75/436/Euratom, CECA, CEE: Recommandation du Conseil, du 3 mars 1975, relative à l'imputation des coûts et à l'intervention des pouvoirs publics en matière d'environnement
Journal officiel n° L 194 du 25/07/1975 p. 0001 - 0004
édition spéciale espagnole: chapitre 15 tome 1 p. 0094
édition spéciale portugaise: chapitre 15 tome 1 p. 0094
RECOMMANDATION DU CONSEIL du 3 mars 1975 relative à l'imputation des coûts et à l'intervention des pouvoirs publics en matière d'environnement (75/436/Euratom, CECA, CEE) LE CONSEIL DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique, vu le projet de recommandation soumis par la Commission, vu l'avis de l'Assemblée (1), vu l'avis du Comité économique et social (2), considérant que, dans le cadre de la déclaration du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, du 22 novembre 1973, concernant un programme d'actions des Communautés européennes en matière d'environnement (3), le principe dit du «pollueur-payeur» a été retenu; considérant qu'il convient en effet d'imputer les coûts liés à la protection de l'environnement contre la pollution selon les mêmes principes dans toute la Communauté afin d'éviter la création, dans les échanges et la concurrence, de distorsions incompatibles avec le bon fonctionnement du marché commun et l'objectif d'expansion économique équilibrée poursuivi par la Communauté ainsi que de promouvoir les objectifs du programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement; considérant que, pour faciliter l'application dudit principe, il est nécessaire que les Communautés européennes et les États membres le précisent davantage en définissant ses modalités d'application, ainsi que certaines exceptions qui peuvent y être apportées, eu égard aux difficultés d'application de ce principe ou à l'interférence d'autres politiques avec la politique de protection de l'environnement, RECOMMANDE, au sens du traité CEE, aux États membres de se conformer, en ce qui concerne l'allocation des coûts et l'intervention des pouvoirs publics en matière de protection de l'environnement, aux principes et aux modalités d'application contenus dans la communication de la Commission annexée à la présente recommandation. Fait à Bruxelles, le 3 mars 1975. Par le Conseil Le président J. KEATING (1)JO nº C 76 du 3.7.1974, p. 31. (2)JO nº C 116 du 30.9.1974, p. 35. (3)JO nº C 112 du 20.12.1973, p. 1. ANNEXE Communication de la Commission au Conseil relative à l'imputation des coûts et à l'intervention des pouvoirs publics en matière d'environnement Principes et modalités d'application 1. Dans le cadre de la déclaration du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, du 22 novembre 1973, concernant un programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement, le principe dit du «pollueur-payeur» a été retenu. Le programme d'action prévoit que la Commission transmette au Conseil une proposition relative à l'application de ce principe, y compris les exceptions éventuelles. L'imputation aux pollueurs des coûts de la lutte contre la pollution qu'ils provoquent les incite à réduire cette dernière et à rechercher des produits ou des technologies moins polluants et permettra ainsi une utilisation plus rationnelle des ressources de l'environnement ; en outre, elle satisfait aux critères d'efficacité et d'équité. Afin d'éviter que des distorsions de concurrence n'affectent les échanges et la localisation des investissements, ce qui serait incompatible avec le bon fonctionnement du marché commun, il convient d'imputer les coûts liés à la protection de l'environnement contre la pollution selon les mêmes principes dans toute la Communauté. 2. Dans ce but, tant les Communautés européennes au niveau communautaire que les États membres dans leurs législations nationales en matière de protection de l'environnement doivent appliquer le principe du «pollueur-payeur», suivant lequel les personnes physiques ou morales, de droit privé ou public, responsables d'une pollution doivent payer les frais des mesures nécessaires pour éviter cette pollution ou la réduire afin de respecter les normes et les mesures équivalentes permettant d'atteindre les objectifs de qualité ou, lorsque de tels objectifs n'existent pas, afin de respecter les normes et les mesures équivalentes fixées par les pouvoirs publics (1). La protection de l'environnement ne doit donc en principe pas être assurée par des politiques qui reposeraient sur l'octroi d'aides et qui reporteraient sur la collectivité la charge de la lutte contre la pollution. 3. Le «pollueur» est celui qui dégrade directement ou indirectement l'environnement ou crée des conditions aboutissant à sa dégradation (2). Si la détermination du pollueur se révèle impossible ou trop difficile, et partant arbitraire, et dans le cas où la pollution de l'environnement est le résultat, soit du jeu simultané de plusieurs causes - pollution cumulative (3) - soit de la succession de plusieurs de ces causes - chaînes de pollueurs (4) - les coûts de la lutte antipollution devraient être imputés aux points - par exemple de la chaîne ou de la pollution cumulative - et par les moyens législatifs ou administratifs qui offriront la solution la meilleure aux plans administratif et économique et qui contribueront de la manière la plus efficace à l'amélioration de l'environnement. Dans le cas de pollutions en chaîne, l'imputation des coûts peut donc se faire au point où le nombre des opérateurs est le plus faible possible et le plus facile à contrôler, ou bien là où il est contribué le plus efficacement à l'amélioration de l'environnement, et où sont évitées les distorsions de concurrence. 4. Dans l'application du principe du «pollueur-payeur», les principaux instruments à la disposition des pouvoirs publics pour éviter la pollution sont les normes et les redevances. Il est possible de prévoir l'application conjuguée de celles-ci. a) Parmi les normes, on peut distinguer: i) les «normes de qualité de l'environnement» qui prescrivent, par la voie de moyens juridiques contraignants, les niveaux de pollutions ou nuisances à ne pas dépasser dans un milieu ou partie d'un milieu considéré; ii) les «normes de produits» (le mot «produit» étant utilisé ici dans son sens le plus large) qui: - fixent des limites en ce qui concerne les niveaux de polluants ou nuisances à ne pas dépasser dans la composition ou dans les émissions d'un produit, ou, - spécifient les propriétés ou les caractéristiques de conception d'un produit, ou - concernent les modalités d'utilisation (5) d'un produit. Là où c'est approprié, les normes de produits peuvent inclure des spécifications relatives aux méthodes d'essai, à l'emballage, au marquage et à l'étiquetage des produits; iii) les normes pour installations fixes, appelées parfois «normes de procédé», qui comprennent: a) les «normes d'émission» fixant les niveaux de polluants ou nuisances à ne pas dépasser dans les émissions provenant d'installations fixes; (1)Aussi longtemps qu'un tel niveau n'est pas arrêté par les pouvoirs publics, les mesures prises par ces derniers pour éviter la pollution doivent être également prises en charge par les pollueurs, en application du principe «pollueur-payeur». (2)La notion de pollueur, telle qu'elle est définie dans cette phrase, n'affecte pas les dispositions concernant la responsabilité civile. (3)Par exemple, dans le cas où, dans une agglomération, plusieurs pollueurs sont responsables simultanément de la pollution de l'air par SO2 tels que les ménages, les utilisateurs des véhicules à moteur et les installations industrielles. (4)Par exemple, en cas de pollution de l'environnement par les gaz d'échappement des véhicules à moteur, non seulement l'utilisateur du véhicule, mais aussi les fabricants de ce véhicule et du carburant sont à l'origine de la pollution atmosphérique. (5)De telles modalités d'utilisation ou spécifications peuvent également faire l'objet de «codes de pratiques». b) les «normes de conception ou de construction des installations fixes» qui déterminent les spécifications à observer dans la conception et la construction d'installations fixes en vue de protéger l'environnement; c) les «normes d'exploitation» qui déterminent les spécifications (1) à observer dans l'exploitation des intallations fixes, en vue de protéger l'environnement. b) La redevance a pour objet d'inciter le pollueur à prendre lui-même au moindre coût les mesures nécessaires pour réduire la pollution dont il est l'auteur (fonction d'incitation) et/ou de lui faire supporter sa quote-part des dépenses des mesures collectives, comme par exemple les dépenses d'épuration (fonction de redistribution). La redevance devra être prélevée suivant le degré de pollution émise, sur la base d'une procédure administrative adéquate. La redevance devrait être établie de manière à remplir à titre principal sa fonction d'incitation. Pour autant que la redevance a principalement une fonction de redistribution, elle devrait, dans le cadre des mesures citées plus haut être établie au moins de manière que, pour une région donnée et/ou pour un objectif de qualité donné, le montant global de la redevance soit égal à la somme des charges collectives d'élimination des nuisances. Le produit de la redevance peut être utilisé soit pour le financement des mesures prises par les pouvoirs publics, soit pour contribuer au financement d'installations réalisées par des pollueurs individuels dans la mesure où ceux-ci rendent un service particulier à la collectivité en réduisant, sur demande spécifique des pouvoirs publics, leurs pollutions ou nuisances au-delà du niveau fixé par les autorités compétentes. Dans ce dernier cas, la contribution accordée au financement ne doit compenser que les services ainsi rendus par ces pollueurs à la collectivité. En outre, le produit des redevances peut, dans le respect des articles 92 et suivants du traité CEE, être affecté au financement, par des pollueurs individuels, d'installations destinées à protéger l'environnement, compte tenu de l'objectif que représente l'abaissement énergique des nuisances existantes. Dans ce cas, ces mesures de financement devraient être intégrées dans un programme de financement pluriannuel élaboré par les autorités compétentes. Dans le cas où le produit des redevances dépasse le total des dépenses effectuées par les pouvoirs publics en application des deux alinéas précédents, l'excédent devrait être utilisé de préférence par chaque gouvernement dans le cadre de sa politique de l'environnement ; toutefois, cet excédent ne pourrait être utilisé pour la concession d'aides que dans les conditions prévues aux paragraphes 6 et 7 ci-dessous. Il convient que la Communauté s'efforce d'uniformiser autant que possible les méthodes de calcul utilisées par les États membres pour fixer les redevances. c) Afin d'éviter les distorsions de concurrence affectant les échanges et la localisation des investissements dans le Communauté, il sera certainement nécessaire de parvenir, sur le plan communautaire, à une harmonisation de plus en plus poussée des différents instruments lorsqu'ils sont appliqués dans des cas similaires. Tant que ce ne sera pas chose faite, la question de l'imputation des coûts de la lutte contre la pollution ne sera pas complètement résolue au plan communautaire. La présente communication de la Commission n'est donc qu'un premier pas dans l'application du principe du «pollueur-payeur». Ce premier pas devra être suivi aussi rapidement que possible par une harmonisation dans la Communauté des instruments d'application dudit principe lorsqu'ils sont appliqués dans des cas similaires, comme cela est d'ailleurs indiqué au paragraphe 8 troisième alinéa. 5. Les pollueurs seront tenus de supporter, selon les instruments utilisés, et sans préjudice des éventuelles indemnités dues sur la base du droit national ou international et/ou d'une réglementation à élaborer dans la Communauté: a) les dépenses correspondant aux mesures qu'ils prennent pour lutter contre la pollution (investissements en équipement et matériel antipollution, mise en oeuvre de procédés nouveaux, dépenses de fonctionnement d'installations antipollution, etc.), y compris dans le cas où ces mesures vont au-delà des normes imposées par les pouvoirs publics; b) les redevances. Les coûts à supporter par les pollueurs dans le cadre de l'application du principe du «pollueur-payeur» devraient englober toutes les dépenses nécessaires pour atteindre un objectif de qualité de l'environnement, y compris les frais administratifs directement liés à l'exécution des mesures antipollution. Les frais de construction, d'achat et de fonctionnement des installations de surveillance et de contrôle de la pollution réalisées par les pouvoirs publics peuvent, par contre, être à la charge de ces derniers. 6. Des exceptions à l'application du principe du «pollueur-payeur» pourraient être justifiées dans des cas limités: a) dans le cas où l'application immédiate de normes très contraignantes où l'imputation des redevances importantes sont susceptibles d'entraîner des perturbations économiques graves, l'intégration rapide du coût de la lutte antipollution dans les coûts de production risque de faire apparaître des coûts sociaux plus élevés. Dès lors, il pourrait s'avérer nécessaire: - d'accorder à certains pollueurs un délai limité pour adapter leurs produits ou leurs procédés de production aux normes nouvelles, et/ou - d'octroyer des aides limitées dans le temps et éventuellement de caractère dégressif. De telles mesures ne peuvent, en tout état de cause, s'appliquer qu'à des installations de production existantes (2) ainsi qu'à des produits existants; b) lorsque, dans le cadre d'autres politiques (par exemple, politique régionale, industrielle, sociale et politique agricole, politique de recherche et du développement scientifique), les investissements, qui ont un effet sur la protection de l'environnement, bénéficient d'aides destinées à résoudre certains problèmes structurels d'ordre industriel, agricole ou régional. Les aides envisagées sous a) et b) ne peuvent évidemment être accordées par les États membres que dans le respect des dispositions en matière d'aides des États prévues par les traités instituant les Communautés européennes, et notamment aux articles 92 et suivants du traité CEE. Dans l'application des articles 92 et suivants du traité CEE à ces aides, (1)De telles modalités d'utilisation ou spécifications peuvent également faire l'objet de «codes de pratiques». (2)L'élargissement ou le transfert d'installations existantes sont considérés comme créations d'installations nouvelles dans la mesure où l'élargissement ou le transfert en question impliquent une augmentation de la capacité de production. il sera tenu compte des nécessités auxquelles elles répondent en matière de protection de l'environnement. 7. Ne sont pas considérées comme contraires au principe du «pollueur-payeur» (1): a) les contributions financières qui seraient éventuellement accordées aux collectivités locales pour construire et gérer les installations publiques de protection de l'environnement, dont les dépenses ne pourraient pas, dans l'immédiat, être totalement couvertes par les redevances des pollueurs ayant recours à ces installations. Dans la mesure où, outre les déchets domestiques, ces installations traitent d'autres effluents, les services ainsi rendus aux entreprises doivent être facturés à celles-ci de façon à refléter les coûts réels de ces traitements; b) les financements destinés à compenser les charges particulièrement onéreuses qui seraient imposées à certains pollueurs pour obtenir un degré de pureté exceptionnelle de l'environnement; c) les contributions accordées afin de stimuler des efforts de recherche et de développement en vue de la mise en oeuvre de techniques, de procédés de fabrication ou de produits moins polluants. 8. Dans l'exécution de ses tâches dans le cadre de la politique d'environnement de la Communauté, la Commission se conformera en particulier aux définitions et aux modalités d'application du principe du «pollueur-payeur» précisées ci-dessus. La Commission demande au Conseil de prendre acte de ces définitions et modalités d'application et de recommander aux États membres de s'y conformer dans leurs législations et dans les actes administratifs qui impliquent l'imputation des coûts en matière d'environnement. La Commission soumettra ultérieurement au Conseil toutes propositions utiles dans le domaine en question, concernant notamment l'harmonisation des instruments de gestion du principe du «pollueur-payeur» et son application spécifique aux problèmes de pollution transfrontière. Chaque État membre applique le principe du «pollueur-payeur» à l'égard de toutes les formes de pollution à l'intérieur de son pays sans établir de différence selon que la pollution affecte ce pays ou un autre. (1)Cette liste peut être modifiée par le Conseil, sur proposition de la Commission.