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Document 61997CJ0440

Arrêt de la Cour du 28 septembre 1999.
GIE Groupe Concorde e.a. contre Capitaine commandant le navire "Suhadiwarno Panjan" e.a.
Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - France.
Convention de Bruxelles - Compétence en matière contractuelle - Lieu d'exécution de l'obligation.
Affaire C-440/97.

European Court Reports 1999 I-06307

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1999:456

61997J0440

Arrêt de la Cour du 28 septembre 1999. - GIE Groupe Concorde e.a. contre Capitaine commandant le navire "Suhadiwarno Panjan" e.a. - Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - France. - Convention de Bruxelles - Compétence en matière contractuelle - Lieu d'exécution de l'obligation. - Affaire C-440/97.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-06307


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions - Compétences spéciales - Tribunal du lieu d'exécution de l'obligation contractuelle - Détermination du lieu d'exécution en vertu de la loi applicable selon les règles de conflit du tribunal saisi

(Convention du 27 septembre 1968, art. 5, point 1)

Sommaire


$$L'article 5, point 1, de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l'adhésion du royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, par la convention du 25 octobre 1982 relative à l'adhésion de la République hellénique et par la convention du 26 mai 1989 relative à l'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise, doit être interprété en ce sens que le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée, au sens de cette disposition, doit être déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie.

En effet, le principe de la sécurité juridique, qui constitue l'un des objectifs de ladite convention, exige notamment que les règles de compétence qui dérogent à son principe général, telles que l'article 5, point 1, soient interprétées de façon à permettre à un défendeur normalement averti de prévoir raisonnablement devant quelle juridiction, autre que celle de l'État de son domicile, il pourrait être attrait. Or, il apparaît que la détermination de la notion de lieu d'exécution en fonction notamment de la nature du rapport d'obligation et des circonstances de l'espèce est, dans la version actuelle de l'article 5, point 1, insuffisante pour résoudre les questions liées à l'application de cette disposition. Par ailleurs, la loi applicable à la détermination du lieu d'exécution ne risque pas de varier selon le juge saisi, les règles de conflit permettant de déterminer la loi applicable au contrat ayant été uniformisées dans les États contractants par la convention du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.

Parties


Dans l'affaire C-440/97,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en vertu du protocole du 3 juin 1971 relatif à l'interprétation par la Cour de justice de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, par la Cour de cassation (France) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

GIE Groupe Concorde e.a.

et

Capitaine commandant le navire «Suhadiwarno Panjan» e.a.,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 5, point 1, de la convention du 27 septembre 1968, précitée (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l'adhésion du royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (JO L 304, p. 1, et - texte modifié - p. 77), par la convention du 25 octobre 1982 relative à l'adhésion de la République hellénique (JO L 388, p. 1) et par la convention du 26 mai 1989 relative à l'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise (JO L 285, p. 1),

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, P. J. G. Kapteyn, J.-P. Puissochet, G. Hirsch et P. Jann (rapporteur), présidents de chambre, J. C. Moitinho de Almeida, C. Gulmann, J. L. Murray, D. A. O. Edward, H. Ragnemalm, L. Sevón, M. Wathelet et R. Schintgen, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. R. Grass,

considérant les observations écrites présentées:

- pour le GIE Groupe Concorde e.a., par Me Didier Le Prado, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation,

- pour Pro Line Ltd et Sveriges Angarts Assurans Forening, par Me Jean-Christophe Balat, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation,

- pour le gouvernement français, par Mme Kareen Rispal-Bellanger, sous-directeur du droit international économique et du droit communautaire à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. Frédérik Million, chargé de mission à la même direction, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement allemand, par M. Rolf Wagner, Regierungsdirektor au ministère fédéral de la Justice, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement italien, par M. le professeur Umberto Leanza, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, assisté de M. Oscar Fiumara, avvocato dello Stato,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. John E. Collins, Assistant Treasury Solicitor, en qualité d'agent, assisté de M. Lionel Persey, QC,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. José Luis Iglesias Buhigues, conseiller juridique, et Xavier Lewis, membre du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales des gouvernements français, italien et du Royaume-Uni ainsi que de la Commission à l'audience du 15 décembre 1998,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 16 mars 1999,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par arrêt du 9 décembre 1997, parvenu à la Cour le 29 décembre suivant, la Cour de cassation a, en vertu du protocole du 3 juin 1971 relatif à l'interprétation par la Cour de justice de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, posé une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 5, point 1, de cette convention (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l'adhésion du royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (JO L 304, p. 1, et - texte modifié - p. 77), par la convention du 25 octobre 1982 relative à l'adhésion de la République hellénique (JO L 388, p. 1) et par la convention du 26 mai 1989 relative à l'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise (JO L 285, p. 1, ci-après la «convention de Bruxelles»).

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant sept compagnies d'assurances ainsi que le GIE Groupe Concorde, leur apériteur, qui a son siège à Paris (ci-après ensemble les «assureurs»), au capitaine commandant le navire «Suhadiwarno Panjan», à Pro Line Ltd (ci-après «Pro Line»), dont le siège est à Hambourg (Allemagne), et à quatre autres défendeurs, à la suite de la constatation d'avaries lors de la livraison d'un chargement de cartons de bouteilles de vin transporté par la voie maritime.

La convention de Bruxelles

3 L'article 5, point 1, de la convention de Bruxelles énonce:

«Le défendeur domicilié sur le territoire d'un État contractant peut être attrait, dans un autre État contractant:

1) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée; en matière de contrat individuel de travail, ce lieu est celui où le travailleur accomplit habituellement son travail ...»

Le litige au principal

4 Des cartons de bouteilles de vin ont été chargés au port du Havre (France) dans des conteneurs mis à bord du navire «Suhadiwarno Panjan» en vue de leur transport par voie maritime jusqu'au port de Santos (Brésil) par Pro Line. A destination, il a été constaté des avaries à la marchandise et des manquants.

5 Les assureurs ont indemnisé le destinataire. Subrogés dans ses droits, ils ont, par acte du 22 septembre 1991, assigné en réparation, notamment, le capitaine commandant du navire et Pro Line devant le tribunal de commerce du Havre, lequel, par jugement du 3 janvier 1995, a décliné sa compétence.

6 Sur contredit formé par les assureurs, la cour d'appel de Rouen, par arrêt du 24 mai 1995, a confirmé l'incompétence des premiers juges au motif, notamment, que Le Havre n'était pas le lieu d'exécution du contrat de transport.

7 Les assureurs ont introduit à l'encontre de cet arrêt un pourvoi devant la Cour de cassation, soutenu par deux moyens. Le premier moyen a été rejeté par la Cour de cassation. Par le second moyen, les assureurs reprochent à l'arrêt de la cour d'appel de Rouen d'avoir affirmé que le lieu d'exécution de l'obligation de transport n'était pas Le Havre, sans avoir auparavant recherché quelle loi régissait le contrat de transport.

8 La Cour de cassation a relevé que, en effet, la Cour a dit pour droit, dans son arrêt du 6 octobre 1976, Tessili (12/76, Rec. p. 1473), que le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée, au sens de l'article 5, point 1, de la convention de Bruxelles, est déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie, loi qui peut inclure les dispositions d'une convention internationale portant loi uniforme (arrêt du 29 juin 1994, Custom Made Commercial, C-288/92, Rec. p. I-2913), à moins que les parties ne définissent elles-mêmes ce lieu par une clause valide selon le droit applicable au contrat (arrêt du 17 janvier 1980, Zelger, 56/79, Rec. p. 89). Toutefois, la Cour de cassation a estimé opportun de demander à la Cour si une solution communautaire autonome ne pourrait pas être retenue.

9 C'est dans ces conditions que la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de demander à la Cour:

«en vue de l'application de l'article 5, point 1, de la convention ... si le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée, au sens de ce texte, doit être déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie, ou si les juges nationaux ne doivent pas déterminer le lieu d'exécution de l'obligation en recherchant, en fonction de la nature du rapport d'obligation et des circonstances de l'espèce, le lieu où la prestation a été ou devait être effectivement fournie, sans avoir à se référer à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon la règle de conflit du for.»

Sur la question préjudicielle

10 Par cette question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'expression «lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée», qui est utilisée à l'article 5, point 1, de la convention de Bruxelles pour fonder une compétence spéciale en matière contractuelle, doit être interprétée comme renvoyant au droit matériel applicable en vertu des règles de conflit du juge saisi ou doit recevoir une interprétation autonome.

11 A titre liminaire, il convient de rappeler que la Cour se prononce, dans la mesure du possible, en faveur d'une interprétation autonome, et non par référence au droit national, des termes employés par la convention de Bruxelles, de façon à assurer à celle-ci sa pleine efficacité dans la perspective des objectifs de l'article 220 du traité CE (devenu article 293 CE), en exécution duquel la convention de Bruxelles a été établie (arrêt du 13 juillet 1993, Mulox IBC, C-125/92, Rec. p. I-4075, point 10).

12 Toutefois, la Cour a souligné qu'aucune option ne s'impose à l'exclusion de l'autre, le choix approprié ne pouvant être dégagé qu'à propos de chacune des dispositions de la convention de Bruxelles (arrêts Tessili, précité, point 11, et du 8 décembre 1987, Gubisch Maschinenfabrik, 144/86, Rec. p. 4861, point 7).

13 S'agissant de l'expression «lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée», la Cour a jugé à plusieurs reprises qu'elle doit être interprétée comme renvoyant à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie (voir arrêts Tessili, point 13, et Custom Made Commercial, point 26, précités).

14 Il est vrai que, en matière de contrats de travail, la Cour a jugé qu'il convient de déterminer le lieu d'exécution de l'obligation pertinente non pas par référence à la loi nationale applicable selon les règles de conflit de la juridiction saisie, mais, au contraire, sur la base de critères uniformes qu'il lui incombe de définir en se fondant sur le système et les objectifs de la convention de Bruxelles (arrêt Mulox IBC, précité, point 16), critères qui conduisent à retenir le lieu où le travailleur exerce en fait les activités convenues avec son employeur (arrêt Mulox IBC, précité, point 20).

15 Les gouvernements allemand et du Royaume-Uni ainsi que la Commission préconisent une généralisation à tous les types de contrats de l'approche retenue dans l'arrêt Mulox IBC, précité. Selon eux, les objectifs de la convention de Bruxelles, à savoir la prévisibilité du for compétent, la sécurité juridique et l'égalité de traitement des justiciables, militent en faveur de l'établissement de critères uniformes permettant, pour chaque type d'obligation contractuelle, ou du moins pour chaque type de contrat, une détermination autonome du lieu d'exécution aux fins de l'application de l'article 5, point 1, de la convention de Bruxelles.

16 Les gouvernements français et italien concluent en revanche au maintien de la jurisprudence actuelle de la Cour. Tout en reconnaissant que le recours aux règles de conflit pour déterminer le lieu d'exécution peut susciter des difficultés de mise en oeuvre et aboutir à des résultats peu satisfaisants, ils font observer qu'une interprétation autonome de la notion de lieu d'exécution ne pourrait être opérationnelle que pour quelques contrats simples, solution incompatible avec l'évolution constante des pratiques contractuelles dans le commerce international. Ils ajoutent que, eu égard à la diversité des propositions alternatives formulées, c'est aux États contractants qu'il appartient, s'ils l'estiment opportun, d'effectuer un choix dans le cadre des travaux de révision de la convention de Bruxelles.

17 A cet égard, il convient de relever que, au point 14 de l'arrêt Tessili, précité, la Cour a motivé le renvoi à la loi applicable au contrat pour la détermination du lieu d'exécution des obligations contractuelles par la constatation que cette détermination est tributaire du contexte contractuel auquel ces obligations appartiennent et par la circonstance que les législations nationales des différents États contractants ont, en matière de contrats, des conceptions très divergentes du lieu d'exécution.

18 En revanche, l'abandon, pour les contrats de travail, du renvoi à la loi applicable au contrat pour la détermination du lieu d'exécution au profit de la désignation du lieu où les faits matériels constituant l'exécution de l'obligation pertinente se sont localisés a été justifié par les particularités propres à ce type de contrats (voir arrêt Mulox IBC, précité, point 15), particularités qui avaient déjà amené la Cour à juger que, pour ces contrats, l'obligation à prendre en considération pour l'application de l'article 5, point 1, de la convention de Bruxelles est toujours celle qui caractérise le contrat, c'est-à-dire l'obligation du travailleur d'exercer les activités convenues (voir, notamment, arrêts du 26 mai 1982, Ivenel, 133/81, Rec. p. 1891, point 20, et Mulox IBC, précité, point 14).

19 Or, la Cour a confirmé que, lorsque ces particularités spécifiques font défaut, il n'est ni nécessaire ni indiqué d'identifier l'obligation qui caractérise le contrat et de centraliser à son lieu d'exécution la compétence judiciaire, au titre du lieu d'exécution, pour les litiges relatifs à toutes les obligations contractuelles (arrêt du 15 janvier 1987, Shenavai, 266/85, Rec. p. 239, point 17).

20 Cette interprétation, tant en ce qui concerne le maintien de la règle générale applicable à l'ensemble des contrats que la règle spéciale dégagée pour les contrats de travail, a été confortée lors de la conclusion de la convention du 26 mai 1989 relative à l'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise à la convention de Bruxelles, qui a donné à l'article 5, point 1, de la convention de Bruxelles sa version actuellement en vigueur.

21 D'ailleurs, des travaux de révision de la convention de Bruxelles sont en cours, dans le cadre desquels les difficultés liées à l'application de l'article 5, point 1, dans sa rédaction actuelle telle qu'interprétée à ce jour par la Cour, ont été évoquées. De nombreuses propositions de réforme de cette disposition ont été successivement présentées et examinées.

22 En outre, les débats devant la Cour dans la présente affaire ont fait apparaître non seulement des positions contradictoires entre, d'une part, deux gouvernements, qui ont présenté des observations en faveur du maintien de la jurisprudence actuelle, et, d'autre part, deux autres gouvernements et la Commission, partisans d'une nouvelle approche, mais encore des divergences substantielles entre les propositions alternatives formulées.

23 Dans ces conditions, il y a lieu de souligner que le principe de la sécurité juridique constitue l'un des objectifs de la convention de Bruxelles (voir, notamment, arrêt du 20 janvier 1994, Owens Bank, C-129/92, p. I-117, point 32).

24 Ce principe exige notamment que les règles de compétence qui dérogent au principe général de la convention de Bruxelles, telles que l'article 5, point 1, soient interprétées de façon à permettre à un défendeur normalement averti de prévoir raisonnablement devant quelle juridiction, autre que celle de l'État de son domicile, il pourrait être attrait (arrêt du 17 juin 1992, Handte, C-26/91, Rec. p. I-3967, point 18).

25 Or, il apparaît que la détermination de la notion de lieu d'exécution en fonction de la nature du rapport d'obligation et des circonstances de l'espèce, telle qu'elle est suggérée par la juridiction de renvoi, est, dans la version actuelle de l'article 5, point 1, de la convention de Bruxelles, insuffisante pour résoudre les questions liées à l'application de cette disposition.

26 En effet, certaines des questions susceptibles de se poser dans ce contexte, telles que l'identification de l'obligation contractuelle qui sert de base à l'action judiciaire tout comme, en cas de pluralité d'obligations, la recherche de l'obligation principale, ne peuvent que difficilement être tranchées sans se référer à la loi applicable.

27 Il s'ensuit que les critères suggérés par la juridiction de renvoi ne sauraient totalement dispenser le juge saisi de déterminer la loi qui régit l'obligation litigieuse aux fins de se prononcer sur sa compétence au titre de l'article 5, point 1, de la convention de Bruxelles.

28 Par ailleurs, la Cour, tirant les conséquences de la place importante généralement accordée à la volonté des parties par les droits nationaux en matière de contrats, a jugé que, si la loi applicable permet aux parties contractantes, aux conditions qu'elle détermine, de désigner le lieu d'exécution d'une obligation sans imposer aucune condition de forme particulière, la convention portant sur le lieu d'exécution de l'obligation suffit à ancrer au même lieu la compétence juridictionnelle au sens de l'article 5, point 1, de la convention de Bruxelles (arrêt Zelger, précité, point 5), sous réserve que ce lieu présente un lien effectif avec la réalité du contrat (arrêt du 20 février 1997, MSG, C-106/95, Rec. p. I-911, points 30 et 31).

29 Dans ces conditions, il n'apparaît pas justifié de substituer les critères suggérés par la juridiction de renvoi à l'interprétation précédemment donnée par la Cour, selon laquelle la détermination du lieu d'exécution doit être effectuée d'après la loi qui régit l'obligation litigieuse. Cette solution présente, en outre, l'avantage de faire coïncider le tribunal compétent avec le lieu où l'obligation en cause doit être exécutée d'après la loi qui lui est applicable. Or, c'est la considération que le lieu d'exécution constitue normalement le lien de rattachement le plus étroit entre la contestation et la juridiction compétente qui, dans un souci d'organisation utile du procès, a motivé la règle de compétence spéciale prévue par l'article 5, point 1, de la convention de Bruxelles en matière contractuelle (arrêts Shenavai, point 18, et Custom Made Commercial, points 12 et 13, précités).

30 Il convient d'ajouter que la loi applicable à la détermination du lieu d'exécution ne risque pas de varier selon le juge saisi, les règles de conflit permettant de déterminer la loi applicable au contrat ayant été uniformisées dans les États contractants par la convention du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (JO L 266, p. 1), telle que modifiée par la convention du 10 avril 1984 relative à l'adhésion de la République hellénique (JO L 146, p. 1), par la convention du 18 mai 1992 relative à l'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise (JO L 333, p. 1) et par la convention du 29 novembre 1996 relative à l'adhésion de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède (JO 1997, C 15, p. 10).

31 Il incombe au législateur national, seul compétent dans ce domaine, de définir un lieu d'exécution qui tienne équitablement compte à la fois des intérêts d'une bonne administration de la justice et de ceux d'une protection suffisante des particuliers. Dans la mesure où le droit national l'y autorise, le juge peut ainsi être appelé à déterminer le lieu d'exécution en tenant compte des critères suggérés par la juridiction de renvoi, c'est-à-dire en recherchant, en fonction de la nature du rapport d'obligation et des circonstances de l'espèce, le lieu où la prestation a été ou devait être effectivement fournie.

32 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que l'article 5, point 1, de la convention de Bruxelles doit être interprété en ce sens que le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée, au sens de cette

disposition, doit être déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

33 Les frais exposés par les gouvernements français, allemand, italien et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur la question à elle soumise par la Cour de cassation, par arrêt du 9 décembre 1997, dit pour droit:

L'article 5, point 1, de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l'adhésion du royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, par la convention du 25 octobre 1982 relative à l'adhésion de la République hellénique et par la convention du 26 mai 1989 relative à l'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise, doit être interprété en ce sens que le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée, au sens de cette disposition, doit être déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie.

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