle les mesures dommageables n’étaient pas prévues par la loi, les requérants invoquent la jurisprudence de la Cour EDH concernant l’article 1er du protocole additionnel no 1 à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), qui exigerait que toute restriction du droit de propriété repose sur un cadre juridique clair, prévisible et accessible.

270

Or, selon les requérants, aucune règle de droit de l’Union ne permettait aux défendeurs, à l’époque des faits, d’adopter les mesures dommageables, qui ne seraient, au demeurant, pas conformes « aux exigences de sécurité juridique, de régularité de la procédure et de prévisibilité ». Ainsi, les mesures dommageables auraient été adoptées par le gouverneur de la BCC sur le fondement du pouvoir discrétionnaire que lui conférait une loi imprécise ne prévoyant ni une procédure d’indemnisation claire ni un droit à une protection judiciaire, tandis que rien n’aurait été prévu à l’échelle chypriote ou de l’Union pour consulter les parties intéressées ou pour donner aux actionnaires et aux déposants des banques visées l’occasion d’exprimer leur point de vue.

271

Le Conseil et la BCE contestent l’argumentation des requérants.

272

Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et des conditions prévus par la loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. Aux fins de déterminer la portée de ce droit, il y a lieu, eu égard à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, de tenir compte de l’article 1er du protocole additionnel no 1 à la CEDH (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 356). Or, selon la jurisprudence de la Cour EDH, les termes « prévue par la loi » non seulement requièrent que la mesure incriminée ait une base en droit interne, mais également visent la qualité de la loi en question, exigeant que celle-ci soit accessible aux intéressés et prévisible quant à ses effets (voir, en ce sens, Cour EDH, 13 juillet 2010, Kurić et autres c. Slovénie, CE :ECHR :2010 :0713JUD 002682806, point 363).

273

Il convient donc d’examiner si la première série de mesures dommageables a été adoptée en l’absence d’un cadre législatif clair, accessible, prévisible et prévoyant un système d’indemnité et une protection juridique suffisante.

274

À cet égard, en premier lieu, il importe de rappeler que les mesures dommageables ont été prises par le gouverneur de la BCC, en vertu de la loi du 22 mars 2013, laquelle a été approuvée par le Parlement chypriote.

275

Il est vrai que, comme le font, en substance, valoir les requérants, la loi du 22 mars 2013 confère de larges prérogatives à la BCC. Celle-ci peut, en particulier, restructurer les dettes et les obligations d’un établissement soumis à une procédure de résolution (point 12, paragraphe 1, de la loi du 22 mars 2013, voir point 24 ci-dessus), exiger, indépendamment de l’existence d’autres dispositions législatives et statutaires, l’augmentation du capital d’une telle institution (point 8, paragraphe 1, de la loi du 22 mars 2013) et ordonner la vente de certaines activités de celle-ci sans qu’il soit nécessaire d’obtenir le consentement de son conseil d’administration ou de ses actionnaires (point 9, paragraphe 1, de la loi du 22 mars 2013). Toutefois, la seule circonstance que les mesures pouvant être adoptées en vertu de la loi du 22 mars 2013 soient nombreuses ou d’une portée extensive ne signifie pas que cette loi manque de clarté, de précision ou de prévisibilité.

276

En deuxième lieu, il convient de constater que la loi du 22 mars 2013 prévoit une série de garanties au bénéfice des créanciers et des actionnaires des banques concernées. Premièrement, le point 3, paragraphe 2, sous a) et b), de cette loi prévoit que les actionnaires d’un établissement soumis à une procédure de résolution sont les premiers à supporter toute perte résultant de la mise en œuvre des mesures de résolution, tandis que les créanciers d’un tel établissement ne supportent ces pertes qu’après les actionnaires. Quant au point 3, paragraphe 2, sous d), de ladite loi, il prévoit que les mesures adoptées sur le fondement de cette dernière ne peuvent pas placer ces créanciers dans une situation financière moins favorable que celle dans laquelle ils se trouveraient en cas de liquidation de l’établissement en question. Le point 12, paragraphe 14, de la loi en cause précise que, dans l’hypothèse d’une restructuration, en vertu du point 12, paragraphe 1, de la même loi, des dettes et des obligations d’un établissement soumis à une procédure de résolution, les parties affectées reçoivent, en paiement de leurs créances, au moins le montant qu’elles auraient reçu, en vertu du droit chypriote, en cas de liquidation dudit établissement (voir point 24 ci-dessus).

277

Deuxièmement, à supposer même que l’exigence selon laquelle toute restriction du droit de propriété doit être prévue par la loi requière que la procédure d’indemnisation de la perte résultant d’une telle restriction soit, le cas échéant, également prévue par la loi, il ressort du point 26, paragraphe 1, de la loi du 22 mars 2013 que toute partie qui s’estime indûment lésée dans son droit de propriété par des mesures de résolution conserve le droit de saisir le juge national compétent pour demander à être indemnisée. Le point 26, paragraphes 2 et 3, de cette loi précise que, si la partie affectée considère que sa position financière s’est significativement détériorée par rapport à celle dans laquelle elle se serait trouvée si aucune mesure de résolution n’avait été prise et si la banque concernée avait été mise directement en liquidation, elle peut réclamer une indemnité uniquement pour les pertes subies sans porter atteinte à l’opération conclue ou à tout acte ou mesure adopté sur la base de ladite loi.

278

À ce sujet, d’une part, les requérants font valoir que, conformément au point 26, paragraphe 3, de la loi du 22 mars 2013, les réclamations effectuées ne peuvent être dirigées ni contre l’autorité de résolution, sous réserve des cas prévus au point 29 de cette loi, ni contre la personne qui bénéficie d’un transfert d’activités, de biens ou d’actifs résultant de l’adoption d’une mesure de résolution. Les requérants estiment qu’il est, en conséquence, impossible de comprendre contre qui une action pourrait être intentée.

279

À cet égard, il importe de relever que la question de savoir à l’encontre de qui peut être intentée une action visant à l’indemnisation du préjudice illégalement causé par une mesure de résolution adoptée en vertu de la loi du 22 mars 2013 relève du droit chypriote. Les éléments du dossier ne permettent pas de répondre à cette question, qu’il n’appartient pas, en tout état de cause, au Tribunal de trancher dans le cadre de la présente affaire. Force est, néanmoins, de constater que ni le libellé du point 26, paragraphe 3, de la loi du 22 mars 2013, ni les pièces du dossier ne permettent de considérer que l’introduction d’une demande tendant à l’indemnisation du préjudice illégalement causé par une mesure de résolution adoptée en vertu de cette loi est, en pratique, impossible. En outre, comme les requérants le reconnaissent eux-mêmes, le point 29 de la loi du 22 mars 2013 prévoit que la responsabilité de l’autorité de résolution peut être engagée en cas de fraude, de mauvaise foi ou de négligence grave.

280

D’autre part, les requérants soutiennent que le point 22 de la loi du 22 mars 2013, d’abord, prévoit qu’une évaluation doit être effectuée, aux fins de la mise en œuvre des mesures de résolution, par l’autorité de résolution, puis octroie à cette dernière une très large marge d’appréciation. Les requérants relèvent que, conformément au point 22, paragraphe 7, de cette loi, ladite évaluation ne peut pas faire l’objet d’un examen juridictionnel séparé, mais doit être examinée conjointement avec la décision prise en vertu « de la présente section ». Selon les requérants, il en résulte que les parties qui considèrent que leur position financière s’est détériorée à la suite d’une mesure de résolution doivent contester une évaluation qui est faite à l’entière discrétion de l’autorité de résolution. Or, il serait difficile de comprendre de quelle manière cette évaluation pourrait être contestée efficacement à moins qu’elle ne révèle elle-même une sous-estimation.

281

À cet égard, il suffit de relever que rien dans le point 22 de la loi du 22 mars 2013 ne permet de considérer qu’une telle évaluation est susceptible de lier le juge national saisi d’une demande indemnitaire. Il y a donc lieu de considérer que les requérants ont échoué à démontrer que cette disposition rendrait, en pratique, l’introduction d’une telle demande impossible ou inefficace.

281

En troisième lieu, il ne saurait être considéré que les mesures dommageables ne comportaient aucune garantie permettant aux requérants de faire valoir leur point de vue. À cet égard, il y a lieu de rappeler que les procédures applicables doivent offrir à la personne concernée une occasion adéquate d’exposer sa cause aux autorités compétentes. Pour s’assurer du respect de cette exigence, qui constitue une exigence inhérente à l’article 1er du protocole no 1 de la CEDH, il y a lieu de considérer les procédures applicables d’un point de vue général (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 368 et jurisprudence citée, et Cour EDH, 20 juillet 2004, Bäck c. Finlande, CE :ECHR :2004 :0720JUD 003759897, point 56). Ainsi, ladite exigence ne saurait être interprétée en ce sens que la personne intéressée doit, en toutes circonstances, pouvoir faire valoir son point de vue auprès des autorités compétentes préalablement à l’adoption des mesures portant atteinte à son droit de propriété (voir, en ce sens, Cour EDH, 19 septembre 2006, Maupas et autres c. France, CE :ECHR :2006 :0919JUD 001384402, points 20 et 21). Tel est, notamment, le cas lorsque, comme en l’espèce, les mesures en cause ne constituent pas une sanction et s’inscrivent dans un contexte d’urgence particulière. À ce dernier égard, en effet, il y a lieu de relever que, comme l’a rappelé la BCE lors de l’audience, il s’agissait de prévenir un risque imminent d’effondrement des banques visées pour préserver la stabilité du système financier chypriote et, ainsi, d’éviter une contagion à d’autres États membres de la zone euro. Or, la mise en œuvre d’une procédure de consultation préalable, dans le cadre de laquelle les milliers de déposants et d’actionnaires des banques visées auraient pu utilement faire valoir leur point de vue auprès de la BCC avant l’adoption des décrets dommageables, aurait inévitablement retardé l’application des mesures visant à prévenir un tel effondrement. La réalisation de l’objectif consistant à préserver la stabilité du système financier chypriote et, ainsi, à éviter une contagion à d’autres États membres de la zone euro en aurait été exposée à d’importants risques (voir, en ce sens et par analogie, Cour EDH, 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce, CE :ECHR :2016 :0721JUD 006306614, point 139).

283

Dans ces circonstances, toutefois, la personne intéressée doit pouvoir bénéficier d’une procédure judiciaire présentant les garanties procédurales requises, de façon à permettre aux juridictions nationales de statuer de manière effective et équitable sur les litiges relatifs à la violation du droit de propriété alléguée. Or, comme il ressort des points 277 et 279 à 281 ci-dessus, tel est le cas en l’espèce.

284

En quatrième lieu, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, l’inexistence, à l’époque des faits, de mesures d’harmonisation de l’Union en matière de renflouement interne des banques ne signifie aucunement qu’il était interdit aux États membres d’adopter des mesures de renflouement interne. Il ne résulte pas davantage de cette inexistence qu’il était interdit aux institutions de l’Union de prêter leur soutien à la mise en œuvre, par les autorités chypriotes, de telles mesures ou d’en exiger le maintien ou la mise en œuvre continue.

285

Il résulte de ce qui précède que les requérants ont échoué à établir que la première série de mesures dommageables n’était pas prévue par la loi.

ii) Sur l’exigence selon laquelle toute restriction du droit de propriété doit être proportionnée à l’objectif poursuivi

286

Les requérants avancent que la première série de mesures dommageables n’est pas proportionnée au but poursuivi, en ce qu’ils se seraient vu imposer une charge excessive. D’une part, ils auraient dû payer pour des erreurs qui étaient imputables au gouvernement de la République de Chypre, à l’absence d’intervention antérieure des institutions de l’Union et à l’imprudence de la BCE, dont la« politique libérale » en matière d’ELA aurait contribué de manière substantielle à l’accumulation de la dette de la Laïki. D’autre part, les défendeurs auraient omis de prendre en compte des mesures alternatives moins restrictives du droit de propriété des requérants.

287

Le Conseil et la BCE contestent l’argumentation des requérants.

288

En premier lieu, il convient de rappeler que, dans l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 73 à 75), la Cour s’est déjà explicitement prononcée sur la proportionnalité au but poursuivi de la première série de mesures dommageables, concluant que celles-ci ne constituent pas une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même du droit de propriété des déposants des banques visées. Or, les requérants sont restés en défaut d’expliquer pour quels motifs cette conclusion ne serait pas transposable au cas d’espèce. Il y a donc lieu de considérer que celle-ci s’applique, mutatis mutandis, au présent grief.

289

En second lieu et en tout état de cause, les arguments invoqués par les requérants au soutien de leur grief relatif au défaut de proportionnalité de la première série de mesures dommageables ne permettent pas, en l’espèce, d’aboutir à une conclusion différente de celle à laquelle est parvenue la Cour dans l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 73 à 75), à cet égard.

290

À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une restriction du droit de propriété ne doit pas être excessive. D’une part, la restriction en cause doit répondre au but d’intérêt général poursuivi et être nécessaire et proportionnée à cette fin. D’autre part, le « contenu essentiel », c’est-à-dire la substance, du droit de propriété ne doit pas être atteint (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, points 355 et 360 ; du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, points 53 et 54, et du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 200).

291

Lorsque, comme en l’espèce, les institutions de l’Union sont appelées, dans un contexte complexe et évolutif, à opérer des choix techniques et à effectuer des prévisions et des appréciations complexes, il y a, néanmoins, lieu de reconnaître auxdites institutions un large pouvoir d’appréciation quant à la nature et à l’étendue des mesures auxquelles elles apportent leur soutien ou dont elles exigent le maintien ou la mise en œuvre continue. Dans un tel contexte, la condition tenant à l’illégalité du comportement reproché exige que soit établie une méconnaissance manifeste et grave, par l’institution concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2014, Nikolaou/Cour des comptes, C‑220/13 P, EU:C:2014:2057, point 53 et jurisprudence citée, et du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 68).

292

C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner les arguments des requérants. Plus spécifiquement, le Tribunal examinera, tout d’abord, l’aptitude de la première série de mesures dommageables à contribuer à la réalisation de l’objectif poursuivi (voir points 293 à 299 ci-après), ensuite, son caractère proportionné et nécessaire à la réalisation de cet objectif (voir points 300 à 313 ci-après) et, enfin, si les inconvénients qu’elle génère ne sont pas démesurés au regard dudit objectif (voir points 317 à 323 ci-après).

– Sur l’aptitude de la première série de mesures dommageables à contribuer à la réalisation de l’objectif poursuivi

293

Conformément à la jurisprudence, il convient de vérifier l’aptitude de la restriction du droit de propriété examinée à contribuer à la réalisation de l’objectif d’intérêt général poursuivi (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 203).

294

En l’espèce, d’une part, il convient de rappeler que l’adoption des mesures dommageables répondait à une situation dans laquelle, à défaut d’être recapitalisées, les banques visées auraient été exposées à un risque de ruée vers les guichets dès l’expiration de la période de fermeture des banques ordonnée le 18 mars 2013, si bien qu’elles auraient risqué de devoir cesser leurs opérations et auraient été menacées d’une faillite désordonnée. Ainsi que l’a souligné la BCE en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, les effets de telles défaillances étaient susceptibles de revêtir une nature systémique, menaçant la République de Chypre d’un défaut souverain et risquant de se propager rapidement à d’autres banques, chypriotes notamment. La confiance des dépositaires de ces banques et la solvabilité de la République de Chypre, garante de certaines dettes de la Laïki, en auraient été affectées et la stabilité de l’ensemble du système financier chypriote aurait été menacée. Comme l’ont relevé la Commission et la BCE, un risque de contagion à d’autres États membres, voire à l’ensemble du système bancaire de la zone euro, n’aurait alors pu être exclu.

295

Au vu des éléments du dossier, il ne saurait être conclu que cette analyse de la situation économique et financière chypriote et de l’Union à la date de l’adoption des mesures dommageables fût entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. À cet égard, il y a lieu de constater que ne sont aucunement étayées les vagues allégations des requérants selon lesquelles, du fait de la taille réduite de l’économie chypriote, sa défaillance n’aurait eu qu’un impact limité sur la zone euro. Ces allégations ignorent, au demeurant, la taille du secteur financier chypriote, qui représentait huit fois celle du PIB chypriote à l’époque des faits, ainsi que le risque de contagion à d’autres États membres.

296

Or, selon le point 1.26 du protocole d’accord du 26 avril 2013, la conversion de 37,5 % des dépôts non assurés de la BoC visait à permettre à celle-ci d’atteindre, « à la fin du programme, un ratio minimal de fonds propres […] de 9 %, selon l’hypothèse défavorable du test de résistance ». Aux termes du point 1.27 du même protocole d’accord, des conversions additionnelles de dépôts, telles que celles visées au point 33 ci-dessus, avaient pour objet de s’assurer que cet objectif puisse être atteint à la fin du programme. Dès lors, dans les circonstances décrites au point 294 ci-dessus, il n’était pas manifestement déraisonnable de considérer que ces mesures étaient susceptibles de stabiliser le système financier, en permettant, notamment, tel qu’il ressort encore du point 1.26 du protocole d’accord du 26 avril 2013, de « rétablir la confiance et [de] normaliser les conditions de financement ».

297

Quant à la mesure dommageable par laquelle la BoC devait reprendre les dépôts assurés de la Laïki, tandis que ses dépôts non assurés seraient maintenus auprès de l’ancienne entité, en attendant sa liquidation, elle visait, comme il ressort du communiqué de presse de la BCC du 26 mars 2013, à permettre la scission de la Laïki en une structure de défaisance et en une banque assainie. Dès lors, dans les circonstances décrites au point 294 ci-dessus, il n’était pas manifestement déraisonnable de considérer que cette mesure était susceptible de stabiliser le système financier, en évitant la faillite désordonnée de la Laïki.

298

D’autre part, il importe de souligner que la taille excessive du secteur financier chypriote figurait parmi les principales causes de la crise bancaire. Ainsi qu’il ressort de l’introduction d’un rapport du FMI de mai 2013, les significatifs déséquilibres internes et externes qui affectaient l’économie chypriote dès avant la crise financière avaient été aggravés par un secteur financier faible et de taille disproportionnée. Très exposé à la Grèce, celui-ci représentait, ainsi qu’il a déjà été relevé (voir point 295 ci-dessus), plus de 800 % du PIB chypriote.

299

Or, la première série de mesures dommageables comprend, notamment, l’application d’une décote aux dépôts non assurés de la BoC et devait ainsi permettre de réduire la taille du secteur financier chypriote. Dès lors, dans les circonstances décrites au point 298 ci-dessus, il n’était pas manifestement déraisonnable de considérer que cette décote contribuerait à assurer la stabilité du système bancaire de la zone euro.

– Sur la proportionnalité et la nécessité de la première série de mesures dommageables

300

Conformément à la jurisprudence, il convient de vérifier si la restriction du droit de propriété examinée dépasse les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause. En particulier, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (voir arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 205 et jurisprudence citée).

301

En l’espèce, premièrement, les requérants avancent, en substance, que des alternatives moins restrictives de leur droit de propriété que la première série de mesures dommageables n’ont pas été prises en compte. Selon les requérants, il aurait été possible de sauver l’économie de la République de Chypre en leur imposant des charges moins lourdes que celles qu’ils ont supportées. Deuxièmement, les requérants soutiennent avoir fait l’objet d’une expropriation et ne pas avoir, à ce titre, obtenu d’indemnité qui puisse être considérée comme étant juste, au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte.

302

Premièrement, en ce qui concerne la prise en compte d’alternatives moins restrictives, il ressort des pièces du dossier que, comme le relève avec pertinence le Conseil, toute approche autre que celle qui a finalement été retenue soit n’était pas réalisable, soit n’aurait pas permis d’atteindre les résultats escomptés. Tout d’abord, il importe de rappeler que les autorités chypriotes n’ont adopté les mesures dommageables qu’après le rejet, par le Parlement chypriote, d’une mesure moins contraignante pour les intérêts des requérants que la première série de mesures dommageables, à savoir la création d’une taxe sur tous les dépôts bancaires de Chypre (voir point 22 ci-dessus).

303

Ensuite, selon un rapport du FMI de mai 2013, la prise en charge, par le budget de la République de Chypre, du coût de recapitalisation des banques visées aurait conduit à une augmentation de la dette publique chypriote jusqu’à un seuil insoutenable. Il ressort, en effet, du point 11 de ce rapport que, en cas d’injection de capital public au profit des banques visées, cette dette aurait atteint un seuil avoisinant 150 % du PIB chypriote et aurait risqué d’augmenter encore davantage. Or, selon le FMI, les contribuables chypriotes s’en seraient trouvés accablés, tandis que la taille du secteur bancaire, qui comptait parmi les causes principales de la crise (voir point 298 ci-dessus), serait demeurée excessive et aurait continué de menacer la République de Chypre.

304

Enfin, il ressort du point 11 du rapport mentionné au point 303 ci-dessus que des approches non génératrices d’endettement, telles que la recapitalisation directe des banques visées par le MES ou leur vente pure et simple, n’étaient pas disponibles. Quant à une sortie de la zone euro, elle n’aurait que partiellement remédié aux difficultés de la République de Chypre et aurait infligé des pertes considérables tant aux contribuables qu’aux déposants assurés.

305

Les requérants estiment, néanmoins, d’une part, que d’autres mesures encore auraient dû être envisagées et, d’autre part, que les défendeurs ont manqué à leur obligation de tenir compte des situations comparables à celle de la République de Chypre, à savoir celle des quatre autres EMME ayant préalablement bénéficié d’une assistance financière que sont l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne et la République portugaise.

306

D’une part, s’agissant de l’existence de mesures alternatives moins restrictives, les requérants allèguent qu’il aurait été parfaitement faisable, même dans les délais dans lesquels les mesures de sauvetage devaient être convenues, de prévoir un système alternatif de décote qui aurait tenu compte de l’ampleur des dépôts confiés aux banques visées. Selon les requérants, il aurait, notamment, été possible de prévoir soit une décote calculée sur un pourcentage du montant d’un dépôt supérieur à 100 000 euros, soit un système progressif selon lequel le pourcentage de la décote augmenterait au-delà de certains seuils.

307

Il y a, cependant, lieu de constater que les requérants n’apportent pas le moindre élément concret au soutien de leurs allégations, qui ne sont, au demeurant, nullement chiffrées. Les requérants ne précisent à aucun moment à quel pourcentage ou au-delà de quel seuil s’appliquerait la décote, ni n’établissent que l’approche qu’ils préconisent aurait permis à la BoC d’atteindre le ratio minimal de fonds propres prévu au point 1.26 du protocole d’accord du 26 avril 2013.

308

Il est, néanmoins, possible de déduire des affirmations des requérants que cette approche n’aurait permis d’allouer à la recapitalisation de la BoC que des capitaux inférieurs à ceux dégagés par la première série de mesures dommageables. En effet, au vu de l’impératif consistant à protéger les dépôts assurés, la décote qu’envisagent les requérants n’aurait, tout comme la première série de mesures dommageables, pu porter que sur les dépôts supérieurs à 100000 euros. Mais, contrairement auxdites mesures, cette décote n’aurait porté que sur un pourcentage des dépôts en question.

309

Or, soit ce pourcentage aurait été insuffisamment élevé pour permettre à la BoC d’atteindre le niveau de capitaux propres visé aux points 1.26 et 1.27 du protocole d’accord du 26 avril 2013, auquel cas l’approche préconisée par les requérants n’aurait pas permis de réaliser le but poursuivi, soit ledit pourcentage aurait été suffisamment élevé pour ce faire, auquel cas les requérants auraient subi des pertes dont il n’est pas établi qu’elles auraient été substantiellement inférieures à celles qu’ils ont subies du fait de la première série de mesures dommageables. Tel aurait été le cas même dans l’hypothèse où la décote effectivement appliquée aurait été supérieure à ce qui était strictement nécessaire pour que la BoC atteigne un niveau de capitaux propres supérieur à celui visé aux points 1.26 et 1.27 du protocole d’accord du 26 avril 2013. En effet, conformément au point 1.27 de ce protocole, qui reprend la substance du point 6, paragraphe 5, du décret no 103, il est prévu que, si la BoC devait être surcapitalisée au regard de l’objectif visant un seuil minimal de capitaux propres de 9 % en conditions de crise, il serait procédé à un rachat d’actions aux fins de rembourser les titulaires de dépôts non assurés du montant correspondant à la surcapitalisation.

310

En tout état de cause, il importe de tenir compte de la nécessité, pour les autorités chypriotes, d’agir rapidement lors de l’adoption des mesures dommageables. Loin de constituer, comme le laissent, en substance, entendre les requérants, une indication de la méconnaissance de leur droit à une bonne administration, la rapidité avec laquelle les mesures dommageables ont été adoptées témoigne de l’urgence de la situation dans laquelle se trouvait la République de Chypre à l’époque des faits. En effet, comme il a été indiqué au point 282 ci-dessus, il s’agissait de prévenir un risque imminent d’effondrement des banques visées pour préserver la stabilité du système financier chypriote et, ainsi, d’éviter une contagion à d’autres États membres de la zone euro. Élaborer un système différencié de décote tel que celui que préconisent les requérants dans un tel contexte aurait exigé des autorités chypriotes qu’elles entreprennent une démarche particulièrement délicate et incertaine pour s’assurer que les pourcentages et les seuils choisis permettent à la BoC d’atteindre le niveau minimal de capitaux propres visé aux points 1.26 et 1.27 du protocole d’accord du 26 avril 2013, exposant ainsi la recapitalisation de la BoC à d’importants risques (voir, en ce sens et par analogie, Cour EDH, 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce, CE :ECHR :2016 :0721JUD 006306614, point 139).

311

D’autre part, s’agissant de l’existence de situations comparables, il y a lieu de relever que les mesures auxquelles peut être subordonné l’octroi d’une assistance financière fournie par le MES (ou par d’autres organisations internationales, organes et institutions de l’Union ou États) pour résoudre les difficultés financières rencontrées par un État faisant face au besoin de recapitaliser son système bancaire sont susceptibles de varier fondamentalement d’un cas à l’autre en fonction de l’expérience acquise et d’un ensemble de circonstances particulières. Parmi celles-ci peuvent notamment figurer la situation économique de l’État bénéficiaire, l’importance de l’aide au regard de l’ensemble de son économie, les perspectives de retour des banques concernées à la viabilité économique et les raisons ayant conduit aux difficultés rencontrées par celles-ci, y compris, le cas échéant, la taille excessive du secteur bancaire de l’État bénéficiaire au regard de son économie nationale, l’évolution de la conjoncture économique internationale ou une probabilité élevée d’interventions futures du MES (ou d’autres organisations internationales, organes et institutions de l’Union ou États) au soutien d’autres États en difficulté pouvant exiger une limitation préventive des montants consacrés à chaque intervention.

312

Or, en l’espèce, les requérants se contentent de comparer l’importance (absolue et relative) de l’assistance financière dont ont bénéficié, d’une part, la République de Chypre et, d’autre part, l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne et la République portugaise. Ainsi, les requérants ne démontrent ni même n’allèguent que les secteurs financiers respectifs des autres EMME ayant bénéficié d’une assistance financière, dont celui de la République hellénique, aient été, comme celui de la République de Chypre (voir points 298 ci-dessus), caractérisés par une dimension excessive eu égard à la taille des économies nationales respectives de ces EMME. Il ressort, au contraire, des pièces du dossier que les secteurs financiers respectifs de ces États membres présentaient des déséquilibres moindres que celui de la République de Chypre. Ainsi, un article de presse daté du 20 mars 2013 rapporte les propos d’un membre du directoire de la BCE, selon lesquels le secteur bancaire chypriote présentait des « circonstances uniques », aucun autre pays en Europe n’ayant, de près ou de loin, un secteur bancaire à ce point déséquilibré.

313

Les requérants ne démontrent pas davantage que l’expérience acquise et des différences relatives à la situation économique des EMME concernés ou aux perspectives de retour à la viabilité des banques concernées, l’évolution de la conjoncture économique internationale ou encore une probabilité élevée d’interventions futures du MES au soutien d’autres États en difficulté pouvant exiger une limitation préventive des montants consacrés à chaque intervention ne pouvaient fonder une différence de traitement entre la République de Chypre, d’une part, et l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne et la République portugaise, d’autre part.

314

Deuxièmement, en ce qui concerne l’octroi d’une juste indemnité au requérants et à supposer que la première série de mesures dommageables puisse être considérée comme emportant privation du droit de propriété des requérants, il y a lieu de rappeler que, sans le versement d’une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien en cause, une privation de propriété constituerait d’ordinaire une atteinte excessive au droit de propriété (voir, en ce sens, Cour EDH, 21 février 1986, James et autres c. Royaume-Uni, CE :ECHR :1986 :0221JUD 000879379, point 54). S’agissant d’un titre, le montant de l’indemnité due s’apprécie par rapport à la véritable valeur marchande de ce titre au moment de l’adoption de la réglementation litigieuse, et non par rapport à sa valeur nominale ou au montant que son détenteur espérait percevoir au moment de son acquisition (voir, en ce sens, Cour EDH, 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce, CE :ECHR :2016 :0721JUD 006306614, point 112). En l’espèce, il n’appartient pas au Tribunal d’estimer de manière abstraite le montant d’une hypothétique indemnité que les requérants auraient dû percevoir dans les circonstances de la cause. Il convient, néanmoins, de rappeler que, à défaut d’être recapitalisées, les banques visées risquaient de devoir cesser leurs opérations et auraient été menacées d’une faillite désordonnée (voir point 294 ci-dessus). Or, les requérants sont restés en défaut d’établir que, dans ces circonstances, la véritable valeur marchande de leurs avoirs était telle qu’il y avait lieu de leur verser une indemnité.

315

D’autre part et en tout état de cause, il convient de rappeler que, comme il ressort des points 277, 279 et 281 ci-dessus, le point 26 de la loi du 22 mars 2013 prévoit que toute partie qui s’estime indûment lésée dans son droit de propriété par des mesures de résolution conserve le droit de saisir le juge national compétent pour demander à être indemnisée. Il y a, dès lors, lieu de conclure que les requérants n’ont pas établi qu’ils ont été illégalement privés de l’octroi d’une juste indemnité.

316

Il ne saurait donc être considéré que la première série de mesures dommageables dépasse les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis.

– Sur les inconvénients causés par la première série de mesures dommageables

317

Conformément à la jurisprudence, il convient de vérifier si les inconvénients générés par la restriction du droit de propriété examinée ne sont pas démesurés au regard des objectifs poursuivis (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, points 205 et 209).

318

À cet égard, premièrement, il convient de relever que la constitution de dépôts auprès d’une banque n’est pas exempte de tout risque. En effet, à l’époque des faits, l’article 7, paragraphe 1 bis, de la directive 94/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 1994, relative aux systèmes de garantie des dépôts (JO 1994, L 135, p. 5), telle que modifiée par la directive 2005/1/CE du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2005, modifiant les directives 73/239/CEE, 85/611/CEE, 91/675/CEE, 92/49/CEE et 93/6/CEE du Conseil ainsi que les directives 94/19, 98/78/CE, 2000/12/CE, 2001/34/CE, 2002/83/CE et 2002/87/CE, afin d’organiser selon une nouvelle structure les comités compétents en matière de services financiers (JO 2005, L 79, p. 9), et par la directive 2009/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2009 (JO 2009, L 68, p. 3), imposait aux États membres de veiller à ce que la garantie de l’ensemble des dépôts d’un même déposant soit fixée à 100000 euros en cas d’indisponibilité des dépôts. Dans ces conditions, les déposants devaient être conscients du risque de perte, en cas d’indisponibilité des dépôts, de tout ou partie des montants supérieurs à 100000 euros qu’ils avaient confiés aux banques visées.

319

Deuxièmement, il y a lieu de relever que le point 3, paragraphe 2, sous a) et b), de la loi du 22 mars 2013 prévoit que les actionnaires d’un établissement soumis à une procédure de résolution sont les premiers à supporter toute perte résultant de la mise en œuvre des mesures de résolution, tandis que les créanciers d’un tel établissement ne supportent ces pertes qu’après les actionnaires. Il en ressort que ce n’est qu’après les actionnaires des banques visées que leurs déposants devaient supporter les pertes résultant de la mise en œuvre des mesures dommageables.

320

Troisièmement, il importe de rappeler que la loi du 22 mars 2013 garantit aux déposants des banques visées un niveau de protection au moins égal à celui dont ils auraient bénéficié en cas de liquidation de celles-ci. En effet, il ressort du point 3, paragraphe 2, sous d), de cette loi que les mesures adoptées sur le fondement de la même loi ne peuvent pas placer les créanciers des établissements concernés dans une situation financière moins favorable que celle dans laquelle ils se seraient trouvés en cas de liquidation de celles-ci. Le point 12, paragraphe 14, de ladite loi précise que, dans l’hypothèse d’une restructuration, en vertu du point 12, paragraphe 1, de la même loi, des dettes et des obligations d’un établissement soumis à une procédure de résolution, les parties affectées reçoivent, en paiement de leurs créances, au moins le montant qu’elles auraient reçu, en vertu du droit chypriote, en cas de liquidation desdites banques (voir point 24 ci-dessus).

321

En l’espèce, il est constant entre les parties que, en l’absence d’intervention publique, les banques visées auraient probablement dû être liquidées. Dans ces conditions, le point 3, paragraphe 2, sous d), et le point 12, paragraphe 14, de la loi du 22 mars 2013 ont donc permis de garantir que les parties affectées ne se trouvent pas, du fait de l’application de la première série de mesures dommageables, dans une position plus défavorable que celle qui aurait été la leur si les autorités chypriotes n’étaient pas intervenues (voir, en ce sens et par analogie, conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:102, point 90).

322

Quatrièmement, il y a lieu de rappeler que, conformément au point 1.27 du protocole d’accord du 26 avril 2013, le point 6, paragraphe 5, du décret no 103 prévoit que, si les contributions des déposants non assurés de la BoC excèdent ce qui est nécessaire aux fins de restaurer ses capitaux propres, l’autorité de résolution détermine le montant correspondant à la surcapitalisation et le traite comme si la conversion n’avait jamais eu lieu.

323

Il convient donc de conclure que, compte tenu également de l’importance des objectifs poursuivis (voir points 254 et 255 ci-dessus), les inconvénients résultant de l’application aux requérants de la première série de mesures dommageables ne sont pas manifestement démesurés.

324

Au regard de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la première série de mesures dommageables ne saurait être considérée comme étant une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit de propriété des requérants. Il ne saurait donc être considéré que le Conseil a, en adoptant la décision 2013/236, exigé le maintien ou la mise en œuvre continue d’une mesure entachée d’une violation du droit de propriété des requérants, ni que la Commission et la BCE ont, en prêtant leur soutien à la première série de mesures dommageables, contribué à une telle violation.

325

Il convient à présent d’examiner si, en prêtant leur soutien à la seconde série de mesures dommageables, la Commission et la BCE ont contribué à une violation du droit de propriété des requérants.

b)   Sur la seconde série de mesures dommageables

326

Le Tribunal examinera la conformité avec le droit de propriété des requérants, en premier lieu, de la réduction de la valeur nominale de un euro de chacune de ses actions ordinaires à une valeur nominale de un centime (voir points 327 à 331 ci-après) et, en second lieu, de la vente des succursales grecques (voir points 332 à 359 ci-après).

1) Sur la réduction de la valeur nominale des actions ordinaires de la BoC

327

Les requérants ne contestent pas que, de même que la conversion des dépôts non assurés confiés à la BoC, la réduction de la valeur nominale de un euro de chacune des actions ordinaires de la BoC à une valeur nominale de un centime, prévue par le décret no 103 et qui participe de la recapitalisation de la BoC visée au point 1.26 du protocole d’accord du 26 avril 2013, avait pour objet de restaurer les capitaux propres de la BoC et ainsi d’assurer la stabilité du système financier chypriote et de la zone euro dans son ensemble, conformément à la jurisprudence citée au point 255 ci-dessus.

328

Les requérants font, toutefois, valoir que, pour les motifs exposés aux points 267, 269, 270, 301, 305 et 306 ci-dessus, la mesure consistant à réduire la valeur nominale des actions de la BoC n’a pas été adoptée dans des conditions prévues par la loi et n’est pas proportionnée à l’objectif poursuivi.

329

À cet égard, il y a lieu de relever que, pour des motifs analogues à ceux exposés aux points 272 à 284 ci-dessus, cette mesure, qui est expressément prévue par le décret no 103, tel que modifié, a été adoptée dans des conditions prévues par la loi.

330

Ladite mesure est également proportionnée à l’objectif poursuivi, les motifs retenus aux points 289 à 325 ci-dessus valant pour elle mutatis mutandis. En particulier, tout d’abord, il convient de relever que la réduction de la valeur nominale des actions de la BoC visait à contribuer à la recapitalisation de celle-ci, telle qu’elle est visée au point 1.26 du protocole d’accord du 26 avril 2013. En tant que telle et au regard des considérations exposées aux points 294 à 296 ci-dessus, cette mesure était apte à contribuer à l’objectif consistant à assurer la stabilité du système financier chypriote et de la zone euro dans son ensemble. Ensuite, il y a lieu de considérer que ladite mesure n’excède pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation de cet objectif. En effet, pour les motifs retenus aux points 302 à 313 ci-dessus, les alternatives moins restrictives auxquelles font référence les requérants soit n’étaient pas réalisables, soit n’auraient pas permis d’atteindre les résultats escomptés. Enfin, il convient de considérer que, compte tenu également de l’importance de l’objectif poursuivi, la mesure en cause ne génère pas des inconvénients démesurés. En effet, d’une part, si la constitution de dépôts auprès d’établissements de crédit, tels que les banques visées, n’est pas exempte de tout risque, tel est, à plus forte raison, le cas de l’acquisition d’actions de tels établissements. À la différence des déposants, dont les dépôts sont, à tout le moins en partie, protégés en cas d’indisponibilité des dépôts, les actionnaires des banques assument, en principe, pleinement le risque de leurs investissements. Il importe de surcroît de souligner que le point 3, paragraphe 2, sous a) et b), de la loi du 22 mars 2013 prévoit que les actionnaires d’un établissement soumis à une procédure de résolution sont les premiers à supporter toute perte résultant de la mise en œuvre des mesures de résolution, tandis que les créanciers d’un tel établissement ne supportent ces pertes qu’après les actionnaires. Les actionnaires de la BoC devaient donc être conscients du risque de perte de leur investissement. D’autre part, il convient de rappeler que, à l’instar des déposants de la BoC, ses actionnaires bénéficiaient des garanties visées au point 12, paragraphe 14, de la loi du 22 mars 2013.

331

Par conséquent, il ne saurait être considéré que la réduction de la valeur nominale des actions de la BoC constitue une intervention démesurée et intolérable qui porte atteinte à la substance même du droit de propriété des requérants.

2) Sur la vente des succursales grecques

332

Les requérants soutiennent que la vente des succursales grecques ne saurait être considérée comme étant objectivement justifiée ni comme étant prévue par la loi ou conforme au principe de proportionnalité.

333

Il y a, cependant, lieu de constater que la vente des succursales grecques visée au point 1.24 du protocole d’accord du 26 avril 2013 et prévue par les décrets nos 96 et 97 était, au même titre que les mesures dommageables précédemment examinées, justifiée par l’objectif d’intérêt public consistant à assurer la stabilité du système financier chypriote et de la zone euro dans son ensemble, conformément à la jurisprudence citée au point 255 ci-dessus.

334

Il ressort, en effet, des pièces du dossier que cette vente visait, compte tenu de l’exposition mutuelle de la Grèce et de Chypre, à prévenir une déstabilisation générale des systèmes financiers de ces deux États membres.

335

À cet égard, d’une part, il ressort du considérant 302 de la décision (UE) 2015/455 de la Commission, du 23 juillet 2014, concernant les aides d’État SA.34826 (2012/C) et SA.36005 (2013/NN) octroyées par la Grèce au groupe Piraeus Bank dans le cadre de la recapitalisation et de la restructuration de Piraeus Bank SA (JO 2015, L 80, p. 49) que la vente des activités grecques de trois banques chypriotes et, notamment, des succursales grecques des banques visées, avait pour objet de sauvegarder la stabilité du système bancaire grec et de faire en sorte que les banques chypriotes puissent vendre des activités avant que celles-ci risquent de perdre de la valeur.

336

Certes, les motifs pour lesquels la Commission estimait que la vente de ces succursales était nécessaire pour assurer la stabilité du système bancaire grec ne ressortent pas clairement de la décision 2015/455. Toutefois, ainsi que les requérants en sont, en substance, convenus dans leur réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, ces motifs sont exposés dans un rapport interne de la BCE du 27 janvier 2013. Il ressort, en substance, de ce document que l’objectif d’une éventuelle vente des succursales grecques était d’éviter tout effet de contagion du système bancaire chypriote au système financier grec et, ainsi, de maintenir la stabilité de ce dernier. Il s’agissait de prévenir un mouvement de retrait généralisé en Grèce en cas soit de faillite de la Laïki, soit de décote des dépôts confiés à la BoC. En effet, comme l’a précisé la BCE en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, il était à craindre que, au vu de la situation générale en République de Chypre et compte tenu de ce que leurs dépôts étaient assujettis au système chypriote de garantie des dépôts (voir point 456 ci-après), les titulaires de dépôts constitués auprès des succursales grecques ne se ruent vers les guichets.

337

La viabilité des succursales grecques, voire celle des banques visées, auxquelles elles appartenaient, en aurait été négativement affectée, tandis que la valeur de leurs actifs aurait diminué par voie de conséquence. De tels développements auraient risqué de mettre en péril la confiance retrouvée du public dans le secteur bancaire grec, dont les dépôts recommençaient à augmenter après deux années d’une baisse prononcée. Le risque était élevé qu’une ruée vers les guichets s’ensuive en Grèce, ce qui, par ricochet, aurait pu aggraver la faible capacité de financement des banques grecques et aurait exigé une augmentation de l’ELA octroyé à celles-ci à un niveau excédant potentiellement la capacité réelle des banques centrales de l’Eurosystème.

337

D’autre part, il ressort des réponses des requérants, de la Commission et de la BCE aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal que la vente des succursales grecques visait également à protéger le système bancaire chypriote d’un effet de contagion résultant, notamment, d’une possible détérioration de la situation économique en Grèce. En effet, ainsi qu’il est indiqué dans un rapport de la Commission de mai 2013, auquel celle-ci se réfère dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, le système bancaire chypriote et, notamment, la Laïki étaient particulièrement exposé aux difficultés de l’économie grecque.

339

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d’examiner, d’une part, si la vente des succursales grecques était prévue par la loi et, d’autre part, si, au regard de l’objectif d’intérêt général visé aux points 333 et 334 ci-dessus, elle constitue une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit de propriété des requérants.

340

À cet égard, d’une part, il convient de constater que, pour des motifs analogues à ceux exposés aux points 272 à 284 ci-dessus, la vente des succursales grecques était prévue par la loi.

341

D’autre part, s’agissant de la proportionnalité de la vente des succursales grecques, tout d’abord, il y a lieu de considérer qu’elle était apte à réaliser l’objectif poursuivi en réduisant l’exposition mutuelle des systèmes bancaires grec et chypriote.

342

Ensuite, il ne ressort pas des pièces du dossier que les objectifs poursuivis auraient pu être réalisés par le biais de mesures moins contraignantes que la vente des succursales grecques. Dans le cadre de leur grief tiré d’une violation du principe de non-discrimination, les requérants font, certes, valoir que la « répartition du coût du renflouement interne entre les contribuables chypriotes » aurait permis d’atteindre ces objectifs.

343

Il y a, toutefois, lieu de relever que, comme l’ont, en substance, confirmé les requérants lors de l’audience, une telle mesure aurait équivalu à une simple prise en charge, par le budget de la République de Chypre, du coût de recapitalisation et de restructuration des banques visées. Or, premièrement, une telle approche n’aurait pas été réalisable. Comme la Commission l’a relevé à juste titre en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la République de Chypre ne disposait pas, à l’époque des faits, des fonds nécessaires à cette fin. Elle était également privée d’accès aux marchés de capitaux internationaux. Dans ces conditions, il est, comme en conviennent les requérants dans leur réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, difficile de concevoir comment la République de Chypre aurait pu recapitaliser les banques visées sans assistance financière extérieure.

344

Or, il y a lieu de rappeler que le montant de la FAF, limité à 10 milliards d’euros, a été calculé en fonction des besoins financiers de la République de Chypre en l’absence de toute injection de capital public en faveur des banques. Dans la mesure où, selon un rapport de mars 2013 de la Pacific Investment Management Company (PIMCO) (ci-après le « rapport PIMCO »), la recapitalisation des banques visées aurait, à la fin de l’année 2012, exigé un montant total de près de 7,8 milliards d’euros, la solution que les requérants préconisent aurait nécessité soit une augmentation du montant de la FAF, soit l’utilisation d’une part substantielle du montant de celle-ci aux fins de recapitaliser les banques visées.

345

La première de ces deux options aurait présenté deux difficultés majeures, dont les requérants n’expliquent à aucun moment comment la République de Chypre aurait pu les surmonter. D’une part, le MES n’avait aucune obligation d’accorder à la République de Chypre une FAF d’un montant supérieur à 10 milliards d’euros. Au contraire, le MES pouvait légitimement considérer qu’il y avait lieu de limiter la taille de cette enveloppe, notamment pour préserver sa capacité d’intervention future. D’autre part, une hausse du montant de la FAF aux fins de recapitaliser les banques visées aurait contribué à faire augmenter la dette publique chypriote jusqu’à un seuil insoutenable (voir point 303 ci-dessus).

346

La seconde de ces deux options n’aurait, au vu des pièces du dossier, pas été plus viable. D’une part, consacrer une part substantielle des 10 milliards d’euros de la FAF à la recapitalisation des banques visées aurait été incompatible avec les conditions d’octroi de la FAF, qui prévoyaient que celle-ci ne serait pas utilisée à cet effet. D’autre part, indépendamment de ces conditions, il y a lieu de constater qu’une telle approche aurait nécessairement exigé une importante réallocation des montants octroyés à la République de Chypre au titre de la FAF. Ainsi, tout ou partie des 7,8 milliards d’euros qui auraient alors été consacrés à la recapitalisation des banques visées n’aurait plus pu l’être aux besoins budgétaires de la République de Chypre, au rachat, par celle-ci, de titres de créance ou à la recapitalisation des banques chypriotes autres que les banques visées. Or, les requérants reconnaissent eux-mêmes que, en l’absence d’assistance financière, la République de Chypre aurait probablement été incapable de faire face à ses obligations financières, si bien que sa solvabilité s’en serait trouvée compromise. Au vu des risques qui en auraient résulté pour la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble, il serait alors devenu probable que la FAF ne permît pas d’atteindre l’objectif d’intérêt général poursuivi.

347

Deuxièmement, contrairement à la vente des succursales grecques, la simple prise en charge, par le budget de la République de Chypre, des coûts de recapitalisation et de restructuration des banques visées n’aurait pas été apte à réduire l’exposition mutuelle de la République hellénique et de la République de Chypre. En effet, une telle mesure aurait laissé intacts les liens entre les banques visées et le système bancaire grec.

348

Enfin, s’agissant des inconvénients générés par la vente des succursales grecques, il ressort, certes, du considérant 294 de la décision 2015/455 que Piraeus Bank avait acquis les portefeuilles de prêts des activités grecques de trois banques chypriotes, dont les banques visées, à un prix inférieur à leur valeur nominale. Il ressort également de ce considérant que le prix de vente desdites succursales avait été réduit pour tenir compte des pertes futures estimées par PIMCO dans le cadre d’un test de résistance. Selon la réponse de la BCE aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, ce test visait à déterminer les besoins en capital des banques participantes et s’insérait dans un audit du système bancaire chypriote que PIMCO avait été chargée de mener à bien par la BCC et que cette société a conduit sous la direction d’un comité composé de représentants de la BCC, de la Commission, de la BCE, du MES, de l’Autorité bancaire européenne et du FMI en tant qu’observateur. Il résultait de ce test que le risque que les pertes sur prêts fussent supérieures à celles déjà anticipées au moyen de la baisse du prix de vente était limité.

349

La Commission a également indiqué, au considérant 298 de la décision 2015/455, que la contrepartie finalement versée par Piraeus Bank pour acquérir les activités en Grèce des trois banques chypriotes concernées, y compris les succursales grecques, était beaucoup plus faible que la valeur comptable du portefeuille acquis, et même inférieure à la valeur des prêts après révision à la baisse en fonction des futures pertes sur prêts anticipées dans le cadre du test de résistance. La Commission en a conclu que le prix d’acquisition pouvait être considéré comme étant négatif, ce qui serait confirmé par le fait que Piraeus Bank avait comptabilisé un important goodwill négatif après l’acquisition et avait vu son capital augmenter.

350

Il ne saurait donc être exclu que les banques visées aient subi une perte patrimoniale non négligeable du fait de la vente des succursales grecques. Ainsi qu’il ressort du considérant 74 de la décision 2015/455 :

« Les actifs transférés à [Piraeus Bank] s’élevaient environ à 18,9 milliards d’[euros] et les passifs à près de 15 milliards d’[euros]. Les parties à la transaction ont cependant convenu de prendre en compte le montant des pertes prévu par le rapport PIMCO pour les banques de Chypre dans le cadre d’un scénario défavorable. Selon le rapport PIMCO, la valeur des actifs qui seraient transférés à [Piraeus Bank] était d’environ 16,5 milliards d’euros. Les passifs transférés s’élevaient à près de 14,5 milliards d’euros. »

351

Toutefois, il ressort des considérants 75 et 303 de la décision 2015/455 que cette vente s’est opérée dans le cadre d’une procédure ouverte, transparente et non discriminatoire, au cours de laquelle trois soumissionnaires ont présenté des offres, dont seule celle de Piraeus Bank s’est avérée valable.

352

Les requérants ne présentent aucun argument susceptible de démontrer que cette procédure de vente était viciée. Ils se contentent d’indiquer que le prix des succursales grecques a été calculé sur le fondement de la valorisation effectuée par PIMCO dans le cadre de son rapport, dont le rôle aurait essentiellement consisté à magnifier les besoins en fonds propres des banques visées, sans la participation de la direction ou des actionnaires et des déposants de celles-ci, malgré le désaccord de leurs conseils d’administration respectifs, en toute opacité et en violation des normes internationales d’information financière (IFRS).

353

À cet égard, premièrement, il y a lieu de constater que le raisonnement des requérants procède de la prémisse selon laquelle le prix de vente des succursales grecques a été « calculé ». Or, cette prémisse est erronée, ledit prix ayant résulté de la meilleure offre proposée dans le cadre d’une procédure d’adjudication ouverte (voir point 351 ci-dessus).

354

Deuxièmement, à supposer même que le résultat du rapport PIMCO, dont l’objet n’était pas spécifiquement de valoriser les succursales grecques en vue d’une vente, mais d’évaluer, plus généralement, la valeur des banques chypriotes en fonction d’un scénario de base et d’un scénario défavorable, fût entaché d’erreur, la vente de ces succursales n’en serait pas, en soi, viciée. En effet, il n’est aucunement établi qu’il était interdit aux soumissionnaires ayant participé à la procédure de vente des succursales grecques d’offrir un prix différent de celui résultant du rapport PIMCO.

355

Troisièmement, les requérants invoquent, dans le cadre de leur réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, une annonce de la BCC du 7 juin 2013, de laquelle il ressortirait que le prix et les conditions de vente des succursales grecques ont été déterminés « à un niveau politique » par la République hellénique et la République de Chypre lors de deux réunions de l’Eurogroupe au cours du mois de mars 2013. Lors de l’audience, les requérants ont précisé qu’ils invoquaient cette annonce aux fins de démontrer que la vente des succursales grecques avait été réalisée au terme d’un processus opaque, pour un prix qui n’était pas celui du marché.

356

Les conclusions que les requérants tirent de l’annonce de la BCC du 7 juin 2013 ne sauraient, toutefois, être retenues. En effet, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la force probante de l’annonce en question, il suffit de relever que rien dans le dossier n’indique que le prix et les conditions sur lesquels se seraient accordées les autorités grecques et chypriotes « à un niveau politique » liaient les soumissionnaires ayant participé à la procédure de vente des succursales grecques.

357

Les conclusions que les requérants tirent d’un article de presse du 19 février 2015, intitulé « Did the troika defraud billions at the expense of thousands of depositors in Cyprus ? » (La troïka a-t-elle escroqué des milliards aux dépens de milliers de déposants à Chypre ?), n’étayent pas davantage leur thèse. En effet, contrairement aux allégations des requérants, il ne ressort nullement de cet article que l’Eurogroupe a « accepté » que la vente des succursales grecques s’opère à un prix significativement inférieur à leur valeur. Il n’en ressort pas non plus que la BCE a « conçu et défini » cette vente et encore moins qu’elle en a déterminé le prix. Certes, ledit article avance que « des fonctionnaires de la BCE et de la Commission ont imaginé un plan audacieux », selon lequel les banques chypriotes seraient contraintes de céder « l’ensemble de leurs activités grecques afin de protéger les Grecs du choc chypriote ». Pour ce faire, toutefois, l’article en question s’appuie sur le rapport interne de la BCE du 27 janvier 2013 visé au point 336 ci-dessus et qui examine différents scénarios pour la séparation des succursales grecques et des banques visées au vu du risque de contagion au système financier grec. Or, comme le relève avec pertinence la BCE, la circonstance que ses services ont examiné de tels scénarios dans un document interne ne signifie pas qu’elle a « conçu et défini » la vente de succursales grecques, ni qu’elle a joué un rôle dans la détermination du prix de vente. Au contraire, comme il ressort des points 351 à 356 ci-dessus, ce prix résulte d’une procédure ouverte, transparente et non discriminatoire.

358

Par conséquent, compte tenu également de l’importance des objectifs poursuivis, il ne saurait être considéré que les inconvénients générés par la vente des succursales grecques sont démesurés.

359

Les requérants sont donc restés en défaut d’établir que la vente des succursales grecques, prévue par les décrets nos 96 et 97 et visée par le point 1.24 du protocole d’accord du 26 avril 2013, a constitué une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même de leur droit de propriété.

360

Au vu de ce qui précède, il ne saurait être considéré que la seconde série de mesures dommageables est entachée d’une violation du droit de propriété. Il s’ensuit que la Commission et la BCE n’ont pas, en prêtant leur soutien aux deux séries de mesures dommageables visées aux points 256 et 257 ci-dessus, contribué à une violation du droit de propriété des requérants. Le Conseil n’a pas davantage, en adoptant la décision 2013/236, exigé le maintien ou la mise en œuvre continue d’une mesure entachée d’une illégalité de cette nature.

361

Les arguments des requérants, tirés d’une violation de l’article 14.4 des statuts de la BCE et du droit à une bonne administration ainsi que d’un défaut d’équité et de cohérence, ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

c)   Sur la violation alléguée de l’article 14.4 des statuts de la BCE, du droit à une bonne administration et des exigences de cohérence et d’équité

362

Aux fins de démontrer l’existence d’une infraction à leur droit de propriété, les requérants invoquent une violation de l’article 14.4 des statuts de la BCE, des impératifs d’équité et de cohérence et du principe de bonne administration, lesquels seraient inhérents au principe de proportionnalité, qui compte lui-même au nombre des conditions que doit respecter toute restriction du droit de propriété. Au soutien de cette thèse, les requérants avancent, en substance, trois séries d’arguments.

363

En premier lieu, les requérants soutiennent que l’Eurogroupe a enfreint le principe de bonne administration, en décidant des mesures dommageables en violation des « principes de base de la démocratie ». Les requérants considèrent qu’il résulte de ces principes que, en raison de leur connaissance directe de la société et de ses besoins, les autorités nationales sont, en principe, les mieux placées pour apprécier ce qui relève de l’intérêt public. Or, selon les requérants, l’adoption des mesures dommageables n’a pas véritablement été décidée par les autorités chypriotes, mais a, en réalité, été imposée par l’Eurogroupe, qui ne serait responsable devant aucun électeur, ne serait pas concerné par les intérêts nationaux de la République de Chypre et n’aurait pas une connaissance directe de la société et de ses besoins. Au contraire, l’Eurogroupe aurait pris une décision fondée sur les inquiétudes et les exigences des prêteurs.

364

La BCE conteste l’argumentation des requérants.

365

À cet égard, il suffit de rappeler que, comme il ressort des points 105 à 133 ci-dessus, il ne saurait être considéré que l’Eurogroupe ait exigé de la République de Chypre qu’elle adopte les mesures dommageables. Le présent argument ne peut donc qu’être écarté, sans qu’il soit besoin de déterminer si la violation alléguée des « principes de base de la démocratie » revêt la moindre pertinence aux fins d’apprécier l’existence d’une violation du droit de propriété des requérants.

366

En deuxième lieu, les requérants font valoir que la BCE aurait méconnu les exigences d’équité et de cohérence, en ce qu’elle aurait décidé de soutenir le renflouement interne des banques visées, alors même que, dans une lettre du 11 février 2013, adressée aux directeurs exécutifs respectifs desdites banques, le directeur du bureau du gouverneur de la BCC leur aurait assuré, au nom de l’Eurosystème, que les droits de leurs déposants ne seraient pas restreints.

367

Les défendeurs n’ont pas pris position à l’égard de cet argument.

368

À ce sujet, sans préjudice de la question de savoir si le défaut d’équité et de cohérence allégué revêt la moindre pertinence aux fins d’apprécier l’existence d’une violation du droit de propriété des requérants, il suffit de constater que cet argument se confond avec l’un de ceux qu’ils invoquent au soutien de leur grief tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime, avec lequel il sera, par conséquent, examiné (voir points 407 à 423 ci-après).

369

En troisième lieu, les requérants critiquent le comportement de la BCE à l’égard de l’ELA. Selon les requérants, ce comportement serait empreint d’iniquité, d’incohérence et d’une violation de l’article 14.4 des statuts de la BCE ainsi que du principe de bonne administration, ce que la BCE conteste.

370

À l’appui de leur argumentation, premièrement, les requérants avancent, en substance, que le cadre juridique régissant l’intervention de la BCE en matière d’ELA contrevient au principe de bonne administration et à l’impératif de cohérence, qui feraient partie intégrante du principe de proportionnalité, et viole l’exigence selon laquelle toute restriction du droit de propriété doit être prévue par la loi. À cet égard, les requérants relèvent que l’ELA est subordonné à la condition que le bénéficiaire soit solvable. Or, selon les requérants, la notion de solvabilité aux fins de l’ELA n’est pas légalement définie. La BCE ne serait donc pas contrainte de déterminer si le bénéficiaire potentiel remplit une condition stricte de solvabilité prévue par la loi, mais pourrait, au contraire, considérer qu’une banque est solvable, et par conséquent continuer à autoriser l’ELA, sur le fondement de la perspective de l’octroi d’une assistance financière.

371

Simultanément, la BCE pourrait, du fait de sa participation à l’Eurogroupe et comme elle l’aurait fait en l’espèce, influencer de manière déterminante la décision d’octroyer une aide et les conditions auxquelles celle-ci est subordonnée. Elle participerait également, du fait de son appartenance à la troïka, à la surveillance du respect, par la République de Chypre, de la conditionnalité. Il en résulterait un « aléa moral » manifeste, la BCE pouvant libéralement donner son accord à l’ELA en pensant qu’elle pourra en demander le remboursement à titre de condition de toute assistance financière.

372

Deuxièmement, les requérants font valoir que la BCE a fait preuve d’incohérence et d’iniquité en ne s’opposant pas, jusqu’au 21 mars 2013, à l’ELA aux banques visées, tout en déclarant que celui-ci était réservé aux banques solvables. En effet, selon les requérants, la BCE avait déjà pris connaissance de l’insolvabilité de la Laïki à une date antérieure au 21 mars 2013. Au soutien de leur argumentation, les requérants invoquent, d’une part, le rapport PIMCO, duquel il ressortirait que les banques visées étaient « économiquement insolvables », et, d’autre part, un article de presse daté du 17 octobre 2014 et visé au point 149 ci-dessus, duquel il ressortirait, notamment, que le gouverneur de la Bundesbank avait déjà évoqué l’insolvabilité de la Laïki lors d’une réunion du conseil des gouverneurs de décembre 2012.

373

Troisièmement, les requérants se plaignent, en substance, du caractère incohérent, disproportionné et inéquitable du comportement de la BCE, en ce que celle-ci aurait, dans un premier temps, entre octobre 2011 et mars 2013, fait preuve d’une attitude libérale en s’empressant d’accorder à la Laïki un accès virtuellement illimité à l’ELA, pour, dans un second temps, le 21 mars 2013, soudainement mettre fin à l’ELA.

374

Quatrièmement, les requérants ajoutent, au stade de la réplique, qu’ils ne sont pas en mesure de contester l’analyse ayant conduit le conseil des gouverneurs de la BCE à adopter sa décision du 21 mars 2013. En effet, selon les requérants, cette décision serait dépourvue de toute motivation et pourrait ne pas être le résultat d’une véritable analyse. En cela, ainsi que les requérants l’ont clarifié lors de l’audience, ladite décision serait indicative de l’inadaptation du cadre juridique en matière d’ELA.

375

Cinquièmement, les requérants avancent que le comportement de la BCE à l’égard de l’ELA constitue une violation manifeste et grave des pouvoirs discrétionnaires dont la BCE est investie au titre de l’article 14.4 de ses statuts.

376

Les défendeurs contestent l’argumentation des requérants.

377

À cet égard, il y a lieu de rappeler que c’est dans l’application des mesures dommageables qu’est susceptible de trouver son origine immédiate la perte patrimoniale que les requérants prétendent avoir subie (voir point 86 ci-dessus). Or, comme il ressort des points 134 à 155 ci-dessus, la BCE n’a exigé l’adoption des mesures dommageables ni par son communiqué de presse du 21 mars 2013, ni par la décision dont celui-ci fait état, ni par des décisions préalables de « continuer à octroyer l’ELA ». Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que d’éventuelles illégalités entachant ces actes sont susceptibles d’établir un défaut de proportionnalité des mesures dommageables ou leur manquement à l’exigence selon laquelle toute restriction du droit de propriété doit être prévue par la loi. Cette conclusion s’impose avec une acuité particulière s’agissant des arguments des requérants relatifs à l’inadaptation alléguée du cadre juridique en matière d’ELA (voir points 370, 371 et 374 ci-dessus). En effet, ce cadre juridique n’étant pas celui dans lequel les mesures dommageables ont été adoptées (voir, à cet égard, points 272 à 284, 329 et 340 ci-dessus), son inadaptation alléguée ne saurait en rien indiquer que ces mesures n’ont pas été adoptées dans des conditions prévues par la loi.

378

En tout état de cause, il y a lieu de constater que les arguments des requérants ne révèlent pas que le comportement de la BCE à l’égard de l’ELA serait entaché d’illégalité.

379

Premièrement, les critiques des requérants tirées d’un prétendu défaut de précision de la notion de solvabilité ne sauraient prospérer. En effet, la circonstance que la BCE puisse être amenée, dans l’exercice de ses compétences au titre de l’article 14.4 des statuts de la BCE et de sa large marge d’appréciation, à interpréter ou à appliquer une notion financière dans le cadre d’une appréciation économique complexe ne saurait, en tant que telle, être constitutive d’une illégalité.

380

L’argument des requérants selon lequel la multiplicité des fonctions de la BCE serait contraire au principe de proportionnalité pour défaut de cohérence ou manquement au principe de bonne administration ne saurait pas davantage être retenu. À cet égard, il convient de rappeler la portée que recouvre l’exigence de cohérence dans le cadre de l’appréciation de la nécessité et de la proportionnalité d’une mesure. Selon la jurisprudence, une mesure n’est propre à garantir la réalisation du but poursuivi que si elle répond véritablement au souci de l’atteindre d’une manière cohérente et systématique (arrêt du 12 janvier 2010, Petersen, C‑341/08, EU:C:2010:4, point 53). Or, les requérants n’expliquent nullement en quoi la prétendue multiplicité des fonctions de la BCE et l’« aléa moral » qui en résulterait sont susceptibles d’entraver la réalisation cohérente et systématique du but consistant à assurer la stabilité du système financier de la zone euro que poursuivent les mesures dommageables. Ils n’établissent pas davantage en quoi cette circonstance serait de nature à porter atteinte à leur droit à une bonne administration.

381

Au surplus, il y a lieu de constater que les pièces du dossier n’étayent pas l’argument des requérants relatif à la multiplicité des fonctions de la BCE. En ce qui concerne la participation de la BCE à l’Eurogroupe, il convient de rappeler que les déclarations des 25 mars (voir points 105 à 118 ci-dessus), 12 avril, 13 mai et 13 septembre 2013 (voir points 170 et 171 ci-dessus) sont les seuls actes litigieux dont l’Eurogroupe est l’auteur. Or, il ressort des points 116 et 117 ci-dessus que la déclaration du 25 mars 2013 est de nature purement informative et n’exprime de position définitive ni quant à l’octroi de la FAF, ni quant aux conditions que la République de Chypre devrait respecter pour en bénéficier. Quant aux déclarations des 12 avril, 13 mai et 13 septembre 2013, elles se bornent, ainsi qu’il a été constaté au point 170 ci-dessus, à décrire très succinctement et à saluer certaines mesures adoptées par les autorités chypriotes ainsi qu’à exprimer l’opinion selon laquelle ces mesures sont, notamment, susceptibles de contribuer à atténuer les difficultés financières auxquelles la République de Chypre fait face. Dans ces conditions, il n’est pas possible de considérer que la participation de la BCE aux réunions de l’Eurogroupe a permis à la BCE d’influencer de manière déterminante l’octroi de la FAF ou la conditionnalité que la République de Chypre devait respecter pour en bénéficier.

382

En ce qui concerne l’appartenance de la BCE à la troïka, il suffit de relever que la surveillance du respect de la conditionnalité suppose que celle-ci ait été déterminée préalablement. Contrairement à ce que soutiennent, en substance, les requérants, la BCE ne saurait donc tirer du rôle de surveillance que lui confère l’article 13, paragraphe 7, du traité MES le pouvoir de demander le remboursement à titre de condition de toute assistance financière.

383

Deuxièmement, il ne saurait être considéré que la BCE s’est comportée de manière incohérente, arbitraire ou inéquitable, en ne s’opposant pas à l’ELA jusqu’au 21 mars 2013, alors qu’elle avait prétendument déjà pris connaissance de l’insolvabilité de la Laïki à une date antérieure.

384

À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 14.4 des statuts de la BCE, le rôle du conseil des gouverneurs de la BCE se limitait, en l’espèce, à vérifier si l’ELA interférait avec les objectifs et les missions du SEBC. En particulier, il incombait au conseil des gouverneurs, pour assurer le respect de l’interdiction du financement monétaire visée à l’article 123 TFUE et à l’article 21.1 des statuts de la BCE, de vérifier que l’ELA n’était pas octroyé à une banque insolvable (voir point 142 ci-dessus). Comme il a été relevé au point 143 ci-dessus, à l’époque des faits, la BCE n’était investie d’aucune compétence en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit de l’Union, qui relevait exclusivement des autorités de surveillance prudentielle nationales. Dans ces conditions, la BCE était tributaire des informations que lui fournissaient ces autorités quant à la solvabilité des banques bénéficiant de l’ELA. Or, selon les écritures de la BCE, que les requérants n’ont pas contestées à cet égard, la BCC a, à compter de septembre 2011, communiqué au conseil des gouverneurs de la BCE son évaluation selon laquelle les banques visées demeuraient solvables. La solidité financière de ces banques se détériorant progressivement, comme le fait là encore valoir la BCE sans être contredite par les requérants, l’évaluation de la BCC quant à la solvabilité de la Laïki reposait de plus en plus sur la perspective de l’octroi imminent d’une assistance financière à la République de Chypre. Lorsque cette perspective s’est éloignée en raison du rejet, le 19 mars 2013, par le Parlement chypriote, de la création d’une taxe sur tous les dépôts bancaires, le conseil des gouverneurs de la BCE s’est opposé au maintien du niveau existant d’ELA aux banques concernées. En effet, ainsi qu’il ressort des observations du président de la BCE exprimées lors de la conférence de presse du 4 avril 2013, le conseil des gouverneurs a estimé, au moment de prendre la décision du 21 mars 2013, que, « en l’absence d’un programme, ces banques n’auraient pas été solvables et viables » et qu’à « ce moment précis […] aucun programme n’était en place ».

385

La seule circonstance qu’une société privée telle que PIMCO ou un membre du conseil des gouverneurs de la BCE avait déjà préalablement exprimé une opinion divergente de celle de la BCC quant à la solvabilité de la Laïki ne saurait suffire à établir que ce conseil aurait déjà dû s’en écarter – et donc s’opposer au maintien du niveau existant d’ELA à une date antérieure.

386

Troisièmement, il ne saurait pas non plus être considéré que la BCE s’est comportée de manière incohérente, disproportionnée et inéquitable en s’opposant, le 21 mars 2013, au maintien du niveau existant d’ELA, alors qu’elle avait autorisé l’ELA depuis octobre 2011. En effet, loin de s’apparenter à un brusque revirement dépourvu de justification, la décision du conseil des gouverneurs de la BCE du 21 mars 2013 répond simplement à un changement de circonstances, lequel a été décrit au point 384 ci-dessus.

387

Quatrièmement, il y a lieu d’examiner l’argument des requérants tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation dont serait entachée la décision du conseil des gouverneurs de la BCE du 21 mars 2013.

388

La BCE conclut au rejet de cet argument. D’une part, elle avance que, n’ayant été soulevé qu’au stade de la réplique, ledit argument est nouveau et, partant, irrecevable.

389

D’autre part, la BCE rappelle que la décision du conseil des gouverneurs de la BCE du 21 mars 2013 n’est pas publique. Or, selon la BCE, l’inexistence de la motivation de cette décision ne saurait être déduite de son défaut de publicité. Cette décision étant adressée à la BCC, la communication, au représentant de celle-ci, de ladite motivation lors de la réunion du conseil des gouverneurs de la BCE serait suffisante.

390

D’emblée, il y a lieu d’écarter la fin de non-recevoir soulevée par la BCE, le défaut ou l’insuffisance de motivation relevant de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constituant, en tant que tel, un moyen d’ordre public, que le Tribunal peut, à tout moment, relever d’office (voir, en ce sens, arrêts du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, EU:C:1997:73, point 24 ; du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67, et du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34).

391

Il y a donc lieu d’examiner le bien-fondé du présent argument.

392

Il convient de rappeler que, dans les cas où une institution de l’Union dispose, telle la BCE en l’espèce, d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du respect de certaines garanties procédurales revêt une importance fondamentale. Parmi ces garanties figure l’obligation, pour la BCE, de motiver ses décisions de façon suffisante (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 69).

393

Selon la jurisprudence, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de son auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle. À cet égard, tout d’abord, l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte et de la nature des motifs invoqués (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 88). Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, EU:C:2006:511, point 88 et jurisprudence citée).

394

Ensuite, une motivation peut être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 372, et du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, EU:C:2007:88, point 46).

395

Enfin, un examen du respect de l’obligation de motivation ne peut se faire que sur la base d’une décision formellement adoptée. Toutefois, d’autres documents, tels qu’un communiqué de presse, peuvent permettre de connaître les éléments essentiels de la décision en cause et permettre aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles celle-ci a été prise ainsi qu’au juge d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 71).

396

En l’espèce, il y a lieu d’observer que c’est sur le seul fondement du communiqué de presse du 21 mars 2013 que les requérants reprochent à la BCE de n’avoir fourni aucun motif au soutien de sa décision du même jour de s’opposer au maintien du niveau existant d’ELA à partir du 26 mars 2013. Toutefois, ce communiqué et cette décision ne se confondent pas. Ainsi qu’il ressort des points 145 et 146 ci-dessus, ledit communiqué fait simplement état de l’existence de ladite décision. Il ressort des écritures de la BCE que cette décision n’a fait l’objet d’aucune publication et que ses motifs ont été communiqués au représentant de la BCC, laquelle en était seule destinataire. Dans ces conditions, il y a lieu de déterminer si le communiqué de presse du 21 mars 2013 permet aux intéressés de connaître les justifications de la décision dont il fait état et au Tribunal d’exercer son contrôle.

397

À cet égard, tout d’abord, il ressort du communiqué de presse du 21 mars 2013 que « [l]e conseil des gouverneurs de la BCE a décidé de maintenir le niveau existant d’ELA jusqu’au […] 25 mars 2013 » et qu’une « prolongation pour le remboursement ne pourrait être envisagée que si un programme de l’[Union ou du FMI] qui garantirait la solvabilité des banques concernées [était] mis en place ». Il en résulte, implicitement, mais nécessairement, que la solvabilité des banques visées n’aurait pas été garantie en l’absence d’un tel programme. Les observations du président de la BCE exprimées lors de la conférence de presse du 4 avril 2013 (voir point 384 ci-dessus) à propos de la décision du 21 mars 2013 du conseil des gouverneurs de la BCE corroborent cette interprétation :

« [L’ELA] ne peut être octroyé qu’aux banques solvables et viables. Or, il se trouve que, en l’absence d’un programme, ces banques n’auraient pas été solvables et viables. À ce moment précis, le conseil des gouverneurs a estimé qu’aucun programme n’était en place et c’est pour cela qu’il a dû faire ce qu’il a fait. »

398

Ensuite, il importe de souligner que, au moment de la publication du communiqué de presse du 21 mars 2013, l’existence et la nature des difficultés auxquelles faisaient face la République de Chypre et les banques visées étaient connues. Il était également connu que la République de Chypre avait présenté une demande d’assistance financière au président de l’Eurogroupe, qu’une telle assistance lui serait fournie dans le cadre d’un programme d’ajustement macroéconomique devant se concrétiser dans un protocole d’accord et que le Parlement chypriote avait rejeté l’institution d’une mesure que les autorités chypriotes s’étaient engagées à prendre aux fins de mobiliser des ressources internes pour limiter le volume de l’assistance financière liée à ce programme (voir, notamment, points 13 à 15, 18 et 20 à 22 ci-dessus).

399

Enfin, il convient de rappeler que, comme il ressort du point 142 ci-dessus, les règles régissant l’ELA proscrivent son octroi à des établissements de crédit insolvables.

400

Par conséquent, en tout état de cause, dans les circonstances de l’espèce, le libellé du communiqué de presse du 21 mars 2013, pour laconique qu’il soit, permettait aux requérants de comprendre, au regard notamment du contexte, des règles juridiques applicables et des observations du président de la BCE prononcées lors de la conférence de presse du 4 avril 2013, que l’insolvabilité des banques visées en l’absence d’un programme d’ajustement adéquat faisait obstacle au maintien du niveau existant d’ELA. Ce même communiqué permet au juge de l’Union d’exercer son contrôle. Partant, l’argument des requérants relatif à la motivation de la décision du conseil des gouverneurs de la BCE du 21 mars 2013 doit être rejeté.

401

Cinquièmement, s’agissant de la violation alléguée de l’article 14.4 des statuts de la BCE, il suffit de constater que les requérants procèdent par affirmation, n’expliquant nullement en quoi le comportement de la BCE à l’égard de l’ELA serait entaché d’une violation de cette disposition.

402

Par conséquent, les requérants ont échoué à établir que le comportement de la BCE à l’égard de l’ELA était empreint d’une violation du principe de bonne administration, de l’article 14.4 des statuts de la BCE et des impératifs d’équité et de cohérence. La troisième série d’arguments des requérants doit donc être écartée.

403

Les trois séries d’arguments des requérants ayant ainsi été écartées, il y a lieu de rejeter le grief tiré de la violation de l’article 14.4 des statuts de la BCE, des impératifs d’équité et de cohérence et du principe de bonne administration.

2.   Sur l’existence d’une éventuelle violation du principe de protection de la confiance légitime

404

À titre liminaire, il convient de rappeler que le principe de protection de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de l’Union (arrêt du 24 mars 2011, ISD Polska e.a./Commission, C‑369/09 P, EU:C:2011:175, point 122). Le droit de se prévaloir de ce principe suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, ont été fournies à l’intéressé par les autorités compétentes de l’Union. En effet, ce droit appartient à tout justiciable à l’égard duquel une institution, un organe ou un organisme de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées (voir arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 62 et jurisprudence citée).

405

En l’espèce, les requérants estiment que les défendeurs ont commis une violation caractérisée du principe de protection de la confiance légitime. Ils avancent que les défendeurs leur ont fourni des assurances concordantes et précises que les mesures dommageables ne seraient pas imposées à la République de Chypre. Ces assurances résulteraient, premièrement, d’une lettre du 11 février 2013 adressée aux directeurs exécutifs respectifs des banques visées par le directeur du bureau du gouverneur de la BCC, au nom de l’Eurosystème, deuxièmement, de l’engagement du 21 janvier 2013 de l’Eurogroupe quant à la possibilité d’offrir la FAF sur la base d’un accord politique, convenu en novembre 2012, troisièmement, du traitement réservé aux EMME ayant bénéficié d’une assistance financière avant la République de Chypre et, quatrièmement, de la décision de la BCE d’autoriser l’ELA pendant une période considérable.

406

Les requérants ajoutent que ces actes et comportements sont susceptibles de faire naître chez eux une confiance légitime, non seulement pris individuellement, mais aussi pris ensemble. En effet, selon les requérants, ces actes et comportements ont un effet cumulatif qui renforçait l’assurance selon laquelle aucune mesure de renflouement interne ne serait adoptée.

a)   Sur l’existence d’une confiance légitime tirée de la lettre du 11 février 2013

407

Les requérants font valoir que, dans une lettre du 11 février 2013, adressée aux directeurs exécutifs respectifs des banques visées, le directeur du bureau du gouverneur de la BCC a, au nom de l’Eurosystème, fourni à ceux-ci des assurances claires, précises, inconditionnelles et conformes à la loi que les droits de leurs déposants ne seraient pas restreints (voir également points 366 à 368 ci-dessus). À cet égard, les requérants rappellent, d’une part, qu’aux termes de l’article 282, paragraphe 1, TFUE, l’Eurosystème est composé de la BCE et des banques centrales des EMME et conduit la politique monétaire de l’Union et, d’autre part, que la déclaration de mission de l’Eurosystème indique que ce dernier parle d’une seule voix. Tout observateur raisonnable aurait donc supposé que la lettre en cause liait l’Eurosystème, y compris la BCE, laquelle aurait violé la confiance légitime des requérants en exigeant par la suite que la République de Chypre se conforme à l’accord de conditionnalité. Si, toutefois, la BCE estimait que cette lettre ne présentait pas correctement sa position, elle aurait dû effectuer une déclaration publique en vue de corriger les erreurs l’entachant. Or, la BCE n’aurait effectué aucune déclaration de cet ordre, engageant ainsi sa responsabilité.

408

Les défendeurs contestent l’argumentation des requérants.

409

À cet égard, en premier lieu, il convient de constater que rien dans la lettre du 11 février 2013 ne permet à un lecteur prudent et avisé de conclure que son contenu est imputable à l’Eurosystème ou à la BCE.

410

En effet, tout d’abord, cette lettre est adressée aux directeurs exécutifs respectifs des banques visées par une personne signant en qualité de directeur de la communication et du cabinet du gouverneur de la BCC. À aucun moment cette personne n’affirme s’exprimer au nom de l’Eurosystème. Au contraire, ainsi qu’il ressort du texte même de ladite lettre, elle se contente d’exprimer l’opinion de la BCC et ne fait référence ni aux organes ni aux règles de fonctionnement de l’Eurosystème :

« À la suite de la publication d’un article publié dans le Financial Times daté du 10 février 2013 et intitulé “Sauvetage radical proposé pour Chypre”, la [BCC] souhaite souligner que toute action visant à réduire ou à restreindre le droit de propriété des déposants, ou à les en priver, contredit les dispositions de la Constitution de la République de Chypre et de l’article 1er du protocole additionnel no 1 à la [CEDH], dispositions qui protègent le droit à la propriété et qui sont cruciales au fonctionnement d’une économie de marché.

Par conséquent, toute suggestion contraire est non seulement non fondée en droit, mais ne saurait être prise au sérieux. »

411

Il est vrai que, comme le soulignent les requérants, figure dans l’entête de cette lettre le logotype de la BCC, suivi, en dessous et en lettres majuscules, des mentions « Central Bank of Cyprus » et « Eurosystem ».

412

Toutefois, la seule présence de cet entête ne saurait permettre à un lecteur prudent et avisé de considérer que cette lettre est attribuable à l’Eurosystème. Au contraire, l’impression qui se dégage de cet entête est, d’une part, que ladite lettre est rédigée au nom de la BCC et non de l’Eurosystème et, d’autre part, que la mention « Eurosystem » est de nature purement informative, indiquant simplement l’appartenance de la BCC à l’Eurosystème en sa qualité de banque centrale d’un EMME. En effet, premièrement, les caractères composant le terme « Eurosystem » dans l’entête de la lettre du 11 février 2013 sont situés en dessous de ceux composant la mention « Central Bank of Cyprus » et sont nettement plus petits que ceux-ci.

413

Deuxièmement, ainsi que les requérants l’ont eux-mêmes reconnu en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la mention « Eurosystem » fait vraisemblablement partie intégrante du logo de la BCC et figure, à ce titre, sur l’ensemble, ou à tout le moins sur la majorité, des lettres et des documents émanant de celle-ci. Aucune conclusion ne saurait donc être tirée de la seule présence de cette mention sur la lettre du 11 février 2013, sauf à considérer que l’ensemble ou, à tout le moins, la majorité des lettres émanant de la BCC sont imputables à l’Eurosystème au seul motif qu’elles mentionnent l’appartenance de la première au second.

414

Troisièmement, le pied de page de la lettre du 11 février 2013, qui identifie l’adresse et le site Internet de la BCC, ne fait pas référence à l’Eurosystème.

415

En second lieu, il importe de souligner que les banques centrales nationales exercent deux types de fonctions, à savoir, premièrement, celles qui sont prévues par les statuts de la BCE et, deuxièmement, celles qui ne le sont pas. Ces dernières ne peuvent être imputées au SEBC ni à l’Eurosystème. En effet, comme le souligne à juste titre la BCE, l’article 14.4 des statuts de la BCE prévoit que les banques centrales nationales peuvent exercer d’autres fonctions que celles spécifiées dans les statuts de la BCE, à moins que le conseil des gouverneurs de la BCE ne décide, à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, qu’elles interfèrent avec les objectifs et les missions du SEBC. À l’inverse, les fonctions que les banques centrales nationales exercent sous leur propre responsabilité et à leurs propres risques ne sont pas considérées comme relevant des fonctions du SEBC (voir points 138 à 140 ci-dessus).

416

Or, à l’époque des faits, les statuts de la BCE ne mentionnaient pas, parmi les missions de la BCE ou de la SEBC, la détermination des conditions de recapitalisation ou de résolution des institutions financières. Il s’agit donc de fonctions que les banques centrales nationales exercent sous leur propre responsabilité et à leurs propres risques. Dans ces conditions, un lecteur prudent et avisé ne pouvait raisonnablement considérer qu’une affirmation effectuée par la BCC à propos de la détermination des conditions de recapitalisation ou de résolution d’institutions financières était imputable à l’Eurosystème et liait celui-ci. Au contraire, un tel lecteur devait nécessairement considérer que la BCC s’était exprimée dans la lettre du 11 février 2013 en son nom propre et en tant que banque centrale nationale.

417

Contrairement à ce que prétendent, en substance, les requérants, ni l’article 282, paragraphe 1, TFUE, ni la déclaration de mission de l’Eurosystème ne remettent en cause cette conclusion.

418

S’agissant, en premier lieu, de l’article 282, paragraphe 1, TFUE, il y a lieu de relever que celui-ci concerne exclusivement le rôle de l’Eurosystème en matière de politique monétaire. Cette disposition est, en effet, libellée comme suit :

« La [BCE] et les banques centrales nationales constituent le [SEBC]. La [BCE] et les banques centrales nationales des [EMME], qui constituent l’Eurosystème, conduisent la politique monétaire de l’Union. »

419

Les requérants ne pouvaient donc raisonnablement déduire de l’article 282, paragraphe 1, TFUE que l’Eurosystème garantirait le maintien de la valeur des dépôts confiés aux banques visées en cas de recapitalisation ou de résolution de celles-ci.

420

S’agissant, en second lieu, de la déclaration de mission de la BCE et de l’Eurosystème, il convient de relever, premièrement, que celle-ci s’apparente à une simple déclaration d’intention dépourvue de toute valeur juridique (voir, par analogie, arrêt du 23 septembre 2015, ClientEarth et International Chemical Secretariat/ECHA, T‑245/11, EU:T:2015:675, point 103 et jurisprudence citée) et n’ayant, à ce titre, été publiée ni dans la série L du Journal officiel de l’Union européenne, qui a pour objet de publier des actes juridiquement contraignants, ni dans la série C de celui-ci, qui publie des informations, des recommandations et des avis concernant l’Union (voir, par analogie, arrêt du 13 décembre 2012, Expedia, C‑226/11, EU:C:2012:795, point 30). En effet, ainsi que l’a souligné avec pertinence la BCE en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, cette déclaration revêt, par sa nature même, un caractère purement aspirationnel et n’a pas pour objet d’imposer des obligations à ses auteurs ni de répertorier de manière exhaustive l’ensemble des missions et des compétences des membres de l’Eurosystème.

421

Deuxièmement, le contenu de cette déclaration ne permet pas de considérer que l’Eurosystème est investi d’une quelconque compétence en matière de protection des dépôts bancaires en cas de recapitalisation ou de résolution d’une banque. Au contraire, il ressort de cette déclaration que l’Eurosystème a pour objectif primordial le maintien de la stabilité des prix. Certes, ladite déclaration indique également que l’Eurosystème, agissant en tant que principale autorité financière, vise à sauvegarder la stabilité financière et à promouvoir l’intégration financière de l’Union. Toutefois, un lecteur prudent et avisé ne pouvait raisonnablement tirer d’une affirmation aussi vague la conclusion que l’Eurosystème était compétent pour déterminer les conditions auxquelles pourrait être subordonnée l’éventuelle recapitalisation ou résolution des banques visées.

422

De même, les indications selon lesquelles, « [t]out en respectant le statut juridique de ses membres, l’Eurosystème et ses services agissent explicitement dans la cohésion et l’unité » et, « [d]ans cet esprit et travaillant en équipe, l’Eurosystème parle d’une seule voix et est proche des citoyens européens » ne sauraient raisonnablement être interprétées comme signifiant que toute communication de la part d’une banque centrale nationale faisant partie de l’Eurosystème est effectuée en représentation de ce dernier. Il s’agit, plutôt, d’une déclaration d’intention à caractère général et imprécis, qui s’applique tout au plus aux domaines dans lesquels l’Eurosystème est compétent.

423

Il y a donc lieu de conclure que les requérants sont restés en défaut d’établir qu’ils pouvaient tirer de la lettre du 11 février 2013 la confiance légitime que les mesures dommageables ne seraient pas adoptées. Il ne saurait donc, à plus forte raison, être considéré que la BCE aurait, par des actes et des comportements postérieurs à cette lettre, violé ladite confiance.

b)   Sur l’existence d’une confiance légitime tirée de l’« engagement du 21 janvier 2013 de l’Eurogroupe quant à la possibilité d’offrir la FAF sur la base d’un accord politique, convenu en novembre 2012 »

424

Les requérants font valoir que l’Eurogroupe a suscité chez eux la confiance légitime que les mesures dommageables ne seraient pas adoptées, en s’engageant, le 21 janvier 2013, à accorder la FAF à la République de Chypre sur la base d’un accord politique convenu en novembre 2012 et qui ne prévoyait pas l’adoption de ces mesures. En réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, les requérants ont confirmé que l’« engagement » auquel ils se référaient était la déclaration de l’Eurogroupe du 21 janvier 2013 décrite au point 18 ci-dessus.

425

Les défendeurs contestent l’argumentation des requérants.

426

À cet égard, en premier lieu, il convient de constater que rien dans la déclaration de l’Eurogroupe du 21 janvier 2013 ne saurait s’apparenter à une assurance précise que la FAF serait subordonnée aux seules conditions prévues dans le projet de protocole d’accord qui faisait, à cette date, l’objet de négociations entre la République de Chypre, d’une part, et la Commission, la BCE et le FMI, d’autre part. En effet, dans ladite déclaration, l’Eurogroupe ne s’est aucunement engagé à accorder à la République de Chypre la FAF que celle-ci avait sollicitée, mais s’est contenté de décrire ces négociations dans des termes vagues et généraux et d’encourager les parties concernées à réaliser des progrès aux fins de finaliser les composantes du projet de protocole d’accord.

427

En deuxième lieu, ainsi qu’il ressort des points 123 à 129 ci-dessus, l’octroi de la FAF relève des compétences du MES, et non de celles de l’Eurogroupe, qui n’était pas même partie aux négociations engagées avec la République de Chypre en vue de finaliser le projet de protocole visé dans la déclaration du 21 janvier 2013. Dès lors, quand bien même cette dernière contiendrait des assurances quant à l’octroi de la FAF à la République de Chypre, ces assurances n’émaneraient pas d’une autorité compétente au sens de la jurisprudence citée au point 404 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2009, Nintendo et Nintendo of Europe/Commission, T‑13/03, EU:T:2009:131, point 208, et du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 79).

428

En troisième lieu, le projet de protocole d’accord visé dans la déclaration de l’Eurogroupe du 21 janvier 2013 et établi le 29 novembre 2012 n’a jamais été conclu. Ainsi qu’il ressort de la déclaration de l’Eurogroupe du 16 mars 2013, les autorités chypriotes s’étaient engagées, en vue de l’adoption de ce projet de protocole, à prendre des mesures qui devaient être approuvées par le Parlement chypriote, dont la création d’une taxe sur tous les dépôts bancaires (voir points 19 et 20 ci-dessus). Or, la création de cette taxe a été rejetée par le Parlement chypriote (voir point 22 ci-dessus). Dans ces circonstances, les requérants ne pouvaient légitimement s’attendre à ce que la FAF soit malgré tout octroyée à la République de Chypre sur le fondement dudit projet de protocole d’accord.

429

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les requérants sont restés en défaut d’établir qu’ils pouvaient tirer une confiance légitime de la déclaration de l’Eurogroupe du 21 janvier 2013.

c)   Sur l’existence d’une confiance légitime tirée du traitement réservé aux EMME ayant bénéficié d’une assistance financière avant la République de Chypre

430

Les requérants soutiennent qu’ils tiraient la confiance légitime que les mesures dommageables ne seraient pas adoptées du fait que l’octroi d’une assistance financière à d’autres EMME, à savoir l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne et la République portugaise, n’avait pas été subordonné à l’adoption de mesures de renflouement interne.

431

Les défendeurs n’ont pas explicitement pris position sur cet argument.

432

À cet égard, en premier lieu, il convient de souligner que la seule circonstance que, lors des phases antérieures de la crise financière internationale, l’octroi d’une assistance financière n’a pas été subordonné à l’adoption de mesures comparables aux mesures dommageables ne saurait, en tant que telle, être considérée comme une assurance précise, inconditionnelle et concordante susceptible de faire naître la confiance légitime des actionnaires et des déposants des banques visées que l’octroi d’une assistance financière à la République de Chypre ne le serait pas (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, points 65 et 66).

433

En second lieu, il importe de rappeler que les mesures auxquelles peut être subordonné l’octroi d’une assistance financière fournie par le MES (ou par d’autres organisations internationales, organes et institutions de l’Union ou États) pour résoudre les difficultés financières rencontrées par un État dans la nécessité de recapitaliser son système bancaire sont susceptibles de varier fondamentalement d’un cas à l’autre en fonction de l’expérience acquise et d’un ensemble de circonstances particulières (voir point 311 ci-dessus). Dans ces conditions, en l’absence d’engagement clair et explicite des autorités compétentes, il n’est pas possible de considérer que les requérants pouvaient légitimement s’attendre à ce que l’octroi de la FAF soit subordonné à des conditions identiques ou même semblables à celles auxquelles l’octroi d’une assistance financière à l’Irlande, à la République hellénique, au Royaume d’Espagne et à la République portugaise a été subordonné.

434

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les requérants sont restés en défaut d’établir qu’ils pouvaient tirer une confiance légitime du fait que l’octroi d’une FAF à d’autres EMME n’avait pas été subordonné à l’adoption de mesures comparables aux mesures dommageables.

d)   Sur l’existence d’une confiance légitime tirée du fait que la BCE a décidé d’autoriser l’ELA pendant une période prolongée

435

Les requérants estiment pouvoir tirer une confiance légitime de la circonstance que la BCE a, pendant une période prolongée, autorisé la BCC à octroyer l’ELA à la Laïki.

436

Les défendeurs contestent l’argumentation des requérants.

437

À cet égard, il suffit de constater que les requérants n’expliquent nullement en quoi le fait que la BCE a, pendant une période prolongée, autorisé la BCC à octroyer l’ELA à la Laïki aurait pu susciter en ce qui les concerne la confiance légitime que les mesures dommageables ne seraient pas adoptées. Les requérants sont donc restés en défaut d’établir qu’ils pouvaient tirer une confiance légitime de cette circonstance.

438

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que les requérants ne pouvaient tirer une confiance légitime d’aucun des actes et des comportements visés au point 405 ci-dessus, pris individuellement. Dès lors, ces actes et comportements ne sauraient pas non plus, pris ensemble, par effet cumulatif, faire naître chez eux une confiance légitime.

439

Il s’ensuit que le grief des requérants tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime ne peut qu’être rejeté.

3.   Sur l’existence d’une éventuelle violation du principe d’égalité de traitement

440

Le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré par les articles 20 et 21 de la Charte (arrêt du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a., C‑550/07 P, EU:C:2010:512, point 54). Les institutions de l’Union sont tenues de respecter ce principe en tant que règle supérieure de droit de l’Union protégeant les particuliers (arrêts du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 87, et du 24 janvier 2017, Nausicaa Anadyomène et Banque d’escompte/BCE, T‑749/15, non publié, EU:T:2017:21, point 110).

441

Il ressort d’une jurisprudence constante que le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a., C‑550/07 P, EU:C:2010:512, point 55 et jurisprudence citée). Les éléments qui caractérisent différentes situations et, ainsi, leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but des actes en cause, étant entendu qu’il doit être tenu compte, à cet effet, des principes et des objectifs du domaine dont relèvent lesdits actes (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 26 et jurisprudence citée).

442

Les requérants ayant invoqué la violation du principe d’égalité de traitement, c’est à eux qu’il incombe d’identifier avec précision les situations comparables dont ils estiment qu’elles ont été traitées de manière différente ou les situations différentes dont ils estiment qu’elles ont été traitées de manière identique [voir, en ce sens, arrêt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 311].

443

En l’espèce, les requérants font valoir que les défendeurs ont violé ce principe à cinq égards, ce que les défendeurs contestent.

a)   Sur l’existence d’une éventuelle discrimination eu égard aux créanciers de la Laïki dont les réclamations trouvent leur origine dans l’ELA

444

Les requérants soutiennent que les titulaires de dépôts non assurés de la Laïki ont été discriminés eu égard aux créanciers de celle-ci dont les réclamations trouvent leur origine dans l’ELA. Dans la mesure où la dette de la Laïki provenant de l’ELA a été transférée à la BoC, ces créanciers pourraient, en effet, s’adresser à la BoC, tandis que la dette de la Laïki à l’égard des titulaires de dépôts non assurés serait annulée.

445

Les requérants ajoutent que le transfert de la dette de la Laïki provenant de l’ELA à la BoC a fait peser une charge considérable sur cette dernière. D’autres catégories de requérants ont aussi été discriminées en conséquence. En effet, le transfert en cause aurait, d’une part, mené à l’imposition de limites drastiques aux réclamations des déposants de la BoC et, d’autre part, diminué la valeur des actions des banques visées. La BCE, qui serait à l’origine de l’ELA, ainsi que les autres défendeurs auraient ainsi favorisé leurs propres intérêts au détriment de ceux des requérants.

446

Les défendeurs contestent l’argumentation des requérants.

447

À cet égard, en premier lieu, il importe de souligner que le transfert de la dette provenant de l’ELA à la BoC figure parmi les conditions d’octroi de la FAF. En effet, le point 1.26 du protocole d’accord du 26 avril 2013 prévoit :

« [La BoC] reprend – par le biais d’une procédure d’achat et d’absorption – les actifs chypriotes de [la Laïki], à leur juste valeur, ainsi que ses dépôts assurés et son exposition à l’[ELA], à leur valeur nominale. Les dépôts non assurés de [la Laïki] seront maintenus au sein de l’ancienne entité […] »

448

En deuxième lieu, il convient de rappeler que, comme l’ont reconnu les requérants en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la fourniture de l’ELA relève de la compétence des banques centrales nationales, la BCE n’étant compétente que pour interdire à celles-ci d’octroyer l’ELA lorsqu’il interfère avec les objectifs et les missions du SEBC (voir points 137 à 143 ci-dessus). Conformément à cette répartition des compétences, seule la BCC a octroyé l’ELA à la Laïki et détenait, de ce fait, une créance envers cette dernière. Dans ces conditions, ainsi que la BCE le fait valoir à juste titre, seule la BCC était titulaire, en vertu du contrat de prêt conclu avec la Laïki, d’un droit au remboursement de la dette provenant de l’octroi à celle-ci de l’ELA. Dès lors, les catégories de personnes qui auraient pu, au vu de l’argumentation des requérants (voir points 444 et 445 ci-dessus), faire l’objet d’une différence de traitement du fait du transfert à la BoC de la dette de la Laïki provenant de l’ELA sont la BCC, d’une part, et les titulaires de dépôts non assurés et les actionnaires des banques visées, d’autre part.

449

En troisième lieu, il importe de relever que se trouvent dans une situation différente au sens de la jurisprudence visée au point 441 ci-dessus, d’une part, un opérateur privé, ayant, tels les titulaires de dépôts non assurés des banques visées et les actionnaires de la BoC, agi dans son seul intérêt patrimonial privé, et, d’autre part, une banque centrale de l’Eurosystème, dont les décisions étaient exclusivement guidées par des objectifs d’intérêt public. La seule circonstance que des déposants et une banque centrale de l’Eurosystème dont les décisions sont guidées par de tels objectifs détiennent un même titre de créance envers une même banque ne permet pas d’infirmer cette conclusion, de sorte que le principe d’égalité de traitement ne saurait exiger que ces deux catégories de personnes soient traitées de manière indifférenciée (voir, en ce sens, arrêts du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 92, et du 24 janvier 2017, Nausicaa Anadyomène et Banque d’escompte/BCE, T‑749/15, non publié, EU:T:2017:21 points 108 et 109).

450

Or, en l’espèce, la BCC a acquis la créance provenant de l’ELA aux fins de contribuer à la réalisation d’un objectif d’intérêt général, consistant à stabiliser l’une des deux plus importantes banques chypriotes et, par là même, le système financier du pays. En effet, il résulte des points 138 et 139 ci-dessus que la BCC a octroyé l’ELA à la Laïki dans l’exercice des prérogatives de puissance publique dont elle est investie en vertu du droit chypriote. En particulier, il ressort de la réponse de la BCE aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal et du courrier de la BCC qui est annexé à celle-ci que l’ELA est un instrument visant à permettre à la BCC de mener à bien la tâche d’assurer la stabilité du système financier que lui confient les dispositions combinées du point 6, paragraphe 2, sous e), et du point 46, paragraphe 3, de la loi du 19 juillet 2002.

451

Par ailleurs, il y a lieu de constater que, comme le soulignent à juste titre la Commission et la BCE, la créance provenant de l’ELA était garantie par les actifs de la Laïki. En tant que titulaire de cette créance, la BCC était donc, contrairement aux déposants non assurés des banques visées, un créancier privilégié. Dans la mesure où il est constant entre les parties que, en cas de liquidation d’une banque, les créances des déposants de celle-ci sont payées par priorité à l’apport de ses actionnaires, les actionnaires de la BoC ne sauraient, à plus forte raison, soutenir qu’ils étaient dans une situation comparable à celle de la BCC.

452

Au regard de ce qui précède, il y a lieu de considérer que les situations respectives de la BCC, d’une part, et des titulaires de dépôts non assurés des banques visées et des actionnaires de la BoC, d’autre part, n’étaient pas comparables. Les requérants ont donc échoué à établir que les défendeurs ont discriminé ces catégories de personnes eu égard à la BCC.

b)   Sur l’existence d’une éventuelle discrimination eu égard aux titulaires de dépôts constitués auprès des succursales grecques

453

Les requérants estiment avoir subi une discrimination fondée sur la nationalité eu égard aux titulaires de dépôts constitués auprès des succursales grecques. À cet égard, les requérants soulignent que, tandis que l’octroi de la FAF a été conditionné à l’adoption, par les autorités chypriotes, d’une mesure de renflouement interne frappant les dépôts constitués auprès des banques visées à Chypre, il n’a pas été subordonné à une condition similaire en ce qui concerne les dépôts qui avaient été constitués auprès de ces mêmes banques en Grèce. Ceux-ci devaient être transférés à une banque grecque, en conséquence de l’acquisition par celle-ci des succursales grecques, et pouvaient donc, en principe, rester inaltérés. Or, en l’absence de toute justification objective, une telle différence de traitement contreviendrait aux libertés fondamentales garanties par le traité ou serait interdite par l’article 18 TFUE.

454

Les défendeurs contestent l’argumentation des requérants.

455

Il est constant entre les parties que les succursales grecques étaient des succursales au sens de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2006/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice (JO 2006, L 177, p. 1). En tant que telles, premièrement, ces succursales constituaient des parties dépourvues de personnalité juridique des banques visées et effectuant directement, en tout ou en partie, les opérations inhérentes à l’activité d’établissement de crédit.

456

Deuxièmement, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 94/19, telle que modifiée par les directives 2005/1 et 2009/14, les déposants desdites succursales étaient couverts par le système chypriote de garantie des dépôts.

457

Troisièmement, il résulte du considérant 21 et des articles 40 à 43 de la directive 2006/48 que la responsabilité pour la surveillance de la solidité financière des succursales grecques, et en particulier de leur solvabilité, appartenait aux autorités chypriotes, les autorités grecques n’étant responsables que de la surveillance de la liquidité de ces succursales et des politiques monétaires.

458

Il en ressort que les requérants titulaires de dépôts constitués auprès des banques visées à Chypre et les titulaires de dépôts constitués auprès des succursales grecques ont constitué des dépôts auprès des mêmes banques, couverts par le même système de garantie des dépôts et soumis aux mêmes règles. Dans ce contexte, contrairement à ce que soutient le Conseil, il n’existe aucune raison de considérer qu’une différence tenant au seul lieu de constitution des dépôts est, dans les circonstances de l’espèce, suffisante pour conclure que les situations envisagées sont différentes. En particulier, la nécessité d’éviter un effet de contagion, dont se prévaut le Conseil, relève non pas de la différence objective de situations, mais de la justification d’une différence de traitement entre deux situations comparables. Dès lors, la situation des requérants titulaires de dépôts constitués auprès des banques visées à Chypre et celle des titulaires de dépôts constitués auprès des succursales grecques étaient comparables.

459

Or, contrairement aux dépôts constitués auprès des succursales grecques, les dépôts constitués auprès des banques visées à Chypre ont été assujettis à des mesures de renflouement interne. Il y a donc lieu de considérer que les requérants titulaires de dépôts constitués auprès des banques visées à Chypre ont fait l’objet d’un traitement défavorable eu égard aux titulaires de dépôts constitués auprès des succursales grecques.

460

Les arguments de la BCE ne sauraient remettre en cause cette conclusion. D’une part, la BCE soutient que toute discrimination subie par les requérants devrait être considérée comme une « discrimination à rebours », qui ne serait pas interdite par le droit de l’Union.

461

Il est vrai que, selon une jurisprudence constante, le droit de l’Union ne s’oppose pas, dans des situations qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l’une des situations envisagées par ce droit et dont l’ensemble des éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, à ce que les ressortissants de cet État membre reçoivent, de la part de celui-ci, un traitement moins favorable que celui réservé aux ressortissants d’un autre État membre (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 1994, Steen, C‑132/93, EU:C:1994:254, point 11, et du 1er avril 2008, Gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon, C‑212/06, EU:C:2008:178, point 33).

462

Toutefois, cette jurisprudence ne trouve pas à s’appliquer aux actes ou aux omissions par lesquels une ou plusieurs institutions de l’Union contribuent à un tel traitement ou exigent son maintien ou sa mise en œuvre continue. Or, en l’espèce, il s’agit précisément de déterminer si les institutions défenderesses pouvaient prêter leur soutien à l’adoption et à la mise en œuvre d’un protocole d’accord conditionnant l’octroi de la FAF à un traitement inégalitaire ou exiger son maintien ou sa mise en œuvre continue.

463

Dès lors, à supposer même que des allégations de discrimination entre les déposants de banques chypriotes et les titulaires de dépôts constitués auprès des succursales grecques de ces mêmes banques puissent être considérées comme visant une situation dont l’ensemble des éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, ne peut qu’être écarté l’argument de la BCE selon lequel toute discrimination subie par les requérants devrait être considérée comme une « discrimination à rebours », qui ne serait pas interdite par le droit de l’Union.

464

D’autre part, la BCE relève que la vente des succursales grecques s’est opérée au prix du marché et a, par conséquent, maintenu les fonds propres des banques concernées. Partant, cette vente n’aurait causé aucun désavantage supplémentaire aux requérants.

465

À cet égard, il convient de rappeler que, pour qu’il puisse être reproché à une institution de l’Union d’avoir violé le principe d’égalité de traitement, il faut que le traitement en cause ait entraîné un désavantage pour certaines personnes eu égard à d’autres. Toutefois, l’existence d’un tel désavantage ne saurait être niée au seul motif que la différence de traitement en cause n’a pas entraîné de conséquences économiques défavorables, le désavantage à prendre en considération au regard du principe d’égalité de traitement pouvant également être de nature à influer sur la situation juridique de la personne concernée par ladite différence de traitement (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, points 39 et 44). Or, l’argumentation de la BCE porte exclusivement sur l’absence de perte patrimoniale supplémentaire qu’auraient subie les requérants du fait de la vente des succursales grecques. Dès lors, à la supposer avérée, cette circonstance ne saurait, à elle seule, suffire à démontrer l’absence de discrimination interdite par le droit de l’Union. Tout au plus ladite circonstance pourrait-elle, comme semble au demeurant le considérer la BCE, être pertinente aux fins d’apprécier la proportionnalité d’une éventuelle différence de traitement à l’objectif poursuivi. Dans un premier temps, néanmoins, la question pertinente demeure celle de savoir si les requérants titulaires de dépôts constitués auprès des banques visées à Chypre étaient dans une situation semblable à celle des titulaires de dépôts constitués auprès des succursales grecques, ce qui est le cas en l’espèce (voir point 458 ci-dessus).

466

Conformément à la jurisprudence visée au point 441 ci-dessus, il y a donc lieu d’examiner s’il existe, en l’espèce, une justification objective à la différence de traitement dont les requérants titulaires de dépôts constitués auprès des banques visées à Chypre ont fait l’objet eu égard aux titulaires de dépôts constitués auprès des succursales grecques.

467

Ainsi qu’il a été indiqué aux points 335 à 337 ci-dessus, cette différence de traitement répondait, notamment, au besoin de prévenir tout effet de contagion du système bancaire chypriote au système financier grec. En effet, comme les requérants en sont convenus en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, il ressort d’un rapport interne de la BCE annexé à la réplique qu’une décote des dépôts constitués auprès des succursales grecques aurait risqué de déclencher un retrait généralisé des dépôts en Grèce, ce qui, par ricochet, aurait pu aggraver la faible capacité de financement des banques grecques, appelant ainsi potentiellement une augmentation de l’ELA octroyé à celles-ci à un niveau excédant potentiellement la capacité réelle des banques centrales de l’Eurosystème.

468

Les requérants rétorquent qu’une telle argumentation ne saurait justifier une discrimination indirectement fondée sur la nationalité telle que celle dont ils ont fait l’objet.

469

À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une différence de traitement est justifiée dès lors qu’elle est, d’une part, fondée sur un critère objectif et raisonnable, c’est-à-dire lorsqu’elle est en rapport avec un but légalement admissible poursuivi par la législation en cause, et, d’autre part, proportionnée au but poursuivi par le traitement concerné (arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine, C‑127/07, EU:C:2008:728, point 47).

470

S’agissant, en premier lieu, de la question de savoir si la différence de traitement entre les requérants titulaires de dépôts constitués auprès des banques visées à Chypre et les titulaires de dépôts constitués auprès des succursales grecques était fondée sur un critère objectif et raisonnable, il y a lieu de relever que, pour les motifs exposés aux points 255 et 256 ci-dessus et au regard de la jurisprudence de la Cour EDH (Cour EDH, 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce, CE :ECHR :2016 :0721JUD 006306614, points 103 et 138), le but consistant à prévenir une déstabilisation générale du système financier grec via une contagion par le système bancaire chypriote doit être considéré comme étant objectif et raisonnable.

471

S’agissant, en second lieu, de la proportionnalité de la différence de traitement entre les requérants titulaires de dépôts constitués auprès des banques visées à Chypre et les titulaires de dépôts constitués auprès des succursales grecques, il importe de rappeler qu’une différence de traitement est proportionnée lorsqu’elle est apte à réaliser les objectifs légitimes poursuivis et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, C‑380/09 P, EU:C:2012:137, point 52 et jurisprudence citée).

472

Or, pour des motifs analogues à ceux exposés aux points 341 à 358 ci-dessus, il convient de retenir que cette différence de traitement est apte à réaliser les objectifs poursuivis et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour ce faire.

473

Par conséquent, la circonstance que la FAF, d’une part, a été subordonnée à l’adoption, par les autorités chypriotes, d’une mesure ordonnant une décote des dépôts dans les banques visées constitués à Chypre et, d’autre part, n’a pas été subordonnée à une condition similaire en ce qui concerne les dépôts constitués en Grèce était objectivement justifiée et ne constitue donc pas une violation du principe d’égalité de traitement.

474

Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument des requérants selon lequel l’Eurogroupe avait précédemment encouragé le PSI en dépit de l’effet de contagion que celui-ci était susceptible d’avoir sur les banques chypriotes.

475

Cet argument revient, en substance, à considérer que la stabilité du système financier chypriote n’a pas été prise en compte lors de l’adoption de certaines mesures destinées à résoudre les difficultés financières de la République hellénique et que, réciproquement, sauf à commettre une « très grande incohérence » incompatible avec le principe de proportionnalité, la stabilité du système financier grec n’aurait pas dû être prise en compte lors de l’adoption ultérieure des mesures visant à résoudre les difficultés financières de la République de Chypre.

476

Il y a, cependant, lieu de relever que les motifs pour lesquels l’Eurogroupe ou les institutions de l’Union ont pu favoriser le PSI ne peuvent pas être appréciés sans prendre en considération les circonstances particulières dans lesquelles le PSI a été conclu. En effet, comme il a été souligné aux points 311 et 433 ci-dessus, les mesures auxquelles peut être subordonné l’octroi d’une assistance financière fournie par le MES (ou par d’autres organisations internationales, organes et institutions de l’Union ou États) aux fins de résoudre les difficultés financières rencontrées par un État dans la nécessité de recapitaliser son système bancaire sont susceptibles de varier fondamentalement d’un cas à l’autre en fonction de l’expérience acquise et d’un ensemble de circonstances particulières.

477

Or, les requérants n’ont à aucun moment démontré que, au vu des circonstances pertinentes et de l’expérience acquise, la circonstance que l’Eurogroupe avait précédemment encouragé le PSI en dépit de l’effet de contagion que celui-ci était susceptible d’avoir sur les banques chypriotes justifiait que le risque de contagion au système bancaire grec ne soit, en l’espèce, pas pris en compte.

478

Par conséquent, il y a lieu de considérer que les requérants sont restés en défaut de démontrer l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement du fait du traitement différencié de leurs dépôts et de ceux constitués auprès des succursales grecques.

c)   Sur l’existence d’une éventuelle violation du principe d’égalité de traitement fondée sur une discrimination eu égard aux déposants des banques visées dont les dépôts n’excédaient pas 100000 euros

479

Les requérants font valoir que ceux d’entre eux dont les dépôts auprès des banques visées excédaient 100000 euros ont fait l’objet d’une discrimination eu égard aux déposants de ces banques dont les dépôts n’excédaient pas ce montant. En effet, les dépôts d’un montant inférieur ou égal à 100000 euros auraient été intégralement couverts par le système de garantie des dépôts chypriote, tandis que les dépôts d’un montant supérieur ne l’auraient été qu’à concurrence de 100000 euros. La circonstance que la directive 94/19, telle que modifiée par les directives 2005/1 et 2009/14, imposait aux États membres d’instaurer un système permettant de couvrir l’ensemble des dépôts d’un même déposant à hauteur de 100000 euros ne justifierait pas d’empêcher les titulaires des dépôts non assurés d’obtenir une compensation en cas de liquidation, ni n’expliquerait pourquoi un déposant qui détient des dépôts d’un montant de 100000 euros ne subirait aucune décote, tandis qu’un déposant qui détient des dépôts d’un montant de 1000000 euros subirait une décote de 90 %.

480

Le Conseil et la BCE contestent l’argumentation des requérants.

481

À cet égard, il y a lieu de constater que la discrimination dont se plaignent les requérants concerne, en réalité, deux volets distincts des mesures dommageables.

482

Premièrement, il s’agit de la mesure visée au point 5 du décret no 104, qui prévoit, conformément au point 1.26 du protocole d’accord du 26 avril 2013, que sont transférées à la BoC les dettes de la Laïki à l’égard de chacun de ses déposants dans la limite de 100000 euros, les montants supérieurs à 100000 euros étant maintenus auprès de la Laïki, en attendant la liquidation de celle-ci (voir point 35 ci-dessus). Force est de constater que cette mesure s’applique indistinctement à l’ensemble des déposants de la Laïki. Contrairement à ce que soutiennent, en substance, les requérants, elle n’établit donc aucune différence de traitement entre ces déposants en fonction du montant des dépôts qu’ils ont confié à cette banque.

483

La seule circonstance que le transfert à la BoC des dépôts confiés à la Laïki est assorti d’un plafond uniforme de 100000 euros par déposant et est, par suite, susceptible d’avoir des répercussions différentes sur ces déposants en fonction du montant de leurs dépôts ne saurait remettre en cause cette conclusion. Toute différence de cette nature résulte, en effet, de l’application du plafond de garantie de 100000 euros prévu par l’article 7, paragraphe 1 bis, de la directive 94/19, telle que modifiée par les directives 2005/1 et 2009/14, et dont les requérants n’ont pas invoqué l’illégalité. Or, il s’agit là d’un critère à la fois objectif et adapté aux besoins du fonctionnement du système bancaire de l’Union (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 19 septembre 2013, Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou, C‑373/11, EU:C:2013:567, point 34 et jurisprudence citée, et du 30 septembre 2009, Arkema/Commission, T‑168/05, non publié, EU:T:2009:367, point 115). En effet, le considérant 16 de la directive 94/19, telle que modifiée par les directives 2005/1 et 2009/14, énonce que le seuil de garantie susmentionné vise, d’une part, à ne pas laisser sans protection une proportion trop importante des dépôts, dans l’intérêt tant de la protection des consommateurs que de la stabilité du système financier, et, d’autre part, à tenir compte du coût du financement des systèmes de garantie et à ne pas imposer dans toute l’Union un niveau de protection qui, dans certains cas, pourrait avoir pour effet d’inciter à une mauvaise gestion des établissements de crédit.

484

Deuxièmement, il s’agit des mesures de conversion d’actions de la BoC, prévues par le décret no 103, tel que modifié, et dont la substance est reprise aux points 1.26 et 1.27 du protocole d’accord du 26 avril 2013. Cette mesure prévoit que la décote des dépôts non assurés de la BoC s’applique aux seuls déposants de celle-ci dont les dépôts excèdent 100000 euros. Il en résulte donc, comme le soulignent à juste titre les requérants, une différence de traitement entre les déposants de la BoC selon que le montant des dépôts qu’ils ont confiés à cette dernière excède ou non 100000 euros.

485

Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette différence de traitement n’est aucunement constitutive d’une inégalité de traitement proscrite par le droit de l’Union. Ainsi que le relèvent avec pertinence le Conseil et la BCE, les déposants dont les dépôts auprès des banques visées excèdent 100000 euros se trouvent dans une situation juridiquement distincte de celle des déposants dont les dépôts auprès des banques visées n’excèdent pas ce montant. En effet, conformément à l’article 7, paragraphe 1 bis, de la directive 94/19, telle que modifiée par les directives 2005/1 et 2009/14, les dépôts des seconds étaient, en cas d’indisponibilité des dépôts, intégralement couverts par le système chypriote de garantie des dépôts, tandis que ceux des premiers ne l’étaient qu’à concurrence d’un montant de 100000 euros.

486

Compte tenu de ce qui précède, aucune discrimination illicite à l’encontre des requérants dont les dépôts auprès des banques visées excédaient 100000 euros ne peut être constatée en l’espèce.

d)   Sur l’existence d’une éventuelle violation du principe d’égalité de traitement fondée sur une discrimination eu égard aux déposants et aux actionnaires des banques des autres EMME ayant bénéficié d’une assistance financière avant la République de Chypre

487

Les requérants estiment avoir été discriminés au regard des déposants et des actionnaires des banques établies dans les EMME ayant bénéficié d’une assistance financière semblable à la FAF avant la République de Chypre. Premièrement, les requérants relèvent que le montant de cette assistance aurait à chaque fois été supérieur à celui de la FAF octroyée à la République de Chypre, mais que les dépôts et les actions des banques de ces États membres n’auraient pas été affectés. Deuxièmement, les requérants avancent que les banques grecques auraient bénéficié d’une aide de 50 milliards d’euros pour compenser l’effet du PSI, alors que celui-ci aurait plus sérieusement affecté les banques visées que les banques grecques.

488

Les requérants en déduisent qu’ils ont été indirectement discriminés en raison de leur nationalité, en violation de l’article 18 TFUE et de l’article 21 de la Charte. Quant à la République de Chypre, elle aurait été discriminée eu égard aux autres EMME ayant bénéficié d’une aide semblable à la FAF.

489

Le Conseil et la BCE contestent l’argumentation des requérants.

490

À cet égard, il importe de rappeler que les mesures dont peut être assortie une assistance financière fournie par le MES pour résoudre les difficultés financières rencontrées par un État faisant face à des besoins de recapitalisation de son système bancaire sont susceptibles de varier fondamentalement d’un cas à l’autre en fonction d’un ensemble de facteurs autres que l’importance de l’aide au regard de la taille de l’économie de cet État. Parmi ces facteurs peuvent notamment figurer, comme il a été indiqué au point 311 ci-dessus, la situation économique de l’État bénéficiaire, les perspectives de retour des banques concernées à la viabilité économique, les raisons ayant conduit aux difficultés rencontrées par celles-ci, y compris, le cas échéant, la taille excessive du secteur bancaire de l’État bénéficiaire par rapport à son économie nationale, l’évolution de la conjoncture économique internationale ou une probabilité élevée d’interventions futures du MES (ou d’autres organisations internationales, organes et institutions de l’Union ou États) au soutien d’autres États en difficulté pouvant exiger une limitation préventive des montants consacrés à chaque intervention.

491

Or, en l’espèce, les requérants, à qui il incombait, conformément à la jurisprudence citée au point 442 ci-dessus, d’identifier avec précision les situations comparables ayant fait l’objet d’un traitement différencié, n’ont, au-delà de plusieurs références à l’importance (absolue et relative) de l’assistance financière octroyée à quatre EMME concernés, nullement expliqué en quoi la situation de ceux-ci était, à l’époque des faits, comparable à celle de la République de Chypre (voir points 311 et 312 ci-dessus).

492

Au regard de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les requérants sont restés en défaut d’établir qu’ils se trouvaient dans une situation comparable à celle des déposants et des actionnaires des banques établies dans les EMME ayant bénéficié d’aides semblables à la FAF avant la République de Chypre.

493

Il n’est donc pas possible de considérer que la circonstance que l’octroi de la FAF a été subordonné à l’adoption de mesures visant à la réduction de la taille du secteur financier chypriote, alors que l’octroi d’une assistance financière à d’autres EMME n’avait pas été conditionné à l’adoption de mesures analogues, est constitutive d’une violation du principe d’égalité de traitement à l’égard des requérants ou, à supposer qu’ils puissent invoquer une violation dudit principe à l’égard d’un tiers, de la République de Chypre.

e)   Sur l’existence d’une éventuelle discrimination eu égard aux sociétaires du secteur bancaire coopératif chypriote

494

Il est constant entre les parties que, d’une part, la République de Chypre a recapitalisé, à hauteur de 1,5 milliards d’euros, l’organisme central chypriote Co-operative Central Bank (ci-après la « CCB ») et les établissements de crédit coopératifs qui lui étaient affiliés (ci-après, avec la CCB, le « secteur bancaire coopératif »), et, d’autre part, l’octroi de la FAF n’a pas été subordonné à la condition qu’elle ne soit pas utilisée à cette fin. À ce dernier égard, les parties s’accordent à dire que les 1,5 milliards d’euros alloués à la recapitalisation du secteur bancaire coopératif chypriote provenaient de la FAF.

495

À l’inverse, il est constant entre les parties que l’octroi de la FAF a été subordonné à la condition que cette dernière ne soit pas utilisée aux fins de recapitaliser les banques visées. Les requérants estiment, dès lors, avoir fait l’objet d’une discrimination illicite au regard des sociétaires du secteur bancaire coopératif.

496

Les défendeurs ne contestent pas que les sociétaires du secteur bancaire coopératif, qui n’ont pas fait l’objet d’un renflouement interne, ont reçu un traitement plus favorable que les requérants. Les défendeurs font, toutefois, valoir qu’une telle différence de traitement n’était en aucune manière constitutive d’une discrimination illicite.

497

Dès lors, conformément à la jurisprudence visée au point 441 ci-dessus, il convient d’examiner si ces deux catégories de personnes se trouvaient dans une situation comparable et, le cas échéant, si la différence de traitement dont elles ont fait l’objet était objectivement justifiée.

498

En réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, d’une part, les requérants ont indiqué que le secteur bancaire coopératif et les banques visées étaient dans une situation comparable. Selon eux, en effet, le secteur bancaire coopératif et les banques visées opéraient sur le même marché et se trouvaient dans une relation de concurrence les unes envers les autres. D’autre part, les requérants font valoir que la situation des sociétaires du secteur bancaire coopératif était en tous points comparable à celle des déposants des banques visées. En effet, selon les requérants, ni les uns ni les autres ne pouvaient être tenus pour responsables des circonstances ayant conduit la République de Chypre à solliciter une assistance financière.

499

Le Conseil et la BCE considèrent, en revanche, que les sociétaires du secteur bancaire coopératif se trouvaient dans une situation différente de celle des requérants. Les différences dont se prévalent la BCE et le Conseil sont, en substance, au nombre de deux. Elles tiennent, premièrement, à l’importance respective des banques visées et du secteur bancaire coopératif du point de vue de la stabilité financière et, deuxièmement, à la gravité et à la nature des difficultés auxquelles faisaient face ces deux catégories d’établissement de crédit.

500

En premier lieu, s’agissant de l’importance respective, du point de vue de la stabilité financière, des banques visées et du secteur bancaire coopératif, la BCE souligne que ce dernier jouait un rôle majeur sur le marché chypriote des dépôts et du crédit et que son renflouement interne aurait eu des conséquences négatives plus prononcées que celui des banques visées sur l’activité économique nationale et, par suite, sur la situation budgétaire de la République de Chypre.

501

À cet égard, il convient de rappeler qu’il incombe en principe à la personne qui allègue des faits au soutien d’une demande d’apporter la preuve de leur réalité [ordonnance du 25 janvier 2008, Provincia di Ascoli Piceno et Comune di Monte Urano/Apache Footwear e.a., C‑464/07 P(I), non publiée, EU:C:2008:49, point 9 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 113]. Or, en l’espèce, la BCE n’invoque pas le moindre élément de preuve au soutien de ses allégations relatives au rôle économique du secteur bancaire coopératif, ni n’établit que le renflouement interne de celui-ci aurait eu des conséquences plus néfastes que celui des banques visées sur la situation budgétaire de la République de Chypre. Interrogée à cet égard lors de l’audience, la BCE n’a pas apporté davantage de précisions.

502

Dès lors, il y a lieu d’écarter l’argument de la BCE relatif à l’importance respective des banques visées et du secteur bancaire coopératif du point de vue de la stabilité financière.

503

En second lieu, s’agissant des difficultés face auxquelles se trouvaient les établissements de crédit en question, le Conseil et la BCE soutiennent que les banques visées étaient dans une situation économique plus grave que le secteur bancaire coopératif. En particulier, comme il ressort des écritures de la BCE devant le Tribunal, que les requérants ne contestent pas à cet égard, le secteur bancaire coopératif n’était pas, contrairement aux banques visées, insolvable à l’époque des faits. En effet, il est constant entre les parties que les banques visées étaient insolvables au moment de l’adoption des mesures dommageables. À l’inverse, il ressort de la section 3.1 des divulgations effectuées par la CCB en mai 2013 au titre du troisième pilier du dispositif de Bâle et des réponses de la BCE lors de l’audience que, au 31 décembre 2012, les ratios de solvabilité consolidés de cet organisme central et des 92 établissements de crédit coopératifs qui lui étaient affiliés satisfaisaient aux exigences réglementaires applicables. Le point 20 du rapport du FMI de mai 2013 corrobore cette conclusion, en ce qu’il relève que le secteur coopératif chypriote avait été considéré comme étant globalement solvable.

504

Il résulte de tout ce qui précède que la différence vérifiable majeure entre les requérants et les sociétaires du secteur bancaire coopératif réside dans le caractère solvable ou non des banques concernées. En effet, pour le reste, il s’agit, dans les deux cas, de déposants ou d’investisseurs auprès d’une banque chypriote ayant besoin d’être recapitalisée pour continuer ses activités et nécessitant à cette fin soit des ressources publiques, soit un renflouement interne.

505

Les requérants ne contestent pas, en tant que tel, que la solvabilité puisse constituer un critère pertinent aux fins de fonder une différence de traitement entre plusieurs banques. Lors de l’audience, ils ont, néanmoins, soutenu que les différences qu’invoquent les défendeurs à cette fin, dont celle relative à la solvabilité des banques en cause, relevaient de la « rationalisation ex post d’une injustice ». Les défendeurs n’auraient, en effet, invoqué ces différences que « des années plus tard » pour expliquer pourquoi les déposants et les actionnaires des banques visées avaient été ciblés.

506

Force est, toutefois, de constater que les pièces du dossier n’étayent pas l’argumentation des requérants. En effet, il ressort du point 11 du rapport de mai 2013 du FMI que la nécessité de différencier les banques solvables des banques insolvables comptait parmi les raisons pour lesquelles le renflouement interne des banques visées a été privilégié à un prélèvement exceptionnel sur les dépôts, assurés et non assurés, confiés à l’ensemble des banques chypriotes. Il y a donc lieu de considérer que, à l’époque des faits, un traitement différencié des banques chypriotes selon qu’elles étaient solvables ou non a été considéré comme étant souhaitable.

507

Par conséquent, la situation des sociétaires du secteur bancaire coopératif n’étant pas comparable à celle des requérants, aucune discrimination illicite à l’encontre de ces derniers ne peut être constatée en l’espèce.

508

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les requérants ne sont pas parvenus à démontrer l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement à leur égard. Il ne saurait donc être considéré que le Conseil a, en adoptant la décision 2013/236, exigé le maintien ou la mise en œuvre continue d’une mesure entachée d’une violation du principe d’égalité de traitement, ni que la Commission et la BCE ont, en prêtant leur soutien aux mesures dommageables, contribué à une violation de ce principe.

509

Il s’ensuit que la première condition de mise en cause de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’est pas satisfaite en l’espèce, de sorte que les demandes d’indemnité formulées par les requérants doivent être rejetées.

IV. Sur les dépens

510

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

511

Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission, du Conseil et de la BCE.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Dr. K. Chrysostomides & Co. LLC et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe sont condamnés à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne, par la Commission européenne et par la Banque centrale européenne (BCE).

 

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Calvo-Sotelo Ibáñez-Martín

Reine

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juillet 2018.

Signatures

Table des matières

 

I. Antécédents du litige

 

A. Traité MES

 

B. Difficultés financières de la République de Chypre et demande d’assistance financière

 

C. Mesures de restructuration bancaire adoptées par la République de Chypre

 

D. Octroi d’une assistance financière à la République de Chypre

 

II. Procédure et conclusions des parties

 

III. En droit

 

A. Sur la compétence du Tribunal

 

1. Sur l’imputabilité aux défendeurs des mesures dommageables

 

a) Sur la question de savoir si les défendeurs ont, au moyen des actes litigieux, exigé l’adoption des mesures dommageables

 

1) Déclaration de l’Eurogroupe du 25 mars 2013

 

2) « Accord de l’Eurogroupe du 25 mars 2013 »

 

3) « Décision du conseil des gouverneurs de la BCE du 21 mars 2013 tendant au remboursement de l’ELA pour le 26 mars [2013] à moins qu’un accord n’intervienne sur un paquet de sauvetage »

 

4) « [Décisions] de continuer à octroyer l’ELA » prétendument adoptées par la BCE

 

5) Actes postérieurs

 

b) Sur la question de savoir si la République de Chypre avait une marge d’appréciation pour s’affranchir de l’exigence de maintien ou de mise en œuvre continue de la mesure consistant en la conversion en actions de dépôts de la BoC

 

c) Conclusion sur l’imputabilité aux défendeurs de l’adoption, du maintien ou de la mise en œuvre continue des mesures dommageables

 

2. Sur l’engagement de la responsabilité de l’Union du fait de certains actes et comportements des défendeurs

 

3. Conclusion sur la compétence du Tribunal

 

B. Sur la recevabilité

 

1. Sur le respect des exigences de formes

 

2. Sur le prétendu défaut d’épuisement des voies de recours internes

 

C. Conclusion sur la compétence du Tribunal et sur la recevabilité du recours

 

D. Sur le fond

 

1. Sur l’existence d’une éventuelle violation du droit de propriété

 

a) Sur la première série de mesures dommageables

 

1) Sur la nature de l’examen effectué par la Cour dans l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P)

 

2) Sur les éléments de preuve présentés par les parties requérantes dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P)

 

3) Sur le respect des exigences selon lesquelles toute restriction du droit de propriété doit être prévue par la loi et proportionnée au but poursuivi

 

i) Sur l’exigence selon laquelle toute restriction du droit de propriété doit être prévue par la loi

 

ii) Sur l’exigence selon laquelle toute restriction du droit de propriété doit être proportionnée à l’objectif poursuivi

 

– Sur l’aptitude de la première série de mesures dommageables à contribuer à la réalisation de l’objectif poursuivi

 

– Sur la proportionnalité et la nécessité de la première série de mesures dommageables

 

– Sur les inconvénients causés par la première série de mesures dommageables

 

b) Sur la seconde série de mesures dommageables

 

1) Sur la réduction de la valeur nominale des actions ordinaires de la BoC

 

2) Sur la vente des succursales grecques

 

c) Sur la violation alléguée de l’article 14.4 des statuts de la BCE, du droit à une bonne administration et des exigences de cohérence et d’équité

 

2. Sur l’existence d’une éventuelle violation du principe de protection de la confiance légitime

 

a) Sur l’existence d’une confiance légitime tirée de la lettre du 11 février 2013

 

b) Sur l’existence d’une confiance légitime tirée de l’« engagement du 21 janvier 2013 de l’Eurogroupe quant à la possibilité d’offrir la FAF sur la base d’un accord politique, convenu en novembre 2012 »

 

c) Sur l’existence d’une confiance légitime tirée du traitement réservé aux EMME ayant bénéficié d’une assistance financière avant la République de Chypre

 

d) Sur l’existence d’une confiance légitime tirée du fait que la BCE a décidé d’autoriser l’ELA pendant une période prolongée

 

3. Sur l’existence d’une éventuelle violation du principe d’égalité de traitement

 

a) Sur l’existence d’une éventuelle discrimination eu égard aux créanciers de la Laïki dont les réclamations trouvent leur origine dans l’ELA

 

b) Sur l’existence d’une éventuelle discrimination eu égard aux titulaires de dépôts constitués auprès des succursales grecques

 

c) Sur l’existence d’une éventuelle violation du principe d’égalité de traitement fondée sur une discrimination eu égard aux déposants des banques visées dont les dépôts n’excédaient pas 100000 euros

 

d) Sur l’existence d’une éventuelle violation du principe d’égalité de traitement fondée sur une discrimination eu égard aux déposants et aux actionnaires des banques des autres EMME ayant bénéficié d’une assistance financière avant la République de Chypre

 

e) Sur l’existence d’une éventuelle discrimination eu égard aux sociétaires du secteur bancaire coopératif chypriote

 

IV. Sur les dépens


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

( 1 ) La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.

Top