61990J0343

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 16 juillet 1992. - Manuel José Lourenço Dias contre Director da Alfândega do Porto. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto - Portugal. - Interprétation des articles 12 et 95 du traité CEE - Taxe automobile. - Affaire C-343/90.

Recueil de jurisprudence 1992 page I-04673
édition spéciale suédoise page I-00069
édition spéciale finnoise page I-00069


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques - Vérification par la Cour de sa propre compétence

(Traité CEE, art. 177)

2. Questions préjudicielles - Saisine de la Cour - Stade de la procédure auquel il y a lieu à renvoi

(Traité CEE, art. 177)

3. Dispositions fiscales - Impositions intérieures - Régime fiscal national discriminatoire pour partie - Incompatibilité de l' ensemble du régime avec l' article 95 du traité - Absence

(Traité CEE, art. 95)

4. Libre circulation des marchandises - Droits de douane - Taxes d' effet équivalent - Notion - Taxe automobile frappant sans distinction les véhicules de production nationale et importés - Exclusion - Qualification d' imposition intérieure

(Traité CEE, art. 12 et 95)

Sommaire


1. Dans le cadre de la procédure de coopération entre la Cour et les juridictions des États membres prévue à l' article 177 du traité, le juge national, qui est seul à avoir une connaissance directe des faits de l' affaire, est le mieux placé pour apprécier, au regard des particularités de celle-ci, la nécessité d' une décision préjudicielle pour rendre son jugement. En conséquence, dès lors que les questions posées par le juge national portent sur l' interprétation d' une disposition du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer.

Néanmoins, il appartient à la Cour, en vue de vérifier sa propre compétence, d' examiner les conditions dans lesquelles elle a été saisie. En effet, l' esprit de collaboration qui doit présider au fonctionnement du renvoi préjudiciel implique que, de son côté, le juge national ait égard à la fonction confiée à la Cour qui est de contribuer à l' administration de la justice dans les États membres et non de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques.

2. Pour permettre à la Cour de donner, au titre de l' article 177 du traité, une interprétation du droit communautaire qui soit utile, il est indiqué que, préalablement au renvoi, le juge national établisse les faits de l' affaire et tranche les problèmes de pur droit national. De même, il est indispensable que la juridiction nationale explique les raisons pour lesquelles elle considère qu' une réponse à ses questions est nécessaire à la solution du litige.

3. Lorsque certains éléments ou certaines modalités d' application d' un régime d' impositions intérieures sont discriminatoires, et par conséquent interdits en vertu de l' article 95 du traité, l' ensemble du régime fiscal dans lequel ils s' intègrent ne doit pas pour autant être tenu pour incompatible avec cet article.

En effet, dans une situation où, dans la plupart des États membres, les régimes fiscaux se caractérisent par l' extrême diversité avec laquelle certains produits sont frappés de taxes ou bénéficient d' abattements ou de déductions, l' éventualité d' un traitement discriminatoire à l' égard de certaines catégories de produits ne saurait affecter la compatibilité avec le droit communautaire d' impositions intérieures frappant d' autres catégories de produits, dès lors que ces impositions s' appliquent, elles, de façon non discriminatoire.

4. Une taxe automobile qui s' applique sans distinction aux véhicules montés ou fabriqués dans l' État membre où elle est perçue et aux véhicules importés, tant neufs que d' occasion, ne peut être considérée comme une taxe d' effet équivalent à un droit de douane à l' importation prohibée par l' article 12 du traité dès lors qu' elle s' intègre dans un système général de redevances intérieures appréhendant systématiquement des catégories de produits selon des critères objectifs appliqués indépendamment de l' origine des produits. Elle revêt, en revanche, le caractère d' une imposition intérieure au sens de l' article 95.

Parties


Dans l' affaire C-343/90,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto (Portugal) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Manuel José Lourenço Dias

et

Director da Alfândega do Porto,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation des articles 12 et 95 du traité CEE,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. R. Joliet, président de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, G. C. Rodríguez Iglesias et M. Zuleeg, juges,

avocat général: M. G. Tesauro

greffier: M. H. A. Ruehl, administrateur principal

considérant les observations écrites présentées:

- pour le ministère public devant le Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto par Mme Isabel Aguiar;

- pour le gouvernement portugais, par M. Luís Fernandes, directeur du service juridique de la direction générale des Communautés européennes et Mme Maria Luísa Duarte, conseiller juridique du service juridique de la direction générale des Communautés européennes;

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. Hussein A. Kaya, du Treasury Solicitor' s Department, en qualité d' agent;

- pour la Commission, par MM. António Caeiro, conseiller juridique, et Daniel Calleja Crespo, membre de son service juridique, en qualité d' agents;

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les observations orales du gouvernement portugais et de la Commission, à l' audience du 20 février 1992,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 31 mars 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 18 octobre 1990, parvenue à la Cour le 16 novembre suivant, le Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto (Portugal) a posé huit questions préjudicielles relatives à l' interprétation des dispositions du traité CEE sur les taxes d' effet équivalent à des droits de douane à l' importation et les impositions intérieures discriminatoires, en vue d' apprécier la compatibilité avec le droit communautaire d' une réglementation nationale instaurant une taxe sur les véhicules automobiles.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant M. Manuel José Lourenço Dias au Director da Alfândega do Porto (le directeur des douanes de Porto). Ce dernier reproche à M. Lourenço Dias d' avoir modifié certaines caractéristiques techniques d' un véhicule automobile, sans avoir payé la taxe que cette modification entraînait.

3 La taxe en question a été instaurée par le Decreto-lei n 152 du 10 mai 1989 (Diário da República, I série, n 107, du 10 mai 1989, p. 1858, ci-après "décret-loi"). Elle frappe en principe tous les véhicules automobiles, qu' ils soient importés au Portugal ou qu' ils y soient montés ou fabriqués. Toutefois, en vertu d' une exception prévue par l' article 2, paragraphe 2, du décret-loi, les véhicules qui possèdent des caractéristiques telles que la présence d' une cloison inamovible séparant l' espace intérieur destiné au conducteur et aux passagers de celui réservé aux marchandises et dont la surface prévue pour le chargement des marchandises est recouverte d' un plancher sont considérés comme des "véhicules automobiles légers destinés au transport de marchandises" et peuvent être importés au Portugal en exonération de cette taxe.

4 Il résulte de l' ordonnance de renvoi que le véhicule qui est au centre du litige au principal avait été importé en novembre 1989, de France vers le Portugal, par la Automóveis Citroën SA, de droit portugais. A ce moment, ce véhicule était pourvu d' une cloison inamovible et d' un plancher continu. L' importateur n' a donc pas supporté la taxe automobile.

5 Le 31 décembre 1989, la société Citroën a vendu le véhicule à l' employeur de M. Lourenço Dias, qui l' a fait immatriculer, pour la première fois, le 2 janvier 1990 dans la catégorie de "poids léger, type: transport de marchandises". Lorsque, quelques mois plus tard, en juillet 1990, M. Lourenço Dias, qui conduisait cette voiture pour le compte de son employeur, a été interpellé par la police de Porto, celle-ci a constaté que la cloison de séparation avait été retirée. La police a estimé que, de la sorte, ce véhicule était devenu, aux termes du décret-loi, un "véhicule automobile léger destiné au transport de passagers ou à usage mixte" et qu' il aurait dû, dès lors, être frappé de la taxe automobile.

6 L' article 1er, paragraphe 2, du décret-loi dispose en effet que la taxe automobile s' applique également aux véhicules automobiles légers destinés au transport de marchandises qui, après leur mise à la consommation, sont transformés en véhicules destinés au transport de passagers ou en véhicules mixtes destinés au transport de passagers et de marchandises.

7 Le Director da Alfândega do Porto a tenu M. Lourenço Dias pour responsable de cette modification et l' a condamné à une amende, estimant qu' il y avait eu une fraude douanière, réprimée par l' article 11 du décret-loi, dès lors que n' avaient pas été déclarés les changements apportés aux caractéristiques déterminant la classification fiscale du véhicule.

8 En désaccord avec cette condamnation, M. Lourenço Dias a saisi le Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto, demandant à être relaxé.

9 Cette juridiction a estimé nécessaire de poser à la Cour huit questions préjudicielles relatives à l' interprétation des articles 12 et 95 du traité CEE. Ces questions sont ainsi libellées:

"1) L' article 95, premier alinéa, du traité CEE autorise-t-il l' État portugais à soumettre à la taxe automobile les véhicules d' occasion importés de la Communauté et à exonérer de la taxe les véhicules d' occasion achetés au Portugal?

2) L' article 95, deuxième alinéa, du traité CEE permet-il l' utilisation d' un barême de taux spécifiques de la taxe automobile portugaise, qui subit un accroissement marqué à partir d' une certaine cylindrée pour les véhicules qui ne sont pas montés ou fabriqués au Portugal, de façon à toucher exclusivement ceux qui sont importés?

3) L' article 95 du traité CEE permet-il que le Portugal stabilise ou tente de stabiliser la consommation d' automobiles sur un modèle économique englobant les véhicules d' une cylindrée comprise entre 801 et 1 500 cm3 en accordant un abattement de la taxe automobile pour les véhicules de cette cylindrée?

4) L' article 95, deuxième alinéa, du traité CEE permet-il que la taxe automobile ait à l' importation des modalités de recouvrement et des délais de paiement différents de ceux de la taxe due pour les véhicules fabriqués au Portugal?

5) L' article 95, deuxième alinéa, permet-il que l' État portugais établisse une restriction de circulation pour les véhicules importés et qu' il n' établisse aucune restriction pour les véhicules montés ou fabriqués au Portugal, les premiers ne pouvant circuler que 48 heures au maximum à partir de l' entrée dans le pays?

6) L' article 95, deuxième alinéa, du traité CEE permet-il que l' État portugais impose un délai pour introduction du dossier d' importation auprès de la douane compétente et qu' il n' établisse pas de délai pour l' introduction des documents douaniers requis dans le cas des véhicules montés ou fabriqués au Portugal?

7) L' article 95 du traité CEE permet-il que l' État portugais exonère de la taxe automobile l' importation des véhicules anciens lorsque certaines circonstances d' appréciation subjective sont réunies?

8) Si un État membre introduit à la veille de l' adhésion à la CEE un droit d' accise portant non seulement sur les produits importés de la Communauté, mais aussi sur les produits prétendument fabriqués dans ce pays, mais que cet État ne fabrique pas ce produit ou le fabrique en quantités si insignifiantes qu' elles n' ont pas la moindre incidence sur le marché, y a-t-il violation subreptice ou camouflée de l' article 95 du traité CEE? N' est-on pas alors en présence d' une taxe d' effet équivalent à un droit de douane, contraire à l' article 12 du traité CEE?"

10 Pour un plus ample exposé des faits de l' affaire, du déroulement de la procédure et des observations des parties, il est renvoyé au rapport d' audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

Sur la pertinence des questions préjudicielles

11 A titre liminaire, il convient de relever que toutes les parties qui ont déposé des observations devant la Cour mettent en doute la pertinence des questions posées, ou de certaines d' entre elles, pour la solution du litige soumis à la juridiction nationale.

12 En particulier, le gouvernement portugais fait valoir que le litige concret, tel qu' il est soumis au juge national, trouve sa seule cause dans la distinction établie par le régime fiscal national entre les "véhicules automobiles légers destinés au transport de passagers ou à usage mixte" et les "véhicules automobiles légers destinés au transport de marchandises" et qu' aucune des questions posées n' a de lien avec cette différenciation.

13 A cet égard, il est nécessaire de rappeler et de préciser quelques principes relatifs à la compétence de la Cour au titre de l' article 177 du traité.

14 Il résulte tout d' abord d' une jurisprudence constante (voir, en premier lieu, arrêt du 1er décembre 1965, Schwarze, 16/65, Rec. p. 1081, et, en dernier lieu, arrêt du 25 juin 1992, Ferrer Laderer, point 6, C-147/91, Rec. p. I-0000) que la procédure prévue à l' article 177 du traité est un instrument de coopération entre la Cour et les juges nationaux.

15 Selon une jurisprudence également bien établie (voir, en premier lieu, arrêt du 29 novembre 1978, Pigs Marketing Board, point 25, 83/78, Rec. p. 2347, et, en dernier lieu, arrêt du 28 novembre 1991, Durighello, point 8, C-186/90, Rec. p. I-5773), dans le cadre de cette coopération, le juge national, qui est seul à avoir une connaissance directe des faits de l' affaire, est le mieux placé pour apprécier, au regard des particularités de celle-ci, la nécessité d' une décision préjudicielle pour rendre son jugement.

16 En conséquence, dès lors que les questions posées par le juge national portent sur l' interprétation d' une disposition de droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir arrêt du 8 novembre 1990, Gmurzynska, point 20, C-231/89, Rec. p. I-4003).

17 Néanmoins, dans son arrêt du 16 décembre 1981, Foglia, point 21 (244/80, Rec. p. 3045), la Cour a estimé qu' il lui appartenait, en vue de vérifier sa propre compétence, d' examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national. En effet, l' esprit de collaboration qui doit présider au fonctionnement du renvoi préjudiciel implique également que, de son côté, le juge national ait égard à la fonction confiée à la Cour, qui est de contribuer à l' administration de la justice dans les États membres et non de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques (arrêts du 16 décembre 1981, Foglia, précité, points 18 et 20, et du 3 février 1983, Robards, point 19, 149/82, Rec. p. 171).

18 C' est en considération de cette mission que la Cour estime ne pas pouvoir statuer sur une question préjudicielle soulevée devant une juridiction nationale, notamment lorsque l' interprétation demandée porte sur des actes non encore adoptés par les institutions de la Communauté (voir arrêt du 22 novembre 1978, Mattheus, point 8, 93/78, Rec. p. 2203), lorsque la procédure devant le juge de renvoi est clôturée (voir arrêt du 21 avril 1988, Pardini, point 11, 338/85, Rec. p. 2041) ou lorsque l' interprétation du droit communautaire ou l' examen de la validité d' une règle communautaire, demandés par la juridiction nationale, n' ont aucun rapport avec la réalité ou l' objet du litige au principal (voir arrêt du 16 juin 1981, Salonia, point 6, 126/80, Rec. p. 1563, et, en dernier lieu, arrêt du 28 novembre 1991, Durighello, précité, point 9).

19 Il y a lieu par ailleurs de rappeler que, pour permettre à la Cour de donner une interprétation du droit communautaire qui soit utile, il est indiqué que, préalablement au renvoi, le juge national établisse les faits de l' affaire et tranche les problèmes de pur droit national (voir arrêt du 10 mars 1981, Irish Creamery Milk Suppliers Association, point 6, 36/80 et 71/80, Rec. p. 735). De même, il est indispensable que la juridiction nationale explique les raisons pour lesquelles elle considère qu' une réponse à ses questions est nécessaire à la solution du litige (voir, en premier lieu, arrêt du 16 décembre 1981, Foglia, précité, point 17, et, en dernier lieu, arrêt du 12 juin 1986, Bertini, point 6, 98/85, 162/85 et 258/85, Rec. p. 1885).

20 En possession de ces éléments d' information, la Cour est alors en mesure de vérifier si l' interprétation du droit communautaire qui est sollicitée présente un rapport avec la réalité et l' objet du litige au principal. S' il apparaît que la question posée n' est manifestement pas pertinente pour la solution de ce litige, la Cour doit constater le non-lieu à statuer.

21 C' est à la lumière de ces orientations qu' il s' impose d' examiner les objections relatives à l' absence de lien entre les questions préjudicielles soumises à la Cour dans le cas d' espèce et le litige concret que devra trancher la juridiction nationale.

22 A cet égard, il convient de prendre en considération trois éléments. En premier lieu, la lecture du dossier fourni par la juridiction nationale elle-même et d' un document annexé aux observations du ministère public révèle que le véhicule dont la transformation est à l' origine du litige est une voiture neuve, construite et acquise en 1989, d' une cylindrée de 1 360 cm3. En second lieu, s' agissant du droit national, le gouvernement portugais a informé la Cour, lors de la procédure orale, de ce que la cloison litigieuse ayant été replacée peu après la constatation de son enlèvement la taxe automobile ne serait pas due et qu' en conséquence tout ce que le juge national aurait à apprécier serait le montant d' une amende éventuelle, dont la base juridique se trouve dans des dispositions législatives autres que le décret-loi. En troisième lieu, la juridiction de renvoi explique les doutes qu' elle a éprouvés quant à la compatibilité avec le droit communautaire de certaines dispositions de ce décret-loi, mais omet d' exposer à la Cour en quoi ces dispositions devront être appliquées dans le cadre du litige qui lui est soumis.

23 Au vu de ces considérations, il s' impose d' examiner d' abord les première, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième questions.

Sur la question relative au régime fiscal différent pour les voitures d' occasion importées et pour celles immatriculées au Portugal

24 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si l' article 95, premier alinéa, du traité interdit à un État membre de soumettre les voitures d' occasion importées d' autres États membres à une taxe automobile, alors que n' y sont pas assujettis les véhicules d' occasion qui ont d' abord été importés à l' état neuf ou qui, à l' origine, ont été montés ou fabriqués au Portugal.

25 A cet égard, il suffit de rappeler que la voiture à l' origine du litige au principal a été importée et acquise à l' état neuf.

Sur la question relative aux abattements destinés à favoriser l' achat de voitures d' une cylindrée déterminée

26 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si l' article 95 interdit à un État membre de favoriser, par le biais d' un abattement sur le montant de la taxe, l' achat de voitures ayant une cylindrée comprise entre 801 et 1 500 cm3, au détriment des véhicules d' une cylindrée supérieure.

27 Cette question concerne le barème annexé au décret-loi.

28 Même si la voiture de M. Lourenço Dias n' avait pas bénéficié de l' exemption accordée à la catégorie des "véhicules légers destinés au transport de marchandises", elle bénéficierait de l' abattement puisque sa cylindrée est de 1 360 cm3.

Sur la question relative au délai distinct de paiement de la taxe automobile selon qu' il s' agit de voitures importées ou de fabrication nationale

29 Par sa quatrième question, la juridiction demande si l' article 95, deuxième alinéa, du traité interdit à un État membre de prévoir des délais distincts de paiement d' une taxe automobile et des modalités différentes de recouvrement, selon qu' il s' agit de voitures importées ou de fabrication nationale.

30 Cette question est relative à l' article 4 du décret-loi, qui prévoit qu' en ce qui concerne les véhicules montés au Portugal, ou importés déjà montés, qui sont destinés à la consommation intérieure la taxe doit être payée conformément aux règles générales relatives à la dette douanière et au report du paiement des droits à l' importation. Le même article dispose que, lorsqu' il s' agit de véhicules automobiles fabriqués dans le pays avec des composants nationaux et assimilés, ou transformés au sens de l' article 1er, paragraphe 2, la liquidation et le paiement de la taxe sont demandés à la direction des douanes concernée et s' effectuent sur la base du formulaire concernant la taxe automobile.

31 La juridiction de renvoi en déduit que, en ce qui concerne les voitures importées, le paiement de la taxe automobile doit en principe être effectué dans les dix jours à compter de la date de la communication du montant du droit dû, en application de l' article 8 du règlement (CEE) n 1854/89 du Conseil, du 14 juin 1989, relatif à la prise en compte et aux conditions de paiement des montants de droits à l' importation ou de droits à l' exportation résultant d' une dette douanière (JO L 186, p. 1). En revanche, selon cette juridiction, il n' y aurait pas de délai de paiement en ce qui concerne les voitures fabriquées dans le pays.

32 Comme le souligne avec raison le gouvernement du Royaume-Uni, cette question est sans intérêt pour la solution du litige au principal: le véhicule en cause dans la présente affaire a été importé en exonération de la taxe automobile conformément à la législation nationale. L' importateur n' a donc pas été l' objet d' une discrimination au moment de l' importation. Aux termes de l' article 4 du décret-loi précité, la taxe ne devient obligatoire qu' après la transformation de la voiture au sens de l' article 1er, paragraphe 2. Or, à ce moment, la liquidation et le paiement de la taxe doit se faire dans les mêmes conditions que pour les véhicules automobiles fabriqués dans le pays avec des composants nationaux et assimilés.

Sur la question relative à la limitation du délai de circulation des voitures immatriculées à l' étranger et destinées à l' importation définitive

33 Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande si l' article 95, deuxième alinéa, interdit à un État membre de limiter à 48 heures à partir de leur entrée au Portugal la circulation des voitures importées, alors que les véhicules montés ou fabriqués au Portugal ne sont soumis à aucune restriction.

34 Il résulte de l' ordonnance de renvoi que cette question vise l' article 5, paragraphe 1, du décret-loi. Celui-ci dispose que les véhicules automobiles immatriculés à l' étranger, destinés à l' importation définitive, dont les propriétaires ont leur résidence ou leur siège social sur le territoire national, ne peuvent circuler que durant une période de 48 heures à partir de leur entrée au Portugal.

35 Toutefois, ainsi que le constate l' ordonnance de renvoi elle-même, la voiture en cause dans la présente affaire a été immatriculée pour la première fois au Portugal. Elle n' a donc jamais été soumise aux restrictions de circulation prévues à l' article 5, paragraphe 1, du décret-loi.

Sur la question relative aux formalités douanières différentes pour les voitures importées et celles montées au Portugal

36 Par sa sixième question, la juridiction de renvoi demande si l' article 95 interdit à un État membre d' imposer des délais pour l' accomplissement de certaines formalités douanières relatives à l' importation de voitures, alors que la production nationale en est exempte.

37 Cette question a trait à l' article 5, paragraphe 2, du décret-loi, qui prévoit que le dossier relatif à l' importation définitive des véhicules immatriculés à l' étranger devra être présenté auprès des douanes dans un délai de 60 jours à compter de leur entrée au Portugal.

38 Il convient de relever que l' éventuelle discrimination contenue dans l' article 5, paragraphe 2, du décret-loi ne joue qu' à l' encontre des voitures déjà immatriculées à l' étranger. Or, comme il a été relevé plus haut, la contestation pendante devant la juridiction de renvoi concerne un véhicule immatriculé pour la première fois au Portugal.

Sur la question relative à l' exemption des voitures anciennes

39 Par sa septième question, la juridiction de renvoi demande si l' article 95 interdit à un État membre d' exonérer l' importation de voitures anciennes d' une taxe, alors que d' autres véhicules ne bénéficient pas de cet avantage.

40 Cette question est relative à l' article 9 du décret-loi, qui autorise l' importation en exonération de la taxe automobile des véhicules automobiles fabriqués au plus tard durant l' année 1950, s' ils présentent un intérêt pour le patrimoine culturel national.

41 A cet égard, il suffit de rappeler que la voiture en cause dans la présente affaire a été construite en 1989.

42 Compte tenu des considérations qui précèdent, il n' y a pas lieu de répondre aux première, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième questions, étant donné qu' elles n' ont manifestement aucun rapport avec la réalité du litige au principal.

Sur la question relative à la rupture de progressivité du barème à partir d' une certaine cylindrée

43 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche en substance à savoir si l' article 95, deuxième alinéa, interdit de soumettre les voitures dépassant une certaine cylindrée à une taxe automobile dont le montant est plusieurs fois plus élevé que la taxe progressive qui doit être acquittée pour les véhicules n' atteignant pas cette cylindrée, lorsque les voitures frappées par la taxe plus élevée sont toutes des voitures importées, notamment d' autres États membres.

44 La juridiction de renvoi explique à cet égard que, dans le barème annexé au décret-loi, la taxe automobile est presque trois fois plus élevée pour les voitures d' une cylindrée de 1 751 cm3 que pour celles d' une cylindrée de 1 750 cm3. Elle se demande dès lors si, de la sorte, l' État portugais ne frappe pas les véhicules importés des autres États membres d' une imposition intérieure de nature à protéger indirectement l' industrie automobile nationale, dont il affirme qu' elle ne produit que des voitures de petite cylindrée.

45 Ainsi qu' il a été dit plus haut, la voiture dont il est question dans le litige au principal a une cylindrée de 1 360 cm3. Indépendamment du point de savoir si la taxe automobile sera due en définitive, cela l' exclut en toute hypothèse de l' accroissement du taux qui frappe les véhicules d' une cylindrée supérieure à 1 750 cm3. La circonstance que ces derniers soient éventuellement l' objet d' une discrimination ne porte donc pas préjudice à M. Lourenço Dias ou à son entreprise. La situation est, à cet égard, différente de celle dont la Cour a eu à connaître dans le cadre de ses arrêts du 9 mai 1985, Humblot (112/84, Rec. p. 1367), du 17 septembre 1987, Feldain (433/85, Rec. p. 3521), et du 29 juin 1988, Deville (240/87, Rec. p. 3513), où le litige au principal portait sur le supplément de taxe que les demandeurs devaient payer parce qu' ils circulaient dans des voitures de grosse cylindrée.

46 Toutefois, en émettant de la sorte des doutes sur la compatibilité de cet aspect du décret-loi avec l' article 95, la juridiction de renvoi cherche en réalité à savoir si, dès lors que certains éléments ou certaines modalités d' application d' un régime fiscal sont discriminatoires, l' ensemble de ce régime doit également être tenu pour discriminatoire.

47 Il convient à cet égard de relever que, dans la plupart des États membres, les régimes fiscaux se caractérisent par l' extrême diversité avec laquelle certains produits sont frappés de taxes ou bénéficient d' abattements ou de déductions.

48 L' éventualité d' un traitement discriminatoire à l' égard de certaines catégories de produits ne saurait affecter la compatibilité avec le droit communautaire d' impositions intérieures frappant d' autres catégories de produits, dès lors que ces impositions s' appliquent, elles, de façon non discriminatoire. En effet, l' éventualité d' une discrimination à l' encontre de certains produits n' a pas nécessairement pour effet de rendre tout le système fiscal incompatible avec le droit communautaire (voir, à propos d' une discrimination affectant un régime d' accès aux emplois publics, arrêt du 3 juillet 1991, Barr et Montrose, point 19, C-355/89, Rec. p. I-0000).

49 Il y a donc lieu de répondre à la juridiction nationale que lorsque certains éléments ou certaines modalités d' application d' un régime d' impositions intérieures sont discriminatoires, et par conséquent interdits en vertu de l' article 95 du traité, l' ensemble du régime fiscal dans lequel ils s' intègrent ne doit pas pour autant être tenu pour incompatible avec cet article.

Sur la question relative à la violation des articles 12 et 95 du traité

50 Par sa huitième question, la juridiction nationale cherche à savoir si, en l' absence de produits nationaux similaires, la taxe qui frappe les automobiles doit être considérée comme une taxe d' effet équivalent à un droit de douane, prohibée par l' article 12 du traité.

51 Il convient de relever à ce propos que la juridiction ne fait état de ses interrogations que parce qu' elle déclare ne pas disposer des données économiques qui lui permettraient de connaître avec précision le secteur automobile portugais.

52 Il y a lieu cependant de remarquer que, en réponse à une question posée par la Cour, le gouvernement portugais lui a fourni des données statistiques, dont il apparaît qu' il existe bien une industrie automobile nationale, qui n' est d' ailleurs pas limitée à la production de véhicules de petite cylindrée.

53 En tout état de cause, il y a lieu de rappeler qu' il résulte de la jurisprudence (arrêt du 7 mai 1987, Co-Frutta, point 14, 193/85, Rec. p. 2085) qu' une imposition frappant tant les produits importés que les produits nationaux, mais qui, en fait, s' applique exclusivement aux produits importés parce qu' il existe une production nationale extrêmement réduite, ne constitue pas une taxe d' effet équivalent à un droit de douane à l' importation au sens des articles 9 et 12 du traité CEE, si elle s' intègre dans un système général de redevances intérieures appréhendant systématiquement des catégories de produits selon des critères objectifs appliqués indépendamment de l' origine des produits. Elle revêt dès lors le caractère d' une imposition intérieure au sens de l' article 95.

54 Or, la taxe automobile, qui s' applique sans distinction aussi bien aux véhicules montés et fabriqués au Portugal qu' à ceux importés, tant neufs que d' occasion, fait partie d' un tel système général de taxes internes qui grèvent des catégories de produits en vertu d' un critère objectif, en l' espèce la cylindrée.

55 Il y a dès lors lieu de répondre à la juridiction nationale qu' une taxe automobile qui s' applique sans distinction aux véhicules montés ou fabriqués dans l' État membre où elle est perçue et aux véhicules importés, tant neufs que d' occasion, ne peut être considérée comme une taxe d' effet équivalent à un droit de douane à l' importation prohibée par l' article 12 du traité CEE.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

56 Les frais exposés par les gouvernements portugais et du Royaume-Uni et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto, par ordonnance du 18 octobre 1990, dit pour droit:

1) Lorsque certains éléments ou certaines modalités d' application d' un régime d' impositions intérieures sont discriminatoires, et par conséquent interdits en vertu de l' article 95 du traité, l' ensemble du régime fiscal dans lequel ils s' intègrent ne doit pas pour autant être tenu pour incompatible avec cet article.

2) Une taxe automobile qui s' applique sans distinction aux véhicules montés ou fabriqués dans l' État membre où elle est perçue et aux véhicules importés, tant neufs que d' occasion, ne peut être considérée comme une taxe d' effet équivalent à un droit de douane à l' importation prohibée par l' article 12 du traité CEE.