Affaire C-281/02
Andrew Owusu
contre
N. B. Jackson, agissant sous le nom commercial "Villa Holidays Bal-Inn Villas" e.a.
(demande de décision préjudicielle, introduite par la Court of Appeal (England & Wales) Civil Division)
«Convention de Bruxelles – Champ d'application territorial de la convention de Bruxelles – Article 2 – Compétence – Accident survenu dans un État tiers – Préjudice corporel – Action intentée dans un État contractant contre une personne domiciliée dans cet État et d'autres défendeurs domiciliés dans
un État tiers – Exception du forum non conveniens – Incompatibilité avec la convention de Bruxelles»
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Conclusions de l'avocat général M. P. Léger, présentées le 14 décembre 2004 |
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Arrêt de la Cour (grande chambre) du 1er mars 2005 |
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Sommaire de l'arrêt
- 1.
- Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions – Compétence – Litige opposant des parties domiciliées dans un même État contractant et présentant des liens de rattachement avec un État
tiers – Applicabilité de l'article 2 de la convention
(Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, art. 2)
- 2.
- Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions – Compétence – Compétence de la juridiction d'un État contractant fondée sur l'article 2 de la convention – Déclinatoire de compétence issu d'une exception tirée de la théorie du forum non conveniens – Inadmissibilité
(Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, art. 2)
- 1.
- L’article 2 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière
civile et commerciale, telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l’adhésion du royaume de Danemark,
de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, par la convention du 25 octobre 1982 relative à l’adhésion
de la République hellénique et par la convention du 26 mai 1989 relative à l’adhésion du royaume d’Espagne et de la République
portugaise, s’applique dans le cadre d’un litige opposant devant les juridictions d’un État contractant des parties domiciliées
sur le territoire de cet État et présentant certains liens de rattachement avec un État tiers, mais non avec un autre État
contractant, pareille situation couvrant ainsi les rapports entre les juridictions d’un seul État contractant et celles d’un
État non contractant et non les rapports entre les juridictions de plusieurs États contractants.
- En effet, si l’application même des règles de compétence de la convention requiert certes l’existence d’un élément d’extranéité,
le caractère international du rapport juridique en cause ne doit toutefois pas nécessairement découler, pour les besoins de
l’application de ladite disposition, de l’implication, en raison du fond du litige ou du domicile respectif des parties au
litige, de plusieurs États contractants. L’implication d’un État contractant et d’un État tiers, en raison, par exemple, du
domicile du demandeur et d’un défendeur dans le premier État et de la localisation des faits litigieux dans le second, est
également susceptible de conférer un caractère international au rapport juridique en cause.
- Par ailleurs, la désignation comme compétente de la juridiction d’un État contractant en raison du domicile du défendeur sur
le territoire de cet État, même à propos d’un litige qui se rattache, au moins en partie, en raison de son objet ou du domicile
du demandeur, à un État tiers, n’est pas de nature à faire peser une obligation sur ce dernier État, de sorte que le principe
de l’effet relatif des traités n’est pas affecté.
(cf. points 25-26, 30-31, 35)
- 2.
- La convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale,
telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l’adhésion du royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni
de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, par la convention du 25 octobre 1982 relative à l’adhésion de la République hellénique
et par la convention du 26 mai 1989 relative à l’adhésion du royaume d’Espagne et de la République portugaise, s’oppose à
ce qu’une juridiction d’un État contractant décline la compétence qu’elle tire de l’article 2 de ladite convention au motif
qu’une juridiction d’un État non contractant serait un for plus approprié pour connaître du litige en cause, même si la question
de la compétence d’une juridiction d’un autre État contractant ne se pose pas ou que ce litige n’a aucun autre lien de rattachement
avec un autre État contractant.
- En effet, une exception tirée de la théorie du forum non conveniens n’a pas été prévue par les auteurs de la convention et
l’application de cette théorie serait de nature à affecter la prévisibilité des règles de compétence posées par la convention
et, par voie de conséquence, le principe de sécurité juridique en tant que fondement de celle-ci. De plus, l’admissibilité
de l’exception du forum non conveniens risquerait d’affecter l’application uniforme des règles de compétence contenues dans
la convention et la protection juridique des personnes établies dans la Communauté.
(cf. points 37, 41-43 et disp.)