Responsabilité environnementale - Livre blanc

Étape préparatoire à l'élaboration et à l'adoption de la directive sur la responsabilité environnementale, qui met en oeuvre le principe du pollueur-payeur, ce livre blanc définit la structure du système communautaire de responsabilité envisagé. Il décrit les principaux éléments destinés à rendre ce système efficace et applicable.

ACTE

Livre blanc, du 9 février 2000, sur la responsabilité environnementale [COM(2000) 66 - non publié au Journal officiel].

SYNTHÈSE

La responsabilité environnementale vise à faire en sorte qu'une personne ayant occasionné des dommages à l'environnement verse une somme d'argent pour remédier aux dommages qu'elle a causés (principe du « pollueur-payeur »).

Pour que le principe de responsabilité puisse être appliqué, il faut que:

Par ailleurs, le principe de responsabilité ne peut pas être appliqué quand il s'agit d'une pollution généralisée et diffuse (changement climatique).

L'application de la responsabilité environnementale permet de mettre en œuvre les principes mentionnés dans l'article 174 du traité instituant la Communauté européenne (traité CE), et surtout le principe du pollueur-payeur. Les pollueurs doivent prendre à leur charge les dommages qu'ils ont provoqués en polluant. L'application de cette méthode incitera les différentes parties à prendre plus des précautions et diminuera la pollution.

Dans la plupart des États membres, des lois existent concernant la responsabilité pour les dommages causés par des activités qui sont dangereuses pour l'environnement, mais ces lois s'appliquent seulement en cas d'atteinte à la santé des personnes ou d'une propriété. Un système de responsabilité environnementale qui couvre les dommages causés aux ressources naturelles est nécessaire, au moins pour les ressources qui sont déjà couvertes par la législation communautaire (directives « oiseaux sauvages » et « habitats »).

Principales composantes d'un système communautaire de responsabilité environnementale

Le système doit être caractérisé par une non-rétroactivité, c'est à dire qu'il faut qu'il soit appliqué seulement aux dommages à venir.

Le champ d'application doit être établi prenant considération:

Le champ d'application doit être restreint, en rapport avec la législation communautaire en vigueur (« oiseaux sauvages » et « habitats »). La contamination des sites ainsi que les dommages traditionnels ne seront pas couverts que s'ils sont causés par des activités dangereuses ou potentiellement dangereuses réglementées au niveau communautaire. Quant aux dommages causés à la biodiversité, ils ne seront pas couverts que s'ils sont couverts dans le cadre de Natura 2000.

La nature de la responsabilité est, quant à elle, un sujet très délicat. Deux possibilités existent, responsabilité avec ou sans cause, chacune ayant ses propres avantages. Il semble approprié de choisir la responsabilité sans faute pour les dommages résultant d'activités considérées comme dangereuses tandis que la responsabilité pour faute peut être appliquée en cas d'atteinte à la biodiversité causé par une activité non dangereuse. La partie responsable dans le cadre d'un système de responsabilité environnementale devrait être la personne qui exerce l'activité.

Les dommages infligées à la biodiversité ne sont pas généralement couverts par la réglementation des États membres et on pourrait donc commencer par couvrir les zones du réseau Natura 2000 appliquant un seuil minimal. Les critères à appliquer à cet égard doivent se fonder sur l'interprétation de la directive Habitats.

L'évaluation des dommages infligées à la biodiversité est un exercice difficile qui doit s'effectuer en tenant compte des coûts de restauration ou des coûts des solutions de substitution, si la restauration n'est pas possible. Le pollueur doit être obligé de verser les dommages et intérêts ou les compensations à la dépollution ou à la réhabilitation. Dans le cas où le pollueur ne serait pas à la hauteur de réparer les dommages dans leur totalité pour des raisons économiques ou techniques, la valeur des dommages non réparés doit être versée à des projets comparables. L'assurabilité est également importante si on veut s'assurer que les objectifs d'un système de responsabilité environnementale seront atteints. En ce moment la couverture des risques liés aux dommages environnementaux est très peu développée mais des progrès ont été réalisés dans certaines branches des marchés financières spécialisés dans ce domaine.

Une amélioration de l'accès à la justice dans les cas de dommages de l'environnement doit être appliquée. Le système communautaire de responsabilité environnementale pourrait contribuer à l'application de la convention d'Aarhus qui prévoit des dispositions spécifiques sur l'accès à la justice. Celles-ci constituent la base des différentes actions menées par les particuliers ainsi que par les groupements de défense des intérêts du public.

Options envisageables pour une action communautaire

L'adhésion de la Communauté à la convention sur la responsabilité civile des dommages résultant d'activités dangereuses pour l'environnement (convention de Lugano) présenterait des nombreux avantages. La convention comprend des systèmes de responsabilité qui couvre tous les types de dommages causés par des activités dangereuses, mais son champ d'application n'est pas exhaustif. Elle va beaucoup plus loin que plusieurs États membres dont les systèmes ont une portée restreinte et limitée et enfin, elle est conforme au principe de subsidiarité à l'échelon international. Le seul inconvénient qu'elle présente est un faible niveau de sécurité juridique et le fait qu'elle n'exige pas la restauration des ressources d'une manière spécifique. Ainsi, si la Communauté décide d'adhérer, il faut compléter la convention avec un acte communautaire qui clarifie l'application de la responsabilité environnementale en matière de dommages environnementaux.

Un système applicable aux dommages transfrontaliers est jugé inadéquat étant donné qu'il aboutirait à un traitement complètement différent des problèmes à l'intérieur d'un État membre. Des personnes impliquées dans une affaire des dommages transfrontaliers seraient alors poursuivies tandis que d'autres, responsables de la même activité à l'intérieur du pays, pourraient bénéficier des lacunes du système national à cet égard.

Un système sectoriel axé sur les biotechnologies serait très difficilement envisageable puisqu'il serait très difficile d'expliquer à un secteur pourquoi lui seul doit faire face aux dispositions en matière de réglementation à la différence d'autres secteurs prenant des risques similaires.

La solution la plus cohérente paraît être la création d'une directive communautaire, ce qui pourrait offrir une sécurité juridique supérieure de celle de la convention de Lugano, tout en délimitant le champ d'application et en élaborant mieux les systèmes applicables aux dommages causés à la biodiversité. Toutefois, la convention pourrait constituer une source d'inspiration.

Subsidiarité et proportionnalité

Les États membres n'ont pas mis en oeuvre d'une façon optimale les principes de la politique environnementale (précaution, correction, pollueur-payeur…), et ne disposent pas des mesures qui leur permettent de couvrir efficacement les dommages transfrontaliers infligées à l'environnement.

Un système communautaire, respectant les principes de subsidiarité et proportionnalité, pourrait mettre en place les exigences minimales essentielles, tout en laissant aux États membres le choix des moyens et des instruments pour les atteindre.

Incidences économiques globales de la responsabilité environnementale au niveau communautaire

L'incidence d'un système de responsabilité communautaire sur la compétitivité externe de l'Union devrait être limitée. Les données relatives aux systèmes de responsabilité existantes ont été examinées et montrent que leur incidence sur la compétitivité des industries nationales n'a pas été disproportionnée. L'efficacité de tout régime de responsabilité juridique dépend de l'existence d'un système de garantie financière effectif fondé sur la transparence et la sécurité juridique en matière de responsabilité. Le système communautaire devrait être élaboré de manière à réduire au maximum les coûts de transaction.

En conclusion, la solution optimale, selon la Commission, serait celle d'une directive-cadre, engageant la responsabilité sans faute de la personne exerçant une activité mais autorisant certaines défenses en ce qui concerne les dommages traditionnels et environnementaux tout en engageant la responsabilité pour faute en ce qui concerne les dommages causés à la biodiversité par des activités non dangereuses.

Contexte

Ce livre blanc a été précédé du livre vert publié par la Commission en 1993, d'une audition commune convoquée par le Parlement et la Commission cette même année, d'une résolution du Parlement demandant une directive communautaire, ainsi que d'un avis du Comité économique et social européen en 1994. Les parties concernées ont été consultées tout au long du processus de préparation du livre blanc.

ACTES LIÉS

Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux [Journal officiel L 143 du 30.04.2004]. La solution proposée par la Commission dans le livre blanc a été retenue et le processus entamé plus de dix ans auparavant a finalement donné lieu à l'adoption de cette directive, première législation communautaire à compter parmi ses objectifs principaux l'application du principe du pollueur-payeur.

Dernière modification le: 06.11.2004