ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

21 décembre 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Aides d’État — Aide mise à exécution par le Royaume de Belgique en faveur des sociétés coopératives financières du groupe ARCO — Systèmes de garantie des dépôts — Directive 94/19/CE — Champ d’application — Régime de garantie protégeant les participations des associés, personnes physiques, des sociétés coopératives actives dans le secteur financier — Exclusion — Articles 107 et 108 TFUE — Décision de la Commission déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur»

Dans l’affaire C‑76/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique), par décision du 5 février 2015, parvenue à la Cour le 19 février 2015, dans la procédure

Paul Vervloet,

Marc De Wit,

Edgard Timperman,

Godelieve Van Braekel,

Patrick Beckx,

Marc De Schryver,

Guy Deneire,

Steve Van Hoof,

Organisme voor de financiering van pensioenen Ogeo Fund,

Gemeente Schaarbeek,

Frédéric Ensch Famenne

contre

Ministerraad,

en présence de :

Arcofin CVBA,

Arcopar CVBA,

Arcoplus CVBA,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, Mme A. Prechal, M. A. Rosas (rapporteur), Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 avril 2016,

considérant les observations présentées :

pour MM. Vervloet, De Wit, Timperman, Mme Van Braekel, MM. Beckx, De Schryver, Deneire et Van Hoof, par Mes K. Geelen, E. Monard et W. Moonen, advocaten,

pour l’Organisme voor de financiering van pensioenen Ogeo Fund, par Mes J. Bourtembourg et F. Belleflamme, avocats,

pour Arcofin CVBA, Arcopar CVBA et Arcoplus CVBA, par Mes A. Verlinden, R. Martens et C. Maczkovics, advocaten,

pour le gouvernement belge, par M. J.-C. Halleux et Mme C. Pochet, en qualité d’agents, assistés de Mes S. Ryelandt et P. De Bock, advocaten,

pour la Commission européenne, par MM. P.-J. Loewenthal, L. Flynn et A. Nijenhuis, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 juin 2016,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte, d’une part, sur l’interprétation des articles 2 et 3 de la directive 94/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 1994, relative aux systèmes de garantie des dépôts (JO 1994, L 135, p. 5), telle que modifiée par la directive 2005/1/CE du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2005 (JO 2005, L 79, p. 9) (ci-après la « directive 94/19 »), et, d’autre part, sur la validité de la décision 2014/686/UE de la Commission, du 3 juillet 2014, concernant l’aide d’État SA.33927 (12/C) (ex 11/NN) mise à exécution par la Belgique – Régime de garantie protégeant les participations des associés personnes physiques de coopératives financières (JO 2014, L 284, p. 53, ci-après la « décision du 3 juillet 2014 »), ainsi que sur l’interprétation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant MM. Paul Vervloet, Marc De Wit, Edgard Timperman, Mme Godelieve Van Braekel, MM. Patrick Beckx, Marc De Schryver, Guy Deneire et Steve Van Hoof, l’Organisme voor de financiering van pensioenen Ogeo Fund (Organisme de financement des pensions Ogeo Fund), la Gemeente Schaarbeek (commune de Schaerbeek, Belgique) et M. Frédéric Ensch Famenne au Ministerraad (Conseil des ministres, Belgique) au sujet de la compatibilité du régime de garantie des parts des sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, instauré en vertu de l’article 36/24, paragraphe 1, premier alinéa, point 3, de la wet tot vaststelling van het organiek statuut van de Nationale Bank van België (loi fixant le statut organique de la Banque Nationale de Belgique), du 22 février 1998 (Belgisch Staatsblad,28 mars 1998, p. 9377), telle que modifiée par le koninklijk besluit betreffende de evolutie van de toezichtsarchitectuur voor de financiële sector (arrêté royal mettant en œuvre l’évolution des structures de contrôle du secteur financier), du 3 mars 2011 (Belgisch Staatsblad,9 mars 2011, p. 15623) (ci-après la « loi du 22 février 1998 »), avec le principe d’égalité consacré par la Constitution belge.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 94/19

3

La directive 94/19 a été abrogée par la directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relative aux systèmes de garantie des dépôts (JO 2014, L 173, p. 149). Cette abrogation ayant pris effet à compter du 4 juillet 2015, la directive 94/19 demeure applicable à l’affaire au principal.

4

Les premier, huitième, seizième et dix-septième considérants de la directive 94/19 énonçaient :

« considérant que, conformément aux objectifs du traité [CE], il convient de promouvoir un développement harmonieux des activités des établissements de crédit dans l’ensemble de la Communauté en supprimant toute restriction à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services, tout en renforçant la stabilité du système bancaire et la protection des épargnants ;

[...]

considérant que l’harmonisation doit se limiter aux principaux éléments des systèmes de garantie des dépôts et qu’elle doit assurer, dans un délai très bref, un versement au titre de la garantie calculé en fonction d’un niveau minimal harmonisé ;

[...]

considérant, d’une part, que le niveau de garantie minimal prévu par la présente directive ne devrait pas laisser sans protection une proportion trop importante des dépôts, dans l’intérêt tant de la protection des consommateurs que de la stabilité du système financier ; que, d’autre part, il ne conviendrait pas d’imposer dans toute la Communauté un niveau de protection qui, dans certains cas, pourrait avoir pour effet d’inciter à une mauvaise gestion des établissements de crédit ; qu’il convient de tenir compte du coût du financement des systèmes de garantie ; qu’il paraît raisonnable de fixer le niveau de garantie minimal harmonisé à 20000 [euros] ; que des dispositions transitoires limitées pourraient être nécessaires pour permettre aux systèmes de garantie de respecter ce chiffre ;

considérant que certains États membres offrent aux déposants une couverture de leurs dépôts qui est plus élevée que le niveau minimal harmonisé de garantie prévu par la directive ; qu’il n’apparaît pas opportun d’exiger que ces systèmes, dont certains n’ont été instaurés que récemment en application de la recommandation 87/63/CEE [de la Commission, du 22 décembre 1986, relative à l’instauration, dans la Communauté, de systèmes de garantie des dépôts (JO 1987, L 33, p. 16)], soient modifiés sur ce point ».

5

L’article 1er, points 1 et 4, de cette directive disposait :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1)

“dépôt” : tout solde créditeur résultant de fonds laissés en compte ou de situations transitoires provenant d’opérations bancaires normales, que l’établissement de crédit doit restituer conformément aux conditions légales et contractuelles applicables, ainsi que toute créance représentée par un titre de créance émis par l’établissement de crédit.

Les parts de “building societies” au Royaume-Uni et en Irlande, sauf celles constituant un élément de capital qui sont couvertes par l’article 2, sont considérées comme des dépôts.

Les obligations qui répondent aux critères énoncés à l’article 22, paragraphe 4, de la directive 85/611/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) [(JO 1985, L 375, p. 3)], ne sont pas considérées comme des dépôts.

[...]

[...]

4)

“établissement de crédit” : une entreprise dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte ».

6

Aux termes de l’article 2 de la directive 94/19 :

« Sont exclus de tout remboursement par les systèmes de garantie :

[...]

tous les instruments qui entreraient dans la définition des “fonds propres” telle qu’elle figure à l’article 2 de la directive 89/299/CEE du Conseil, du 17 avril 1989, concernant les fonds propres des établissements de crédit [(JO 1989, L 124, p. 16)],

[...] »

7

L’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 94/19 disposait :

« Chaque État membre veille à l’instauration et à la reconnaissance officielle sur son territoire d’un ou de plusieurs systèmes de garantie des dépôts. À l’exception des cas envisagés au deuxième alinéa et au paragraphe 4, aucun établissement de crédit agréé dans cet État membre au titre de l’article 3 de la [première directive 77/780/CEE du Conseil, du 12 décembre 1977, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice (JO 1977, L 322, p. 30)], ne peut accepter de dépôts s’il n’est pas membre de l’un de ces systèmes. »

Les directives 77/780 et 89/299

8

Les directives 77/780 et 89/299 ont été abrogées et remplacées par la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice (JO 2000, L 126, p. 1), qui a été abrogée et remplacée par la directive 2006/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice (JO 2006, L 177, p. 1), elle-même abrogée et remplacée, avec effet au 1er janvier 2014, par la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338).

9

L’article 1er de la directive 77/780 était libellé comme suit :

« Au sens de la présente directive, on entend par :

établissement de crédit : une entreprise dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte,

[...] »

10

L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 89/299 prévoyait :

« Aux fins de la présente directive, on entend par établissements de crédit les établissements auxquels s’applique la directive [77/780 [...], telle que modifiée en dernier lieu par la directive 86/524/CEE du Conseil, du 27 octobre 1986 (JO 1986, L 309, p. 15)]. »

11

L’article 2 de la directive 89/299 disposait :

« 1.   Sous réserve des limites fixées à l’article 6, les fonds propres non consolidés des établissements de crédit se composent des éléments suivants :

1)

le capital, au sens de l’article 22 de la directive 86/635/CEE [du Conseil, du 8 décembre 1986, concernant les comptes annuels et les comptes consolidés des banques et autres établissements financiers (JO 1986, L 372, p. 1)], dans la mesure où il a été versé, auquel est ajouté le compte des primes d’émission, à l’exclusion toutefois des actions préférentielles cumulatives ;

[...] »

La directive 2006/48

12

L’article 4 de la directive 2006/48, telle que modifiée, avec effet au 7 décembre 2009, par la directive 2009/111/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009 (JO 2009, L 302, p. 97) (ci-après la « directive 2006/48 »), énonçait :

« Au sens de la présente directive, on entend par :

1)

“établissement de crédit” : une entreprise dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte ;

[...] »

13

L’article 57, premier alinéa, de la directive 2006/48 prévoyait :

« Sous réserve des limites fixées à l’article 66, les fonds propres non consolidés des établissements de crédit se composent des éléments suivants :

a)

le capital, au sens de l’article 22 de la directive 86/635/CEE, pour autant qu’il ait été versé, augmenté du compte des primes d’émission y afférent, qu’il absorbe intégralement les pertes en continuité d’exploitation et qu’il occupe un rang inférieur par rapport à toutes les autres créances en cas de faillite ou de liquidation ;

[...] »

La directive 86/635

14

L’article 22 de la directive 86/635, intitulé « Passif : poste 9 – Capital souscrit », est rédigé comme suit :

« Ce poste comporte, quelle que soit leur dénomination précise dans le cas d’espèce, tous les montants qui doivent être considérés, en fonction de la forme juridique de l’établissement concerné, comme des parts souscrites par les associés ou d’autres apporteurs dans son capital propre conformément à la législation nationale. »

Le droit belge

15

L’article 36/24, paragraphe 1, de la loi du 22 février 1998 dispose :

« Le Roi peut, sur avis de la Banque, en cas de crise soudaine sur les marchés financiers ou en cas de menace grave de crise systémique, aux fins d’en limiter l’ampleur ou les effets :

arrêter des règlements complémentaires ou dérogatoires à la loi du 9 juillet 1975, relative au contrôle des entreprises d’assurances, à la loi du 2 janvier 1991, relative au marché des titres de la dette publique et aux instruments de la politique monétaire, à la loi du 22 mars 1993, relative au statut et au contrôle des établissements de crédit, à la loi du 6 avril 1995, relative au statut et au contrôle des entreprises d’investissement, à la loi du 2 août 2002, relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, au Livre VIII, Titre III, chapitre II, section III, du code des sociétés, et à l’arrêté royal no 62, relatif au dépôt d’instruments financiers fongibles et à la liquidation d’opérations sur ces instruments, coordonné par l’arrêté royal du 27 janvier 2004 ;

mettre en place un système d’octroi de la garantie de l’État pour des engagements souscrits par les institutions contrôlées en vertu des lois précitées qu’Il détermine, ou accorder la garantie de l’État à certaines créances détenues par ces institutions ;

mettre en place, le cas échéant par le biais de règlements pris conformément au 1°, un système d’octroi de la garantie de l’État pour le remboursement aux associés personnes physiques de leur part du capital de sociétés coopératives, agréées conformément à l’arrêté royal du 8 janvier 1962, fixant les conditions d’agréation des groupements nationaux de sociétés coopératives et des sociétés coopératives, qui sont des institutions contrôlées en vertu des lois précitées ou dont au moins la moitié du patrimoine est investi dans de telles institutions ;

[...] »

16

L’article 3 du koninklijk besluit tot uitvoering van de wet van 15 oktober 2008 houdende maatregelen ter bevordering van de financiële stabiliteit en inzonderheid tot instelling van een staatsgarantie voor verstrekte kredieten en andere verrichtingen in het kader van de financiële stabiliteit, voor wat betreft de bescherming van de deposito ’s, de levensverzekeringen en het kapitaal van erkende coöperatieve vennootschappen, en tot wijziging van de wet van 2 augustus 2002 betreffende het toezicht op de financiële sector en de financiële diensten (arrêté royal portant exécution de la loi du 15 octobre 2008 portant des mesures visant à promouvoir la stabilité financière et instituant en particulier une garantie de l’État relative aux crédits octroyés et autres opérations effectuées dans le cadre de la stabilité financière, en ce qui concerne la protection des dépôts, des assurances sur la vie et du capital de sociétés coopératives agréés, et modifiant la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers), du 14 novembre 2008 (Belgisch Staatsblad, 17 novembre 2008, p. 61285), tel que modifié par le koninklijk besluit (arrêté royal) du 10 octobre 2011 (Belgisch Staatsblad, 12 octobre 2011, p. 62641) (ci-après l’« arrêté royal du 14 novembre 2008 »), prévoit :

« Il est créé au sein de la Caisse des Dépôts et Consignations, un fonds dénommé “Fonds spécial de protection des dépôts, des assurances sur la vie et du capital de sociétés coopératives agréées”.

Le Roi règle l’organisation et le fonctionnement du fonds visé à l’alinéa 1er. »

17

L’article 4, paragraphe 3, de l’arrêté royal du 14 novembre 2008 énonce :

« Peuvent y participer, à leur demande, les sociétés coopératives, agréées conformément à l’arrêté royal du 8 janvier 1962 fixant les conditions d’agréation des groupements nationaux de sociétés coopératives et des sociétés coopératives, qui sont des institutions contrôlées visées à l’article 36/24, § 2, de la loi du 22 février 1998 ou dont au moins la moitié du patrimoine est investi directement ou indirectement dans de telles institutions.

La demande visée à l’alinéa premier doit être adressée par lettre recommandée au ministre des Finances.

[...] »

18

L’article 1er, paragraphe 1, du koninklijk besluit tot toekenning van een garantie tot bescherming van het kapitaal van erkende coöperatieve vennootschapen (arrêté royal octroyant une garantie afin de protéger le capital de sociétés coopératives agréées), du 7 novembre 2011 (Belgisch Staatsblad, 18 novembre 2011, p. 68640, ci-après l’« arrêté royal du 7 novembre 2011 »), prévoit :

« En application de l’article 4, § 3, de l’arrêté royal du 14 novembre 2008, la demande de protection du capital des sociétés coopératives agréées suivantes est acceptée :

[Arcopar]

[Arcofin]

[Arcoplus].

[...] »

19

En vertu de l’article 3 de l’arrêté royal du 7 novembre 2011, ce dernier est entré en vigueur le 14 octobre 2011.

La décision du 3 juillet 2014

20

Au considérant 1 de la décision du 3 juillet 2014, la Commission européenne expose que, par lettre du 7 novembre 2011, « l’État belge a notifié à la Commission qu’il avait institué un régime de garantie [...] protégeant les participations des associés personnes physiques de sociétés coopératives agréées, soit soumises à une surveillance prudentielle de la Banque nationale de Belgique [...] soit ayant investi au moins la moitié de leurs avoirs dans un établissement soumis à une telle surveillance (les “coopératives financières”) ».

21

Le considérant 8 de cette décision fait partie de l’introduction de la description, faite par la Commission, de la « Genèse de la mesure notifiée ». Il énonce :

« Le 30 septembre 2008, Dexia a annoncé une augmentation de capital de 6,4 milliards d’[euros], souscrite par ses actionnaires existants (parmi lesquels ARCO) et par les autorités belges, françaises et luxembourgeoises. Devant la commission spéciale du Parlement belge chargée d’examiner les circonstances du démantèlement de Dexia [...], le ministre belge des finances compétent à l’époque de l’octroi de l’aide d’État à Dexia en 2008 a expliqué que, à la suite des demandes d’intervention en faveur d’ARCO, il y avait eu dès septembre/octobre 2008 une décision politique de mettre en place le régime de garantie des coopératives. Il a expliqué que pour parvenir à un accord sur Dexia, le gouvernement avait en même temps dû prendre une décision [notamment] sur ARCO [...] Il ressort également de déclarations de l’actuel ministre belge des finances que l’engagement de 2008 a été pris afin qu’ARCO consente à participer au sauvetage de Dexia [...] »

22

Au considérant 9 de ladite décision, la Commission expose que, le 10 octobre 2008, le gouvernement belge a annoncé, par communiqué de presse des services du ministre des Finances, qu’il avait pris notamment la décision d’établir un régime analogue au régime existant de garantie des dépôts pour d’autres produits financiers, en particulier, les parts de coopératives financières.

23

Le considérant 10 de la même décision est rédigé comme suit :

« Le 21 janvier 2009, le Premier ministre et le ministre des Finances ont confirmé, dans un communiqué de presse conjoint, l’engagement pris par le gouvernement précédent [...] d’introduire un régime de garantie des coopératives [...] Le même jour, ARCO publiait ce communiqué de presse du gouvernement belge sur son site Internet. Par contraste, d’autres coopératives financières se sont distanciées de l’analogie entre les dépôts et les parts de coopératives financières qui sous-tend le régime de garantie des coopératives [...] »

24

Aux considérants 11 à 15 de la décision du 3 juillet 2014, la Commission décrit le processus législatif qui a mené à l’adoption de la mesure notifiée de la manière suivante :

« (11)

Le 15 octobre 2008, le Parlement belge a voté une loi [...] permettant au gouvernement belge de prendre des mesures visant à promouvoir la stabilité financière. Le 14 novembre 2008 [...], la Belgique a publié un arrêté royal faisant passer le montant protégé par le régime de garantie des dépôts pour les établissements de crédit à 100000 [euros], tout en introduisant un régime de garantie semblable pour les produits d’assurance-vie relevant de la “branche 21” [...]

(12)

Le 14 avril 2009 [...], la Belgique a modifié la loi du 15 octobre 2008, autorisant le gouvernement à mettre en place, par arrêté royal, un système de garantie du capital libéré pour le remboursement aux associés personnes physiques de leur part du capital de sociétés coopératives financières. Par arrêté royal du 10 octobre 2011 [...], la Belgique a modifié l’arrêté royal du 14 novembre 2008. L’arrêté royal du 10 octobre 2011 contient des précisions techniques supplémentaires sur le régime de garantie des coopératives.

[...]

(14)

Le 13 octobre 2011, les trois sociétés coopératives d’ARCO [...] ont formulé une demande d’adhésion au régime de garantie des coopératives. Le gouvernement belge a accepté cette demande par arrêté royal du 7 novembre 2011 [...]

[...] »

25

Aux considérants 80 et suivants de cette décision, la Commission expose son appréciation de la mesure notifiée.

26

Quant à la détermination du bénéficiaire de cette mesure, la Commission relève, au considérant 81 de ladite décision, qu’il existe une grande différence entre le groupe ARCO, englobant les sociétés coopératives agrées Arcopar, Arcoplus et Arcofin (ci-après, ensemble, les « sociétés du groupe ARCO »), qui est devenu depuis l’année 2001 le principal actionnaire de Dexia, et les autres coopératives financières potentiellement admissibles au bénéfice du régime de garantie des coopératives.

27

Les considérants 82 à 84 de la décision du 3 juillet 2014 énoncent :

« (82)

Il ressort clairement de la description des faits [...] que le régime de garantie des coopératives était dès le départ taillé sur mesure pour ARCO, qui avait connu des difficultés en raison de ses investissements dans Dexia. ARCO a en fin de compte été la seule coopérative financière à demander à participer à la mesure.

(83)

En ce qui concerne les autres coopératives financières, la Commission note que l’adhésion au régime de garantie des coopératives est facultative, que le Conseil des ministres pouvait décider d’admettre ou non une société coopérative au régime de garantie des coopératives et, le cas échéant, à quelles conditions, qu’aucune des autres coopératives financières n’a demandé à rejoindre le régime et que certaines s’en sont activement distanciées. La Commission constate également qu’aucune autre coopérative financière n’a eu de problèmes liés à ses investissements de la même ampleur que ceux rencontrés par ARCO avec Dexia.

(84)

En conséquence, la Commission conclut que le seul véritable bénéficiaire du régime de garantie des coopératives exerçant des activités économiques est ARCO. »

28

Au considérant 90 de cette décision, la Commission conclut que l’annonce et la mise en œuvre du régime de garantie des parts des sociétés coopératives doivent être considérées comme une seule et même mesure, pour les raisons exposées aux considérants 85 à 89 de ladite décision, de la manière suivante :

« (85)

La Commission note que la mesure a été décidée et annoncée par le gouvernement le 10 octobre 2008 [...] Il est clair que le gouvernement belge a pris la décision de faire bénéficier ARCO d’un régime de garantie des coopératives au moment où la mesure en faveur de Dexia était élaborée en 2008 [...] Un autre communiqué de presse du 21 janvier 2009 a donné plus de détails sur la mesure. Ce n’est que par la suite que la transposition juridique de l’engagement du gouvernement a débuté.

(86)

La Commission note que la formulation et les termes utilisés (“décidé”, “l’engagement”) dans les communiqués de presse du 10 octobre 2008 et du 21 janvier 2009 témoignent sans ambiguïté de l’engagement pris et permettent légitimement de penser que la mesure allait être mise en œuvre.

(87)

Les communiqués de presse ont également été envoyés par les canaux officiels : le communiqué du 10 octobre 2008 a été envoyé par les services du ministre des Finances, tandis que celui du 10 janvier 2009 a été envoyé au nom du Premier ministre et du ministre des Finances. Le caractère répétitif de ces communications à la presse a renforcé leur message sous-jacent.

(88)

La Commission note qu’il était déjà clair au moment du communiqué de presse du 10 octobre 2008 que le régime de garantie des coopératives constituerait une extension du régime de garantie des dépôts. Le communiqué de presse du 21 janvier 2009 contenait, lui, d’autres précisions d’ordre technique. Dès sa publication, ARCO l’a publié sur son site web, dans le but évident de rassurer ses associés personnes physiques. En outre, la Commission constate la cohérence de la mesure au fil du temps puisqu’elle n’a pas sensiblement changé entre son annonce initiale le 10 octobre 2008 et la promulgation de l’arrêté royal final.

(89)

Dans son arrêt [du 19 mars 2013, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission e.a. et Commission/France e.a., (C‑399/10 P et C‑401/10 P, EU:C:2013:175)], la Cour de justice a affirmé que l’annonce d’une mesure et sa mise en œuvre effective pouvaient être considérées comme une seule intervention si cela se justifiait au regard de leur chronologie et de leur finalité, ainsi que de la situation de l’entreprise au moment d’une telle intervention. De même, en ce qui concerne la présente mesure, la Belgique a décidé et annoncé, le 10 octobre 2008, une mesure qui a été mise en œuvre plus tard, avec le même objectif à l’égard du bénéficiaire initial visé. En outre, dans ses propres décisions, la Commission a considéré l’annonce et la mise en œuvre comme une seule mesure et estimé que la mesure créait un avantage dès la date de l’annonce [...] Enfin, le ministre belge des finances en fonction en mai 2014 a qualifié la mesure en cause d’engagement pris en 2008 [...] »

29

L’examen de l’existence d’une aide, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, est exposé aux considérants 91 à 110 de la décision du 3 juillet 2014. Le considérant 99 de celle-ci, relatif à la condition d’engagement de ressources d’État, se lit comme suit :

« (99)

Pour ce qui est de l’imputabilité de la mesure à la Belgique, il est clair que le régime de garantie des coopératives ne saurait être considéré comme une transposition de la directive [94/19]. Celle-ci exige uniquement des États membres qu’ils mettent en place un régime de garantie des dépôts pour les dépôts des établissements de crédit et son article 2 dispose explicitement que tous les instruments qui entreraient dans la définition des fonds propres des établissements de crédit sont exclus de tout remboursement par les systèmes de garantie des dépôts. Si un État membre décide d’établir d’autres régimes de remboursement garantissant d’autres produits financiers, une telle décision ne découle pas du droit de l’Union, mais constitue une initiative de l’État membre lui-même [...] »

30

Les considérants 101 à 107 de cette décision, relatifs à l’existence d’un avantage sélectif, énoncent :

« (101)

La mesure est également clairement sélective. En premier lieu, elle ne s’applique qu’aux détenteurs de parts d’une coopérative financière et non aux détenteurs de produits d’investissement émis par des entreprises concurrentes. Les acteurs financiers qui proposaient des fonds sur le marché des obligations défensives ou sur le marché monétaire ou encore des fonds communs de placement à capital garanti ne pouvaient donc offrir à leur clientèle une garantie similaire. La Belgique affirme que les parts détenues par des particuliers des coopératives financières sont par essence assimilables à des dépôts [...] Plusieurs éléments avancés par la Belgique renvoient cependant aux coopératives en général et non aux coopératives financières. De plus, la description des parts de coopératives financières fournie par la Belgique ne contient aucune référence à des informations pertinentes telles que les risques liés à l’investissement dans ces instruments [...], risques que ne comportent pas les dépôts.

(102)

La nature sélective de la mesure apparaît également lorsque l’on compare le traitement réservé aux coopératives financières avec celui réservé à d’autres coopératives agréées non financières. La Belgique se fonde sur l’arrêt [du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a. (C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550),] pour plaider en faveur du traitement spécial dont bénéficient les associés personnes physiques des coopératives financières [...]

(103)

La Commission considère que l’argumentaire de la Belgique ne peut pas être accepté parce que la nature de l’avantage conféré par la mesure est qualitativement différente de celle qui a été examinée par la Cour dans l’affaire Paint Graphos [e.a. (C‑78/08 à C‑80/08)]. La mesure mise en place par la Belgique implique l’octroi d’un avantage et non pas une exemption de taxe ou une exemption du paiement d’une charge. Par conséquent, l’analyse en trois étapes retenue par la Cour pour évaluer si un avantage fiscal ou une exemption de taxe est sélective ne peut pas s’appliquer à cette mesure.

(104)

En tout état de cause, quand bien même la jurisprudence Paint Graphos [e.a. (C‑78/08 à C‑80/08)] serait applicable à la mesure en cause, les éléments spécifiques de celle-ci sont tels qu’elle resterait de nature sélective.

(105)

Premièrement, la Commission note que l’affaire Paint Graphos [e.a. (C‑78/08 à C‑80/08)] fait référence à toutes les coopératives de producteurs et de travailleurs et non à un sous-secteur relativement restreint comme celui des coopératives financières. Si, comme l’affirme la Belgique, il convient de réserver un traitement spécial aux “véritables” coopératives, ce traitement spécial devrait s’appliquer à toutes les coopératives agréées. Le simple fait que la mesure soit restreinte aux coopératives financières est dès lors suffisant pour établir sa nature sélective.

(106)

Deuxièmement, la Commission note que, de l’avis de la Belgique, les coopératives financières ont semblé mériter des avantages supplémentaires dès le 10 octobre 2008. La Commission note qu’avant cette date, les coopératives agréées historiques ont obtenu une forme de traitement favorable découlant de leur statut particulier, sous la forme d’une exonération de précompte mobilier [...] Dans le cadre de la présente décision, la Commission ne se prononce pas sur le caractère proportionné ou non de l’avantage fiscal, mais estime que rien ne justifiait d’introduire tout à coup, le 10 octobre 2008, une compensation supplémentaire ou une protection en faveur des entreprises ayant le statut de coopératives financières.

(107)

Enfin, quand bien même la Commission devrait conduire, comme le préconise la Belgique, une analyse inspirée de l’arrêt [du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a. (C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550)], elle estime que rien ne justifie l’octroi d’une garantie de 100 % aux associés personnes physiques d’ARCO [...] dont les entités étaient des sociétés à responsabilité limitée. Compte tenu de la nature de ces sociétés, telle que déterminée par les règles générales belges en matière de droit des sociétés, les associés personnes physiques d’ARCO auraient dû être conscients du fait qu’ils pourraient perdre l’intégralité de leur capital en cas de liquidation [...] Par ailleurs, protéger 100 % du capital souscrit par les associés personnes physiques des coopératives financières n’est pas une mesure proportionnée [...] dans la mesure où cela reviendrait à protéger ces associés contre tous les risques, créant ainsi un avantage injustifié pour les entreprises dont ils sont associés [...] »

31

L’examen de la distorsion de la concurrence et du fait que les échanges entre États membres ont été affectés est exposé aux considérants 108 et 109 de la décision du 3 juillet 2014. Ces considérants sont libellés en ces termes :

« (108)

Le régime de garantie des coopératives procure aux coopératives financières un avantage dont ne bénéficient pas les acteurs qui proposent des produits d’investissement au détail ni les autres coopératives agréées non financières. Grâce à la mesure, ARCO a pu préserver sa part de marché pendant une période plus longue. ARCO n’a pas subi de sorties de capitaux, sauf ultérieurement et à un niveau plus faible que ce qui aurait été le cas en l’absence de la mesure. En conséquence, les autres acteurs, qui devaient affronter la concurrence en s’appuyant sur leurs seuls mérites et ne pouvaient pas compter sur le régime de garantie des coopératives, n’ont pas pu bénéficier des capitaux qui auraient été disponibles pour l’investissement. Le régime de garantie des coopératives fausse donc la concurrence [...]

(109)

Lorsqu’un État membre octroie une aide à une entreprise, l’activité interne en cause peut se maintenir ou se développer en conséquence, de telle sorte que les possibilités pour les entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer (davantage) le marché sont réduites [...] Vu le grand nombre de fournisseurs internationaux de produits d’investissement présents sur le marché belge, la mesure a sans aucun doute un effet sur les échanges dans l’ensemble de l’Union. »

32

Sur la base de l’analyse effectuée aux considérants 91 à 109 de cette décision, la Commission conclut, au considérant 110 de ladite décision, que le régime de garantie des coopératives agréées actives dans le secteur financier en cause au principal « fait intervenir des ressources d’État, représente un avantage sélectif pour ARCO, fausse la concurrence et affecte les échanges à l’intérieur de l’Union » et qu’« il remplit donc tous les critères pour être considéré comme une aide d’État ». La Commission considère, également, que « [t]ous ces éléments étaient en place au plus tard lorsque l’arrêté royal du 10 octobre 2011 a été adopté, mais l’avantage créé par la mesure existait déjà à l’issue de l’annonce de la mise en place de la mesure le 10 octobre 2008 ».

33

Aux considérants 111 à 128 de la décision du 3 juillet 2014, la Commission apprécie la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur. Elle conclut, au considérant 129 de cette décision, que ladite aide « ne peut pas être considérée comme compatible avec le marché intérieur parce qu’elle n’est ni appropriée, ni nécessaire, ni proportionnée aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 3, [sous] b), [TFUE] et qu’elle ne relève du champ d’application d’aucune autre disposition régissant la compatibilité des aides d’État avec le marché intérieur ».

34

En conclusion, la Commission constate, au considérant 143 de ladite décision, que « le régime de garantie des coopératives constitue une aide d’État en faveur d’Arcopar, d’Arcofin et d’Arcoplus illégalement mise à exécution par la Belgique, en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE] ». Au même considérant, elle estime qu’« [i]l convient donc que la Belgique retire l’acte législatif sur lequel se fonde le régime de garantie des coopératives (en particulier la loi du 14 avril 2009 et l’arrêté royal du 10 octobre 2011) et récupère l’avantage auprès d’Arcopar, d’Arcofin et d’Arcoplus ».

35

L’article 1er de la décision du 3 juillet 2014 déclare « [l]e régime de garantie illégalement octroyé par la Belgique en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE] en faveur des coopératives financières [du groupe] [...] ARCO [...] incompatible avec le marché intérieur ».

36

L’article 2, paragraphe 1, de cette décision impose au Royaume de Belgique de se faire rembourser cette aide par les bénéficiaires, selon des calculs prévus par la Commission. L’article 2, paragraphe 4, de ladite décision prévoit que « [l]a Belgique continue de s’abstenir de procéder à tout paiement en vertu de la mesure d’aide visée à l’article 1er, à compter de la date de notification de la présente décision ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

37

Dans le cadre de la crise financière et notamment dans le contexte de la recapitalisation de la banque franco-belge Dexia, les autorités belges ont instauré, en vertu de l’article 36/24 de la loi du 22 février 1998, un régime de garantie prévoyant le remboursement, par un Fonds spécial de protection des dépôts, à hauteur de 100000 euros au maximum, des fonds investis par des personnes physiques dans des parts émises par des sociétés coopératives financières ayant adhéré à ce régime de garantie en cas de défaillance de ces sociétés. En application de l’arrêté royal du 14 novembre 2008, tel que modifié par l’arrêté royal du 10 octobre 2011, les sociétés du groupe ARCO, l’un des actionnaires principaux de Dexia, ont été admises, par l’arrêté royal du 7 novembre 2011, à ce régime.

38

Entre le mois de décembre 2011 et le mois de janvier 2012, MM. Vervloet, De Wit, Timperman, Mme Van Braekel, MM. Beckx, De Schryver, Deneire et Van Hoof, l’Organisme de financement des pensions Ogeo Fund, la commune de Schaarbeek et M. Ensch Famenne ont introduit devant le Raad van State (Conseil d’État, Belgique) des recours tendant à l’annulation des arrêtés royaux des 10 octobre 2011 et 7 novembre 2011. À cette fin, ils ont fait valoir, en substance, que ces arrêtés royaux violent le principe d’égalité consacré par la Constitution belge, dans la mesure où ils établissent une différence de traitement entre les actionnaires, personne physiques, de sociétés coopératives, pouvant bénéficier du régime de garantie mis en place notamment par lesdits arrêtés royaux, et les actionnaires, personnes physiques, d’autres sociétés proches du secteur financier, exclues dudit régime.

39

Estimant que lesdits arrêtés royaux trouvent leur fondement dans l’article 36/24 de la loi du 22 février 1998, que, partant, ils s’inscrivent dans des limitations que le législateur belge a lui‑même établies et que la différence de traitement invoquée résulte d’une norme législative, le Raad van State (Conseil d’État) a posé au Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique) plusieurs questions préjudicielles portant sur la compatibilité de cet article avec la Constitution belge.

40

Le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle) expose, en premier lieu, que le Conseil des ministres soutient, afin de justifier cette différence de traitement, que les parts d’une société coopérative agréée active dans le secteur financier sont analogues aux dépôts bancaires pour lesquels la directive 94/19 impose aux États membres de prévoir un système de garantie. Les sociétés du groupe ARCO, parties intervenantes dans la procédure devant le Raad van State (Conseil d’État), font valoir que l’article 36/24, paragraphe 1, premier alinéa, point 3, de la loi du 22 février 1998 constitue une transposition de cette directive, dans la mesure où les parts des sociétés coopératives présentent des caractéristiques d’un produit d’épargne.

41

Dans ces conditions, la juridiction de renvoi considère que, afin de déterminer si le législateur belge pouvait, sans violer le principe d’égalité consacré par la Constitution belge, habiliter le Roi à instaurer un système destiné à garantir, outre les dépôts bancaires, la valeur des parts qu’une personne physique, en sa qualité d’associé, détient dans une société coopérative agréée active dans le secteur financier, il importe de savoir si ce législateur était habilité, voire contraint, d’agir de la sorte en vertu de l’article 2 de la directive 94/19, lu à la lumière, le cas échéant, des articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et du principe général d’égalité de traitement.

42

S’agissant, en deuxième lieu, de la décision de la Commission du 3 juillet 2014, le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle) fait observer que l’examen de l’éventuel caractère sélectif d’une mesure, aux fins de l’application de l’article 107 TFUE, présente certaines analogies avec l’examen du respect du principe d’égalité et de non-discrimination garanti par la Constitution belge. Cette juridiction précise que l’État belge et les sociétés du groupe ARCO, qui contestent, devant elle, la validité de cette décision, ont introduit des recours en annulation de celle-ci devant le Tribunal de l’Union européenne. La juridiction de renvoi souligne que les arguments avancés devant elle par ces sociétés sont réaffirmés et développés dans le cadre du recours en annulation introduit par celles-ci devant le Tribunal, auquel lesdites sociétés ont opéré un renvoi.

43

À cet égard, les mêmes sociétés reprochent, selon le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle), à la Commission une violation, notamment, de l’article 107, paragraphe 1, de l’article 108, paragraphe 2, et de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE ainsi que des règles de procédure gouvernant la charge et l’administration de la preuve, en invoquant deux moyens relatifs à la validité de la partie de la décision du 3 juillet 2014 qui qualifie la mesure en cause d’aide d’État nouvelle. Elles font valoir, d’une part, qu’elles n’ont pas bénéficié d’un avantage sélectif et, d’autre part, que ladite mesure n’est pas susceptible de fausser ou de menacer de fausser la concurrence ni d’affecter les échanges entre États membres.

44

Dans le cadre de leur premier moyen, ces sociétés contestent, premièrement, la conclusion de la Commission selon laquelle elles sont les bénéficiaires de l’aide d’État constatée dans la décision du 3 juillet 2014. Les bénéficiaires directs de la mesure en cause seraient les associés personnes physiques des sociétés coopératives actives dans le secteur financier et Dexia, dans laquelle les sociétés du groupe ARCO ont investi. Or, l’aide accordée à Dexia aurait été autorisée par la Commission.

45

Les sociétés du groupe ARCO contestent, deuxièmement, la conclusion de la Commission selon laquelle les déclarations des 10 octobre 2008 et 21 janvier 2009 ainsi que l’arrêté royal du 7 novembre 2011 constituent une seule et même intervention de l’État. Elles soulignent, à cet égard, que le communiqué de presse du 10 octobre 2008 ne les désigne pas nommément.

46

Ces sociétés contestent, troisièmement, la conclusion de la Commission, selon laquelle un avantage pour lesdites sociétés résulte du fait que leurs associés, personnes physiques, avaient l’assurance, dès le 10 octobre 2008, que leurs parts seraient protégées par l’État belge. La Commission n’aurait pas apporté les éléments de preuve établissant cette conclusion. La mesure en cause n’aurait pas accordé aux sociétés du groupe ARCO un meilleur accès au marché des capitaux. Les déclarations du gouvernement belge faites en 2008 et en 2009 n’auraient eu aucun impact sur la position concurrentielle de ces sociétés. Par ailleurs, la Commission ne pourrait se fonder sur une présomption d’existence d’un avantage, dès lors que la garantie accordé par l’État belge ne serait ni illimitée ni gratuite.

47

Les sociétés du groupe ARCO font valoir, quatrièmement, que la mesure en cause est dépourvue de toute sélectivité. La Commission n’apporterait pas de justification de la comparaison qu’elle effectue entre les sociétés coopératives financières, d’une part, et les sociétés coopératives non financières et les autres sociétés financières, d’autre part. Elle n’aurait pas démontré une différence de traitement entre des entreprises qui se trouvent dans une situation juridique et factuelle comparable et elle aurait méconnu l’obligation de motivation. La situation des sociétés coopératives financières serait spécifique au regard, notamment, de leur actionnariat, qui serait composé à 99 % de petits épargnants, de l’existence d’un agrément qui éliminerait toute attitude spéculative, des limitations des dividendes susceptibles d’être perçus et du traitement fiscal de ceux-ci, qui serait comparable à celui des revenus générés par les dépôts d’épargne. En tout état de cause, une éventuelle différence de traitement serait justifiée par la nature ou l’économie générale du système en cause. À cet égard, les sociétés du groupe ARCO se réfèrent à l’arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a. (C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550).

48

Lesdites sociétés soutiennent, cinquièmement, que la décision du 3 juillet 2014 n’est pas correctement motivée. La Commission n’aurait pas fourni une motivation adéquate quant à l’existence d’un avantage.

49

À l’appui de leur deuxième moyen, les sociétés du groupe ARCO contestent, d’une part, la conclusion de la Commission, selon laquelle la mesure en cause est susceptible de fausser la concurrence. La Commission n’aurait pas pu valablement considérer que le capital des sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier était disponible pour des fournisseurs de produits d’investissement ou pour des sociétés coopératives agréées non financières. D’autre part, ces sociétés soutiennent que la Commission n’a pas étayé la conclusion selon laquelle les échanges entre États membres risquent d’être menacés.

50

Au vu de ces arguments, la juridiction de renvoi s’interroge sur la validité de la décision du 3 juillet 2014, au regard des articles 107 et 296 TFUE.

51

Ladite juridiction considère, en troisième lieu, que, dans l’hypothèse où la Cour jugerait que cette décision est invalide en raison du fait que la Commission n’aurait pas correctement justifié la qualification d’aide d’État nouvelle du régime prévu à l’article 36/24, paragraphe 1, premier alinéa, point 3, de la loi du 22 février 1998, il y aurait lieu de s’assurer qu’aucun autre raisonnement ne permet de qualifier ledit régime d’aide d’État nouvelle, qui aurait dû être notifiée à la Commission en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

52

En quatrième lieu, la juridiction de renvoi estime que, dans l’hypothèse où la Cour devrait juger que la décision du 3 juillet 2014 est valide, il conviendrait de déterminer la date à partir de laquelle l’aide d’État en cause a été mise à exécution. Cette décision n’identifierait pas expressément cette date. À cet égard, cette juridiction fait observer, d’une part, qu’il ressort de ladite décision que le régime de garantie en cause a été notifié à la Commission par lettre du 7 novembre 2011 et, d’autre part, que l’arrêté royal du 3 mars 2011, en application duquel l’article 36/24, paragraphe 1, premier alinéa, point 3, de la loi du 22 février 1998 a acquis une valeur législative, est entré en vigueur le 1er avril 2011. Or, si ladite aide d’État ne pouvait pas être considérée comme ayant été mise à exécution à la date de l’adoption ou de l’entrée en vigueur de l’arrêté royal du 3 mars 2011, il existerait un doute quant à la question de savoir si l’État belge a manqué à l’obligation prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. En effet, ledit article 36/24, paragraphe 1, premier alinéa, point 3, ne ferait qu’habiliter le Roi à instaurer le régime de garantie en cause et ce ne serait que par l’arrêté royal du 7 novembre 2011 qu’une telle garantie aurait été effectivement octroyée, sur le fondement de l’arrêté royal du 10 octobre 2011. Par ailleurs, il existerait des doutes quant à la question de savoir si la Commission pouvait conclure, au considérant 110 de la décision du 3 juillet 2014, que tous les éléments constitutifs d’une aide d’État étaient en place au plus tard à la date de l’adoption de l’arrêté royal du 10 octobre 2011, mais que l’avantage créé par la mesure en cause existait déjà à l’issue de l’annonce faite le 10 octobre 2008.

53

Enfin, selon le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle), il ne ressort pas clairement de la décision du 3 juillet 2014 que la Commission a considéré que l’aide d’État en cause a été mise à exécution à la date de l’adoption ou à celle de l’entrée en vigueur de l’arrêté royal du 3 mars 2011 ou à une date antérieure à celles-ci ou bien que cette institution a considéré que ladite aide a été mise à exécution à une date postérieure auxdites dates. Dans la première de ces hypothèses, il conviendrait de confirmer que l’article 108, paragraphe 3, TFUE s’opposait à l’adoption de cet arrêté royal. Dans la seconde de celles-ci, il y aurait lieu de vérifier si, compte tenu notamment du laps de temps qui s’est écoulé entre l’entrée en vigueur dudit arrêté royal et l’adoption des arrêtés royaux d’exécution de celui-ci, l’article 108, paragraphe 3, TFUE s’opposait à l’adoption de l’arrêté royal du 3 mars 2011, dans la mesure où cette disposition exige que la Commission soit informée « en temps utile ».

54

Dans ces conditions, le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Les articles 2 et 3 de la directive [94/19], lus, le cas échéant, en combinaison avec les articles 20 et 21 de la [Charte] et le principe général d’égalité, doivent-ils être interprétés comme :

a)

imposant aux États membres de garantir les parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier de la même manière que les dépôts ;

b)

s’opposant à ce qu’un État membre confie à l’entité partiellement en charge de la garantie des dépôts visés par cette directive, la mission de garantir également, à concurrence de 100000 euros, la valeur des parts des associés personnes physiques d’une société coopérative agréée active dans le secteur financier ?

2)

La [décision du 3 juillet 2014] est-elle compatible avec les articles 107 et 296 TFUE en ce qu’elle qualifie d’aide d’État nouvelle le système de garantie qui fait l’objet de cette décision ?

3)

En cas de réponse négative à la deuxième question, l’article 107 TFUE doit-il être interprété en ce sens qu’un système de garantie de l’État octroyé aux associés personnes physiques de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, au sens de l’article 36/24, paragraphe 1, premier alinéa, point 3, de la loi du 22 février 1998 [...], constitue une aide d’État nouvelle devant être notifiée à la Commission [...] ?

4)

En cas de réponse affirmative à la deuxième question, la même décision de la Commission est-elle compatible avec l’article 108, paragraphe 3, TFUE si elle est interprétée comme considérant que l’aide d’État en cause a été mise à exécution avant le 3 mars 2011 ou le 1er avril 2011 ou à l’une de ces deux dates ou, inversement, si elle est interprétée comme considérant que l’aide d’État en cause a été mise à exécution à une date postérieure ?

5)

L’article 108, paragraphe 3, TFUE doit-il être interprété comme interdisant à un État membre d’adopter une mesure telle que celle contenue dans l’article 36/24, paragraphe 1, point 3, de la loi du 22 février 1998 [...], si cette mesure exécute une aide d’État ou participe d’une aide d’État déjà mise à exécution et que cette aide d’État n’a pas encore été notifiée à la Commission [...] ?

6)

L’article 108, paragraphe 3, TFUE doit-il être interprété comme interdisant à un État membre d’adopter, sans notification préalable à la Commission [...], une mesure telle que celle contenue dans l’article 36/24, paragraphe 1, point 3, de la loi du 22 février 1998 [...], si cette mesure participe d’une aide d’État qui n’a pas encore été mise à exécution ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité des questions préjudicielles

55

Certains des intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ayant soumis des observations à la Cour ont émis des doutes quant à la recevabilité des questions posées par la juridiction de renvoi, au motif que celles-ci seraient dépourvues de lien avec l’objet du litige au principal. En effet, ce litige relevant du seul droit constitutionnel belge, la directive 94/19 ainsi que les articles 107 et 108 TFUE seraient étrangers à celui-ci.

56

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre cette dernière et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêts du 15 janvier 2013, Križan e.a.,C‑416/10, EU:C:2013:8, point 53, ainsi que du 5 mars 2015, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português, C‑667/13, EU:C:2015:151, point 34 et jurisprudence citée).

57

Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêts du 15 janvier 2013, Križan e.a.,C‑416/10, EU:C:2013:8, point 54, ainsi que du 30 mai 2013, Halaf,C‑528/11, EU:C:2013:342, point 29 et jurisprudence citée).

58

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle) est saisi de la question de savoir si l’article 36/24, paragraphe 1, premier alinéa, point 3, de la loi du 22 février 1998 viole le principe d’égalité et de non-discrimination garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution belge, dans la mesure où il établit une différence de traitement entre les actionnaires, personnes physiques, de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, et les actionnaires, personnes physiques, d’autres sociétés actives dans ce secteur.

59

Or, ainsi que l’a relevé, en substance, Mme l’avocat général aux points 30 et 31 de ses conclusions, il ressort tant de cette décision que de la réponse de la juridiction de renvoi à la demande d’éclaircissements qui lui a été adressée par la Cour, en application de l’article 101 de son règlement de procédure, que cette juridiction considère que, avant de se prononcer sur la compatibilité avec la Constitution belge du régime de garantie en faveur des participations des associés personnes physiques de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, autorisé par l’article 36/24, paragraphe 1, premier alinéa, point 3, de la loi du 22 février 1998, elle doit vérifier la conformité de cette disposition au droit de l’Union. Ainsi, s’il s’avérait que le régime de garantie en cause au principal était imposé par la directive 94/19, une différence de traitement entre les actionnaires, personnes physiques, de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, d’une part, et les actionnaires, personnes physiques, d’autres sociétés actives dans ce secteur, d’autre part, pourrait être justifiée. S’il devait apparaître, au contraire, que le droit de l’Union s’oppose à un tel régime de garantie, au motif que celui-ci n’est pas compatible avec les dispositions de la directive 94/19 ou avec les articles 107 et 108 TFUE, une différence de traitement entre ces actionnaires ne pourrait être justifiée.

60

Dans ces conditions, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée par la juridiction de renvoi n’aurait aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.

61

Dès lors, il convient de déclarer recevables les questions posées par la juridiction de renvoi.

Sur la première question

62

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 2 et 3 de la directive 94/19, lus, le cas échéant, en combinaison avec les articles 20 et 21 de la Charte et le principe général d’égalité de traitement, doivent être interprétés en ce sens qu’ils imposent aux États membres d’adopter un régime de garantie des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, tel que celui en cause au principal, et, en cas de réponse négative, s’ils s’opposent à ce qu’un État membre adopte un tel régime.

63

En vertu de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 94/19, les États membres veillent à l’instauration et à la reconnaissance officielle sur leur territoire d’un ou de plusieurs systèmes de garantie des dépôts.

64

En vue d’apprécier la portée de l’obligation que cette disposition impose aux États membres aux fins de déterminer si cette obligation inclut celle d’adopter un régime de garantie des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, tel que celui en cause au principal, il y a lieu d’examiner si de telles parts relèvent des champs d’application matériel et personnel de la directive 94/19.

65

S’agissant, en premier lieu, du champ d’application matériel de la directive 94/19, il ressort de l’intitulé même de cette directive que celle-ci est relative aux systèmes de garantie des « dépôts ». En vertu de l’article 1er, point 1, premier alinéa, de ladite directive, il est entendu par « dépôt », aux fins de celle-ci, d’une part, tout solde créditeur résultant de fonds laissés en compte ou de situations transitoires provenant d’opérations bancaires normales, qu’un établissement de crédit doit restituer conformément aux conditions légales et contractuelles applicables, ainsi que, d’autre part, toute créance représentée par un titre de créance émis par cet établissement.

66

Or, il ressort du dossier dont dispose la Cour que des parts de sociétés telles que celles de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier en cause au principal ne relèvent pas de cette définition. Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 40 de ses conclusions, il apparaît en effet que de telles parts relèvent fondamentalement d’une participation dans le capital propre d’une société, alors que les dépôts visés par la directive 94/19 s’en distinguent en ce qu’ils participent du passif exigible d’un établissement de crédit.

67

En outre, si les dépôts doivent, en vertu de la définition qu’en donne l’article 1er, premier alinéa, de la directive 94/19, être restitués à leur titulaire conformément aux conditions légales et contractuelles applicables, le montant perçu, en cas de retrait, par le titulaire de parts des sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier en cause au principal, reflète l’évolution du rendement de ces sociétés. L’acquisition de telles parts s’apparente ainsi davantage à l’acquisition d’actions de sociétés, à l’égard desquelles la directive 94/19 ne prévoit aucune garantie, qu’à un placement sur un compte bancaire.

68

Par ailleurs, contrairement à ce que semble considérer le gouvernement belge, des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, telles que celles en cause au principal, ne sont pas assimilables aux parts de building societies britanniques ou irlandaises, qui sont considérées comme des dépôts, conformément à l’article 1er, point 1, deuxième alinéa, de la directive 94/19.

69

En effet, d’une part, cette extension particulière de la notion de « dépôt » vise exclusivement, d’après ses termes mêmes, des parts de building societies britanniques ou irlandaises, et non pas les parts de sociétés coopératives belges agréées actives dans le secteur financier. Aucun élément, dans le libellé ou dans la genèse de l’article 1er, point 1, deuxième alinéa, de la directive 94/19, n’indique que cette disposition a vocation à englober des instruments autres que ceux qui y sont expressément mentionnés. D’autre part, ladite disposition exclut expressément de ladite extension les parts de ces building societies qui constituent un élément de capital. Or, des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, telles que celles en cause au principal, constituent, ainsi qu’il ressort du point 66 du présent arrêt, une participation dans le capital propre d’une société.

70

S’agissant, en second lieu, du champ d’application personnel de la directive 94/19, il convient de relever que les deux types de dépôts visés à l’article 1er, point 1, premier alinéa, de cette directive ont pour point commun d’avoir été effectués auprès d’un établissement de crédit. Dès lors, afin que les parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier puissent être considérées comme étant des « dépôts », au sens de la directive 94/19, il est, en tout état de cause, nécessaire que ces sociétés puissent être considérées comme des « établissements de crédit », au sens de cette directive.

71

À cet égard, l’article 1er, point 4, de la directive 94/19 définit la notion d’« établissement de crédit » comme visant les entreprises dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour leur propre compte. Or, il ne ressort ni de la décision de renvoi ni des observations présentées devant la Cour que l’activité desdites sociétés consiste à octroyer des crédits pour leur propre compte. Il n’apparaît pas que de telles sociétés reçoivent des dépôts du public ou octroient régulièrement, à l’instar des banques, des crédits pour leur propre compte.

72

Il s’ensuit que des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, telles que celles en cause au principal, ne relèvent ni du champ d’application matériel ni du champ d’application personnel de la directive 94/19. Par conséquent, il ne saurait être considéré que l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 94/19 impose aux États membres l’obligation d’adopter un régime de garantie des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier tel que celui en cause au principal.

73

Cette conclusion n’est pas remise en cause au regard du principe général d’égalité de traitement, également évoqué par la juridiction de renvoi dans sa première question.

74

À cet égard, la Cour a jugé que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré aux articles 20 et 21 de la Charte, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, notamment, arrêt du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a., C‑550/07 P, EU:C:2010:512, points 54 et 55 ainsi que jurisprudence citée).

75

Or, ainsi qu’il ressort des points 65 à 72 du présent arrêt et comme l’a relevé Mme l’avocat général au point 49 de ses conclusions, des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, telles que celles en cause au principal, se distinguent, au regard de l’objet de la garantie des dépôts prévue par le droit de l’Union, de dépôts effectués auprès d’établissements de crédit, et cela même si elles peuvent s’apparenter à des produits d’épargne classiques à plusieurs égards, notamment par leur régime fiscal, par la réglementation à laquelle l’État belge les soumet et par la faveur dont elles jouissent auprès du public.

76

Il convient, dès lors, d’examiner la question de savoir si la directive 94/19 s’oppose à ce qu’un État membre adopte un régime de garantie en ce qui concerne des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier telles que celles en cause au principal.

77

À cet égard, il importe de relever que, en vertu de l’article 2, deuxième tiret, de la directive 94/19, sont exclus de tout remboursement par les systèmes de garantie tous les instruments qui entrent dans la définition des « fonds propres », telle qu’elle figure à l’article 2 de la directive 89/299.

78

Or, l’article 2 de la directive 89/299 vise uniquement les fonds propres non consolidés « des établissements de crédit », qui sont définis, en application de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, renvoyant à l’article 1er de la directive 77/780, telle que modifiée par la directive 86/524, comme étant des entreprises dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour leur propre compte. Cette définition coïncide, par ailleurs, avec celle figurant à l’article 1er, point 4, de la directive 94/19.

79

Cependant, ainsi qu’il ressort du point 71 du présent arrêt, des sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, telles que celles en cause au principal, ne relèvent pas de ladite définition des établissements de crédit.

80

Dans ce contexte, il y a lieu de relever que l’article 57 de la directive 2006/48, qui a remplacé la directive 89/299, vise également les fonds propres non consolidés des « établissements de crédit », lesquels sont également définis, à l’article 4, point 1, de la première de ces directives, de la même manière que le sont les établissements de crédit visés par la directive 94/19.

81

Dans ces conditions, le fait d’étendre un régime de garantie des dépôts, tel que celui prévu par le droit belge, à des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, telles que celles en cause au principal, n’apparaît pas, en soi, incompatible avec l’article 2, deuxième tiret, de la directive 94/19.

82

Cette interprétation est corroborée par la circonstance que la directive 94/19 ne procède, ainsi qu’il ressort de ses huitième, seizième et dix-septième considérants, qu’à une harmonisation minimale en matière de garantie des dépôts.

83

Si les dispositions de la directive 94/19 n’empêchent pas, dès lors, les États membres d’étendre aux parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier le régime de garantie des dépôts prévu par leur droit national conformément auxdites dispositions, une telle extension ne peut toutefois compromettre l’efficacité pratique du régime de garantie des dépôts que ladite directive leur impose d’instaurer (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2006, Lidl Italia,C‑315/05, EU:C:2006:736, point 48) ni méconnaître les dispositions du traité FUE, notamment les articles 107 et 108 TFUE.

84

Or, ainsi que l’a relevé, en substance, Mme l’avocat général au point 58 de ses conclusions, il ne saurait être exclu que l’efficacité pratique de la garantie des dépôts imposée par le droit de l’Union soit compromise si un État membre mettait, de manière considérable, à la charge de son système national de garantie des dépôts des risques qui ne se rapportent pas directement à l’objectif de ce système. En effet, plus les risques à garantir sont élevés, plus la garantie des dépôts se dilue et moins le système de garantie des dépôts est susceptible, à moyens égaux, de contribuer à la réalisation du double objectif poursuivi par la directive 94/19, qui consiste, ainsi qu’il ressort du premier considérant de celle-ci, à apporter une garantie aux épargnants en cas d’indisponibilité des dépôts confiés aux établissements de crédit et à renforcer la stabilité du système bancaire (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2015, Surmačs,C‑127/14, EU:C:2015:522, point 21).

85

Il appartient, dès lors, à la juridiction de renvoi de vérifier si l’adoption d’un régime de garantie en ce qui concerne les parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, telles que celles en cause au principal, est susceptible de compromettre l’efficacité pratique du régime de garantie des dépôts prévu par le droit belge conformément à la directive 94/19.

86

À cet égard, la juridiction de renvoi doit notamment tenir compte de la circonstance que l’adoption d’un tel régime en ce qui concerne les parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, telles que celles en cause au principal, fait bénéficier, en l’occurrence, un grand nombre de petits investisseurs du régime belge de garantie des dépôts, ainsi que de la circonstance que les sociétés du groupe ARCO, qui ont adhéré à ce régime de garantie peu de temps avant que soit invoquée la garantie prévue par celui-ci, n’ont pas contribué dans le passé au financement de celui-ci.

87

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que les articles 2 et 3 de la directive 94/19 doivent être interprétés en ce sens qu’ils n’imposent pas aux États membres d’adopter un régime de garantie des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, tel que celui en cause au principal, ni ne s’opposent à ce qu’un État membre adopte un tel régime, pour autant que ce régime ne compromet pas l’efficacité pratique du régime de garantie des dépôts que cette directive impose aux États membres d’instaurer, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, et qu’il soit conforme au traité FUE, notamment aux articles 107 et 108 TFUE.

Sur la deuxième question

88

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la décision du 3 juillet 2014 contrevient à l’article 107 TFUE, d’une part, et à l’article 296 TFUE, d’autre part, en ce que cette décision qualifie d’aide d’État nouvelle le régime de garantie des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier en cause au principal.

89

S’agissant, en premier lieu, de l’article 107 TFUE, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la qualification d’aide d’État, au sens de cette disposition, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir, notamment, arrêts du 10 juin 2010, Fallimento Traghetti del Mediterraneo,C‑140/09, EU:C:2010:335, point 31, et du 29 mars 2012, 3M Italia,C‑417/10, EU:C:2012:184, point 37).

90

Si le fait que le régime de garantie des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier en cause au principal est imputable à l’État et que celui-ci mobilise des ressources d’État n’est pas contesté en tant que tel, les sociétés du groupe ARCO et le gouvernement belge estiment, en revanche, que les trois autres conditions permettant de qualifier ce régime de garantie d’« aide d’État » ne sont pas remplies. Ils contestent, en effet, le fait que ledit régime confère un avantage sélectif aux sociétés du groupe ARCO, qu’il affecte les échanges entre États membres et qu’il fausse la concurrence. Il y a lieu, ainsi, d’examiner si ces trois conditions sont remplies, en vue de déterminer si la Commission pouvait valablement qualifier ce régime d’« aide d’État » dans la décision du 3 juillet 2014.

91

En ce qui concerne la condition relative à l’avantage conféré par le régime de garantie des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier en cause au principal aux sociétés du groupe ARCO, il y a lieu de constater, premièrement, que, aux considérants 82 à 84 de la décision du 3 juillet 2014, la Commission a estimé qu’ARCO était le seul véritable bénéficiaire de ce régime.

92

Selon les sociétés du groupe ARCO, ledit régime ne bénéficie cependant pas à celles-ci, mais vise à avantager les associés, personnes physiques, des sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier ainsi que la banque Dexia, dont ce groupe était l’un des actionnaires principaux et au sauvetage de laquelle le régime de garantie des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier en cause au principal était censé contribuer.

93

À cet égard, il importe de rappeler que sont considérées comme des aides toutes les interventions d’État qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises ou qui sont à considérer comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir, notamment, arrêts du 8 mai 2013, Libert e.a.,C‑197/11 et C‑203/11, EU:C:2013:288, point 83, ainsi que du 3 avril 2014, France/Commission,C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 94 et jurisprudence citée).

94

Or, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général aux points 74 à 76 de ses conclusions, il ne fait aucun doute que le groupe ARCO est favorisé par le régime de garantie des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier en cause au principal, dont les sociétés du groupe ARCO ont d’ailleurs, contrairement aux autres sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, elles-mêmes sollicité et, par la suite, obtenu le bénéfice. En effet, à la faveur de ce régime de garantie, le groupe ARCO a été préservé d’un retrait imminent des investisseurs privés des sociétés de ce groupe et a ainsi été en mesure, dans le même temps, de contribuer, en tant qu’actionnaire principal, à la recapitalisation de la banque Dexia.

95

La circonstance que d’autres intéressés, à savoir les particuliers détenteurs de parts des sociétés du groupe ARCO ainsi que la banque Dexia, ont également pu bénéficier de certains avantages en vertu dudit régime de garantie n’est pas de nature à exclure que ledit groupe doive être considéré comme étant bénéficiaire de celui-ci.

96

Deuxièmement, il convient de rappeler que l’article 107, paragraphe 1, TFUE interdit les aides « favorisant certaines entreprises ou certaines productions », c’est-à-dire les aides sélectives (arrêts du 28 juillet 2011, Mediaset/Commission, C‑403/10 P, non publié, EU:C:2011:533, point 36, et du 14 janvier 2015, Eventech,C‑518/13, EU:C:2015:9, point 54).

97

En l’espèce, si la Commission a considéré, au considérant 101 de la décision du 3 juillet 2014, que le régime de garantie des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier en cause au principal constitue une mesure « clairement sélective », les sociétés du groupe ARCO contestent le caractère sélectif de ce régime de garantie.

98

À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que l’article 107, paragraphe 1, TFUE impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable (arrêts du 28 juillet 2011, Mediaset/Commission, C‑403/10 P, non publié, EU:C:2011:533, point 36 ; du 14 janvier 2015, Eventech,C‑518/13, EU:C:2015:9, point 55 ; de ce jour, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, point 41, et de ce jour, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, point 54).

99

Ainsi qu’il ressort des points 65 à 83 du présent arrêt, le Royaume de Belgique a étendu le régime de garantie des dépôts prévu par le droit belge aux parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, telles que celles en cause au principal. Le bénéfice de ce régime de garantie confère un avantage économique à ces sociétés par rapport à d’autres opérateurs économiques qui offrent à la vente leurs parts sous la forme d’actions sans bénéficier d’un tel régime de garantie.

100

Or, ainsi que l’a relevé, en substance, Mme l’avocat général au point 81 de ses conclusions, les sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, telles que les sociétés du groupe ARCO, sont, au regard de l’objectif poursuivi par le régime de garantie des dépôts et consistant, ainsi qu’il ressort du premier considérant de la directive 94/19, à apporter une garantie aux épargnants en cas d’indisponibilité des dépôts confiés aux établissements de crédit et à renforcer la stabilité du système bancaire, dans une situation factuelle et juridique comparable, malgré certaines particularités découlant de la forme juridique desdites sociétés, à celle d’autres opérateurs économiques, qu’il s’agisse de sociétés coopératives ou non, qui offrent à la vente leurs parts sous la forme d’actions, en mettant à la disposition du public une forme de placement de capitaux qui ne relève pas du régime de garantie des dépôts.

101

Par conséquent, l’extension du régime de garantie prévu par le droit belge aux parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier a pour effet de conférer un avantage économique à ces sociétés par rapport à d’autres opérateurs économiques se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable à celle desdites sociétés coopératives et, partant, présente un caractère sélectif.

102

En ce qui concerne les conditions relatives à l’incidence du régime de garantie des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier en cause au principal sur les échanges entre États membres et à la distorsion de la concurrence que ce régime est susceptible d’entraîner, il importe de rappeler que, aux fins de la qualification d’une mesure nationale d’aide d’État, il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide en cause sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si cette aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (arrêts du 29 avril 2004, Italie/Commission,C‑372/97, EU:C:2004:234, point 44 ; du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano,C‑148/04, EU:C:2005:774, point 54, et du 19 mars 2015, OTP Bank,C‑672/13, EU:C:2015:185, point 54).

103

En l’occurrence, il apparaît, d’une part, que la Commission a pu considérer, au point 108 de la décision du 3 juillet 2014, que, grâce au régime de garantie en cause au principal, le groupe ARCO a pu préserver sa part de marché pendant une période plus longue et n’a pas subi de sorties de capitaux, sauf ultérieurement et à un niveau plus faible que ce qui aurait été le cas s’il n’avait pas bénéficié de ce régime, et que, par conséquent, les autres acteurs, qui devaient affronter la concurrence en s’appuyant sur leurs seuls mérites et ne pouvaient compter sur ledit régime de garantie, n’ont pas pu bénéficier des capitaux qui auraient été disponibles pour l’investissement.

104

D’autre part, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à celle d’autres entreprises concurrentes dans les échanges entre États membres, ceux-ci doivent être considérés comme influencés par l’aide (voir, notamment, arrêts du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a.,C‑222/04, EU:C:2006:8, point 141, ainsi que du 8 mai 2013, Libert e.a.,C‑197/11 et C‑203/11, EU:C:2013:288, point 77). À cet égard, il n’est pas nécessaire que l’entreprise bénéficiaire participe elle-même aux échanges entre États membres. En effet, lorsqu’un État membre octroie une aide à une entreprise, l’activité intérieure peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer le marché de cet État membre en sont diminuées (arrêt du 8 mai 2013, Libert e.a.,C‑197/11 et C‑203/11, EU:C:2013:288, point 78 et jurisprudence citée).

105

La Cour a également considéré que la circonstance qu’un secteur économique, comme celui des services financiers, a fait l’objet d’un important processus de libéralisation au niveau de l’Union, qui a accentué la concurrence pouvant résulter déjà de la libre circulation des capitaux prévue par le traité, est de nature à caractériser une incidence réelle ou potentielle des aides sur les échanges entre États membres (voir, en ce sens, arrêts du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a.,C‑222/04, EU:C:2006:8, points 142 et 145, ainsi que du 5 mars 2015, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português, C‑667/13, EU:C:2015:151, point 51).

106

La circonstance, invoquée par le gouvernement belge et les sociétés du groupe ARCO, que la valeur des parts détenues par les associés personnes physiques des sociétés coopératives actives dans le secteur financier est généralement de faible importance n’est pas de nature à exclure que le régime de garantie en cause au principal fausse la concurrence et affecte les échanges entre États membres.

107

Les effets du régime de garantie en cause au principal sur la concurrence et sur les échanges entre États membres doivent, en effet, s’apprécier au regard de la totalité des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier qu’il couvre et non pas au regard du capital garanti d’un associé personne physique particulier. En tout état de cause, selon la jurisprudence de la Cour, l’importance relativement faible d’une aide ou la taille relativement modeste de l’entreprise bénéficiaire n’excluent pas a priori l’éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (arrêts du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 81, ainsi que du 14 janvier 2015, Eventech,C‑518/13, EU:C:2015:9, point 68).

108

Il s’ensuit que la Commission a pu considérer à bon droit que les conditions liées à la distorsion de la concurrence et au fait que les échanges entre États membres sont affectés étaient remplies en l’espèce.

109

S’agissant, en second lieu, de l’article 296 TFUE, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la qualification d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, du régime de garantie en cause au principal est suffisamment motivée dans la décision du 3 juillet 2014.

110

Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêts du 15 avril 2008, Nuova Agricast,C‑390/06, EU:C:2008:224, point 79, ainsi que du 5 mars 2015, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português, C‑667/13, EU:C:2015:151, point 44).

111

Dès lors que la qualification d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions visées à cette disposition soient remplies, la décision de la Commission retenant une telle qualification doit exposer les motifs pour lesquels cette institution considère que la mesure étatique concernée satisfait à l’ensemble desdites conditions (arrêt du 5 mars 2015, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português, C‑667/13, EU:C:2015:151, point 45 et jurisprudence citée).

112

En l’occurrence, la décision du 3 juillet 2014 répond à ces exigences.

113

En effet, il doit être constaté que cette décision est motivée à suffisance de droit en ce qu’elle fait apparaître de façon claire et sans équivoque, à ses considérants 91 à 110, les raisons pour lesquelles la Commission a jugé que chacune des conditions visées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE était vérifiée en l’espèce.

114

Dans ce contexte, il convient de rappeler qu’il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 2005, Italie/Commission,C‑138/03, C‑324/03 et C‑431/03, EU:C:2005:714, point 55, ainsi que du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 94).

115

Au demeurant, ainsi que l’a relevé la Commission, il apparaît que certains des arguments soulevés par les sociétés du groupe ARCO à l’appui d’un prétendu défaut de motivation, tels qu’ils sont exposés dans la décision de renvoi, visent davantage à contester le bien-fondé de la décision du 3 juillet 2014 que la motivation de celle-ci. Il en va ainsi de l’argument invoqué par ces sociétés contre la jurisprudence citée par la Commission au soutien de l’existence d’un avantage, ainsi que de ceux présentés par lesdites sociétés en ce qui concerne les conditions liées à la distorsion de la concurrence et au fait que les échanges entre États membres sont affectés.

116

Or, la Cour a jugé que l’obligation de motivation des actes de l’Union prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien‑fondé de la motivation, celui‑ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 17 septembre 2015, Total/Commission,C‑597/13 P, EU:C:2015:613, point 18 et jurisprudence citée).

117

Il s’ensuit que l’examen de la deuxième question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de la décision du 3 juillet 2014.

Sur la troisième question

118

Compte tenu de la réponse apportée à la deuxième question, il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question.

Sur les quatrième à sixième questions

119

Par ses quatrième à sixième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, d’une part, si l’article 108, paragraphe 3, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’opposait à la mise à exécution du régime de garantie en cause au principal et, d’autre part, si la décision du 3 juillet 2014 contrevient à cette disposition en ce qui concerne la date à laquelle la Commission considère que l’aide d’État qu’elle constate a été mise à exécution.

120

Il importe de rappeler que l’article 108, paragraphe 3, première phrase, TFUE édicte, à la charge des États membres, une obligation de notification des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Conformément à l’article 108, paragraphe 3, dernière phrase, TFUE, l’État membre qui envisage d’accorder une aide ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que ladite procédure ait abouti à une décision finale de la Commission. L’interdiction prévue par ladite disposition vise à garantir que les effets d’une aide ne se produisent pas avant que la Commission ait eu un délai raisonnable pour examiner le projet en détail et, le cas échéant, entamer la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 5 mars 2015, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português, C‑667/13, EU:C:2015:151, point 57 et jurisprudence citée).

121

L’article 108, paragraphe 3, TFUE institue ainsi un contrôle préventif des projets d’aides nouvelles (voir arrêts du 11 décembre 1973, Lorenz,120/73, EU:C:1973:152, point 2 ; du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa,C‑284/12, EU:C:2013:755, point 25, ainsi que du 5 mars 2015, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português, C‑667/13, EU:C:2015:151, point 58).

122

Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’une mesure d’aide mise à exécution en méconnaissance des obligations découlant de l’article 108, paragraphe 3, TFUE est illégale (arrêt du 5 mars 2015, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português, C‑667/13, EU:C:2015:151, point 59 et jurisprudence citée).

123

En l’occurrence, il ressort du considérant 1 de la décision du 3 juillet 2014 que le régime de garantie en cause au principal n’a été notifié à la Commission que le 7 novembre 2011, c’est-à-dire à la date à laquelle la demande de protection du capital des sociétés du groupe ARCO par ce régime de garantie a été acceptée par l’arrêté royal portant la même date.

124

Il ne saurait être considéré qu’une notification faite à un stade aussi avancé intervienne « en temps utile », au sens de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

125

Certes, le considérant 110 de la décision du 3 juillet 2014, qui indique que les éléments constitutifs d’une aide d’État étaient en place au plus tard lorsque l’arrêté royal du 10 octobre 2011 a été adopté, mais que l’avantage créé par le régime de garantie en cause au principal existait déjà à l’issue de l’annonce de la mise en place de cette mesure par le gouvernement belge, le 10 octobre 2008, ne permet pas de déterminer sans équivoque la date à laquelle la Commission considère que le régime de garantie en cause au principal a été mis à exécution.

126

Toutefois, sans qu’il soit nécessaire de déterminer si l’aide d’État constatée par la décision du 3 juillet 2014 a été mise à exécution dès sa première annonce par un communiqué de presse du gouvernement belge, le 10 octobre 2008, ou seulement par l’arrêté royal du 7 novembre 2011 ou bien à l’une des dates que la juridiction de renvoi évoque entre ces deux dates, force est de constater que, dans la mesure où les bénéficiaires du régime de garantie en cause au principal ont acquis le droit d’adhérer audit régime au plus tard en vertu de l’arrêté royal du 7 novembre 2011, la notification de ce régime à cette dernière date est, en tout état de cause, intervenue lorsque celui-ci ne se trouvait déjà plus à un stade de « projet », au sens de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Par conséquent, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 118 de ses conclusions, le principe du contrôle préventif de la Commission a été méconnu.

127

Il s’ensuit que la Commission a pu, en tout état de cause, conclure à bon droit, au considérant 143 de la décision du 3 juillet 2014, que le régime de garantie en cause au principal avait été « illégalement [mis] à exécution par [le Royaume de] Belgique, en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE] ».

128

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux quatrième à sixième questions que l’article 108, paragraphe 3, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un régime de garantie tel que celui en cause au principal, dans la mesure où ce dernier a été mis à exécution en méconnaissance des obligations découlant de cette disposition.

129

L’examen de ces questions n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de la décision du 3 juillet 2014.

Sur les dépens

130

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

 

1)

Les articles 2 et 3 de la directive 94/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 1994, relative aux systèmes de garantie des dépôts, telle que modifiée par la directive 2005/1/CE du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2005, doivent être interprétés en ce sens qu’ils n’imposent pas aux États membres d’adopter un régime de garantie des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, tel que celui en cause au principal, ni ne s’opposent à ce qu’un État membre adopte un tel régime, pour autant que ce régime ne compromet pas l’efficacité pratique du régime de garantie des dépôts que cette directive impose aux États membres d’instaurer, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, et qu’il soit conforme au traité FUE, notamment aux articles 107 et 108 TFUE.

 

2)

L’examen des questions préjudicielles posées par le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique) n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de la décision 2014/686/UE de la Commission, du 3 juillet 2014, concernant l’aide d’État SA.33927 (12/C) (ex 11/NN) mise à exécution par la Belgique – Régime de garantie protégeant les participations des associés personnes physiques de coopératives financières.

 

3)

L’article 108, paragraphe 3, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un régime de garantie tel que celui en cause au principal, dans la mesure où ce dernier a été mis à exécution en méconnaissance des obligations découlant de cette disposition.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.