Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62020CO0503(01)

Определение на Съда (шести състав) от 25 март 2021 г.
Banco Santander, SA срещу YC.
Преюдициално запитване, отправено от Audiencia Provincial de Las Palmas de Gran Canaria.
Преюдициално запитване — Член 53, параграф 2 и член 99 от Процедурния правилник на Съда — Защита на потребителите — Потребителски кредит — Директиви 87/102/ЕИО и 2008/48/ЕО — Приложно поле — Национална правна уредба за борба с лихварството — Свободно предоставяне на услуги.
Дело C-503/20.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:254

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

25 mars 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 99 du règlement de procédure de la Cour – Protection des consommateurs – Crédit à la consommation – Directives 87/102/CEE et 2008/48/CE – Champ d’application – Réglementation nationale visant la lutte contre l’usure – Libre prestation des services »

Dans l’affaire C‑503/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Audiencia Provincial de Las Palmas de Gran Canaria (cour provinciale de Las Palmas de Grande Canarie, Espagne), par décision du 14 septembre 2020, parvenue à la Cour le 6 octobre 2020, dans la procédure

Banco Santander SA

contre

YC,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, Mme C. Toader (rapporteure) et M. M. Safjan, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée conformément à l’article 53, paragraphe 2, et à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 56 TFUE, de la directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (JO 1987, L 42, p. 48), telle que modifiée par la directive 90/88/CEE du Conseil, du 22 février 1990 (JO 1990, L 61, p. 14) (ci-après la « directive 87/102 »), et de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO 2008, L 133, p. 66).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Banco Santander SA à YC au sujet de l’annulation d’un contrat de carte de crédit en raison du caractère usuraire du taux annuel effectif global (TAEG).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 87/102

3        Le vingt-cinquième considérant de la directive 87/102 énonce :

« considérant que si la présente directive prévoit un certain rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives au crédit à la consommation ainsi qu’un certain niveau de protection du consommateur, elle ne doit pas empêcher les États membres de maintenir ou d’adopter des mesures plus strictes pour la protection des consommateurs dans le respect des obligations qui leur incombent au titre du traité ».

4        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, sous d) et e), de cette directive :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

d)      “coût total du crédit au consommateur” : tous les coûts, y compris les intérêts et les autres frais, que le consommateur est tenu de payer pour le crédit ;

e)      “[TAEG]” : le coût total du crédit au consommateur exprimé en pourcentage annuel du montant du crédit consenti, et calculé conformément à l’article 1er bis. »

5        L’article 15 de ladite directive prévoit :

« La présente directive n’empêche pas les États membres de maintenir ou d’adopter des dispositions plus strictes pour la protection des consommateurs, compte tenu des obligations qui leur incombent au titre du traité. »

 La directive 2008/48

6        L’article 11 de la directive 2008/48, intitulé « Information sur le taux débiteur », dispose, à son paragraphe 1 :

« Le cas échéant, le consommateur est informé d’une modification du taux débiteur, sur un support papier ou sur un autre support durable, avant que la modification n’entre en vigueur. Cette information indique le montant des paiements à effectuer après l’entrée en vigueur du nouveau taux débiteur et précise si le nombre ou la périodicité des paiements change. »

7        Aux termes de l’article 22, paragraphe 1, de cette directive :

« Dans la mesure où la présente directive contient des dispositions harmonisées, les États membres ne peuvent maintenir ou introduire dans leur droit national d’autres dispositions que celles établies par la présente directive. »

8        L’article 30 de ladite directive, intitulé « Mesures transitoires », est libellé comme suit :

« 1.      La présente directive ne s’applique pas aux contrats de crédit en cours à la date d’entrée en vigueur des mesures nationales de transposition.

2.      Toutefois, les États membres veillent à ce que les articles 11, 12, 13 et 17, ainsi que l’article 18, paragraphe 1, deuxième phrase, et paragraphe 2, s’appliquent également aux contrats de crédit à durée indéterminée en cours à la date d’entrée en vigueur des mesures nationales de transposition. »

 Le droit espagnol 

9        La réglementation espagnole qui régit l’usure est la Ley sobre nulidad de los contratos de préstamos usurarios (loi portant sur la nullité des contrats de prêt usuraires) du 23 juillet 1908.

10      Aux termes de l’article 1er de cette loi :

« Tout contrat de prêt dans lequel le taux d’intérêt est sensiblement supérieur au taux d’intérêt normal de l’argent et manifestement disproportionné eu égard aux circonstances de l’affaire ou dont les conditions sont léonines est nul et non avenu, lorsqu’il existe des raisons de considérer que l’emprunteur y a consenti en raison de sa situation angoissante, de son inexpérience ou d’une limitation de ses facultés mentales. »

11      L’article 5 de ladite loi prévoit :

« Tout prêteur dont trois contrats de prêt ou plus sont annulés conformément aux dispositions de la présente loi, après la promulgation de celle-ci, se voit infliger, à titre de sanction disciplinaire, une amende de 500 à 5 000 pesetas espagnoles [(ESP) (environ 3 à 30 euros)], en fonction de la gravité de l’abus et du degré de récidive du prêteur. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12      Au cours de l’année 2004, YC, un consommateur, a conclu avec Banco Santander un contrat portant sur la fourniture d’une carte de crédit, dont le plafond était de 3 000 euros et le TAEG de 26,82 %.

13      YC a introduit un recours auprès du Juzgado de Primera Instancia no 2 de Las Palmas de Gran Canaria (tribunal de première instance no 2 de Las Palmas de Grande Canarie, Espagne) tendant à ce que ce contrat de prêt soit déclaré nul et non avenu, en raison du caractère usuraire du taux d’intérêt, avec la conséquence que les montants payés à ce titre lui soient restitués. À titre subsidiaire, YC a fondé sa demande en nullité sur le non-respect de l’obligation d’information et de transparence incombant au professionnel.

14      Par sa décision, ladite juridiction a prononcé la nullité dudit contrat de prêt en raison du caractère usuraire du taux d’intérêt, en vertu de la réglementation et de la jurisprudence espagnoles sur l’usure. Il ressort de la demande de décision préjudicielle que, selon la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), les TAEG des contrats de prêt à la consommation supérieurs au double du taux d’intérêt moyen espagnol sont considérés comme étant usuraires et, partant, de tels contrats sont entachés de nullité. En outre, lorsque le taux d’intérêt moyen prévu par une catégorie de contrats de prêt est déjà très élevé, le taux d’intérêt prévu par un contrat relevant de cette catégorie peut être considéré comme étant usuraire s’il est supérieur à la moyenne.

15      Banco Santander a interjeté appel de la décision de première instance devant l’Audiencia Provincial de Las Palmas de Gran Canaria (cour provinciale de Las Palmas de Grande Canarie, Espagne), en invoquant une application incorrecte de cette jurisprudence. La juridiction de renvoi relève que, en application de cette dernière, elle devrait confirmer la décision rendue en première instance, car le TAEG du crédit en cause était supérieur au double du TAEG moyen espagnol.

16      La juridiction de renvoi fait état de ce que les parties au litige pendant devant elle n’allèguent pas une incompatibilité entre, d’une part, la réglementation et la jurisprudence nationales et, d’autre part, le droit de l’Union. À cet égard, YC affirmerait même que tout prêteur peut poursuivre ses activités de crédit en Espagne, pourvu qu’il respecte la limitation de prix établie.

17      Néanmoins, la juridiction de renvoi estime qu’elle doit également examiner si l’imposition, dans un État membre, de taux d’intérêt maximaux, est compatible avec un marché unique et harmonisé, étant donné que, au niveau européen, il n’existe pas de plafond légal des taux d’intérêt. Elle relève que l’application de la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême) supposerait que tous les crédits octroyés avec un taux d’intérêt supérieur à celui fixé sont usuraires.

18      Or, selon elle, cette situation pourrait créer des distorsions du marché européen du crédit, entre les prêteurs nationaux et européens, qui peuvent opérer et concourir au sein du marché unique, et qui devraient respecter ces taux d’intérêt maximaux pour les prêts consentis en Espagne. En outre, les limitations des taux d’intérêt en cause pourraient éventuellement restreindre l’accès des consommateurs résidents en Espagne aux prêts offerts par des opérateurs établis dans d’autres États membres. Dans un tel cas, il conviendrait également de s’interroger sur la question de savoir si les normes de protection des consommateurs justifient qu’un État membre établisse de telles limitations et quels sont les critères pour l’application de celles-ci.

19      Par ailleurs, la juridiction de renvoi considère que le prêt en cause est soumis, compte tenu de la date de conclusion du contrat, à la directive 87/102 en général et à la directive 2008/48 en ce qui concerne l’information sur le taux débiteur, en vertu de l’article 11 de cette dernière directive, lu en combinaison avec l’article 30, paragraphe 2, de celle-ci. Selon cette juridiction, ces directives ont pour double objectif de développer le marché européen unique du crédit, sans frontières intérieures, et d’assurer à tous les consommateurs un niveau élevé et équivalent de protection de leurs intérêts.

20      Or, elle relève que les directives 87/102 et 2008/48 visent à unifier les règles de protection des consommateurs, sans établir de plafonds pour les taux d’intérêt ni harmoniser la matière, et elle estime que cette protection doit être compatible avec le développement d’un marché intérieur efficace du crédit à la consommation. Par conséquent, elle émet des doutes sur la question de savoir si l’absence d’harmonisation en ce qui concerne le montant des taux d’intérêt comme mesure de protection des consommateurs implique que le maintien en vigueur de la législation espagnole sur l’usure soit conforme à ces deux directives et, dans l’affirmative, si le juge national doit vérifier le respect d’une condition supplémentaire, sans spécifier laquelle.

21      Dans ces conditions, l’Audiencia Provincial de Las Palmas de Gran Canaria (cour provinciale de Las Palmas de Grande Canarie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La libre prestation des services sur le marché européen du crédit est-elle compatible avec le plafond du taux d’intérêt fixé par la loi espagnole sur l’usure ? Est-elle compatible avec le recours, aux fins de déterminer la nullité des prêts, aux taux d’intérêt moyens pratiqués par les établissements financiers exclusivement sur le marché espagnol ? S’agit-il d’une disparité nationale susceptible de créer des distorsions de concurrence entre prêteurs au sein de [l’Union européenne], de nuire au fonctionnement du marché intérieur et de réduire les possibilités pour les consommateurs de bénéficier directement du crédit transfrontalier à la consommation ?

2)      La directive 87/102 et la directive 2008/48 sont-elles compatibles avec la législation espagnole qui prévoit la nullité d’un contrat de prêt usuraire, indépendamment du point de savoir s’il remplit toutes les conditions imposées par ces directives, au motif que son taux d’intérêt est élevé, compte tenu uniquement de la moyenne des intérêts appliqués en Espagne ? Cette interprétation doit-elle être comprise comme fixant, pour les taux d’intérêt, des plafonds non prévus par [lesdites directives], comme engendrant une protection inégale des consommateurs d’un État membre à l’autre, dans le domaine du crédit à la consommation, et comme altérant la concurrence entre prêteurs ? Ou bien, au contraire, convient-t-il de comprendre qu’il s’agit d’une disposition plus sévère pour la protection des consommateurs, qui respecte les obligations qui incombent au Royaume d’Espagne en vertu du traité FUE, notamment la libre prestation des services ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la seconde question

22      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut, notamment lorsqu’une réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée ne laisse place à aucun doute raisonnable, décider à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée.

23      Il convient de faire application de cette disposition en ce qui concerne la seconde question, qu’il convient d’examiner en premier lieu.

24      Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les directives 87/102 et 2008/48 doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale qui prévoit une limitation du TAEG pouvant être imposé au consommateur dans le cadre d’un contrat de crédit à la consommation afin de lutter contre l’usure.

25      Il convient de constater qu’il ressort de l’article 15 de la directive 87/102, applicable rationae temporis en raison de la date de conclusion du contrat en cause au principal, que celle-ci n’empêche pas les États membres de maintenir ou d’adopter des dispositions plus strictes pour la protection des consommateurs et qu’elle n’édicte qu’une harmonisation minimale des dispositions nationales relatives au crédit à la consommation (voir, en ce sens, ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C‑76/10, EU:C:2010:685, point 66 et jurisprudence citée).

26      Or, il convient de constater qu’aucune disposition de cette directive ne contient des règles d’harmonisation concernant la question du coût maximal admissible du crédit ou celle du montant du TAEG, de sorte que les États membres demeurent compétents pour fixer un tel coût ou un tel montant (voir, en ce sens, arrêts du 26 mars 2020, Mikrokasa et Revenue Niestandaryzowany Sekurytyzacyjny Fundusz Inwestycyjny Zamknięty, C‑779/18, EU:C:2020:236, points 40 et 48, ainsi que du 16 juillet 2020, Soho Group, C‑686/19, EU:C:2020:582, point 27).

27      Par ailleurs, en ce qui concerne la directive 2008/48, dont certaines dispositions sont également applicables au contrat de crédit en cause au principal en raison de l’article 30, paragraphe 1, de celle-ci, la Cour a déjà jugé que cette directive ne vise pas à harmoniser la répartition des frais dans le cadre d’un contrat de crédit, de sorte que les États membres demeurent compétents pour prévoir des mécanismes de réglementation de ces frais, pour autant que ceux-ci ne soient pas contraires aux règles harmonisées par ladite directive (arrêt du 3 septembre 2020, Profi Credit Polska, C‑84/19, C‑222/19 et C‑252/19, EU:C:2020:631, point 55).

28      Or, en l’occurrence, la réglementation en cause au principal, telle qu’interprétée par la jurisprudence nationale, prévoit que le TAEG d’un contrat de prêt à la consommation supérieur au double du taux d’intérêt moyen espagnol est considéré comme étant usuraire et, partant, un tel contrat est entaché de nullité. En outre, lorsque le taux d’intérêt moyen d’une catégorie de contrats de prêt est déjà très élevé, le taux d’intérêt prévu par un contrat relevant de cette catégorie peut être considéré comme étant usuraire s’il est supérieur à la moyenne.

29      Ainsi, en application de la jurisprudence citée aux points 26 et 27 de la présente ordonnance, il convient de constater que ni la directive 87/102 ni la directive 2008/48 ne contiennent des règles harmonisées concernant le plafond du TAEG, de sorte que les États membres demeurent compétents pour établir des dispositions à cet égard.

30      Toutefois, ce faisant, les États membres doivent s’assurer qu’ils ne contreviennent pas aux domaines harmonisés par ces directives, tels que les obligations en matière d’information (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2020, Profi Credit Polska, C‑84/19, C‑222/19 et C‑252/19, EU:C:2020:631, point 56).

31      À cet égard, il suffit de préciser que la Cour a notamment jugé que la mention du TAEG dans le contrat de crédit revêt une importance essentielle dans le contexte de la directive 87/102, notamment dans la mesure où elle permet au consommateur d’apprécier la portée de son engagement (ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C‑76/10, EU:C:2010:685, points 70 et 71). Ainsi, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que ces exigences sont respectées.

32      Il résulte de ce qui précède qu’il convient de répondre à la seconde question que la directive 87/102 et la directive 2008/48 doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle qu’interprétée par la jurisprudence nationale, qui prévoit une limitation du TAEG pouvant être imposé au consommateur dans le cadre d’un contrat de crédit à la consommation afin de lutter contre l’usure, pour autant que cette réglementation ne contrevient pas aux règles harmonisées par ces directives en ce qui concerne, notamment, les obligations d’information.

 Sur la première question

33      Par sa première question, qu’il convient d’examiner en second lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit une limitation du TAEG pouvant être imposé au consommateur dans le cadre d’un contrat de crédit à la consommation afin de lutter contre l’usure.

34      Conformément à l’article 53, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée. Il convient de faire application de cette disposition en ce qui concerne la première question.

35      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (ordonnance du 15 mai 2019, MC, C‑827/18, non publiée, EU:C:2019:416, point 32 et jurisprudence citée).

36      Or, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. La décision de renvoi doit, en outre, indiquer les raisons précises qui ont conduit le juge national à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser une question préjudicielle à la Cour (ordonnances du 6 novembre 2014, Herrenknecht, C‑366/14, EU:C:2014:2353, point 15, ainsi que du 20 juillet 2016, Stanleybet Malta et Stoppani, C‑141/16, non publiée, EU:C:2016:596, point 7 et jurisprudence citée).

37      Ces exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure et sont également reflétées dans les recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2018, C 257, p. 1). Il ressort du point 15, troisième tiret, de ces recommandations qu’une demande de décision préjudicielle doit contenir « l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, et le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal ».

38      À cet égard, il est important de souligner que les informations contenues dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de fournir des réponses utiles, mais également à donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Il incombe à la Cour de veiller à ce que cette possibilité soit sauvegardée, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux intéressés (ordonnance du 15 mai 2019, MC, C‑827/18, non publiée, EU:C:2019:416, point 35 et jurisprudence citée).

39      En l’occurrence, force est de constater que la première question ne répond pas aux exigences rappelées aux points 36 et 37 de la présente ordonnance. En effet, la juridiction de renvoi n’explique pas de manière suffisamment claire les raisons pour lesquelles l’interprétation de l’article 56 TFUE lui est nécessaire pour juger l’affaire dont elle est saisie.

40      En particulier, il ressort de la demande de décision préjudicielle que le crédit en cause au principal a été octroyé à un résident espagnol par une banque espagnole, sans qu’un élément transfrontalier puisse être identifié.

41      Certes, peuvent être recevables des demandes de décision préjudicielle portant sur l’interprétation des dispositions des traités relatives aux libertés fondamentales bien que tous les éléments des litiges au principal fussent cantonnés à l’intérieur d’un seul État membre, s’il n’est pas exclu que des ressortissants établis dans d’autres États membres aient été ou soient intéressés à faire usage de ces libertés pour exercer des activités sur le territoire de l’État membre ayant édicté la réglementation nationale en cause et, partant, que cette réglementation, indistinctement applicable aux ressortissants nationaux et aux ressortissants d’autres États membres, soit susceptible de produire des effets qui ne sont pas cantonnés à cet État membre (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten, C‑268/15, EU:C:2016:874, point 50). Toutefois, il appartient à la juridiction de renvoi d’indiquer, conformément à ce qu’exige l’article 94 du règlement de procédure, en quoi, en dépit de son caractère purement interne, le litige pendant devant elle présente avec les dispositions du droit de l’Union relatives aux libertés fondamentales un élément de rattachement qui rend l’interprétation préjudicielle sollicitée nécessaire à la solution de ce litige (voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten, C‑268/15, EU:C:2016:874, point 55, et du 3 décembre 2020, BONVER WIN, C‑311/19, EU:C:2020:981, points 23 à 25).

42      En effet, l’existence d’une situation transfrontalière ne peut être présumée au seul motif hypothétique que des citoyens de l’Union provenant d’autres États membres pourraient faire appel aux services offerts dans l’État membre concerné (voir, en ce sens, ordonnance du 11 avril 2019, Hrvatska radiotelevizija, C‑657/18, non publiée, EU:C:2019:304, point 25, ainsi que arrêt du 3 décembre 2020, BONVER WIN, C‑311/19, EU:C:2020:981, points 24 et 25).

43      À cet égard, en l’occurrence, la juridiction de renvoi se limite à indiquer, de manière abstraite, que la réglementation nationale sur l’usure pourrait empêcher l’accès réel des consommateurs espagnols au crédit transfrontalier et restreindre la libre prestation des services, car les prêteurs devraient adapter le prix de leurs prêts à la moyenne espagnole. Au surplus, la juridiction de renvoi relève que la réglementation et la jurisprudence nationales sur l’usure peuvent créer des distorsions de concurrence au sein du marché européen du crédit, sans pour autant expliquer en quoi le litige pendant devant elle présente avec les dispositions du droit de l’Union relatives aux libertés fondamentales un élément de rattachement qui rend l’interprétation préjudicielle sollicitée nécessaire à la solution de ce litige. En effet, la décision de renvoi ne permet pas d’identifier des éléments concrets en mesure d’établir un lien entre l’objet ou les circonstances du litige pendant devant cette juridiction, dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur de l’État membre concerné, et l’article 56 TFUE.

44      Il en résulte que la juridiction de renvoi n’a établi ni les raisons du choix de l’article 56 TFUE ni le lien entre ce dernier et la législation nationale applicable au litige au principal.

45      Dans ces conditions, la Cour n’est pas en mesure de donner une réponse utile à la première question et il convient de constater, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, que cette question est manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

46      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

La directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation, telle que modifiée par la directive 90/88/CEE du Conseil, du 22 février 1990, et la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle qu’interprétée par la jurisprudence nationale, qui prévoit une limitation du taux annuel effectif global pouvant être imposé au consommateur dans le cadre d’un contrat de crédit à la consommation afin de lutter contre l’usure, pour autant que cette réglementation ne contrevient pas aux règles harmonisées par ces directives en ce qui concerne, notamment, les obligations d’information.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.

Top