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Document 62012CJ0414

Решение на Съда (десети състав) от 8 май 2014 г.
Bolloré срещу Европейска комисия.
Обжалване — Конкуренция — Картели — Пазар на самокопираща хартия — Вменяване в отговорност на дружеството майка на извършено от негово дъщерно дружество нарушение — Пряко участие на дружеството майка в извършването на нарушението — Равно третиране — Продължителност на административното и съдебното производство — Разумен срок — Право на защита.
Дело C‑414/12 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:301

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

8 mai 2014 (*)

«Pourvoi – Concurrence – Ententes – Marché du papier autocopiant – Imputabilité à la société mère de l’infraction commise par sa filiale – Participation directe de la société mère à l’infraction – Égalité de traitement – Durée de la procédure administrative et juridictionnelle – Délai raisonnable – Droits de la défense»

Dans l’affaire C‑414/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 7 septembre 2012,

Bolloré, établie à Ergué Gabéric (France), représentée par Mes P. Gassenbach, C. Lemaire et O. de Juvigny, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. W. Mölls et R. Sauer, en qualité d’agents, assistés de Me N. Coutrelis, avocate, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. E. Juhász, président de chambre, MM. A. Rosas et C. Vajda (rapporteur), juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 juin 2013,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Bolloré demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Bolloré/Commission (T‑372/10, EU:T:2012:325, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant, à titre principal, à l’annulation des articles 1er et 2 de la décision C(2010) 4160 final de la Commission, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/36212 – Papier autocopiant) (ci-après la «décision litigieuse»), ou, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée par cette décision.

 Les antécédents du litige

2        Ayant reçu des informations lui donnant des raisons de soupçonner l’existence d’une entente occulte portant sur la fixation des prix dans le secteur du papier autocopiant, la Commission des Communautés européennes a, au cours de l’année 1997, procédé à des vérifications au titre du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), auprès de plusieurs producteurs de papier autocopiant. Ni Copigraph, société appartenant à ce secteur d’activité, ni Bolloré, qui détenait 100 % du capital social de Copigraph, n’ont été visées par ces vérifications.

3        Au mois de novembre 1998, Bolloré a cédé Copigraph à Arjo Wiggins Appelton plc (ci‑après «AWA»).

4        En 1999, la Commission a adressé des demandes de renseignements à plusieurs sociétés, au nombre desquelles figuraient AWA et Copigraph. Ainsi, le 20 décembre 1999, cette dernière a reçu une demande de renseignements de la Commission.

5        Le 26 juillet 2000, la Commission a adopté une communication des griefs (ci‑après la «première communication des griefs») qu’elle a adressée à 17 sociétés, parmi lesquelles figuraient Copigraph, Bolloré, en sa qualité de société mère de Copigraph, ainsi qu’AWA et Stora Enso Oyj (ci‑après «Stora»).

6        Dans la première communication des griefs, la Commission a indiqué qu’elle entendait imputer à Bolloré l’infraction reprochée en raison de sa responsabilité, en tant que société mère à 100 % de Copigraph à l’époque de l’infraction, pour la participation de cette dernière à l’entente.

7        Par la décision 2004/337/CE de la Commission, du 20 décembre 2001, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/E‑1/36.212 – Papier autocopiant) (JO 2004, L 115, p. 1), l’infraction reprochée a été imputée à Bolloré non plus seulement en tant que cette dernière était la société mère de Copigraph, mais également en raison de son implication personnelle et directe dans les activités de l’entente. Le point 355 de cette décision énonce la base factuelle de l’implication directe de Bolloré dans les termes suivants:

«Il existe également des preuves impliquant directement la société mère, Bolloré SA, dans les activités du cartel. Bolloré était membre de l’AEMCP [Association of European Manufacturers of Carbonless Paper], dont les réunions officielles ont également servi de réunions du cartel de janvier 1992 à septembre 1993. Le représentant de Bolloré, [M. V.], chef de sa division papiers spéciaux, participait à ces réunions du cartel avec le directeur commercial de Copigraph [M. B.]. Il a également participé à la réunion du cartel consacrée au marché français le 1er octobre 1993. À toutes les réunions ultérieures du cartel où des représentants individuels de Copigraph ont été identifiés, le directeur commercial de Copigraph était présent. Toutes ces réunions ont eu lieu en 1994 et, comme il a déjà été indiqué, le directeur commercial de Copigraph occupait simultanément une fonction de vente au sein de Bolloré.»

8        Le 11 avril 2002, Bolloré a introduit un recours en annulation devant le Tribunal contre la décision 2004/337. Par son arrêt Bolloré e.a./Commission (T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, EU:T:2007:115), le Tribunal a rejeté ce recours. Bolloré ayant formé un pourvoi contre cet arrêt, la Cour a annulé celui-ci ainsi que la décision 2004/337 en tant qu’ils concernaient cette société par son arrêt Papierfabrik August Koehler e.a./Commission (C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, EU:C:2009:500). La Cour a jugé, en substance, que le moyen d’annulation soulevé par Bolloré, tiré de la violation des droits de la défense, était fondé étant donné que la première communication des griefs ne lui avait permis de prendre connaissance ni du grief tiré de son implication personnelle et directe dans les activités de l’entente ni même des faits retenus dans cette décision par la Commission au soutien de ce grief, de sorte que cette société n’avait pas été en mesure d’assurer sa défense, au cours de la procédure administrative, en ce qui concerne ce grief et ces faits.

9        À la suite de cette annulation, la Commission a adopté, le 15 décembre 2009, une nouvelle communication des griefs (ci-après la «seconde communication des griefs»), qu’elle a adressée à Bolloré. Dans cette communication, la Commission a informé Bolloré de son intention de la tenir pour responsable de l’infraction, d’une part, en tant que société mère de Copigraph ainsi que, d’autre part, en raison de son implication directe dans l’entente.

10      Le 23 juin 2010, la Commission a adopté la décision litigieuse qui visait, selon elle, à remédier à l’illégalité constatée dans l’arrêt Papierfabrik August Koehler e.a./Commission (EU:C:2009:500), en reprenant la procédure au point où cette illégalité était survenue. La seconde communication des griefs aurait permis de remédier au vice de procédure commis par la Commission lors de l’adoption de la décision 2004/337, en permettant à Bolloré de se défendre en ce qui concerne sa responsabilité dans l’infraction non seulement en tant que société mère de Copigraph dont le comportement était illégal, mais également au titre de son implication personnelle et directe dans l’entente.

11      Le point 376 de la décision litigieuse énonce la base factuelle de l’implication directe de Bolloré dans les termes suivants:

«Il existe des preuves impliquant directement Bolloré SA dans les activités du cartel. En l’espèce, [M. V.], en charge de la direction de l’usine de papier appartenant à Bolloré SA à Thonon‑les‑Bains et chef de la division papiers spéciaux de Bolloré SA, a participé à presque toutes les réunions du cartel qui ont eu lieu dans le cadre des réunions officielles de l’AEMCP de janvier 1992 à septembre 1993, en compagnie du directeur commercial de Copigraph. En ce qui concerne la réunion du 23 janvier 1992, la liste des participants le mentionne même comme représentant de ‘Bolloré Technologies’. [M. V.] a également participé à la réunion du 14 septembre 1993 au cours de laquelle il a été décidé de restructurer les activités et les réunions de l’AEMCP. Pour les réunions générales du cartel qui ont suivi, [M. V.] était toujours invité, même si souvent il ne participait pas et était excusé. Il peut en être déduit qu’il était pleinement informé du contenu et des conclusions de ces réunions. Enfin, il a de nouveau participé à la réunion générale du cartel du 29 septembre 1995. Concernant les réunions nationales et régionales du cartel, [M. V.] a également participé à la réunion du cartel consacrée au marché français le 1er octobre 1993. À toutes les réunions ultérieures du cartel où des représentants individuels de Copigraph ont été identifiés, le directeur commercial de Copigraph, [M. B.], qui occupait également une fonction de vente à la papeterie appartenant à Bolloré SA à Thonon‑les‑Bains depuis 1994, était présent. Toutes ces réunions ont eu lieu en 1994 et 1995. Il s’agissait des réunions générales du cartel et des réunions nationales et régionales du cartel. Au cours de la période où ont eu lieu toutes ces réunions, [M. B.] occupait simultanément une fonction de vente au sein de Bolloré SA et la fonction de directeur commercial au sein de Copigraph.»

12      L’article 1er de la décision litigieuse est libellé comme suit:

«Bolloré a enfreint l’article 101, paragraphe 1, du TFUE, et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE [accord sur l’Espace économique européen du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3)] en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le secteur du papier autocopiant.

La durée de l’infraction s’étend de janvier 1992 à septembre 1995.»

13      Aux termes de l’article 2, premier alinéa, de la décision litigieuse:

«Une amende de 21 262 500 [euros] est infligée à Bolloré pour l’infraction visée à l’article premier.»

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 septembre 2010, Bolloré a introduit un recours tendant, à titre principal, à l’annulation des articles 1er et 2 de la décision litigieuse ainsi que, à titre subsidiaire, à la réduction de l’amende qui lui a été infligée par cette décision.

15      À l’appui de son recours, Bolloré a soulevé six moyens, dont les troisième et quatrième sont seuls pertinents aux fins du présent pourvoi.

16      Le Tribunal a examiné le troisième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, aux points 83 à 94 de l’arrêt attaqué. Par ce moyen, Bolloré soutenait que, dans la décision litigieuse, elle avait fait l’objet d’un traitement inégal par rapport à Stora. En effet, alors que cette dernière était, à l’instar de Bolloré, la société mère d’une filiale ayant participé à l’infraction, elle n’aurait pas été sanctionnée, à la différence de Bolloré, en sa qualité de société mère, alors même qu’elle était, lors de la première communication des griefs et contrairement à Bolloré, toujours actionnaire de son ex-filiale et qu’elle était l’un des leaders mondiaux sur le marché du papier.

17      Ce moyen a été rejeté par le Tribunal au motif, en substance, que Stora et Bolloré n’étaient pas dans des situations comparables et que le principe d’égalité de traitement ne pouvait, dès lors, trouver à s’appliquer. Selon le Tribunal, si ces entreprises étaient toutes deux des sociétés mères de filiales impliquées dans l’infraction et étaient, à ce titre, destinataires de la première communication des griefs, c’est seulement dans le cas de Bolloré que la Commission disposait, ainsi qu’elle l’a relevé aux considérants 355 de la décision 2004/337 et 376 de la décision litigieuse, de preuves impliquant directement cette société mère dans l’infraction et qu’elle avait par conséquent constaté que cette dernière société était responsable de l’infraction également en sa qualité d’auteur direct de celle-ci. En revanche, la Commission précisait que les activités du groupe Stora dans le domaine du papier autocopiant avaient été exercées «directement» par une filiale et, à partir de l’année 1993, concentrées au sein d’une nouvelle filiale.

18      Le Tribunal a par ailleurs estimé que, au-delà des considérations précédentes qui suffisaient pour établir l’absence de violation du principe d’égalité de traitement à l’égard des deux sociétés en cause, la filiale de Bolloré avait, à la différence de celle de Stora, cessé toute activité en 1999 et était donc, lors de l’adoption de la décision 2004/337, peu susceptible de pouvoir payer une quelconque amende, de sorte que, dans le cas de Bolloré, la Commission se trouvait dans la nécessité de sanctionner la société mère pour assurer l’effectivité de cette décision et son caractère dissuasif à l’égard de cette société.

19      Au demeurant, le Tribunal a rappelé que, en tout état de cause, il ressort de la jurisprudence que, dès lors qu’une entreprise a, par son comportement, violé l’article 101 TFUE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif qu’un autre opérateur économique ne se serait pas vu infliger d’amende, alors même que, comme en l’espèce, le juge de l’Union n’est pas saisi de la situation de ce dernier.

20      Le Tribunal a examiné le quatrième moyen, tiré de la violation du principe du délai raisonnable, aux points 95 à 185 de l’arrêt attaqué. Bolloré reprochait à la Commission de lui avoir notifié la seconde communication des griefs dans un délai déraisonnable, à savoir plus de quatorze ans après les faits. L’écoulement du temps entre la fin de l’infraction et la date à laquelle la seconde communication des griefs a été notifiée à Bolloré aurait privé cette dernière de la possibilité concrète de se défendre, et ce tant en sa qualité de société mère de Copigraph qu’en raison de sa participation directe à l’infraction.

21      Le Tribunal a, en premier lieu, aux points 107 à 113 de l’arrêt attaqué, examiné la question de savoir si le délai raisonnable avait été respecté en l’espèce, en rappelant que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure administrative s’apprécie en fonction du contexte dans lequel elle s’inscrit et des différentes étapes procédurales qui ont été suivies. Ayant examiné séparément ces dernières, il en a conclu que la durée de quatorze ans qui s’est écoulée entre la fin de l’infraction et la date à laquelle la seconde communication des griefs a été notifiée à Bolloré trouve son explication dans une succession d’étapes procédurales dont aucune d’entre elles n’a excédé le délai raisonnable.

22      En outre, pour autant que Bolloré cherchait à se prévaloir d’une violation du principe du délai raisonnable aux fins d’obtenir l’annulation de la décision litigieuse en ce qui concerne l’amende indépendamment même de la question de savoir si l’infraction était établie, le Tribunal a rappelé sa jurisprudence selon laquelle le dépassement d’un délai raisonnable ne saurait justifier l’annulation d’une décision constatant une infraction aux règles de concurrence lorsque c’est le montant des amendes infligées par cette décision qui est contesté, dès lors que le pouvoir de la Commission d’infliger des amendes est régi par une réglementation ayant institué à cet égard un délai de prescription. En présence de cette réglementation, toute considération liée à l’obligation pour la Commission d’exercer son pouvoir d’infliger des amendes dans un délai raisonnable doit, selon le Tribunal, être écartée.

23      En second lieu, ayant rappelé la jurisprudence selon laquelle, dans un contexte tel que celui de l’affaire au principal, le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation que s’il a été établi qu’un tel dépassement a porté atteinte aux droits de la défense, le Tribunal a, aux points 127 à 185 de l’arrêt attaqué, examiné si Bolloré avait démontré une telle atteinte. À cet égard, le Tribunal a procédé en deux étapes ayant consisté à examiner l’imputation de l’infraction à Bolloré, dans un premier temps, à savoir aux points 130 à 155 dudit arrêt, en sa qualité de société mère de Copigraph et, dans un second temps, soit aux points 156 à 184 du même arrêt, en sa qualité d’auteur direct d’une telle infraction.

24      S’agissant, premièrement, de l’imputation de l’infraction à Bolloré en sa qualité de société mère de Copigraph, le Tribunal a rappelé que la première communication des griefs avait été notifiée tant à Bolloré, en sa qualité de société mère de Copigraph, qu’à cette dernière société. Le Tribunal a examiné l’argument de Bolloré selon lequel elle aurait été dans l’impossibilité de se défendre quant aux agissements de Copigraph dès la première procédure administrative, étant donné qu’elle avait déjà, à cette période, cédé Copigraph et que la Commission ne l’avait impliquée que tardivement. À cet égard, le Tribunal a constaté que la Commission n’avait aucune obligation d’impliquer Bolloré dans la phase d’instruction préliminaire qui n’a pas pour objectif de permettre aux entreprises de se défendre. Le Tribunal a jugé qu’il appartenait à Bolloré de veiller, lors de la vente de Copigraph, à conserver, en ses propres livres et archives ou par tout autre moyen, les éléments lui permettant de retracer l’activité de sa filiale afin de disposer des preuves nécessaires pour pouvoir se défendre. Ainsi, l’impossibilité de se défendre invoquée par Bolloré aurait résulté non pas de l’écoulement du temps entre la fin de l’infraction et la date de la notification de la seconde communication des griefs ou de fautes de la Commission, mais uniquement de circonstances imputables à cette société.

25      S’agissant, deuxièmement, de l’allégation de Bolloré selon laquelle, pour ce qui est de l’imputation de l’infraction à son égard en sa qualité d’auteur direct de celle-ci, elle n’a pas non plus été en mesure de se défendre en raison du laps de temps qui s’est écoulé entre la fin de l’infraction et la date de la notification de la seconde communication des griefs, le Tribunal a relevé que les éléments de la seconde communication des griefs sur lesquels la Commission s’est fondée, dans la décision litigieuse, pour retenir la responsabilité de Bolloré en sa qualité d’auteur direct de celle-ci tiennent exclusivement à la participation de salariés de cette dernière aux réunions du cartel et que ni la qualité de salariés de cette société des personnes en cause ni la réalité de leur participation aux réunions du cartel n’a été contestée par Bolloré dans son recours. Le Tribunal a souligné à cet égard que celle-ci avait été informée de ces éléments factuels dès la première communication des griefs, même si c’était seulement en sa qualité de société mère de Copigraph, et que, même si la décision 2004/337 a été annulée, Bolloré savait, dès l’adoption de cette décision en 2001, que la Commission lui reprochait l’infraction en cause également en sa qualité d’auteur direct de celle-ci. Par conséquent, aucun des éléments factuels qui fondent, dans la seconde communication des griefs, l’imputation de l’infraction à Bolloré en sa qualité d’auteur direct n’aurait constitué, en 2009, un élément nouveau au sujet duquel cette dernière aurait été privée de la possibilité de se défendre du fait de l’écoulement du temps entre la fin de l’infraction et la notification de cette communication des griefs.

26      Le Tribunal a donc rejeté le quatrième moyen invoqué par Bolloré à l’appui de son recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse et, par voie de conséquence, ayant également écarté l’ensemble des autres moyens invoqués au soutien de ce recours, a rejeté celui-ci dans son ensemble.

 Les conclusions des parties au pourvoi

27      Bolloré conclut à l’annulation de l’arrêt attaqué. À titre principal, elle demande à la Cour de statuer définitivement sur le recours pour annuler la décision litigieuse en tant qu’elle la concerne ou, en tout état de cause, pour réduire l’amende qui lui a été infligée. Bolloré conclut par ailleurs à la condamnation de la Commission aux dépens tant devant le Tribunal que devant la Cour. À titre subsidiaire, elle demande à la Cour de réserver les dépens et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue de nouveau sur son recours.

28      La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de Bolloré aux dépens.

 Sur le pourvoi

29      Bolloré invoque trois moyens au soutien de son pourvoi. Le premier moyen est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, le deuxième d’une violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable et le troisième d’une violation des principes de proportionnalité et d’équité en ce qui concerne le refus du Tribunal de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée par la Commission.

30      Il convient d’examiner en premier lieu le deuxième moyen, à l’exception de sa deuxième branche qui sera examinée avec le troisième moyen.

 Sur les première, troisième et quatrième branches du deuxième moyen, tiré d’une violation du principe du délai raisonnable

31      La première branche du deuxième moyen invoqué par Bolloré à l’appui de son pourvoi concerne l’appréciation du Tribunal relative à la question du respect du principe du délai raisonnable, alors que les troisième et quatrième branches de ce même moyen concernent la prétendue impossibilité, pour Bolloré, de faire valoir sa défense quant aux griefs relatifs, d’une part, à sa responsabilité en tant que société mère et, d’autre part, à son implication personnelle et directe dans l’infraction.

32      Il convient d’examiner en premier lieu les troisième et quatrième branches du deuxième moyen.

 Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée de l’impossibilité pour Bolloré de se défendre au regard du grief relatif à sa responsabilité en tant que société mère

–       Argumentation des parties

33      En premier lieu, Bolloré reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après «la Charte»), l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), les droits de la défense ainsi que les exigences de non-dénaturation et de motivation en jugeant qu’elle n’avait pas été dans l’impossibilité de se défendre en ce qui concerne le grief relatif à sa responsabilité en tant que société mère, au motif que ce grief serait resté inchangé entre les première et seconde communications des griefs.

34      À cet égard, Bolloré reproche au Tribunal de s’être fondé sur la jurisprudence relative à la notion d’«entreprise» en matière de concurrence, et non sur les termes de la première communication des griefs, pour constater, au point 132 de l’arrêt attaqué, que, en raison de l’unité économique formée par elle-même et Copigraph, les agissements reprochés à cette dernière étaient tout autant les siens propres, puisque cette société était mise en cause pour une infraction qu’elle était censée avoir commise elle-même. Toutefois, les seuls agissements dont Bolloré aurait eu à répondre dans le cadre de la procédure initiale auraient été ceux que ladite communication lui avait attribués sans équivoque, dès lors que ces griefs seraient censés avoir été notifiés non pas à une «entreprise» au sens de la jurisprudence en matière de concurrence, mais à une entité juridique. Ainsi, Bolloré se serait légitimement défendue à l’égard des seuls éléments de la communication des griefs sur lesquels était expressément fondée sa mise en cause en tant qu’entité juridique, relatifs au contrôle qu’elle exerçait sur son ex-filiale en sa qualité de société mère, et non pas à l’égard des éléments relatifs aux agissements reprochés à Copigraph qui lui auraient été imputés en tant qu’elle constituait une «entreprise» avec cette dernière.

35      En deuxième lieu, Bolloré fait valoir que la constatation du Tribunal selon laquelle elle était poursuivie non seulement au titre du contrôle qu’elle exerçait sur Copigraph, mais également comme étant elle-même «impliquée» en tant qu’auteur ou coauteur des agissements reprochés, est en contradiction avec les termes de la première communication des griefs, dans laquelle la Commission a précisé que, lorsque la société mère a été impliquée dans l’infraction, cette communication est adressée à celle-ci et non pas à sa filiale. En effet, ladite communication aurait été adressée tant à Bolloré qu’à Copigraph. Le Tribunal aurait donc dénaturé les termes de cette première communication des griefs et aurait motivé l’arrêt attaqué de manière insuffisante.

36      En troisième lieu, Bolloré reproche au Tribunal une violation des droits de la défense ainsi que des exigences de motivation et de non-dénaturation, en ce que son raisonnement repose, ainsi qu’il ressort notamment du point 184 de l’arrêt attaqué, sur le postulat erroné selon lequel le grief imputé à Bolloré en tant que société mère est resté identique dans les première et seconde communications des griefs.

37      En quatrième lieu, Bolloré fait valoir que le Tribunal a violé les droits de la défense et que l’arrêt attaqué comporte une motivation insuffisante en tant qu’il rejette ses arguments relatifs à l’impossibilité d’accéder à ses archives et de retrouver ses anciens salariés. Dans la mesure où le Tribunal aurait en substance considéré, aux points 137 et 152 du même arrêt, qu’il appartenait à Bolloré d’effectuer par anticipation les diligences requises pour disposer d’un accès aux archives transférées lors de la cession de sa filiale, une telle exigence matérialiserait des obligations de la partie défenderesse qui n’ont pas été reconnues par la jurisprudence de la Cour. Si une telle obligation pourrait éventuellement se comprendre pour les actions en cours à la date de la cession de la filiale et dont le vendeur avait connaissance, elle ne saurait valoir pour les actions qui lui étaient inconnues à cette date.

38      La Commission conteste l’intégralité de l’argumentation de Bolloré relative à la troisième branche du deuxième moyen du pourvoi.

–       Appréciation de la Cour

39      Par le premier argument invoqué au soutien de la troisième branche du deuxième moyen du pourvoi, Bolloré fait en substance valoir que le Tribunal a méconnu les termes de la première communication des griefs en estimant qu’elle avait à répondre non seulement aux éléments la visant en tant qu’entité juridique et tenant au contrôle qu’elle exerçait sur Copigraph, mais aussi aux agissements reprochés à cette dernière société.

40      Force est de constater que cet argument repose sur la prémisse selon laquelle les éléments contenus dans la première communication des griefs portant sur le contrôle exercé par Bolloré sur Copigraph formaient un grief distinct de celui relatif à la participation de cette dernière à l’infraction en cause.

41      Or, ainsi que la Cour l’a déjà constaté au point 40 de l’arrêt Papierfabrik August Koehler e.a./Commission (EU:C:2009:500), la Commission entendait, dans la première communication des griefs, imputer à Bolloré l’infraction reprochée en raison de sa responsabilité, en tant que société mère à 100 % de Copigraph à l’époque de l’infraction, pour la participation de cette dernière société à l’entente.

42      Il s’ensuit que le contrôle exercé par Bolloré sur Copigraph, en raison de la détention de 100 % du capital de celle-ci par sa société mère, contrôle qui ne saurait être à lui seul constitutif d’une infraction en matière d’ententes, n’était pas visé par la Commission en tant que grief distinct dans la première communication des griefs. L’intérêt pour cette institution de démontrer l’existence de ce contrôle résidait uniquement dans la possibilité d’imputer à la société mère les agissements de sa filiale.

43      C’est donc à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 133 de l’arrêt attaqué, lequel n’est d’ailleurs pas contesté par Bolloré, que les explications, contenues dans la première communication des griefs, relatives à l’imputabilité de l’infraction à la société mère, n’autorisaient pas cette dernière à considérer que la description des faits infractionnels ne la concernait pas.

44      Dès lors, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, au point 132 de l’arrêt attaqué, s’agissant de l’argument tiré de ce que Bolloré n’aurait pas eu à répondre, dans la première procédure administrative, des agissements de Copigraph, que, en raison de l’unité économique formée par ces sociétés, ces agissements étaient tout autant ceux de Bolloré, cette dernière étant mise en cause pour une infraction qu’elle était censée avoir commise elle-même. En effet, par cette constatation, le Tribunal confirmait l’imputabilité de l’infraction à Bolloré en raison de sa responsabilité, en tant que société détentrice de 100 % du capital de Copigraph, pour la participation de cette dernière à l’entente.

45      Il s’ensuit que le premier argument invoqué par Bolloré dans le cadre de la troisième branche du deuxième moyen n’est pas fondé.

46      Quant au deuxième argument soulevé dans le cadre de ladite branche, il procède d’une lecture erronée du point 132 de l’arrêt attaqué. En effet, il ressort clairement du libellé de ce point, et notamment des termes «en raison de l’unité économique formée par ces sociétés», que la constatation selon laquelle «les agissements reprochés à Copigraph étaient tout autant ceux de [Bolloré]», qui suit immédiatement lesdits termes, ne saurait être comprise comme se référant à l’implication de Bolloré en tant qu’auteur ou coauteur de ces agissements, mais signifie que les agissements de Copigraph ont été imputés à Bolloré en tant qu’elle était la société mère de celle-ci.

47      Ladite constatation n’est, dès lors, nullement en contradiction avec la première communication des griefs qui indique, ainsi que Bolloré le souligne elle-même dans son pourvoi, que, lorsqu’une filiale participe à une infraction dans laquelle la société mère n’est pas impliquée, la communication des griefs est adressée, comme en l’espèce, tant à la filiale qu’à la société mère.

48      S’agissant du troisième argument invoqué par Bolloré au soutien de la troisième branche du deuxième moyen, relatif à l’absence d’identité des griefs qui lui ont été imputés, en tant que société mère, dans les première et seconde communications des griefs, il convient de relever d’emblée que le point 184 de l’arrêt attaqué, sur lequel se fonde un tel argument, concerne uniquement l’imputation de l’infraction à Bolloré en sa qualité d’auteur direct de l’infraction et, dès lors, ce point est dénué de pertinence au regard dudit argument.

49      Pour autant que, ainsi que le relève la Commission, il ressort néanmoins implicitement de l’arrêt attaqué que les griefs sont identiques dans les deux communications des griefs, de sorte que Bolloré pouvait se défendre à l’égard de ceux-ci dès la première de ces communications, force est de constater que cette société se fonde, pour l’essentiel, sur l’argument qui a été rejeté aux points 40 à 45 du présent arrêt pour faire valoir une différence entre lesdites communications en ce qui concerne sa qualité de société mère. Il s’ensuit que ce troisième argument de Bolloré ne saurait prospérer.

50      Enfin, par son quatrième argument, Bolloré reproche au Tribunal d’avoir, aux points 137 et 152 de l’arrêt attaqué, fait état d’une obligation de diligence consistant à conserver, lors de la cession de Copigraph en 1998, les éléments figurant dans les documents et les archives de celle-ci qui lui auraient permis de se défendre au regard de sa responsabilité pour l’infraction en tant que société mère de Copigraph, et ce alors même que la première communication des griefs ne lui avait été adressée que postérieurement à cette cession.

51      Toutefois, un tel argument est inopérant dans le cadre de la troisième branche du deuxième moyen. En effet, par celle-ci, Bolloré cherche à démontrer que le laps de temps qui s’est écoulé entre les première et seconde communications des griefs a porté atteinte aux droits de la défense. Or, dans la mesure où, par ledit argument, cette société prétend que ces droits ont déjà été méconnus dès avant la réception de la première communication des griefs en raison de la vente de Copigraph, le laps de temps qui s’est écoulé postérieurement à celle-ci n’est pas susceptible d’avoir eu une incidence sur la capacité de Bolloré de se défendre en se fondant sur les éventuels éléments à décharge appartenant à Copigraph.

52      En tout état de cause, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 152 de l’arrêt attaqué, que faire droit à l’argument de Bolloré reviendrait à remettre en cause le droit même de la Commission de poursuivre une société mère après la cession de sa filiale. En effet, pour échapper à toute poursuite, il suffirait que, avant la réception d’une communication des griefs, la société mère vende sa filiale impliquée dans l’infraction sans conserver les documents et les archives afférents à cette dernière.

53      Il résulte de ce qui précède que la troisième branche du deuxième moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la quatrième branche du deuxième moyen, concernant l’impossibilité pour Bolloré de se défendre au regard du grief relatif à son implication personnelle et directe dans l’infraction

–       Argumentation des parties

54      En premier lieu, Bolloré reproche au Tribunal une violation des effets de l’annulation de la décision 2004/337, de l’autorité de la chose jugée qui s’attache à l’arrêt Papierfabrik August Koehler e.a./Commission (EU:C:2009:500), et des droits de la défense en ce que le Tribunal a jugé que le grief relatif à l’implication personnelle et directe de Bolloré ne constituait pas un élément nouveau pour elle. Selon cette dernière, la conséquence de l’annulation de la décision 2004/337 est que celle-ci est censée ne jamais avoir existé et que, partant, cette décision ne pourrait plus lui être opposable ni produire des effets juridiques à son égard.

55      Bolloré soutient par ailleurs que le Tribunal a violé les droits de la défense en considérant que la simple mention d’éléments factuels dans une communication des griefs et dans une décision annulée produit les mêmes effets que ceux d’une communication des griefs effectuée en bonne et due forme et que, partant, elle suffisait à l’informer des charges retenues contre elle. Ainsi, une entreprise ne saurait être valablement mise en cause que par l’envoi d’une communication des griefs satisfaisant aux exigences de clarté, de précision et d’exhaustivité énoncées par la jurisprudence.

56      En deuxième lieu, Bolloré reproche au Tribunal une application erronée de l’article 48, paragraphe 2, de son règlement de procédure en ce qu’il a, aux points 159 et 182 de l’arrêt attaqué, rejeté comme irrecevables certaines observations de Bolloré concernant des incertitudes relatives à la date d’entrée en fonction de M. B. dans cette société et sur le fait qu’elle n’avait pu obtenir des renseignements de ce dernier en 2009.

57      D’une part, les observations de Bolloré relatives à l’impossibilité d’interroger M. B. sur les conditions d’exercice de ses fonctions dans cette société, y compris au sujet des dates afférentes à celles-ci, constitueraient non pas un moyen nouveau, mais un simple argument invoqué à l’appui du moyen selon lequel les droits de la défense de Bolloré auraient été mis en cause par l’impossibilité de consulter des témoins. D’autre part, les arguments concernant les raisons pour lesquelles Bolloré était dans l’impossibilité d’interroger ses anciens salariés constitueraient l’un des fondements du moyen concernant l’atteinte aux droits de la défense et ils auraient été soulevés à de nombreuses reprises dans ses écritures devant la Commission, puis devant le Tribunal et, en conséquence, ils n’auraient pas dû être rejetés comme irrecevables.

58      En troisième lieu, Bolloré reproche au Tribunal une violation de l’exigence de motivation, des droits de la défense et du principe du délai raisonnable en ce qu’il a jugé à tort qu’elle n’avait pas suffisamment établi la raison pour laquelle l’impossibilité de consulter ses anciens salariés du fait de l’écoulement du temps avait affecté l’exercice desdits droits. Selon Bolloré, le seul fait qu’elle a été irrémédiablement privée, par l’écoulement du temps, de la possibilité de recueillir des témoignages pertinents, ne serait-ce que de manière partielle, pour l’exercice effectif des droits de la défense, était suffisant pour constater une atteinte à ces derniers.

59      D’une part, en écartant la preuve d’une atteinte aux droits de la défense au motif que l’impossibilité, pour Bolloré, de consulter ses anciens salariés «apparaît largement dénuée de pertinence», le Tribunal, au point 177 de l’arrêt attaqué, aurait commis une erreur de droit puisque le seul fait que les éléments concrets invoqués par cette société en ce qui concerne l’utilité du témoignage de ses anciens salariés n’ont été qu’en partie pertinents suffisait pour constater une atteinte aux droits de la défense de cette dernière. D’autre part, aucune des raisons sur lesquelles s’est appuyé le Tribunal pour écarter la pertinence ou la crédibilité de ces éléments ne serait fondée en droit, mais elles reviendraient à rendre la preuve d’une atteinte aux droits de la défense excessivement difficile ou impossible.

60      La Commission conteste les arguments invoqués par Bolloré dans le cadre de la quatrième branche du deuxième moyen du pourvoi.

–       Appréciation de la Cour

61      Par le premier argument invoqué au soutien de la quatrième branche du deuxième moyen du pourvoi, Bolloré reproche au Tribunal, en substance, d’avoir méconnu les effets de l’annulation de la décision 2004/337 en jugeant, notamment aux points 165, 166 et 184 de l’arrêt attaqué, que l’imputation à Bolloré de l’infraction en tant qu’auteur direct de celle-ci ne constituait pas un grief nouveau, invoqué pour la première fois dans la seconde communication des griefs, dès lors que cette imputation figurait déjà dans cette décision, laquelle avait été adoptée en 2001.

62      À cet égard, il convient de préciser que le Tribunal a, au point 165 de l’arrêt attaqué, constaté que, nonobstant l’annulation de la décision 2004/337, il n’en demeurait pas moins que, sur un plan factuel, Bolloré savait, dès la date de la notification de cette décision, que la Commission lui reprochait l’infraction également en sa qualité d’auteur direct de celle-ci.

63      Or, la Cour a déjà jugé que le fait d’être le destinataire d’une décision initiale et d’avoir la qualité de partie à une première procédure devant le Tribunal et la Cour doit conduire toute société diligente à conserver les documents nécessaires à sa défense (voir, en ce sens, arrêt ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, EU:C:2011:190, point 120).

64      Il convient de relever que la décision initiale concernée dans l’arrêt ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a. (EU:C:2011:190) avait été annulée par l’arrêt ARBED/Commission (C‑176/99 P, EU:C:2003:524). Il en découle qu’une telle annulation d’une décision de la Commission en matière de concurrence n’a pour effet d’effacer ni la circonstance factuelle selon laquelle la requérante avait été destinataire de cette décision ainsi qu’une partie à la procédure afférente à celle-ci devant les juridictions de l’Union ni les exigences de diligence résultant de cette circonstance.

65      En l’espèce, il n’est pas contesté que Bolloré a été tant un destinataire de la décision 2004/337, qui l’impliquait en sa qualité d’auteur direct de l’infraction, qu’une partie aux procédures introduites contre cette décision devant le Tribunal et la Cour. Dans ces circonstances, c’est à bon droit que le Tribunal a, au point 184 de l’arrêt attaqué, conclu à l’absence, dans la seconde communication des griefs, de tout nouveau grief relatif à l’implication de Bolloré en tant qu’auteur direct de l’infraction par rapport aux griefs formulés en 2001 dans ladite décision.

66      Il s’ensuit qu’aucune violation des droits de la défense de Bolloré ne saurait être constatée en raison du laps de temps écoulé entre la première et la seconde communication des griefs.

67      Par conséquent, il n’y a pas lieu d’accueillir l’argumentation de Bolloré à cet égard.

68      Le deuxième argument invoqué par Bolloré dans le cadre de la quatrième branche du deuxième moyen concerne l’application prétendument erronée par le Tribunal de l’article 48, paragraphe 2, de son règlement de procédure. Cette disposition prévoit que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

69      En premier lieu, le Tribunal a, au point 159 de l’arrêt attaqué, considéré comme irrecevable, au titre dudit article 48, paragraphe 2, la mention par Bolloré, lors de l’audience, d’une attestation de M. B. selon laquelle il n’aurait exercé ses fonctions dans cette société qu’à partir du mois de février de l’année 1995. Le Tribunal a en effet estimé que rien ne justifiait la présentation tardive de cette attestation.

70      Pour autant que Bolloré entend contester ces constatations du Tribunal, elle se limite à relever que la Commission a annexé ladite attestation à son mémoire en duplique dans la procédure de première instance. Elle ne précise donc pas la raison pour laquelle l’application par le Tribunal de l’article 48, paragraphe 2, de son règlement de procédure au point 159 de l’arrêt attaqué serait entachée d’une erreur de droit. L’argumentation de Bolloré dirigée contre ce point est par conséquent irrecevable.

71      En second lieu, Bolloré fait en substance valoir que les raisons tenant à l’impossibilité, à la suite de la seconde communication des griefs notifiée en 2009, d’interroger M. B. sur les conditions d’exercice de ses fonctions chez Bolloré, y compris les dates de celles-ci, constituent non pas un moyen nouveau, comme l’indique à tort le point 182 de l’arrêt attaqué, mais des arguments étayant son moyen tiré de la violation des droits de la défense en raison de son incapacité à se défendre au regard du grief relatif à son implication directe dans l’infraction.

72      Or, à supposer même que le Tribunal ait jugé à tort que les allégations de Bolloré lors de l’audience, relatives à l’impossibilité de prendre contact avec M. B., en raison de la maladie puis du décès de celui-ci, étaient irrecevables, les arguments de cette société à cet égard sont en tout état de cause inopérants. En effet, il découle des points 65 et 66 du présent arrêt que la connaissance par Bolloré, depuis l’année 2001, du grief relatif à son implication dans l’infraction en tant qu’auteur direct de celle-ci aurait dû la conduire, eu égard à son obligation de diligence, à conserver les documents et les témoignages susceptibles de servir à sa défense.

73      Ainsi que la Cour a déjà eu l’occasion de le souligner, dans de telles circonstances, il incombe à une société telle que Bolloré d’indiquer de manière circonstanciée à tout le moins les incidents, événements ou circonstances qui l’ont empêchée, pendant la période considérée, de se conformer à son obligation de diligence et qui ont entraîné la prétendue impossibilité de se défendre à un stade ultérieur (voir, en ce sens, arrêt ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., EU:C:2011:190, point 121).

74      Il s’ensuit que, dans les circonstances de l’espèce, les allégations jugées irrecevables par le Tribunal au point 182 de l’arrêt attaqué n’auraient pas été susceptibles d’étayer l’argumentation de Bolloré selon laquelle les droits de la défense ont été enfreints.

75      Par le troisième argument soulevé dans le cadre de la quatrième branche du deuxième moyen, Bolloré critique certaines constatations du Tribunal, en particulier celles figurant au point 177 de l’arrêt attaqué. À cet égard, ayant observé que la Commission a déduit l’implication de cette société dans l’entente, en sa qualité d’auteur direct, des mêmes éléments factuels que ceux fondant l’implication de Copigraph dans cette entente, le Tribunal a jugé, audit point 177, que «[l]a prétendue impossibilité pour [Bolloré] de contacter des témoins ou d’accéder à des archives, si ce n’est pour contester ces éléments factuels – que cette partie ne remet pourtant pas en cause devant le Tribunal, sinon tardivement et de manière non convaincante –, apparaît donc largement dénuée de pertinence».

76      S’agissant, d’une part, de l’argument de Bolloré selon lequel l’emploi de l’adverbe «largement» sous-entend que le Tribunal a estimé que l’impossibilité pour cette société de contacter lesdits témoins était en partie pertinente, de sorte que ce dernier a écarté à tort la preuve d’une atteinte aux droits de la défense, il convient de constater qu’un tel argument est inopérant. En effet, ainsi qu’il ressort des points 72 et 73 du présent arrêt, compte tenu de la connaissance par Bolloré, depuis 2001, du grief relatif à son implication dans l’infraction en tant qu’auteur direct de celle-ci, toute difficulté de se défendre au regard de ce grief à un stade ultérieur est, en l’absence de preuve contraire circonstanciée, imputable à son manque de diligence.

77      D’autre part, en contestant l’absence de crédibilité ou de pertinence constatée par le Tribunal au sujet de certains éléments invoqués par Bolloré pour démontrer l’utilité de recueillir les témoignages de ses anciens employés, cette dernière cherche en réalité à contester l’appréciation de ces éléments de fait opérée par le Tribunal.

78      Or, en vertu des articles 256, paragraphe 1, TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêt Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, EU:C:2010:488, point 49 et jurisprudence citée).

79      Il s’ensuit que, aucune dénaturation desdits éléments n’ayant été alléguée par Bolloré, il convient d’écarter les contestations de celle-ci, telles que mentionnées au point 77 du présent arrêt, comme irrecevables.

80      Par conséquent, il y a lieu de rejeter la quatrième branche du deuxième moyen comme étant en partie irrecevable, en partie non fondée et en partie inopérante.

 Sur la première branche du deuxième moyen, relative à la question du respect du principe du délai raisonnable

–       Argumentation des parties

81      Bolloré reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 41 de la Charte, l’article 6 de la CEDH ainsi que l’exigence de motivation en s’abstenant de prendre en compte la durée globale de la procédure antérieure à la seconde communication des griefs pour apprécier le caractère raisonnable de cette procédure. Selon Bolloré, le Tribunal se serait limité à une analyse individuelle de la durée de chacune des étapes de ladite procédure.

82      La Commission estime que l’appréciation du caractère raisonnable de la durée de la procédure n’aurait d’intérêt aux fins d’annulation de l’arrêt attaqué et de la décision litigieuse que si les troisième et quatrième branches du présent moyen étaient fondées. Elle considère, par ailleurs, que la première branche de ce moyen n’est pas fondée.

–       Appréciation de la Cour

83      Bolloré fait en substance valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit en concluant à l’absence de violation du principe du délai raisonnable s’agissant de la durée de quatorze ans qui s’est écoulée entre la fin de l’infraction et la date à laquelle la seconde communication des griefs a été notifiée à cette société.

84      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie de la Cour, en l’absence de tout indice selon lequel la durée excessive de la procédure devant la Commission et le Tribunal aurait eu une incidence sur la solution du litige, le non-respect d’un délai raisonnable ne saurait conduire à l’annulation de la décision litigieuse ou de l’arrêt attaqué (voir, en ce sens, arrêts Technische Unie/Commission, C‑113/04 P, EU:C:2006:593, point 48, ainsi que Gascogne Sack Deutschland/Commission, C‑40/12 P, EU:C:2013:768, point 81).

85      Il s’ensuit que, dès lors que les arguments de Bolloré relatifs à l’atteinte aux droits de la défense en raison du prétendu dépassement du délai raisonnable dans la procédure en cause, tels qu’avancés dans le cadre des troisième et quatrième branches du deuxième moyen, ont été rejetés, les arguments invoqués dans la première branche de ce moyen, même à les supposer fondés, ne sont pas susceptibles d’entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué.

86      Par conséquent, il convient d’écarter comme inopérante la première branche du deuxième moyen.

87      Au vu de ce qui précède, les première, troisième et quatrième branches du deuxième moyen du pourvoi doivent être rejetées.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

 Argumentation des parties

88      Par son premier moyen, Bolloré reproche au Tribunal d’avoir violé le principe d’égalité de traitement et l’exigence de motivation en jugeant que Stora et elle-même ne se trouvaient pas dans une situation équivalente. À cet égard, son implication en tant qu’auteur direct de l’infraction ne saurait être retenue comme un élément corroborant son influence déterminante sur Copigraph, dans la mesure où cette implication lui aurait été notifiée pour la première fois dans la seconde communication des griefs, de sorte qu’il lui aurait été impossible, pour les raisons exposées dans le deuxième moyen, de se défendre contre le grief relatif à une telle implication. En outre, Bolloré serait la seule entreprise dont la responsabilité en tant que société mère aurait été établie sur la base de critères d’imputabilité distincts de ceux qui étaient exposés dans la première communication des griefs.

89      Au demeurant, le Tribunal n’aurait soulevé le critère de l’implication en tant qu’auteur direct de l’infraction qu’afin de démontrer une intensité de contrôle accrue de Bolloré sur Copigraph par rapport au contrôle exercé par Stora sur sa filiale, une telle considération n’ayant pourtant aucune portée juridique s’agissant de sociétés mères qui détiennent toutes deux 100 % du capital de leur filiale respective .

90      S’agissant du raisonnement du Tribunal aux points 91 et 92 de l’arrêt attaqué, concernant la nécessité pour la Commission de sanctionner Bolloré en tant que société mère en raison de la cessation d’activité de Copigraph, ce qui rendait cette dernière peu susceptible de payer une amende, elle considère que ce raisonnement est irrecevable et non fondé et, au demeurant, entaché d’une contradiction de motifs.

91      Enfin, le Tribunal aurait, au point 93 de l’arrêt attaqué, fait une application erronée de la jurisprudence de la Cour selon laquelle une entreprise qui a, par son comportement, violé l’article 101 TFUE ne saurait échapper à toute sanction au motif qu’un autre opérateur économique ne se serait pas vu infliger d’amende, alors même que le juge de l’Union n’est pas saisi de la situation de ce dernier. En effet, de telles exonérations de sanction ne présenteraient aucun lien avec la question distincte de la méthode suivie par la Commission dans une même décision pour imputer aux sociétés mères une infraction effectivement établie dans le chef de leurs filiales respectives.

92      La Commission conclut au rejet de l’argumentation de Bolloré relative au premier moyen invoqué par cette dernière au soutien de son pourvoi.

 Appréciation de la Cour

93      Il convient de rappeler que, lorsque la Commission adopte, pour une entente et à l’intérieur du cadre fixé par la jurisprudence, une méthode spécifique pour la détermination de la responsabilité des sociétés mères visées pour les infractions de leurs filiales, il ne saurait être opéré, par l’application d’une autre méthode pour déterminer une telle responsabilité à l’égard de l’une ou de plusieurs de ces sociétés mères, une discrimination entre les sociétés mères dont les filiales ont participé à ladite entente (voir, en ce sens, arrêt Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a., C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, points 58 et 59).

94      Aux points 86 à 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que Bolloré et Stora n’étaient pas dans des situations comparables, en raison du fait que c’est seulement dans le cas de Bolloré que la Commission avait constaté que la société mère était responsable de l’infraction également en sa qualité d’auteur direct de celle-ci, de sorte que l’imputation de la responsabilité de cette infraction, en tant que société mère, à Bolloré et non pas à Stora, ne viole pas le principe d’égalité de traitement.

95      Une telle appréciation du Tribunal n’est entachée d’aucune erreur de droit. En effet, ainsi qu’il ressort du point 93 du présent arrêt, il est légitime pour la Commission d’adopter une méthode spécifique pour déterminer quelles sociétés mères seront tenues pour responsables du comportement de leurs filiales, à condition que cette méthode soit appliquée de manière uniforme. En l’occurrence, dans la mesure où la Commission a imputé une telle responsabilité uniquement à une société mère qui était également impliquée dans l’infraction en tant qu’auteur direct de celle-ci, cette imputation à Bolloré et non à Stora résultait du fait que ces deux sociétés mères étaient dans une situation différente, en tant que seule la première de celles-ci avait participé directement à l’infraction, et n’instaurait pas une inégalité de traitement de situations comparables.

96      En réalité, l’argumentation de Bolloré tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement vise l’appréciation opérée par le Tribunal en ce qui concerne l’absence de comparabilité de sa situation avec celle de Stora uniquement en raison de la formulation prétendument tardive, par la Commission, du grief relatif à l’implication de Bolloré dans l’infraction en tant qu’auteur direct de celle-ci, de sorte qu’il aurait été impossible pour cette société de se défendre au regard de ce grief. Or, cette argumentation a été rejetée dans le cadre de la quatrième branche du deuxième moyen du présent pourvoi. Dès lors, la participation directe de Bolloré à l’infraction et, partant, l’absence de comparabilité de la situation de cette société et de celle de Stora, telle que constatée par le Tribunal, ne sauraient être remises en cause.

97      Par ailleurs, l’argument de Bolloré tiré de l’absence de portée juridique de la constatation d’une différence de l’intensité du contrôle exercé par la société mère sur sa filiale, selon que la première société participe ou non à l’infraction également en tant qu’auteur direct de celle-ci, est dirigé contre le point 88 de l’arrêt attaqué. Ayant établi, aux points 86 et 87 de celui-ci, l’absence de comparabilité des situations de Bolloré et de Stora, le Tribunal a ajouté, à ce même point 88, que la circonstance que la première société était responsable de l’infraction également en sa qualité d’auteur direct ne pouvait que contribuer à renforcer la preuve de l’influence déterminante de cette société sur sa filiale durant la période infractionnelle. Les constatations faites à ces points 86 et 87 étant suffisantes pour justifier la conclusion, au point 89 dudit arrêt, relative à l’absence de violation du principe d’égalité de traitement, l’appréciation opérée par le Tribunal audit point 88 doit être considérée comme étant surabondante. Par conséquent, une éventuelle erreur de droit commise à ce point n’étant pas susceptible d’entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué, l’argument de Bolloré soulevé à cet égard est inopérant.

98      De même, s’agissant des griefs de Bolloré dirigés contre les points 91 à 93 de l’arrêt attaqué, il importe de relever que le Tribunal a estimé, au point 89 de celui-ci, que ses constatations faites aux points précédents du même arrêt établissaient suffisamment que les sociétés mères des groupes Stora et Bolloré n’étaient pas dans des situations comparables au cours de la période infractionnelle. Il en découle que la suite du raisonnement du Tribunal concernant cette question a été évoquée à titre surabondant, ainsi que cela ressort également du libellé desdits points 91 et 93.

99      Or, selon une jurisprudence constante, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de celle-ci et sont donc inopérants (voir, notamment, arrêt Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, EU:C:2011:189, point 211 et jurisprudence citée). Par conséquent, à supposer même que les arguments invoqués par Bolloré à l’encontre des points 91 à 93 de l’arrêt attaqué soient fondés, ils ne sont pas susceptibles d’entraîner l’annulation de ce dernier.

100    Il y a donc lieu d’écarter le premier moyen comme étant en partie non fondé et en partie inopérant.

 Sur la deuxième branche du deuxième moyen et le troisième moyen, relatifs au bien-fondé et au montant de l’amende infligée à Bolloré

 Argumentation des parties

101    Par son troisième moyen, Bolloré reproche au Tribunal d’avoir, au point 223 de l’arrêt attaqué, considéré comme non fondé son argument selon lequel le montant de l’amende aurait dû être réduit en considération de l’impossibilité de se défendre dans laquelle elle s’est trouvée en raison du laps de temps qui s’est écoulé entre la fin de l’infraction et la date à laquelle la seconde communication des griefs lui a été notifiée. En se fondant sur les points 47 à 49 de l’arrêt Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, EU:C:1998:608), elle considère que la durée excessive de la procédure aurait dû par elle-même donner lieu à une réduction de l’amende, notamment pour des raisons d’équité.

102    Par la deuxième branche de son deuxième moyen, Bolloré soutient que le Tribunal a violé les articles 41 de la Charte et 6 de la CEDH en jugeant, au point 117 de l’arrêt attaqué, que le respect du délai de prescription décennal fixé à l’article 25, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), excluait toute violation du principe du délai raisonnable lorsqu’une sanction est infligée en raison d’une infraction aux règles en matière de concurrence.

103    La Commission estime que l’argumentation de Bolloré n’est pas fondée.

 Appréciation de la Cour

104    Pour autant que Bolloré reproche au Tribunal de ne pas avoir réduit le montant de l’amende qui lui a été infligée en raison d’une violation des droits de la défense résultant de la durée prétendument excessive de la procédure, force est de rappeler que la Cour a, dans le présent arrêt, rejeté les arguments de cette société dirigés contre la conclusion du Tribunal, dans l’arrêt attaqué, selon laquelle le laps de temps qui s’est écoulé entre la fin de l’infraction et la date à laquelle la seconde communication des griefs lui a été notifiée ne saurait aboutir à une telle violation.

105    Pour autant que Bolloré considère que le Tribunal aurait dû réduire le montant de l’amende du seul fait de la longueur de la procédure, il importe de rappeler que, compte tenu de la nécessité de faire respecter les règles de concurrence du droit de l’Union, la Cour ne saurait permettre, au seul motif de la méconnaissance d’un délai de procédure raisonnable, à la partie requérante de remettre en question le bien-fondé ou le montant d’une amende alors que l’ensemble des moyens dirigés contre les constatations opérées par le Tribunal au sujet du montant de cette amende et des comportements qu’elle sanctionne ont été rejetés (voir, en ce sens, arrêt Gascogne Sack Deutschland/Commission, EU:C:2013:768, point 84 et jurisprudence citée).

106    Toutefois, une violation, par une juridiction de l’Union, de son obligation résultant de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte de juger les affaires qui lui sont soumises dans un délai raisonnable doit trouver sa sanction dans un recours en indemnité porté devant le Tribunal, un tel recours constituant un remède effectif (voir arrêt Gascogne Sack Deutschland/Commission, EU:C:2013:768, point 89).

107    Il en découle que, à supposer même que, contrairement aux constatations du Tribunal dans l’arrêt attaqué, une violation du droit d’être entendu dans un délai raisonnable puisse être établie en raison de la longueur de la procédure administrative et juridictionnelle à laquelle Bolloré a été soumise, une telle violation ne saurait, à elle seule, amener le Tribunal, ou la Cour dans le cadre d’un pourvoi, à réduire le montant de l’amende qui a été infligée à cette société au titre de l’infraction en cause.

108    Par conséquent, le troisième moyen ne saurait être accueilli.

109    En ce qui concerne, enfin, la deuxième branche du deuxième moyen, à supposer même que le Tribunal ait jugé à tort que le respect du délai de prescription visé à l’article 25, paragraphe 5, du règlement n° 1/2003 exclut toute violation du principe du délai raisonnable lorsqu’une sanction est infligée en raison d’une infraction aux règles en matière de concurrence, la constatation d’une telle violation ne serait pas susceptible, pour les raisons énoncées aux points 105 à 107 du présent arrêt, de conduire à une réduction du montant de l’amende infligée. Il s’ensuit que la deuxième branche du deuxième moyen doit être écartée comme étant inopérante et, partant, celui-ci ne saurait prospérer.

110    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’aucun des moyens invoqués par Bolloré à l’appui de son pourvoi ne saurait être accueilli et, partant, celui-ci doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

111    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

112    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de Bolloré et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Bolloré est condamnée aux dépens du présent pourvoi.

Signatures


* Langue de procédure: le français.

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