ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

12 mars 2020 (*)

« Manquement d’État – Arrêt de la Cour constatant un manquement – Inexécution – Récupération des aides illégales octroyées au secteur hôtelier en Sardaigne – Article 260, paragraphe 2, TFUE – Sanctions pécuniaires – Astreinte et somme forfaitaire »

Dans l’affaire C‑576/18,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, introduit le 12 septembre 2018,

Commission européenne, représentée par M. B. Stromsky et Mme D. Recchia, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. E. Manzo et de Mme F. Varrone, avvocati dello Stato,

partie défenderesse,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. M. Safjan (rapporteur), président de chambre, M. L. Bay Larsen et Mme C. Toader, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : Mme R. Şereş, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 octobre 2019,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour :

–        de constater que, en n’ayant pas pris toutes les mesures pour se conformer à l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182), concernant la récupération auprès des bénéficiaires des aides jugées illégales et incompatibles avec le marché commun aux termes de la décision 2008/854/CE de la Commission, du 2 juillet 2008, relative au régime d’aide « Loi régionale no 9 de 1998 – application abusive de l’aide N 272/98 » C 1/04 (ex NN 158/03 et CP 15/2003) (JO 2008, L 302, p. 9) (ci-après les « aides en cause »), la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette décision et de l’article 260 TFUE ;

–        d’ordonner à la République italienne de verser à la Commission une somme forfaitaire dont le montant est le résultat de la multiplication d’un montant journalier de 13 892 euros par le nombre de jours durant lesquels aura persisté l’infraction entre le jour du prononcé de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182) et la date à laquelle l’arrêt sera prononcé dans la présente affaire, avec un minimum de 8 715 000 euros ;

–        d’ordonner à la République italienne de verser à la Commission une astreinte sur une base semestrielle, fixée par la Commission à partir du semestre suivant la date de l’arrêt qui sera rendu dans la présente affaire, et sur la base d’un montant journalier de 126 840 euros, et

–        de condamner la République italienne aux dépens.

 Les antécédents du litige

2        Par sa décision 2008/854, la Commission a déclaré que les aides en cause, octroyées dans le cadre du régime prévoyant des subventions en faveur d’investissements initiaux dans l’industrie hôtelière en Sardaigne (Italie), étaient incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où celles-ci avaient été probablement concédées à des projets d’investissement dans lesquels les travaux avaient été exécutés avant la date de la présentation de la demande appropriée.

3        Après avoir procédé à une appréciation détaillée de la situation, la Commission a conclu que la République italienne avait adopté, en exécution du régime d’aides approuvé par la Commission au cours de l’année 1998, des mesures qui avaient apporté des modifications audit régime et qui prévoyaient l’octroi d’aides incompatibles avec le marché commun.

4        Plus précisément, conformément à l’article 1er de la décision 2008/854, les aides en cause, octroyées au titre de la legge regionale n. 9 Incentivi per la riqualificazione e l’adeguamento delle strutture alberghiere e norme modificative e integrative della legge regionale del 14 settembre 1993, n. 40 (loi régionale no 9 régissant les subventions pour la requalification des structures hôtelières et règles et modifications de la loi régionale no 40 du 14 septembre 1993), du 11 mars 1998, illégalement appliquée par la République italienne par la deliberazione n. 33/6 della Giunta regionale della Regione Sardegna (décision no 33/6 du Conseil régional de la Région de Sardaigne), du 27 juillet 2000, et la première invitation à présenter des demandes au titre du régime d’aide, sont incompatibles avec le marché commun à moins que le bénéficiaire de l’aide n’ait présenté une demande d’aide sur la base de ce régime avant l’exécution des travaux relatifs à un projet d’investissement initial.

5        L’article 2, paragraphe 1, de la décision 2008/854 prévoit que la République italienne est tenue de procéder à la récupération des aides en cause auprès des bénéficiaires de celles-ci. Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, de cette décision, les montants à recouvrer comprennent les intérêts produits depuis la date à laquelle les montants versés au titre de ces aides ont été mis à la disposition des bénéficiaires jusqu’à celle de leur récupération effective.

6        La République italienne était censée, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2008/854, récupérer les aides en cause d’une manière immédiate et effective. L’exécution de cette décision et, par conséquent, la récupération effective desdites aides aurait dû avoir lieu, ainsi qu’il ressort du paragraphe 2 de cet article, dans les quatre mois suivant la notification de ladite décision, à savoir au plus tard le 4 novembre 2008.

7        En outre, aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2008/854, la République italienne était tenue de transmettre à la Commission, dans les deux mois de la notification de cette décision, les informations portant sur les bénéficiaires d’aides et les montants des aides reçues par chacun d’eux, le montant total qui devait être recouvré auprès de chaque bénéficiaire, une description détaillée des mesures déjà adoptées et prévues pour exécuter ladite décision ainsi que les documents attestant que le remboursement des aides en cause a été imposé à leurs bénéficiaires.

8        Conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la décision 2008/854, la République italienne était tenue d’informer la Commission de l’évolution des mesures nationales adoptées en vue de l’exécution de cette décision jusqu’à la récupération complète des aides en cause.

9        Le 18 mai 2010, estimant que la République italienne ne s’était pas conformée aux obligations qui lui incombaient en vertu de la décision 2008/854, la Commission a introduit devant la Cour, en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, un recours en manquement contre cet État membre.

10      Par l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182), la Cour a jugé que, en n’ayant pas pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires afin de récupérer les aides en cause auprès des bénéficiaires de celles-ci, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2 et 3 de cette décision.

11      Ainsi qu’il ressort du point 38 de cet arrêt, la République italienne n’a pas contesté que, jusqu’à la date de l’introduction du recours dans cette affaire devant la Cour, le 18 mai 2010, aucune aide illégale, visée par la décision 2008/854, n’avait été récupérée.

12      Au point 39 dudit arrêt, la Cour a constaté que c’est seulement à la fin du mois d’avril 2009, plus de cinq mois après le délai imparti pour la récupération effective des aides en cause, que les décisions nationales visant à récupérer ces aides, sans intérêts, ont été notifiées aux entreprises concernées.

13      S’agissant de la condition relative à l’existence d’une impossibilité absolue d’exécution de la décision de la Commission, qui constitue le seul moyen de défense susceptible d’être invoqué par un État membre contre un recours en manquement introduit par la Commission sur le fondement de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Cour a jugé, au point 41 de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182), que cette condition n’est pas remplie lorsque l’État membre défendeur se borne à soulever des difficultés juridiques, politiques ou pratiques que présentait la mise en œuvre de la décision concernée, sans entreprendre une véritable démarche auprès des entreprises en cause afin de récupérer l’aide et sans proposer à la Commission d’autres modalités de mise en œuvre de ladite décision qui auraient permis de surmonter ces difficultés.

14      À cet égard, la Cour a constaté, au point 43 de cet arrêt, qu’il ne ressortait pas du dossier qui lui était soumis que la République italienne avait demandé à la Commission de modifier la décision 2008/854 en vue de lui permettre de surmonter les difficultés liées à la mise en œuvre effective et immédiate de celle-ci.

15      La Cour a rappelé, au point 45 dudit arrêt, que le fait que l’État membre concerné éprouve la nécessité de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée, en vue d’effectuer un examen préalable afin d’identifier les bénéficiaires des avantages visés par la décision 2008/854, n’est pas de nature à justifier la non-exécution de cette décision.

16      En ce qui concerne l’argument de la République italienne tiré de la prétendue bonne foi et de la confiance légitime des entreprises auxquelles les aides en cause ont été concédées pour financer des projets d’investissement lancés avant la date de la présentation de la demande appropriée, la Cour a souligné, au point 47 du même arrêt, qu’un tel argument ne saurait être valablement soulevé par l’État membre concerné dans le cadre d’un recours en manquement ayant pour objet la mise en œuvre d’une décision de la Commission ordonnant la récupération des aides illégales. En effet, admettre une telle possibilité reviendrait à priver les dispositions des articles 107 et 108 TFUE de tout effet utile, dans la mesure où les autorités nationales pourraient ainsi se fonder sur leur propre comportement illégal pour mettre en échec l’efficacité des décisions prises par la Commission en vertu de ces dispositions du traité.

17      S’agissant du problème de la suspension, par les juridictions nationales, des ordres visant à récupérer les aides en cause, la Cour a jugé, au point 48 de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182), que de telles mesures peuvent être accordées sous réserve que soient réunies les conditions énoncées par sa jurisprudence, à savoir par les arrêts du 21 février 1991, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest (C‑143/88 et C‑92/89, EU:C:1991:65) ainsi que du 9 novembre 1995, Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a. (I) (C‑465/93, EU:C:1995:369). À cet égard, la Cour a constaté, au point 51 de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182), que l’analyse des ordonnances des juridictions nationales versées au dossier par les parties, concernant la récupération des aides en cause ordonnée par la décision 2008/854, ne permettait pas d’établir que les conditions visées par ladite jurisprudence étaient remplies.

18      En ce qui concerne le moyen de défense de la République italienne tiré de l’impossibilité « juridique » d’exécution de la décision 2008/854, la Cour a jugé, au point 55 de cet arrêt, que les mesures nationales de sursis à exécution ne constituent pas un cas d’impossibilité absolue d’exécution de cette décision. Le respect des principes de sécurité juridique et de l’autorité de la chose jugée, invoqués par cet État membre en liaison avec la contestation de la légalité de la décision 2008/854 devant les juridictions de l’Union et dans le cadre d’une procédure nationale, ne saurait non plus rendre absolument impossible l’exécution de ladite décision.

19      Par l’arrêt du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission (T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08, EU:T:2011:493), le Tribunal a rejeté les recours de la Regione autonoma della Sardegna (Région autonome de Sardaigne, Italie) et de différentes entreprises bénéficiaires des aides en cause tendant à l’annulation de la décision 2008/854.

20      Par l’arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission (C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387), la Cour a rejeté les pourvois formés contre cet arrêt du Tribunal.

21      Au point 134 de cet arrêt, la Cour a jugé qu’une confiance légitime dans la légalité d’une aide d’État ne saurait en principe, et sauf circonstances exceptionnelles, être invoquée que si cette aide a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 108 TFUE. La Cour a considéré que, dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, la décision d’approbation de la Commission indiquait que celle-ci ne concernait que des aides pour des projets engagés après la présentation de la demande d’aide et que les aides litigieuses, qui ne respectaient pas cette condition, n’avaient pas été accordées dans le respect de la procédure prévue à l’article 108 TFUE. Les bénéficiaires de ces aides ne sauraient donc être admis à invoquer une confiance légitime dans la régularité de celles-ci.

 La procédure précontentieuse

22      À la suite du prononcé de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182), les services de la Commission ont échangé plusieurs courriers avec les autorités italiennes portant sur l’état d’avancement de la récupération des aides en cause.

23      Ainsi qu’il ressort de cet échange, les autorités italiennes ont recensé 26 bénéficiaires qui auraient dû rembourser l’aide illégale et incompatible avec le marché commun dont ils avaient bénéficié. Toutefois, selon ces autorités, certains d’entre eux avaient satisfait à l’obligation de remboursement et la Région autonome de Sardaigne avait pris des mesures pour récupérer les aides en cause auprès des autres bénéficiaires défaillants, en émettant des injonctions appropriées. En outre, certains des bénéficiaires auraient été insolvables et n’auraient, de ce fait, pas été en mesure de rembourser les aides reçues.

24      En outre, par lettre du 14 février 2013, les autorités italiennes ont informé la Commission du fait que le pourvoi en cassation portant sur la légalité de la décision 2008/854 était encore pendant devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), que le Tribunale civile di Cagliari (tribunal civil de Cagliari, Italie) avait ordonné le sursis à exécution des injonctions de paiement et que le Consiglio di Stato (Conseil d’État) avait suspendu la force exécutoire des décisions de révocation des subventions accordées aux entreprises bénéficiaires. Cette suspension rendrait illégal tout nouvel enrôlement des entreprises précédemment visées par les injonctions de paiement.

25      Le 11 juillet 2014, considérant que l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182), n’avait pas encore été exécuté, la Commission a envoyé une lettre de mise en demeure à la République italienne, qui l’a reçue le même jour, en application de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, l’invitant à présenter ses observations dans un délai de deux mois.

26      La République italienne se prévaut, dans ses lettres adressées à la Commission en réponse à sa lettre de mise en demeure, de l’impossibilité dans laquelle se trouvait la Région autonome de Sardaigne de récupérer les aides en cause, compte tenu des décisions de sursis à exécution ordonnées par les juridictions nationales. Cette dernière a également précisé que, par arrêts du 7 juillet 2014, le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna (tribunal administratif régional pour la Sardaigne, Italie) a rejeté les recours tendant à l’annulation des actes sur le fondement desquels les ordres de recouvrement avaient été émis. En outre, le Tribunale civile di Cagliari (tribunal civil de Cagliari) a révoqué, par décision du 7 septembre 2014, la suspension des injonctions de paiement à titre de remboursement, par le Grand Hotel Abi d’Oru SpA, des aides qui lui avaient été illégalement octroyées.

27      En outre, la République italienne a informé la Commission de ses efforts destinés à réformer la procédure de récupération des aides en cause, plus particulièrement au moyen du decreto legge n. 59/08 (décret-loi no 59/08), du 8 avril 2008 (GURI no 84, du 9 avril 2008, p. 3), en vigueur depuis le 9 avril 2008, converti en loi par la legge n. 101 (loi no 101), du 6 juin 2008 (GURI no 132, du 7 juin 2008, p. 4), de nouvelles modifications de cette procédure étant envisagées.

28      Après l’écoulement du délai fixé dans la lettre de mise en demeure, la Commission et la République italienne ont continué à échanger une correspondance relative à l’exécution de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182).

29      Dans le cadre de cet échange, les autorités italiennes ont informé les services de la Commission que tous les bénéficiaires qui n’étaient pas insolvables avaient formé un pourvoi contre les arrêts du Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna (tribunal administratif régional pour la Sardaigne) et que, par conséquent, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) avait ordonné un sursis à l’exécution desdits arrêts en raison du risque que les droits des entreprises concernées soient compromis. En outre, le Tribunale civile di Cagliari (tribunal civil de Cagliari) a de nouveau ordonné la suspension de l’ordre de recouvrement concernant le Grand Hotel Abi d’Oru.

30      N’ayant pas reçu de réponse à sa lettre du 6 février 2015 invitant la République italienne à fournir toutes les informations pertinentes relatives aux litiges pendants devant les juridictions italiennes concernant les actes nationaux de recouvrement des aides en cause, la Commission a décidé, le 29 avril 2015, de saisir la Cour d’un recours en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE.

31      Les autorités italiennes ont informé la Commission, par courrier du 12 juin 2015, que le Consiglio di Stato (Conseil d’État) avait rejeté les pourvois formés par les bénéficiaires des aides en cause. Au cours du mois d’août 2015, les autorités italiennes ont fait savoir aux services de la Commission que le Tribunale civile di Cagliari (tribunal civil de Cagliari) avait rejeté 17 recours en annulation des ordres de recouvrement, seul le recours introduit par Timsas Srl étant encore pendant.

32      Le 22 octobre 2015, la Région autonome de Sardaigne a présenté à la Commission un plan d’échelonnement de recouvrement de dette en faveur des bénéficiaires des aides en cause qui n’avaient pas encore remboursé celles-ci, selon lequel les versements mensuels devaient être effectués à partir du mois de novembre 2015 jusqu’au 31 octobre 2016. La Commission a accepté cette demande et a décidé de ne pas saisir, à ce stade, la Cour d’un recours en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE.

33      Au cours du mois de décembre 2015, les autorités italiennes ont informé la Commission du retard dans l’exécution du plan de recouvrement échelonné du fait que les bénéficiaires concernés avaient refusé de rembourser des sommes dues et avaient demandé que le montant des impôts acquittés soit déduit du montant qui devait être remboursé.

34      Au cours du mois de janvier 2016, la Commission a été informée par les autorités italiennes que tous les bénéficiaires concernés avaient interjeté appel devant la Corte d’appello di Cagliari (cour d’appel de Cagliari, Italie) contre les arrêts du Tribunale civile di Cagliari (tribunal civil de Cagliari) rejetant les recours en annulation des ordres de recouvrement.

35      Par courrier du 22 avril 2016, les autorités italiennes ont informé la Commission de l’état de la mise en œuvre du plan d’échelonnement au cours des six premiers mois de sa réalisation. Il ressortait de cette information que la procédure d’exécution forcée avait été relancée contre les six bénéficiaires qui ne respectaient pas ce plan, que les neuf autres bénéficiaires avaient versé une ou plusieurs mensualités, et que, si les recours en appel formés par les 16 bénéficiaires étaient pendants devant la Corte d’appello di Cagliari (cour d’appel de Cagliari), les ordres de recouvrement contre ces bénéficiaires ne faisaient pas l’objet d’un sursis à exécution.

36      En ce qui concerne Timsas, qui ne faisait pas l’objet du plan d’échelonnement en cause, les autorités italiennes ont précisé que ce bénéficiaire avait saisi le Consiglio di Stato (Conseil d’État) d’un recours tendant à obtenir la révocation de l’arrêt rendu précédemment par cette même juridiction.

37      Par arrêts du 18 mai 2017, la Corte d’appello di Cagliari (cour d’appel de Cagliari) a partiellement annulé les ordres de recouvrement des aides en cause. Si, dans huit affaires, les bénéficiaires ont été condamnés à rembourser les aides perçues, les intérêts n’ont été comptés qu’à partir de la date de notification de l’ordre de recouvrement au bénéficiaire concerné.

38      Dans ces conditions, au cours du mois d’octobre 2017, la Région autonome de Sardaigne a de nouveau suspendu l’exécution des ordres de recouvrement des aides en cause en se conformant aux arrêts visés au point précédent.

39      Au cours du mois de novembre 2017, les autorités italiennes ont demandé d’exclure deux bénéficiaires de la liste de ceux auprès desquels l’aide pouvait être récupérée, étant donné qu’ils ne semblaient plus en activité et que le montant dû au titre du remboursement de l’aide était irrécouvrable.

40      Au cours du mois de décembre 2017, les services de la Commission ont invité les autorités italiennes à entreprendre de nouvelles actions et à fournir des éclaircissements supplémentaires concernant les modifications législatives annoncées par ces autorités et prévoyant une compétence exclusive des juridictions administratives en matière de récupération d’aides d’État.

41      Au cours du mois de janvier 2018, la République italienne a informé la Commission que lesdites modifications législatives n’apparaissaient pas nécessaires et qu’elles n’auraient, en tout état de cause, aucune incidence sur les récupérations visées par la procédure précontentieuse de la Commission dans la présente affaire.

42      Après un échange de correspondance entre la République italienne et la Commission entre les mois de janvier et juin 2018, cette institution a décidé, le 7 juin 2018, d’introduire le présent recours.

 Sur le manquement

 Argumentation des parties

43      La Commission soutient que la date de référence pour apprécier l’existence d’un manquement est celle fixée dans la lettre de mise en demeure émise en vertu de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, à savoir, en l’espèce, le 11 septembre 2014.

44      À cet égard, cette institution rappelle que, ainsi qu’elle l’a constaté dans sa lettre de mise en demeure sur la base des informations fournies par les autorités italiennes, les aides en cause n’avaient pas encore été récupérées auprès de 20 bénéficiaires de ces aides, ce qui représentait un montant équivalent à 12 681 045 euros en capital. En effet, depuis le prononcé de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182), seulement 8 % desdites aides auraient été récupérés. Cette situation serait demeurée inchangée à la date d’expiration du délai imparti dans ladite lettre de mise en demeure.

45      Les justifications avancées par les autorités italiennes ne constitueraient pas un cas d’impossibilité absolue de récupérer les aides en cause, ce qui serait d’ailleurs confirmé par l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182).

46      S’agissant des décisions des juridictions italiennes invoquées par la République italienne pour justifier le défaut de recouvrement des aides en cause, la Commission soutient que cet argument avait déjà été soulevé par cet État membre dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182) et qu’il a été rejeté par la Cour.

47      En ce qui concerne les modifications législatives opérées par la République italienne, la Commission constate qu’elles n’ont pas eu d’effet sur le recouvrement des aides en cause.

48      Si, après l’expiration du délai imparti dans la lettre de mise en demeure, quelques progrès ont été accomplis en ce qui concerne ce recouvrement, il n’en resterait pas moins que les aides en cause n’auraient pas encore été intégralement récupérées auprès de neuf de leurs bénéficiaires.

49      Sur ces neuf bénéficiaires, seuls deux d’entre eux, à savoir Grand Hotel Abi d’Oru et Timsas, ne seraient pas concernés par les pourvois formés devant la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie) contre les arrêts du 18 mai 2017 de la Corte d’appello di Cagliari (cour d’appel de Cagliari).

50      En outre, la Commission soutient que, par lesdits arrêts, la Corte d’appello di Cagliari (cour d’appel de Cagliari) a annulé également certains ordres de paiement en vertu desquels les bénéficiaires avaient déjà remboursé les aides qui leur avaient été illégalement octroyées.

51      À cet égard, dans ces arrêts, la Corte d’appello di Cagliari (cour d’appel de Cagliari) se serait fondée sur les points 276 et 277 de l’arrêt du Tribunal du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission (T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08, EU:T:2011:493), pour reconnaître une confiance légitime dans le chef des bénéficiaires concernés. Plus précisément, ces bénéficiaires n’auraient pas été tenus de vérifier les informations fournies par la Région autonome de Sardaigne, de même que la légalité des actes adoptés par celle-ci. Partant, la Corte d’appello di Cagliari (cour d’appel de Cagliari) aurait jugé, sur le fondement de l’arrêt de la Cour du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428), que la Région autonome de Sardaigne était tenue de réparer les dommages subis par les bénéficiaires concernés, les dommages accordés ne constituant pas une aide d’État, conformément à l’arrêt du 27 septembre 1988, Asteris e.a. (106/87 à 120/87, EU:C:1988:457). En outre, cette juridiction aurait jugé que, dès lors que les bénéficiaires avaient reçu les aides en cause de bonne foi, ils étaient tenus de rembourser les intérêts sur les montants perçus non pas à compter de la date de mise à disposition desdits montants, mais seulement à partir de la date à laquelle les ordres de recouvrement leur ont été notifiés.

52      Or, de l’avis de la Commission, la Corte d’appello di Cagliari (cour d’appel de Cagliari) a fondé ses décisions sur la circonstance que la Région autonome de Sardaigne avait adopté un certain nombre d’actes et de mesures qui avaient fait naître, auprès des bénéficiaires des aides en cause, une confiance légitime dans la compatibilité de celles-ci avec le droit de l’Union. Ce faisant, cette juridiction aurait étayé sa décision sur le fondement d’une conception « nationale » de la confiance légitime, qui se distinguerait du principe de confiance légitime, en tant que principe général du droit de l’Union.

53      Dans ces conditions, la Commission exprime des doutes quant à la question de savoir si la Région autonome de Sardaigne peut être tenue de restituer les intérêts calculés à compter de la date à laquelle l’aide a été mise à disposition du bénéficiaire concerné jusqu’à celle de la notification de l’ordre de recouvrement, ainsi que, le cas échéant, le montant des dommages et intérêts éventuellement accordés à ce bénéficiaire.

54      La Commission ajoute que, dans quinze affaires jugées par la Corte d’appello di Cagliari (cour d’appel de Cagliari), la Région autonome de Sardaigne a formé des pourvois devant la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) en invoquant notamment des moyens tirés de la violation du droit de l’Union et de la méconnaissance de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182).

55      Cette institution rappelle que l’obligation d’exécuter cet arrêt incombe à tous les organes de la République italienne, y compris à ses juridictions.

56      Conformément à la jurisprudence de la Cour, ces juridictions nationales seraient tenues de s’abstenir de prendre des décisions allant à l’encontre de la décision 2008/854 et devraient garantir l’exécution immédiate et effective de cette décision.

57      S’agissant de l’argument tiré de la prétendue confiance légitime des bénéficiaires dans la compatibilité des aides en cause avec le droit de l’Union, la Commission rappelle que celui-ci a déjà été rejeté par la Cour dans son l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182).

58      En ce qui concerne la responsabilité de l’État italien, reconnue par les arrêts du 18 mai 2017 de la Corte d’appello di Cagliari (cour d’appel de Cagliari), la Commission soutient que l’article 108, paragraphe 3, TFUE prévoit non pas un droit à une aide, ou un droit à un remboursement limité, mais accorde des droits aux concurrents des bénéficiaires de l’aide illégale.

59      La République italienne conteste le manquement qui lui est reproché.

60      Cet État membre fait valoir que la Commission a omis d’examiner les circonstances déterminantes pour vérifier l’existence d’un manquement. Or, le fait qu’une partie des aides en cause n’ait pas encore été récupérée ne permettrait pas, à lui seul, d’affirmer que les mesures nécessaires à leur restitution n’ont pas été prises.

61      En effet, la République italienne aurait adopté les démarches nécessaires pour assurer le recouvrement des aides en cause. En particulier, elle aurait pris en temps utile les décisions de retrait de ces aides et ordonné le recouvrement de celles-ci auprès des bénéficiaires qui n’avaient pas contesté les décisions de retrait desdites aides devant le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna (tribunal administratif régional pour la Sardaigne). Cet État membre aurait lancé des mesures d’exécution forcée à l’encontre de ces bénéficiaires. Dans ce cadre, une demande de mise en faillite de trois de ceux-ci aurait même été déposée. En outre, un plan de recouvrement échelonné aurait été approuvé par la Commission. Les autorités italiennes auraient également participé à la procédure devant les juridictions administratives et civiles saisies par les bénéficiaires des aides en cause.

62      La République italienne reconnaît que, à la date de dépôt de son mémoire en défense, le montant en capital recouvré s’élevait à 8 304 794,26 euros, soit 60,37 % du total du montant initial à récupérer. Dans le même temps, cet État membre précise que le pourcentage de récupération a progressé de manière particulièrement rapide et substantielle au cours des trois années précédentes et notamment pendant l’année 2016, grâce à une mise en œuvre du plan de recouvrement échelonné. En effet, la mise en œuvre de ce plan aurait permis de porter le taux de recouvrement de 14 à 52,40 %.

63      La procédure de recouvrement ayant abouti en ce qui concerne 16 des 23 bénéficiaires des aides en cause, 13 de ces bénéficiaires auraient remboursé les aides perçues tandis que trois autres auraient cessé leurs activités. Dans le cas de l’entreprise Nicos Residence, qui a été déclarée en faillite, la procédure de production des créances de l’État italien au passif de la faillite serait toujours en cours.

64      Partant, seuls six bénéficiaires seraient encore tenus de rembourser les aides qu’ils ont illégalement perçues. Or, chacun de ces bénéficiaires aurait fait l’objet soit d’une inscription hypothécaire sur un bien immobilier, soit d’une saisie-arrêt mobilière. Seul le bénéficiaire Timsas ne ferait pas encore l’objet d’une procédure d’exécution.

65      Au cours de la procédure précontentieuse, la République italienne aurait agi dans le respect du principe de coopération loyale avec la Commission, en fournissant à celle-ci les renseignements ainsi que les documents requis.

66      Cela étant, la République italienne se trouverait, de manière temporaire, dans l’impossibilité absolue de procéder à la récupération des aides en cause en raison des décisions des juridictions italiennes ordonnant le sursis à exécuter des ordres nationaux de recouvrement de ces aides. Par conséquent, cet État membre ne pourrait pas procéder à l’exécution forcée sur les biens des bénéficiaires desdites aides. En effet, une violation de l’obligation de respecter les mesures conservatoires prescrites par un juge, d’une part, serait soumise à la sanction pénale prévue à l’article 650 du code pénal italien et, d’autre part, engagerait la responsabilité patrimoniale de l’administration.

67      S’agissant de la suspension de la procédure de recouvrement, décidée par les juridictions italiennes au cours de la procédure afférente aux pourvois formés devant la Cour contre l’arrêt du Tribunal du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission (T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08, EU:T:2011:493), la République italienne soutient qu’elle était conforme à la jurisprudence de la Cour, telle qu’elle se dégage de l’arrêt du 14 décembre 2000, Masterfoods et HB (C‑344/98, EU:C:2000:689).

68      Il résulterait également de la jurisprudence de la Cour, et notamment des ordonnances du président de la Cour du 6 février 1986, Deufil/Commission (310/85 R, EU:C:1986:58, point 22), du 15 juin 1987, Belgique/Commission (142/87 R, EU:C:1987:281, point 26), ainsi que du 14 décembre 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission [C‑446/10 P(R), non publiée, EU:C:2011:829, point 46], que l’existence de voies de recours internes permettant à l’entreprise bénéficiaire d’une aide d’État illégale de contester au niveau national les mesures de recouvrement constituerait une garantie lui permettant d’éviter le préjudice grave et irréparable résultant du remboursement de l’aide en question.

69      En outre, la République italienne aurait mis en œuvre une série de mesures exceptionnelles afin de surmonter les difficultés encourues dans le cadre du recouvrement des aides en cause.

70      En particulier, elle aurait invité, le 9 septembre 2014, la Commission à intervenir en qualité d’amicus curiae dans la procédure devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État) portant sur ce recouvrement.

71      Si cette intervention n’a pas été admise, la Commission aurait néanmoins transmis un document présentant les règles applicables aux procédures nationales de récupération des aides, ce document ayant été, par la suite, versé au dossier dans l’affaire pendante devant cette juridiction nationale.

72      En informant la Commission d’un nouveau report de la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État), la République italienne aurait réitéré, le 2 février 2015, sa demande d’intervention de la Commission en qualité d’amicus curiae. Cependant, cette demande aurait été également rejetée.

73      S’agissant des procédures en cours devant la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) portant sur quinze pourvois formés par les autorités italiennes, dans lesquelles une audience aurait été fixée le 9 janvier 2015, la République italienne considère que l’action de la Commission est prématurée et porte atteinte à l’autonomie procédurale de cet État membre.

74      S’agissant de l’affaire relative au bénéficiaire Timsas, celle-ci aurait été, à la date de dépôt du mémoire en défense, au stade du délibéré devant la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation).

75      Dans l’affaire concernant Grand Hôtel Abi d’Oru, la Corte d’appello di Cagliari (cour d’appel de Cagliari) aurait rejeté son appel par un arrêt du 1er octobre 2018.

76      Dans son mémoire en réplique, la Commission soutient que l’intervention en tant qu’amicus curiae dans les procédures nationales portant sur la récupération d’aides illégales constitue une compétence de cette institution prévue à l’article 29, paragraphe 2, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9).

77      La Commission reproche à la République italienne de ne pas avoir respecté son obligation de lui transmettre les rapports mensuels faisant état de la mise en œuvre du plan de recouvrement échelonné.

78      S’agissant du fait, avancé par la République italienne, que le bénéficiaire Gimar aurait remboursé la totalité du montant dû, la Commission estime que ce remboursement s’élevait au montant tel qu’il ressort de la décision de la Corte d’appello di Cagliari (cour d’appel de Cagliari) prise en violation du droit de l’Union. Partant, de l’avis de la Commission, Gimar devrait encore rembourser la somme de 95 115,84 euros, calculée au 30 novembre 2018.

79      La Commission ajoute que, s’agissant des procédures judiciaires relatives à la récupération des aides en cause dont Timsas a bénéficié, qui aurait reçu environ 15 % du montant total de ces dernières, ces procédures sont toujours pendantes.

80      Sur la base des dernières informations fournies par les autorités italiennes le 21 décembre 2018, le pourcentage d’aides récupérées serait de 63,72 % en capital. Les intérêts à recouvrer s’élèveraient à 3 337 684,90 euros.

81      La Commission fait valoir que l’argument de la République italienne tiré de ce que cette dernière se trouverait, de manière temporaire, dans l’impossibilité absolue de procéder à la récupération des aides en cause est lié aux retards dans le recouvrement engendrés par les décisions des juridictions italiennes et, en tant que tel, ne saurait être accepté.

82      Dans son mémoire en duplique, la République italienne fournit des informations supplémentaires concernant le recouvrement de ces aides.

83      En particulier, cet État membre précise qu’il est en mesure de récupérer les aides en cause accordées au bénéficiaire Timsas. En effet, la révocation du sursis à exécution des ordres de paiement par une ordonnance du Tribunale civile di Cagliari (tribunal civil de Cagliari), du 14 février 2019, aurait permis de procéder, le 20 février 2019, à l’enrôlement de Baia Silvella, successeur de Timsas.

84      En outre, la République italienne fournit neuf décisions de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) ayant accueilli les recours introduits par la Région autonome de Sardaigne contre les arrêts de la Corte d’appello di Cagliari (cour d’appel de Cagliari). Par ces arrêts, la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) aurait dit pour droit qu’il y avait lieu de respecter le droit de l’Union en ce qui concerne la récupération des aides en cause et aurait rejeté la possibilité pour les bénéficiaires de faire valoir, en l’espèce, le principe de confiance légitime.

 Appréciation de la Cour

85      Afin de déterminer si la République italienne a adopté toutes les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182), il convient de vérifier si les montants versés au titre des aides en cause ont été restitués par les entreprises bénéficiaires de celles-ci.

86      À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’État membre destinataire d’une décision l’obligeant à récupérer des aides illégales déclarées incompatibles avec le marché intérieur est tenu, en vertu de l’article 288 TFUE, de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution de cette décision. Il doit parvenir à un recouvrement effectif des sommes dues afin d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par ces aides (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 68 et jurisprudence citée).

87      En effet, la récupération d’une aide illégale déclarée incompatible avec le marché intérieur doit être effectuée sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin, les États membres concernés sont tenus de prendre toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit de l’Union (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 69 et jurisprudence citée).

88      Il convient de préciser d’emblée que, en ce qui concerne la procédure en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, il y a lieu de retenir comme date de référence pour apprécier l’existence d’un tel manquement celle de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure émise en vertu de cette disposition (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 73 et jurisprudence citée).

89      En l’espèce, ainsi qu’il a été rappelé au point 25 du présent arrêt, la Commission ayant fait parvenir une lettre de mise en demeure à la République italienne le 11 juillet 2014, conformément à la procédure prévue à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, la date de référence mentionnée au point précédent est celle de l’expiration du délai fixé dans cette lettre, à savoir le 11 septembre 2014.

90      À cet égard, la Commission a précisé, dans cette lettre de mise en demeure, que 8 % seulement des aides en cause avaient été récupérées, et que ce recouvrement faisait toujours défaut auprès de 20 bénéficiaires de ces aides, ce qui représentait un montant équivalent à 12 681 045 euros en capital. Cette situation serait demeurée inchangée à la date du 11 septembre 2014.

91      En outre, la République italienne a reconnu, dans son mémoire en défense du 20 novembre 2018, que, à cette date, le montant en capital recouvré s’élevait à 8 304 794,26 euros, soit 60,37 % du total du montant initial à récupérer.

92      Il en résulte que plus de quatre ans après la date de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure le 11 septembre 2014, une partie importante desdites aides n’avait toujours pas été récupérée.

93      Dans ces conditions, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le montant exact des aides en cause effectivement recouvré à la date de l’expiration du délai fixé dans cette lettre de mise en demeure, il convient de constater que, à cette date, ces aides n’ont pas été intégralement récupérées.

94      En particulier, il ressort du dossier soumis à la Cour que, à ladite date, aucune aide illégalement accordée à Timsas, un bénéficiaire de plus que 15 % du montant total des aides en cause, n’avait été récupérée.

95      La République italienne soulève plusieurs arguments pour justifier ce retard dans la récupération de ces aides.

96      Tout d’abord, cet État membre soutient que seulement une partie desdites aides n’a pas été récupérée, les autorités italiennes ayant adopté les démarches nécessaires pour assurer le recouvrement des sommes dues au titre de celles-ci.

97      En particulier, la Région autonome de Sardaigne aurait préparé un plan de recouvrement échelonné des aides en cause, accepté par la Commission, selon lequel les versements mensuels devaient être effectués à partir du mois de novembre 2015 jusqu’au 31 octobre 2016.

98      À cet égard, il convient de constater que dans la mesure où, ainsi qu’il ressort des points 91 et 92 du présent arrêt, une partie importante des aides en cause n’a pas été récupérée, et cela malgré l’adoption, après la date de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure, à savoir après le 11 septembre 2014, du plan de recouvrement échelonné visé au point précédent, la République italienne ne saurait prétendre qu’elle a pris toutes les mesures nécessaires aux fins de l’exécution de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182) (voir, par analogie, arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, points 113 et 114).

99      En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’État membre concerné doit veiller soit à la récupération de l’intégralité du montant des aides illégales, soit à la liquidation de l’entreprise bénéficiaire de ces aides et à la cessation définitive de ses activités, si une telle récupération reste impossible au cours de la procédure de faillite (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 2018, Commission/Grèce, C‑363/16, EU:C:2018:12, point 42, et du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 112).

100    Or, en l’espèce, la République italienne n’a pas démontré que la récupération de l’intégralité des sommes octroyées au titre des aides en cause serait impossible en raison de la situation des bénéficiaires de ces aides ayant fait l’objet d’une déclaration de faillite.

101    Selon la jurisprudence de la Cour, le seul moyen de défense susceptible d’être invoqué par un État membre contre un recours en manquement ayant pour objet l’exécution d’une décision de la Commission ordonnant la suppression et la récupération d’une aide accordée illégalement par un État membre est celui tiré d’une impossibilité absolue d’exécuter correctement cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 29 mars 2012, Commission/Italie, C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182, point 40, et du 9 novembre 2017, Commission/Grèce, C‑481/16, non publié, EU:C:2017:845, point 28).

102    Certes, à cet égard, la République italienne soulève, ensuite, un argument tiré de l’« impossibilité absolue temporaire » de la récupération des aides en cause et de l’exécution de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182), en raison des décisions des juridictions italiennes ayant ordonné un sursis à l’exécution des ordres nationaux de recouvrement de ces aides ou procédant à l’annulation de ces ordres.

103    Cependant, cet argument a déjà été examiné et rejeté par la Cour dans l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182). Dans cet arrêt, la Cour a jugé qu’un tel sursis à exécuter des ordres nationaux de recouvrement pourrait être prononcé par les juridictions nationales uniquement sous la condition du respect des critères énoncés par la jurisprudence de la Cour et, en particulier, des arrêts du 21 février 1991, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest (C‑143/88 et C‑92/89, EU:C:1991:65), et du 9 novembre 1995, Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a. (I) (C‑465/93, EU:C:1995:369). En particulier, un tel sursis devrait être justifié par des arguments visant à établir l’invalidité de la décision de la Commission ordonnant la récupération des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur.

104    Or, en l’espèce, le Tribunal ayant rejeté, dans l’arrêt du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission (T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08, EU:T:2011:493), les recours tendant à l’annulation de la décision 2008/854 et la Cour ayant confirmé ce rejet dans l’arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission (C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387), aucun sursis, par les juridictions italiennes, des ordres nationaux de recouvrement des aides en cause ne saurait être accordé.

105    Au demeurant, dans la mesure où la République italienne invoque des difficultés dans l’exécution des ordres de recouvrement des aides en cause en raison des procédures pendantes devant les différentes juridictions de cet État membre et visant ces ordres, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence de la Cour, un État membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union (arrêt du 17 septembre 2015, Commission/Italie, C‑367/14, non publié, EU:C:2015:611, point 51).

106    Enfin, en ce qui concerne la prétendue confiance légitime, dans le chef des bénéficiaires des aides en cause, dans la compatibilité de celles-ci avec le droit de l’Union, invoquée par les juridictions italiennes pour justifier l’annulation des ordres nationaux de recouvrement ou pour limiter le montant des intérêts portant sur les montants perçus au titre de ces aides, la Cour a déjà jugé, au point 47 de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182), qu’un tel argument ne saurait être valablement soulevé par l’État membre concerné dans le cadre d’un recours en manquement ayant pour objet la mise en œuvre d’une décision de la Commission ordonnant la récupération des aides illégales.

107    Il ressort des considérations qui précèdent que la République italienne ne saurait valablement soutenir qu’elle a pris toutes les mesures nécessaires afin de mettre en œuvre la procédure de récupération des aides en cause. Partant, l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182), constatant le manquement demeure, à la date du 11 septembre 2014, inexécuté.

108    Par conséquent, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas pris, à la date à laquelle a expiré le délai imparti dans la lettre de mise en demeure émise le 11 juillet 2014 par la Commission, toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182), la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.

 Sur les sanctions pécuniaires

 Argumentation des parties

109    En ce qui concerne le montant des sanctions pécuniaire, la Commission se fonde sur sa communication SEC(2005) 1658, du 12 décembre 2005, intitulée « Mise en œuvre de l’article [260 TFUE] » (JO 2007, C 126, p. 15), telle que mise à jour par sa communication, du 15 décembre 2017, intitulée « Mise à jour des données utilisées pour le calcul des sommes forfaitaires et des astreintes que la Commission proposera à la [Cour] dans le cadre de procédures d’infraction » (JO 2017, C 431, p. 3).

110    La Commission soutient que la gravité de l’infraction au droit de l’Union commise par la République italienne est démontrée par le fait que, dix ans après l’adoption de la décision 2008/854, les progrès dans la récupération des aides en cause demeurent très lents et peu importants.

111    Cette institution reconnaît que, bien qu’il n’ait pas été intégralement et correctement exécuté, le plan de recouvrement échelonné du mois de décembre 2015 a permis de récupérer, entre les années 2015 et 2016, approximativement 6,3 millions d’euros, soit près de la moitié de la somme totale des aides en cause.

112    Néanmoins, il ressortirait des dernières informations communiquées par la République italienne au mois de juillet 2018 que 6 031 626,47 euros restent à récupérer, soit 47,4 % du montant total octroyé en capital.

113    S’agissant du coefficient de gravité à adopter aux fins d’une sanction pécuniaire, la Commission rappelle, d’une part, que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 novembre 2011, Commission/Italie (C‑496/09, EU:C:2011:740), un coefficient 8 a été retenu. D’autre part, la présente affaire se caractériserait par des circonstances atténuantes, à savoir les modifications législatives procédurales adoptées par le législateur italien afin d’augmenter l’efficacité du recouvrement des aides en cause, le montant moindre des aides à récupérer dans le cadre de la présente affaire que dans celle ayant fait l’objet dudit arrêt, ainsi que le fait que, en l’espèce, les aides à récupérer relèvent d’un seul secteur d’activité économique et d’une seule région de la République italienne.

114    S’agissant de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mai 2014, Commission/Espagne (C‑184/11, EU:C:2014:316), la Commission a retenu un coefficient 9 pour un cas d’absence d’exécution de six décisions de cette institution concernant l’absence de récupération des aides illégales accordées au Pays basque. Cependant, dans ladite affaire, il n’aurait existé aucune circonstance atténuante, une circonstance aggravante aurait été présente et le montant des aides à récupérer aurait été beaucoup plus élevé que celui en cause dans la présente affaire.

115    Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 septembre 2015, Commission/Italie (C‑367/14, non publié, EU:C:2015:611), un coefficient de gravité 7 aurait été retenu par la Commission en raison du fait que la République italienne faisait l’objet de diverses procédures d’infraction en matière d’aides d’État. Dans le même temps, la Commission ajoute que, dans la présente affaire, le montant des aides à récupérer est nettement inférieur et que le montant déjà récupéré est supérieur à celui en cause dans l’affaire ayant fait l’objet dudit arrêt.

116    Dans le cadre de la présente affaire, la Commission constate la présence d’une circonstance atténuante, à savoir le fait que la Région autonome de Sardaigne s’est efforcée de recouvrer les aides en cause en élaborant un plan de recouvrement échelonné de celles-ci.

117    Compte tenu de ces considérations, la Commission considère approprié de fixer un coefficient de gravité de l’infraction de 4.

118    En ce qui concerne le coefficient de durée de l’infraction pour le calcul de l’astreinte, la Commission observe, à titre indicatif, que la durée de cette infraction à partir de la date de l’arrêt constatant le manquement jusqu’à la date où la Commission a pris la décision de saisir la Cour est de 75 mois. Partant, un coefficient de durée maximal, à savoir un coefficient 3, devrait être adopté.

119    S’agissant de la somme forfaitaire, compte tenu du coefficient de gravité 4 ainsi que du « facteur n » fixé pour l’Italie, la somme forfaitaire à appliquer devrait être fixée en multipliant un montant journalier de 13 892 euros par le nombre de jours durant lesquels l’infraction a persisté, avec un minimum de 8 715 000 euros.

120    La République italienne rétorque qu’il n’y a pas lieu de cumuler l’astreinte et la somme forfaitaire. Ces deux sanctions ayant un caractère alternatif, conformément à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, leur cumul devrait être en principe exclu, à moins que la Commission démontre la nécessité d’appliquer ces sanctions aux fins de l’exécution intégrale de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182).

121    Les deux juridictions italiennes, à savoir la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) et la Corte d’appello di Cagliari (cour d’appel de Cagliari) participant activement, au stade actuel, au recouvrement des aides en cause, aucune astreinte et, à plus forte raison, aucune somme forfaitaire ne saurait être appliquée.

122    En tout état de cause, le montant des sanctions proposé par la Commission serait disproportionné.

123    À cet égard, la République italienne soutient que les aides en cause ne concernent qu’un petit nombre d’entreprises hôtelières sardes et que la distorsion de concurrence alléguée est donc cantonnée au seul secteur hôtelier local.

124    En retenant un coefficient de gravité de l’infraction de 4, la Commission ne tiendrait pas compte de la récupération des aides en cause à laquelle il a déjà été procédé à concurrence de plus de 60 % du montant total de celles-ci ni des mesures adoptées en matière d’exécution des ordres de recouvrement ainsi que de celles destinées à accélérer les procédures judiciaires à cet égard.

125    La République italienne considère, partant, que le coefficient de gravité devrait être fixé non pas à 4, mais à 1.

126    S’agissant du coefficient de durée de l’infraction, cet État membre est d’avis que la Commission aurait dû tenir compte de son approbation, au mois de novembre 2015, du plan de recouvrement échelonné des aides en cause.

127    La durée de l’infraction serait de 19 mois et, par conséquent, le coefficient y relatif devrait être fixé à 1,9.

128    La République italienne ajoute qu’une astreinte dégressive permettrait à la Commission d’apprécier l’état d’avancement des mesures d’exécution de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182), compte tenu de la situation prévalant au cours de la période concernée.

129    Dans son mémoire en réplique, la Commission fait état de nombreux manquements, au sens de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, de la République italienne dans le domaine des aides d’État, ces manquements justifiant l’imposition d’une sanction suffisamment persuasive.

130    En outre, la Commission souligne que, si la nature de l’infraction était seulement locale, les mesures faisant l’objet de la décision 2008/854 n’auraient probablement pas été qualifiées d’aides d’État incompatibles avec le marché intérieur.

131    S’agissant du progrès effectué dans le processus de recouvrement des aides en cause par la République italienne, cette institution ajoute que celui-ci n’a été ni significatif ni constant, puisque 36 % du montant total de ces aides, majoré des intérêts, restent à récupérer. De l’avis de la Commission, l’astreinte devrait être fixe et non pas dégressive, dans la mesure où la récupération des aides en cause est possible dans un bref délai.

132    La République italienne rétorque, dans son mémoire en duplique, qu’il n’est nullement démontré par la Commission que de nombreux manquements peuvent lui être reprochés. En outre, cet État membre réitère son argument faisant état d’un progrès dans le recouvrement des aides en cause et souligne de nouveau l’importance de l’approbation, par la Commission, du plan de recouvrement échelonné de ces aides.

133    Ledit État membre relève que l’argument de la Commission selon lequel la récupération des aides en cause est possible dans un bref délai est en contradiction avec un autre constat fait par cette institution, à savoir que le litige pendant devant les juridictions italiennes portant sur le recouvrement est loin d’être achevé.

 Appréciation de la Cour

134    Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que la procédure prévue à l’article 260, paragraphe 2, TFUE a pour objectif d’inciter un État membre défaillant à exécuter un arrêt en manquement et, par là, d’assurer l’application effective du droit de l’Union et que les mesures prévues par cette disposition, à savoir l’astreinte et la somme forfaitaire, visent toutes les deux ce même objectif (arrêt du 17 septembre 2015, Commission/Italie, C‑367/14, non publié, EU:C:2015:611, point 85 et jurisprudence citée).

135    Il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l’espèce dont elle se trouve saisie ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, d’arrêter les sanctions pécuniaires appropriées pour assurer l’exécution la plus rapide de l’arrêt ayant précédemment constaté un manquement et prévenir la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union (arrêt du 17 septembre 2015, Commission/Italie, C‑367/14, non publié, EU:C:2015:611, point 86 et jurisprudence citée).

136    Ainsi, les propositions de la Commission ne sauraient lier la Cour et ne constituent qu’une base de référence utile. De même, des lignes directrices telles que celles contenues dans les communications de la Commission ne lient pas la Cour, mais contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par cette institution (arrêt du 17 septembre 2015, Commission/Italie, C‑367/14, non publié, EU:C:2015:611, point 87 et jurisprudence citée).

 Sur l’astreinte

137    Selon une jurisprudence de la Cour, l’infliction d’une astreinte ne se justifie, en principe, que pour autant que perdure le manquement tiré de l’inexécution d’un précédent arrêt jusqu’à l’examen des faits par la Cour (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 108 et jurisprudence citée).

138    En l’espèce, la République italienne soutient que, à la date de l’examen des faits par la Cour, elle a exécuté la plupart des engagements qui découlent tant de la décision 2008/854 que de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182).

139    En effet, d’une part, cet État membre fait valoir, dans son mémoire en duplique, qu’il a récupéré 63,74 % du montant total en capital des aides en cause ou 60,61 % de ce montant en capital augmenté des intérêts dus. Il ajoute, à cet égard, que les dernières décisions des juridictions italiennes, visées aux points 83 et 84 du présent arrêt, témoignent des efforts considérables dudit État membre pour récupérer les aides en cause.

140    D’autre part, par lettre du 26 septembre 2019, parvenue à la Cour le 30 septembre 2019, la République italienne a informé la Cour, en réponse à sa demande, que le pourcentage des aides en cause récupérées s’élève, au 15 septembre 2019, à 77 % du montant total en capital de celles-ci, augmenté des intérêts.

141    En outre, au cours de l’audience de plaidoiries devant la Cour, cet État membre a fourni des informations additionnelles portant sur l’avancement du recouvrement des aides en cause.

142    Plus précisément, la République italienne a informé la Cour que, le 14 octobre 2019, la société débitrice Baia Silvella, anciennement Timsas, a effectué un versement d’un montant de 1 304 700 euros au titre du remboursement de l’aide qui lui avait été illégalement accordée.

143    Cet État membre a également produit un tableau détaillant l’état de récupération des aides en cause, tel qu’il se présentait au 18 octobre 2019. Ainsi qu’il ressort de ce tableau, 89 % du montant total en capital de ces aides aurait été récupéré, soit 83 % de ce montant en capital majoré des intérêts.

144    Dans ces conditions, il convient de constater que, à la date de l’examen des faits par la Cour, la République italienne n’a procédé qu’à une exécution partielle de l’obligation de récupération des aides en cause. Les paiements effectués par les bénéficiaires de celles-ci, visés aux points 140, 142 et 143 du présent arrêt, n’assurent pas le recouvrement intégral desdites aides.

145    Partant, la République italienne ne saurait prétendre qu’elle a pris, à la date de l’examen des faits par la Cour, toutes les mesures nécessaires aux fins de l’exécution de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182).

146    Dans ces conditions, la condamnation de la République italienne au paiement d’une astreinte constitue un moyen financier approprié afin d’inciter cette dernière à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin au manquement constaté et pour assurer l’exécution complète de cet arrêt.

147    L’astreinte doit être arrêtée en fonction du degré de persuasion nécessaire pour que l’État membre défaillant à exécuter un arrêt en manquement modifie son comportement et mette fin à l’infraction incriminée (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 117 et jurisprudence citée).

148    Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en la matière, il incombe à la Cour de fixer l’astreinte de telle sorte que celle-ci soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 118 et jurisprudence citée).

149    Aux fins de la fixation du montant de l’astreinte, les critères de base qui doivent être pris en considération pour assurer la nature coercitive de cette dernière, en vue d’une application uniforme et effective du droit de l’Union, sont, en principe, la gravité de l’infraction, sa durée et la capacité de paiement de l’État membre en cause. Pour l’application de ces critères, il y a lieu de tenir compte, en particulier, des conséquences du défaut d’exécution sur les intérêts privés et publics ainsi que de l’urgence qu’il y a à ce que l’État membre concerné se conforme à ses obligations (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 120 et jurisprudence citée).

150    En premier lieu, s’agissant de la gravité de l’infraction, il convient de souligner le caractère fondamental des dispositions du traité en matière d’aides d’État (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 121).

151    L’importance des dispositions de l’Union enfreintes dans un cas tel que celui de la présente espèce se reflète notamment dans le fait que, par le remboursement des aides déclarées illégales et incompatibles avec le marché intérieur, se trouve éliminée la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par celles-ci et que, par cette restitution, le bénéficiaire perd l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents (voir, par analogie, arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 123).

152    Quant au manquement constaté dans la présente affaire, il convient de relever, premièrement, que, certes, la République italienne n’a pas récupéré intégralement le montant en capital des aides en cause, majoré des intérêts. Cependant, ainsi qu’il ressort des informations transmises à la Cour par cet État membre, une partie considérable de ces aides et des intérêts dus a été récupérée.

153    Deuxièmement, même si les aides en cause ont été octroyées en faveur d’entreprises situées seulement en Sardaigne et uniquement à celles opérant sur le marché de l’industrie hôtelière, il n’en reste pas moins que, ainsi que l’a constaté la Commission au considérant 47 de la décision 2008/854, les financements consentis en l’espèce au secteur touristique risquent d’avoir une incidence sur les échanges au sein de l’Union, certains hôtels concernés ayant une clientèle tant italienne qu’internationale.

154    Troisièmement, il convient de tenir compte du montant assez important des aides en cause, à savoir, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, à environ 13,7 millions d’euros.

155    Quatrièmement, le fait que la Région autonome de Sardaigne a coopéré avec la Commission et a préparé un plan de recouvrement échelonné des aides en cause, accepté par cette institution, constitue une circonstance atténuante, même si la mise en œuvre de ce plan n’a pas permis de récupérer l’intégralité desdites aides.

156    En deuxième lieu, s’agissant de la durée de l’infraction, celle-ci doit être évaluée en prenant en considération le moment auquel la Cour apprécie les faits et non pas celui où cette dernière est saisie par la Commission (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 130 et jurisprudence citée).

157    Dans ces conditions, la République italienne n’ayant pu démontrer qu’il a été mis fin au manquement à son obligation d’exécuter pleinement l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182), il y a lieu de considérer que ledit manquement perdure depuis plus de sept ans depuis la date de prononcé de l’arrêt qui constate celui-ci, ce qui constitue une durée considérable.

158    En troisième lieu, en ce qui concerne la capacité de paiement de l’État membre concerné, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il convient de prendre en compte l’évolution récente du produit intérieur brut (PIB) d’un État membre telle qu’elle se présente à la date de l’examen des faits par la Cour (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 134 et jurisprudence citée).

159    Il y a donc lieu de tenir compte du fait, d’une part, que le PIB de la République italienne a diminué au cours des années 2008, 2009, 2012 et 2013 et, d’autre part, que, à partir de l’année 2015, ce PIB a été en progression, celle-ci étant de 0,8 % au cours de l’année 2018.

160    En ce qui concerne la périodicité de l’astreinte, il convient de constater que, compte tenu de l’état d’avancement important de la récupération des aides en cause, il apparaît que la République italienne sera en mesure de parvenir dans un bref délai à une exécution complète de la décision 2008/854 et, partant, de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C‑243/10, non publié, EU:C:2012:182).

161    Dans ces conditions, il y a lieu de condamner la République italienne au paiement d’une astreinte journalière et de rejeter sa demande tendant à ce que l’astreinte soit dégressive.

162    Eu égard à ce qui précède, il convient de condamner cet État membre à payer à la Commission une astreinte de 80 000 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt constatant le manquement, à compter de la date du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution complète de cet arrêt.

 Sur la somme forfaitaire

163    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la Cour est habilitée, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation qui lui est conféré dans le domaine considéré, à imposer, de façon cumulative, une astreinte et une somme forfaitaire (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 153 et jurisprudence citée).

164    La condamnation au paiement d’une somme forfaitaire et la fixation du montant éventuel de cette somme doivent, dans chaque cas d’espèce, demeurer fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude propre à l’État membre concerné par la procédure initiée sur le fondement de l’article 260 TFUE. À cet égard, celui-ci investit la Cour d’un large pouvoir d’appréciation afin de décider de l’infliction ou non d’une telle sanction et de déterminer, le cas échéant, son montant (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 154 et jurisprudence citée).

165    Dans la présente affaire, l’ensemble des éléments juridiques et factuels ayant abouti à la constatation du manquement constitue un indicateur de ce que la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union est de nature à requérir l’adoption d’une mesure dissuasive, telle que l’imposition d’une somme forfaitaire.

166    Les circonstances de l’espèce devant être prises en compte ressortent notamment des considérations figurant aux points 150 à 159 du présent arrêt, relatives à la gravité et à la durée de l’infraction ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre en cause.

167    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il est fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en fixant à 7 500 000 euros le montant de la somme forfaitaire que la République italienne devra acquitter.

 Sur les dépens

168    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne aux dépens et le manquement ayant été constaté, il y a lieu de condamner cette dernière au paiement de ceux-ci.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

1)      En n’ayant pas pris, à la date à laquelle a expiré le délai imparti dans la lettre de mise en demeure émise le 11 juillet 2014 par la Commission européenne, toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C243/10, non publié, EU:C:2012:182), la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.

2)      La République italienne est condamnée à payer à la Commission européenne une astreinte d’un montant de 80 000 euros par jour à compter du prononcé du présent arrêt jusqu’à la date de l’exécution complète de l’arrêt du 29 mars 2012, Commission/Italie (C243/10, non publié, EU:C:2012:182).

3)      La République italienne est condamnée à verser à la Commission européenne une somme forfaitaire de 7 500 000 euros.

4)      La République italienne est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien