Affaire C-385/02
Commission des Communautés européennes
contre
République italienne
«Manquement d'État – Directive 93/37/CEE – Marchés publics de travaux – Procédure négociée sans publication préalable d'un avis de marché»
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Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 29 avril 2004 |
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Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 14 septembre 2004 |
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Sommaire de l'arrêt
- 1.
- Rapprochement des législations – Procédures de passation des marchés publics de travaux – Directive 93/37 – Dérogations aux règles communes – Interprétation stricte – Existence de circonstances exceptionnelles – Charge de la preuve
(Directive du Conseil 93/37, art. 7, § 3)
- 2.
- Rapprochement des législations – Procédures de passation des marchés publics de travaux – Directive 93/37 – Dérogations aux règles communes – Répétition d'ouvrages similaires confiés à l'entreprise titulaire d'un premier marché – Durée
(Directive du Conseil 93/37, art. 7, § 3, e))
- 3.
- Recours en manquement – Caractère objectif – Erreur excusable – Inadmissibilité
(Art. 226 CE)
- 1.
- Les dispositions de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 93/37, portant coordination des procédures de passation des
marchés publics de travaux, qui autorisent des dérogations aux règles visant à garantir l’effectivité des droits reconnus
par le traité dans le secteur des marchés publics de travaux, doivent faire l’objet d’une interprétation stricte et c’est
à celui qui entend s’en prévaloir qu’incombe la charge de la preuve que les circonstances exceptionnelles justifiant la dérogation
existent effectivement.
- Compte tenu du libellé de l’article 7, paragraphe 3, sous b), de ladite directive, en vertu duquel les pouvoirs adjudicateurs
peuvent passer leurs marchés de travaux en recourant à la procédure négociée, sans publication préalable d’un avis de marché,
«pour les travaux dont l’exécution, pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection des droits d’exclusivité,
ne peut être confiée qu’à un entrepreneur déterminé», un État membre doit prouver que des raisons techniques rendent nécessaire
l’attribution des marchés en cause à l’entrepreneur chargé du contrat initial.
- Certes, l’objectif d’assurer la continuité des travaux afférents à des projets complexes et visant à la sécurité hydraulique
d’une région est une considération technique dont il faut admettre l’importance. Cependant, la seule affirmation du caractère
complexe et délicat d’un ensemble de travaux ne suffit pas à démontrer qu’il ne peut être confié qu’à un même entrepreneur,
en particulier lorsque les travaux sont répartis en lots dont la réalisation doit s’étaler sur de nombreuses années.
(cf. points 19-21)
- 2.
- L’article 7, paragraphe 3, sous e), de la directive 93/37, portant coordination des procédures de passation des marchés publics
de travaux, n’autorise le recours à la procédure négociée, sans publication préalable d’un avis de marché, pour de nouveaux
travaux consistant dans la répétition d’ouvrages similaires confiés à l’entreprise titulaire d’un premier marché que "pendant
une période de trois ans suivant la conclusion du marché initial".
- À la lumière d’une comparaison des versions linguistiques de cette disposition, l’expression «conclusion du marché initial»
doit être comprise dans le sens de la conclusion du contrat initial et non pas dans celui de l’achèvement des travaux sur
lesquels porte le marché.
- Cette interprétation est confirmée par l’objet de la disposition en cause et par sa place dans le système de la directive
93/37.
- D’une part, s’agissant d’une disposition dérogatoire qui doit faire l’objet d’une interprétation stricte, il convient d’opter
pour l’interprétation qui restreint la période pendant laquelle joue la dérogation plutôt que pour celle qui l’allonge. Répond
à cet objectif l’interprétation qui retient comme point de départ la date de conclusion du contrat initial plutôt que la date,
nécessairement ultérieure, de l’achèvement des travaux qui en font l’objet.
- D’autre part, la sécurité juridique, souhaitable dans les procédures d’attribution de marchés publics, exige que la date de
départ de la période en question puisse être définie de manière certaine et objective. Or, si la date de conclusion d’un contrat
est certaine, de nombreuses dates peuvent être considérées comme représentant la conclusion des travaux et prêter à autant
d’incertitudes. En outre, si la date de conclusion du contrat est définitivement acquise au départ, la date de conclusion
des travaux, quelle qu’en soit la définition retenue, peut être modifiée par des facteurs accidentels ou volontaires tout
au long de l’exécution du marché.
(cf. points 33-34, 36-38)
- 3.
- La procédure en manquement d’État permet de déterminer la portée exacte des obligations des États membres, notamment en cas
de divergences d’interprétation, et repose sur la constatation objective du non-respect par un État membre des obligations
que lui imposent le traité ou un acte de droit dérivé. La notion d’erreur excusable ne saurait donc être invoquée par un État
membre pour justifier un manquement aux obligations qui lui incombent en vertu d’une directive.
(cf. point 40)