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Document 62005CJ0016

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 20 septembre 2007.
The Queen, à la demande de Veli Tum et Mehmet Dari contre Secretary of State for the Home Department.
Demande de décision préjudicielle: House of Lords - Royaume-Uni.
Accord d'association CEE-Turquie - Article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel - Clause de 'standstill' - Portée - Législation d'un État membre ayant introduit, après l'entrée en vigueur du protocole additionnel, de nouvelles restrictions en ce qui concerne l'admission sur son territoire de ressortissants turcs aux fins de l'exercice de la liberté d’établissement.
Affaire C-16/05.

European Court Reports 2007 I-07415

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2007:530

Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire C‑16/05,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la House of Lords (Royaume-Uni), par décision du 2 décembre 2004, parvenue à la Cour le 19 janvier 2005, dans la procédure

The Queen, à la demande de:

Veli Tum,

Mehmet Dari

contre

Secretary of State for the Home Department,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. R. Schintgen (rapporteur), J. Klučka, M me R. Silva de Lapuerta et M. L. Bay Larsen, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: M me K. Sztranc-Sławiczek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 mai 2006,

considérant les observations présentées:

– pour MM. Tum et Dari, par M mes N. Rogers et J. Rothwell, barristers, ainsi que par M me L. Baratt et M. M. Kuddus, solicitors,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, initialement par M. M. Bethell, puis par M me E. O’Neill, en qualité d’agents, assistés de M. P. Saini, barrister,

– pour le gouvernement néerlandais, par M me C. M. Wissels, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement slovaque, par M. R. Procházka, en qualité d’agent,

– pour la Commission des Communautés européennes, par M me C. O’Reilly et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 septembre 2006,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, signé le 23 novembre 1970 à Bruxelles et conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) nº 2760/72 du Conseil, du 19 décembre 1972 (JO L 293, p. 1, ci-après le «protocole additionnel»).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre de deux litiges opposant MM. Tum et Dari, ressortissants turcs, au Secretary of State for the Home Department (ministre de l’Intérieur, ci-après le «Secretary of State») au sujet de décisions de ce dernier refusant de leur accorder une autorisation d’entrée sur le territoire du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord aux fins d’y exercer une activité professionnelle indépendante et ordonnant leur expulsion de cet État membre dans lequel ils n’ont été admis qu’à titre précaire.

Le cadre juridique

L’association CEE-Turquie

3. Conformément à son article 2, paragraphe 1, l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, qui a été signé, le 12 septembre 1963, à Ankara par la République de Turquie, d’une part, ainsi que par les États membres de la CEE et la Communauté, d’autre part, et qui a été conclu, approuvé et confirmé au nom de cette dernière par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 (JO 1964, 217, p. 3685, ci-après l’«accord d’association»), a pour objet de promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre les parties contractantes, y compris dans le domaine de la main-d’œuvre, par la réalisation graduelle de la libre circulation des travailleurs (article 12 de l’accord d’association) ainsi que par l’élimination des restrictions à la liberté d’établissement (article 13 dudit accord) et à la libre prestation des services (article 14 du même accord), en vue d’améliorer le niveau de vie du peuple turc et de faciliter ultérieurement l’adhésion de la République de Turquie à la Communauté (quatrième considérant du préambule et article 28 de cet accord).

4. À cet effet, l’accord d’association comporte une phase préparatoire, permettant à la République de Turquie de renforcer son économie avec l’aide de la Communauté (article 3 de cet accord), une phase transitoire, au cours de laquelle sont assurés la mise en place progressive d’une union douanière et le rapprochement des politiques économiques (article 4 dudit accord), et une phase définitive qui est fondée sur l’union douanière et implique le renforcement de la coordination des politiques économiques des parties contractantes (article 5 du même accord).

5. L’article 6 de l’accord d’association est libellé comme suit:

«Pour assurer l’application et le développement progressif du régime d’association, les Parties contractantes se réunissent au sein d’un conseil d’association qui agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées par l’accord.»

6. Aux termes de l’article 8 de l’accord d’association, inséré dans le titre II de celui-ci, intitulé «Mise en œuvre de la phase transitoire»:

«Pour la réalisation des objectifs énoncés à l’article 4, le conseil d’association fixe, avant le début de la phase transitoire, et selon la procédure prévue à l’article premier du protocole provisoire, les conditions, modalités et rythmes de mise en œuvre des dispositions propres aux domaines visés par le traité instituant la Communauté qui devront être pris en considération, notamment ceux visés au présent titre, ainsi que toute clause de sauvegarde qui s’avérerait utile.»

7. Les articles 12 à 14 de l’accord d’association figurent également sous le titre II de celui-ci, chapitre 3, intitulé «Autres dispositions de caractère économique».

8. L’article 12 prévoit:

«Les Parties contractantes conviennent de s’inspirer des articles [39 CE], [40 CE] et [41 CE] pour réaliser graduellement la libre circulation des travailleurs entre elles.»

9. L’article 13 dispose:

«Les Parties contractantes conviennent de s’inspirer des articles [43 CE] à [46 CE] inclus et [48 CE] pour éliminer entre elles les restrictions à la liberté d’établissement.»

10. L’article 14 énonce:

«Les Parties contractantes conviennent de s’inspirer des articles [45 CE], [46 CE] et [48 CE] à [54 CE] inclus pour éliminer entre elles les restrictions à la libre prestation des services.»

11. Aux termes de l’article 22, paragraphe 1, de l’accord d’association:

«Pour la réalisation des objets fixés par l’accord et dans les cas prévus par celui-ci, le Conseil d’association dispose d’un pouvoir de décision. Chacune des deux parties est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution des décisions prises. [...]»

12. Le protocole additionnel qui, conformément à son article 62, fait partie intégrante de l’accord d’association, arrête, aux termes de son article 1 er , les conditions, modalités et rythmes de réalisation de la phase transitoire visée à l’article 4 dudit accord.

13. Le protocole additionnel comporte un titre II, intitulé «Circulation des personnes et des services», dont le chapitre I vise «[l]es travailleurs» et le chapitre II est consacré aux «[d]roit d’établissement, services et transports».

14. L’article 36 du protocole additionnel, qui fait partie dudit chapitre I, prévoit que la libre circulation des travailleurs entre les États membres de la Communauté et la Turquie sera réalisée graduellement, conformément aux principes énoncés à l’article 12 de l’accord d’association, entre la fin de la douzième et de la vingt-deuxième année après l’entrée en vigueur de celui-ci et que le conseil d’association décidera des modalités nécessaires à cet effet.

15. L’article 41 du protocole additionnel, qui figure dans le chapitre II dudit titre II, est ainsi libellé:

«1. Les parties contractantes s’abstiennent d’introduire entre elles de nouvelles restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services.

2. Le conseil d’association fixe, conformément aux principes énoncés aux articles 13 et 14 de l’accord d’association, le rythme et les modalités selon lesquels les parties contractantes suppriment entre elles progressivement les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services.

Le conseil d’association fixe ce rythme et ces modalités pour les différentes catégories d’activités, en tenant compte des dispositions analogues déjà prises par la Communauté dans ces domaines, ainsi que de la situation particulière de la Turquie sur le plan économique et social. Une priorité sera accordée aux activités contribuant particulièrement au développement de la production et des échanges.»

16. Il est constant que, jusqu’à présent, le conseil d’association, institué par l’accord d’association et composé, d’une part, de membres des gouvernements des États membres, du Conseil de l’Union européenne ainsi que de la Commission des Communautés européennes et, d’autre part, de membres du gouvernement turc (ci-après le «conseil d’association»), n’a adopté aucune décision sur le fondement de l’article 41, paragraphe 2, du protocole additionnel.

17. En revanche, le conseil d’association a adopté, le 19 septembre 1980, la décision nº 1/80 relative au développement de l’association (ci-après la «décision nº 1/80»).

18. L’article 13 de la décision n° 1/80, qui fait partie du chapitre II de celle-ci, intitulé «Dispositions sociales», section 1, concernant les «Questions relatives à l’emploi et à la libre circulation des travailleurs», est ainsi libellé:

«Les États membres de la Communauté et la Turquie ne peuvent introduire de nouvelles restrictions concernant les conditions d’accès à l’emploi des travailleurs et des membres de leur famille qui se trouvent sur leur territoire respectif en situation régulière en ce qui concerne le séjour et l’emploi.»

La réglementation nationale

19. L’article 11, paragraphe 1, de la loi de 1971 relative à l’immigration (Immigration Act 1971) définit l’«entrée au Royaume-Uni» de la manière suivante:

«Une personne qui arrive au Royaume-Uni par bateau ou aéronef est, aux fins de la présente loi, censée ne pas être entrée au Royaume-Uni à moins et jusqu’à ce qu’elle débarque et, après avoir débarqué dans un port, elle continuera à être censée ne pas être entrée sur le territoire du Royaume-Uni tant qu’elle restera dans une zone (s’il y en a) au port, éventuellement désignée à cet effet par un agent du service d’immigration; et une personne qui n’est pas entrée d’une autre manière au Royaume-Uni est censée ne pas être entrée tant qu’elle sera détenue, ou temporairement admise ou remise en liberté tout en risquant la détention […]»

20. Au 1 er janvier 1973, date à laquelle le protocole additionnel est entré en vigueur à l’égard du Royaume-Uni, les règles sur l’immigration applicables dans cet État membre en matière de création d’entreprises et de fourniture de services étaient contenues dans le Statement of Immigration Rules for Control on Entry (House of Commons Paper 509, ci-après les «règles de 1973 en matière d’immigration»).

21. Sous l’intitulé «Hommes d’affaires», le point 30 des règles de 1973 en matière d’immigration était libellé comme suit:

«Les passagers qui ne sont pas en mesure de présenter une autorisation d’entrée [dans le but de créer une entreprise], mais qui, néanmoins, semblent susceptibles de remplir les conditions de l’un des deux paragraphes qui suivent, sont admis pour une période maximale de deux mois, avec interdiction de travailler, et sont invités à soumettre leur cas au Home Office.»

22. Le point 31 desdites règles imposait l’obligation pour le demandeur d’avoir des fonds suffisants pour investir dans l’entreprise, si celle-ci était déjà créée, et pour supporter les pertes qui lui incombent. Il prévoyait, notamment, que le demandeur doit être en mesure de subvenir à ses besoins ainsi qu’à ceux des personnes dont il a la charge et qu’il doit s’impliquer activement dans l’exploitation de l’entreprise.

23. Le point 32 des mêmes règles disposait:

«Si le demandeur souhaite exercer une activité au Royaume-Uni en tant que travailleur indépendant, il doit démontrer qu’il apportera dans le pays des fonds suffisants pour exercer une activité dont les bénéfices attendus, évalués de manière réaliste, lui permettront de le faire vivre ainsi que les personnes dont il a la charge sans qu’il soit nécessaire de recourir à un emploi qui exige un permis de travail.»

24. Depuis lors, le Royaume-Uni a progressivement introduit des règles plus strictes en matière d’immigration en ce qui concerne les personnes qui cherchent à entrer dans cet État membre aux fins de créer une entreprise ou de fournir des services.

25. À cet égard, des dispositions détaillées sont énoncées aux points 201 à 205 des règles relatives à l’immigration adoptées par la Chambre des communes en 1994 (United Kingdom Immigration Rules 1994, House of Commons Paper 395), telles qu’applicables depuis le 1 er octobre 1994 et actuellement en vigueur dans leur version modifiée (ci-après les «règles de 1994 en matière d’immigration»).

26. II est constant que les règles de 1994 en matière d’immigration, actuellement en vigueur au Royaume-Uni, sont plus restrictives, en ce qui concerne le traitement des demandes d’autorisation d’admission émanant de personnes ayant l’intention d’exercer dans cet État membre une activité économique indépendante, que les dispositions correspondantes des règles de 1973 en matière d’immigration.

Les litiges au principal et la question préjudicielle

27. Il ressort de la décision de renvoi que MM. Tum et Dari sont arrivés au Royaume-Uni par la voie maritime, le premier en novembre 2001, en provenance de l’Allemagne, et le second en octobre 1998, en provenance de la France.

28. Leur demande d’asile ayant été rejetée, leur expulsion a été ordonnée en application de la convention relative à la détermination de l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres des Communautés européennes, signée à Dublin le 15 juin 1990 (JO 1997, C 254, p. 1), mais cette mesure d’éloignement n’a pas été mise à exécution par les autorités nationales compétentes, de sorte que les intéressés se trouvent toujours sur le territoire du Royaume-Uni.

29. N’ayant obtenu, conformément à l’article 11, paragraphe 1, de la loi de 1971 relative à l’immigration, qu’une admission temporaire au Royaume-Uni, laquelle n’équivaut pas à une autorisation formelle d’entrée dans cet État membre au sens de la législation de celui-ci et a par ailleurs été assortie d’une interdiction d’exercer un emploi, MM. Tum et Dari ont sollicité un visa d’entrée dans ledit État membre aux fins de s’y livrer à une activité professionnelle indépendante.

30. À cet effet, les intéressés se sont fo ndés sur l’accord d’association, en soutenant plus particulièrement que, en vertu de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, leurs demandes d’admission dans l’État membre d’accueil devaient être examinées au regard de la réglementation nationale en matière d’immigration applicable à la date de l’entrée en vigueur dudit protocole à l’égard du Royaume-Uni, à savoir la réglementation en vigueur au 1 er janvier 1973.

31. Le Secretary of State a toutefois refusé de faire droit aux demandes de MM. Tum et Dari en faisant application de la réglementation nationale en matière d’immigration en vigueur à la date d’introduction de celles-ci.

32. MM. Tum et Dari ont formé contre ces décisions de rejet de leurs demandes des recours en annulation, qui ont été examinés de manière simultanée par la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court), et déclarés fondés par jugement de cette dernière du 19 novembre 2003. Ce jugement a été confirmé en substance par arrêt de la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) du 24 mai 2004. Selon ces juridictions, la situation de ces deux ressortissants turcs ne repose pas sur des éléments constitutifs d’une fraude et ne met pas en cause la protection d’un intérêt légitime de l’État, tels que l’ordre, la sécurité et la santé publics. Aussi lesdites juridictions ont-elles considéré que les intéressés peuvent valablement se fonder sur la clause de «standstill» énoncée à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel pour obtenir que l’examen de leurs demandes d’entrée au Royaume-Uni aux fins d’y exercer une activité économique indépendante soit effectué au regard des règles de 1973 en matière d’immigration.

33. Le Secretary of State a alors été autorisé à porter les litiges devant la House of Lords.

34. Étant donné que les parties au principal s’opposent sur le point de savoir si la clause de «standstill» énoncée audit article 41, paragraphe 1, trouve à s’appliquer à la réglementation du Royaume-Uni en matière de première admission de ressortissants turcs demandant à bénéficier de la liberté d’établissement dans cet État membre, la House of Lords a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel […] doit-il être interprété en ce sens qu’il interdit à un État membre, à partir de la date à laquelle ce protocole est entré en vigueur dans l’État membre en question, d’introduire de nouvelles restrictions portant sur les conditions et la procédure d’entrée sur son territoire d’un ressortissant turc souhaitant exercer une activité dans cet État membre?»

Sur la question préjudicielle

Observations présentées devant la Cour

35. Selon le gouvernement du Royaume-Uni, des étrangers qui, tels MM. Tum et Dari, n’ont jamais été formellement admis sur le territoire de cet État membre ne bénéficient pas de la garantie instituée par la clause de «standstill» énoncée à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel. Le domaine d’application de cette disposition serait en effet limité aux étrangers qui, comme le ressortissant turc en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 11 mai 2000, Savas (C‑37/98, Rec. p. I-2927), sont entrés légalement dans un État membre et qui, par la suite, ont cherché à s’y établir en créant une entreprise. La circonstance que MM. Tum et Dari ont soumis une demande en bonne et due forme aux fins de leur admission au Royaume-Uni serait dépourvue de pertinence.

36. Ledit gouvernement en déduit que, s’agissant des deux ressortissants turcs en cause dans les affaires au principal qui ne sont pas «entrés» au Royaume-Uni au sens de l’article 11, paragraphe 1, de loi de 1971 relative à l’immigration, il était en droit d’appliquer les règles de 1994 en matière d’immigration, actuellement en vigueur, qui sont plus restrictives que celles qui étaient applicables au 1 er janvier 1973, en ce qu’elles imposent, notamment, une nouvelle condition selon laquelle les étrangers ayant l’intention d’exercer la liberté d’établissement sur le territoire dudit État membre sont tenus de présenter une autorisation d’entrée valable.

37. À l’appui de cette argumentation, le gouvernement du Royaume-Uni se fonde sur l’arrêt Savas, précité, en affirmant qu’il résulterait des points 58 à 67 de celui-ci qu’une personne qui n’a pas été admise légalement dans un État membre doit être considérée comme exclue du bénéfice de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, cette disposition ne régissant que les seules conditions d’établissement et, corrélativement, de séjour. À cet égard, il existerait une différence importante entre la décision d’accorder à un ressortissant turc un visa de première admission au Royaume-Uni et celle d’autoriser un tel ressortissant, qui a été régulièrement admis sur le territoire de celui-ci, à y séjourner en tant qu’homme d’affaires. Ledit arrêt Savas aurait seulement établi que, dès lors qu’un ressortissant turc a accédé légalement au territoire d’un État membre, il peut invoquer le bénéfice de la clause de «standstill» énoncée à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, et ce même si, à la date à laquelle il se fonde sur cette disposition, l’intéressé ne se trouve plus en situation régulière en ce qui concerne son séjour dans cet État. En revanche, ladite clause ne serait tout simplement pas applicable dans l’hypothèse où c’est une première autorisation d’entrée qui est sollicitée par un tel ressortissant. En effet, tant que la République de Turquie n’est pas un État membre de l’Union européenne, cette question continuerait de relever de la compétence exclusive de chaque État membre (voir en ce sens, notamment, arrêt Savas, précité, point 58).

38. À titre subsidiaire, le gouvernement du Royaume-Uni soutient que le protocole additionnel n’a pas pour objet de conférer des droits à des demandeurs d’asile dont la demande a été rejetée et qui sont susceptibles d’être expulsés vers un autre État membre en application de la convention de Dublin du 15 juin 1990. Dans ces conditions, il conviendrait d’écarter du bénéfice de l’ensemble des avantages prévus par le protocole additionnel des ressortissants turcs, tels que MM. Tum et Dari, auxquels aucun droit d’asile n’a été octroyé au Royaume-Uni. Toute autre interprétation serait susceptible de conduire à un abus de droit.

39. Lors de l’audience, le gouvernement néerlandais a défendu, en substance, la même position que celle du gouvernement du Royaume-Uni.

40. Quant à MM. Tum et Dari, ils admettent que la clause de «standstill» énoncée à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel ne leur accorde, par elle-même, aucun droit d’établissement, de séjour ou d’entrée sur le territoire d’un État membre et que les litiges relatifs à de tels droits doivent en principe être examinés au regard de la seule législation nationale de l’État membre concerné. Ils prétendent, cependant, que le domaine d’application de ladite clause couvre non seulement les conditions d’établissement et de séjour, mais, de manière logique, également celles directement liées à ces dernières, à savoir les conditions relatives à l’entrée des ressortissants turcs sur le territoire de l’État membre d’accueil. Ils en déduisent que leurs demandes de visa d’entrée en vue d’exercer une activité professionnelle indépendante au Royaume-Uni doivent être examinées au regard de règles relatives à l’immigration qui ne soient pas plus restrictives que celles qui étaient en vigueur au 1 er janvier 1973.

41. Au soutien de leur thèse, MM. Tum et Dari invoquent plus particulièrement les arguments suivants:

– l’interprétation susmentionnée serait conforme à la finalité de l’accord d’association et du protocole additionnel, à savoir l’élimination progressive des restrictions à la liberté d’établissement;

– en droit communautaire, la liberté d’établissement aurait été interprétée par la Cour comme visant les conditions tant d’entrée que de séjour sur le territoire d’un État membre en tant que corollaires nécessaires à l’exercice de la liberté d’établissement (voir en ce sens, notamment, arrêts du 8 avril 1976, Royer, 48/75, Rec. p. 497, point 50; du 12 décembre 1990, Kaefer et Procacci, C‑100/89 et C-101/89, Rec. p. I‑4647, point 15, ainsi que du 27 septembre 2001, Barkoci et Malik, C‑257/99, Rec. p. I‑6557, points 44, 50, 58 et 83) et il n’existerait aucune raison pour que la clause de «standstill» énoncée à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel ne puisse pas être comprise également en ce sens, en particulier compte tenu de l’objectif défini à l’article 13 de l’accord d’association;

– cette clause de «standstill» serait vidée de sa substance et de son effet utile si les États membres étaient autorisés à rendre plus difficile, voire impossible, l’admission des ressortissants turcs sur leur territoire, dans la mesure où la garantie du statu quo en ce qui concerne les conditions de leur établissement et/ou de leur séjour serait alors dépourvue de toute portée pratique;

– il n’y aurait aucune indication ni dans ladite clause de «standstill» ni, de manière plus générale, dans la réglementation relative à l’association CEE-Turquie de nature à laisser entendre que l’application de cette clause serait limitée aux conditions de séjour et d’établissement, à l’exclusion des conditions d’entrée. Les différences de formulation entre la clause de «standstill» contenue à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel et le libellé de la clause de même nature énoncée à l’article 13 de la décision n° 1/80, applicable aux travailleurs salariés, seraient significatives à cet égard. En outre, la jurisprudence de la Cour en la matière revêtirait un caractère général.

42. MM. Tum et Dari soulignent que leur position se trouve confortée par l’arrêt Savas, précité, dont il résulterait que la première desdites clauses de «standstill» est applicable à une personne qui a séjourné illégalement au Royaume-Uni pendant onze ans, alors qu’eux-mêmes auraient introduit en bonne et due forme des demandes d’admission au Royaume-Uni. Dès lors que la Cour a considéré que M. Savas pouvait valablement se fonder sur ladite clause et que, par conséquent, sa demande devait être régie par des règles nationales n’étant pas plus restrictives que celles en vigueur au 1 er janvier 1973, ils soutiennent qu’ils devraient également bénéficier d’une telle interprétation.

43. Enfin, le rejet des demandes d’asile de MM. Tum et Dari ne serait pas pertinent aux fins de déterminer si l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel est applicable ou non à leur situation.

44. Le gouvernement slovaque ainsi que la Commission des Communautés européennes appuient dans une très large mesure l’interprétation préconisée par MM. Tum et Dari.

Réponse de la Cour

45. En vue de répondre à la question posée par la juridiction de renvoi, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 29 du présent arrêt, MM. Tum et Dari ont été considérés, conformément à l’article 11, paragraphe 1, de la loi de 1971 relative à l’immigration, comme n’étant pas entrés sur le territoire du Royaume-Uni, leur admission physique, à titre temporaire, alors qu’ils sont dépourvus de permis d’entrée dans cet État membre n’équivalant pas, en application de la réglementation nationale pertinente, à une véritable autorisation d’entrée dans celui-ci.

46. Dans ce contexte, il n’est pas contesté que l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel a un effet direct dans les États membres, de sorte que les droits qu’il confère aux ressortissants turcs auxquels il s’applique peuvent être invoqués devant les juridictions nationales pour écarter l’application des règles de droit interne qui lui sont contraires. Cette disposition énonce en effet, dans des termes clairs, précis et inconditionnels, une clause non équivoque de «standstill», laquelle comporte une obligation souscrite par les parties contractantes qui se résout juridiquement en une simple abstention (voir arrêts Savas, précité, points 46 à 54 et 71, deuxième tiret, ainsi que du 21 octobre 2003, Abatay e.a., C‑317/01 et C‑369/01, Rec. p. I‑12301, points 58, 59 et 117, premier tiret).

47. En outre, il est constant que, dans l’hypothèse où l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel trouverait à s’appliquer à la première admission dans un État membre de ressortissants turcs se proposant d’y faire usage de la liberté d’établissement au titre de l’accord d’association, la réglementation en matière d’immigration dont a fait application le Secretary of State pour statuer sur les demandes de MM. Tum et Dari est constitutive d’une «nouvelle restriction» au sens de cette disposition du protocole additionnel, dès lors qu’il est admis entre les parties au principal que ladite réglementation nationale, rendue applicable à compter du 1 er octobre 1994, a pour but, ou à tout le moins pour résultat, de soumettre l’entrée de ressortissants turcs au Royaume-Uni à des conditions de fond et/ou de procédure plus sévères que celles qui y étaient applicables à la date d’entrée en vigueur dudit protocole à l’égard de cet État membre, soit le 1 er janvier 1973.

48. S’agissant de la détermination de la portée ratione materiæ de la clause de «standstill» énoncée audit article 41, paragraphe 1, il y a lieu de rappeler que, aux termes mêmes de son libellé, cette disposition prohibe les nouvelles restrictions notamment «à la liberté d’établissement».

49. À cet égard, il résulte déjà de la jurisprudence de la Cour que ladite clause de «standstill» fait obstacle à l’adoption par un État membre de toute mesure nouvelle qui aurait pour objet ou pour effet de soumettre l’établissement et, corrélativement, le séjour d’un ressortissant turc sur son territoire à des conditions plus restrictives que celles qui étaient applicables lors de l’entrée en vigueur du protocole additionnel à l’égard de l’État membre concerné (voir arrêts précités Savas, point 69, ainsi que Abatay e.a., point 66).

50. Cette jurisprudence ne vise pas de manière explicite la première admission des ressortissants turcs sur le territoire de l’État membre d’accueil.

51. Par ailleurs, s’agissant des affaires ayant donné lieu aux arrêts précités Savas ainsi que Abatay e.a., la Cour n’avait pas à statuer sur cette question, étant donné que tant M. Savas que les chauffeurs routiers en cause dans les affaires ayant donné lieu audit arrêt Abatay e.a. avaient été admis dans les États membres concernés sous le couvert de visas délivrés en conformité avec la réglementation nationale pertinente.

52. En ce qui concerne la signification de la clause de «standstill» énoncée à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, il découle encore de la jurisprudence que ni cette clause ni la disposition qui la contient ne sont, par elles-mêmes, de nature à conférer à un ressortissant turc un droit d’établissement ni, corrélativement, un droit de séjour directement déduits de la réglementation communautaire (voir arrêts précités Savas, points 64 et 71, troisième tiret, ainsi que Abatay e.a., point 62). Or, la même considération vaut également s’agissant de la première entrée d’un ressortissant turc sur le territoire d’un État membre.

53. En revanche, conformément à ladite jurisprudence, une telle clause de «standstill» doit être comprise en ce sens qu’elle prohibe l’introduction de toutes nouvelles mesures qui auraient pour objet ou pour effet de soumettre l’établissement des ressortissants turcs dans un État membre à des conditions plus restrictives que celles qui résultaient des règles qui leur étaient applicables à la date d’entrée en vigueur du protocole additionnel à l’égard de l’État membre concerné (voir arrêts précités Savas, points 69, 70 et 71, quatrième tiret, ainsi que Abatay e.a., points 66 et 117, deuxième tiret).

54. L’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel n’a dès lors pas pour conséquence d’accorder aux ressortissants turcs un droit d’entrée sur le territoire d’un État membre, un tel droit positif ne pouvant pas être inféré de la réglementation communautaire actuellement applicable, mais restant au contraire régi par le droit national.

55. Il s’ensuit qu’une clause de «standstill», telle que celle inscrite à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, opère non pas comme une règle de fond, en rendant inapplicable le droit matériel pertinent auquel elle se substituerait, mais comme une règle de nature quasi procédurale, qui prescrit, ratione temporis, quelles sont les dispositions de la réglementation d’un État membre au regard desquelles il y a lieu d’apprécier la situation d’un ressortissant turc souhaitant faire usage de la liberté d’établissement dans un État membre.

56. Dans ces conditions, ne saurait être retenue l’argumentation du gouvernement du Royaume-Uni selon laquelle la thèse défendue par les requérants au principal impliquerait une atteinte intolérable au principe de la compétence exclusive des États membres en matière d’immigration, telle qu’il aurait été interprété par une jurisprudence constante de la Cour.

57. En effet, s’il est vrai qu’il ressort de ladite jurisprudence que, en l’état actuel du droit communautaire, la première admission d’un ressortissant turc sur le territoire d’un État membre est en principe exclusivement régie par le droit national dudit État (voir, notamment, arrêts précités Savas, points 58 et 65, ainsi que Abatay e.a., points 63 et 65), la Cour a opéré ce constat aux seules fins de répondre par la négative à la question de savoir si la clause de «standstill» énoncée à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel pouvait, en tant que telle, conférer à un ressortissant turc le bénéfice de certains droits positifs en matière de liberté d’établissement (arrêts précités Savas, points 58 à 67, ainsi que Abatay e.a., points 62 à 65).

58. Cependant, ladite clause de «standstill» ne remet pas en cause la compétence de principe des États membres pour conduire leur politique nationale relative à l’immigration. En effet, la seule circonstance que, à compter de son entrée en vigueur, une telle clause impose à ces États une obligation d’abstention ayant pour effet de limiter, dans une certaine mesure, leur marge de manœuvre en la matière ne permet pas de considérer qu’il y aurait, de ce fait, atteinte à la substance même de la compétence souveraine de ces derniers dans le domaine de la police des étrangers (voir, par analogie, arrêt du 16 mai 2006, Watts, C‑372/04, Rec. p. I‑4325, point 121).

59. Ne saurait être accueillie l’interprétation du gouvernement du Royaume-Uni selon laquelle il ressortirait de l’arrêt Savas, précité, qu’un ressortissant turc ne peut invoquer le bénéfice de ladite clause de «standstill» que s’il est régulièrement entré dans un État membre, la circonstance que, à la date de sa demande d’établissement, son séjour dans l’État membre d’accueil est régulier ou non étant dépourvue de pertinence, alors que, en revanche, ladite clause ne trouverait pas à s’appliquer aux conditions de la première admission d’un ressortissant turc sur le territoire d’un État membre.

60. Il importe de relever dans ce contexte que l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel vise de manière générale les nouvelles restrictions apportées notamment «à la liberté d’établissement» et qu’il ne restreint pas son domaine d’application en soustrayant, à l’instar de l’article 13 de la décision nº 1/80, certains aspects particuliers à la sphère de protection reconnue sur le fondement de la première de ces deux dispositions.

61. Il y a lieu d’ajouter que l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel vise à créer des conditions favorables à la mise en place progressive de la liberté d’établissement par l’interdiction absolue faite aux autorités nationales d’introduire tout nouvel obstacle à l’exercice de cette liberté en aggravant les conditions existant à une date donnée, aux fins de ne pas rendre plus diffi cile les conditions de réalisation graduelle de cette dernière entre les États membres et la République de Turquie. Ladite disposition du protocole additionnel se présente ainsi comme le corollaire nécessaire de l’article 13 de l’accord d’association, dont elle constitue le préalable indispensable pour abolir progressivement les restrictions nationales à la liberté d’établissement (arrêt Abatay e.a., précité, points 68 et 72). Même si, lors d’une première étape dans la perspective de la mise en œuvre progressive de ladite liberté, les restrictions nationales préexistantes en matière d’établissement peuvent être maintenues (voir, par analogie, arrêts du 23 mars 1983, Peskeloglou, 77/82, Rec. p. 1085, point 13, ainsi que Abatay e.a., précité, point 81), il importe en effet de veiller à ce qu’aucun nouvel obstacle ne soit introduit afin de ne pas entraver davantage la mise en œuvre graduelle d’une telle liberté.

62. Or, force est de constater que, jusqu’à présent, le conseil d’association n’a adopté aucune mesure sur le fondement de l’article 41, paragraphe 2, du protocole additionnel aux fins de la suppression effective par les parties contractantes des restrictions existantes à la liberté d’établissement, conformément aux principes énoncés à l’article 13 de l’accord d’association. Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence de la Cour que ni l’une ni l’autre de ces deux dernières dispositions ne produit un effet direct (arrêt Savas, précité, point 45).

63. Pour ces raisons, il convient de considérer que la clause de «standstill» énoncée à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel doit s’appliquer également à la réglementation relative à la première admission des ressortissants turcs dans un État membre sur le territoire duquel ils se proposent de faire usage de la liberté d’établissement au titre de l’accord d’association.

64. Pour ce qui est, enfin, de l’argumentation subsidiaire du gouvernement du Royaume-Uni, selon laquelle les demandeurs d’asile déboutés, tels que les requérants au principal, ne doivent pas être autorisés à invoquer le bénéfice de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, toute autre interprétation revenant à avaliser des fraudes ou des abus, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes communautaires (arrêt du 21 février 2006, Halifax e.a., C‑255/02, Rec. p. I‑1609, point 68) et que les juridictions nationales peuvent, au cas par cas, en se fondant sur des éléments objectifs, tenir compte du comportement abusif ou frauduleux des personnes concernées pour leur refuser, le cas échéant, le bénéfice des dispositions du droit communautaire invoquées (voir, notamment, arrêt du 9 mars 1999, Centros, C‑212/97, Rec. p. I‑1459, point 25).

65. Toutefois, dans les affaires au principal, il ressort des dossiers transmis à la Cour par la juridiction de renvoi que les juridictions ayant statué sur le fond des affaires actuellement pendantes devant la House of Lords ont expressément constaté qu’aucune fraude ne saurait être reprochée à MM. Tum et Dari et que ne serait pas non plus en cause la protection d’un intérêt légitime de l’État, tel que l’ordre, la sécurité ou la santé publics (voir point 32 du présent arrêt).

66. Il n’a au demeurant été fait état devant la Cour d’aucun élément concret de nature à laisser entendre que, dans les affaires au principal, l’application de la clause de «standstill» énoncée à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel aurait été invoquée par les intéressés dans l’unique but de bénéficier abusivement des avantages prévus par le droit communautaire.

67. Dans ces conditions, la circonstance que MM. Tum et Dari avaient présenté, préalablement à leurs demandes d’autorisation d’entrée au Royaume-Uni aux fins de l’exercice de la liberté d’établissement, des demandes d’asile, lesquelles ont cependant été rejetées par les autorités compétentes de cet État membre, ne saurait être considérée comme étant, par elle-même, constitutive d’un abus ou d’une fraude.

68. Par ailleurs, l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel n’énonce aucune limite quant à son champ d’application notamment en ce qui concerne les ressortissants turcs auxquels le bénéfice du statut de réfugié aurait été refusé par lesdites autorités, de sorte que le rejet des demandes d’asile de MM. Tum et Dari est dépourvu de toute pertinence pour décider si ladite disposition trouve à s’appliquer dans les affaires au principal.

69. Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel doit être interprété en ce sens qu’il prohibe l’introduction, à compter de l’entrée en vigueur de ce protocole à l’égard de l’État membre concerné, de toutes nouvelles restrictions à l’exercice de la liberté d’établissement, y compris celles portant sur les conditions de fond et/ou de procédure en matière de première admission sur le territoire de cet État des ressortissants turcs se proposant d’y exercer une activité professionnelle en tant que travailleurs indépendants.

Sur les dépens

70. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Dispositif

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

L’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, signé le 23 novembre 1970 à Bruxelles et conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) nº 2760/72 du Conseil, du 19 décembre 1972, doit être interprété en ce sens qu’il prohibe l’introduction, à compter de l’entrée en vigueur de ce protocole à l’égard de l’État membre concerné, de toutes nouvelles restrictions à l’exercice de la liberté d’établissement, y compris celles portant sur les conditions de fond et/ou de procédure en matière de première admission sur le territoire de cet État des ressortissants turcs se proposant d’y exercer une activité professionnelle en tant que travailleurs indépendants.

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