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Document 62018CO0439

Определение на Съда (седми състав) от 15 октомври 2019 г.
OH и ER срещу Agencia Estatal de la Administración Tributaria (AEAT).
Преюдициални запитвания, отправени от Tribunal Superior de Justicia de Galicia.
Преюдициално запитване — Социална политика — Директива 97/81/ЕО — Рамково споразумение за работа при непълно работно време — Клауза 4 — Работници от мъжки и от женски пол — Принцип на равните възможности и равното третиране на мъжете и жените в областта на заетостта и професиите — Директива 2006/54/ЕО — Член 14, параграф 1 — Работник на непълно работно време от вертикален цикличен тип — Признаване на трудовия стаж — Начин на изчисляване на премиите за всеки три години прослужено време — Изключване на периодите, през които не е полаган труд.
Съединени дела C-439/18 и C-472/18.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:858

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

15 octobre 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 97/81/CE – Accord-cadre sur le travail à temps partiel – Clause 4 – Travailleurs masculins et travailleurs féminins – Principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail – Directive 2006/54/CE – Article 14, paragraphe 1 – Travailleur à temps partiel de type vertical cyclique – Reconnaissance de l’ancienneté – Mode de calcul des primes triennales d’ancienneté – Exclusion des périodes non travaillées »

Dans les affaires jointes C‑439/18 et C‑472/18,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice, Espagne), par décisions du 18 juin 2018 et du 22 juin 2018, parvenues à la Cour respectivement le 2 juillet 2018 et le 19 juillet 2018, dans les procédures

OH (C‑439/18)

ER (C‑472/18)

contre

Agencia Estatal de la Administración Tributaria (AEAT),

LA COUR (septième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, faisant fonction de président de chambre, MM. C. Vajda et A. Kumin (rapporteur), juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement espagnol, par M. L. Aguilera Ruiz, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et J. Rius, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger les affaires jointes sans conclusions,

rend la présente

Ordonnance

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel, conclu le 6 juin 1997 (ci-après l’« accord-cadre »), qui figure à l’annexe de la directive 97/81/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES (JO 1998, L 14, p. 9), ainsi que de l’article 2, paragraphe 1, sous b), et de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO 2006, L 204, p. 23).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant, d’une part, OH et, d’autre part, ER à l’Agencia Estatal de la Administración Tributaria (AEAT) [agence d’État de l’administration fiscale (AEAT), Espagne] au sujet du calcul de leur ancienneté en qualité de travailleuses à temps partiel de type vertical cyclique, et ce afin de pouvoir percevoir une prime triennale d’ancienneté.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 97/81

3        Conformément à son article 1er, la directive 97/81 « vise à mettre en œuvre l’accord-cadre [...] conclu [...] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale [Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe (UNICE), Centre européen des entreprises à participation publique (CEEP) et Confédération européenne des syndicats (CES)] tel qu’il figure à l’annexe ».

 L’accord-cadre

4        Le deuxième alinéa du préambule de l’accord-cadre précise que celui-ci « énonce les principes généraux et prescriptions minimales relatifs au travail à temps partiel. Il illustre la volonté des partenaires sociaux d’établir un cadre général pour l’élimination des discriminations à l’égard des travailleurs à temps partiel et de contribuer au développement des possibilités de travail à temps partiel sur une base acceptable pour les employeurs et pour les travailleurs ».

5        La clause 3, point 1, de l’accord-cadre définit le « travailleur à temps partiel » comme étant « un salarié dont la durée normale de travail, calculée sur une base hebdomadaire ou en moyenne sur une période d’emploi pouvant aller jusqu’à un an, est inférieure à celle d’un travailleur à temps plein comparable ».

6        La clause 3, point 2, premier alinéa, de l’accord-cadre définit le « travailleur à temps plein comparable » comme étant « un salarié à temps plein du même établissement ayant le même type de contrat ou de relation de travail et un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte d’autres considérations pouvant inclure l’ancienneté et les qualifications/compétences ».

7        La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non-discrimination », dispose :

« 1.      Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à temps partiel ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à temps plein comparables au seul motif qu’ils travaillent à temps partiel, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

2.      Lorsque c’est approprié, le principe du prorata temporis s’applique.

[...] »

 La directive 2006/54

8        L’article 2 de la directive 2006/54 dispose :

« 1.      Aux fins de la présente directive, on entend par :

a)      “discrimination directe” : la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable en raison de son sexe qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable ;

b)      “discrimination indirecte” : la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d’un sexe par rapport à des personnes de l’autre sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires ;

[...] »

9        L’article 14 de cette directive, intitulé « Interdiction de toute discrimination », prévoit :

« 1.      Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est proscrite dans les secteurs public ou privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :

a)      les conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion ;

b)      l’accès à tous les types et à tous les niveaux d’orientation professionnelle, de formation professionnelle, de perfectionnement et de formation de reconversion, y compris l’acquisition d’une expérience pratique du travail ;

c)      les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement ainsi que la rémunération, comme le prévoit l’article 141 du traité ;

d)      l’affiliation à, et l’engagement dans, une organisation de travailleurs ou d’employeurs, ou toute organisation dont les membres exercent une profession donnée, y compris les avantages procurés par ce type d’organisation.

2.      Les États membres peuvent prévoir, en ce qui concerne l’accès à l’emploi, y compris la formation qui y donne accès, qu’une différence de traitement fondée sur une caractéristique liée au sexe ne constitue pas une discrimination lorsque, en raison de la nature des activités professionnelles particulières concernées ou du cadre dans lequel elles se déroulent, une telle caractéristique constitue une exigence professionnelle véritable et déterminante, pour autant que son objectif soit légitime et que l’exigence soit proportionnée. »

 Le droit espagnol

10      L’article 12 du Real Decreto Legislativo 2/2015, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Estatuto de los Trabajadores (décret royal législatif 2/2015, portant approbation de la refonte du texte de la loi sur le statut des travailleurs), du 23 octobre 2015 (BOE n° 255, du 24 octobre 2015, p. 100224, ci-après le « statut des travailleurs »), dispose :

« 1.      Le contrat de travail est réputé être conclu à temps partiel lorsque les parties ont convenu de l’exercice d’une activité durant un nombre d’heures par jour, par semaine, par mois ou par an, inférieur au temps de travail d’un travailleur à temps plein comparable.

Aux fins du paragraphe précédent, on entend par “travailleur à temps plein comparable”, un travailleur à temps plein de la même entreprise et sur le même lieu de travail, avec le même type de contrat de travail, et qui effectue un travail identique ou similaire. S’il n’y a aucun travailleur à temps plein comparable, il est tenu compte du temps de travail à temps plein prévu dans la convention collective applicable ou, à défaut, du temps de travail quotidien maximal fixé par la loi.

[...]

3.      Sans préjudice des dispositions du paragraphe précédent, le contrat à temps partiel est réputé être conclu à durée indéterminée lorsqu’il est convenu en vue de la réalisation de travaux fixes et périodiques dans le cadre du volume d’activité normal de l’entreprise. [...]

4.      Le contrat à temps partiel est régi par les règles suivantes :

[...]

d)      Les travailleurs à temps partiel ont les mêmes droits que les travailleurs à temps plein. Le cas échéant, selon leur nature, ces droits sont reconnus par les dispositions légales et réglementaires ainsi que par les conventions collectives de manière proportionnelle, en fonction du temps travaillé.

[...] »

11      L’article 16 du statut des travailleurs, relatif au contrat de travail à durée indéterminée dit « fijo discontinuo » prévoit :

« 1.      Le contrat à durée indéterminée “fijo discontinuo” est [conclu] en vue de la réalisation de travaux présentant un caractère fixe et périodique et ne se répétant pas à dates fixes, dans le cadre du volume d’activité normal de l’entreprise.

La réglementation relative au contrat à temps partiel conclu à durée indéterminée est applicable aux situations de travaux [de type] périodique se répétant à dates fixes.

2.      Les travailleurs “fijos discontinuos” sont appelés dans l’ordre et selon la manière prévus dans les conventions collectives respectives, et le travailleur peut, en cas de non-respect des dispositions concernées, introduire un recours selon la forme d’une procédure de licenciement devant la juridiction sociale, le délai prévu à cet effet commençant à courir à compter du moment où le travailleur a eu connaissance de l’absence de convocation.

3.      Ce contrat doit nécessairement être conclu par écrit selon le modèle établi, et il doit inclure une indication de la durée estimée de l’activité, ainsi que de la forme et de l’ordre d’appel prévus par la convention collective applicable, en mentionnant également, à titre indicatif, le temps de travail estimé et sa répartition horaire.

4.      Les conventions collectives sectorielles peuvent prévoir, lorsque les spécificités de l’activité du secteur le justifient, la conclusion à temps partiel des contrats “fijos discontinuos”, ainsi que les éléments nécessaires et spécifiques pour la conversion de contrats à durée déterminée en contrats “fijos discontinuos”. »

12      Aux termes de l’article 25, paragraphe 1, du statut des travailleurs, relatif à la promotion économique du travailleur :

« Le travailleur, selon le travail fourni, peut avoir droit à une promotion économique selon les termes fixés par convention collective ou contrat individuel. »

13      L’article 30 de la convention collective applicable dans les affaires au principal, à savoir le IV Convenio Colectivo del personal laboral de la Agencia Estatal de la Administración Tributaria (quatrième convention collective des agents contractuels de l’AEAT, ci-après la « quatrième convention collective »), intitulé « Travailleurs “fijos discontinuos” », énonce :

« 1.      Régime applicable

La situation des travailleurs “fijos discontinuos” est régie par les dispositions du présent chapitre. À défaut de disposition applicable dans ledit chapitre, les dispositions de caractère général figurant dans la présente convention s’appliquent, dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec les caractéristiques de ce type de contrat. En particulier, le même régime d’incompatibilités s’applique à ces travailleurs qu’aux autres agents contractuels de l’administration fiscale, celui-ci devant être respecté à partir du premier jour d’exercice effectif d’une activité dans le cadre de chaque campagne pour laquelle lesdits travailleurs sont appelés.

Les travailleurs “fijos discontinuos” exercent leur activité dans l’espace territorial indiqué dans leur contrat de travail, sans préjudice de la possibilité d’exercer des activités dans d’autres espaces territoriaux, de manière volontaire ou en l’absence d’un nombre suffisant de travailleurs dans le nouvel espace territorial, conformément à la procédure définie par l’administration et les représentants des travailleurs au sein de celle-ci. La durée des campagnes, le nombre de travailleurs requis pour chacune d’entre elles et la répartition par délégation de ces travailleurs sont ceux déterminés avant chaque campagne par l’administration fiscale.

Les périodes d’emploi en tant que travailleur “fijo discontinuo” sont prises en compte aux fins du calcul de l’ancienneté en tant que travailleur de l’administration fiscale à tous les titres. »

14      L’article 67 de la quatrième convention collective, intitulé « Rémunérations de caractère personnel », est ainsi libellé :

« 1.      Ancienneté : ce complément est constitué d’un montant fixe de 24,86 euros mensuels, qui sont dus à compter du premier jour du mois marquant l’échéance d’une période de trois, ou d’un multiple de trois, années d’exercice d’une activité effective dans une relation de travail relevant du champ d’application de la présente convention.

Pour établir le calcul de l’écoulement du temps concernant les nouvelles primes triennales qui sont dues, la date initiale est la date de la reconnaissance de la dernière échéance du complément d’ancienneté instauré.

Aux fins de l’ancienneté, sont prises en compte les activités exercées par les travailleurs au sein de l’administration générale de l’État en tant que fonctionnaire, fonctionnaire non titulaire et fonctionnaire stagiaire, agent auxiliaire, personnel contractuel permanent, personnel contractuel “fijo discontinuo”, personnel contractuel temporaire ou personnel contractuel de droit public.

En vue de la reconnaissance de ces activités, les travailleurs doivent présenter une demande en ce sens au service des ressources humaines et de l’administration économique, en joignant le certificat correspondant qui atteste de la relation de travail dont la reconnaissance est demandée, lequel doit être envoyé par la direction générale de la fonction publique lorsqu’il s’agit d’activités exercées en tant que fonctionnaire des corps généraux de l’administration générale de l’État, ou par les unités de personnel dans les autres cas.

Lorsqu’il est procédé, en application des dispositions du paragraphe précédent, à un nouveau calcul de l’ancienneté d’un travailleur, le montant des primes triennales correspondant aux périodes accomplies est perçu avec effet à compter du premier jour du mois auquel est présentée la demande de reconnaissance de la période d’activité, sauf concernant les demandes présentées dans les trois mois suivants la date de la publication de la convention collective, auxquels cas il conviendra d’appliquer des effets rétroactifs à compter du 1er janvier 2005. »

15      L’article 70 de la quatrième convention collective, intitulé « Rémunération en cas de temps de travail inférieur à la durée normale ou effectué sur une base horaire », dispose :

« Les travailleurs dont le temps de travail est inférieur à la durée normale ou qui exercent leur activité sur une base horaire, sous réserve de l’exception prévue à l’article 34 de la présente convention, perçoivent leurs rémunérations à proportion du temps de travail effectivement réalisé, à l’exclusion des heures supplémentaires et des indemnisations auxquelles se réfère l’article 73, dont la liquidation est calculée conformément aux montants indiqués dans l’annexe III et à ceux prévus dans la réglementation relative aux détachements. »

16      L’article 6, paragraphe 2, de la Ley orgánica 3/2007, para la igualdad efectiva de mujeres y hombres (loi organique 3/2007, pour l’égalité effective entre les femmes et les hommes), du 22 mars 2007 (BOE n° 71, du 23 mars 2007, p. 12611), intitulé « Discrimination directe et indirecte », prévoit :

« Est considérée comme une discrimination indirecte fondée sur le sexe la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d’un sexe par rapport à des personnes de l’autre, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié en vue d’un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient nécessaires et appropriés. »

 Les litiges au principal et la question préjudicielle

17      OH et ER ont été embauchées par l’AEAT respectivement le 25 février 2002 et le 2 mai 2005, en tant que travailleuses à temps partiel de type vertical cyclique. En vertu de leur contrat de travail, dit  « fijo discontinuo », les travailleurs sont engagés pour la réalisation de travaux fixes et périodiques s’inscrivant dans le cadre du volume d’activité normal de l’AEAT, ce qui implique que les salariés concernés ne travaillent que pendant certains mois de l’année. Dans les affaires au principal, les requérantes au principal ont été affectées, pendant des périodes annuelles préétablies, à la campagne de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.

18      Le 29 mai 2015, OH et ER ont chacune introduit une demande auprès de l’AEAT, tendant à la reconnaissance de leur ancienneté, afin d’acquérir le droit à des primes triennales d’ancienneté constitutives d’un complément de rémunération et donc à une promotion économique et professionnelle. Ces demandes ont été rejetées au motif que la quatrième convention collective prévoyait, pour les travailleurs à temps partiel de type vertical cyclique, l’exclusion des périodes non travaillées du calcul de l’ancienneté.

19      Le 4 décembre 2015, OH et ER ont formé un recours contre l’AEAT devant le Juzgado de lo Social n° 3 de Lugo (tribunal du travail n° 3 de Lugo, Espagne). Par un jugement du 22 septembre 2017, celui-ci a rejeté leurs recours au motif que la méthode adoptée par l’AEAT pour calculer l’ancienneté des relations de travail était correcte.

20      Elles ont interjeté appel de ce jugement devant le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice, Espagne), afin de faire reconnaître leur ancienneté, en prenant en compte, à cet effet, non pas exclusivement les jours effectivement travaillés, mais l’intégralité du temps écoulé depuis le début de leur relation de travail, à savoir depuis le 25 février 2002, en ce qui concerne OH, et depuis le 2 mai 2005, en ce qui concerne ER. En outre, ces dernières ont demandé la condamnation de l’AEAT à leur verser certaines sommes au titre des primes triennales d’ancienneté qui leurs étaient dues, mais qui ne leur avaient pas été versées en raison du calcul de leur ancienneté tel qu’effectué par l’AEAT.

21      La juridiction de renvoi nourrit des doutes concernant le mode de calcul de l’ancienneté prévue par la réglementation espagnole, et adopté par l’AEAT dans sa quatrième convention collective, et estime que ce mode de calcul constitue une application indue du principe du prorata temporis. Elle affirme qu’il est nécessaire de procéder à l’examen de la justification objective de la mesure en cause au principal et de vérifier si les effets sur la rémunération ainsi que sur la promotion professionnelle des travailleurs à temps partiel de type vertical cyclique sont nécessaires et appropriés pour atteindre la réalisation des objectifs légitimes poursuivis.

22      Elle relève également que les statistiques officielles permettent de constater une discrimination indirecte à l’égard des femmes dans la mesure où l’application de la quatrième convention collective en cause, bien que formulée et appliquée de manière neutre, désavantagerait un plus grand nombre de femmes que d’hommes.

23      Dans ces conditions, le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« La disposition, figurant dans une convention collective, et la pratique d’entreprise, selon lesquelles, aux fins des rémunérations et aux fins des promotions, l’ancienneté d’une travailleuse employée à temps partiel sous la forme d’une “répartition verticale” du temps de travail sur l’année doit être calculée en tenant compte uniquement du temps d’exercice de l’activité, sont-elles contraires aux dispositions de la clause 4, points 1 et 2, de l’accord-cadre [...] et [à l’article] 2, paragraphe 1, sous b), [ainsi qu’à l’article] 14, paragraphe 1, de la directive 2006/54 ? »

 Sur la question préjudicielle

24      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsqu’une question posée à titre préjudiciel est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué, lorsque la réponse à une telle question peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée à titre préjudiciel ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

25      Il y a lieu de faire application de ladite disposition procédurale dans la présente affaire.

26      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 4, points 1 et 2, de l’accord-cadre ainsi que l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2006/54 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation et à une pratique d’entreprise nationales, telles que celles en cause au principal, dès lors que celles-ci, s’agissant des travailleurs à temps partiel de type vertical cyclique, ne prennent en compte que les périodes effectivement travaillées et excluent ainsi les périodes non travaillées du calcul de l’ancienneté requise pour pouvoir percevoir des primes triennales en tant que compléments de rémunération, alors que les travailleurs à temps plein ne sont pas soumis à une telle réglementation ni à une telle pratique.

27      En ce qui concerne, en premier lieu, l’accord-cadre, il convient de rappeler, tout d’abord, que celui-ci vise, d’une part, à promouvoir le travail à temps partiel et, d’autre part, à éliminer les discriminations entre les travailleurs à temps partiel et les travailleurs à temps plein (arrêt du 10 juin 2010, Bruno e.a., C‑395/08 et C‑396/08, EU:C:2010:329, point 24).

28      Conformément à l’objectif d’élimination des discriminations entre les travailleurs à temps partiel et les travailleurs à temps plein, la clause 4 de l’accord-cadre s’oppose, en ce qui concerne les conditions d’emploi, à ce que les travailleurs à temps partiel soient traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à temps plein comparables au seul motif qu’ils travaillent à temps partiel, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives (arrêt du 10 juin 2010, Bruno e.a., C‑395/08 et C‑396/08, EU:C:2010:329, point 25).

29      L’interdiction de discrimination énoncée à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre n’est que l’expression spécifique du principe général d’égalité qui relève des principes fondamentaux du droit de l’Union (arrêt du 10 juin 2010, Bruno e.a., C-395/08 et C-396/08, EU:C:2010:329, point 58 ainsi que jurisprudence citée).

30      En ce qui concerne, d’abord, la question de savoir si les dispositions qui régissent les droits à des primes triennales d’ancienneté constituent des « conditions d’emploi », au sens de la clause 4 de l’accord-cadre, il convient de rappeler que la clause 4 de l’accord-cadre doit être comprise comme exprimant un principe de droit social de l’Union qui ne saurait être interprété de manière restrictive (arrêt du 10 juin 2010, Bruno e.a., C-395/08 et C-396/08, EU:C:2010:329, point 32 ainsi que jurisprudence citée).

31      À cet égard, une interprétation de cette clause qui exclurait de la notion de « conditions d’emploi », au sens de celle-ci, les conditions financières, telles que celles relatives aux rémunérations, reviendrait à réduire, au mépris de l’objectif assigné à ladite clause, le champ de la protection accordée aux travailleurs concernés contre les discriminations, en introduisant une distinction, fondée sur la nature des conditions d’emploi, que les termes de cette clause ne suggèrent nullement (arrêt du 10 juin 2010, Bruno e.a., C-395/08 et C-396/08, EU:C:2010:329, point 33). En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que de telles primes relèvent, en tant qu’élément de la rémunération, de la notion de « conditions d’emploi », telle que visée à ladite clause (voir par analogie, notamment, arrêt du 9 juillet 2015, Regojo Dans, C‑177/14, EU:C:2015:450, point 43 et jurisprudence citée).

32      Il convient, ensuite, d’examiner si le fait d’exclure du calcul de l’ancienneté requise pour acquérir le droit à une prime triennale d’ancienneté les périodes non travaillées par les travailleurs à temps partiel de type vertical cyclique, au seul motif qu’ils travaillent à temps partiel, conduit à les traiter de manière moins favorable que les travailleurs à temps plein qui se trouvent dans une situation comparable.

33      Il importe de relever que le « travailleur à temps plein comparable » est défini, à la clause 3, point 2, premier alinéa, de l’accord-cadre, comme étant « un salarié à temps plein du même établissement ayant le même type de contrat ou de relation de travail et un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte d’autres considérations pouvant inclure l’ancienneté et les qualifications/compétences ».

34      Pour apprécier si des travailleurs exercent un travail identique ou similaire, au sens de l’accord-cadre, il convient de tenir compte d’un ensemble de facteurs, tels que la nature de leur travail, leurs qualifications et compétences, les conditions de formation et les conditions de travail (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, Regojo Dans, C‑177/14, EU:C:2015:450, point 46 et jurisprudence citée).

35      Or, en l’espèce, aucun élément du dossier soumis à la Cour ne permet de douter que les travailleurs à temps partiel de type vertical cyclique et les travailleurs à temps plein de l’AEAT se trouvent dans des situations comparables, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

36      Aux termes de la réglementation en cause au principal, s’agissant des travailleurs à temps plein, la durée prise en compte pour le calcul de l’ancienneté requise pour pouvoir percevoir des primes triennales d’ancienneté coïncide avec celle de la relation d’emploi. En revanche, pour les travailleurs à temps partiel de type vertical cyclique, l’ancienneté n’est pas décomptée sur la même base, puisqu’elle est calculée sur la seule durée des périodes effectivement travaillées compte tenu de la réduction des heures de travail.

37      Ainsi, selon les indications figurant dans la demande de décision préjudicielle, un travailleur à temps plein acquiert le droit à une telle prime triennale après une période d’emploi de trois années consécutives. En revanche, un travailleur qui se trouve dans une situation comparable et travaillant à temps partiel de type vertical cyclique – à titre d’exemple, ayant travaillé quatre mois au cours de l’année, à savoir un tiers du temps de travail d’un travailleur à temps plein – percevra le droit à une telle prime triennale, conformément à la réglementation et à la pratique nationales en cause au principal, au terme d’une période correspondant à un multiple de trois selon la formule du temps partiel de type vertical cyclique appliquée – donc, dans l’exemple ci-dessus, au terme d’une relation de travail de neuf années –, et ce au seul motif qu’il travaille à temps partiel.

38      Il s’ensuit que, alors que leurs contrats de travail ont une durée effective équivalente, le travailleur à temps partiel acquiert l’ancienneté ouvrant droit à une prime triennale à un rythme plus lent que le travailleur à temps plein. Il s’agit donc d’une différence de traitement fondée sur le seul motif du travail à temps partiel (voir, par analogie, arrêt du 10 juin 2010, Bruno e.a., C‑395/08 et C‑396/08, EU:C:2010:329, point 62).

39      Il ressort, toutefois, du libellé de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre qu’une telle différence de traitement peut être jugée conforme au principe de non-discrimination si elle est justifiée par des raisons objectives. Selon le point 2 de la même clause, lorsque c’est approprié, le principe du prorata temporis s’applique.

40      Dans ce contexte, le gouvernement espagnol fait valoir, d’une part, que le principe du prorata temporis, figurant à la clause 4, point 2, de l’accord-cadre, a déjà été appliqué par la Cour au calcul des congés annuels, au montant d’une pension acquise ou au versement proportionnel d’un complément de rémunération pour un enfant à charge. Par conséquent, ce principe devrait également être appliqué, dans des circonstances telles que celles des affaires au principal, au calcul de l’ancienneté en cause.

41      À cet égard, il convient, toutefois, de rappeler que le principe de non-discrimination entre les travailleurs à temps partiel et les travailleurs à temps plein s’applique aux conditions d’emploi, parmi lesquelles figurent la rémunération, notion qui, ainsi qu’il a été exposé au point 30 de la présente ordonnance, comprend également les primes triennales d’ancienneté. Par conséquent, la rémunération des travailleurs à temps partiel doit être équivalente à celle des travailleurs à temps plein, sous réserve de l’application du principe du prorata temporis énoncé à la clause 4, point 2, de l’accord-cadre (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2010, Bruno e.a., C‑395/08 et C‑396/08, EU:C:2010:329, point 64).

42      Ainsi, le calcul d’un complément de rémunération tel que la prime triennale d’ancienneté en cause au principal dépend directement de la quantité de travail effectuée par le travailleur, selon le principe du prorata temporis. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la Cour a déjà jugé que le droit de l’Union ne s’oppose pas au calcul d’un élément de la rémunération selon une règle prorata temporis en cas de travail à temps partiel. En effet, la prise en compte de la quantité de travail effectivement accomplie par un travailleur à temps partiel au cours de sa carrière, comparée à celle d’un travailleur ayant effectué pendant toute sa carrière un horaire de travail à temps complet, constitue un critère objectif permettant une réduction proportionnée de ses droits à un élément de la rémunération (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2010, Bruno e.a., C‑395/08 et C‑396/08, EU:C:2010:329, point 65 ainsi que jurisprudence citée).

43      Toutefois, il ressort de cette même jurisprudence que le principe du prorata temporis n’est pas applicable à la détermination de la date d’acquisition d’un droit à un élément de la rémunération, dans la mesure où celle-ci dépend exclusivement de la durée de l’ancienneté acquise par le travailleur. Cette ancienneté correspond, en effet, à la durée effective de la relation d’emploi et non pas à la quantité de travail fournie au cours de celle-ci. Le principe de non-discrimination entre travailleurs à temps partiel et travailleurs à temps plein implique donc que la durée de l’ancienneté prise en compte aux fins de la détermination de la date d’acquisition de l’ancienneté pour percevoir une prime triennale soit calculée pour le travailleur à temps partiel comme s’il avait occupé un poste à temps plein, les périodes non travaillées étant intégralement prises en compte (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2010, Bruno e.a., C‑395/08 et C‑396/08, EU:C:2010:329, point 66).

44      D’autre part, le gouvernement espagnol fait valoir que les caractéristiques propres aux prestations des travailleurs à temps partiel de type vertical cyclique, à savoir principalement le fait que cette prestation n’est réalisée que quelques mois par an, exigent que certains aspects soient régis de manière spécifique, et, notamment, le calcul de l’ancienneté aux fins du complément des rémunérations et de la promotion professionnelle.

45      Cette règle de calcul de l’ancienneté pourrait être, en outre, considérée comme étant justifiée par la finalité de ce complément de rémunération, qui est de récompenser la fidélité du travailleur ayant accompli une période d’activité déterminée. Le gouvernement espagnol souligne, à cet égard, que, si la méthode de calcul de l’ancienneté était la même pour les travailleurs à temps plein et les travailleurs à temps partiel de type vertical cyclique, cela créerait une discrimination au détriment des travailleurs à temps plein, qui auraient besoin de 36 mois d’activité effective pour obtenir la prime d’ancienneté, alors que les travailleurs à temps partiel de type vertical cyclique n’auraient besoin que de 9 à 12 mois de travail effectif, qui seraient effectués à des dates variables au cours d’une période de trois ans commençant à courir au début de leur relation avec l’AEAT.

46      Dans ce contexte, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion de « raisons objectives », figurant à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, doit être comprise comme ne permettant pas de justifier une différence de traitement entre les travailleurs à temps partiel et les travailleurs à temps plein par le fait que cette différence est prévue par une norme nationale générale et abstraite, telle qu’une loi ou une convention collective (voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2012, O’Brien, C‑393/10, EU:C:2012:110, point 64, ainsi que, par analogie, arrêt du 9 juillet 2015, Regojo Dans, C‑177/14, EU:C:2015:450, point 54).

47      Cette notion requiert que l’inégalité de traitement constatée soit justifiée par l’existence d’éléments précis et concrets, caractérisant la condition d’emploi dont il s’agit, dans le contexte particulier dans lequel elle s’insère et sur le fondement de critères objectifs et transparents, afin de vérifier si cette inégalité répond à un besoin véritable, est apte à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet. Lesdits éléments peuvent résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles des contrats à temps partiel ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre (voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2012, O’Brien, C‑393/10, EU:C:2012:110, point 64, ainsi que, par analogie, arrêt du 9 juillet 2015, Regojo Dans, C‑177/14, EU:C:2015:450, point 55).

48      En l’occurrence, force est de constater que, s’agissant des travailleurs à temps plein, l’ancienneté est calculée, conformément à la jurisprudence citée au point 43 de la présente ordonnance, en tenant compte de la durée effective de la relation d’emploi et non pas de la quantité de travail fournie au cours de celle-ci. En effet, ainsi que l’a fait valoir à juste titre la Commission européenne, selon les indications figurant dans la décision de renvoi, ces travailleurs acquièrent le droit à une prime triennale d’ancienneté après une période d’emploi de trois années consécutives, même si cette période comprend des périodes d’inactivité, telles que des périodes de vacances ou d’éventuelles périodes de congés de maladie. Dans ces conditions, le fait de ne tenir compte, aux fins du calcul de l’ancienneté des travailleurs à temps partiel de type vertical cyclique de l’AEAT, que des périodes de travail effectif ne saurait être justifié par le souci d’éviter la discrimination alléguée par le gouvernement espagnol entre ces deux groupes de travailleurs.

49      En outre, ainsi que l’a précisé la juridiction de renvoi et qu’il est rappelé au point 42 de la présente ordonnance, une réduction proportionnée des droits des travailleurs à un élément de la rémunération se répercute déjà sur le montant annuel des primes triennales d’ancienneté perçues par les travailleurs concernés, suivant le principe du prorata temporis, qui reflète les périodes effectivement travaillées et la fidélité du travailleur à ce titre.

50      Par conséquent, il convient de constater que le gouvernement espagnol n’a pas avancé de raison objective, au sens de la jurisprudence citée aux points 46 et 47 de la présente ordonnance, afin de justifier la réglementation en cause au principal.

51      Il résulte de ce qui précède que la clause 4, points 1 et 2, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui, pour les travailleurs à temps partiel de type vertical cyclique, exclut les périodes non travaillées du calcul de l’ancienneté requise pour acquérir un droit à une prime triennale.

52      S’agissant, en second lieu, de la directive 2006/54, il convient de souligner que l’article 14, paragraphe 1, de cette directive interdit toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe en ce qui concerne, notamment, les conditions d’emploi et de travail, y compris la rémunération.

53      À cet égard, il y a lieu de constater, d’emblée, qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal ne comporte pas de discrimination directe fondée sur le sexe, dès lors qu’elle s’applique indistinctement aux travailleurs masculins et aux travailleurs féminins.

54      S’agissant de la question de savoir si une telle réglementation comporte, ainsi que le suggère la juridiction de renvoi, une discrimination indirecte à l’égard des femmes, il ressort d’une jurisprudence constante qu’il y a discrimination indirecte lorsque l’application d’une mesure nationale, bien que formulée de manière neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de femmes que d’hommes (voir, notamment, arrêt du 9 novembre 2017, Espadas Recio, C‑98/15, EU:C:2017:833, point 38 et jurisprudence citée).

55      En l’occurrence, il y a lieu de relever que la législation et la pratique nationales en cause dans les affaires au principal visent le groupe des travailleurs à temps partiel de type vertical cyclique, lequel, selon les constatations faites par la juridiction de renvoi, est constitué dans une large majorité de travailleuses. Il convient donc de répondre à la question posée en s’appuyant sur ces constatations (arrêt du 9 novembre 2017, Espadas Recio, C‑98/15, EU:C:2017:833, point 39).

56      La juridiction de renvoi indique, notamment, que le personnel des travailleurs à temps partiel de type vertical cyclique de l’AEAT est majoritairement de sexe féminin, ce qui refléterait la place des femmes sur le marché de travail, celles-ci ayant plus de mal à accéder aux emplois à temps plein en raison de la difficulté à concilier la vie professionnelle avec la vie personnelle et familiale. Selon la juridiction de renvoi, cette situation n’est pas l’expression d’un phénomène purement fortuit ou conjoncturel, mais est le reflet de données significatives portant sur un nombre suffisant d’individus.

57      Cette juridiction se réfère, notamment, aux données disponibles sur le portail officiel de la transparence du gouvernement espagnol, selon lesquelles, au 31 décembre 2016, les agents de travail partiel vertical cyclique de l’AEAT comptaient 898 femmes et 252 hommes, à savoir 78,09 % de femmes et 21,91 % d’hommes, cette proportion restant stable par rapport aux années antérieures. Or, cette répartition entre les sexes différait de manière significative de la répartition afférente au personnel à temps plein de l’AEAT, cette agence employant, s’agissant des fonctionnaires, 53,88 % de femmes et 46,12 % d’hommes et, s’agissant des agents contractuels, 35,21 % des femmes et 64,39 % d’hommes. En outre, selon la juridiction de renvoi, cette situation correspond à la situation générale des travailleuses à temps partiel tous métiers confondus. Ainsi, selon les données de la dernière enquête sur la population active effectuée au cours du premier trimestre de l’année 2018, sur les 2 814 300 travailleurs à temps partiel, 2 104 100 étaient des femmes, alors que 710 200 étaient des hommes. L’examen de l’évolution de ces chiffres dans le temps amène au constat que cette proportion oscille autour de 75 % et atteint parfois 80 % en faveur des femmes.

58      Il en résulte que, certes, le calcul de l’ancienneté d’une travailleuse à temps partiel vertical cyclique sur la seule base du temps effectivement travaillé, et non sur celle de la durée de la relation de travail, est formulé de manière neutre. Toutefois, un nombre beaucoup plus important de femmes que d’hommes est affecté par la mesure en cause au principal.

59      Dans ces conditions, force est de conclure qu’une mesure et une pratique telles que celles en cause au principal constituent une différence de traitement au détriment des femmes, au sens de la jurisprudence rappelée au point 54 de la présente ordonnance.

60      Or, une mesure et une pratique de cette nature sont contraires à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2006/54, à moins qu’elles ne soient justifiées par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe. Tel est le cas si la mesure et la pratique répondent à un but légitime et si les moyens choisis pour parvenir à ce but sont appropriés et nécessaires à cet effet (arrêt du 20 octobre 2011, Brachner, C‑123/10, EU:C:2011:675, point 70 et jurisprudence citée).

61      Force est de constater que le gouvernement espagnol, afin de justifier la mesure et la pratique en cause au principal, se borne, dans ses observations écrites, à avancer des arguments tirés, d’une part, de la seule nature quantitative du travail des travailleurs à temps partiel vertical cyclique et, d’autre part, de l’application du principe du prorata temporis pour le calcul de l’ancienneté, sans toutefois démontrer le but légitime poursuivi par cette mesure ni l’aptitude des moyens choisis et leur nécessité. Il s’ensuit que ce gouvernement ne fournit aucune raison objective susceptible de justifier la mesure et la pratique en cause au principal.

62      Il découle de l’ensemble des considérations relatives à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2006/54 que cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation et à une pratique nationale qui, pour les travailleurs à temps partiel de type vertical cyclique, excluent les périodes non travaillées du calcul de l’ancienneté requise pour acquérir un droit à une prime triennale d’ancienneté.

63      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que la clause 4, points 1 et 2, de l’accord-cadre ainsi que l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2006/54 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation et à une pratique d’entreprise nationales, telles que celles en cause au principal, dès lors que celles-ci, s’agissant des travailleurs à temps partiel de type vertical cyclique, ne prennent en compte que les périodes effectivement travaillées et excluent ainsi les périodes non travaillées du calcul de l’ancienneté requise pour pouvoir percevoir des primes triennales en tant que compléments de rémunération, alors que les travailleurs à temps plein ne sont pas soumis à une telle réglementation ni à une telle pratique.

 Sur les dépens

64      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

La clause 4, points 1 et 2, de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel, conclu le 6 juin 1997, qui figure à l’annexe de la directive 97/81/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES, ainsi que l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation et à une pratique d’entreprise nationales, telles que celles en cause au principal, dès lors que celles-ci, s’agissant des travailleurs à temps partiel de type vertical cyclique, ne prennent en compte que les périodes effectivement travaillées et excluent ainsi les périodes non travaillées du calcul de l’ancienneté requise pour pouvoir percevoir des primes triennales en tant que compléments de rémunération, alors que les travailleurs à temps plein ne sont pas soumis à une telle réglementation ni à une telle pratique.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.

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