L'avenir de la politique réglementaire européenne dans le domaine de l'audiovisuel

Début 2003, la Commission a lancé une vaste consultation publique portant sur la directive "Télévision sans Frontières" et son éventuelle révision. Cette communication présente les principaux résultats de la consultation et, sur cette base, annonce un certain nombre d'initiatives qui seront menées à court et moyen termes. La communication fait par ailleurs état des évolutions récentes survenues dans l'audiovisuel et analyse les différentes politiques communautaires ayant un impact sur le secteur.

ACTE

Communication de la Commission, du 15 décembre 2003, sur L'avenir de la politique de réglementation européenne dans le domaine de l'audiovisuel [COM(2003) 784 final - Non publié au Journal officiel].

SYNTHÈSE

GRANDES TENDANCES DU PAYSAGE AUDIOVISUEL EUROPÉEN

En 2001, le marché européen de l'audiovisuel représentait près de 95 milliards d'euros, soit une augmentation de 5,2 % par rapport à 2000. Des deux principaux domaines industriels, la télévision et le cinéma, le premier comptait pour environ 2/3 du marché en 2001, tandis que le secteur cinématographique, y compris la vidéo, couvrait à peu près 15 % de celui-ci. Le secteur du DVD a par ailleurs été le secteur le plus dynamique puisque, en 2002, le chiffre d'affaires relatif aux ventes de détail a égalé les ventes de cassettes VHS traditionnelles.

L'expansion du marché de la télévision s'est ralentie en 2001. La principale raison de ce ralentissement tient aux résultats insatisfaisants enregistrés par les chaînes de télévision commerciales traditionnelles touchées par une crise globale dans le marché de la publicité. En revanche, l'ensemble du secteur de la télévision payante a confirmé son dynamisme avec une augmentation annuelle d'environ 13 %. Les premières indications pour 2002 corroborent ces tendances. Fin 2002, plus de 18 % des foyers européens recevaient des transmissions numériques. Ce chiffre couvre essentiellement la transmission des programmes télévisés par satellite, la transmission par le câble n'étant devenue populaire que dans un nombre limité de pays.

La balance commerciale dans le secteur de l'audiovisuel, notamment en ce qui concerne les droits pour la radiodiffusion, la projection en salle et la distribution de films en cassettes vidéo, reste négative en raison d'un déséquilibre considérable avec les États-Unis - de l'ordre de plus de 8 milliards de dollars en 2000.

Quasiment tous les foyers de l'UE sont équipés d'un poste de télévision, et nombre d'entre eux en possèdent deux ou plus. S'agissant du temps moyen quotidien passé devant la télévision, c'est l'Autriche qui reste le pays où la télévision est le moins regardée (153 minutes par jour) tandis que l'Espagne est toujours celui où le petit écran est le plus populaire (262 minutes).

L'UE a confirmé son rôle de premier plan dans la production de longs métrages, avec 630 productions en 2002 - contre environ 450 aux États-Unis. Néanmoins, il convient de remarquer qu'une partie importante de la production européenne n'attire pas une masse critique d'audiences (c'est-à-dire des audiences de 100000 personnes ou plus). En termes d'investissement financier dans la production cinématographique, les réalisateurs américains continuent en outre de bénéficier de budgets de production et de promotion largement supérieurs à ceux disponibles pour les productions européennes. La vague récente de coproductions européennes pourrait constituer une réponse à un tel déséquilibre (250 coproductions en 2002).

Sur le plan des évolutions technologiques, trois innovations techniques - hormis la télévision numérique - pourront contribuer favorablement au développement du secteur de l'audiovisuel, à savoir: la télévision à haute définition, les écrans plats et la télévision interactive.

POLITIQUES COMMUNAUTAIRES AYANT DES RÉPERCUSSIONS SUR LE SECTEUR DE L'AUDIOVISUEL

Le secteur européen de l'audiovisuel n'est pas seulement affecté par les mécanismes communautaires de soutien (programme MEDIA) et de réglementation du contenu (directive "Télévision sans Frontières" - voir ci-dessous). Un grand nombre de politiques communautaires a en effet un impact majeur sur les entreprises opérant dans le domaine de l'audiovisuel. Ceci justifie la nécessité d'une approche cohérente au niveau communautaire qui prenne en compte toutes les politiques concernées.

Les politiques communautaires jouant un rôle important dans le développement du secteur de l'audiovisuel sont les suivantes:

Concurrence: les règles en la matière visent à empêcher les restrictions illégales de concurrence et à garantir une concurrence saine, sans distorsion dans le marché intérieur. Le traité CE interdit les aides d'État qui faussent la concurrence en favorisant certaines entreprises plutôt que d'autres. Toutefois, les aides d'État en faveur des "services d'intérêt économique général" - y compris les services publics de radiodiffusion - sont admises. À ce propos, une communication de la Commission de novembre 2001 a permis de clarifier les critères d'application des règles de la concurrence dans les services publics de radiodiffusion. Avec l'adoption, en septembre 2001, d'une autre communication sur l'industrie cinématographique, la Commission a par ailleurs rendu publics les critères permettant de déclarer les aides d'état en faveur des productions cinématographiques et télévisuelles compatibles avec le traité CE.

Pluralisme des médias: les mesures visant à préserver le pluralisme des médias limitent généralement les prises de participation majoritaire dans les sociétés de médias et empêchent le contrôle simultané de plusieurs sociétés. L'objectif est de protéger la liberté d'expression et de veiller à ce que les médias reflètent la diversité des opinions. Le Livre vert de la Commission sur les services d'intérêt général, de mai 2003, souligne que la protection du pluralisme des médias revient essentiellement aux États membres. Aussi la législation européenne ne contient-elle à l'heure actuelle aucune disposition en la matière. Néanmoins, un certain nombre d'instruments juridiques communautaires contribuent plus ou moins indirectement à l'objectif visant à préserver le pluralisme des médias. C'est le cas du droit communautaire de la concurrence et de certaines dispositions de la directive "Télévision sans Frontières" (dispositions relatives à la promotion des œuvres européennes et des œuvres de producteurs indépendants notamment).

Droit d'auteur: le cadre juridique établissant ces droits est exposé dans la directive 2001/29/CE sur l'harmonisation de certains droits d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information. Plus récemment, le Conseil et le Parlement ont adopté une directive relative aux mesures et procédures visant à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle. Les objectifs sont d'harmoniser les législations nationales quant aux moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle et de définir un cadre général pour l'échange d'informations entre les autorités nationales compétentes.

Réseaux et services de communications électroniques: en 1999, la Commission a procédé à une importante refonte du cadre réglementaire existant en matière de télécommunications en vue de rendre le secteur plus concurrentiel et plus en phase avec les progrès technologiques et les exigences du marché. Ceci a abouti, en 2002, à l'adoption d'un nouveau cadre réglementaire pour les communications électroniques, applicable depuis juillet 2003. La directive sur le commerce électronique, adoptée en 2000, harmonise certains aspects permettant aux services de la société de l'information de bénéficier pleinement des principes du marché intérieur

Protection des consommateurs: le secteur de l'audiovisuel est, au même titre que les autres secteurs économiques, soumis aux règles communautaires relatives à la protection des consommateurs. Ces règles incluent notamment les dispositions générales en matière de publicité trompeuse et mensongère, ainsi que la récente proposition de directive-cadre sur les pratiques commerciales déloyales entre entreprises et consommateurs.

Politique commerciale: en ce qui concerne les services audiovisuels, la Communauté européenne et ses États membres n'ont pris aucun engagement mais ont arrêté des mesures d'exemption de la nation la plus favorisée dans le cadre du dernier cycle de négociations commerciales multilatérales ("cycle d'Uruguay"). L'Union européenne (UE) bénéficie ainsi d'une marge de manœuvre qui lui permet non seulement de maintenir les mesures nationales et communautaires existantes mais également de développer les politiques et instruments nationaux et communautaires, en réponse aux évolutions intervenant dans le secteur.

RÉSULTATS DU PROCESSUS DE CONSULTATION SUR LE FONCTIONNEMENT DE LE DIRECTIVE TSF

La directive " Télévision sans Frontières " ("directive TSF") constitue la pierre angulaire de la politique audiovisuelle de l'UE. Elle établit un ensemble de normes minimales que doit garantir la réglementation du contenu des émissions télévisées par les États membres. Ces normes minimales prévoient essentiellement l'obligation d'adopter des mesures visant à:

La plupart des contributions reçues par la Commission dans le cadre du processus de consultation reconnaissent la pertinence du cadre réglementaire fourni par la directive TSF et la contribution positive de cet instrument à la réalisation de la libre circulation des services de radiodiffusion dans l'UE. Les principaux résultats de la consultation sont les suivants:

- si la plupart des États membres considèrent que les règles sont appropriées, d'autres États membres ainsi que des associations de protection des consommateurs ont fait part de leurs préoccupations liées aux diversité des lois nationales et au risque de voir les radiodiffuseurs s'établir dans les pays ayant la législation la plus libérale;

- certains États membres ont soulevé le problème des décrochages publicitaires. Cette pratique consiste pour les radiodiffuseurs, au départ d'une chaîne destinée au public de son pays, à adresser à des bassins d'audience de pays distincts - le plus souvent voisins - la même chaîne mais qui comportent des programmes dans lesquels les écrans publicitaires initiaux sont remplacés par des écrans publicitaires spécifiquement destinées au public de ces bassins d'audience complémentaires. Bien que conforme aux principes de libre prestation des services et de liberté d'établissement développés par la Cour de Justice, cette pratique est dénoncée en raisons des distorsions de concurrence qu'elle induit et de la menace qu'elle constitue pour le pluralisme et la diversité culturelle.

- droit à l'information (dispositions sur les événements d'importance majeure): les consultations ont montré qu'il n'y avait aucune urgence à réviser cette disposition. Bien que différentes améliorations soient proposées concernant cette disposition, aucun consensus ne s'est dégagé pour sur la question de savoir s'il convient de définir, au niveau européen, la notion d'une "partie importante du public" ou s'il est opportun de réviser la directive en ce qui concerne les dates de références.

- quotas de production et de diffusion: la majorité des contributions se sont prononcées en faveur du statu quo en ce qui concerne la promotion des œuvres européennes (article 4). Certains ont demandé un renforcement de ces dispositions tandis que d'autres ont proposé de remplacer les exigences existantes par d'autres instruments, notamment des obligations d'investissement ou des programmes de soutien spécifiques en faveur de la production d'œuvres européennes. Concernant les quotas de production d'œuvres européennes (article 5), le statu quo bénéficie également d'un vaste. Néanmoins, plusieurs acteurs concernés demandent l'introduction d'une définition harmonisée de la notion de "producteur indépendant".

- publicité et parrainage: la plupart des positions exprimées sont en faveur des dispositions existantes. Toutefois, un certain nombre d'entre elles sont en faveur d'une simplification des règles relatives à l'insertion des spots de publicité et du télé-achat, notamment en ce qui concerne les programmes sportifs et les 20 minutes devant s'écouler entre chaque spot publicitaire. Les interdictions relatives à la publicité télévisée des produits du tabac et des médicaments soumis à prescription sont généralement soutenues par les répondants. S'agissant des dispositions sur la durée, un assouplissement des règles est requis par certains États membres, la plupart des radiodiffuseurs commerciaux et quelques agences publicitaires. En ce qui concerne les nouvelles techniques publicitaires, un grand nombre de contributions a exprimé le souhait que la Commission précise la façon dont les dispositions de la directive s'appliquent à ces nouvelles techniques.

- protection des mineurs: de manière générale, il existe un consensus chez les acteurs concernés sur le fait que les dispositions de la directive relatives à la protection des mineurs sont adéquates et claires. En revanche, certains ont pu mettre en évidence les problèmes posés par la mise en œuvre de ces dispositions, eu égard notamment à leur application à l'environnement en ligne.

FUTURES ÉTAPES

Au vu des résultats du processus de consultation, la Commission conclut que la situation actuelle du marché ne nécessite pas un réexamen de la directive dans l'immédiat.

En revanche, elle estime que, à moyen terme, une révision approfondie de la directive pourrait s'avérer nécessaire afin de prendre en compte les développements technologiques et les changements intervenus dans la structure du marché de l'audiovisuel. Dans l'optique de cette éventuelle révision, la Commission procédera selon une approche en deux étapes.

À court terme

À court terme, la Commission prévoit d'adopter une communication interprétative concernant les dispositions de la directive relatives à la publicité télévisuelle. Cette communication clarifiera notamment la manière dont ces dispositions s'appliquent aux nouvelles techniques publicitaires et, ainsi, assurera une sécurité juridique accrue. La Commission publiera par ailleurs une mise à jour de la recommandation sur la protection des mineurs et de la dignité humaine.

À moyen terme

Un certain nombre de questions feront l'objet d'une réflexion plus approfondie qui, dans une phase ultérieure, pourrait mener à une modification de la directive TSF. Ces questions seront examinées par la Commission, soit avec l'assistance d'experts, soit au travers d'études indépendantes. Les thèmes débattus tourneront autour des sujets suivants:

Les études porteront sur les questions suivantes:

ACTES LIÉS

Communication interprétative de la Commission relative à certains aspects des dispositions de la directive «Télévision sans frontières» concernant la publicité télévisée [COM(2004) 1450 - Journal officiel C 102 du 28.4.2004].

Cette communication a pour objet de clarifier la façon dont les dispositions de la directive TSF s'appliquent à certaines formes et techniques de publicité telles que l'écran partagé, la publicité virtuelle et la publicité interactive. La communication conclut que les nouvelles techniques et formes de publicité ne sont pas, en soi, incompatibles avec la directive et explique dans quelle mesure leur usage est compatible avec les dispositions juridiques existantes.

Proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil, du 30 avril 2004, sur la protection des mineurs et de la dignité humaine et le droit de réponse en lien avec la compétitivité de l'industrie européenne des services audiovisuels et d'information [COM(2004) 341 final - Non publié au Journal officiel].

Cette proposition vise à compléter la recommandation 98/560/CE du Conseil, qui porte sur le même sujet, en tenant compte des récents développements technologiques et de l'évolution du paysage médiatique. La proposition couvre quatre aspects: droit de réponse dans tous les médias; responsabilité et sensibilisation; lutte contre la discrimination; évaluation ou classification des contenus audiovisuels.

Dernière modification le: 28.06.2004