Affaire C-39/02
Mærsk Olie & Gas A/S
contre
Firma M. de Haan en W. de Boer
(demande de décision préjudicielle, formée par le Højesteret)
«Convention de Bruxelles – Procédure tendant à la constitution d'un fonds limitatif de la responsabilité du fait de l'utilisation d'un navire – Action en dommages et intérêts – Article 21 – Litispendance – Identité de parties – Juridiction saisie en premier lieu – Identité de cause et d'objet – Absence – Article 25 – Notion de décision – Article 27, point 2 – Refus de reconnaissance»
|
Conclusions de l'avocat général M. P. Léger, présentées le 13 juillet 2004 |
|
|
|
|
|
|
|
|
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 14 octobre 2004 |
|
|
|
|
|
|
|
Sommaire de l'arrêt
- 1.
- Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions – Litispendance – Demandes ayant la même cause et le même objet – Notion – Demande introduite par un propriétaire de navire tendant à la création d'un fonds limitatif de responsabilité et action en
dommages et intérêts introduite par la victime potentielle du dommage contre le propriétaire – Exclusion
(Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, art. 21)
- 2.
- Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions – Reconnaissance et exécution – Notion de «décision» – Décision portant création d'un fonds limitatif de responsabilité du fait de l'utilisation d'un navire – Inclusion
(Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, art. 25)
- 3.
- Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions – Reconnaissance et exécution – Motifs de refus – Absence de signification ou de notification régulière et en temps utile de l'acte introductif d'instance au défendeur défaillant
– Décision portant création d'un fonds limitatif de responsabilité du fait de l'utilisation d'un navire – Nécessité de notification de l'acte introductif d'instance même en présence d'un appel portant sur la compétence du juge
d'origine – Décision constituant un acte équivalent à l'acte introductif d'instance – Reconnaissance – Condition – Contrôle par le juge requis
(Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, art. 27, point 2)
- 1.
- Une demande introduite devant la juridiction d’un État contractant par un propriétaire de navire tendant à la création d’un
fonds limitatif de responsabilité, tel que prévu par la convention internationale du 10 octobre 1957 sur la limitation de
la responsabilité des propriétaires de navires de mer, tout en désignant la victime potentielle du dommage, d’une part, et
une action en dommages et intérêts introduite devant la juridiction d’un autre État contractant par cette victime contre le
propriétaire du navire, d’autre part, n’ont ni le même objet ni la même cause et ne créent, dès lors, pas une situation de
litispendance au sens de l’article 21 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution
des décisions en matière civile et commerciale, telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l’adhésion
du royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.
(cf. points 35, 37, 42, disp. 1)
- 2.
- Une décision émanant de la juridiction d’un État contractant et ordonnant la création d’un fonds limitatif de responsabilité,
tel que prévu par la convention internationale du 10 octobre 1957 sur la limitation de la responsabilité des propriétaires
de navires de mer, est une décision de justice au sens de l’article 25 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la
compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle que modifiée par la convention
du 9 octobre 1978 relative à l’adhésion du royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande
du Nord.
- D’une part, en effet, aux termes de cette disposition, la notion de «décision» recouvre toute décision rendue par une juridiction
d’un État contractant quelle que soit la dénomination qui lui est donnée. D’autre part, cette disposition n’est pas limitée
aux décisions qui mettent fin en tout ou en partie au litige, mais vise également les décisions avant dire droit ou qui ordonnent
des mesures provisoires ou conservatoires. La circonstance qu’une telle décision est prise à l’issue d’une procédure non contradictoire
est sans incidence à cet égard dès lors que, même si elle est adoptée à l’issue d’une première phase non contradictoire de
la procédure, elle peut faire l’objet d’un débat contradictoire avant que soit posée la question de sa reconnaissance ou de
son exécution au titre de la convention du 27 septembre 1968.
(cf. points 44, 46, 50, 52, disp. 2)
- 3.
- Pour que la décision émanant de la juridiction d’un État contractant et portant création d’un fonds limitatif de responsabilité,
tel que prévu par la convention internationale du 10 octobre 1957 sur la limitation de la responsabilité des propriétaires
de navires de mer, puisse être reconnue selon la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution
des décisions en matière civile et commerciale, telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l’adhésion
du royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, l’acte introductif de l’instance
tendant à la constitution d’un tel fonds doit avoir été notifié régulièrement et en temps utile au créancier, et cela même
lorsque ce dernier a interjeté appel de la décision pour contester la compétence de la juridiction l’ayant rendue.
- Toutefois, dès lors que, compte tenu des particularités du droit national applicable, ladite décision doit être considérée
comme un acte équivalent à l’acte introductif d’instance, elle ne peut, malgré l’absence de signification judiciaire préalable
au créancier, faire l’objet d’un refus de reconnaissance dans un autre État contractant en application de l’article 27, point
2, de la convention du 27 septembre 1968, à condition qu’elle ait elle-même été notifiée ou signifiée régulièrement et en
temps utile au défendeur.
- Il incombe au juge requis de l’État concerné d’apprécier si une notification de l’acte introductif d’instance effectuée par
lettre recommandée dans le cadre d’une procédure de constitution d’un tel fonds, considérée comme régulière au regard du droit
du juge d’origine et de la convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et à la notification à l’étranger des
actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, a été faite régulièrement et en temps utile pour mettre
le défendeur en mesure de préparer effectivement sa défense.
(cf. points 58-62, disp. 3)