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Document 52019DC0560

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL concernant la mise en oeuvre de la directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d'arrêt européen, au droit d'informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires

COM/2019/560 final

Bruxelles, le 26.9.2019

COM(2019) 560 final

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

concernant la mise en oeuvre de la directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d'arrêt européen, au droit d'informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires


1.Introduction

1.1.Contexte

La directive 2013/48/UE relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires 1 (ci-après la «directive») est le troisième instrument adopté dans le cadre de la feuille de route visant à renforcer les droits procéduraux des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales (ci-après la «feuille de route» 2 ). Le 11 décembre 2009, le Conseil européen a accueilli favorablement la feuille de route et l’a intégrée dans le programme de Stockholm, qui vise à garantir une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens 3 .

L’UE a adopté six directives en la matière: la directive susmentionnée, ainsi que les directives sur le droit à l’interprétation et à la traduction 4 ; sur le droit à l’information 5 ; sur le renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et le droit d’assister à son procès 6 ; sur les garanties procédurales en faveur des enfants 7 et sur l’aide juridictionnelle 8 . La Commission européenne a déjà élaboré des rapports concernant la mise en œuvre des directives sur le droit à l’interprétation et à la traduction et sur le droit à l’information 9 .

Ces six directives visent à contribuer à l’objectif général de renforcement de la confiance mutuelle entre les États membres en permettant une meilleure application du principe de reconnaissance mutuelle, qui est la pierre angulaire de l’espace de liberté, de sécurité et de justice de l’Union européenne. À cette fin, elles prévoient des normes minimales communes pour les droits procéduraux dans toutes les procédures pénales et assurent une mise en œuvre plus cohérente du droit à un procès équitable tel qu’énoncé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne 10 ainsi qu’à l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme.

1.2.Objet et principaux éléments de la directive

La directive porte sur le droit des suspects et des personnes poursuivies d’avoir accès à un avocat, qu’ils soient privés de liberté ou non. Elle porte aussi sur leur droit de communiquer avec leur famille, leurs proches, d’autres tiers et les autorités consulaires lorsqu’ils sont privés de liberté. Elle fusionne deux mesures, initialement présentées sous la forme de deux propositions distinctes dans la feuille de route: i) le droit à l’assistance d’un conseiller juridique (qui faisait partie de la mesure C de la feuille de route); et ii) le droit à la communication avec les proches, les employeurs et les autorités consulaires (mesure D de la feuille de route).

La directive fixe des normes minimales pour l’ensemble des suspects et des personnes poursuivies au sein de l’UE, et ce quels que soient leur statut juridique, leur citoyenneté ou leur nationalité. Elle vise à prévenir les erreurs judiciaires et à réduire le nombre de recours. Les droits conférés par la directive s’appliquent dans le cadre tant des procédures pénales que des procédures relatives au mandat d’arrêt européen.

Une autre raison importante justifiant la définition de règles minimales communes en la matière est que cela peut renforcer la confiance mutuelle des États membres dans leurs systèmes respectifs de justice pénale. À cette fin, la directive s’appuie sur les droits énoncés, par exemple, aux articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et s’efforce de les promouvoir.

La directive prévoit les droits suivants:

·le droit d’accès à un avocat (articles 3, 4, 8, 9 et 10);

·le droit d’informer un tiers de la privation de liberté (articles 5 et 8 et article 10, paragraphe 3);

·le droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers (articles 6 et 10, paragraphe 3);

·le droit de communiquer avec les autorités consulaires (article 7 et article 10, paragraphe 3).

En ce qui concerne le droit d’accès à un avocat, à la suite de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Salduz 11 , plusieurs États membres avaient déjà commencé à adapter leur législation avant l’entrée en vigueur de la directive. La directive tient compte de cette jurisprudence dans plusieurs de ses dispositions. D’autres adaptations de la législation se sont avérées nécessaires dans certains États membres en raison du champ d’application de la directive, qui couvre aussi expressément les suspects et les personnes poursuivies qui ne sont pas privés de liberté (article 2, paragraphe 1, de la directive); c’est notamment le cas des dispositions relatives au droit d’accès à un avocat.

1.3.Portée du présent rapport sur la mise en œuvre

La mise en œuvre de la directive a été évaluée conformément à son article 16, qui exige que la Commission européenne présente au Parlement européen et au Conseil, au plus tard le 28 novembre 2019, un rapport visant à déterminer dans quelle mesure les États membres ont pris les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive.

La description et l’analyse contenues dans le présent rapport reposent principalement sur les informations fournies par les États membres, complétées par des études accessibles au public menées par: i) l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne 12 ; ou ii) des parties prenantes externes qui ont évalué la mise en œuvre des directives relatives aux droits procéduraux à l’aide de subventions du programme «Justice» 13 . Des informations issues de contributions apportées par des citoyens de l’UE à la Commission ont souvent confirmé ces données.

Le rapport se concentre sur les dispositions prises à ce jour par les États membres pour mettre en œuvre la directive. Il évalue si les États membres ont transposé la directive dans les délais impartis et si la législation nationale atteint les objectifs et satisfait aux exigences de la directive.

2.Évaluation générale

En vertu de l’article 15 de la directive, les États membres devaient transposer la directive en droit national au plus tard le 27 novembre 2016. À la date d’expiration de la période de transposition, neuf États membres n’avaient pas transmis les mesures nécessaires à la Commission: la Bulgarie, Chypre, l’Allemagne, la Grèce, la France, la Croatie, le Luxembourg, la Slovénie et la Slovaquie. C’est pourquoi la Commission a décidé, en janvier 2017, de lancer des procédures d’infraction au titre de l’article 258 du TFUE contre ces neuf États membres pour non-communication de leurs mesures de transposition. Entretemps, tous les États membres ont notifié une transposition complète. Des procédures d’infraction sont toujours pendantes, étant donné que toutes les dispositions de la directive n’ont pas été transposées.

L’objectif principal de la Commission a été de veiller à ce que tous les États membres transposent les dispositions de la directive dans leur droit national afin que les droits qu’elle contient soient protégés dans l’ensemble de l’Union européenne. La transposition de la directive est indispensable pour évaluer correctement dans quelle mesure les États membres ont pris les mesures nécessaires pour s'y conformer.

Les incidences de la directive se limitent à la fixation de règles minimales, de sorte qu’elle permet l’existence de différences entre les droits nationaux de la procédure pénale. Néanmoins, elle impose des obligations claires aux États membres.

L’évaluation des mesures nationales de transposition a mis en lumière certains problèmes de conformité dans plusieurs États membres. Les problèmes les plus importants sont les suivants:

·la portée des droits prévus par la directive — dans certains États, les droits prévus par la directive nécessitent un acte formel pour pouvoir être déclenchés ou peuvent ne pas s’appliquer aux personnes qui ne sont pas privées de liberté;

·l’étendue des dérogations possibles, en particulier au droit d’accès à un avocat;

·la renonciation au droit d’accès à un avocat; et

·le droit d’accès à un avocat dans l’État membre qui émet un mandat d’arrêt européen.

S’il n’est pas remédié à ces divergences, elles pourraient limiter l’efficacité des droits prévus par la directive. La Commission prendra toutes les mesures qui s’imposent pour garantir la conformité avec la directive dans l’ensemble de l’Union, y compris, si nécessaire, l’ouverture de procédures d’infraction au titre de l’article 258 du TFUE.

Conformément à l'article 1er et à l'article 2 du protocole (nº 22) sur la position du Danemark, ce dernier ne participe pas à l’adoption de la directive et n’est pas lié par celle-ci ni soumis à son application. Conformément à l'article 1er et à l'article 2 du protocole (nº 21) sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, le Royaume-Uni et l’Irlande ont notifié qu’ils ne participaient pas à l’adoption et à l’application de la directive. Dès lors, le Danemark, le Royaume-Uni et l’Irlande ne sont pas pris en considération dans l’évaluation qui suit.

3.Points spécifiques d’évaluation

3.1.Objet (article 1er)

L’article 1er de la directive précise que cette dernière définit des règles concernant les droits dont bénéficient les suspects et les personnes poursuivies dans le cadre de procédures pénales, ainsi que les personnes faisant l’objet d’une procédure relative au mandat d’arrêt européen, d’avoir accès à un avocat et d’informer un tiers de la privation de liberté, et le droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires.

Les États membres disposaient déjà d’une législation sur ces droits. Le processus de transposition a donc, pour l’essentiel, impliqué que les États membres modifient une législation préexistante ou adoptent une législation plus spécifique. Les dispositions relatives au droit de désigner un avocat dans l’État membre émettant un mandat d’arrêt européen (article 10, paragraphes 4 et 5, de la directive) constituaient un nouvel élément.

3.2.Champ d’application (article 2)

L’article 2 de la directive définit le champ d’application de cette dernière.

3.2.1.Champ d’application — article 2, paragraphes 1 et 2

L’article 2, paragraphe 1, de la directive dispose que la directive s’applique aux suspects ou aux personnes poursuivies dans le cadre de procédures pénales, dès le moment où ils sont informés par les autorités compétentes d’un État membre, par notification officielle ou par tout autre moyen, qu’ils sont soupçonnés ou poursuivis pour avoir commis une infraction pénale, qu’ils soient privés de liberté ou non. La directive s’applique jusqu’au terme de la procédure, qui s’entend comme la détermination définitive de la question de savoir s’ils ont commis l’infraction pénale, y compris, le cas échéant, la condamnation et la décision rendue sur tout appel. Conformément à l’article 2, paragraphe 2, de la directive, celle-ci s’applique aussi aux personnes qui font l’objet d’une procédure relative au mandat d’arrêt européen (ci-après les «personnes dont la remise est demandée») dès le moment de leur arrestation dans l’État membre d’exécution.

En ce qui concerne l’article 2, paragraphe 1, de la directive, la plupart des États membres n’abordent pas spécifiquement le moment auquel un suspect ou une personne poursuivie est «informé» de la suspicion ou des poursuites et ne précisent pas que les droits prévus par la directive s’appliquent tout au long de la procédure pénale. Une analyse systématique des différents stades de la procédure pénale dans les différents contextes juridiques nationaux montre cependant que l’on peut conclure qu’un grand nombre d’États membres se conforment à la directive. Toutefois, dans quatre États membres, des droits conférés par la directive sont subordonnés à un acte formel. Cet acte formel est souvent aussi la condition nécessaire pour acquérir le statut de suspect ou de personne poursuivie. Dans un nombre réduit d’États membres, la législation n’est pas claire en ce qui concerne les personnes qui ne sont pas privées de liberté.

Pour ce qui est de l’article 2, paragraphe 2, de la directive, la grande majorité des États membres ont appliqué les droits prévus par la directive en appliquant les règles générales de procédure pénale aux procédures relatives au mandat d’arrêt européen mutatis mutandis (c’est-à-dire une application avec les modifications nécessaires). Cependant, le droit national de six États membres ne garantit pas que tous les droits consacrés par la directive s’appliquent également aux procédures relatives au mandat d’arrêt européen, ce qui témoigne de problèmes de transposition.

3.2.2.Témoins devenant suspects — article 2, paragraphe 3

L’article 2, paragraphe 3, de la directive précise qu’il s’applique également, dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article 2, paragraphe 1, de la directive, aux personnes qui ne sont pas soupçonnées ou poursuivies, mais qui, au cours de leur interrogatoire par la police ou par une autre autorité répressive, deviennent suspects ou personnes poursuivies.

Presque tous les États membres se sont conformés à cette disposition. Deux États membres ont transposé la directive presque littéralement et plusieurs États membres font expressément référence au changement de statut dans la procédure durant l’interrogatoire. Dans d’autres États membres, la transposition est moins évidente, mais peut néanmoins être déduite de dispositions ayant une large portée, qui accordent le droit d’accès à un avocat à toutes les parties à la procédure et garantissent que les témoins ont droit à un avocat lors de l’interrogatoire. Aucune disposition spécifique à ce sujet n’a pu être recensée dans la législation de quatre États membres.

3.2.3.Infractions mineures — article 2, paragraphe 4

L’article 2, paragraphe 4, de la directive prévoit que, pour les infractions mineures, la directive ne s’applique qu’aux procédures devant une juridiction compétente en matière pénale:

a.lorsque le droit d’un État membre prévoit l’imposition d’une sanction par une autorité autre qu’une juridiction compétente en matière pénale, l’imposition de cette sanction pouvant faire l’objet d’un recours ou d’un renvoi devant une telle juridiction; ou

b.lorsque la privation de liberté ne peut pas être imposée comme sanction.

Cette disposition s’entend sans préjudice du droit à un procès équitable. Elle ajoute ensuite qu’en tout état de cause, la directive s’applique pleinement lorsque le suspect ou la personne poursuivie est privé de liberté à quelque stade que ce soit de la procédure pénale. Cette disposition revêt donc une importance particulière au regard du droit d’accès à un avocat.

Cette disposition est pertinente pour les États membres dans lesquels les autorités administratives, la police ou les juridictions compétentes pour des questions ne relevant pas du droit pénal sont chargées de traiter les infractions mineures. La législation ne prévoit d’exception au droit d’accès à un avocat au regard des infractions mineures que dans cinq États membres. Dans plusieurs États membres, la législation ne prévoit pas de système spécifique pour les infractions mineures. Dans d’autres États membres, disposant d’une telle législation spécifique, celle-ci soit prévoit une application mutatis mutandis des règles générales de procédure pénale, soit reflète les droits prévus dans la directive dans la législation relative aux infractions mineures elle-même. Cependant, dans deux États membres qui utilisent cette dernière technique, toutes les garanties prévues par la directive ne sont pas assurées en cas d’infractions mineures.

3.3.Droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales (article 3)

L’article 3, paragraphe 1, de la directive énonce que les suspects et les personnes poursuivies disposent du droit d’accès à un avocat dans un délai et selon des modalités permettant aux personnes concernées d’exercer leurs droits de la défense de manière concrète et effective.

3.3.1.Délai — article 3, paragraphe 2

Conformément à l’article 3, paragraphe 2, et compte tenu du considérant 20 de la directive, le droit d’accès à un avocat doit être accordé sans retard indu aux suspects et aux personnes poursuivies. La directive mentionne que le droit d’accès à un avocat doit être assuré à partir de la survenance du premier en date d’un certain nombre d’événements.

Tandis que deux États membres ont transposé cette disposition littéralement, l’exigence d’accorder ce droit «sans retard indu» a pu être déduite de trois sources: i) des dispositions mentionnant la nature immédiate du droit ou de l’information à propos de ce droit; ii) le fait que le droit est accordé dès l’acquisition du statut de suspect ou de personne poursuivie; ou iii) des dispositions ayant une large portée, qui garantissent le droit d’accès à un avocat à tous les stades de la procédure.

3.3.1.1. Droit d’accès à un avocat avant l’interrogatoire par la police ou par une autre autorité répressive ou judiciaire — article 3, paragraphe 2, point a)

L’article 3, paragraphe 2, point a), de la directive a été transposé correctement par plusieurs États membres. Toutefois, neuf États membres n’ont transposé cette disposition que partiellement. Les raisons qui ont amené certains de ces États membres à ne transposer que partiellement l’article 2, paragraphe 1, de la directive ont aussi eu une incidence sur la transposition de l’article 3, paragraphe 2, point a) (voir point 3.2.1.). De plus, dans deux de ces États membres, le droit d’accès à un avocat n’est prévu clairement que pendant l’interrogatoire, pas avant. Dans quelques autres États membres, il existe des doutes concernant le droit d’accès à un avocat avant l’interrogatoire, du moins pour certaines catégories de personnes. Dans un État membre, si la personne a reçu une invitation écrite à l’interrogatoire, il est présumé qu’un avocat a été consulté avant l’interrogatoire.

3.3.1.2. Droit d’accès à un avocat lorsqu’il est procédé à une mesure d’enquête ou à une autre mesure de collecte de preuves conformément à l’article 3, paragraphe 3, point c) — article 3, paragraphe 2, point b)

Une majorité considérable d’États membres se sont conformés à cette disposition et deux États membres l’ont transposée littéralement. Dans d’autres États membres, on peut conclure à une transposition correcte car la législation: i) soit fait spécifiquement référence à des mesures de collecte de preuves visées à l’article 3, paragraphe 3, point c), de la directive; ii) soit garantit ce droit au moyen de dispositions ayant une large portée qui assurent le droit d’accès à un avocat dès le début ou à tous les stades de la procédure ou qui font référence à toute mesure d’enquête. Toutefois, pour un nombre réduit d’États membres, les raisons qui ont conduit à une transposition partielle de l’article 2, paragraphe 1, de la directive ont aussi eu une incidence sur la transposition de l’article 3, paragraphe 2, point b), de la directive (voir point 3.2.1.).

3.3.1.3. Droit d’accès à un avocat sans retard indu après la privation de liberté — article 3, paragraphe 2, point c)

Presque tous les États membres ont transposé cette disposition au moyen soit de la législation relative à la privation de liberté, soit d’un principe général garantissant le droit d’accès à un avocat à tous les stades de la procédure pénale. La transposition complète n’est discutable que concernant un État membre, dans lequel le critère «sans retard indu» n’est pas clairement fixé dans un instrument législatif pertinent.

3.3.1.4. Droit d’accès à un avocat lorsque des personnes ont été citées à comparaître devant une juridiction compétente en matière pénale, en temps utile avant leur comparution devant ladite juridiction — article 3, paragraphe 2, point d)

Bien que la législation de trois États membres puisse manquer de clarté, surtout concernant le temps utile nécessaire pour préparer l’affaire, aucun problème particulier de transposition n’est apparu pour cette disposition.

3.3.2.Contenu du droit d’accès à un avocat — article 3, paragraphe 3

L’article 3, paragraphe 3, de la directive énumère les éléments que comprend le droit d’accès à un avocat; autrement dit, il décrit le contenu de ce droit.

3.3.2.1.Rencontre en privé de l’avocat et communication avec lui, y compris avant l’interrogatoire — article 3, paragraphe 3, point a)

D’après cette disposition, les suspects ou les personnes poursuivies doivent avoir le droit de rencontrer en privé l’avocat qui les représente et de communiquer avec lui, y compris avant qu’ils ne soient interrogés par la police ou par une autre autorité répressive ou judiciaire.

Alors que trois États membres ont transposé cette disposition littéralement, la législation d’autres États membres fait référence à des notions telles que la communication, des réunions, le contact ou la discussion. Cependant, des problèmes de transposition partielle se sont posés dans onze États membres. Dans la plupart des États membres, ces lacunes étaient liées à des problèmes également recensés dans le cadre de la transposition de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 3, paragraphe 2, point a), de la directive (voir points 3.2.1. et 3.3.1.1.). Dans certains de ces États membres, des problèmes liés à la transposition de l’article 4 de la directive ont aussi eu une incidence négative dans le contexte de l’article 3, paragraphe 3, point a) (voir point 3.4.).

Des problèmes de conformité ont été relevés dans sept États membres. Par exemple, un État membre prévoit la présomption qu’une personne qui a reçu une invitation écrite à un interrogatoire a eu une consultation confidentielle avec un avocat avant cet interrogatoire (voir point 3.3.1.1.). Deux États membres autorisent une dérogation à la confidentialité de la communication avec l’avocat (voir point 3.4.) et, dans quelques États membres, la communication est limitée à 30 minutes avant le (premier) interrogatoire ou à un contact téléphonique avec l’avocat des personnes emprisonnées une fois par semaine en règle générale.

3.3.2.2.Présence et participation effective de l’avocat lors de l’interrogatoire — article 3, paragraphe 3, point b)

L’article 3, paragraphe 3, point b), de la directive énonce le droit des suspects ou des personnes poursuivies à la présence de leur avocat et à la participation effective de celui-ci à leur interrogatoire. Bien que cette participation doive avoir lieu conformément aux procédures prévues par le droit national, celles-ci ne doivent pas porter atteinte à l’exercice effectif et à l’essence même des droits concernés. La notion de participation effective est expliquée plus avant au considérant 25 de la directive comme étant la possibilité pour l’avocat de poser des questions, de demander des clarifications et de faire des déclarations, ce qui devrait être consigné conformément à la procédure d’enregistrement prévue par le droit national. Le fait que l’avocat a participé doit être consigné.

Dans tous les États membres, l’avocat peut être présent lors de l’interrogatoire et cette circonstance est également consignée. Des règles relatives à la participation de l’avocat ont pu être recensées pour un nombre considérable d’États membres. Toutefois, dans six États membres, ce droit n’est pas conféré à l’ensemble des suspects et des personnes poursuivies. Ces lacunes sont en grande partie liées à des problèmes également relevés dans le contexte de la transposition de l’article 2, paragraphe 1 (voir point 3.2.1).

Cependant, dans 16 États membres, le caractère effectif de la participation est discutable. Nombre d’entre eux autorisent seulement l’avocat à participer à la fin de l’interrogatoire. Cela pourrait entraîner des problèmes, surtout dans les affaires plus complexes dans lesquelles l’interrogatoire peut être long. Les avocats pourraient ne pas être en mesure de poser leurs questions directement à la personne interrogée et ne pouvoir les poser que par l’intermédiaire de l’autorité qui mène l’interrogatoire. Les pouvoirs des avocats pourraient aussi être limités à la soumission de demandes, d’observations et de réserves au ministère public. Dans certains États membres, la législation combine ces restrictions. Dans un État membre, la législation ne contient même aucune disposition concernant la participation de l’avocat, sauf en ce qui concerne les audiences devant une juridiction, lors desquelles l’avocat est autorisé à poser des questions après le procureur et le témoin expert.

3.3.2.3.Présence de l’avocat lors des mesures d’enquête ou des mesures de collecte de preuves — article 3, paragraphe 3, point c)

Cette disposition régit le droit d’accès à un avocat durant les mesures de collecte de preuves. Elle mentionne trois mesures de collecte de preuves au moins lors desquelles les suspects et les personnes poursuivies ont le droit à la présence de leur avocat, à savoir les séances d’identification des suspects, les confrontations et les reconstitutions de la scène d’un crime. Cela vaut seulement lorsque ces mesures sont prévues par le droit national et si, en vertu du droit national, le suspect ou la personne poursuivie est tenu d’y assister ou autorisé à y assister. Par conséquent, lorsqu’une telle mesure de collecte de preuves n’est pas prévue par le droit national, la directive n’exige pas de l’État membre concerné qu’il la crée. Parallèlement, ces trois mesures sont énumérées en tant que liste minimale et les États membres peuvent prévoir d’autres mesures de collecte de preuves lors desquelles l’avocat a le droit d’être présent.

Des problèmes de transposition se sont posés dans neuf États membres. Le fait que quelques États membres n’ont pas transposé pleinement l’article 3, paragraphe 2, point b), a entraîné leur transposition incomplète de l’article 3, paragraphe 3, point c) (voir point 3.3.1.2). Dans certains autres États membres, aucun droit d’accès à un avocat n’est accordé concernant les mesures d’enquête pertinentes, même si ces dernières existent bel et bien dans la pratique ou le droit national de ces pays. Dans la législation de deux autres États membres, certaines mesures de collecte de preuves ne sont pas prévues, ce qui signifie que la non-transposition à cet égard n’a aucun effet sur la complétude.

3.3.3.Informations et dispositions visant à faciliter l’accès à un avocat — article 3, paragraphe 4

Cette disposition contient des règles concernant le niveau d’obligation imposé aux États membres pour faciliter l’accès des suspects et des personnes poursuivies à un avocat. Bien que la directive s’applique que ces personnes soient privées de liberté ou non (article 2, paragraphe 1, première phrase, de la directive), l’article 3, paragraphe 4, opère une distinction entre la situation des personnes privées de liberté et celle des personnes qui ne sont pas privées de liberté. Pour les personnes qui sont libres, les États membres doivent s’efforcer de leur rendre disponibles des informations générales afin de les aider à trouver un avocat. Pour les personnes qui sont privées de liberté, le niveau d’obligation incombant aux États membres est plus élevé. Dans ce dernier cas, les États membres doivent prendre les dispositions nécessaires afin que les suspects ou les personnes poursuivies qui sont privés de liberté soient en mesure d’exercer effectivement leur droit d’accès à un avocat.

Les États membres ont transposé cette disposition au moyen de mesures nationales telles que les suivantes:

·la fourniture d’informations;

·des clarifications concernant les droits et la manière de jouir de ceux-ci;

·la fourniture de moyens permettant de contacter directement l’avocat, comme une ligne d’assistance, des systèmes d’avocats de garde, des listes d’avocats, des sites internet spécifiques, des moteurs de recherche, des brochures et — dans le cas d’un État membre — un service de discussion en ligne.

En particulier pour les personnes privées de liberté, certains États membres ont mis en place des services d’urgence destinés à faciliter la désignation d’un avocat. Dans un certain nombre d’États membres, la privation de liberté impose une défense obligatoire et un avocat peut être désigné d’office.

Cependant, dans un nombre réduit d’États membres, il se peut que les dispositions visant à faciliter l’accès à un avocat ne soient pas à la disposition des personnes aux premiers stades de la procédure, par exemple avant d’être formellement accusé en vertu du droit national, ou des personnes relevant d’actes spécifiques de la législation sectorielle. Dans un de ces États membres, par exemple, le contact avec un avocat dépend également des «moyens disponibles», formulation qui semble trop vague.

3.3.4.Dérogations — article 3, paragraphes 5 et 6

3.3.4.1.Dérogations temporaires en raison de l’éloignement géographique — article 3, paragraphe 5

Cette disposition autorise des dérogations temporaires en raison de l’éloignement géographique d’un suspect ou d’une personne poursuivie. Elle n’autorise l’État membre à déroger à l’article 3, paragraphe 2, point c), de la directive que lorsqu’il est impossible d’assurer le droit d’accès à un avocat sans retard indu après la privation de liberté. Dans ces circonstances, aucun interrogatoire du suspect ou de la personne poursuivie ni aucune collecte de preuves au sens de l’article 3, paragraphe 3, point c), de la directive ne peut avoir lieu durant l’application de la dérogation temporaire (voir aussi considérant 30).

Seuls cinq États membres ont fait usage de cette faculté. Deux d’entre eux ont transposé le texte de la directive littéralement dans leur législation. Dans trois autres États membres, la législation autorise l’interrogatoire de la personne, ce qui n’est pas conforme à la directive. Certains autres éléments suscitent également des inquiétudes. Premièrement, la possibilité de dérogation pourrait ne pas se limiter à la phase préalable au procès pénal, ainsi que le prévoit la directive. Deuxièmement, la nature exceptionnelle et temporaire des dérogations pourrait être douteuse et, troisièmement, certaines des législations pertinentes autorisent des personnes qui n’ont pas la qualité d’avocat en vertu de la législation nationale à assister le suspect ou la personne poursuivie.

3.3.4.2.Dérogations temporaires en raison de risques pour les personnes ou des besoins en matière d’enquête — article 3, paragraphe 6

L’article 3, paragraphe 6, de la directive autorise des dérogations temporaires au droit d’accès à un avocat. Il permet d’interroger le suspect ou la personne poursuivie ou de collecter des preuves au sens de l’article 3, paragraphe 3, point c), de la directive dans des circonstances exceptionnelles et au cours de la phase préalable au procès pénal uniquement. Sur cette base, les États membres peuvent prévoir des dérogations temporaires dans la mesure où cela est justifié, compte tenu des circonstances particulières du cas d’espèce, sur la base d’un des motifs impérieux suivants:

a.lorsqu’il existe une nécessité urgente de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne;

b.lorsqu’il est impératif que les autorités qui procèdent à l’enquête agissent immédiatement pour éviter de compromettre sérieusement une procédure pénale.

Seuls cinq États membres ont choisi de ne faire usage d’aucune de ces possibilités de dérogation. Des dérogations ont été recensées dans 20 autres États membres, justifiées par des risques pour les personnes ou pour les besoins en matière d’enquête. Cependant, la transposition de la directive est correcte sans doute possible dans un nombre réduit d’États membres seulement, ce qui signifie que de potentiels problèmes de conformité ont été relevés dans un certain nombre d’entre eux. Dans les États membres qui rencontrent des problèmes de conformité, on peut observer que certaines des dérogations qu’ils prévoient sont conformes à la directive, tandis que d’autres suscitent des inquiétudes. Par exemple, la législation nationale reflétant les situations décrites à l’article 3, paragraphe 6, pourrait ne pas mentionner clairement que toutes les dérogations ne devraient s’appliquer que dans des circonstances exceptionnelles et dans la mesure où cela est justifié compte tenu des circonstances particulières du cas d’espèce.

Une autre inquiétude réside dans la circonstance que la possibilité de dérogation puisse se prolonger au-delà de la phase préalable au procès pénal. Dans les règles de deux États membres, les critères d’«urgence» et/ou d’«atteinte grave» sont douteux [article 3, paragraphe 6, point a), de la directive]. Les dérogations prévues dans plusieurs États membres peuvent être considérées comme visant à éviter de compromettre une procédure pénale [article 3, paragraphe 6, point b)], mais leur portée ne se limite pas aux conditions mentionnées dans la directive et n’est donc pas conforme aux exigences d’action immédiate impérative ou de nécessité d’éviter de compromettre sérieusement une procédure pénale. Ces règles autorisant des dérogations font référence, par exemple, à des risques généraux de «détériorer les preuves», de «rendre l’enquête plus difficile» ou d’«entraver l’intérêt et la réussite de l’enquête».

Dans 15 États membres, les possibilités de dérogation ne présentent pas de lien avec les exigences visées à l’article 3, paragraphe 6, points a) et b), de la directive et n’entrent pas dans le cadre des scénarios prévus par la directive. Cela crée le risque que les suspects et les personnes poursuivies puissent être laissés dans l’incertitude, sans aucune garantie que l’interrogatoire ou la collecte de preuves au sens de l’article 3, paragraphe 3, point c), de la directive ait lieu en l’absence d’un avocat uniquement si la personne a renoncé à ce droit dans les conditions prévues à l’article 9 de la directive (voir point 3.9). Nous constatons, dans la législation nationale, des références, par exemple, à une «extension excessive de la période de détention», à des cas de «force majeure», au fait qu’il n’est «pas sûr» de retarder des mesures d’enquête, à la présence d’un avocat durant l’interrogatoire «qui peut déjà avoir commencé», ainsi qu’à des conditions assez vagues, telles que des «raisons justifiées». La législation de différents États membres indique que l’absence de l’avocat pendant l’enquête n’empêche pas de procéder à des actes de procédure s’il est prouvé que l’avocat a été informé de la date et de l’heure de cet acte. D’autres exemples incluent des dispositions selon lesquelles un avocat peut ne pas pouvoir être présent lors de mesures d’enquête lorsque «la mesure ne peut être postposée» et la «notification de celle-ci ne peut être produite».

Enfin, certains États membres ont fixé des délais pour la comparution de l’avocat, la législation de ces pays autorisant l’interrogatoire ou la collecte de preuves au sens de l’article 3, paragraphe 3, point c), de la directive sans l’avocat ou sans la présence d’une renonciation claire. Dans quelques législations, ces délais ne sont que de deux heures, voire une heure dans le cas d’un État membre. Cela laisse une grande latitude pour procéder à l’interrogatoire ou à la collecte de preuves en l’absence d’un avocat ou d’une renonciation claire, donnant lieu à une large dérogation non prévue par la directive, ce qui a une incidence sur la conformité.

3.4.Confidentialité (article 4)

L’article 4 de la directive contient une forte déclaration de principe concernant le respect de la confidentialité des communications entre les suspects ou les personnes poursuivies et leur avocat dans l’exercice du droit d’accès à un avocat. Ces communications comprennent les rencontres, la correspondance, les conversations téléphoniques et toute autre forme de communication autorisée par le droit national. Cette disposition ne prévoit pas des circonstances dans lesquelles les États membres pourraient déroger à ce droit à la confidentialité. Cette idée est sous-tendue par le considérant 33, qui explique que la confidentialité des communications entre les suspects ou les personnes poursuivies et leur avocat est fondamentale pour garantir l’exercice effectif des droits de la défense et constitue un aspect essentiel du droit à un procès équitable.

Plus de la moitié des États membres ont transposé cette disposition correctement. Cependant, des problèmes de transposition partielle ont été décelés dans certains États membres. Ces lacunes sont liées à la non-couverture de certains groupes de personnes à des stades particuliers de la procédure ou au fait que la législation ne reflète pas certaines méthodes de communication telles que les rencontres, les communications téléphoniques, les courriers électroniques, etc. Dans quatre États membres, la législation autorise des dérogations à l’exigence de confidentialité, ce qui porte affecte la conformité avec la directive.

3.5.Le droit d’informer un tiers de la privation de liberté (article 5)

3.5.1.Principe général — article 5, paragraphe 1

L’article 5, paragraphe 1, de la directive prévoit le droit pour les suspects ou les personnes poursuivies qui sont privés de liberté, s’ils le souhaitent, d’en informer sans retard indu au moins une personne, telle qu’un membre de leur famille ou un employeur.

Des problèmes de transposition partielle ont été recensés dans onze États membres. Dans nombre de ces États membres, il n’est pas indiqué clairement si le tiers est informé sans retard indu. Dans plusieurs États membres, le droit d’informer un tiers est limité à certaines situations de privation de liberté ou à certaines catégories de suspects ou de personnes poursuivies. Dans quelques États membres, des limitations du champ d’application personnel relevées dans le contexte de l’article 2, paragraphe 1, de la directive ont également eu une incidence sur la transposition de l’article 5, paragraphe 1. Une autre inquiétude porte sur le fait que des exigences de la directive sont seulement reflétées dans des dispositions concernant les informations à fournir au suspect ou à la personne poursuivie.

Dans plusieurs autres États membres, on peut douter de la transposition correcte, et ce parce qu’il existe des limites quant aux personnes pouvant être informées de la privation de liberté ou parce que des tiers sont informés indépendamment de la volonté de la personne privée de liberté.

3.5.2.Dérogations temporaires — article 5, paragraphe 3

L’article 5, paragraphe 3, de la directive autorise des dérogations temporaires au droit d’informer un tiers (y compris dans les affaires impliquant des enfants, voir point 3.5.3. ci-dessous) si cela est justifié, compte tenu des circonstances particulières du cas d’espèce, sur la base d’un des motifs impérieux suivants:

a.lorsqu’il existe une nécessité urgente de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne;

b.lorsqu’il existe une nécessité urgente d’éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale.

Ces possibilités de dérogation existent dans la législation de 18 États membres. L’examen des mesures nationales de transposition montre que l’article 5, paragraphe 3, est l’une des dispositions qui présentent le niveau le plus élevé de disparités entre les États membres.

Plusieurs États membres autorisent des refus correspondant aux motifs énoncés dans la directive. Néanmoins, certains autres États membres prévoient des dérogations sous réserve de conditions similaires à celles prévues par la directive, mais moins restrictives. D’autres États membres ont fixé des conditions encore plus clémentes en vertu desquelles le droit d’informer un tiers peut être refusé, faisant référence, par exemple, à la nécessité de «déterminer la vérité dans le cadre de la procédure pénale», à des situations dans lesquelles la notification «porterait préjudice à la procédure pénale», à une «entrave significative à l’enquête» ou à la «clarification de l’affaire et l’enquête sur celle-ci». La justification d’un refus peut aussi découler de la nécessité de «garantir la réalisation de l’objectif d’un acte important», d’«éviter une infraction pénale» ou d’éviter de «nuire à la finalité de la détention». Parmi les autres motifs cités dans la législation nationale, on peut citer des «difficultés excessives», des «circonstances insurmontables» ou encore de vagues «raisons justifiées» ou «toute autre raison».

3.5.3.Particularités concernant les enfants — article 5, paragraphes 2 et 4

L’article 5, paragraphes 2 et 4, de la directive prévoit des règles spécifiques concernant les enfants (définis comme étant des personnes âgées de moins de 18 ans). Au titre de l’article 5, paragraphe 2, de la directive, le titulaire de l’autorité parentale de l’enfant doit être informé dans les meilleurs délais de la privation de liberté de l’enfant et des motifs de celle-ci, à moins que cela ne soit contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, auquel cas l’information est transmise à un autre adulte approprié. Lorsque des dérogations temporaires sont appliquées, une autorité compétente en matière de protection de l’enfance doit être informée sans retard indu de la privation de liberté de l’enfant (article 5, paragraphe 4, de la directive). Cette disposition vise à éviter les cas de détention au secret d’enfants.

Des règles spécifiques contenant des garanties spécifiques pour les enfants existent dans tous les États membres. La législation de dix États membres autorise la transmission de l’information à un autre adulte approprié si informer le titulaire de l’autorité parentale serait contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. Ces personnes pourraient être un autre adulte approprié éventuellement indiqué par l’enfant, une autorité de protection des mineurs ou un tuteur ad litem (c’est-à-dire le tuteur de l’enfant désigné par une juridiction). Dans plusieurs autres États membres, la législation ne détermine pas un mécanisme clair pour tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans trois États membres, la législation n’indique pas clairement que l’acte d’information devrait avoir lieu dans les meilleurs délais. En ce qui concerne les enfants également, dans un nombre réduit d’États membres, des limitations du champ d’application ont conduit à une transposition incomplète en ne tenant compte que des enfants formellement accusés en vertu du droit national, accusés ou interrogés. Dans un État membre, les mineurs âgés de 16 à 18 ans sont inclus dans le régime général applicable aux adultes et ne bénéficient pas du traitement spécial prévu à l’article 5, paragraphe 2, de la directive.

Dans plusieurs États membres, une exception à l’information du titulaire de l’autorité parentale est possible si l’enfant exprime le souhait que cette information n’ait pas lieu. Cette exception n’est pas prévue par la directive. La législation d’un État membre prévoit une exception à l’obligation de notification, autorisant une dérogation à l’exigence de notification non seulement si elle est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, mais aussi «si elle est justifiée par toute autre raison».

La moitié des États membres n’autorisent pas de dérogation au droit d’informer le titulaire de l’autorité parentale ou un autre adulte approprié de la privation de liberté d’un enfant prévu à l’article 5, paragraphe 2, de la directive, tandis que l’autre moitié autorise cette dérogation. La plupart des législations de ce dernier groupe d’États membres prévoient les garanties visées à l’article 5, paragraphe 4, tandis que deux États membres n’ont pas du tout transposé ces exigences. Dans un autre État membre, la législation n’exige pas clairement que l’autorité compétente en matière de protection de l’enfance soit informée sans retard indu.

Un État membre autorise une dérogation à l’obligation de notifier une autorité compétente en matière de protection de l’enfance lorsque cela «mettrait en péril la réalisation de l’objectif d’un acte important» ou lorsque cette notification comporterait des «difficultés excessives».

3.6.Le droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers (article 6)

L’article 6 de la directive prévoit l’obligation de veiller à ce que les suspects ou les personnes poursuivies qui sont privés de liberté aient le droit de communiquer sans retard indu avec au moins un tiers, par exemple un membre de leur famille, qu’ils désignent (article 6, paragraphe 1). L’exercice de ce droit peut néanmoins être limité ou reporté eu égard à des exigences impératives ou à des besoins opérationnels proportionnés (article 6, paragraphe 2).

La législation de tous les États membres prévoit un droit des personnes privées de liberté de communiquer. Ces règles peuvent définir un principe général ou des règles détaillées mentionnant le moment et la fréquence des communications ou des moyens de communication spécifiques, comme l’utilisation d’un téléphone, de visites ou de communications écrites. La législation pertinente est souvent contenue non seulement dans des lois sur les procédures pénales, mais aussi dans des règles concernant l’administration des installations pénitentiaires.

Cependant, la Commission est préoccupée par le fait que de nombreux États membres: i) ne veillent pas à ce que le droit de communiquer avec des tiers puisse être exercé sans retard indu, y compris pendant la privation de liberté par la police; et ii) ont mis en place des restrictions concernant la portée de la disposition qui ne sont pas prévues dans la directive. Bien que les possibilités de limiter ou de reporter ce droit offrent aux États membres une marge de manœuvre assez large, la législation de plusieurs d’entre eux peut susciter des inquiétudes, par exemple parce que les règles prévoient une limitation excessive du nombre ou de la durée des contacts avec des tiers, voire une interdiction totale, sans l’assortir de conditions claires.

3.7.Le droit de communiquer avec les autorités consulaires (article 7)

L’article 7 de la directive confère aux suspects ou aux personnes poursuivies qui ne font pas partie des ressortissants du pays concerné, s’ils le souhaitent, le droit d’informer de leur privation de liberté, sans retard indu, les autorités consulaires de l’État dont ils sont ressortissants, et de communiquer avec lesdites autorités. L’article 7 garantit aussi que ces suspects ou personnes poursuivies ont le droit de recevoir la visite de leurs autorités consulaires, le droit de s’entretenir et de correspondre avec elles et le droit à l’organisation par celles-ci de leur représentation légale.

La transposition de l’article 7 de la directive est largement complète dans presque tous les États membres. Certaines lacunes potentielles sont principalement comblées par l’applicabilité directe de la convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963 14 , notamment son article 36. Celle-ci compenserait, par exemple, l’absence de référence explicite à la situation des personnes qui ont plus d’une nationalité ou à la possibilité d’organiser une représentation légale.

Cependant, il existe des doutes quant à la conformité de la législation dans la moitié environ des États membres. Dans plusieurs États membres, ces doutes sont dus à des dérogations potentielles au droit ou, dans le cas d’un État membre, à une référence assez vague à la communication par les «moyens disponibles». Ces droits et procédures ne peuvent permettre de donner pleinement effet aux fins pour lesquelles les droits visés à l’article 7 de la directive sont prévus (voir article 7, paragraphe 3). Dans certains autres États membres, les autorités consulaires sont informées indépendamment du consentement de la personne concernée. Ce n’est pas conforme à l’article 7, paragraphe 1, puisque celui-ci subordonne l’information de l’autorité consulaire compétente à la volonté de la personne.

3.8.Conditions générales de l’application des dérogations temporaires (article 8)

L’article 8 de la directive prévoit des conditions supplémentaires pour l’application des dérogations temporaires visées à l’article 3, paragraphes 5 et 6, et à l’article 5, paragraphe 3, de la directive. L’article 8, paragraphe 1, de la directive exige que les dérogations: i) soient proportionnées et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire; ii) aient une durée strictement limitée; iii) ne soient pas fondées exclusivement sur la nature ou sur la gravité de l’infraction alléguée; et iv) ne portent pas atteinte à l’équité générale de la procédure. Les décisions concernant toutes ces dérogations doivent être prises cas par cas, soit par une autorité judiciaire, soit par une autre autorité compétente, à condition que la décision puisse faire l’objet d’un recours judiciaire. Les dérogations visées à l’article 3, paragraphes 5 et 6, de la directive doivent être autorisées par une décision dûment motivée, qui doit également être consignée.

L’article 8, paragraphe 2, de la directive concerne d’éventuelles dérogations au droit d’accès à un avocat. Dans la plupart des États membres qui prévoient de telles dérogations et qui ont transposé l’article 8, paragraphe 2, de la directive, la décision concernant les dérogations peut être prise par une autorité qui n’est pas une autorité judiciaire. Seuls quelques-uns de ces États membres exigent l’intervention d’une autorité judiciaire. L’exigence de disposer d’une décision motivée et l’exigence de consigner cette décision, si elles ne sont pas transposées littéralement, peuvent souvent être déduites des règles générales de procédure. Des problèmes de conformité se posent dans plusieurs États membres, dans lesquels, souvent, seule une partie des dispositions autorisant des dérogations prévoient les garanties requises. C’est principalement dû à l’absence de règles claires relatives à la consignation des décisions, mais aussi à l’absence de règles prévoyant un recours judiciaire si des décisions sont prises par des organes qui ne sont pas des autorités judiciaires et, dans une moindre mesure, à l’absence de dispositions sur le caractère motivé de la décision.

L’article 8, paragraphe 3, de la directive concerne des dérogations potentielles au droit d’informer un tiers d’une privation de liberté. Dans de nombreux États membres qui prévoient de telles dérogations et qui ont transposé l’article 8, paragraphe 3, de la directive, la décision concernant les dérogations peut être prise par une autorité qui n’est pas une autorité judiciaire. Seuls quelques-uns de ces États membres exigent l’intervention d’une autorité judiciaire. Des problèmes de transposition ne se sont posés que dans quelques États membres. Ils étaient dus à l’absence de règles prévoyant un recours judiciaire si des décisions sont prises par des organes qui ne sont pas des autorités judiciaires, voire à l’absence totale de transposition des exigences de l’article 8, paragraphe 3, de la directive.

3.9.Renonciation (article 9)

Cette disposition prévoit des garanties si des suspects et des personnes poursuivies, qu’ils soient privés de liberté ou non, renoncent à leurs droits au titre des articles 3 et 10. La directive dispose que, dans ce cas, le suspect ou la personne poursuivie doit avoir reçu des informations claires et suffisantes, dans un langage simple et compréhensible, sur la teneur du droit concerné et les conséquences éventuelles d’une renonciation à celui-ci. Ces informations peuvent être fournies oralement ou par écrit. Toute renonciation doit être formulée de plein gré et sans équivoque. L’article 9 exige également que la renonciation ainsi que les circonstances dans lesquelles elle a été formulée soient consignées, et dispose que les suspects ou les personnes poursuivies peuvent révoquer une renonciation à la suite de chaque étape de la procédure pénale. Les suspects et les personnes poursuivies doivent être informés de la possibilité de révoquer la renonciation. Cette révocation prend effet à partir du moment où elle est effectuée.

Un nombre considérable d’États membres disposent d’une législation régissant la possibilité de renoncer au droit d’accès à un avocat. Cinq États membres ne disposent d’aucune législation de ce type. Un État membre n’offre aucune possibilité de renoncer au droit d’accès à un avocat, et la défense est donc toujours obligatoire.

Alors que trois États membres ont transposé la directive presque littéralement, de nombreuses lacunes dans la transposition de l’article 9 ont été relevées. La transposition des exigences de l’article 9, paragraphes 1 et 2, n’est adéquate que dans certains des États membres, tandis que, dans plusieurs autres, il existe de graves problèmes de transposition. Ceux-ci résultent souvent du fait que les informations fournies aux suspects ou aux personnes poursuivies ne vont pas au-delà de ce qu’exigent les dispositions pertinentes de la directive 2012/13/UE relative au droit à l’information; par exemple, elles ne contiennent pas d’informations sur les conséquences d’une renonciation. Pour ce qui est de l’article 9, paragraphe 3, la transposition ne peut être jugée satisfaisante que dans quelques États membres.

Dans trois États membres, seuls les adultes peuvent renoncer au droit d’accès à un avocat. Un de ces États membres opère aussi une distinction entre une renonciation au droit à une représentation légale et au droit de consultation d’un avocat avant l’interrogatoire. Dans deux États membres, la législation relative aux renonciations n’est prévue que dans le contexte de règles concernant ce qui, dans ces États membres, est considéré comme étant la «défense obligatoire», de sorte que la défense n’est plus obligatoire.

3.10.Le droit d’accès à un avocat dans le cadre d’une procédure relative au mandat d’arrêt européen (article 10)

3.10.1.Le droit d’accès à un avocat dans l’État membre d’exécution — article 10, paragraphes 1 et 2

L’article 10, paragraphes 1 et 2, de la directive dispose que les personnes qui font l’objet d’une procédure relative au mandat d’arrêt européen (les «personnes dont la remise est demandée») bénéficient du droit d’accès à un avocat dans l’État membre d’exécution, dès leur arrestation, en vertu d’un mandat. Dans l’État membre d’exécution, les personnes dont la remise est demandée doivent avoir le droit d’accès à un avocat sans retard indu à partir de leur privation de liberté, le droit de rencontrer l’avocat qui les représente et de communiquer avec lui, et le droit à la présence de leur avocat et à sa participation effective aux actes de procédure. Lorsqu’un avocat participe à l’audition, cela doit être consigné conformément à la procédure de constatation prévue par le droit de l’État membre concerné.

Dans la plupart des États membres, la législation prévoit l’application mutatis mutandis d’une partie ou de l’ensemble des règles concernant les procédures pénales. Cela signifie que les droits accordés dans les affaires où il est fait usage du mandat d’arrêt européen correspondent, en substance, au droit dont les suspects et les personnes poursuivies bénéficient durant les procédures pénales nationales. Dans cinq États membres, la transposition du droit d’accès à un avocat repose exclusivement sur des règles spécifiques régissant les procédures relatives au mandat d’arrêt européen et abordant les droits de la directive dans ce contexte.

Dans 21 États membres, le droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures relatives au mandat d’arrêt européen est clairement garanti dès l’arrestation (article 10, paragraphe 1, de la directive). Dans quatre États membres, la garantie de cet aspect temporel est moins évidente. De nombreux États membres ont correctement transposé le droit de l’avocat d’une personne dont la remise est demandée de participer à l’audition [article 10, paragraphe 2, point c)].

Certains problèmes liés à la bonne transposition de l’article 10, paragraphe 2, de la directive se sont posés en raison de l’application mutatis mutandis de règles régissant les procédures pénales. Ces problèmes incluent une référence assez vague à la possibilité de contacter un avocat «par tous les moyens disponibles» et la restriction de la communication entre la personne dont la remise est demandée et l’avocat à une demi-heure (voir points 3.3.2.1. et 3.3.3.). Étant donné que les règles relatives aux procédures pénales ont été appliquées mutatis mutandis, des dérogations au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales peuvent aussi s’appliquer dans les procédures relatives au mandat d’arrêt européen dans plusieurs États membres, chose qui n’est pas prévue par l’article 10, paragraphes 1 et 2, de la directive.

3.10.2.Le droit d’accès à un avocat dans l’État membre d’émission — article 10, paragraphes 4 et 5

Conformément à l’article 10, paragraphe 4, de la directive, la personne dont la remise est demandée a également le droit de désigner un avocat dans l’État membre d’émission. Le rôle de cet avocat est d’assister l’avocat dans l’État membre d’exécution en fournissant à celui-ci des informations et des conseils afin de garantir l’exercice effectif des droits des personnes dont la remise est demandée dans le cadre des procédures relatives au mandat d’arrêt européen. L’autorité compétente de l’État membre d’exécution doit informer les personnes dont la remise est demandée de ce droit sans retard indu après la privation de liberté. L’article 10, paragraphe 5, de la directive énonce que, lorsque les personnes dont la remise est demandée souhaitent exercer le droit de désigner un avocat dans l’État membre d’émission et n’ont pas déjà un tel avocat, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution est tenue d’informer immédiatement l’autorité compétente de l’État membre d’émission. L’autorité compétente dudit État membre doit fournir sans retard indu aux personnes dont la remise est demandée des informations pour les aider à désigner un avocat dans ledit État membre.

La législation de quatre États membres ne reflète pas du tout le droit des personnes dont la remise est demandée de désigner un avocat dans l’État membre d’émission. Quelque cinq États membres ne garantissent pas clairement que les personnes dont la remise est demandée reçoivent des informations au sujet de ce droit sans retard indu (article 10, paragraphe 4, de la directive).

De plus, souvent, le mécanisme de coopération prévu à l’article 10, paragraphe 5, de la directive ne fait pas l’objet de règles spécifiques. Dans sept États membres, la législation ne comprend pas l’exigence selon laquelle l’autorité compétente de l’État membre d’exécution doit informer rapidement l’autorité compétente de l’État membre d’émission lorsque les personnes dont la remise est demandée qui n’ont pas déjà un avocat dans l’État membre d’émission souhaitent en désigner un. Par ailleurs, la législation de dix États membres ne transpose pas l’exigence qui veut que l’autorité compétente de l’État membre d’émission fournisse sans retard indu aux personnes dont la remise est demandée des informations pour les aider à désigner un avocat dans ledit État membre.

3.10.3.Application mutatis mutandis d’autres droits prévus par la directive — article 10, paragraphe 3

Selon l’article 10, paragraphe 3, de la directive, les droits prévus aux articles 4, 5, 6, 7 et 9 de la directive s’appliquent mutatis mutandis à la procédure relative au mandat d’arrêt européen. Lorsqu’une dérogation est appliquée au titre de l’article 5, paragraphe 3, l’article 8 de la directive s’applique aussi de la même manière à la procédure relative au mandat d’arrêt européen.

La plupart des États membres font aussi référence, dans leur législation concernant les procédures relatives au mandat d’arrêt européen, à des règles ayant trait aux procédures pénales régissant les droits des suspects et des personnes poursuivies. Cependant, dans un nombre réduit d’États membres, cette application mutatis mutandis ne couvre pas clairement l’ensemble ou une partie des exigences prévues dans les dispositions pertinentes de la directive. Parmi les exemples, on peut citer le droit d’informer un tiers et les autorités consulaires de la privation de liberté, le droit de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires et les règles relatives à la renonciation au droit d’accès à un avocat.

Une autre conséquence de l’application mutatis mutandis des règles régissant les procédures pénales est le fait que les problèmes concernant la transposition complète et correcte des articles visés à l’article 10, paragraphe 3, de la directive peuvent, à leur tour, avoir une incidence sur les droits dans le cadre des procédures relatives au mandat d’arrêt européen.

3.11.Aide juridictionnelle (article 11)

L’article 11 de la directive dispose que celle-ci s’entend sans préjudice du droit national en matière d’aide juridictionnelle, lequel s’applique conformément à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et à la Convention européenne des droits de l’homme. Ce domaine est désormais couvert par la législation de l’UE: la directive (UE) 2016/1919 concernant l’aide juridictionnelle pour les suspects et les personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales et pour les personnes dont la remise est demandée dans le cadre des procédures relatives au mandat d’arrêt européen 15 . L’article 12 de cette directive prévoit que les États membres doivent mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive au plus tard le 5 mai 2019.

3.12.Voies de recours (article 12)

L’article 12, paragraphe 1, de la directive prévoit l’obligation de veiller à ce que les suspects ou les personnes poursuivies dans le cadre de procédures pénales disposent d’une voie de recours effective conformément au droit national en cas de violation des droits prévus au titre de la directive. Cela s’applique également aux personnes dont la remise est demandée dans le cadre de procédures relatives au mandat d’arrêt européen.

Les États membres ont globalement bien transposé cette disposition. Les voies de recours font souvent référence à un droit de former un recours ou de déposer une plainte devant une juridiction ou une autorité compétente d’une juridiction supérieure, ou bien prévoient l’invalidité ou la nullité d’actes procéduraux qui constituent une violation substantielle des règles de procédure et une violation des droits pertinents. De plus, les États membres peuvent adopter des règles concernant la responsabilité civile, disciplinaire ou pénale, l’indemnisation ou l’intervention d’un organe de contrôle public, comme un médiateur.

En ce qui concerne plus spécifiquement le droit d’accès à un avocat, l’article 12, paragraphe 1, exige que les États membres garantissent que les droits de la défense et l’équité de la procédure sont respectés dans le cadre des procédures pénales, lors de l’appréciation des déclarations faites par des suspects ou des personnes poursuivies ou des éléments de preuve obtenus en violation de leur droit à un avocat, ou lorsqu’une dérogation à ce droit a été autorisée conformément à l’article 3, paragraphe 6. Cela s’entend sans préjudice des règles et régimes nationaux concernant l’admissibilité des preuves. Cette disposition de la directive tient compte de la jurisprudence connexe de la Cour européenne des droits de l’homme, qui met l’accent sur la garantie de l’équité de la procédure en ménageant un équilibre entre les droits de la défense et les besoins de l’enquête. Cet exercice de mise en balance est détaillé plus avant au considérant 50 de la directive, qui reprend les termes employés dans l’arrêt Salduz de la Cour européenne des droits de l’homme 16 .

Des voies de recours en cas de violation des droits de la défense sont disponibles dans tous les États membres. La législation de plusieurs États membres contient des règles expresses concernant l’exclusion des preuves et la nullité des actes. Dans plus de la moitié des États membres, les règles relatives aux voies de recours mentionnent l’absence d’intervention d’un avocat. Dans deux États membres, les cas dans lesquels une dérogation à ce droit d’accès à un avocat est autorisée sont clairement couverts par ces règles.

3.13.Personnes vulnérables (article 13)

Conformément à l’article 13 de la directive, lors de l’application de la directive, les besoins spécifiques des personnes vulnérables qui sont soupçonnées ou poursuivies doivent être pris en compte.

Les États membres ont adopté différentes approches à l’égard de la transposition de l’article 13 de la directive. Tous les États membres disposent de règles spécifiques concernant les personnes handicapées et les enfants. Certaines de ces dispositions prévoient l’assistance obligatoire d’un avocat dans tous les cas ou si certaines conditions supplémentaires sont remplies. D’autres dispositions nationales mentionnent l’obligation des autorités d’expliquer les droits aux suspects et aux personnes poursuivies ou de vérifier s’ils ont bien compris ces droits.

4.Conclusions

La directive a été adoptée pour veiller à ce que le droit des suspects et des personnes poursuivies d’avoir accès à un avocat et de communiquer dès leur arrestation soit garanti dans le cadre tant des procédures pénales que des procédures relatives au mandat d’arrêt européen. Étant donné qu’elle fixe des normes minimales européennes communes, la directive a une incidence significative sur la protection des suspects et des personnes poursuivies dans les États membres. Elle atteint cet objectif en assurant une mise en œuvre plus cohérente des droits et des garanties prévus aux articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. La directive contribue ainsi à améliorer la confiance mutuelle entre les États membres, comme le prévoit la feuille de route visant à renforcer les droits procéduraux des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales.

Globalement, la directive a apporté une valeur ajoutée européenne en améliorant la protection des citoyens impliqués dans des procédures pénales, en particulier dans certains États membres dans lesquels le droit d’accès à un avocat n’était pas accordé à l’ensemble des suspects et des personnes poursuivies, surtout aux premiers stades de la procédure. En outre, un droit d’accès à un avocat dans l’État membre qui émet un mandat d’arrêt européen est désormais clairement établi.

L’ampleur de l’incidence de la directive sur les États membres varie en fonction des systèmes nationaux de justice pénale en place. Le présent rapport sur la mise en œuvre souligne que des difficultés persistent concernant des dispositions clés de la directive dans un certain nombre d’États membres. C’est en particulier le cas en ce qui concerne:

·la portée des droits prévus par la directive;

·l’étendue des dérogations possibles, en particulier au droit d’accès à un avocat;

·la renonciation au droit d’accès à un avocat; et

·le droit d’accès à un avocat dans l’État membre qui émet un mandat d’arrêt européen.

Ces lacunes risquent de nuire à la bonne mise en œuvre des autres directives relatives aux droits procéduraux, en particulier la directive (UE) 2016/1919 concernant l’aide juridictionnelle dans le cadre des procédures pénales, qui repose sur cette directive [voir article 2, paragraphe 1, de la directive (UE) 2016/1919]. La directive (UE) 2016/1919 devait être transposée par les États membres au plus tard le 5 mai 2019 17 .

L’évaluation montre aussi que, s’il n’est actuellement pas nécessaire de réviser la directive, sa transposition en droit national et son application dans la pratique doivent être améliorées. La Commission continuera d’évaluer le respect de la directive par les États membres et prendra toutes les mesures appropriées pour assurer la conformité avec ses dispositions dans l’ensemble de l’Union européenne.

(1)

JO L 294 du 6.11.2013, p. 1.

(2)

Résolution du Conseil du 30 novembre 2009 relative à la feuille de route visant à renforcer les droits procéduraux des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales (JO C 295 du 4.12.2009, p. 1).

(3)

JO C 115 du 4.5.2010, p. 1.

(4)

Directive 2010/64/UE relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales (JO L 280 du 26.10.2010, p. 1).

(5)

Directive 2012/13/UE relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (JO L 142 du 1.6.2012, p. 1).

(6)

Directive (UE) 2016/343 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (JO L 65 du 11.3.2016, p. 1).

(7)

Directive (UE) 2016/800 relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales (JO L 132 du 21.5.2016, p. 1).

(8)

Directive (UE) 2016/1919 concernant l’aide juridictionnelle pour les suspects et les personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales et pour les personnes dont la remise est demandée dans le cadre des procédures relatives au mandat d’arrêt européen (JO L 297 du 4.11.2016, p. 1); rectificatif: JO L 91 du 5.4.2017, p. 40.

(9)

COM(2018) 857 final et COM(2018) 858 final.

(10)

JO C 326 du 26.10.2012, p. 392.

(11)

Cour européenne des droits de l’homme, Salduz c. Turquie, requête nº 36391/02.

(12)

Étude de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), «Rights in practice – Access to a lawyer and procedural rights in criminal and European Arrest Warrant proceedings».

(13)

Notamment:

TRAINAC Assessment, good practices and recommendations on the right to interpretation and translation, the right to information and the right of access to a lawyer in criminal proceedings, 2016, étude du Conseil des barreaux européens (CCBE) et de la Fondation des avocats européens (FAE); rapport disponible à l’adresse suivante: http://europeanlawyersfoundation.eu/wp-content/uploads/2015/04/TRAINAC-study.pdf .

Inside Police Custody , 2014, projet mené par l’université de Maastricht; rapport disponible à l’adresse suivante: https://intersentia.be/nl/pdf/viewer/download/id/9781780681863_0/.

Inside Police Custody 2 , 2018, projet conçu et mis en œuvre par le Conseil irlandais pour les libertés civiles (Irish Council for Civil Liberties, ICCL) en collaboration avec l’initiative pour la justice de la fondation Open Society (Open Society Justice Initiative, OSJI); rapport disponible à l’adresse suivante: https://www.fairtrials.org/sites/default/files/publication_pdf/Inside-Police-Custody-2-JUSTICIA-Comparative-Report.pdf.

Right to a lawyer and to legal aid in criminal proceedings in five jurisdictions, 2018, projet mené par le Comité Helsinki de Bulgarie (CHB); rapport disponible à l’adresse suivante: https://www.helsinki.hu/wp-content/uploads/Right_to_lawyer_and_legal_aid_COMPARATIVE_REPORT_2018.pdf.

(14)

  http://legal.un.org/ilc/texts/instruments/french/conventions/9_2_1963.pdf .

(15)

     JO L 297 du 4.11.2016, p. 1; rectificatif: JO L 91 du 5.4.2017, p. 40.

(16)

     Cour européenne des droits de l’homme, Salduz c. Turquie, requête nº 36391/02, en particulier paragraphe 55.

(17)

Voir rectificatif: JO L 91 du 5.4.2017, p. 40.

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