ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

17 septembre 2015 ( *1 )

«Pourvoi — Aides d’État — Recours en annulation — Article 263 TFUE — Recevabilité — Aides illégales et incompatibles — Obligation de récupération — Décision de la Commission européenne de ne pas étendre l’obligation de récupération au repreneur du bénéficiaire de l’aide — Intérêt à agir — Recours en indemnité et en récupération des aides devant les juridictions nationales — Qualité pour agir — Requérant non individuellement concerné»

Dans l’affaire C‑33/14 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 janvier 2014,

Mory SA, en liquidation, établie à Pantin (France),

Mory Team, en liquidation, établie à Pantin,

Superga Invest, anciennement Compagnie française superga d’investissement dans le service (CFSIS), établie à Miraumont (France),

représentées par Mes B. Vatier et F. Loubières, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. T. Maxian Rusche et B. Stromsky, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, M. A. Ó Caoimh (rapporteur), Mme C. Toader, MM. E. Jarašiūnas et C. G. Fernlund, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 avril 2015,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 juin 2015,

rend le présent

Arrêt

1

Par leur pourvoi, Mory SA, Mory Team et Superga Invest demandent l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne Mory e.a./Commission (T‑545/12, EU:T:2013:607, ci‑après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui‑ci a rejeté leur recours visant à l’annulation de la décision C (2012) 2401 final de la Commission, du 4 avril 2012, concernant la reprise des actifs du groupe Sernam dans le cadre de son redressement judiciaire (ci‑après la «décision litigieuse»).

Les antécédents du litige

2

Les requérantes se présentent comme ayant été des concurrentes directes de la Financière Sernam ainsi que de ses filiales, Sernam Services et Aster (ci‑après, ensemble, le «groupe Sernam»). Mory SA et Mory Team (ci‑après, ensemble, les «sociétés Mory») étaient actives dans le secteur de la messagerie traditionnelle et de la messagerie express avant leur mise en liquidation judiciaire. Superga Invest, anciennement Compagnie française superga d’investissement dans le service (CFSIS), était l’actionnaire principal des sociétés Mory.

3

Par la décision du 23 mai 2001, concernant l’aide d’État NN 122/2000 (ex NJ 140/2000) (JO C 199, p. 15), la Commission a approuvé une aide à la restructuration du groupe Sernam (ci‑après la «décision Sernam 1»).

4

Par la décision 2006/367/CE, du 20 octobre 2004, concernant l’aide d’État partiellement mise à exécution par la France en faveur de l’entreprise Sernam (JO 2006, L 140, p. 1, ci‑après la «décision Sernam 2»), la Commission a confirmé que l’aide approuvée par la décision Sernam 1 était compatible avec le marché intérieur sous certaines conditions. Elle a également relevé la présence d’une aide supplémentaire incompatible avec le marché intérieur et devant, par conséquent, être récupérée par la République française.

5

Par lettre du 16 juillet 2008, la Commission a informé la République française de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’égard de l’application par cette dernière de la décision Sernam 2. Cette décision a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 9 janvier 2009 (JO C 4, p. 5).

6

Le 27 juin 2011, les sociétés Mory ont été placées en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Bobigny (France).

7

Le 31 janvier 2012, la Financière Sernam et Sernam Services ont été placées en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Nanterre (France).

8

Le 3 février 2012, Aster a été mise en liquidation judiciaire avec poursuite d’activité par le tribunal de commerce de Pontoise (France).

9

Le 9 mars 2012, la Commission a adopté la décision 2012/398/UE, concernant l’aide d’État no SA.12522 (C 37/08) – France – Application de la décision «Sernam 2» (JO L 195, p. 19, ci‑après la «décision Sernam 3»). L’article 1er du dispositif de cette décision indique que le groupe Sernam a bénéficié d’aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur (ci‑après les «aides en cause»). Aux termes de l’article 2 de ce dispositif, la République française est tenue de récupérer les aides en cause auprès de ce groupe.

10

Le même jour, deux offres de reprise ont été transmises à l’administrateur judiciaire du groupe Sernam, la première émanant de Geodis Calberson (ci‑après «Calberson»), la filiale du groupe Geodis (ci‑après «Geodis»), active dans le secteur de la messagerie, et la seconde de BMV. L’offre de reprise de Calberson était soumise à la condition selon laquelle «aucune obligation de quelque nature que ce soit et notamment aucune charge de restitution de tout ou partie des aides [en cause] versées [au groupe Sernam] ne puisse être transférée avec les actifs repris ou du fait de la reprise, ou être mise à la charge du repreneur». L’offre présentée par BMV n’était pas assortie d’une telle condition, mais était présentée comme étant indissociable de l’offre présentée par Calberson et devenait caduque si l’offre de cette dernière était refusée.

11

Le 23 mars 2012, la République française a demandé à la Commission de confirmer que l’obligation de remboursement des aides en cause ne serait pas étendue à Geodis et à BMV, en cas de reprise par celles‑ci d’une partie des actifs du groupe Sernam.

12

Par la décision litigieuse, la Commission a indiqué à la République française qu’il n’y avait pas lieu d’étendre à Geodis et à BMV l’obligation de remboursement imposée au groupe Sernam aux termes de l’article 2 de la décision Sernam 3, en raison de l’absence de continuité économique entre le groupe Sernam et ces deux repreneurs potentiels. La Commission a précisé, au point 54 de la décision litigieuse, que celle‑ci ne portait pas sur le caractère avisé ou non de l’investissement des repreneurs consistant dans la reprise de certains actifs du groupe Sernam et que, par conséquent, elle ne préjugeait pas de l’appréciation de cet investissement au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

13

Le 10 avril 2012, Calberson a déposé une nouvelle offre de reprise auprès de l’administrateur judiciaire du groupe Sernam ne comportant pas la condition qui affectait son offre de reprise initiale.

14

Le 13 avril 2012, le tribunal de commerce de Nanterre a retenu les offres de reprise déposées par Calberson ainsi que par BMV et ordonné le transfert à leur profit de certains actifs de Sernam Services avec une entrée en jouissance le 7 mai 2012.

15

Le 10 juillet 2012, les sociétés Mory ont été mises en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Bobigny.

La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

16

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 2012, les requérantes ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

17

Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 mars 2013, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, au motif, d’une part, que les requérantes n’établissaient pas qu’elles avaient un intérêt à agir contre la décision litigieuse et, d’autre part, qu’elles n’étaient pas individuellement concernées par cette décision, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

18

Aux termes de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a décidé que les requérantes n’avaient pas justifié de leur intérêt à agir contre la décision litigieuse et que, partant, leur recours devait être déclaré irrecevable pour ce seul motif, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non‑recevoir opposée par la Commission tirée du fait, pour celles‑ci, de ne pas être individuellement concernées par la décision litigieuse. En particulier, le Tribunal a considéré que ni le recours introduit par les sociétés Mory, le 25 avril 2007, devant le tribunal administratif de Paris (France), visant à obtenir la récupération des aides en cause, ni le recours introduit par celles‑ci, le 7 mai 2013, devant le tribunal de commerce de Paris, visant à obtenir la condamnation solidaire, notamment, du groupe Sernam et de Geodis à réparer les préjudices que ces sociétés leur auraient causés, n’étaient susceptibles de leur conférer un tel intérêt.

Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

19

Par leur pourvoi, les requérantes demandent à la Cour:

d’annuler l’ordonnance attaquée;

de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour y être examinée sur le fond, et

de réserver les dépens.

20

La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation des requérantes aux dépens.

21

Par acte déposé au greffe de la Cour le 19 mai 2014, Calberson a demandé, sur le fondement de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.

22

Par ordonnance du président de la Cour du 27 février 2015, cette demande a été rejetée.

Sur la demande de réouverture de la procédure orale

23

À la suite du prononcé des conclusions de M. l’avocat général, les requérantes ont, par acte déposé au greffe de la Cour le 29 juin 2015, demandé que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure. À l’appui de cette demande, les requérantes font valoir, en substance, que les nouveaux arguments présentés par M. l’avocat général dans ses conclusions concernant, en particulier, la qualification de la décision litigieuse, aux fins de la détermination de la qualité pour agir au sens de l’article 263 TFUE, et les implications de ces arguments sur l’examen du pourvoi mériteraient l’organisation d’un débat contradictoire, dans l’hypothèse où la Cour déciderait de statuer définitivement sur le litige.

24

Il convient de rappeler que le statut de la Cour de justice et le règlement de procédure de la Cour ne prévoient pas la possibilité, pour les parties, de présenter des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général (voir arrêt Vnuk, C‑162/13, EU:C:2014:2146, point 30 et jurisprudence citée).

25

En vertu de l’article 252, second alinéa, TFUE, l’avocat général a pour rôle de présenter publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui, conformément au statut de la Cour de justice, requièrent son intervention. La Cour n’est liée ni par les conclusions de l’avocat général ni par la motivation au terme de laquelle il parvient à celles‑ci (voir arrêt Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker‑Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 29 ainsi que jurisprudence citée).

26

Par conséquent, le désaccord d’une partie avec les conclusions de l’avocat général, quelles que soient les questions qu’il examine dans celles‑ci, ne peut constituer en soi un motif justifiant la réouverture de la procédure orale (arrêt E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 62).

27

Cela étant, la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice (arrêt Nordzucker, C‑148/14, EU:C:2015:287, point 24).

28

Tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, les requérantes et la Commission ont exposé, tant au cours de la phase écrite de la procédure que de la phase orale de celle‑ci, l’ensemble de leurs arguments de fait et de droit à l’appui de leurs prétentions, en ce compris en ce qui concerne la qualité pour agir au sens de l’article 263 TFUE. Ainsi, la Cour considère, l’avocat général entendu, qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer et que ces éléments ont fait l’objet des débats menés devant elle.

29

Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

Sur le pourvoi

30

À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent deux moyens. Le premier est tiré de ce que le Tribunal aurait commis plusieurs erreurs de droit dans le cadre de son appréciation de leur intérêt à agir en annulation contre la décision litigieuse. Le second est tiré de la violation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en ce que le Tribunal aurait omis de constater qu’elles étaient directement et individuellement concernées par cette décision.

31

À titre liminaire, les requérantes font valoir qu’il n’existe pas de ligne de séparation entre les notions d’intérêt à agir et d’«affectation directe et individuelle». Ces deux notions se confondraient même totalement s’agissant de l’appréciation de la recevabilité d’un recours introduit par une partie non destinataire d’une décision, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Il serait en effet illogique de considérer qu’une personne directement et individuellement concernée par une décision n’aurait pas intérêt à agir. De même, il serait inconcevable qu’une personne puisse avoir un intérêt à agir sans être directement et individuellement concernée par une décision. En considérant que ces deux notions sont distinctes, le Tribunal aurait violé l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. La seule démonstration qu’une personne est directement et individuellement concernée suffirait à établir la recevabilité de son recours.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

32

Par leur premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis plusieurs erreurs de droit dans le cadre de l’examen l’ayant conduit à conclure qu’elles n’avaient pas établi leur intérêt à agir en annulation contre la décision litigieuse.

33

En premier lieu, les requérantes font valoir que le raisonnement du Tribunal est entaché d’un certain nombre de contradictions et d’erreurs de droit lorsqu’il a considéré, aux points 29 à 35 de l’ordonnance attaquée, que la participation de Mory à la procédure administrative préalable à l’adoption de la décision Sernam 2 n’était pas susceptible de lui conférer un intérêt à agir.

34

Tout d’abord, le Tribunal se contredirait en ce que, ayant notamment invoqué, au point 31 de l’ordonnance attaquée, à l’appui de sa décision selon laquelle les requérantes ne disposaient pas d’un intérêt à agir, la jurisprudence en matière d’aides d’État selon laquelle une partie requérante doit toujours démontrer que la décision de compatibilité d’une aide est susceptible d’affecter sa position sur le marché, il aurait affirmé, au point 57 de cette ordonnance, que la Commission ne s’est pas prononcée, par la décision litigieuse, sur l’existence et la compatibilité d’éventuelles aides sur la base de l’article 108 TFUE.

35

Ensuite, la considération du Tribunal figurant au point 33 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle la question des modalités de récupération des aides en cause concerne uniquement la Commission et l’État membre concerné, aboutirait à exclure par principe qu’une partie, autre que cet État membre, intéressée à la décision qui a ordonné la récupération dispose d’un intérêt à agir contre une décision portant sur les modalités de récupération de ces aides. Une telle analyse contredirait les dispositions de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, selon lesquelles un recours contre une telle décision est ouvert à toute personne directement et individuellement concernée par celle‑ci.

36

Enfin, le Tribunal entretiendrait la confusion, d’une part, entre les notions d’«intérêt à agir» et de «personne concernée» et, d’autre part, quant à la nature de la décision litigieuse, l’ordonnance attaquée qualifiant celle‑ci tantôt de décision sui generis, tantôt de décision portant uniquement sur des modalités de récupération d’une aide ou, tantôt encore, de décision portant sur l’existence ou l’absence d’un transfert d’aide incompatible et sur le contournement d’une décision de récupération. Ces confusions viseraient à éviter de mettre en évidence le fait que le Tribunal n’aurait pas adopté, aux termes de l’ordonnance attaquée, la même approche que celle qu’il avait suivie dans l’arrêt Ryanair/Commission (T‑123/09, EU:T:2012:164).

37

En deuxième lieu, les requérantes estiment que le Tribunal a commis des erreurs de droit et d’appréciation lorsqu’il a jugé, aux points 36 à 51 de l’ordonnance attaquée, que les recours introduits devant les juridictions nationales en vue d’obtenir la récupération des aides en cause et la réparation du préjudice ne leur conféraient pas un intérêt à agir devant le juge de l’Union.

38

Tout d’abord, les requérantes font valoir, à cet égard, que le Tribunal a jugé à tort qu’un intérêt à agir contre une décision de l’Union se justifie uniquement par la possibilité pour une partie d’engager un recours en indemnité devant les juridictions nationales. Cet intérêt pourrait en effet également résulter d’un recours visant à obtenir la récupération effective d’aides par l’État membre concerné. Or, en l’espèce, Mory aurait introduit un tel recours devant le tribunal administratif de Paris en vue de contraindre l’État français à récupérer les aides en cause auprès de tous leurs bénéficiaires successifs, y compris Geodis. Il n’appartiendrait ni à la Commission ni au Tribunal de contester la pertinence et l’intérêt des requérantes dans le cadre de cette procédure, dès lors que celle‑ci a été valablement introduite et qu’elle suit son cours.

39

Ensuite, les requérantes soutiennent que le Tribunal a considéré à tort que leur intérêt à agir n’était pas établi au motif qu’elles n’ont entrepris aucune démarche pendant de nombreuses années aux fins d’obtenir réparation du préjudice résultant de la distorsion de concurrence induite par les aides en cause. L’introduction du recours en indemnité devant le tribunal de commerce de Paris ne serait en effet devenue possible qu’à la suite de l’adoption de la décision Sernam 3 déclarant ces aides incompatibles avec le marché intérieur. En outre, ce recours aurait été annoncé dans la requête devant le Tribunal et introduit avant l’adoption de l’ordonnance attaquée. En tout état de cause, le Tribunal ne pourrait substituer son analyse sur le bien‑fondé du recours en indemnité contre Geodis à celle effectuée par la juridiction nationale pour considérer que ledit recours serait voué à l’échec et que le succès du recours en annulation introduit devant lui serait sans incidence sur le succès du recours en indemnité pendant devant les juridictions nationales.

40

Enfin, les requérantes considèrent qu’un recours en indemnité devant le juge national contre Geodis est légitime, dès lors que cette dernière devrait être considérée comme l’actuelle bénéficiaire des aides en cause et, à ce titre, débitrice de l’obligation de réparer les conséquences préjudiciables de l’octroi de ces aides au détriment des sociétés Mory, solidairement avec les bénéficiaires successifs et leur dispensateur, la Société nationale des chemins de fer français (SNCF). En outre, si la décision litigieuse était annulée, les requérantes pourraient se prévaloir, devant le juge national, de la théorie de droit français dite de l’«enrichissement sans cause» à l’encontre de Geodis.

41

En troisième lieu, les requérantes font grief au Tribunal d’avoir dénié l’existence d’un intérêt à agir de Superga Invest en refusant de considérer que celui‑ci découle de l’intérêt à agir des sociétés Mory dont Superga Invest est l’actionnaire principal.

42

En quatrième lieu, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir jugé, aux points 54 à 58 de l’ordonnance attaquée, qu’elles n’ont pas été privées de leur droit procédural à obtenir l’ouverture d’une procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

43

Tout d’abord, les requérantes allèguent que, tandis qu’elles avaient saisi la Commission de l’existence de risques de contournement résultant de l’opération de cession envisagée, cette institution, en adoptant la décision litigieuse, a écarté l’ouverture d’une procédure d’examen approfondi et a porté atteinte à leurs droits procéduraux. Les requérantes auraient ainsi été privées de la possibilité d’obtenir un examen approfondi, non pas de nouvelles aides, mais de l’application abusive de la décision Sernam 3.

44

Ensuite, les requérantes considèrent que le Tribunal a, à dessein, évité d’examiner si elles étaient directement et individuellement concernées par la décision litigieuse afin d’éluder la question de la nature de cette décision litigieuse, qualifiée par la Commission de décision sui generis. Or, étant individuellement affectées par ladite décision, les requérantes seraient recevables à l’attaquer afin que le Tribunal vérifie si la Commission était compétente pour adopter cette même décision, nonobstant l’absence de base juridique.

45

Enfin, les requérantes font grief au Tribunal d’avoir considéré, au point 33 de l’ordonnance attaquée, que la décision litigieuse, étant donné qu’elle porte non pas sur la compatibilité d’aides d’État avec le marché intérieur, mais sur les modalités de récupération des aides en cause, concerne uniquement la Commission et l’État membre auquel incombe l’obligation de récupération. La question à examiner ne serait ainsi pas de savoir si de nouvelles aides ont été accordées à Geodis, mais si les conditions dans lesquelles devait s’opérer la reprise des actifs du groupe Sernam par Geodis constituaient une application correcte de la décision Sernam 3 ou, au contraire, une application abusive de cette décision. Dès lors qu’une modalité de récupération peut constituer une application abusive d’une décision de récupération d’une aide, la Commission devrait ouvrir la procédure formelle d’examen si elle nourrit des doutes sérieux à cet égard.

46

Selon la Commission, les allégations des requérantes sont non fondées pour deux raisons. D’une part, au moment du dépôt du recours en annulation, les sociétés Mory étaient en liquidation et n’étaient, partant, plus concurrentes d’aucune entreprise. D’autre part, l’annulation de la décision litigieuse ne présenterait pas un intérêt réel dans le cadre d’un recours en indemnité devant le juge national du fait du préjudice concurrentiel qu’elles auraient subi par le passé.

47

La Commission fait valoir, à titre liminaire, que les arguments développés en premier lieu et en quatrième lieu dans le cadre de ce moyen se rattachent non pas à l’intérêt à agir mais à la qualité pour agir des requérantes. Ces arguments ne sauraient, partant, être de nature à démontrer un tel intérêt à agir contre la décision litigieuse.

48

Pour le reste, la Commission estime que ni le recours en récupération ni le recours en indemnité introduits devant les juridictions nationales ne confèrent un intérêt à agir aux requérantes devant le juge de l’Union.

49

En ce qui concerne le premier de ces recours, introduit devant le tribunal administratif de Paris, la Commission soutient que, les sociétés Mory ne subsistant que pour les besoins de leur liquidation, il est exclu qu’elles puissent trouver un intérêt à agir dans la restauration de leur position concurrentielle grâce à la récupération des aides en cause. Dans leur requête devant le Tribunal, les requérantes n’auraient d’ailleurs invoqué que la possibilité d’engager un recours en indemnité pour tenter de justifier un intérêt à agir. Par ailleurs, les requérantes ne seraient pas recevables à invoquer au stade du pourvoi l’argument selon lequel le recours en récupération devant le tribunal administratif de Paris vise également la récupération des aides en cause auprès de Geodis. En effet, cette extension du recours aurait été effectuée après que l’ordonnance attaquée a été rendue et la requête devant le Tribunal ne contiendrait pas cet argument.

50

À titre subsidiaire, la Commission considère qu’il n’est aucunement établi que ce recours devant le tribunal administratif de Paris soit fondé et qu’il ait la moindre chance de succès en droit national. De surcroît, selon cette institution, il semblerait que, à la suite de l’adoption de la décision Sernam 3, cette juridiction nationale s’acheminait vers une ordonnance de non‑lieu à statuer. En effet, une fois que la Commission a statué, comme en l’espèce, en déclarant les aides en cause incompatibles avec le marché intérieur et en ordonnant leur récupération, la procédure entamée antérieurement devant le juge national perdrait son objet.

51

En ce qui concerne le second de ces recours, introduit devant le tribunal de commerce de Paris, la Commission fait valoir qu’il n’est pas suffisant, pour justifier d’un intérêt à l’annulation d’une décision de la Commission, que le requérant devant le juge de l’Union se prévale de n’importe quel recours en indemnité susceptible d’être déposé à l’avenir ou, le cas échéant, déjà déposé devant une juridiction nationale, au motif que l’annulation de cette décision par le juge de l’Union faciliterait la bonne fin de son recours en indemnité, sans démontrer, en outre, que celui‑ci est raisonnablement susceptible d’aboutir en cas d’annulation de la décision de la Commission. Dans ce contexte, si le Tribunal ne doit pas se substituer à la juridiction nationale pour statuer sur le bien‑fondé du recours en indemnité dont est saisie la juridiction nationale, il lui appartiendrait néanmoins de contrôler que les requérants ont établi l’existence d’un intérêt réel à demander l’annulation d’une décision de la Commission en vue d’appuyer ce recours en indemnité.

52

En l’espèce, la Commission considère qu’une telle démonstration fait défaut. L’appréciation portée sur ce point par le Tribunal serait exacte, laquelle, par ailleurs, relèverait du domaine factuel qui échappe au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Les requérantes n’auraient déposé leur recours en indemnité que pour répondre à l’argumentation présentée par la Commission dans son exception d’irrecevabilité plus d’un an après l’adoption de la décision Sernam 3. Quant à la possibilité d’invoquer à l’encontre de Geodis un argument fondé sur la théorie de droit français dite de l’«enrichissement sans cause», il serait présenté pour la première fois dans le cadre du pourvoi et serait, à ce titre, manifestement irrecevable. En tout état de cause, aucune argumentation sérieuse ne serait présentée à l’appui de cette théorie.

53

Enfin, la Commission estime que le Tribunal a constaté à bon droit, au point 53 de l’ordonnance attaquée, que, les sociétés Mory n’étant plus en activité, elles ne sauraient souffrir d’un quelconque trouble concurrentiel dont Superga Invest subirait les conséquences.

Appréciation de la Cour

54

Par leur premier moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit en jugeant qu’elles n’ont pas établi leur intérêt à agir en annulation de la décision litigieuse, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

55

Selon une jurisprudence constante de la Cour, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle‑même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir notamment, en ce sens, arrêts Commission/Koninklijke FrieslandCampina, C‑519/07 P, EU:C:2009:556, point 63; ACEA/Commission, C‑319/09 P, EU:C:2011:857, point 67; Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 67, ainsi que Stichting Woonlinie e.a./Commission, C‑133/12 P, EU:C:2014:105, point 54).

56

L’intérêt à agir d’un requérant doit être né et actuel (voir, en ce sens, arrêts Commission/Koninklijke FrieslandCampina, C‑519/07 P, EU:C:2009:556, point 65, et Planet/Commission, C‑564/13 P, EU:C:2015:124, point 34). Il ne peut concerner une situation future et hypothétique (voir, en ce sens, arrêts Stroghili/Cour des comptes, 204/85, EU:C:1987:21, point 11, ainsi que Cañas/Commission, C‑269/12 P, EU:C:2013:415, points 16 et 17).

57

Cet intérêt doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui‑ci, sous peine d’irrecevabilité, et perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non‑lieu à statuer (voir, en ce sens, arrêts Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 61, ainsi que Cañas/Commission, C‑269/12 P, EU:C:2013:415, point 15).

58

L’intérêt à agir constitue ainsi la condition essentielle et première de tout recours en justice (voir, en ce sens, ordonnance S./Commission, 206/89 R, EU:C:1989:333, point 8, et arrêt Andechser Molkerei Scheitz/Commission, C‑682/13 P, EU:C:2015:356, point 27).

59

En outre, la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est subordonnée à la condition que lui soit reconnue la qualité pour agir, laquelle se présente dans deux cas de figure. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui‑ci la concerne directement (voir en ce sens, notamment, arrêts Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 19, et Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 44).

60

En l’espèce, il convient de constater, en premier lieu, que le Tribunal, au point 59 de l’ordonnance attaquée, a conclu à l’irrecevabilité du recours en annulation de la décision litigieuse, introduit par les requérantes au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, au seul motif que celles‑ci n’ont pas justifié de leur intérêt à agir, sans examiner, par ailleurs, si lesdites requérantes disposaient également de la qualité pour agir au sens de cette même disposition.

61

Dans ces conditions, il apparaît que les motifs par lesquels le Tribunal a considéré, aux points 29 à 35 et 55 à 58 de l’ordonnance attaquée, que, d’une part, Mory n’était pas individuellement concernée par la décision litigieuse et, d’autre part, les requérantes n’ont pas été privées, en l’absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, du bénéfice de leurs droits procéduraux, ne sont pas de nature à soutenir le dispositif de cette ordonnance, lesdits motifs se rattachant à l’examen non pas de l’intérêt mais de la qualité pour agir, ce que le Tribunal a d’ailleurs relevé lui‑même aux points 30 et 34 de ladite ordonnance.

62

À cet égard, c’est à tort que les requérantes font valoir que la seule circonstance selon laquelle une personne physique ou morale est directement et individuellement concernée démontre nécessairement son intérêt à agir. En effet, ainsi qu’il ressort des points 55 à 59 du présent arrêt, l’intérêt à agir et la qualité pour agir constituent des conditions de recevabilité distinctes qu’une personne physique ou morale doit remplir de façon cumulative afin d’être recevable à former un recours en annulation au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir en ce sens, notamment, arrêts Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, points 67 et 68, ainsi que Stichting Woonlinie e.a./Commission, C‑133/12 P, EU:C:2014:105, points 54 et 55).

63

Il résulte des considérations qui précèdent que l’argumentation développée par les requérantes dans le cadre du premier moyen à l’appui de leur pourvoi, en tant qu’elle fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir considéré que les requérantes ne bénéficiaient pas de la qualité pour agir, doit être rejetée comme étant, pour partie, inopérante et, pour partie, non fondée.

64

En second lieu, il convient d’examiner le premier moyen des requérantes en tant qu’il est dirigé contre les considérations du Tribunal, figurant aux points 36 à 51 de l’ordonnance attaquée, aux termes desquelles celui‑ci a rejeté l’argumentation desdites requérantes selon laquelle leur intérêt à agir résultait, en l’occurrence, du recours introduit, le 25 avril 2007, par les sociétés Mory devant le tribunal administratif de Paris, visant à obtenir la récupération des aides en cause, ainsi que du recours en indemnité qu’elles ont introduit en date du 7 mai 2013 devant le tribunal de commerce de Paris en vue d’obtenir la condamnation solidaire, notamment, du groupe Sernam et de Geodis à réparer le préjudice que ces derniers auraient causé aux requérantes.

65

À cet égard, le Tribunal a relevé, d’une part, aux points 39 et 40 de l’ordonnance attaquée, que le recours visant à la récupération des aides en cause introduit devant le juge national ne visait pas la réparation d’un préjudice que les requérantes soutenaient avoir subi.

66

D’autre part, le Tribunal, après avoir souligné, au point 41 de l’ordonnance attaquée, que les requérantes n’ont entrepris aucune démarche pendant de nombreuses années aux fins d’obtenir réparation du prétendu préjudice résultant de la distorsion de concurrence induite par ces aides, a jugé, aux points 42 à 49 de cette ordonnance, que le recours en indemnité introduit par elles devant le tribunal de commerce de Paris, postérieurement à l’introduction du recours en annulation devant le juge de l’Union, ne leur conférait pas non plus un intérêt à agir devant ce dernier, dès lors qu’elles n’avaient pas démontré que Geodis était susceptible de leur causer un dommage, de telle sorte qu’elles étaient fondées à agir en responsabilité contre celle‑ci devant le juge national.

67

À cet égard, le Tribunal a, tout d’abord, relevé, aux points 44 et 45 de l’ordonnance attaquée, que, ayant repris les actifs du groupe Sernam à une date postérieure à la mise en redressement judiciaire des sociétés Mory, cette reprise ne saurait être la cause de leur mise en liquidation judiciaire et que, partant, Geodis ne saurait être tenue responsable de leur mauvaise situation financière. Ensuite, le Tribunal a souligné, au point 47 de cette ordonnance, qu’il n’était pas non plus établi que Geodis, par le simple fait d’avoir repris certains des actifs du groupe Sernam, pourrait, théoriquement, être tenue responsable, sur le fondement du droit national, du prétendu préjudice que ce groupe aurait causé aux requérantes. Enfin, dans la mesure où les requérantes font état du dommage que pourrait leur causer Geodis en reprenant certains des actifs du groupe Sernam sans être tenue de restituer les aides en cause, le Tribunal a considéré, au point 48 de ladite ordonnance, que, les sociétés Mory ayant cessé toute activité économique depuis leur mise en liquidation, elles ne sauraient subir aucun préjudice causé par le repreneur.

68

Il y a lieu d’observer d’emblée que, si, certes, le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits et, en principe, pour examiner les éléments de preuve qu’il retient à l’appui de ces faits, la Cour est compétente pour exercer son contrôle, dès lors que le Tribunal a qualifié leur nature juridique et en a fait découler des conséquences en droit (voir, en ce sens, arrêt E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, points 64 et 65 ainsi que jurisprudence citée). Par conséquent, la question de savoir si, eu égard à de tels faits et éléments de preuve, l’annulation de la décision litigieuse par le juge de l’Union est de nature à procurer aux requérantes un bénéfice dans le cadre d’un recours intenté devant les juridictions nationales, pouvant établir leur intérêt à agir devant le juge de l’Union, est une question de droit qui relève du contrôle que la Cour exerce dans le cadre d’un pourvoi.

69

Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, un recours en annulation peut conserver un intérêt en tant que base d’un recours éventuel en responsabilité (voir, en ce sens, arrêts Könecke Fleischwarenfabrik/Commission, 76/79, EU:C:1980:68, point 9; France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, EU:C:1998:148, point 74; ordonnances Lech‑Stahlwerke/Commission, C‑111/99 P, EU:C:2001:58, points 19 et 20; Commission/Provincia di Imperia, C‑183/08 P, EU:C:2009:136, point 30, ainsi que arrêt Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 64).

70

La persistance d’un tel intérêt à agir doit être appréciée in concreto en tenant compte, notamment, des conséquences de l’illégalité alléguée et de la nature du préjudice prétendument subi (arrêt Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 65).

71

En l’espèce, ainsi qu’il ressort, en substance, du point 46 de l’ordonnance attaquée, le préjudice allégué par les requérantes résulte du fait que le groupe Sernam a bénéficié pendant dix années d’aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur, octroyées par la République française et dont la Commission, aux termes de la décision Sernam 3, a ordonné la restitution.

72

Or, par la décision litigieuse, la Commission a informé la République française que cette obligation de restitution ne serait pas étendue à Geodis en cas de reprise par celle‑ci d’une partie des actifs du groupe Sernam, dès lors que, en l’absence de continuité économique, il n’était pas établi que Geodis aurait la jouissance effective des aides en cause.

73

Il en résulte que, du fait de l’adoption de cette décision, Geodis, qui a effectivement repris par la suite certains actifs du groupe Sernam, est à l’abri de cette obligation de restitution, dès lors qu’elle ne peut être considérée comme bénéficiaire des aides en cause.

74

Comme l’a indiqué M. l’avocat général au point 91 de ses conclusions, cette seule circonstance est de nature à démontrer que les requérantes ont un intérêt à demander l’annulation de la décision litigieuse, dès lors que leur recours en indemnité devant les juridictions nationales, en ce qu’il vise à obtenir la réparation du préjudice qu’elles prétendent avoir subi du fait de l’octroi des aides en cause, se fonde précisément sur la prémisse selon laquelle Geodis doit, en tant que repreneuse, être considérée comme bénéficiaire de celles‑ci.

75

En effet, l’annulation de la décision litigieuse étant susceptible d’avoir comme conséquence que Geodis devrait désormais être considérée comme bénéficiaire des aides en cause, dont l’octroi aurait causé le préjudice allégué par les requérantes, une telle annulation serait, par elle‑même, de nature à accroître les chances de succès du recours en indemnité introduit devant le tribunal de commerce de Paris en ce que celui‑ci est dirigé contre Geodis et, partant, de leur procurer un avantage dans le cadre de ce recours.

76

À cet égard, il ne saurait être exigé, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal au point 47 de l’ordonnance attaquée, que les requérantes démontrent que, selon le droit national, Geodis pourrait effectivement être tenue responsable du préjudice allégué du seul fait de la reprise des actifs du groupe Sernam. Il n’appartient pas, en effet, au juge de l’Union, aux fins de l’examen de l’intérêt à agir devant lui, d’apprécier la probabilité du bien‑fondé d’un recours introduit devant les juridictions nationales en vertu du droit interne et, partant, de se substituer à celles‑ci en vue d’une telle appréciation. Il est, en revanche, nécessaire, mais suffisant, que, par son résultat, le recours en annulation introduit devant le juge de l’Union soit susceptible de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté. Or, tel est le cas en l’espèce, ainsi qu’il résulte des points 74 et 75 du présent arrêt.

77

Il est également sans incidence, à la différence de ce que le Tribunal a indiqué au point 48 de l’ordonnance attaquée, que les sociétés Mory aient cessé toute activité économique depuis leur liquidation, dès lors que le préjudice allégué par les requérantes, ainsi que la Commission l’a elle‑même reconnu lors de l’audience, résulte précisément de la distorsion de concurrence induite par l’octroi des aides en cause au cours d’une période pendant laquelle il est constant que les sociétés Mory exerçaient une activité économique sur le marché concerné et, partant, étaient concurrentes du bénéficiaire de ces aides.

78

Pour le même motif, il est sans pertinence que la reprise par Geodis de certains actifs du groupe Sernam étant postérieure à la date à laquelle les sociétés Mory ont été placées en redressement judiciaire, circonstance relevée par le Tribunal aux points 44 et 45 de l’ordonnance attaquée, ne soit pas la cause de la mise en liquidation judiciaire de ces dernières sociétés.

79

Il convient d’ajouter que c’est également à tort que la Commission reproche aux requérantes, au stade du présent pourvoi, d’avoir introduit leur recours en indemnité devant le juge national à une date postérieure à celle de l’introduction de leur recours en annulation devant le Tribunal. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 56 et 69 du présent arrêt que l’éventualité d’un recours en indemnité suffit à fonder un tel intérêt à agir, pour autant que celui‑ci ne soit pas hypothétique. Or, en l’espèce, il est constant que les requérantes ont annoncé l’introduction de ce recours en indemnité dans leur requête déposée devant le Tribunal et que celui‑ci, ainsi qu’il ressort du point 42 de l’ordonnance attaquée, a effectivement été introduit avant l’adoption de l’ordonnance attaquée.

80

De surcroît, il convient également de constater que l’annulation de la décision litigieuse serait aussi, par elle‑même, susceptible de procurer aux requérantes un avantage dans le cadre du recours qu’elles ont introduit devant le tribunal administratif de Paris afin de contraindre l’État français à récupérer les aides en cause, dès lors que cette annulation aurait pour effet que Geodis ne serait plus nécessairement soustraite à l’obligation de restitution tirée de la décision litigieuse, de sorte que l’annulation de cette dernière serait de nature à accroître les chances de succès de ce recours devant le tribunal administratif de Paris.

81

Le Tribunal a, partant, commis une erreur de droit en jugeant, au point 40 de l’ordonnance attaquée, que ce dernier recours n’était pas de nature à conférer un intérêt à agir aux requérantes pour le seul motif que celui‑ci ne tendait pas à la réparation du préjudice prétendument subi, l’intérêt à agir pouvant découler, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 40 de ses conclusions, de toute action devant les juridictions nationales dans le cadre de laquelle l’éventuelle annulation de l’acte attaqué devant le juge de l’Union est susceptible de procurer un avantage au requérant.

82

À cet égard, c’est à tort que la Commission soutient que le recours introduit par les requérantes devant le tribunal administratif de Paris n’est pas apte à fonder l’intérêt à agir des requérantes devant le juge de l’Union au motif que ce recours vise uniquement à obtenir la récupération des aides en cause non pas auprès de Geodis mais auprès du groupe Sernam. En effet, il ressort clairement du dossier soumis à la Cour que ledit recours s’étendait aux bénéficiaires successifs des aides en cause. Les requérantes ayant, au demeurant, fait mention explicite de cette extension de leur recours dans leurs écrits devant le Tribunal, il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission au motif que cet argument des requérantes n’a pas été présenté dans le cadre de la procédure devant le Tribunal.

83

Par ailleurs, s’il ne peut certes être exclu que l’adoption de la décision Sernam 3, en ce que celle‑ci ordonne la récupération des aides en cause, ou la cessation des activités économiques des sociétés Mory puissent, le cas échéant, affecter l’intérêt à agir des requérantes devant le tribunal administratif de Paris, cette circonstance est, en revanche, sans la moindre incidence, contrairement à ce que la Commission a fait valoir, notamment, lors de l’audience, sur l’intérêt à agir de ces mêmes requérantes devant le juge de l’Union, dès lors que, par son résultat, le recours en annulation introduit devant celui‑ci est susceptible d’influer sur l’issue du recours devant le juge national visant à obtenir la récupération des aides en cause.

84

Il résulte de ce qui précède, en particulier des points 77, 78 et 83 du présent arrêt, que le Tribunal a également commis une erreur de droit en jugeant, aux points 52 à 54 de l’ordonnance attaquée, que Superga Invest, en tant qu’actionnaire principal des sociétés Mory, n’avait pas établi son intérêt à agir, dès lors que, ces dernières sociétés n’étant plus en activité, elles ne sauraient souffrir d’un quelconque trouble concurrentiel dont Superga Invest subirait les conséquences. L’intérêt à agir de Superga Invest se confondant avec celui des sociétés Mory, celle‑ci dispose également, par identité de motifs, d’un tel intérêt devant le juge de l’Union.

85

Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de constater que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que les requérantes n’avaient pas établi leur intérêt à agir, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en vue d’obtenir l’annulation de la décision litigieuse.

86

Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer fondé le premier moyen des requérantes à l’appui de leur pourvoi.

87

Il convient, en conséquence, d’annuler l’ordonnance attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen invoqué par les requérantes à l’appui de leur pourvoi.

Sur le recours devant le Tribunal

88

Conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle‑même définitivement sur le litige, lorsque celui‑ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

89

En l’occurrence, la Cour estime qu’elle dispose des éléments nécessaires pour statuer définitivement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission au cours de la procédure de première instance.

90

En premier lieu, il convient, pour les motifs exposés aux points 74 à 85 du présent arrêt, de rejeter cette exception d’irrecevabilité en tant qu’elle reproche aux requérantes un défaut d’intérêt à agir.

91

En second lieu, en tant que cette exception reproche aux requérantes un défaut de qualité pour agir, il importe de rappeler que, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 59 du présent arrêt, l’article 263, quatrième alinéa, TFUE prévoit deux cas de figure dans lesquels la qualité pour agir est reconnue à une personne physique ou morale pour former un recours contre un acte de l’Union dont elle n’est pas le destinataire. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui‑ci la concerne directement.

92

La décision litigieuse, qui a été adressée à la République française, ne constituant pas un acte réglementaire aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dès lors qu’elle n’est pas un acte de portée générale (voir, en ce sens, arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 56), il convient de vérifier si les requérantes sont directement et individuellement concernées par cette décision, au sens de cette disposition.

93

Selon une jurisprudence constante de la Cour, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (voir, notamment, arrêts Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223; Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 53; 3F/Commission, C‑319/07 P, EU:C:2009:435, point 29, ainsi que T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 63).

94

Le recours en première instance concernant une décision de la Commission en matière d’aides d’État, il y a lieu de relever que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 108 TFUE, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée au paragraphe 3 de cet article, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause, et, d’autre part, la phase d’examen visée au paragraphe 2 dudit article. Ce n’est que dans le cadre de celle‑ci, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (voir, notamment, arrêt 3F/Commission, C‑319/07 P, EU:C:2009:435, point 30 et jurisprudence citée).

95

Il en résulte que, lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu’une aide est compatible avec le marché intérieur, les bénéficiaires de ces garanties de procédure ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester devant le juge de l’Union cette décision. Pour ces motifs, celui‑ci déclare recevable un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un intéressé au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, lorsque l’auteur de ce recours cherche, par l’introduction de celui‑ci, à sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (voir en ce sens, notamment, arrêts 3F/Commission, C‑319/07 P, EU:C:2009:435, point 31 et jurisprudence citée, ainsi que Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 47).

96

La Cour a eu l’occasion de préciser que de tels intéressés sont les personnes, les entreprises ou les associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, c’est‑à‑dire en particulier les entreprises concurrentes des bénéficiaires de cette aide et les organisations professionnelles (voir, notamment, arrêt 3F/Commission, C‑319/07 P, EU:C:2009:435, point 32 et jurisprudence citée).

97

En revanche, si le requérant met en cause le bien‑fondé d’une décision d’appréciation de l’aide prise sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ou à l’issue de la procédure formelle d’examen, le simple fait qu’il puisse être considéré comme intéressé au sens du paragraphe 2 de cet article ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Il doit alors démontrer qu’il a un statut particulier au sens de la jurisprudence rappelée au point 93 du présent arrêt. Il en est notamment ainsi au cas où la position du requérant sur le marché est substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (voir, en ce sens, arrêts Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, EU:C:2005:761, point 37 et jurisprudence citée, ainsi que British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 30).

98

À cet égard, ont notamment été reconnues comme individuellement concernées par une décision de la Commission clôturant la procédure formelle d’examen, outre l’entreprise bénéficiaire, les entreprises concurrentes de cette dernière ayant joué un rôle actif dans le cadre de cette procédure, pour autant que leur position sur le marché soit substantiellement affectée par la mesure d’aide faisant l’objet de la décision attaquée (voir arrêt Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 55 et jurisprudence citée).

99

Concernant la détermination d’une telle affectation, la Cour a eu l’occasion de préciser que la seule circonstance qu’un acte tel que la décision litigieuse est susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant dans le marché pertinent et que l’entreprise concernée se trouvait dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de cet acte ne saurait en tout état de cause suffire pour que ladite entreprise puisse être considérée comme individuellement concernée par ledit acte (voir, en ce sens, arrêt British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 47).

100

Dès lors, une entreprise ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire, mais doit établir, en outre, qu’elle est dans une situation de fait qui l’individualise d’une manière analogue à celle du destinataire (voir, notamment, arrêt British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 48).

101

En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 72 du présent arrêt, par la décision litigieuse, la Commission a informé la République française que l’obligation de restitution des aides illégales et incompatibles imposée à cet État membre par la décision Sernam 3 ne serait pas étendue à Geodis en cas de reprise par celle‑ci d’une partie des actifs du groupe Sernam, dès lors que, en l’absence de continuité économique, il n’était pas établi que Geodis aurait la jouissance effective de ces aides.

102

En outre, il ressort expressément du point 54 de la décision litigieuse que celle‑ci ne porte pas sur le caractère avisé ou non de l’investissement effectué par Geodis, consistant dans la reprise d’une partie des actifs du groupe Sernam, et ne préjuge pas, par conséquent, de l’appréciation de cet investissement par la Commission au regard de l’article 107, paragraphe 1,TFUE.

103

Il en résulte que les aides qui, aux termes de la décision litigieuse, ne peuvent pas être récupérées auprès de l’acquéreur d’une partie des actifs de leur bénéficiaire initial sont précisément et uniquement les aides ayant déjà fait l’objet de la décision Sernam 3.

104

Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 147 et 169 de ses conclusions, la décision litigieuse doit, dès lors, être considérée comme une décision connexe et complémentaire à la décision Sernam 3, dans la mesure où elle en précise la portée quant à la qualité de bénéficiaire des aides en cause et, partant, quant à celle de débiteur de l’obligation de restitution de celles‑ci, à la suite de la survenance d’un événement postérieur à l’adoption de cette décision, à savoir, en l’occurrence, l’acquisition par un tiers d’une partie des actifs du bénéficiaire initial desdites aides.

105

Or, il est constant que la décision Sernam 3 a été adoptée par la Commission au terme de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

106

Dans ces conditions, les requérantes peuvent être considérées comme individuellement concernées par la décision litigieuse, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, si elles démontrent, notamment, que leur position sur le marché a été substantiellement affectée par l’octroi des aides en cause. En revanche, le simple fait qu’elles puissent être considérées comme intéressées au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours.

107

En l’occurrence, les requérantes soutiennent que les sociétés Mory sont individuellement concernées par la décision litigieuse, dès lors que, en n’ouvrant pas la procédure formelle d’examen, la Commission a privé ces dernières des droits procéduraux qui leur sont reconnus à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, notamment en vue de faire valoir l’incompétence de cette institution pour adopter cette décision. En outre, les sociétés Mory auraient démontré l’existence d’un intérêt à agir. De plus, elles auraient participé à la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision Sernam 3 et elles auraient interrogé la Commission la veille de l’adoption de la décision litigieuse sur la base juridique à laquelle celle‑ci entendait avoir recours à cette fin. De surcroît, ces sociétés seraient les seules à avoir formé un recours devant les juridictions françaises en vue de contraindre les autorités françaises à récupérer les aides en cause auprès de leurs bénéficiaires et elles auraient, de même que Superga Invest, introduit un recours devant ces juridictions en vue d’obtenir la réparation du dommage subi en raison de l’octroi de ces aides.

108

Par ailleurs, les requérantes font valoir, à titre surabondant, que la position concurrentielle des sociétés Mory a été affectée de manière substantielle par les aides en cause. Ces sociétés auraient même été contraintes de cesser leurs activités pour des raisons qu’elles estiment liées à l’octroi de ces aides. Quant à Superga Invest, elle subirait également, en sa qualité d’actionnaire des sociétés Mory, les effets anticoncurrentiels desdites aides, d’autant qu’elle pourrait décider de pénétrer elle‑même le marché concerné.

109

À cet égard, il convient de constater que, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 62, 97 et 98 du présent arrêt, la violation alléguée des droits procéduraux reconnus aux sociétés Mory à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, leur intérêt à agir et le rôle actif qu’elles ont tenu dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision Sernam 3 et de la décision litigieuse ne sont pas de nature, dans la présente affaire, à les individualiser au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Quant à la circonstance que les requérantes ont introduit des recours devant les juridictions nationales en vue, d’une part, de contraindre les autorités françaises à récupérer les aides en cause et, d’autre part, d’obtenir la réparation du préjudice subi en raison de l’octroi de celles‑ci, elle ne saurait non plus, en tant que telle, suffire à les individualiser au sens de cette disposition, dès lors que toute personne peut potentiellement introduire de tels recours.

110

Par ailleurs, si les requérantes allèguent, bien qu’à titre surabondant, que la position concurrentielle des sociétés Mory a été substantiellement affectée par les aides en cause, en particulier en ce que ces sociétés auraient été contraintes de cesser leurs activités, il y a lieu de constater que, ni dans leur recours en première instance, ni dans le cadre du présent pourvoi, elles n’ont apporté des éléments de nature à étayer cette allégation. Elles n’ont, en outre, fourni à la Cour aucune donnée concernant la structure du marché en cause et leur situation concurrentielle sur ce marché. Quant à Superga Invest, il est constant qu’elle n’est pas active sur le marché concerné et qu’elle ne peut, dès lors, pas être qualifiée de concurrente du bénéficiaire des aides en cause. En outre, les sociétés Mory n’ayant pas démontré que leur position concurrentielle a été substantiellement affectée par ces aides, Superga Invest ne saurait tirer aucune qualité pour agir à ce titre au motif de sa seule qualité d’actionnaire de celles‑ci.

111

En conséquence, aucune des requérantes ne peut être considérée comme étant individuellement concernée par la décision litigieuse, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

112

Dès lors, l’exception d’irrecevabilité du recours en annulation introduit par les requérantes devant le Tribunal, soulevée par la Commission dans le cadre de la procédure de première instance, doit être accueillie en tant que cette exception reproche aux requérantes un défaut de qualité pour agir et, partant, il y a lieu de rejeter ce recours comme étant irrecevable.

Sur les dépens

113

En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle‑même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 2, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, si plusieurs parties succombent, la Cour décide du partage des dépens.

114

Le pourvoi des requérantes étant accueilli, mais leur recours en annulation étant rejeté, chacune des parties supportera ses propres dépens relatifs tant à la procédure de première instance qu’à celle du pourvoi.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

 

1)

L’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne Mory e.a./Commission (T‑545/12, EU:T:2013:607) est annulée.

 

2)

Le recours en annulation introduit par Mory SA, Mory Team et Superga Invest contre la décision C (2012) 2401 final de la Commission, du 4 avril 2012, concernant la reprise des actifs du groupe Sernam dans le cadre de son redressement judiciaire, est rejeté comme irrecevable.

 

3)

Mory SA, Mory Team, Superga Invest et la Commission européenne supportent leurs propres dépens relatifs tant à la procédure de première instance qu’à celle du pourvoi.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le français.