ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

6 octobre 2009 ( *1 )

«Manquement d’État — Environnement — Directive 91/271/CEE — Traitement des eaux urbaines résiduaires — Défaut d’avoir exigé un traitement plus rigoureux de l’azote dans toutes les stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations ayant un équivalent habitant supérieur à 10000»

Dans l’affaire C-335/07,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 16 juillet 2007,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. I. Koskinen et L. Parpala ainsi que par Mmes M. Patakia et S. Pardo Quintillán, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République de Finlande, représentée par M. J. Heliskoski et Mme A. Guimaraes-Purokoski, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par:

Royaume de Suède, représenté par Mme A. Falk, en qualité d’agent,

partie intervenante,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh, J. Klučka, U. Lõhmus et A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 février 2009,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 mars 2009,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la Commission des communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’exigeant pas un traitement plus efficace de toutes les eaux résiduaires collectées dans les agglomérations ayant un équivalent habitant (EH) supérieur à 10000, la République de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphes 2, 3 et 5, de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135, p. 40), telle que modifiée par la directive 98/15/CE de la Commission, du (JO L 67, p. 29, ci-après la «directive 91/271»).

Le cadre juridique

La convention sur la protection de l’environnement marin de la zone de la mer Baltique

2

La Communauté européenne est signataire, aux côtés de certains États membres et de la Fédération de Russie, de la convention sur la protection de l’environnement marin de la zone de la mer Baltique (convention d’Helsinki révisée de 1992) (JO 1994, L 73, p. 20, ci-après la «convention sur la mer Baltique»), adoptée par la décision 94/157/CE du Conseil, du 21 février 1994, relative à la conclusion, au nom de la Communauté, de la convention sur la protection de l’environnement marin de la zone de la mer Baltique (convention d’Helsinki révisée de 1992) (JO L 73, p. 19)

La réglementation communautaire

3

Aux termes de son article 1er, la directive 91/271 concerne la collecte, le traitement et le rejet des eaux urbaines résiduaires ainsi que le traitement et le rejet des eaux usées provenant de certains secteurs industriels, et a pour objet de protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux résiduaires précitées.

4

L’article 2 de cette directive dispose:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

1)

‘eaux urbaines résiduaires’: les eaux ménagères usées ou le mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles usées et/ou des eaux de ruissellement;

[…]

4)

‘agglomération’: une zone dans laquelle la population et/ou les activités économiques sont suffisamment concentrées pour qu’il soit possible de collecter les eaux urbaines résiduaires pour les acheminer vers une station d’épuration ou un point de rejet final;

5)

‘système de collecte’: un système de canalisations qui recueille et achemine les eaux urbaines résiduaires;

6)

‘un équivalent habitant (EH)’: la charge organique biodégradable ayant une demande biochimique d’oxygène en cinq jours (DB05) de 60 grammes d’oxygène par jour;

[…]

8)

‘traitement secondaire’: le traitement des eaux urbaines résiduaires par un procédé comprenant généralement un traitement biologique avec décantation secondaire ou par un autre procédé permettant de respecter les conditions du tableau 1 de l’annexe I;

9)

‘traitement approprié’: le traitement des eaux urbaines résiduaires par tout procédé et/ou système d’évacuation qui permettent, pour les eaux réceptrices des rejets, de respecter les objectifs de qualité retenus ainsi que de répondre aux dispositions pertinentes de la présente directive et d’autres directives communautaires;

[…]

11)

‘eutrophisation’: l’enrichissement de l’eau en éléments nutritifs, notamment des composés de l’azote et/ou du phosphore, provoquant un développement accéléré des algues et des végétaux d’espèces supérieures qui entraîne une perturbation indésirable de l’équilibre des organismes présents dans l’eau et une dégradation de la qualité de l’eau en question;

[…]

13)

‘eaux côtières’: les eaux en dehors de la laisse de basse mer ou de la limite extérieure d’un estuaire.»

5

Les règles générales applicables aux eaux résiduaires visées par ladite directive figurent à l’article 4 de celle-ci, qui prévoit, à son paragraphe 1:

«Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent […]»

6

L’article 5 de la directive 91/271 énonce:

«1.   Aux fins du paragraphe 2, les États membres identifient, pour le 31 décembre 1993, les zones sensibles sur la base des critères définis à l’annexe II.

2.   Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte fassent l’objet, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4, et ce au plus tard le 31 décembre 1998 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 10000.

3.   Les rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires visées au paragraphe 2 répondent aux prescriptions pertinentes de l’annexe I point B. […]

4.   Toutefois, les conditions requises d’une station d’épuration au titre des paragraphes 2 et 3 ne s’appliquent pas nécessairement aux zones sensibles, s’il peut être prouvé que le pourcentage minimal de réduction de la charge globale entrant dans toutes les stations d’épuration des eaux résiduaires urbaines de cette zone atteint au moins 75 % pour la quantité totale de phosphore et au moins 75 % pour la quantité totale d’azote.

5.   Pour les rejets des stations d’épuration d’eaux urbaines qui sont situées dans les bassins versants pertinents des zones sensibles et qui contribuent à la pollution de ces zones, les paragraphes 2, 3 et 4 sont applicables.

[…]

8.   Un État membre n’est pas tenu d’identifier des zones sensibles aux fins de la présente directive s’il applique sur l’ensemble de son territoire le traitement prévu aux paragraphes 2, 3 et 4.»

7

Les paragraphes 2 et 3 de l’annexe I, B, de cette directive sont libellés comme suit:

«2.

Les rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires, traités conformément aux articles 4 et 5 de la présente directive, répondent aux prescriptions figurant au tableau 1.

3.

Les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires dans des zones sensibles sujettes à eutrophisation, telles qu’identifiées à l’annexe II point A lettre a), répondent en outre aux prescriptions figurant au tableau 2 de la présente annexe.»

8

Le tableau 2 de ladite annexe I est libellé comme suit:

«Tableau 2: Prescriptions relatives aux rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires et effectués dans des zones sensibles sujettes à eutrophisation, telles qu’identifiées à l’annexe II, point A a). En fonction des conditions locales, on appliquera un seul paramètre ou les deux. La valeur de la concentration ou le pourcentage de réduction seront appliqués.»

9

Selon la seconde entrée de ce tableau, l’azote total doit soit présenter une concentration maximale de 15 mg/l pour les agglomérations dont l’EH se situe entre 10000 et 100000 et de 10 mg/l pour les agglomérations plus importantes, soit faire l’objet d’un pourcentage minimal de réduction de 70 à 80 %.

10

L’annexe II, A, sous a), second alinéa, de la directive 91/271 prévoit:

«Il pourrait être tenu compte des aspects ci-après lors de l’examen des éléments nutritifs à réduire par un traitement complémentaire:

i)

lacs et cours d’eau débouchant dans des lacs/bassins de retenue/baies fermées où il est établi que l’échange d’eau est faible, ce qui peut engendrer un phénomène d’accumulation. Il convient de prévoir une élimination du phosphore dans ces zones, à moins qu’il ne puisse être démontré que cette élimination sera sans effet sur le niveau d’eutrophisation. Il peut également être envisagé d’éliminer l’azote en cas de rejets provenant de grandes agglomérations;

ii)

estuaires, baies et autres eaux côtières où il est établi que l’échange d’eau est faible, ou qui reçoivent de grandes quantités d’éléments nutritifs. Les rejets provenant des petites agglomérations sont généralement de peu d’importance dans ces zones, mais, en ce qui concerne les grandes agglomérations, l’élimination du phosphore et/ou de l’azote doit être prévue, à moins qu’il ne soit démontré que cette élimination sera sans effet sur le niveau d’eutrophisation.»

La réglementation nationale

11

En vertu de l’article 4 de la décision du Conseil des ministres no 365/1994, du 19 mai 1994, sur le traitement des eaux résiduaires provenant des canalisations générales et de certains secteurs industriels et étant rejetées dans l’eau ainsi que sur le traitement des eaux résiduaires de l’industrie qui entrent dans les canalisations générales, tous les milieux aquatiques finlandais sont considérés comme des zones sensibles au sens de la directive 91/271.

12

Il ressort de la description de la réglementation nationale fournie dans les écritures de la République de Finlande que toute station d’épuration finlandaise traitant les eaux urbaines résiduaires d’agglomérations ayant un EH supérieur à 100 doit détenir un permis d’environnement, qui est délivré après une appréciation au cas par cas. Dans le cadre de cette appréciation, il y a toujours une prise en compte de l’état des eaux et de l’impact, sur celui-ci, occasionné par les eaux urbaines résiduaires.

13

Dans le cadre de son appréciation, l’autorité chargée des permis d’environnement dispose, en ce qui concerne les stations d’épuration traitant les eaux urbaines résiduaires d’agglomérations ayant un EH supérieur à 4000, d’une expertise en matière de droit environnemental ainsi que d’une expertise scientifique et technique. Elle doit prendre en compte les renseignements qu’elle reçoit dans le cadre du processus d’autorisation, y compris l’avis de l’ympäristökeskus (centre de l’environnement) concerné.

14

Ce dernier a notamment pour tâche de veiller à l’intérêt général en matière d’environnement. Dans les avis qu’il présente à l’autorité chargée des permis d’environnement, il doit proposer une réduction de la charge en azote lorsque cela est nécessaire à l’égard de l’environnement, compte tenu des conditions locales et des dernières connaissances scientifiques. En principe, la demande de réduction de la charge en azote doit être adressée à toutes les stations d’épuration d’eaux résiduaires provenant des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 dont les rejets se déversent directement dans les zones au sud de Kvarken (Merenkurkku), qui se situe à la limite entre la baie de Botnie (Perämeri) et la mer de Botnie (Selkämeri), lesquelles, ensemble, forment le golfe de Botnie (Pohjanlahti). Ce dernier constitue un bras de la mer Baltique.

La procédure précontentieuse

15

Par lettre du 1er juillet 2002, la Commission, considérant que le traitement plus rigoureux au sens de l’article 5, paragraphes 2, 3 et 5 de la directive 91/271 (ci-après le «traitement tertiaire»), à la fois de l’azote et du phosphore, s’imposait dans toutes les agglomérations finlandaises ayant un EH supérieur à 10000 situées dans les bassins versants aboutissant dans la mer Baltique, a mis la République de Finlande en demeure de se conformer à l’article 5 de la directive 91/271.

16

Dans sa réponse du 27 août 2002, la République de Finlande a soutenu qu’elle se conformait à la directive 91/271. En effet, la charge en azote serait réduite lorsque cela est jugé nécessaire, compte tenu, à chaque fois, de l’état des eaux réceptrices, selon ce qu’exigerait ladite directive.

17

Le 1er avril 2004, la Commission a adressé à la République de Finlande, en vertu de l’article 226, premier alinéa, CE, un avis motivé concluant que, en n’exigeant pas un traitement plus efficace des eaux résiduaires collectées dans toutes les agglomérations ayant un EH supérieur à 10000, la République de Finlande avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphes 2, 3 et 5, de la directive 91/271 et invitant cet État membre à prendre les mesures visées dans cet avis motivé dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

18

N’étant pas satisfaite de la réponse apportée par les autorités finlandaises à cet avis motivé, la Commission a introduit le présent recours.

19

Par ordonnance du président de la Cour du 7 août 2008, le Royaume de Suède a été admis à intervenir à l’appui des conclusions de la République de Finlande.

Sur le recours

Argumentation des parties

20

Selon la Commission, dès lors que l’ensemble des milieux aquatiques finlandais est constitué de zones sensibles au sens de la directive 91/271, l’obligation de veiller à ce que toutes les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte fassent l’objet, avant d’être rejetées, d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4 de ladite directive pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 10000 s’applique à l’ensemble du territoire finlandais.

21

Dans ces conditions, il découlerait de la directive 91/271 que l’azote doit faire l’objet d’un traitement tertiaire dans toutes les stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations finlandaises ayant un EH supérieur à 10000 situées dans les zones côtières et dans les bassins versants de la mer Baltique.

22

La Commission considère que, pour satisfaire à l’objectif de la directive 91/271, tous les rejets en provenance des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 qui se déversent dans la mer Baltique doivent être traités aussi bien pour le phosphore que pour l’azote. Un tel traitement limiterait la migration de l’azote vers le centre de la mer Baltique, le golfe de Finlande (Suomenlahti), la mer de l’Archipel (Saaristomeri) et certaines parties de la mer de Botnie et, partant, l’eutrophisation de ces zones. D’après la Commission, les autorités finlandaises n’ont pas démontré que la décision de ne pas procéder à un traitement tertiaire de l’azote dans toutes les stations d’épuration concernées était sans incidence sur l’eutrophisation desdites zones.

23

La République de Finlande fait observer que les eaux urbaines résiduaires de toutes les agglomérations finlandaises sont traitées dans des stations biochimiques et que ces stations d’épuration doivent obtenir un permis d’environnement. Un volet essentiel de la procédure de délivrance de ce permis est la consultation des centres régionaux de l’environnement et il incomberait à ces derniers de recommander une réduction de la charge en azote chaque fois que cela apparaît nécessaire pour protéger l’environnement. En outre, lors du réexamen régulier dont chaque permis d’environnement fait l’objet, la nécessité de réduire la charge en azote est évaluée compte tenu des circonstances locales, conformément à ce que prévoit la directive 91/271.

24

La République de Finlande affirme que, dans la majeure partie de ses eaux intérieures, constituées de lacs et de rivières, l’azote n’a pas d’incidence sur l’eutrophisation dans la mesure où le nutriment qui régule l’eutrophisation est le phosphore. La République de Finlande considère que l’azote n’est pas non plus un nutriment qui régule l’eutrophisation dans toutes les zones maritimes finlandaises.

25

Dans ces conditions, la République de Finlande conteste que la directive 91/271 impose la réduction de la charge en azote dans toutes les eaux résiduaires provenant des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000. En effet, conformément aux prescriptions du tableau 2 de l’annexe I de ladite directive, la nécessité de procéder à la réduction de la charge en azote s’apprécierait «en fonction des conditions locales». La Commission serait en défaut de démontrer que, lorsque la directive 91/271 exige la réduction de la charge en azote, les autorités finlandaises ne l’ont pas exigée également, et cela dans le cadre de l’appréciation effectuée pour chaque station d’épuration traitant les eaux urbaines résiduaires d’agglomérations ayant un EH supérieur à 100, aux fins de l’octroi ou du renouvellement du permis d’environnement requis conformément à la réglementation nationale.

26

Par ailleurs, la République de Finlande fait valoir que les «conditions locales» visées au tableau 2 de l’annexe I de la directive 91/271 se limitent à la zone aquatique dans laquelle les émissions des stations d’épuration peuvent engendrer le dégât visé par ladite directive. En outre, l’exigence selon laquelle la charge en azote devrait dans tous les cas être réduite conformément aux valeurs prévues à ce tableau, indépendamment de son impact sur les milieux aquatiques, serait contraire au principe de proportionnalité.

27

De surcroît, la République de Finlande avance trois motifs principaux pour justifier sa pratique consistant à apprécier la nécessité de réduire la charge en azote au cas par cas pour chaque station d’épuration soumise à l’obligation d’obtenir un permis d’environnement en vertu de la réglementation nationale. En premier lieu, cet État membre fait valoir que, dans certains cas, la réduction de la charge en azote dans les eaux urbaines résiduaires n’a pas d’incidence sur l’eutrophisation de la mer Baltique en raison de la rétention de l’azote par les lacs et les rivières. En deuxième lieu, il ne serait pas exclu que, dans certaines circonstances, la réduction de la charge en azote ait un effet préjudiciable sur l’état des eaux, en particulier en provoquant des floraisons de certaines algues nuisibles. En troisième lieu, la République de Finlande relève que le faible niveau de migration d’azote depuis la baie de Botnie, qui ne présente pas de signe d’eutrophisation et dans laquelle l’azote n’est pas le nutriment limitant, vers d’autres zones maritimes ne saurait être considéré comme générateur d’une atteinte, au sens de la directive 91/271, dans les zones concernées.

Appréciation de la Cour

28

Il ressort de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 91/271 que l’ensemble des eaux urbaines résiduaires provenant d’agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 qui se déversent dans une zone sensible devaient faire l’objet, au plus tard le 31 décembre 1998, d’un traitement plus rigoureux que celui visé à l’article 4 de ladite directive.

29

À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’il est indifférent, pour qu’il y ait rejet au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 91/271, que les eaux usées se déversent directement ou indirectement dans une zone sensible (voir, en ce sens, arrêt du 25 avril 2002, Commission/Italie, C-396/00, Rec. p. I-3949, points 29 à 32). Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 72 de ses conclusions, cela est conforme au niveau de protection élevé visé par la politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement aux termes de l’article 174, paragraphe 2, CE.

30

L’identification des zones sensibles peut être fondée, aux termes de l’annexe II, A, de la directive 91/271, sur l’eutrophisation, le captage d’eau potable ou les exigences d’autres directives.

31

En l’occurrence, il est constant que, en 1994, la République de Finlande a identifié l’ensemble de ses eaux comme zones sensibles à l’eutrophisation et que toutes les stations d’épuration de cet État membre effectuent directement ou indirectement des rejets dans ces zones.

32

En outre, l’article 5, paragraphe 3, de la directive 91/271 détermine à quelles règles le traitement tertiaire des rejets est soumis dans de telles zones sensibles. Il résulte de cette disposition, lue en combinaison avec les dispositions auxquelles elle renvoie, que les rejets des stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires dans des zones sensibles sujettes à eutrophisation répondent aux prescriptions figurant au tableau 2 de l’annexe I de cette directive.

33

La Cour a déjà établi que ces prescriptions s’appliquent sous réserve de l’annexe II, A, sous a), second alinéa, de la directive 91/271 (arrêt du 23 septembre 2004, Commission/France, C-280/02, Rec. p. I-8573, points 104 et 105). Le point ii) de cette disposition prévoit ainsi que, s’agissant des eaux côtières où il est établi que l’échange d’eau est faible, ou qui reçoivent de grandes quantités d’éléments nutritifs, en ce qui concerne les grandes agglomérations, l’élimination du phosphore et/ou de l’azote doit être prévue, à moins qu’il ne soit démontré que cette élimination sera sans effet sur le niveau d’eutrophisation.

34

Le tableau 2 de l’annexe I de cette directive concerne la réduction du phosphore et de l’azote dans les eaux urbaines résiduaires. Selon l’intitulé de ce tableau, il est prévu que, en fonction des conditions locales, l’on applique un seul paramètre ou les deux. C’est en effet en fonction des conditions locales que l’azote ou le phosphore, ou les deux substances, doivent être réduites. L’État membre peut alors choisir d’appliquer la valeur de concentration ou le pourcentage de réduction.

35

Il y a lieu de préciser que la Commission et la République de Finlande s’accordent sur le fait que l’eutrophisation de la mer Baltique constitue un problème environnemental majeur, et que ce phénomène est provoqué par une concentration accrue en azote et en phosphore, deux substances qui sont toutefois indispensables à la vie marine.

36

Ainsi que l’a affirmé la Commission elle-même, le mécanisme de limitation de l’eutrophisation par l’azote et/ou le phosphore varie considérablement d’une zone maritime de la mer Baltique à l’autre, voire à l’intérieur d’une même zone. Il n’existe donc pas de solution uniforme au problème de l’eutrophisation pour l’ensemble de la mer Baltique.

37

Il ressort des observations présentées par les parties que, en général, une des substances nutritives, qu’il s’agisse du phosphore ou de l’azote, est présente en quantité moindre par rapport à l’autre et que ce manque limite la production d’algues. Cette substance est ainsi nommée «facteur limitant». Les eaux d’une zone peuvent être sensibles à l’une ou à l’autre de ces substances, voire aux deux. Procéder à la réduction du phosphore et/ou de l’azote, en fonction de la sensibilité desdites eaux, permet alors de limiter la production d’algues.

38

Dans de telles conditions, ce ne sont pas les mêmes mesures qu’il convient d’adopter pour réduire l’eutrophisation dans une partie de la mer Baltique ou dans une autre. La directive 91/271 prévoit à cet égard que les États membres apprécient, sur la base des conditions locales, les substances — phosphore et/ou azote — qui contribuent à l’eutrophisation et prennent, conformément à cette appréciation, des mesures de traitement appropriées.

39

Ainsi que l’a fait valoir la République de Finlande, la directive 91/271 n’exige donc pas automatiquement une réduction de la charge en azote bien que les rejets des stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires se déversent dans des eaux réceptrices situées dans une zone sensible. C’est le motif pris du caractère sensible de ces eaux réceptrices, combiné à un examen des conditions locales, qui détermine si l’azote et/ou le phosphore doivent être réduits.

40

Dès lors, ne saurait être admise l’interprétation soutenue par la Commission, selon laquelle la seule circonstance que les rejets des stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires achèvent leur course dans une zone sensible permet de considérer que la directive 91/271 exige un traitement tertiaire de l’azote. Conformément à l’article 5, paragraphe 5, de ladite directive, l’obligation de réduction de la charge en azote dépend de la mesure dans laquelle les rejets des stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires qui sont situées dans les bassins versants des zones sensibles contribuent à la pollution de ces dernières.

41

La détermination du facteur limitant étant liée non pas exclusivement à la sensibilité des eaux réceptrices, mais également à l’existence d’un effet polluant des rejets sur ces dernières, il ne peut être affirmé, comme le fait en substance la Commission, que, étant donné que la mer Baltique proprement dite connaît une forte eutrophisation en raison tant de l’azote que du phosphore et que la grande majorité des eaux intérieures finlandaises se déverse dans cette mer, aussi bien les lacs que les rivières ainsi que les eaux côtières finlandais doivent être considérés comme sensibles aux deux substances.

42

Il découle de ces considérations que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, la directive 91/271 ne prévoit pas une obligation générale d’imposer un traitement tertiaire de l’azote des rejets de chaque station d’épuration d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000.

43

Dès lors que la directive 91/271 impose la réduction du phosphore et/ou de l’azote en fonction des conditions locales, à savoir la sensibilité des eaux réceptrices à l’un et/ou à l’autre de ces nutriments et l’existence d’un effet polluant des rejets sur ces dernières, il peut être procédé à un examen commun des stations d’épuration en cause dont les rejets se déversent dans un même bassin versant.

44

En outre, qu’ils soient directs ou indirects, les rejets des stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires situées dans le même bassin versant d’une zone sensible sont soumis, en vertu de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 91/271, aux exigences applicables aux zones sensibles uniquement dans la mesure où ces rejets contribuent à la pollution de cette zone. Ainsi, il doit exister un lien de causalité entre lesdits rejets et la pollution des zones sensibles.

45

C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la Commission a démontré l’existence d’un tel lien.

46

En effet, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’une procédure en manquement engagée en vertu de l’article 226 CE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué. C’est elle qui doit apporter à la Cour tous les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque (voir, notamment, arrêts du 25 mai 1982, Commission/Pays-Bas, 96/81, Rec. p. 1791, point 6, et du , Commission/Italie, C-135/05, Rec. p. I-3475, point 26).

47

En outre, lorsque la Commission a fourni suffisamment d’éléments permettant d’établir la matérialité des faits qui se sont produits sur le territoire de l’État membre défendeur, il incombe à celui-ci de contester de manière substantielle et détaillée les données présentées et les conséquences qui en découlent (voir, en ce sens, arrêts du 22 septembre 1988, Commission/Grèce, 272/86, Rec. p. 4875, point 21, ainsi que du , Commission/Italie, C-365/97, Rec. p. I-7773, points 84 et 86).

48

Il y a lieu de constater, ainsi qu’il ressort du dossier, que les stations d’épuration finlandaises sont réparties sur des bassins versants dont les eaux réceptrices sont, premièrement, le golfe de Botnie, lui-même subdivisé en deux zones maritimes qui sont, d’une part, la baie de Botnie et, d’autre part, la mer de Botnie, deuxièmement, la mer Baltique proprement dite et, troisièmement, le golfe de Finlande.

49

Il convient, dans ces circonstances, d’examiner si la Commission a établi que les rejets d’azote provenant des stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 et qui sont situées dans les bassins versants pertinents des zones maritimes susmentionnées contribuent à l’eutrophisation de ces zones.

Sur les stations d’épuration dont les rejets se déversent dans le golfe de Botnie

50

Parmi les stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires dont les rejets se déversent dans le golfe de Botnie, certaines déversent leurs rejets directement ou indirectement dans la baie de Botnie, d’autres déversent leurs rejets directement ou indirectement dans la mer de Botnie. Il est donc possible d’examiner ensemble les stations d’épuration en cause dont les rejets se déversent dans le même bassin versant.

— Sur les stations d’épuration dont les rejets se déversent soit directement dans la baie de Botnie soit dans son bassin versant

51

Les parties s’accordent à considérer que la baie de Botnie est la seule zone importante de la mer Baltique qui n’est, en général, pas affectée par l’eutrophisation. En outre, la Commission reconnaît que le phosphore est le facteur limitant dans la baie de Botnie. Par ailleurs, la République de Finlande fait valoir que, lorsque l’autorité chargée des permis d’environnement considère que les conditions locales l’exigent, un retrait de l’azote est également imposé dans les stations d’épuration d’eaux résiduaires situées en bordure de la baie de Botnie.

52

Dans ces conditions, la Commission n’a pas démontré que, en raison des conditions présentes dans la baie de Botnie, la République de Finlande devait imposer un traitement tertiaire de l’azote dans chaque station d’épuration d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 dont les rejets se déversent dans la baie de Botnie.

— Sur les stations d’épuration dont les rejets se déversent soit directement dans la mer de Botnie soit dans son bassin versant

53

Les parties sont en désaccord en ce qui concerne, d’une part, la présence d’une eutrophisation ainsi que la détermination du facteur limitant dans la mer de Botnie et, d’autre part, l’existence et les éventuels effets d’un transfert d’azote provenant du golfe de Botnie et descendant jusqu’à la mer Baltique proprement dite.

Sur la présence d’une eutrophisation et sur la détermination du facteur limitant dans la mer de Botnie

54

Selon les résultats des études jointes au dossier par la République de Finlande, le golfe de Botnie, y compris la mer de Botnie, est la seule sous-région de la mer Baltique qui ne montre pas de signe évident d’eutrophisation.

55

La Commission fonde son affirmation selon laquelle l’azote serait un facteur limitant significatif de l’eutrophisation de la mer de Botnie sur un rapport établi à sa demande en 2004 par le Water Research Center sur la transposition de la directive 91/271 en Finlande (ci-après le «rapport de 2004»).

56

Toutefois, il découle de ce rapport que l’eutrophisation n’est généralement pas considérée comme un problème dans la mer de Botnie, et plus particulièrement dans les eaux ouvertes du golfe de Botnie. En outre, ledit rapport affirme que la mer de l’Archipel est une zone de transition en termes d’eutrophisation entre le golfe de Finlande et le golfe de Botnie. La qualité de l’eau y a été en grande majorité décrite comme satisfaisante.

57

Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas démontré que l’azote est un facteur limitant significatif de l’eutrophisation dans les eaux ouvertes de la mer de Botnie.

58

S’agissant des eaux côtières, le rapport de 2004 affirme que celles-ci subissent une eutrophisation en raison des faibles échanges d’eau et des charges élevées en nutriments dans ces eaux. En outre, ce rapport soutient que l’azote tend à être un facteur limitant dans les eaux côtières finlandaises.

59

Il convient, à cet égard, de tenir compte du point ii) de l’annexe II, A, sous a), second alinéa, de la directive 91/271, en vertu duquel, dans les zones côtières, les rejets provenant des petites agglomérations sont généralement de peu d’importance, mais, en ce qui concerne les grandes agglomérations, l’élimination du phosphore et/ou de l’azote doit être prévue, à moins qu’il ne soit démontré que cette élimination sera sans effet sur le niveau d’eutrophisation.

60

La République de Finlande a fait valoir que, en ce qui concerne les stations d’épuration d’eaux résiduaires situées en bordure du golfe de Botnie, l’azote contenu dans les eaux résiduaires ne peut pas être généralement considéré comme générateur d’une atteinte au sens de ladite directive, en raison notamment du phénomène de rétention de l’azote.

61

Par ailleurs, la République de Finlande a affirmé, sans que la Commission apporte de preuves contraires, que seulement 0,3 % de la totalité de l’azote déversé chaque année dans la mer de Botnie provient des eaux urbaines résiduaires qui se déversent depuis la baie de Botnie. En outre, selon cet État membre, l’effet de l’élimination de l’azote dans le golfe de Botnie sur le niveau d’eutrophisation de la mer Baltique proprement dite serait tellement insignifiant qu’il ne pourrait pas être appréhendé par les statistiques.

62

Dans de telles circonstances, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas démontré que, en raison des conditions présentes dans la mer de Botnie, la République de Finlande devait imposer un traitement tertiaire de l’azote contenu dans les rejets de chaque station d’épuration d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 qui se déversent dans la mer de Botnie.

Sur l’existence et les éventuels effets d’un transfert d’azote provenant du golfe de Botnie et descendant jusqu’à la mer Baltique proprement dite

63

La Commission avance que, en tout état de cause, une quantité importante de nutriments est transportée entre les différents bassins marins. Ainsi, 62 % de la quantité totale d’azote rejeté directement ou indirectement dans la baie de Botnie s’écouleraient ensuite vers la mer de Botnie, qui serait une zone maritime où l’azote constitue un facteur limitant important.

64

D’une part, il est vrai, ainsi que le font valoir la Commission et la République de Finlande, qu’il convient d’apprécier l’obligation de traiter l’azote dans une perspective globale, en considérant à la fois la sensibilité des eaux intérieures et celle des eaux côtières réceptrices. Il convient toutefois de considérer que la notion de bassin versant a des limites. À cet égard, il y a lieu de relever que, lors de l’audience, la Commission a admis que, contrairement à ce qui ressort de son mémoire en réplique, elle n’affirme pas que la baie de Botnie et la mer de Botnie peuvent être considérées comme des bassins versants de la mer Baltique proprement dite.

65

D’autre part, il convient de relever que la République de Finlande ne conteste pas que l’azote circule entre différentes zones maritimes, mais fait valoir qu’il ne peut en être déduit que les conditions locales requièrent une réduction de l’azote en ce qui concerne toutes les stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 qui sont situées en bordure de ces zones maritimes.

66

Il y a lieu de relever, comme il ressort du dossier soumis à la Cour, que la mer Baltique est une mer peu profonde, ce qui ne favorise pas les échanges d’eaux. En outre, ainsi qu’il a été reconnu au point 77 de l’arrêt du 6 octobre 2009, Commission/Suède (C-438/07, Rec. p. I-9517), prononcé le même jour que le présent arrêt, entre la baie de Botnie et la mer de Botnie, les échanges d’eau sont limités par des obstacles naturels situés au niveau du nord de l’archipel de Kvarken. En effet, la baie de Botnie et la mer de Botnie sont reliées entre elles par des hauts-fonds dont les eaux ont une profondeur maximale de 25 mètres.

67

Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas démontré qu’il n’existe aucune barrière physique limitant le transfert d’azote entre les bassins marins pertinents.

68

Par ailleurs, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 93 de ses conclusions, la mer de Botnie est un véritable puits pour l’azote.

69

Dès lors, s’il existe bien un transfert d’azote entre le golfe de Botnie et la mer Baltique proprement dite, la Commission n’a pas démontré que l’écoulement des eaux de la baie de Botnie et de la mer de Botnie vers la mer Baltique proprement dite entraîne le transport d’une quantité significative de pollution à l’azote au départ des régions du nord de la Finlande.

70

À cet égard, il y a lieu de constater que les parties s’accordent sur la circonstance qu’environ 11 % de la totalité de l’azote présent dans la mer de Botnie se déversent dans la mer Baltique proprement dite.

71

Toutefois, comme il ressort des pièces du dossier et des observations formulées par la République de Finlande au cours de l’audience, le pourcentage pertinent en l’espèce est celui qui représente la quantité d’azote rejetée par les stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 dont les rejets se déversent dans le golfe de Botnie, et qui est transportée vers la mer Baltique. En revanche, le flux d’azote total ne peut, en l’occurrence, être considéré comme un élément pertinent pour déterminer si l’azote provenant desdites stations doit être soumis à un traitement tertiaire.

72

En effet, les pièces du dossier permettent d’établir que les nutriments, dont l’azote, ont pour origine une multitude d’activités humaines et parviennent finalement à la mer par l’intermédiaire, premièrement, des émissions atmosphériques et des dépôts qui en résultent, deuxièmement, des rejets de sources ponctuelles situées le long de la côte ou provenant des bassins versants, transportés par les fleuves, et, troisièmement, des pertes de sources diffuses.

73

À cet égard, les pièces du dossier permettent d’établir que, d’une part, parmi la quantité d’azote présent dans le golfe de Botnie, une grande partie provient des rejets des sources diffuses. D’autre part, au sein de cette catégorie, l’agriculture est l’activité humaine qui est responsable d’une grande partie des rejets d’azote.

74

Il s’ensuit que la quantité d’azote rejetée par les stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 ne correspond pas au taux d’azote mentionné par la Commission.

75

Dans ces conditions, il est difficile de percevoir à quoi correspond le taux de transfert de 62 % avancé par la Commission. Un tel taux ne peut, en tout état de cause, correspondre à la quantité d’azote contenu dans les rejets des stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000.

76

Selon les observations de la République de Finlande lors de l’audience, le pourcentage de transfert d’azote, qui inclut exclusivement les rejets de ce nutriment provenant des stations d’épuration en cause, s’élève à environ 1,2 %.

77

Dans de telles circonstances, la Commission n’a pas démontré que le transport d’azote provenant des stations d’épuration finlandaises traitant les eaux urbaines résiduaires des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 dont les rejets se déversent dans le golfe de Botnie vers la mer Baltique proprement dite, peut être qualifié de significatif au sens de la jurisprudence selon laquelle le flux d’azote provoqué par les eaux urbaines résiduaires se déversant dans des eaux eutrophisées doit être considéré comme significatif s’il représente 10 % ou plus du flux total d’azote (voir, en ce sens, arrêt Commission/France, précité, point 77).

78

Par ailleurs, la commission Helcom, relevant de la convention sur la mer Baltique, a arrêté, lors du sommet ministériel de Cracovie du 15 novembre 2007, un plan d’action pour la mer Baltique (Helcom Baltic Sea Action Plan). Ce plan, qui a fait l’objet de débats au cours de l’audience, prévoit un plafond pour les rejets d’azote et de phosphore ainsi qu’une nécessaire réduction de l’azote et du phosphore dans les différentes parties de la mer Baltique. Il en ressort que, pour la baie de Botnie et la mer de Botnie, il n’est pas nécessaire de réduire le taux d’azote.

79

S’il est exact que, simultanément, ledit plan d’action prône une réduction d’azote dans la mer Baltique proprement dite à concurrence de 94000 tonnes par an, il y a lieu de relever, ainsi que l’a fait valoir la République de Finlande lors de l’audience, que cette prescription ne vise pas cet État membre. Elle vise, en revanche, les États membres qui se trouvent dans la zone du bassin versant de la mer Baltique proprement dite, à savoir la République fédérale d’Allemagne, la République de Lettonie, la République de Lituanie et la République de Pologne.

80

Dans ces conditions, la Commission n’a pas apporté la preuve, d’une part, que les rejets d’azote provenant des eaux intérieures et des eaux côtières de la baie de Botnie contribuent à l’eutrophisation de la mer de Botnie et, d’autre part, que l’azote constitue le principal facteur limitant de l’eutrophisation de la mer de Botnie.

81

Il découle de tout ce qui précède que la Commission n’a pas démontré que la quantité d’azote qui provient des stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 dont les rejets se déversent dans le golfe de Botnie contribue à l’eutrophisation dans la mer Baltique proprement dite. Dès lors, la Commission n’a pas apporté la preuve que la République de Finlande devait imposer un traitement tertiaire de l’azote dans chaque station d’épuration d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 dont les rejets se déversent dans le golfe de Botnie.

82

Dans ces circonstances, il convient de considérer que la Commission n’a pas apporté la preuve que la République de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 91/271 en ce qui concerne chaque station d’épuration d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 dont les rejets se déversent dans le golfe de Botnie.

Sur les stations d’épuration dont les rejets se déversent soit directement dans la mer Baltique proprement dite soit dans son bassin versant

83

En ce qui concerne les rejets des stations d’épuration situées à l’intérieur des terres du sud de la Finlande et qui traitent les eaux résiduaires provenant des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 situées dans le bassin versant dont les eaux sont drainées vers les eaux sensibles à l’azote de la mer Baltique proprement dite, la République de Finlande fait valoir qu’un traitement tertiaire de l’azote n’est pas nécessaire dans la mesure où le phénomène de rétention naturelle permet une élimination suffisante de ce nutriment.

84

À cet égard, il ressort du dossier soumis à la Cour que la rétention est un processus naturel agissant dans les lacs et les cours d’eau, qui captent la majeure partie de l’azote rejeté et le transforment en gaz inoffensif, ce qui correspond également au procédé utilisé lors de l’élimination de l’azote par les stations d’épuration. La rétention intervient en particulier dans les bassins, où l’écoulement de l’eau ralentit et le temps de résidence dure traditionnellement des années. Ce phénomène a lieu de telle façon que l’azote est supprimé soit avec la substance organique dans les sédiments de fond des bassins lacustres soit par le processus de nitrification/dénitrification des microbes en tant qu’azote gazeux dans l’atmosphère.

85

La Commission ne conteste pas que la rétention est un processus chimique qui se produit dans l’eau et qui diminue la concentration en azote, mais elle fait valoir que ce processus ne saurait être utilisé comme substitut à l’élimination de l’azote par les stations d’épuration prévue par la directive 91/271, car cela contredit le principe de précaution. La Commission considère, en outre, que le processus de rétention de l’azote ne permet pas une élimination durable de celui-ci et est sujet aux variations saisonnières.

86

Il y a lieu de constater, tout d’abord, qu’aucune disposition de la directive 91/271 ne s’oppose à ce que la rétention naturelle de l’azote puisse être considérée comme une méthode d’élimination de l’azote des eaux urbaines résiduaires.

87

S’agissant de l’argument soulevé par la Commission, selon lequel le processus de rétention de l’azote est trop instable pour être pris en compte, il convient de relever que la République de Finlande a, sans être contredite par cette institution, fait remarquer que, dans les calculs de bilans par substances des zones aquatiques sur lesquels se fondent les analyses relatives à la rétention, les processus de retrait et d’ajout d’azote de et dans l’eau sont pris en compte. Il y aurait donc une prise en compte de la dénitrification, de la rétention de l’azote dans les sédiments, de la rétention de l’azote de l’atmosphère réalisée par les algues bleues et de la libération de l’azote dans l’eau à partir des sédiments. La République de Finlande a ajouté que les années exceptionnelles, en ce qui concerne l’hydrologie, sont éliminées des calculs du fait d’une présentation des résultats moyens pour plusieurs années.

88

Enfin, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 44 du présent arrêt, il doit exister un lien de causalité adéquat entre les rejets et la pollution des zones sensibles. Dès lors, bien que les eaux de la mer Baltique proprement dite subissent une eutrophisation en raison notamment de l’azote, aussi longtemps que la Commission n’a pas démontré que les rejets d’azote des stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000, qui se déversent dans la mer Baltique proprement dite, contribuent à l’eutrophisation de cette mer, un traitement tertiaire de l’azote ne doit pas être exigé pour chacune de ces stations.

89

Par ailleurs, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 82 de ses conclusions, le tableau 2 de l’annexe I de la directive 91/271 exige, dans le cadre du traitement tertiaire, non pas un traitement complet, mais, en ce qui concerne l’azote, soit une réduction permettant d’atteindre une norme de 15 mg/l pour les agglomérations ayant un EH se situant entre 10000 et 100000, soit un pourcentage minimal de réduction de 70 à 80 %. Un rejet indirect d’azote dans des eaux sensibles à celui-ci n’entraîne donc l’obligation de réduire l’azote que si, pour une station d’épuration, plus de 30 % de l’azote contenu dans les eaux urbaines résiduaires atteint ces zones sensibles.

90

Il convient donc de déterminer si la Commission a démontré que les rejets de chaque station d’épuration des eaux urbaines résiduaires des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000, qui se déversent directement dans la mer Baltique proprement dite ou dans son bassin versant, ne sont pas conformes à ces prescriptions.

91

En premier lieu, ainsi que le relève la République de Finlande, le territoire de cet État membre est constitué de nombreux lacs et rivières. La République de Finlande a en outre ajouté, sans être contredite par la Commission, que les eaux douces forment souvent des voies fluviales au sein desquelles des fleuves courts unifient plusieurs lacs qui se suivent avant que les eaux ne se jettent dans les eaux côtières. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les caractéristiques naturelles du territoire finlandais semblent être de nature à favoriser la rétention de l’azote.

92

En deuxième lieu, il convient de relever que la République de Finlande soutient que, dans la majeure partie des lacs et des rivières, l’azote n’a pas d’incidence sur l’eutrophisation dans la mesure où le nutriment qui régule l’eutrophisation est le phosphore. Force est de constater que la Commission n’a pas été en mesure de réfuter cet argument.

93

En troisième lieu, la République de Finlande a affirmé, sans être contredite par la Commission, qu’une station d’épuration classique équipée pour une dépollution mécanique, biologique et chimique procède toujours à une certaine élimination de l’azote, même si elle n’est pas spécifiquement équipée à cet effet. La réduction d’azote dans une telle station d’épuration équivaut en moyenne à 30 %.

94

Eu égard à ce qui précède et en tenant compte des données techniques et scientifiques fournies par les parties, en ce qui concerne les rejets des stations d’épuration se déversant, directement ou indirectement, dans la mer Baltique proprement dite, la Commission n’a pas démontré que les effets conjugués de la réduction de l’azote par les stations d’épuration, d’une part, et de la rétention naturelle, d’autre part, ne permettent pas d’atteindre le taux minimal d’élimination de l’azote requis par la directive 91/271.

95

Dans ces conditions il y a lieu de constater que la Commission n’a pas apporté la preuve que la République de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 91/271 en ce qui concerne les rejets de chaque station d’épuration d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 se déversant directement ou indirectement dans la mer Baltique proprement dite.

Sur les rejets des stations d’épuration se déversant soit directement dans le golfe de Finlande soit dans son bassin versant

96

En ce qui concerne les rejets des stations d’épuration situées à l’intérieur des terres du sud de la Finlande et qui traitent les eaux résiduaires des agglomérations situées dans le bassin versant dont les eaux sont drainées vers les eaux sensibles à l’azote du golfe de Finlande, la République de Finlande fait valoir qu’un traitement tertiaire de l’azote n’est pas nécessaire dans la mesure où le phénomène de rétention naturelle permet une élimination suffisante de ce nutriment.

97

Il y a lieu de relever à cet égard que les constatations effectuées aux points 84 à 94 du présent arrêt concernant les stations d’épuration dont les rejets se déversent directement ou indirectement dans la mer Baltique proprement dite sont applicables mutatis mutandis à l’égard des stations d’épuration dont les rejets se déversent directement ou indirectement dans le golfe de Finlande.

98

La République de Finlande affirme que, en raison du phénomène de rétention, l’azote présent dans l’eau traitée par les stations d’épuration qui sont situées en bordure des lacs et des rivières ne se déverse pas dans des proportions considérables dans les eaux du golfe de Finlande où il pourrait engendrer des dégâts. Cet État membre a, sans que la Commission le contredise ou apporte de preuve contraire à cet égard, affirmé que l’azote est retenu dans les lacs finlandais dans des proportions comprises entre 19 % à 82 %.

99

Certes, le plan d’action pour la mer Baltique, mentionné au point 78 du présent arrêt, a prévu que les États parties à la convention sur la mer Baltique doivent éliminer 6000 tonnes d’azote du golfe de Finlande. Toutefois, pour l’ensemble de la mer Baltique, la part de diminution de la charge en azote imputable à la République de Finlande ne s’élève qu’à 1200 tonnes par an.

100

La République de Finlande souligne en outre que, parmi la charge totale en azote d’origine humaine en Finlande, la part imputable aux eaux urbaines résiduaires est d’environ 15 %. Il y a lieu de relever que cette affirmation est corroborée par les conclusions des études jointes au dossier, selon lesquelles l’agriculture est, dans une large mesure, responsable de la pollution dans le golfe de Finlande.

101

Dans ces circonstances, force est de constater que la Commission n’a pas apporté la preuve que les rejets d’azote des stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 qui sont déversés soit directement dans le golfe de Finlande soit dans son bassin versant contribuent de façon significative à l’eutrophisation dans le golfe de Finlande. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 46 du présent arrêt, il lui incombait, en l’occurrence, d’apporter de telles preuves.

102

Il n’est dès lors pas établi que les autorités nationales finlandaises doivent exiger un traitement tertiaire de l’azote pour les stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 dont les rejets sont déversés soit directement dans le golfe de Finlande soit dans son bassin versant.

103

Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le recours de la Commission.

Sur les dépens

104

En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République de Finlande ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. Conformément au paragraphe 4, premier alinéa, du même article, le Royaume de Suède, qui est intervenu au litige, supporte ses propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

 

3)

Le Royaume de Suède supporte ses propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le finnois.