ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 129

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

61e année
11 avril 2018


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

530e session plénière du CESE des 6 et 7 décembre 2017

2018/C 129/01

Avis du Comité économique et social européen sur Partage inégal des richesses en Europe: disparité entre revenus et emploi dans les États membres (avis d’initiative)

1

2018/C 129/02

Avis du Comité économique et social européen sur Des systèmes durables de sécurité sociale et de protection sociale à l’ère du numérique (avis d’initiative)

7

2018/C 129/03

Avis du Comité économique et social européen sur Coopération avec la société civile en vue de prévenir la radicalisation des jeunes (avis d’initiative)

11

2018/C 129/04

Avis du Comité économique et social européen sur La contribution de la société civile au développement d’une politique alimentaire globale dans l’Union européenne (avis d’initiative)

18

2018/C 129/05

Avis du Comité économique et social européen sur Le rôle clé du commerce et des investissements dans la réalisation et la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD) (avis d’initiative)

27

2018/C 129/06

Avis du Comité économique et social européen sur Les avantages de l’approche de développement local mené par les acteurs locaux (DLAL) pour un développement local et rural intégré (avis exploratoire)

36


 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

530e session plénière du CESE des 6 et 7 décembre 2017

2018/C 129/07

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Initiative visant à promouvoir l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants qui travaillent[COM(2017) 252 final] et sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil[COM(2017) 253 final — 2017/0085 (COD)]

44

2018/C 129/08

Avis du Comité économique et social européen sur le Programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense[COM(2017) 294 final]

51

2018/C 129/09

Avis du Comité économique et social européen sur le Lancement du Fonds européen de la défense[COM(2017) 295 final]

58

2018/C 129/10

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission du 28 avril 2017 — Communication de la Commission sur l’accès à la justice en matière d’environnement[C(2017) 2616 final]

65

2018/C 129/11

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2006/1/CE relative à l’utilisation de véhicules loués sans chauffeur dans le transport de marchandises par route[COM(2017) 282 final — 2017/0113 (COD)]

71

2018/C 129/12

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux statistiques des transports par chemin de fer[COM(2017) 353 final — 2017/0146(COD)]

75

2018/C 129/13

Avis du Comité économique et social européen sur Un partenariat renouvelé avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique[JOIN(2016) 52 final]

76

2018/C 129/14

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Initiative en faveur du développement durable de l’économie bleue dans la Méditerranée occidentale[COM(2017) 183]

82

2018/C 129/15

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d’action pour le milieu naturel, la population et l’économie[COM(2017) 198 final]

90

2018/C 129/16

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE, Euratom) no 1141/2014 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes[COM(2017) 481 final — 2017/0219 (COD)]

96

2018/C 129/17

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1303/2013 en ce qui concerne les changements apportés aux ressources affectées à la cohésion économique, sociale et territoriale et aux ressources affectées aux objectifs Investissement pour la croissance et l’emploi et Coopération territoriale européenne[COM(2017) 565 final — 2017/0247 COD]

98


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

530e session plénière du CESE des 6 et 7 décembre 2017

11.4.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 129/1


Avis du Comité économique et social européen sur «Partage inégal des richesses en Europe: disparité entre revenus et emploi dans les États membres»

(avis d’initiative)

(2018/C 129/01)

Rapporteur:

Plamen DIMITROV

Décision de l’assemblée plénière

22.9.2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

7.9.2017

Adoption en session plénière

6.12.2017

Session plénière no

530

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

188/30/23

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE estime que les inégalités de revenus et de richesses au sein de l’Union européenne constituent des défis économiques et sociaux, auxquels il convient de remédier à la fois au moyen de mesures adéquates à l’échelon national et avec le soutien d’actions menées au niveau de l’Union européenne. Que ce soit à l’échelon européen ou mondial, c’est aux inégalités de revenus que l’on accorde une plus grande importance. Le CESE souligne la nécessité d’attirer également l’attention sur les inégalités de richesses, qui sont liées à un nombre beaucoup plus grand de variables et qui ont des répercussions à plus long terme. Dans cette perspective, il convient d’analyser les causes de ces inégalités et les facteurs qui les conditionnent, ainsi que d’arrêter des décisions politiques pour y remédier.

1.2.

Il convient de procéder à une analyse et à une évaluation approfondies de la nature exacte de la répartition des richesses dans l’Union et de prendre des mesures préventives en temps utile en vue d’en contrecarrer les conséquences négatives telles que l’érosion rapide de la «classe moyenne» et le passage d’une frange de plus en plus importante de la population dans la catégorie des «travailleurs pauvres» ou des «personnes menacées par la pauvreté et l’exclusion sociale». L’économie de marché ne doit pas être considérée seulement comme un environnement propice à une forte croissance économique, mais aussi comme l’un des leviers indispensables pour réaliser certains objectifs sociétaux.

1.3.

La politique fiscale est le principal outil dont disposent les États membres pour promouvoir une juste redistribution de la valeur ajoutée au profit de la société dans son ensemble. Les politiques actives du marché du travail, qui contribuent à assurer une transition harmonieuse entre l’éducation, la vie active et la formation, devraient également être privilégiées, de même que celles qui régissent la fiscalité et les transferts sociaux. Le CESE recommande aux États membres de mettre en œuvre le plus rapidement possible des mesures à même de réduire les inégalités et d’assurer une redistribution équitable de la valeur ajoutée nouvellement créée au profit de l’ensemble de la société.

1.4.

Le CESE estime qu’un système efficace de transferts sociaux et d’aide sociale est indispensable. La redistribution envisagée comme un mécanisme de compensation devrait remédier dans une large mesure aux insuffisances inhérentes au système d’économie de marché. Il y a lieu d’accroître les richesses relevant du bien public (infrastructures sociales, services d’utilité publique, etc.) et de les considérer comme un levier pour lutter contre les inégalités. L’assiette des recettes fiscales devrait être modifiée pour opérer un glissement d’une imposition du travail à une taxation de la richesse, sous la forme de droits de succession et d’impôts sur les revenus du capital.

1.5.

La concentration de la richesse conduit à une concentration de pouvoir considérable, qui se manifeste sous différentes formes, notamment par des distorsions de concurrence. Le CESE estime qu’une croissance économique soutenue est l’élément déterminant pour réduire la pauvreté et les inégalités de richesses. Elle doit être encouragée par une meilleure utilisation des Fonds structurels et de cohésion, la promotion de l’esprit d’entreprise, la concurrence, des programmes de soutien des PME et la mise en œuvre de politiques de lutte contre les discriminations à l’égard des femmes et des personnes défavorisées.

1.6.

Le CESE nourrit des inquiétudes quant à l’efficacité de la politique que mène actuellement l’Union européenne dans le cadre de la stratégie Europe 2020, qui met particulièrement l’accent sur la pauvreté. Dans cette perspective, il juge indispensable un soutien politique plus adéquat permettant aux États membres de disposer d’un appui suffisant pour lutter contre les tendances négatives qui conduisent à une aggravation des inégalités. Des mesures plus vigoureuses doivent être adoptées pour attaquer la pauvreté, qui a augmenté en termes absolus au cours de ces dernières années (1). Les politiques doivent donc être déployées à un niveau supranational européen de manière à favoriser une croissance plus inclusive reposant sur une approche intégrée. Il conviendrait que le socle européen des droits sociaux soit associé beaucoup plus étroitement au Semestre européen, lequel devrait à son tour être coordonné avec la stratégie Europe 2020 de manière à réaliser efficacement ses objectifs aux niveaux national et paneuropéen.

1.7.

Dans le même temps, il importe de prendre en faveur du marché du travail des mesures ciblées en rapport avec la protection sociale. Étant donné qu’il n’est pas toujours possible de protéger les emplois, qui évoluent très rapidement, il est nécessaire de mettre l’accent sur la promotion de l’emploi et la protection de la main-d’œuvre. Il est très important de disposer de normes sociales minimales qui garantissent une rémunération et des conditions de travail décentes. Il convient de mettre l’accent sur la nécessité de faciliter les phases de transition au cours de la vie professionnelle, tout en garantissant des droits communs du travail et en matière sociale, notamment ceux de l’affiliation à un syndicat et de la négociation collective.

1.8.

Le CESE estime qu’il faut créer un mécanisme transparent pour effectuer un suivi systématique des données concernant l’ensemble des revenus et des richesses, permettant notamment de consolider ce type de données. Il aura pour effet, d’une part, d’améliorer la gestion administrative et, d’autre part, de faciliter la collecte de données statistiques sur la répartition de la richesse dans les États membres. L’établissement d’un registre des actionnaires des entreprises au niveau européen aurait un rôle essentiel dans ce domaine.

2.   Contexte

2.1.

Les disparités en matière de richesse en Europe durent depuis longtemps déjà. Elles constituent un phénomène historique, qui ne s’est pas interrompu avec la création de la zone euro et résulte de l’apparition constante de déséquilibres internes et externes lesquels s’expliquent par les différences de niveau parmi les facteurs qui conditionnent la compétitivité économique. Ces facteurs, qui sont notamment certains aspects du rapport entre le prix et les coûts, sont à l’heure actuelle exacerbés par les défis politiques majeurs auxquels l’Union est confrontée, tels que le terrorisme, le populisme, les échéances électorales nationales et, sur le plan économique, la faiblesse de l’investissement, l’atonie de la croissance, un taux de chômage élevé, l’évolution démographique et la position de l’Europe dans la nouvelle compétition qui se déroule à l’échelle mondiale sous l’angle du commerce et du numérique.

2.2.

Il convient d’opérer une distinction nette entre les inégalités de revenus et les inégalités de richesses, car ces dernières ont un effet à plus long terme. Il importe dès lors de les examiner de manière plus approfondie. La répartition de la richesse est systématiquement plus inégale que celle des revenus. Il est très fréquent que des agents économiques aient des revenus relativement similaires, alors qu’ils présentent des niveaux de richesse nettement différents, du fait d’un éventail de facteurs non pécuniaires, de motifs altruistes, d’héritages ou d’autres raisons. En conséquence, mettre en évidence les inégalités en matière de richesse permet de rendre compte de manière plus objective des réelles disparités pécuniaires entre citoyens de l’Union européenne.

2.3.

De l’avis du CESE, l’Europe connaît des évolutions économiques de plus en plus rapides qui remettent en question les institutions et leur capacité à suivre le rythme des changements. Cette question est également très actuelle dans le contexte du débat sur les écarts de développement entre les États membres de l’Union. Il existe des disparités considérables entre pays développés et pays en développement, entre l’ouest et l’est de l’Europe, entre les États membres qui appartiennent à la zone euro et les autres, entre ceux qui font partie de l’espace Schengen et ceux qui n’en font pas partie intégrante.

2.4.

Le CESE constate que les inégalités en matière de revenus et de richesses se sont progressivement creusées depuis les années 70. Dans l’ensemble, la mondialisation devrait exercer une influence positive pour rapprocher les revenus et estomper les différences matérielles entre les pays, mais au cours de ces dernières années, c’est l’inverse qui s’est produit. Les 10 % de ménages les plus aisés perçoivent non seulement 31 % de l’ensemble des revenus, mais en outre ils détiennent plus de 50 % de la richesse totale dans l’EU-28. Dans de nombreux pays, la croissance de la richesse a dépassé celle du PIB, engendrant ainsi des disparités criantes (2). Elles génèrent de graves conséquences économiques, sociales et politiques, qui appellent un débat politique sérieux et une discussion entre experts et responsables politiques afin de trouver une solution à cette situation. Elles requièrent également une action politique.

2.5.

Le CESE estime qu’il existe un risque réel d’aggravation du problème des inégalités à l’échelle planétaire, en raison du rythme extrêmement rapide auquel la situation économique évolue en Europe et du fait qu’il devient de plus en plus difficile de mettre en œuvre une politique macroéconomique en phase avec cette évolution. Le creusement de l’inégalité en matière de revenus et de richesses au cours de ces dernières décennies est confirmé par la hausse du coefficient de Gini, qui est passé, dans les pays de l’OCDE, d’une moyenne de 0,29 au milieu des années 80 à une valeur de 0,32 à 0,35 au cours de la période 2013-2015. On observe une tendance similaire dans chacun des pays de l’Union (3). Il convient cependant de noter que dans certains pays comme la Bulgarie, la Lituanie et la Roumanie, ce coefficient atteint déjà des seuils critiques, supérieurs à 0,37 (4). S’il existe une grande quantité de données et d’études concernant les inégalités de revenus, l’on dispose de beaucoup moins de données probantes sur les inégalités touchant la répartition des richesses au niveau des ménages, tant à l’intérieur des différents pays que de l’un à l’autre. En effet, même à l’heure actuelle, on ne trouve aucune norme internationale que les offices nationaux de statistique et autres producteurs de données pourraient utiliser lorsqu’ils collectent des données sur la répartition de la richesse (5).

2.6.

Il est préoccupant de constater qu’en raison de l’absence générale de confiance vis-à-vis de bon nombre d’économies européennes, les bénéfices accumulés ne sont pas réinvestis, cette situation ayant pour conséquence d’affaiblir la concurrence, de réduire fortement les investissements et d’entraîner une pénurie de nouveaux emplois. Dans son ouvrage, Thomas Piketty fournit des données empiriques sur cette question, en particulier concernant l’économie européenne (6). Lorsque les bénéfices sont simplement accumulés et recapitalisés, ils ne contribuent ni à la production de valeur ajoutée, ni à l’augmentation de la rentabilité des investissements dans l’économie réelle. Il est donc logique que, depuis maintenant des décennies, le fossé entre les riches et les pauvres se soit progressivement creusé dans l’Union européenne.

2.7.

Le risque existe, selon le CESE, que la classe moyenne de l’Union européenne soit mise à rude épreuve à moyen terme. Dans un avenir proche, de plus en plus d’emplois disparaîtront sous l’effet de l’informatisation et de la robotisation. En outre, certains types de professions sont également en voie de disparition. Toutefois, il existe, tant dans le passé qu’aujourd’hui, des éléments prouvant que ce type d’évolutions est également susceptible de faire apparaître de nouveaux métiers et de nouvelles professions. Ces changements, s’ils ne sont pas convenablement gérés, vont probablement contribuer à accroître les inégalités. Le CESE estime qu’il importe de prendre en temps utile des mesures pour contrer les conséquences négatives de ces processus de renouvellement technologique, qui sont par ailleurs novateurs et ont, d’une manière générale, un effet positif sur la société.

2.8.

Le CESE exprime sa préoccupation quant au rapport de plus en plus disproportionné entre les taux de profit et la valeur ajoutée générée par le facteur travail dans les États membres. Il conduit à l’aggravation des inégalités en Europe, du point de vue de la richesse comme des revenus.

3.   Observations générales

3.1.

Les inégalités en matière de richesse ont tendance à être bien plus prononcées que celles de revenus (7). Le CESE souligne que ce sont avant tout les États membres qui disposent des instruments appropriés pour lutter contre les inégalités économiques et sociales, tels que les programmes pour l’investissement, le développement économique et les nouveaux emplois, ainsi que la fiscalité et les transferts sociaux. Toutefois, il reste une marge de manœuvre à l’échelle européenne, et cette question devrait être prise davantage au sérieux par les institutions européennes, dans la mesure où ses effets sur le cycle de l’économie réelle sont complexes et se manifestent à bien plus long terme. Les politiques actuelles continuent de cibler davantage les revenus que la richesse.

3.2.

De l’avis du CESE, le principal problème consiste en ce que, dans bien des cas, la croissance générée par l’économie européenne ne profite pas aux personnes financièrement défavorisées. L’intention n’est aucunement de s’opposer au fonctionnement de l’économie de marché, qui permet de générer de la richesse en innovant, en créant des entreprises et des postes de travail et en contribuant ainsi à la croissance économique, à l’emploi et au financement de la sécurité sociale. Toutefois, les personnes qui se situent tout en bas de la pyramide de la redistribution des richesses et des revenus ne profitent généralement pas des emplois nouvellement créés. Autrement dit, la société serait plus équitable, financièrement parlant, si la politique de l’Union européenne s’orientait vers des mesures permettant à un nombre de personnes de plus en plus important d’intégrer le marché du travail et de partager les fruits d’une croissance économique inclusive. En ce sens, réduire les inégalités en matière de richesses et renforcer la croissance économique à long terme constituent les deux faces d’une même médaille.

3.3.

Le CESE s’inquiète de ce fait que l’accumulation croissante des richesses pourrait engendrer dans la société une mentalité de rentier, ayant pour effet l’absence de réinvestissement. De cette manière, cette richesse ne contribue ni au développement de l’économie réelle, ni à l’augmentation du PIB potentiel. C’est le problème central dont traite Thomas Piketty dans son livre, fruit de quinze années de recherche et de collecte de données empiriques concernant les inégalités en matière de revenus et de richesse dans les sociétés capitalistes. Bien que certaines de ses méthodes soient parfois contestées, les résultats finaux révèlent des disparités considérables au sein de l’Union européenne. Selon les données présentées par Thomas Piketty, le taux annuel de rendement du capital est de 4 à 5 %, tandis que la croissance du revenu annuel en Europe centrale se situe aux alentours de 1 à 1,5 %, avec des variations selon les pays, vu l’évidente hétérogénéité des États concernés.

3.4.

Le CESE estime que des mesures supplémentaires sont nécessaires, aux niveaux appropriés, dans des domaines tels que la financiarisation excessive, la poursuite de la coordination et de l’harmonisation des politiques fiscales, les mesures destinées à lutter contre les paradis fiscaux, la fraude et l’évasion fiscales, ainsi que la lutte contre la tendance de fond au développement de l’économie souterraine (fausses déclarations concernant les revenus des entreprises, travailleurs non enregistrés ou dissimulés, salaires versés en espèces); il est nécessaire également de prévoir des mesures visant à optimiser la combinaison des différents types d’impôts et leur pondération dans les recettes fiscales des divers États membres. Il conviendrait d’opérer un glissement des recettes fiscales tirées du travail au profit de celles fondées sur le patrimoine.

3.5.

Au cours des deux dernières décennies, la concurrence fiscale entre les États membres a conduit de nombreux gouvernements à mettre en œuvre des mesures qui ont altéré le caractère redistributif de la politique fiscale et amplifié l’accroissement des inégalités. Le CESE recommande que les États membres évaluent les conséquences négatives des politiques fiscales et les corrigent dans les meilleurs délais.

3.6.

Le CESE estime que le plan Juncker devrait viser en priorité les pays dans lesquels les inégalités sont les plus fortes, quelle qu’en soit la nature. Il est impératif d’encourager les investissements étrangers et nationaux. Toutes ces recommandations doivent être mises en œuvre de manière uniforme et dans le respect de la législation européenne et des spécificités nationales, et il convient que l’utilisation des fonds soit soigneusement contrôlée.

4.   Observations spécifiques

4.1.

L’Allemagne et l’Autriche sont les pays de la zone euro dans lesquels les inégalités en matière de richesse sont les plus prononcées. En Allemagne, les 5 % les plus fortunés de la population détiennent 45,6 % de la richesse du pays et en Autriche, ce pourcentage atteint 47,6 % (8)  (9). Le problème existe également dans des pays tels que Chypre, le Portugal, la France, la Finlande, le Luxembourg et les Pays-Bas, et son évolution y est similaire (10). Ces données témoignent de très grandes variations touchant à la répartition des ressources au sein de différents pays. D’une part, l’on y constate un faible degré d’inégalité de revenus, alors que, d’autre part, les inégalités de richesses y atteignent des niveaux élevés.

4.2.

En 1910, 10 % de la population européenne possédait 90 % des richesses, le pour cent le plus riche en détenant 50 %. Par la suite, les inégalités ont fortement régressé, à la suite des deux guerres mondiales et de la Grande Dépression, qui ont détruit une grande partie du capital financier, et grâce à différentes politiques publiques qui ont notamment introduit une forte progressivité de l’impôt sur les revenus et les successions, bridé la spéculation financière et augmenté les salaires au détriment des revenus du capital. Dans les années 70 et 80, le pour cent des personnes les plus riches détenait 20 % des richesses, les 9 % suivants en possédaient 30 % et une classe moyenne de 40 % en avait 40 %. Les inégalités en matière de revenus s’étaient elles aussi considérablement réduites (11). Toutefois, à partir de 1980, ces disparités ont à nouveau augmenté. Aujourd’hui, les capitaux privés représentent dans les pays développés de l’Union des 28 entre 500 % et 600 % du PIB, atteignant même 800 % en Italie.

4.3.

De l’avis du CESE, la répartition de la richesse par sexe constitue également un problème substantiel. Parmi les pays les plus fortement touchés par ce problème figurent la Slovaquie et la France, suivies par l’Autriche, l’Allemagne et la Grèce. En Slovaquie et en France, les hommes détiennent plus de 75 % des richesses et les femmes seulement 25 %, alors que leurs poids numériques respectifs y sont très différents. En Autriche, en Allemagne et en Grèce, environ 55 % des richesses appartiennent à des hommes (12). Il importe d’analyser les causes de cette tendance et de déterminer s’il n’y a pas lieu de traiter la question dans le cadre de la politique européenne d’égalité des sexes.

4.4.

De l’avis du CESE, une question très importante est la manière dont se répartissent les richesses quand il s’agit de répondre aux besoins en matière d’éducation, de formation professionnelle, de services de soins de santé, de logement et à d’autres besoins du même ordre. Nous devons, conformément au modèle social européen, respecter des principes fondamentaux d’égalité des chances, de traitement égal entre les sexes, de non-discrimination et d’équité entre les générations. Les réformes structurelles visant à renforcer le capital humain jouent un rôle important dans l’amélioration des conditions de vie et sont également susceptibles de réduire les inégalités en matière de revenus issus du travail et de richesse.

4.5.

Quelque 44 % des habitants de la zone euro sont endettés, d’une manière ou d’une autre, envers des banques ou des institutions financières. La situation est meilleure qu’aux États-Unis, par exemple, où ce chiffre atteint 75 %, mais, ces dernières années, cette proportion tend à augmenter à un rythme inquiétant (13). La responsabilité du système bancaire est également très importante car il pourrait mener des actions de prévention primaire contre la croissance de l’endettement global de la société. L’adoption d’un comportement responsable devrait être mise au premier plan.

4.6.

La mondialisation accélérée au cours des trois dernières décennies a augmenté la charge fiscale pesant sur le travail et inversé les parts des salaires et du capital dans le produit intérieur brut. Entre 1980 et 2006, la place des salaires dans le PIB a ainsi diminué, en moyenne, de 0,3 % par an dans la plupart des États membres de l’OCDE. Au cours de la même période, celle des bénéfices dans le même PIB est passée d’environ 31 % à 47 % dans l’EU-15 (14). Le CESE estime que les États membres et l’Union européenne devraient de toute urgence mettre en œuvre des politiques pour inverser cette tendance.

4.7.

Le CESE s’inquiète de ce que dans des pays tels que le Royaume-Uni et la France, plus de la moitié de la richesse est constituée de logements. D’une part, cette situation témoigne d’un manque de diversification de la richesse. D’autre part, elle signifie qu’une forte proportion de la population tire sa prospérité de revenus immobiliers. Cette richesse n’est pas réinvestie. Elle est recapitalisée et s’accumule. Cette tendance amène à poser la question du capital, qui croît beaucoup plus rapidement que la valeur ajoutée. Le dernier rapport d’Oxfam (15) révèle que la fortune des huit personnes les plus riches au monde est égale à la richesse détenue par les 50 % les plus pauvres, d’où un profond ressentiment dans l’opinion publique. Le capital a joué un rôle important durant l’ère industrielle, mais s’il devient une fin en soi, il perd tout son sens.

Bruxelles, le 6 décembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Un exemple en est donné par Salverda et al. (2013, tableaux 2.3 et 5.2).

(2)  Thomas Piketty, Le capital au XXIe siècle, Le Seuil, 2013, ISBN 978-2021082289.

(3)  Inégalités économiques, Parlement européen: commission des affaires économiques et monétaires, note d’information, juillet 2016.

(4)  Eurostat, statistiques de l’Union européenne sur le revenu et les conditions de vie (SRCV), 2015.

(5)  OCDE, Statistics Brief, juin 2015, no 21.

(6)  Thomas Piketty, Le capital au XXIe siècle, Le Seuil, 2013, ISBN 978-2021082289.

(7)  D’un point de vue quantitatif.

(8)  Eurosystem Household Finance and Consumption Survey (Enquête Eurosystem sur le patrimoine et la consommation des ménages), 2010.

(9)  Vermeulen 2016 (ECB WP), estimations fondées sur les listes des personnalités les plus riches du monde établies par le magazine Forbes.

(10)  HFCS 2010; Sierminska et Medgyesi 2013; Holzner, Jestl, Leitner 2015.

(11)  Thomas Piketty, Le capital au XXIe siècle, Le Seuil, 2013, ISBN 978-2021082289.

(12)  Rehm, M., Schneebaum, A., Mader, K., Hollan, K., The Gender Wealth Gap Across European Countries («L’inégalité entre les sexes du point de vue de la richesse dans les pays européens»), Université d’économie et des affaires de Vienne, département d’économie, document de travail 232, septembre 2016.

(13)  HFCS 2010; Sierminska et Medgyesi 2013; Holzner, Jestl, Leitner 2015.

(14)  OCDE, Tous concernés: Pourquoi moins d’inégalité profite à tous, Publications de l’OCDE, Paris 2015.

(15)  «Une économie au service des 99 %» (Oxfam, 2017).


Annexe

à l’avis du Comité économique et social européen

L’amendement suivant, bien qu’ayant obtenu plus d’un quart des votes, a été rejeté au cours des débats.

Paragraphe 1.4

Modifier comme suit:

Le CESE estime qu’un système efficace de transferts sociaux et d’aide sociale est indispensable. La redistribution envisagée comme un mécanisme de compensation devrait remédier dans une large mesure aux insuffisances inhérentes au système d’économie de marché. Il y a lieu d’accroître les richesses relevant du bien public (infrastructures sociales, services d’utilité publique, etc.) et de les considérer comme un levier pour lutter contre les inégalités. L’assiette des recettes fiscales devrait être modifiée pour passer d’une imposition du travail à une taxation de la richesse, par l’intermédiaire des droits de succession et des impôts sur les revenus du capital. Les États membres devraient recentrer leurs recettes fiscales, la réduction de la pression fiscale sur le travail.

Exposé des motifs

Compte tenu du principe de subsidiarité et eu égard aux différences existant entre les États membres, aux changements induits par le développement de la société numérique et à la nécessité de garantir un développement durable, il conviendrait de renforcer le rôle des États membres dans le cadre de la transformation des régimes fiscaux. L’accent pourrait être mis sur les taxes environnementales, la taxation des émissions de CO2 ou des types de taxes entièrement nouveaux (taxes sur les machines) plutôt que sur les taxes mentionnées dans ce paragraphe.

Mis au vote, l’amendement a été rejeté par 116 voix contre, 95 voix pour et 24 abstentions.


11.4.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 129/7


Avis du Comité économique et social européen sur «Des systèmes durables de sécurité sociale et de protection sociale à l’ère du numérique»

(avis d’initiative)

(2018/C 129/02)

Rapporteur:

Petru Sorin DANDEA

Décision de l’assemblée plénière

26.1.2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

8.11.2017

Adoption en session plénière

6.12.2017

Session plénière no

530

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

157/3/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La numérisation crée de nouvelles formes d’emploi qui soumettent les systèmes de sécurité sociale à forte pression. Le Comité économique et social européen (CESE) recommande aux États membres, mais aussi aux instances européennes, de réglementer ces nouvelles formes d’emploi, de telle manière que l’on puisse déterminer clairement l’employeur et le travailleur. Sur ce point, le CESE recommande de faire usage de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, laquelle a reconnu un statut de travailleurs à des personnes qui, bien que dépourvues d’un contrat de travail classique, se trouvaient dans une situation où elles exerçaient une activité s’inscrivant dans un rapport de dépendance rémunérée.

1.2.

C’est le contrat de travail individuel qui, bien souvent, forme la base du financement des systèmes actuels de sécurité sociale. Bon nombre des nouvelles formules d’activité économique et d’emploi qui sont apparues du fait de l’essor pris par les nouvelles technologies semblent sortir du cadre du contrat de travail. Le CESE estime qu’il s’agit d’une situation lourde de menaces pour les travailleurs qui exercent leur activité dans ces conditions, car ils ne sont plus protégés par la réglementation relative aux salaires, aux conditions de travail et à la sécurité sociale.

1.3.

Le CESE estime que dans la législation régissant les régimes de retraite, les États membres devraient envisager d’instaurer une disposition qui contraigne à verser une cotisation pour toutes les personnes qui génèrent des revenus de type professionnel. Cette mesure constitue une nécessité impérative, étant donné que dans bien des cas, les travailleurs qui s’inscrivent dans les nouvelles formes de travail dérivant de la numérisation ne sont pas couverts de manière adéquate par les prescriptions de la réglementation des régimes de retraite actuellement en vigueur.

1.4.

Le CESE estime que les États membres devraient envisager d’interconnecter les systèmes électroniques du gestionnaire respectif de leurs régimes nationaux de retraite et de leur dispositif d’assurance maladie avec ceux de leur administration fiscale. Ce faisant, ils seraient en mesure de discerner rapidement les personnes qui, bien que percevant des revenus de nature professionnelle, n’ont jamais bénéficié du statut d’assuré au sein des régimes publics de retraite et d’assurance maladie.

1.5.

Les États membres possèdent également, au titre de leurs systèmes de protection sociale, d’autres droits réglementés qui permettent à leurs bénéficiaires de percevoir des prestations. Y figurent notamment le congé parental, les allocations familiales, celles pour les enfants et celles d’autres types. Bien que ces droits soient souvent de nature non contributive, l’octroi des allocations afférentes s’effectue sur la base de l’habilitation à en bénéficier, laquelle suppose, dans nombre de cas, que leur bénéficiaire potentiel possède le statut de salarié. Le CESE recommande aux États membres de rechercher des solutions pour que les travailleurs qui sont employés selon les nouvelles formes de travail bénéficient de manière adéquate de ces prestations.

1.6.

S’agissant des travailleurs qui sont engagés dans les nouvelles formes de travail propres à l’ère numérique, le CESE estime qu’il serait possible de dégager une solution globale pour les problèmes liés à la reconnaissance de leurs droits touchant à la sécurité sociale en procédant à une réforme générale du mode de financement du système. Il demande aux États membres de chercher des solutions qui permettent de financer les systèmes de sécurité sociale en recourant à des instruments qui en assurent la viabilité tout en répondant à la nécessité d’offrir un accès aux personnes exerçant leur activité dans les nouvelles formes de travail. Il pourrait être envisagé d’utiliser une partie du «dividende de numérisation» pour garantir la viabilité future des régimes de protection sociale et alléger la charge pesant sur le travail.

1.7.

Le CESE estime que dans le cadre des débats lancés par la Commission européenne sur le développement d’un socle européen des droits sociaux, il conviendrait que le champ de ces discussions englobe nécessairement aussi la question de la situation des travailleurs engagés dans les nouvelles formes de travail et, en particulier, du mode de reconnaissance de leur statut, ainsi que la manière de leur garantir un accès adéquat aux systèmes de sécurité sociale et de protection sociale.

2.   Le contexte: le passage au numérique et ses effets sur les systèmes de sécurité sociale et de protection sociale

2.1.

Le passage au numérique induit de profonds changements dans l’économie, les marchés du travail et la société en général, au niveau des pays, des différentes régions du globe et du monde entier. Tout en reconnaissant les avantages évidents qui en découlent, on voit clairement que la numérisation mettra au défi de nombreuses structures au sein de la société et de l’économie et peut avoir des effets négatifs pour certains secteurs s’ils ne s’adaptent pas à ce nouveau contexte. Un des domaines où elle est susceptible d’avoir une incidence dommageable est celui du régime de sécurité sociale.

2.2.

En Europe, les régimes de sécurité sociale, tels que nous les connaissons aujourd’hui, ont été bâtis voici plus d’un siècle. Ils reposent largement sur le lien direct avec le marché de l’emploi et sont financés en grande partie par les cotisations que versent les travailleurs et les employeurs, ainsi que, à des degrés divers, par l’impôt. Dans nombre d’États membres, l’existence d’un contrat de travail individuel qui a été enregistré officiellement constitue la condition essentielle qui détermine la qualité d’assuré d’un salarié pour les trois grands piliers du système de sécurité sociale: l’assurance retraite, l’assurance maladie et l’assurance chômage.

2.3.

Le passage au numérique a produit des changements majeurs sur le marché de l’emploi et continue à le faire. Ces mutations se manifestent par l’hétérogénéité des formes d’emploi qui se distinguent de celle fondée sur un contrat de travail individuel permanent, qui était prédominant dans les relations en matière d’emploi durant les décennies écoulées. En effet, c’est précisément pour contourner les notions classiques de «salarié», «entrepreneur» ou «personne exerçant une activité à son propre compte» que l’on a, dans certains cas, inventé ces nouvelles formes d’emploi, qui se cachent sous des dénominations telles que «contractant indépendant» ou «associé» (1). Dans un tel environnement, il sera nécessaire de procéder à des adaptations dans les régimes de sécurité sociale, afin qu’ils restent durables et bien adaptés sur le long terme.

2.4.

À mesure que les cohortes de salariés de la génération dite du «boom des naissances» quitteront le marché du travail et seront remplacées, dans une certaine mesure, par des travailleurs qui s’inséreront dans les nouvelles formes de travail, comme les contrats zéro heure, à la demande ou de droit civil, les régimes de protection sociale seront mis à rude épreuve et cette pression ne fera que s’aggraver à mesure que le phénomène du vieillissement de la population européenne s’accentuera.

2.5.

Dans ce contexte, il est évident que les régimes de sécurité sociale et de protection sociale devront être adaptés aux changements que la numérisation produit déjà sur le marché de l’emploi. Dans certains États membres, les partenaires sociaux ont lancé le dialogue requis pour discerner les choix politiques et les mesures nécessaires à leur mise en œuvre, afin que le système de protection sociale reste viable et adéquat dans ce nouveau contexte du passage au numérique. De même, il est nécessaire de disposer de lignes directrices pour clarifier les éventuelles zones grises du statut d’emploi des travailleurs en ce qui concerne la fiscalité et la sécurité sociale.

2.6.

Il est possible qu’une part croissante de la population active ne contribue pas aux systèmes de sécurité sociale établis et, par conséquent, n’en bénéficie pas, notamment pour ce qui est des prestations ou assurances en matière de chômage, de santé et de retraite. Cette situation doit être sérieusement examinée par les partenaires sociaux et les gouvernements des États membres mais il convient aussi d’étendre ces discussions au niveau de l’Union européenne et d’y associer les pouvoirs locaux, d’autres acteurs de la société civile, des associations et des prestataires, afin de définir des mesures viables et durables d’ordre politique et législatif et des dispositions complémentaires qui assurent la participation de l’ensemble des actifs, à des échelons appropriés de protection sociale, y compris pour les travailleurs indépendants.

3.   Les politiques en faveur de la durabilité des régimes de sécurité sociale et de protection sociale à l’ère numérique

3.1.

La numérisation a produit des changements majeurs sur le marché de l’emploi et continue à le faire. Il existe aujourd’hui de nombreuses formes d’embauche qui ne rentrent pas dans le cadre de la relation traditionnelle de type employeur-travailleur, telles que celles des travailleurs des plates-formes qui sont souvent considérés comme des indépendants. Ce phénomène soumet les systèmes de sécurité sociale à une forte pression. Le CESE recommande aux États membres de traiter ces phénomènes, et au besoin de les réglementer, lorsqu’ils réforment leur marché du travail et leurs systèmes de sécurité sociale.

3.2.

La législation portant spécifiquement sur le marché du travail qui existe dans une majorité d’États membres pose que la base de la relation d’emploi réside dans le contrat individuel de travail. Bon nombre des nouvelles formules d’emploi qui sont apparues du fait de l’essor pris par les nouvelles technologies ne recourent plus au contrat de travail. Le CESE estime qu’il convient de clarifier la situation de ces travailleurs, de manière à pouvoir leur garantir une couverture adéquate conforme aux principes fondamentaux des systèmes nationaux en matière de marché du travail et de sécurité sociale. En cas de perte de leur emploi, ces travailleurs rejoindraient directement la catégorie des personnes démunies, étant donné qu’ils ne bénéficient pas de la protection d’un système de sécurité sociale.

3.3.

Les régimes publics de retraite des États membres sont fondés sur le principe de la solidarité intergénérationnelle. Toutefois, le montant de la pension basée sur la carrière est généralement calculé en fonction de la valeur des cotisations versées par le salarié et l’employeur sur toute la durée de sa vie active. Il en résulte que les travailleurs qui ont exercé des activités atypiques, non adossées à un contrat de travail classique, connaîtront dans de nombreux cas des difficultés à accumuler des droits à pension adéquats pour les périodes concernées. Dès lors que durant des laps de temps étendus, ils n’ont pas bénéficié d’un contrat de travail, la pension de retraite qu’ils vont percevoir sera d’un niveau extrêmement réduit, d’où le risque qu’ils se retrouvent sous le seuil de pauvreté. Le CESE estime que dans la législation régissant les régimes de retraite, les États membres devraient instaurer une disposition qui contraigne à verser une cotisation pour toutes les personnes qui génèrent des revenus de type professionnel.

3.4.

Dans le cadre de la législation sur les retraites, une majorité d’États membres prévoient que les travailleurs indépendants sont tenus au versement des cotisations de pension. C’est le droit fiscal ou celui du travail qui régissent les définitions respectives de l’activité indépendante et salariée. Dans bien des cas, cependant, les autorités peinent à cerner quelle est la nature de l’activité concernée, en particulier lorsque des travailleurs sont engagés dans de nouvelles formes de travail. Le CESE recommande aux États membres de clarifier leur législation, là où il y a lieu, afin de faciliter l’identification des formes d’activité salariée. Ainsi, il sera plus aisé de repérer les travailleurs qui exercent leur activité en ligne ou pratiquent de nouvelles formes de travail et les États membres auront la possibilité de mieux protéger la constitution de leurs droits à pension.

3.5.

Afin qu’il soit possible de recenser plus facilement les travailleurs qui, parce qu’ils se sont trouvé exercer une nouvelle forme de travail à un moment donné, ne disposent pas du statut d’assuré dans le régime public de retraite, le CESE estime que les États membres devraient envisager d’interconnecter les systèmes électroniques du gestionnaire de leur dispositif national de retraite et de leur administration fiscale. Ce faisant, ils seraient en mesure de discerner rapidement les personnes qui, bien que percevant des revenus de nature professionnelle, n’ont jamais bénéficié du statut d’assuré au sein du régime public de retraite. Ils pourraient ainsi les intégrer rapidement parmi les personnes assurées.

3.6.

En ce qui concerne l’assurance chômage, le CESE recommande d’analyser plus en détail notamment l’actuelle proposition de création d’une assurance au niveau de l’Union européenne (2), si ce régime d’assurance était financé au moyen de contributions versées par toutes les entreprises de l’Union européenne. En outre, il conviendrait également d’examiner la possibilité d’intégrer des normes européennes minimales dans les régimes nationaux d’assurance chômage, afin de s’assurer entre autres que toute personne à la recherche d’un emploi puisse bénéficier d’un soutien financier, y compris celles qui ont exercé leur activité dans les nouvelles formules d’emploi.

3.7.

Les régimes nationaux d’assurance maladie de l’Union européenne sont des systèmes qui assurent une couverture quasi universelle. Souvent, les travailleurs indépendants sont légalement tenus de cotiser à ce régime public d’assurance maladie et reçoivent en conséquence la qualité d’assuré ou de bénéficiaire. Néanmoins, dans le cas de certains des travailleurs qui exercent leur activité dans une des nouvelles formes de travail et ne déclarent pas formellement de revenus de nature professionnelle, le risque existe de ne pas bénéficier de la qualité d’assuré au titre du régime public d’assurance maladie. Le CESE recommande aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les personnes se trouvant dans cette situation bénéficient d’une couverture.

3.8.

Parallèlement aux droits de sécurité sociale qui reposent sur le versement de cotisations par le salarié et son employeur, certains États membres possèdent également, au titre de leurs systèmes de protection sociale, d’autres droits réglementés qui permettent à leurs bénéficiaires de percevoir des prestations. Y figurent notamment le congé parental, les allocations familiales, celles pour les enfants et celles d’autres types. Bien que ces droits soient de nature non contributive, l’octroi des allocations afférentes s’effectue sur la base de l’habilitation à en bénéficier, laquelle suppose, dans certains États membres et dans certains cas, que leur bénéficiaire potentiel possède le statut de salarié. Cet état de chose exclut de facto les travailleurs exerçant leurs activités dans les nouvelles formes de travail, qui ne peuvent obtenir le bénéfice de tels droits.

3.9.

Le CESE estime que les institutions européennes et les États membres devraient déployer des efforts afin de dégager des solutions pour la reconnaissance du statut de travailleurs en faveur des personnes qui exercent des activités de nature professionnelle dans le cadre des nouveaux métiers propres aux technologies numériques. Sur ce point, le CESE recommande de faire usage de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, laquelle a reconnu un statut de travailleurs à des personnes qui, bien que dépourvues d’un contrat de travail classique, se trouvaient dans une situation où elles exerçaient une activité s’inscrivant dans un rapport de dépendance rémunérée. Octroyer aux intéressés le statut de travailleur pourrait résoudre le problème de leur donner accès aux prestations du régime de sécurité sociale et de protection sociale au même titre que les salariés classiques.

3.10.

Le CESE s’est félicité que la Commission européenne ait lancé le débat sur l’élaboration du socle européen des droits sociaux. Il conviendrait que le champ de ces discussions englobe nécessairement aussi la situation des travailleurs engagés dans les nouvelles formes de travail et, en particulier, le mode de reconnaissance de leur statut, ainsi que la manière de leur assurer l’accès aux prestations appropriées au titre des systèmes de sécurité sociale et de protection sociale.

3.11.

Le CESE recommande aux États membres de mettre sur pied des plates-formes qui incluront les partenaires sociaux et les organisations de la société civile et formuleront des propositions pour adapter le marché du travail au contexte de la numérisation. Le CESE considère qu’afin de répondre aux défis posés par l’ère numérique, le marché du travail doit s’adapter aux réalités nouvelles, en assurant la libre circulation de la main-d’œuvre tout en garantissant par ailleurs que les travailleurs soient couverts par les régimes de sécurité sociale et les réglementations relatives aux conditions de travail.

3.12.

Eu égard à la complexité de la situation dans laquelle se trouvent les travailleurs qui sont engagés dans les nouvelles formes de travail propres à l’ère numérique, le CESE estime qu’il serait possible de dégager une solution globale pour les problèmes liés à la reconnaissance des droits touchant à la sécurité sociale en procédant à une réforme générale du mode de financement du système. En conséquence, il demande aux États membres de chercher des solutions qui permettent de financer les systèmes de sécurité sociale en recourant à des instruments qui en assurent la viabilité tout en répondant à la nécessité d’offrir un accès aux personnes exerçant leur activité dans les nouvelles formes de travail. Il pourrait être envisagé d’utiliser une partie du «dividende de numérisation» pour garantir la viabilité future des régimes de protection sociale et alléger la charge pesant sur le travail.

Bruxelles, le 6 décembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  «L’avenir du travail que nous voulons», conférence de l’Organisation internationale du travail et du CESE sur l’avenir du travail, Bruxelles, 15 et 16 novembre 2016.

(2)  JO C 230 du 14.7.2015, p. 24.


11.4.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 129/11


Avis du Comité économique et social européen sur «Coopération avec la société civile en vue de prévenir la radicalisation des jeunes»

(avis d’initiative)

(2018/C 129/03)

Rapporteur: Christian MOOS

Consultation

27.4.2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

8.11.2017

Adoption en session plénière

6.12.2017

Session plénière no

530

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

138/0/12

1.   Conclusions

1.1.

Prévenir la radicalisation des jeunes est un processus qui suppose un engagement à long terme de la part de différents acteurs et dans lequel les organisations de la société civile jouent un rôle majeur. La société civile permet en effet à la société de déployer sa capacité de résilience face à la radicalisation en se fondant sur des valeurs.

1.2.

Les États membres et les institutions de l’Union européenne doivent davantage prendre conscience du rôle que jouent les acteurs de la société civile en tant que partenaires dans la lutte contre l’extrémisme violent au lieu de les utiliser comme un outil dans ce contexte. S’il existe déjà de bonnes pratiques, des programmes et d’autres initiatives dans tous les domaines de la prévention de la radicalisation, ils ne bénéficient cependant pas d’un soutien suffisant et durable à long terme, et ils sont à la merci des coupes budgétaires.

1.3.

Le Comité économique et social européen (CESE) est favorable à l’adoption d’une approche multi-acteurs de la prévention de la radicalisation, qui passe par un renforcement significatif des capacités dans tous les secteurs concernés. Cette approche met en relation des décideurs politiques, des organes étatiques tels que les autorités répressives et pénitentiaires, les travailleurs sociaux (notamment les animateurs socio-éducatifs), le monde universitaire et les médias, les entrepreneurs et le secteur privé, ainsi que des représentants de la société civile organisée, notamment les organisations représentant les familles et les partenaires sociaux, et en accordant une attention toute particulière aux organisations de jeunesse.

1.4.

Il convient de renforcer le soutien apporté aux organisations de la société civile aux niveaux national et européen, d’augmenter de manière durable et dans le long terme les ressources budgétaires en la matière, ainsi que d’assurer une coordination, une mise en réseau et une mise en œuvre des politiques à l’échelon européen. La stratégie de l’Union européenne visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes doit dès lors associer et soutenir encore davantage les acteurs de la société civile, dans la mesure où les responsables politiques et la société elle-même portent une responsabilité commune pour combattre la radicalisation. Le programme visant à renforcer les moyens d’action de la société civile lancé dans le cadre du forum de l’Union européenne sur l’internet pourrait constituer une initiative incitative dans ce contexte (1).

1.5.

Les organisations de la société civile et de partenaires sociaux doivent être plus étroitement associées au Réseau européen de sensibilisation à la radicalisation (RSR) (2). Les États membres devraient faire montre de davantage de volontarisme dans leur action visant à encourager la mise en place de structures similaires au RSR au niveau régional ou local.

1.6.

Si le RSR et les instruments mis à disposition par la Commission vont dans le bon sens, il convient toutefois de les orienter davantage sur les structures locales de la société civile ainsi que de les doter d’effectifs et de ressources supplémentaires afin de pouvoir réunir de manière efficace des spécialistes du secteur public et de la société civile organisée.

1.7.

Il convient que les États membres tirent pleinement parti des instruments et programmes de prévention de la radicalisation mis à disposition par l’Union, y compris le Réseau européen des communications stratégiques (ESCN) — un réseau collaboratif réunissant vingt-six États membres partageant analyses, bonnes pratiques et réflexions sur l’utilisation des communications stratégiques pour lutter contre l’extrémisme violent (3).

1.8.

Les syndicats ont un rôle important à jouer en ce qu’ils représentent les travailleurs dans tous les secteurs publics concernés. Il convient de former plus particulièrement le personnel de première ligne en matière de prévention de la radicalisation, en étroite coopération avec des organisations spécialisées de la société civile.

1.9.

Le CESE se félicite de la création du groupe d’experts à haut niveau de la Commission qui va aider cette dernière à renforcer sa réponse à la radicalisation et à l’extrémisme violent au moyen d’une meilleure coordination politique et de la participation de tous les acteurs concernés, et notamment de la société civile.

1.10.

Le personnel des services publics, par exemple celui des écoles, mais aussi les familles, doivent avoir accès à des conseils spécifiques, à des services et à des réseaux de soutien qui les aident à déceler les signes de radicalisation tout en évitant toute forme de discrimination.

1.11.

Le CESE souligne l’importance d’une éducation inclusive formelle et non formelle, qui est absolument essentielle pour une participation active à une société diverse, pour l’apprentissage de l’esprit critique et l’éducation aux médias, ainsi que pour permettre à la société de devenir plus résiliente face aux tendances antidémocratiques, xénophobes et populistes qui, dans certaines circonstances, étendent leur influence sur un discours politique ordinaire qui tend lui-même à s’adapter aux sentiments et aux opinions xénophobes.

1.12.

Dans le cadre des actions visant à prévenir la radicalisation des jeunes, il est nécessaire d’accorder une attention particulière au travail socio-éducatif réalisé par la société civile et aux organisations de jeunes qui proposent d’autres structures et possibilités d’identification, ainsi qu’un espace sûr dédié au dialogue — y compris l’écoute active — et à l’expression personnelle, et d’investir dans ces différents domaines.

1.13.

D’une manière générale, il faut également considérer comme des mesures de prévention de la radicalisation, les investissements visant à lutter contre le chômage des jeunes et les emplois précaires, dont les niveaux sont très élevés dans de nombreux États membres de l’Union. En outre, le CESE demande qu’un degré supérieur de priorité soit reconnu à l’augmentation des investissements destinés à la lutte contre la pauvreté ainsi qu’à l’intégration des jeunes à la société, au système éducatif et au marché du travail.

1.14.

Le CESE met l’accent sur le rôle essentiel que jouent les communautés religieuses dans la prévention du radicalisme et sur la responsabilité sociale qu’elles portent à cet égard, et plaide pour un engagement plus stratégique en faveur de la défense des règles et valeurs de la démocratie libérale et de la promotion du dialogue interculturel fondé sur les valeurs, de la paix et de la non-violence.

1.15.

La mise en place de partenariats actifs avec le monde de l’entreprise peut contribuer à prévenir la radicalisation. Il convient en outre d’associer les entreprises de médias sociaux à la lutte contre les discours de haine, les faits alternatifs et les discours extrémistes véhiculés sur leurs plateformes.

1.16.

L’Union européenne devrait manifester son intérêt particulier pour la prévention de la radicalisation et coopérer plus étroitement avec les organisations de la société civile dans les pays tiers.

1.17.

Il importe de tarir les flux financiers qui soutiennent les structures extrémistes présentes au sein de l’Union ou issues de pays tiers qui contrecarrent les efforts déployés par les pouvoirs publics et la société civile pour prévenir la radicalisation.

2.   Contexte

2.1.

Le présent avis se propose de concevoir des mesures efficaces qui s’inscrivent dans long terme, et qui soient susceptibles d’être prises suffisamment en amont pour prévenir la radicalisation des jeunes. Dans le cadre de celui-ci, le terme de radicalisation est entendu comme un processus par lequel des individus ou des groupes évoluent vers l’extrémisme (4) en allant jusqu’à utiliser, promouvoir ou défendre la violence pour parvenir à leurs fins. La radicalisation conduisant à l’extrémisme violent est un processus spécifique qu’il convient de ne pas confondre avec le radicalisme politique, avec des idées ou des actions radicales non violentes, ou encore avec une opposition démocratique légitime. La radicalisation est indissociablement liée à l’extrémisme violent, tel que ce phénomène est décrit dans la résolution du Parlement européen de 2015, et elle peut surgir dans des contextes sociétaux différents. L’avis insiste sur l’importance des activités déployées dans des projets de la société civile et dans le cadre de coopérations entre des organismes publics, les partenaires sociaux et autres acteurs de la société civile, et il plaide pour la poursuite des travaux visant à l’élaboration d’un concept propre à l’Union européenne cohérent, prévoyant une intervention européenne durable et efficace en matière de soutien, de financement et de coordination.

2.2.

Le CESE tient à souligner la nécessité de s’employer à établir des définitions et des conceptions communes aussi bien entre les États membres de l’Union européenne qu’au sein de l’Université afin d’appréhender des phénomènes tels que la radicalisation, l’action violente ou antidémocratique, ou encore le terrorisme, ainsi qu’à mettre en lumière les liens existants entre ces notions. Par conséquent, le CESE entend poursuivre, avec la perspective singulière de la société civile qui est la sienne, son exploration de ces différents sujets afin de porter sur eux un nouvel éclairage.

2.3.

Si l’extrémisme violent motivé par des idéologies radicales a de nombreux visages, beaucoup d’entre eux sont jeunes. Le recrutement s’opère souvent auprès de jeunes eux-mêmes issus de milieux socio-économiques très divers et bénéficiant de niveaux d’instruction très variés. Le phénomène touche de plus en plus souvent des jeunes femmes.

2.4.

Les jeunes qui sont vulnérables à une radicalisation susceptible de conduire à l’extrémisme violent ont souvent le sentiment d’être exclus et marginalisés par la société, ou sont désorientés par des questions identitaires et par le changement. Les idéologies radicales prétendent souvent donner à ces jeunes une orientation, un sens et un soutien dans leur vie quotidienne, compensant ainsi des sentiments d’infériorité causés par diverses raisons. La société civile peut jouer un rôle majeur à cet égard, en proposant d’autres voies et, plus généralement, en contribuant au déploiement d’une résilience sociale durable et fondée sur des valeurs qui vienne s’opposer à la radicalisation.

2.5.

Le processus de radicalisation peut se dérouler très rapidement, souvent en l’espace de quelques semaines ou de quelques mois. Les médias sociaux jouent un rôle important dans la mesure où ils offrent des plateformes anonymes qui permettent des recrutements rapides et la diffusion de la propagande.

3.   Observations générales

3.1.

La sécurité intérieure des États membres relève au premier chef de leur propre compétence. Toutefois, une coordination confuse au niveau interinstitutionnel et l’absence d’approche globale compliquent la coordination et la mise en œuvre des mesures appropriées au niveau européen. Cette situation est de plus en plus problématique, étant donné que le terrorisme et la radicalisation sont par nature des phénomènes transnationaux qui requièrent de renforcer la coordination, la mise en réseau et l’exécution des politiques au niveau européen.

3.2.

Depuis 2005, toutes les initiatives européennes de lutte contre la radicalisation sont mises en œuvre conformément à la stratégie de l’Union européenne visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes, qui a été mise à jour en 2008 et, plus récemment, en 2014. La stratégie européenne se traduit également dans deux communications, l’une de 2014 (5), et l’autre de 2016 (6), ainsi que dans plusieurs conclusions du Conseil (7), dans le rapport du Parlement européen de 2015, et enfin dans l’avis du Comité européen des régions de 2016 (8). La stratégie de l’Union européenne doit davantage s’attacher à associer les acteurs de la société civile et à les soutenir. Les décideurs politiques et la société ont, ensemble, le devoir de répondre à l’insatisfaction que les valeurs du système démocratique et libéral inspirent aux jeunes et de lutter contre leur radicalisation.

3.3.

La Commission européenne a le mérite d’avoir pris conscience, à un stade très précoce, de l’importance d’une approche globale en matière de prévention de la radicalisation. Elle a exprimé son soutien à l’échange d’expériences et de bonnes pratiques au niveau européen au moyen du RSR. Dans le cadre du programme européen en matière de sécurité du 28 avril 2015 (9), la Commission prévoyait de créer un centre d’excellence du RSR, lequel a été mis en place le 1er octobre 2015. Il convient à cet égard de mentionner tout particulièrement le forum de l’Union sur l’internet, lancé le 3 décembre 2015. La version révisée des lignes directrices relatives à la stratégie de l’Union européenne visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes du 24 mai 2017 (10) prend notamment davantage en compte les enseignements et recommandations du RSR, et vise dès lors à associer plus étroitement la société civile à une approche multi-acteurs.

3.4.

Dans sa communication intitulée «Prévenir la radicalisation conduisant au terrorisme et à l’extrémisme violent: renforcer l’action de l’Union européenne» (11), la Commission européenne a annoncé son intention de soumettre une recommandation du Conseil visant à promouvoir l’inclusion sociale. Le CESE soutien ces plans et encourage la Commission européenne à préparer une proposition en la matière et à la présenter très prochainement.

3.5.

Dans l’optique de renforcer ses actions visant à prévenir et à combattre la radicalisation conduisant à l’extrémisme violent et au terrorisme, ainsi qu’à améliorer la coordination et la coopération de tous les acteurs concernés, la Commission a établi un groupe d’experts à haut niveau consacré à la prévention et à la lutte contre la radicalisation (groupe d’experts à haut niveau de la Commission sur la radicalisation). Le groupe exercera une fonction de conseil sur les développements ultérieurs des politiques européennes dans le domaine de la prévention de la radicalisation pouvant conduire à l’extrémisme violent et au terrorisme, ainsi que sur l’amélioration future des structures de coopération entre les différents acteurs concernés, notamment les professionnels et les États membres.

3.6.

Le CESE considère néanmoins que les mesures prises par l’Union et ses États membres pour prévenir la radicalisation, de même que leur mise en œuvre, restent insuffisantes. Bon nombre des politiques actuelles de l’Union européenne insistent beaucoup trop sur le rôle que jouent les organisations de la société civile en tant qu’outil de lutte contre l’extrémisme violent (par exemple pour élaborer des contre-discours en ligne), plutôt que sur leur rôle de partenaires. Le CESE estime en outre que ces mesures sont essentiellement motivées par des situations de crise comme les attentats terroristes perpétrés ces dernières années, de sorte qu’elles semblent surtout axées sur le terrorisme islamiste ainsi que sur une politique de sécurité répressive et à court terme (12), alors qu’en réalité, la menace extrémiste est plus diverse, qu’elle repose sur des justifications religieuses abusives ou émane de groupes politiques extrémistes. Il convient dès lors plutôt d’investir dans des efforts de prévention durables et à long terme. Dans son avis de 2011 sur «La politique antiterroriste de l’Union européenne» (13) et le programme de l’Union européenne à l’horizon 2030 (14), le CESE avait déjà mis l’accent sur la nécessité de renforcer la participation de la société civile et des acteurs locaux, et de leur apporter un soutien institutionnel accru (15) compte tenu du rôle majeur qu’ils jouent pour développer la confiance, l’engagement social et l’inclusion démocratique aux niveaux local, régional et national.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE est extrêmement favorable à l’adoption d’une approche pluridisciplinaire de la prévention de la radicalisation. Cette dernière passe par un renforcement significatif des capacités dans tous les secteurs concernés. Ainsi, l’approche multi-acteurs fait intervenir des responsables politiques, des organes étatiques tels que les autorités répressives et pénitentiaires, les travailleurs sociaux, le monde universitaire et les médias, ainsi que des représentants de la société civile organisée et des organisations de partenaires sociaux du domaine concerné comme les syndicats des services de police, des services pénitentiaires et des enseignants.

4.2.

Le CESE souligne le rôle de la société civile dans la lutte contre la radicalisation et fait observer que l’ensemble de sa contribution ne saurait se limiter à de strictes considérations de politique de sécurité. Le présent avis énumère un certain nombre d’exemples d’activités et de projets de la société civile qui contribuent à l’amélioration de la durabilité et de l’inclusion sociales. Ce domaine figure au nombre de ceux où la contribution de la société civile est fondamentale et va bien au-delà de toutes les mesures qui puissent se concevoir en matière de politique de sécurité.

4.3.

Le CESE salue dès lors le réseau de responsables nationaux des politiques de prévention, créé par la Commission en février 2017, dont l’objectif est de renforcer l’échange d’expertise et d’expériences dans les États membres, et d’associer plus étroitement ceux-ci aux activités du RSR. Le groupe d’experts à haut niveau de la Commission sur la radicalisation nouvellement créé constitue une avancée qui va dans le sens d’un approfondissement de cet échange entre les acteurs concernés.

4.4.

Il convient que les États membres utilisent pleinement les instruments et programmes de prévention de la radicalisation mis à disposition par l’Union européenne, et que, par ailleurs, ils dégagent eux-mêmes des moyens budgétaires adéquats, lesquels font défaut presque partout. La prévention de la radicalisation est une démarche qui prend du temps si l’on veut que ses résultats s’inscrivent dans le long terme.

4.5.

Les syndicats jouent un rôle particulièrement important en ce qu’ils représentent, entre autres, le personnel se trouvant sur le terrain dans l’ensemble des secteurs concernés, et ils sont à même de proposer des formations et un certain nombre de services à leurs membres. Le CESE demande dès lors que les services publics et les travailleurs sociaux soient dotés des effectifs et des ressources adéquats à tous les niveaux, en particulier à l’échelon local. À titre d’exemple, accroître la présence policière sur les lieux exposés à la criminalité peut empêcher l’émergence de zones de non-droit qui sont le théâtre d’une grande violence.

4.6.

Une éducation formelle et informelle ouverte à tous est essentielle pour prendre activement part à la vie de la société. Elle peut consolider des modèles de société tolérants et pluralistes en favorisant la sensibilisation à des valeurs de liberté et d’humanisme ainsi qu’aux règles de la démocratie et de l’état de droit. L’école, la formation générale et professionnelle ainsi que les offres d’animation socio-éducative sont des éléments clés pour prévenir la radicalisation à un stade précoce lorsqu’ils permettent de développer l’esprit critique et l’éducation aux médias (16), et favorisent l’intégration sociale en lien avec des marchés du travail fonctionnant de façon satisfaisante en ce qu’ils offrent de bonnes perspectives d’avenir, en particulier aux jeunes. Si des systèmes d’éducation et de formation performants ne peuvent, à eux seuls, éliminer la radicalisation, ils renforcent toutefois la résilience face à celle-ci.

4.7.

Il y a lieu d’intensifier l’effort d’éducation également au-delà de l’enseignement public et d’encourager encore davantage les initiatives de la société civile dans ce domaine afin de susciter une prise de conscience interculturelle et, dans le même temps, un engagement clair en faveur de la liberté, de la démocratie libérale et de l’état de droit. La sensibilisation à des cultures et des régions du monde différentes, en particulier dans le contexte de la crise migratoire, mais aussi la transmission des valeurs non négociables de nos sociétés, telles que le rôle des femmes et des hommes, qui sont fondées sur l’égalité des droits et des chances, sont autant d’éléments susceptibles de contribuer activement à la prévention.

4.8.

Plus particulièrement, il s’agit d’investir davantage dans le travail de la société civile avec les jeunes et les organisations de jeunesse qui proposent des activités culturelles, sportives et autres loisirs, afin d’offrir des structures d’identification et des possibilités différentes, ainsi que des espaces sûrs dans lesquels le dialogue et l’expression personnelle peuvent se déployer.

4.9.

Comme le CESE a déjà eu l’occasion de le souligner (17), outre le secteur de l’enseignement public, la société civile organisée contribue de façon non négligeable à élaborer des propositions et des discours alternatifs de grande qualité pour contrer les «propositions» de groupes radicaux. Les communautés religieuses ainsi que, plus particulièrement, les témoins, victimes et survivants issus de régions en conflits ou les personnes qui se sont désengagées de la radicalisation peuvent apporter une contribution précieuse en jouant le rôle de modèles. C’est précisément parce qu’ils ont un rôle clé à jouer dans la prévention de la radicalisation, qu’il convient de renforcer sensiblement l’aide, le soutien et le financement à long terme accordés aux systèmes d’éducation, à la société civile et aux collectivités territoriales.

5.   Recommandations spécifiques

5.1.

Le CESE est plus particulièrement favorable à l’initiative consistant à promouvoir le dialogue avec les décideurs politiques aux échelons européen et national, et demande que soit institutionnalisé un échange régulier à tous les niveaux qui permette au RSR de formuler des recommandations en vue d’actions concrètes à l’intention des États membres et des institutions européennes. De plus, une diffusion plus systématique de ses recommandations et résultats pourrait maximiser ses effets à tous les niveaux. Le groupe d’experts à haut niveau sur la radicalisation avancera des recommandations en la matière.

5.2.

À cet égard, le CESE salue l’idée d’élaborer, dans les différents États membres, des tableaux d’ensemble des programmes de prévention et de désengagement existants, qui soient également disponibles au niveau de l’Union européenne, par exemple par l’intermédiaire du RSR, dans le but d’améliorer le dialogue entre les organes étatiques et les acteurs de la société civile, de créer des synergies et d’éviter que certains programmes ne fassent double emploi. Il convient d’améliorer sensiblement les informations disponibles concernant ces initiatives dans l’ensemble de l’Union.

5.3.

Les organisations de la société civile et de partenaires sociaux intéressées ou d’ores et déjà actives dans le domaine de la prévention de la radicalisation devraient être plus étroitement associées au RSR. Par conséquent, les États membres doivent continuer à encourager la mise en place de structures similaires au RSR au niveau régional ou local.

5.4.

Les acteurs de la société civile et les organes étatiques, les associations — et notamment les clubs sportifs et les organisations qui représentent les familles —, les établissements scolaires, les organisations et les activités en faveur de la jeunesse, les communautés religieuses, les services sociaux et les services de police doivent coopérer dans le cadre d’une approche interdisciplinaire conjointe, afin que les stratégies de prévention de la radicalisation puissent être mises en place suffisamment tôt. Le personnel qui se trouve en première ligne, dans tous les secteurs concernés, doit dès lors être formé en matière de prévention de la radicalisation, en étroite coopération avec des structures spécialisées de la société civile. De plus, ce personnel doit avoir accès à des organismes de conseil et des réseaux qui puissent l’aider à déceler les signes de radicalisation tout en évitant toute forme de discrimination.

5.5.

Les collectivités locales et leurs administrations jouent un rôle particulièrement important en matière de prévention, dans la mesure où elles peuvent rassembler tous les acteurs présents sur le terrain. Il y a lieu de renforcer les mécanismes de financement existant au niveau de l’Union européenne et au niveau national, de les rendre plus accessibles en réduisant les obstacles bureaucratiques et de les compléter par d’importants financements qui s’inscrivent dans la durée.

5.6.

Le CESE est favorable à un accroissement des investissements dans le domaine de l’éducation, de la formation, de l’animation socio-éducative et des équipements de loisir qui favorisent l’intégration et les valeurs démocratiques partagées dans l’ensemble de l’Union européenne.

5.7.

Les États membres sont loin d’investir suffisamment pour fournir d’excellentes perspectives aux jeunes et, partant, lutter contre la radicalisation, que la marginalisation sociale et le manque de perspectives — causés, par exemple, par une exclusion du système éducatif — peuvent alimenter. D’une manière générale, il faut également considérer, comme mesure de prévention de la radicalisation, la lutte contre le chômage des jeunes et les emplois précaires, dont les niveaux sont très élevés dans de nombreux États membres de l’Union européenne.

5.8.

Des thèmes tels que l’identité, les conflits de rôles liés au sexe ou à la culture, les risques de conflit socioéconomique, l’immigration et la discrimination, l’exclusion sociale et le harcèlement, qui peuvent être instrumentalisés par la propagande et les groupes extrémistes, doivent bénéficier d’une place plus importante dans les programmes scolaires ainsi que dans la formation du personnel spécialisé des pouvoirs publics, par exemple des autorités répressives et des établissements pénitentiaires. Toutefois, des matières scolaires essentielles, telles que l’éducation civique, demeurent insuffisamment prises en compte dans les programmes d’éducation de nombreux États membres. Il reste vital de développer des compétences médiatiques en ce qui concerne l’usage de l’internet et des médias sociaux et ce au profit aussi bien des jeunes que des parents ou des enseignants.

5.9.

Les jeunes touchés par la pauvreté ou le chômage ne sont pas les seuls à être vulnérables à la radicalisation: les privations matérielles et le manque de perspectives et de participation active peuvent mener à l’exclusion sociale qui est à son tour susceptible de laisser le champ libre aux recruteurs radicaux. Outre le renforcement des investissements dans la lutte contre la pauvreté, le CESE (18) préconise d’accorder une priorité accrue à l’intégration des jeunes dans la société, les systèmes d’éducation et le marché du travail. Le CESE réitère son appel en faveur de systèmes d’intégration solides dans les États membres, qui permettent l’accès au marché du travail, la reconnaissance des qualifications et la formation professionnelle et linguistique en tant qu’outils d’intégration, et qui rejettent toute forme de discrimination ethnique ou religieuse (19).

5.10.

Il est très important de prodiguer une aide et des conseils pratiques aux familles des jeunes qui sont engagés dans un processus de radicalisation. De la même manière, il convient de mettre des interlocuteurs et un réseau de contacts compétents à la disposition des familles qui constatent, chez les jeunes de leur entourage, des changements susceptibles d’annoncer une radicalisation. Compte tenu de leur accessibilité, les organisations et initiatives de la société civile doivent bénéficier d’un soutien dans le cadre de l’élaboration de programmes de dialogue et d’échange de connaissances avec des jeunes marginalisés et leur famille.

5.11.

Les programmes de lutte contre la violence domestique contribuent à prévenir la radicalisation; là où elle est vécue, cette violence est en effet susceptible de fausser les modèles et la compréhension des rôles et favorise souvent la criminalité. Ces programmes doivent eux aussi faire l’objet d’un soutien institutionnel et financier accru.

5.12.

La mise en place de partenariats actifs avec le monde des entreprises peut contribuer à la prévention. Cela vaut en particulier pour le secteur des technologies de l’information et de la communication. Des outils innovants, que proposent également l’internet et les médias sociaux, peuvent jouer un rôle positif en diffusant des contre-discours dans le cadre d’offres à coût réduit ou, dans l’idéal, gratuites. Les entreprises peuvent mettre des compétences professionnelles en matière de communication et de médias à la disposition d’organisations et de professionnels de la société civile et soutenir le développement de campagnes publicitaires ciblées.

5.13.

Dans le même temps, il faut associer les fournisseurs de contenus en ligne à la lutte contre les discours haineux, les faits alternatifs et les discours extrémistes dans leurs médias, et les obliger à bannir les contenus illégaux et extrémistes de leurs sites. Toutefois, la surveillance des moyens de communication ne devrait pas se transformer en un instrument qui s’immisce dans la vie privée des citoyens (20).

5.14.

À cet égard, les États membres sont invités à stimuler les compétences des acteurs de la société civile en matière de communication et de médias, afin de pouvoir élaborer des mesures appropriées pour bloquer la diffusion de contenus radicaux incitant à la violence et les mettre également à la disposition d’autres experts et d’autres projets. L’une des manières d’atteindre cet objectif consisterait à faire en sorte que les États membres contribuent sur une base durable au programme d’autonomisation de la société civile.

5.15.

Le CESE plaide en faveur d’un renforcement du soutien à la recherche, ce que l’Union européenne fait déjà grâce à ses programmes de prévention de la radicalisation, par exemple dans le cadre du centre d’excellence du RSR, et en faveur de l’instauration de liens plus étroits entre le monde scientifique et les experts de la société civile dans ce domaine.

5.16.

C’est très souvent en milieu carcéral fermé que la radicalisation s’opère. L’environnement carcéral concentre un certain nombre de facteurs de risque parmi lesquels la concentration de personnes, les situations individuelles d’exclusion, le temps vacant excessif, etc. Une intervention volontariste s’impose pour favoriser l’instauration d’une formation professionnelle appropriée des personnels pénitentiaires et pour déceler les situations à risque. Il convient de recenser les expériences positives dans ce domaine ainsi que les mécanismes permettant de prévenir au mieux l’apparition de telles situations. Pour être à la hauteur de cette ambition, les prisons doivent être d’une taille raisonnable et dotées d’un personnel qualifié. Le rapport entre agents pénitentiaires et détenus doit être numériquement équilibré pour contribuer positivement à la réinsertion. Le rôle des syndicats dans ce secteur pourrait être accru, par exemple en organisant des formations et des actions de diffusion des enseignements de l’expérience par l’intermédiaire du RSR.

5.17.

Les agents publics qui travaillent dans les services de sécurité, les établissements pénitentiaires, le secteur social, l’enseignement et autres institutions publiques pertinentes qui ont de nombreux liens avec la société civile organisée doivent être mieux formés et sensibilisés à la prévention qu’ils ne le sont actuellement et ce, dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire qui va au-delà de l’aspect répressif. À cette fin, l’on peut mettre une expertise et des moyens à disposition au niveau européen et promouvoir de manière ciblée la coopération avec la société civile.

5.18.

Il convient de renforcer la coopération entre organisations gouvernementales et non gouvernementales en matière de réintégration des anciens détenus, afin de les réinsérer convenablement dans la société. Un grand nombre de jeunes gens radicalisés ont en commun un passé criminel.

5.19.

L’intégration des anciens détenus sur le marché du travail est difficile en raison de la stigmatisation dont ils font rapidement l’objet du fait de leur séjour en prison. Elle constitue toutefois une étape importante pour prévenir la radicalisation. À cet égard, les partenaires sociaux, en l’occurrence surtout les employeurs, sont invités à apporter leur contribution en donnant aux intéressés une seconde chance — qui est en réalité souvent leur première chance.

5.20.

L’Union européenne devrait exprimer avec force son intérêt pour la prévention de la radicalisation et coopérer plus étroitement avec les organisations de la société civile dans les pays tiers où le risque de radicalisation est élevé, et qui sont, ou risquent de devenir, des foyers de radicalisation.

5.21.

Plus particulièrement, l’action extérieure de l’Union européenne en matière de lutte contre le terrorisme et de résilience des sociétés et des États, telle qu’elle est présentée dans la stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne, met l’accent sur la nécessité d’encourager le dialogue interculturel et interreligieux en élargissant les partenariats avec la société civile, les organisations sociales, les communautés religieuses et le secteur privé dans ces pays. Le risque est élevé de voir les efforts déployés par la société civile échouer en raison de l’influence considérable exercée par des acteurs extérieurs de pays tiers qui, par exemple, financent des mouvements extrémistes violents dans les États membres de l’Union européenne et les pays voisins. Il est impératif de tarir ces flux financiers.

Bruxelles, le 6 décembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  L’appel à propositions a été lancé le 4 octobre dernier: http://ec.europa.eu/research/participants/portal/desktop/en/opportunities/isfp/topics/isfp-2017-ag-csep.html

(2)  Le Réseau européen de sensibilisation à la radicalisation est un projet financé par l’Union européenne qui réunit des professionnels issus de l’Europe entière œuvrant dans le domaine de la prévention de la radicalisation. Pour davantage d’information (en anglais uniquement): https://ec.europa.eu/home-affairs/what-we-do/networks/radicalisation_awareness_network_en

(3)  L’objectif de l’ESCN est de permettre à un réseau d’États membres européens de partager plus facilement bonnes pratiques et informations sur l’usage des communications stratégiques dans la lutte contre l’extrémisme violent, ainsi que de conseiller les États membres en leur offrant des services de conseil gratuits, personnalisés et confidentiels sur la façon de mettre en œuvre une approche de communication stratégique de manière à développer leur propre capacité nationale à faire face à l’influence de l’extrémisme violent à l’échelle et au rythme requis.

(4)  Dans l’usage de ce terme, la prudence devrait être de mise. Il couvre des phénomènes différents tels que les extrémismes de gauche et de droite ou le fondamentalisme religieux visant une action illégale ou violente. Il est sujet à des interprétations erronées et à des manipulations politiques. Des points de vue extrémistes peuvent également exister au sein de la société.

(5)  http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=COM:2013:0941:FIN

(6)  http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=COM%3A2016%3A379%3AFIN

(7)  Par exemple, ses conclusions sur la justice pénale (novembre 2015), sur la jeunesse et sur la radicalisation (juin 2016), sur l’éducation aux médias et l’esprit critique (juin 2016) et enfin sur la prévention de la radicalisation conduisant à l’extrémisme violent (novembre 2016).

(8)  JO C 17 du 18.1.2017, p. 33.

(9)  COM(2015) 185 final, COM(2013) 941 final.

(10)  http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-9646-2017-INIT/fr/pdf

(11)  http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52016DC0379

(12)  Voir aussi http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2017/583124/IPOL_STU(2017)583124_EN.pdf (en anglais).

(13)  JO C 218 du 23.7.2011, p. 91 et JO C 211 du 19.8.2008, p. 61.

(14)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 58.

(15)  S’agissant des mesures renforcées au niveau local, voir l’avis du Comité des régions intitulé «Combattre la radicalisation et l’extrémisme violents: mécanismes de prévention au niveau local et régional», JO C 17 du 18.1.2017, p. 33.

(16)  Déclaration de Paris.

(17)  JO C 211 du 19.8.2008, p. 61.

(18)  JO C 170 du 5.6.2014, p. 23.

JO C 173 du 31.5.2017, p. 15.

(19)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 40.

(20)  JO C 218 du 23.7.2011, p. 91.


11.4.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 129/18


Avis du Comité économique et social européen sur «La contribution de la société civile au développement d’une politique alimentaire globale dans l’Union européenne»

(avis d’initiative)

(2018/C 129/04)

Rapporteur:

Peter SCHMIDT

Décision de l’assemblée plénière

23.2.2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

21.11.2017

Adoption en session plénière

6.12.2017

Session plénière no

530

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

131/3/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) réitère son appel en faveur de l’élaboration d’une politique alimentaire globale au sein de l’Union européenne afin d’assurer une alimentation saine à partir de systèmes alimentaires durables; cette politique établirait un lien entre l’agriculture d’une part et la nutrition et les services écosystémiques d’autre part, et veillerait à ce que les chaînes d’approvisionnement préservent la santé publique dans tous les segments de la société européenne. Une politique alimentaire globale de l’Union européenne devrait améliorer la cohérence entre les domaines d’action liés à l’alimentation, rétablir la valeur de cette dernière et promouvoir une transition à long terme d’un productivisme et d’un consumérisme alimentaires vers une alimentation citoyenne.

1.2.

Le cadre stratégique actuel de l’Union européenne n’est pas adapté pour réaliser la transition vers des systèmes alimentaires plus durables qui permettrait d’assurer la mise en œuvre effective des objectifs de développement durable des Nations unies (ODD) et de garantir le droit à l’alimentation ainsi que d’autres droits humains. S’ils ont peut-être permis de résoudre certains problèmes, les cadres stratégiques actuels n’offrent pas la cohérence collective nécessaire pour faire face à l’éventail de défis auxquels les systèmes alimentaires mondial et européen devraient être confrontés à l’avenir. Le CESE insiste sur le fait que les instruments stratégiques existants de l’Union européenne doivent être réalignés et harmonisés pour assurer des systèmes alimentaires durables d’un point de vue environnemental, économique et socioculturel. Le CESE réaffirme également qu’une politique alimentaire globale devrait compléter et non remplacer une politique agricole commune (PAC) redéfinie (1).

1.3.

Le CESE souligne la nécessité de maintenir une culture qui valorise l’importance nutritionnelle et culturelle de l’alimentation ainsi que de son incidence sur la société et l’environnement. À cet égard, la riche palette de denrées alimentaires et de spécialités régionales et locales disponibles au sein de l’Union constitue un réel atout qu’il convient, en tant que tel, de valoriser davantage. Une politique alimentaire globale devrait sensibiliser davantage les consommateurs à la valeur de l’alimentation, encourager la prévention et la réduction du gaspillage alimentaire, et contribuer à reconsidérer le prix des aliments et le réaligner sur la base d’autres valeurs. Elle devrait en particulier garantir des prix équitables pour les producteurs de façon que l’agriculture reste une activité viable.

1.4.

Le CESE insiste sur le fait que toutes les parties prenantes de la chaîne d’approvisionnement alimentaire ont un rôle à jouer dans l’élaboration d’un cadre global, de manière à assurer une répartition équitable tout au long de la chaîne. Aucun secteur n’est en mesure d’y parvenir seul. Une politique alimentaire globale devrait tirer parti du pouvoir des producteurs et des distributeurs pour accélérer le passage des consommateurs à un modèle durable. La transition vers des systèmes alimentaires durables requiert également que les consommateurs engagés deviennent des acteurs d’une alimentation citoyenne. Cela signifie aussi qu’une politique alimentaire globale doit veiller à ce que le secteur agroalimentaire européen soit en mesure de vendre à des niveaux de qualité qui maintiennent son statut de premier choix pour la grande majorité des consommateurs.

1.5.

Le CESE prend acte du nombre croissant d’initiatives actuellement mises en œuvre à l’échelon local et régional afin de soutenir des systèmes alimentaires alternatifs. Ces initiatives établissent des liens plus étroits entre producteurs et consommateurs, créent des possibilités pour les entreprises locales ainsi que de nouveaux emplois et reconnectent les populations avec leur alimentation. Le CESE souligne également le rôle des villes dans le développement de politiques alimentaires plus intégrées. Une politique alimentaire globale devrait s’appuyer sur une gouvernance commune à tous les niveaux — local, régional, national et européen —, qu’elle devrait par ailleurs stimuler et développer. Une telle approche permettrait de créer un cadre propice à l’essor de ces initiatives, quelle que soit l’échelle à laquelle elles sont menées.

1.6.

Le CESE préconise la mise en place d’un nouveau système intelligent d’étiquetage durable des denrées alimentaires. Les politiques se sont concentrées sur la nutrition et d’autres allégations de santé, mais le CESE note que le manque d’information aux consommateurs concernant l’incidence des denrées alimentaires sur l’environnement et au plan social suscite de plus en plus d’inquiétude. L’industrie alimentaire est consciente qu’elle peut réduire l’incidence environnementale jusqu’à un certain point, mais qu’en fin de compte, il faut associer les consommateurs à cet effort et fournir les informations.

1.7.

Pour soutenir la mise en place d’un cadre global assurant la connexion entre les différentes politiques de l’Union européenne liées à l’alimentation, le CESE propose de créer, à court ou moyen terme, une task-force intersectorielle et interinstitutionnelle associant diverses directions générales de la Commission européenne et d’autres institutions de l’Union européenne. Cette task-force serait chargée d’élaborer un plan d’action sur l’alimentation durable afin d’aider l’Union européenne à mettre en œuvre les objectifs de développement durable liés à l’alimentation. Le plan d’action devrait être élaboré dans le cadre d’un processus participatif associant les parties prenantes de toute la chaîne d’approvisionnement alimentaire, la société civile ainsi que les chercheurs. Le CESE suggère d’organiser et de développer un espace offrant à la société civile la possibilité de s’impliquer et de prendre une part active à ce processus.

1.8.

En particulier, le CESE recommande l’élaboration d’un tableau de bord européen de l’alimentation durable, qui permettrait d’aborder les défis liés aux systèmes alimentaires dans le cadre d’une approche pluriannuelle, favorisant ainsi l’alignement des politiques à différents niveaux de gouvernance. Le tableau de bord fournirait des indicateurs qui serviraient à encourager et à suivre les progrès en matière de réalisation des objectifs fixés.

1.9.

À plus long terme, et en fonction des conclusions de la task-force, le CESE encourage la Commission à étudier la faisabilité de la création d’une direction générale spécifiquement consacrée à l’alimentation, qui constituerait un centre de responsabilité clair de l’Union européenne pour toutes les politiques dans ce domaine et une source adéquate de régulation, de législation et de mise en œuvre. Une telle structure pourrait être reproduite dans tous les États membres de l’Union européenne disposant de ministères chargés de l’alimentation.

2.   Introduction

2.1.

Dans son avis exploratoire sur le thème «Des systèmes alimentaires plus durables», élaboré à la demande de la présidence néerlandaise de l’Union européenne en 2016, le CESE appelait de ses vœux une politique alimentaire globale pour promouvoir la transition vers des systèmes alimentaires plus durables et assurer une plus grande cohérence entre les objectifs stratégiques liés à l’alimentation (tels qu’une production agricole durable, une alimentation saine, la protection de l’environnement, des relations commerciales plus équitables, etc.). Le présent avis s’appuie sur ses recommandations d’approfondir la logique et le principe d’un cadre global.

2.2.

Dans l’intervalle, la dynamique en faveur d’une approche plus globale de la politique alimentaire s’est également consolidée. Les Nations unies ont proclamé que cette décennie est celle de «l’action pour la nutrition», reconnaissant qu’il est nécessaire de redéfinir les systèmes alimentaires pour parvenir à des régimes alimentaires plus sains et à une meilleure nutrition. Le groupe d’experts de haut niveau du Comité de la sécurité alimentaire mondiale a également insisté sur cet impératif dans le rapport qu’il a publié en septembre 2017 (2). Au niveau de l’Union européenne, le Comité européen des régions a récemment adopté un avis plaidant pour une politique alimentaire de l’Union européenne durable et globale qui mette en relation différents domaines d’action relatifs à l’alimentation. Le groupe international d’experts en matière de systèmes alimentaires durables (IPES Food) a lancé une initiative participative sur trois ans pour développer un modèle de politique alimentaire commune à l’horizon 2018, associant des groupes scientifiques, des parties prenantes, des organisations de la société civile et des décideurs politiques. Les systèmes alimentaires européens sont déjà en train d’évoluer sous l’impulsion d’une multitude d’initiatives intersectorielles menées aux niveaux national, régional et local, auxquelles participe activement la société civile.

2.3.

Le CESE considère que la mise en œuvre des ODD en Europe joue un rôle essentiel dans la dynamique en faveur d’une approche globale couvrant différents domaines d’action (agriculture, santé, environnement, commerce, développement, innovation, etc.) et niveaux de gouvernance (Union européenne, national, local) et dans la création de modes de production et de consommation alimentaires plus durables. Le débat en cours sur la politique agricole commune après 2020 est par ailleurs une occasion idéale de garantir la cohérence entre une politique agricole redéfinie et d’autres objectifs politiques liés à l’alimentation (3).

2.4.

Certains États membres (par exemple la Finlande, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas ou la Suède) s’engagent de plus en plus dans des politiques en lien avec l’alimentation dans les domaines de la santé, de l’environnement et du développement durable. Le CESE met en garde contre le risque que l’adoption d’approches divergentes dans les différents États membres ne finisse par porter préjudice aux consommateurs et aux entreprises. Il estime qu’il s’agit là d’une raison supplémentaire de demander l’élaboration d’un cadre global à l’échelle de l’Union européenne.

3.   Diagnostic — Ce qui ne fonctionne pas dans le cadre stratégique actuel

3.1.

Les preuves scientifiques des effets de l’alimentation sur la santé, l’environnement et la société dans son ensemble se sont multipliées. La situation en matière de denrées alimentaires dans laquelle s’inscrivait la PAC lors de sa création s’est complexifiée. L’Europe ne connaît pas de pénuries, un succès à mettre à l’actif de la PAC et de la hausse des revenus ainsi que de l’amélioration des méthodes de production dans le secteur agricole. Dans le secteur des denrées alimentaires, la création de valeur et l’emploi sont passés de la terre et de la mer à l’industrie, à la vente au détail et aux services de restauration. La stratégie en matière de santé ne concerne plus uniquement des problèmes de consommation insuffisante: les régimes alimentaires inappropriés dus aux inégalités sociales existent toujours et une «nouvelle» pauvreté alimentaire a vu le jour, mais les maladies non transmissibles à grande échelle ont pris le dessus. Il s’agit notamment des maladies cardiaques, des accidents vasculaires cérébraux, du diabète et des problèmes d’obésité. Chaque année, les maladies cardiovasculaires (MCV) tuent 1,8 million de personnes dans l’Union européenne, ce qui représente 37 % de l’ensemble des décès dans l’Union européenne (4). En 2015, près de 49 millions de personnes souffraient de MCV dans l’Union européenne.

3.2.

Les évolutions sociales en Europe ont également modifié en profondeur les produits alimentaires, les goûts et la gastronomie. Les modes de vie et de consommation ont changé depuis la création de la PAC. Une transition culinaire a eu lieu, particulièrement auprès des femmes, qui ont assumé au cours de l’histoire, et qui continuent souvent d’assumer, une grande partie des responsabilités en matière d’alimentation au sein du ménage. L’évolution des technologies alimentaires a eu des répercussions sociales aussi bien positives que négatives. L’offre de produits a peut-être augmenté, mais le riche patrimoine culturel européen, caractérisé par une grande diversité, en ressort parfois affaibli. Les budgets considérables que les entreprises alimentaires consacrent au marketing ont généralement incité les consommateurs à manger des aliments ayant fait l’objet de multiples transformations. Ainsi, les chiffres de l’industrie montrent que deux tiers de l’apport calorique des consommateurs belges, par exemple, proviennent d’aliments prétraités et conditionnés, soit une proportion plus élevée encore que chez les consommateurs britanniques (5). Les agences de santé publique s’inquiètent de la surconsommation d’aliments transformés à forte teneur en sel, sucre et matières grasses. Ces produits peuvent être bon marché, ce qui constitue une incitation pour les personnes à faibles revenus, dont l’état de santé est déjà moins bon que la moyenne. Le régime nutritionnel contribue donc aux inégalités sociales en Europe (6). Au cours de la grande récession, l’Europe a connu une augmentation des dons alimentaires à visée caritative, et la tendance se poursuit depuis lors. La fourniture de cette aide alimentaire d’urgence ne doit pas se substituer à la lutte contre les inégalités sociales en Europe, lesquelles génèrent des problèmes de santé liés à la nutrition.

3.3.

L’incidence de l’alimentation sur l’environnement a été établie et reconnue. Le changement climatique est reconnu comme une menace, et l’Union européenne a pleinement soutenu l’adoption de la convention-cadre sur les changements climatiques à Paris en 2015. L’Union européenne a également amélioré la réglementation environnementale et la prévention des dommages, par exemple grâce à la directive-cadre sur l’eau. Cependant, les goûts alimentaires des Européens engendrent des modes de consommation qui impliquent une utilisation cachée ou «indirecte» importante de l’eau, ce qui constitue une menace pour les États membres (7) et exige l’adoption d’une approche plus intégrée des terres, de l’agriculture et de l’eau (8). La fragilité des sols en Europe suscite également des préoccupations. D’après les estimations du Centre commun de recherche de l’Union européenne, l’érosion des sols par l’eau affecte 130 millions d’hectares dans l’EU-27; près de 20 % de la superficie enregistrent une érosion supérieure à dix tonnes/hectare/an (9). La perte de biodiversité concerne les espaces aussi bien terrestres que maritimes, où l’on constate que la diversité des ressources est sous pression (10). Malgré cela, les États membres continuent de recommander de manger du poisson pour des raisons nutritionnelles, sans avoir conscience de l’impact environnemental de cette consommation.

3.4.

L’on considère les soixante dernières années comme une réussite sur le plan économique. Les denrées alimentaires sont disponibles partout. Les dépenses moyennes consacrées par les ménages à l’alimentation sont passés de 30 % à 15 %. Les prix à la consommation ont baissé grâce à l’émergence de grandes chaînes de distribution alimentaire. Mais aujourd’hui, les économistes se demandent si le prix des denrées alimentaires reflète le coût réel de la production ou s’il répercute intégralement certains coûts. Le CESE prend note avec intérêt des travaux que consacre actuellement l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture à la comptabilisation des coûts complets de l’agriculture (11). Le déséquilibre des rapports de force dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire s’est également accru, ce qui a engendré des pratiques commerciales déloyales et leur cortège de conséquences (12) et la part des prix à la consommation qui revient aux agriculteurs a baissé.

3.5.

La tendance à la surproduction a fait baisser les prix, mais a aussi institutionnalisé le gaspillage alimentaire. Tandis qu’à l’échelle du monde, le gaspillage concerne environ 8 % des denrées alimentaires dans les pays à faibles revenus, il concerne plus ou moins un tiers des aliments achetés par les consommateurs au sein de l’Union européenne. Selon le projet «Fusions» financé par l’Union européenne, 88 millions de tonnes de denrées alimentaires sont gaspillées chaque année dans l’Union, générant un coût de 143 milliards d’EUR (13). Cette dimension culturelle du gaspillage alimentaire n’est pas pleinement prise en compte par l’approche de l’économie circulaire ni par la feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources: celles-ci sont intéressantes lorsqu’il s’agit d’envisager les denrées alimentaires en tant qu’entité matérielle mais ne tiennent pas compte de leur valeur culturelle ou de la valeur qu’elles ont pour les consommateurs. L’un des enjeux pour l’Europe est de trouver le moyen de développer un nouveau concept d’alimentation citoyenne sur le thème d’une alimentation qui soutienne le développement durable.

3.6.

Des données et études provenant aussi bien des milieux universitaires que de l’industrie alimentaire nous ont permis de mieux comprendre la manière dont les systèmes alimentaires européens influent sur la société, l’environnement et la santé. Si on les examine dans leur globalité, on constate qu’il est nécessaire d’adopter une approche plus intégrée. S’ils ont peut-être permis de résoudre certains problèmes individuels, les cadres stratégiques actuels n’offrent pas la cohérence collective nécessaire pour faire face à l’éventail de défis auxquels les systèmes alimentaires mondial et européen devraient être confrontés à l’avenir. Les politiques relatives à l’alimentation sont pour l’essentiel élaborées de façon isolée et manquent souvent de cohérence. Les politiques menées à différents niveaux de gouvernance sont en outre déconnectées les unes par rapport aux autres. La nécessité d’adopter une approche plus intégrée est par exemple illustrée par la résistance aux antimicrobiens, qui s’est répandue à cause du recours aux antibiotiques dans l’élevage et qui met aujourd’hui en péril la santé humaine. Dans un discours prononcé récemment, le commissaire Andriukaitis a également mis l’accent sur l’importance de mener à cet égard une politique alimentaire intégrée. Le conflit entre l’utilisation des sols pour produire des denrées alimentaires et l’utilisation des sols pour la production d’énergie, le logement ou pour répondre à d’autres impératifs constitue un autre exemple. Le gaspillage alimentaire est, lui aussi, en partie la conséquence de gains d’efficacité dans la production; le système est approvisionné de manière constante et massive en aliments. Les tentatives de résoudre ce problème en faisant appel au comportement rationnel des consommateurs sont sans effet.

3.7.

Si c’était à refaire, l’Union européenne élaborerait aujourd’hui une politique alimentaire globale visant à réaliser une alimentation durable à partir de systèmes alimentaires durables; cette politique établirait un lien entre la production agricole d’une part et la nutrition et les services écosystémiques d’autre part, et veillerait à ce que les chaînes d’approvisionnement préservent la santé publique pour tous les segments de la société européenne (14). Le défi qui se pose aux décideurs politiques consiste à générer les changements nécessaires à cet effet. Historiquement, la politique de l’Union européenne s’est développée à travers un processus d’évolutions démocratiques, caractérisé par un certain nombre de changements plus soudains suscités par différentes crises, par exemple la sécurité alimentaire en 2000 et le scandale de la viande de cheval au cours de la période 2013-2015.

4.   Le rôle de la société civile dans l’élaboration de politiques alimentaires plus durables

4.1.

Le CESE constate que de vastes pans de la société européenne sont conscients des nouveaux défis structurels qui se posent en matière de gouvernance alimentaire dans l’Union européenne. Celle-ci pourrait passer d’un modèle dans lequel elle adapte ses politiques et réagit aux situations qui se présentent à un modèle fondé sur la proactivité. Dans un de ses récents avis, le CdR fait état de précédents importants. L’intérêt naissant porté à la création d’une politique alimentaire plus appropriée pour les villes de l’Union européenne devrait à présent être intégré dans les préoccupations du monde rural. De nombreuses villes européennes ont pris des mesures concrètes par le truchement de comités de politique alimentaire, de réseaux urbains pour le développement durable et/ou la lutte contre le changement climatique, et du programme des «Villes-santé» de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La signature du pacte de politique alimentaire urbaine de Milan de 2015 traduit cet intérêt.

4.2.

Récemment, différentes formes de réorganisation des chaînes d’approvisionnement alimentaire sont apparues dans le but de rétablir le lien entre producteurs et consommateurs et de relocaliser la production agricole et alimentaire. Il s’agit notamment de l’agriculture soutenue par les communautés locales, des circuits courts d’approvisionnement, des réseaux alimentaires alternatifs, de l’agriculture locale et des ventes directes. Les coopératives de consommateurs peuvent également jouer un rôle essentiel en assurant un lien étroit avec les communautés locales et en mettant l’accent sur les aspects sociaux, pédagogiques et environnementaux. Les institutions publiques disposent de systèmes qui s’inscrivent également dans ce processus, par exemple au travers des programmes de marchés publics pour les écoles et les hôpitaux qui encouragent la mise à disposition de denrées alimentaires locales issues de l’agriculture biologique, comme c’est le cas au Danemark ou à Malmö, en Suède. Une telle pratique est conforme à l’approche en faveur de l’économie circulaire développée par l’Union européenne.

4.3.

En resserrant les liens entre producteurs et consommateurs, les systèmes alimentaires présentant une dimension plus locale et les initiatives ascendantes pourraient jouer un rôle essentiel dans la promotion d’une consommation alimentaire plus saine et plus durable. La participation de la société civile et des communautés locales renforce ces connexions, comme le montrent les nombreuses initiatives prises en matière d’alimentation durable dans les villes d’Europe. À l’heure actuelle, les politiques européennes sont cependant mal outillées pour tirer les enseignements de ces expériences, et encore moins pour soutenir celles qui sont prometteuses. Une politique alimentaire globale pourrait donc contribuer à stimuler et à développer une gouvernance commune pour ces initiatives. Les entreprises agricoles s’adaptent aux demandes du marché, mais elles sont limitées par la nature de la production agricole; la modification des systèmes de production demande du temps.

4.4.

L’économie alimentaire est confrontée à des défis majeurs de nature technique, financière et sociale (15), reconnus par de grands programmes d’investissement en faveur de l’innovation et du progrès technologique. L’Europe compte quelque 289 000 entreprises de production alimentaire mais 3 000 d’entre elles se partagent près de la moitié du marché de l’Union européenne (16). Certaines études montrent que pour être résilients, les systèmes alimentaires doivent maintenir une combinaison de grandes et de petites entreprises agricoles. Il existe d’importantes disparités entre les grandes entreprises alimentaires européennes et le secteur des petites et moyennes entreprises. L’Europe sociale pourrait améliorer l’intégration de celles-ci. L’économie numérique offre des possibilités d’établir des liens plus étroits entre consommateurs et producteurs. Les entreprises sont favorables à des initiatives novatrices en matière de développement durable et réclament des cadres clairs.

4.5.

Les citoyens européens ont un intérêt évident à garantir que leurs denrées alimentaires proviennent de sources durables. Les systèmes d’étiquetage ne sont pas en mesure d’éclairer le consommateur, tout simplement en raison de la complexité de la question. Un rapport récent de Karl Falkenberg suggère que la «marque» de l’alimentation européenne devrait être axée sur le développement durable: «vivre décemment et partager équitablement dans les limites de la planète» (17). Cela implique de mettre l’accent tant sur les aspects sociaux que sur la dimension environnementale et économique. Certaines questions culturelles ne relèvent pas du domaine de compétence des institutions européennes, par exemple la tension entre travail rémunéré (au sein des chaînes d’approvisionnement) et travail non rémunéré (dans les cuisines des particuliers) dans le domaine de l’alimentation, mais certains éléments du système alimentaire européen occupent une place centrale dans la conception européenne de l’alimentation (ou «marque»). L’Europe est réputée pour sa diversité culinaire et la variété de sa production. Il convient non seulement de protéger cet atout mais aussi de le développer activement. Le système des labels de qualité européens (indication géographique protégée, appellation d’origine protégée, spécialité traditionnelle garantie) est utile mais ne concerne que les spécialités gastronomiques; il ne prend pas en compte les évolutions de l’alimentation de masse. La recommandation de M. Falkenberg selon laquelle nous devrions aspirer à l’équité implique sans doute une nouvelle donne en matière de salaires et le traitement équitable des migrants qui travaillent dans les industries alimentaires de l’Union européenne. Il s’agit là de questions sensibles mais essentielles par l’intermédiaire desquelles une politique alimentaire globale est susceptible de contribuer concrètement à la paix sociale en Europe.

4.6.

Une question qui préoccupe particulièrement les parents et les organismes de santé est celle des disparités en ce qui concerne les sommes investies dans les messages portant sur l’alimentation qui ciblent les enfants. L’OMS considère qu’il s’agit d’une question prioritaire, car une proportion considérable de ces messages porte sur des aliments à forte teneur en sel, en sucre et en matières grasses (18). Le passage des médias traditionnels aux médias numériques conforte les arguments en faveur d’une approche globale. L’on estime à 37 milliards de dollars américains les montants consacrés, en Europe occidentale et pour l’année 2016, à la seule promotion en ligne de denrées alimentaires (19). Le CESE prend acte de l’appel lancé récemment par les consommateurs à l’adresse des fabricants et distributeurs de l’agroalimentaire, leur demandant de cesser d’utiliser leurs mascottes dans leurs campagnes de publicité et de marketing portant sur des denrées alimentaires à forte teneur en matières grasses, en sel et en sucre. En l’absence de mesures adéquates de la part de l’industrie, les pouvoirs publics devraient envisager l’adoption de mesures réglementaires (20).

4.7.

Pour les cinquante ans de sa politique alimentaire, l’Union européenne devrait se fixer pour objectif de promouvoir la transition du consumérisme alimentaire (caractérisé par le gaspillage) vers l’alimentation citoyenne (caractérisée par le sérieux et la responsabilité). Le passage à une alimentation durable issue de systèmes alimentaires durables requiert que les consommateurs engagés deviennent des acteurs d’une alimentation citoyenne. Le CESE réitère sa proposition de lancer une campagne d’information et de sensibilisation sur la «valeur de l’alimentation» à travers toute l’Europe. Une telle initiative sera nécessaire pour provoquer un changement de long terme dans le comportement des consommateurs (21).

5.   Cadre conceptuel — Objectifs et structure d’une politique alimentaire globale dans l’Union européenne

5.1.

La politique alimentaire est une politique globale qui organise et soutient le cadre des systèmes alimentaires, depuis la production primaire (agriculteurs) jusqu’à la consommation en passant par la phase de production (transformation). Elle clarifie et met en lumière ce que l’on ne voit généralement pas. L’alimentation faisant partie intégrante de nombreux domaines de la vie, tels que l’éducation, la santé, l’environnement, le commerce, les relations sociales et la culture, l’utilité d’une politique alimentaire globale réside dans le fait que la société peut ainsi clarifier ce qu’elle veut et ce qu’elle est en mesure d’obtenir de son système alimentaire. Elle établit des liens entre des éléments qui, sans elle, pourraient trop facilement être déconnectés et fragmentés. La question de savoir ce que nous mangeons, comment nous mangeons et comment nous produisons les denrées alimentaires aujourd’hui, et à quel prix, a des répercussions sur l’avenir.

5.2.

La politique alimentaire a une forte influence sur le développement des zones rurales et des zones urbaines. Elle crée des emplois dans tous les secteurs qui y sont liés, tels que l’agriculture et ses infrastructures techniques, la transformation des aliments, le transport, le commerce, le conditionnement, la distribution ou la restauration. Elle affecte les moyens d’existence de millions de citoyens européens. Le secteur de la production alimentaire de l’Union européenne emploie 4 250 000 personnes pour un chiffre d’affaires de 1 098 milliards d’EUR; il consacre 2,5 milliards d’EUR aux activités de recherche et développement et enregistre un excédent de 25,2 milliards d’EUR pour ce qui est du commerce des aliments transformés (22). En dépit de l’importance que revêtent les denrées alimentaires pour l’économie de l’Union européenne, il n’existe pas, actuellement, de politique alimentaire européenne en tant que telle. Au lieu de cela, les systèmes alimentaires sont façonnés par un ensemble de cadres stratégiques distincts, comme mentionné ci-dessus.

5.3.

Une politique alimentaire adaptée au XXIe siècle doit répondre à de multiples critères portant sur la qualité des aliments (du point de vue du goût, du plaisir de consommation, de l’aspect et de l’authenticité); la santé (absence de risque, nutrition, disponibilité et connaissances); l’environnement (CO2, eau, utilisation des terres, sols, biodiversité, qualité de l’air et résilience systémique); les valeurs sociales et culturelles (telles que l’identité, l’égalité d’accès, la confiance, le choix et les compétences); la rationalité économique (concurrence effective et rémunération équitable, emplois décents, pleine internalisation des coûts, prix raisonnables et compétitifs, etc.) et la bonne gouvernance (responsabilité démocratique, transparence, processus éthiques, recours à des données scientifiques de qualité, etc.). Toutes les politiques existantes de l’Union européenne en lien avec l’alimentation peuvent être considérées sous ces différents aspects.

5.4.

Une politique alimentaire globale doit renforcer la résilience des écosystèmes et faire en sorte que toutes les parties prenantes et tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire disposent d’un revenu décent, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union européenne. Les prix des denrées alimentaires ne reflètent pas pleinement les coûts de production, et les coûts sanitaires, environnementaux et sociaux sont en grande partie externalisés. La recherche d’une alimentation moins chère et plus «abordable» ne doit pas intervenir au détriment d’autres aspects et effets de la production et de la consommation d’aliments. Une politique alimentaire globale pourrait contribuer à reconsidérer le prix des aliments et le réaligner sur la base d’autres valeurs.

5.5.

Une politique alimentaire globale devrait faire la synthèse entre les mesures existantes et les nouvelles mesures, l’objectif ultime étant de fournir des systèmes alimentaires durables et une alimentation saine. Cela ne signifie pas qu’il faille réinventer la roue en créant une politique totalement neuve ou en dotant l’Union européenne de nouvelles compétences, l’objectif n’étant pas d’imposer une norme unique. Il s’agit plutôt d’adopter des réformes au niveau de l’Union européenne afin d’encourager des lignes de conduite nouvelles et plus durables à tous les niveaux (local/communal, régional et national, ainsi qu’au niveau des entreprises), et de transposer à une plus grande échelle certaines initiatives existantes afin d’assurer une plus grande cohérence. Il s’agit d’intégrer les mesures prises à l’échelon de l’Union européenne avec ce qui peut être mis en œuvre avec un maximum d’efficacité à d’autres niveaux de gouvernance. L’on pourrait promouvoir des régimes fiscaux qui améliorent l’accès à une alimentation saine au moyen de l’aménagement urbain et des marchés publics, en soutenant ainsi les marchés locaux et l’emploi.

5.6.

Une politique alimentaire globale devrait également devenir une base sur laquelle s’appuyer pour mettre un terme aux pratiques commerciales déloyales conduisant à un double niveau de qualité et à une qualité inférieure pour un même produit, à savoir la production et la vente, dans certains États membres, de denrées alimentaires de qualité inférieure à celle des autres pays, malgré un emballage identique (23).

5.7.

Pour atteindre ces objectifs, il convient de coordonner les mesures stratégiques sur le plan aussi bien de l’offre que de la demande. En d’autres termes, il y a lieu d’assurer également la coordination entre la disponibilité et le caractère abordable des denrées alimentaires au moyen d’une production durable de celles-ci, en améliorant l’accès des consommateurs à une alimentation saine et leur capacité à opter pour ce type d’alimentation. Il y a lieu de procéder à une série de modifications législatives afin de supprimer les obstacles réglementaires et fournir des incitations fiscales, et d’induire un changement des comportements en améliorant l’information, l’éducation et la sensibilisation des consommateurs et des opérateurs. L’objectif principal consiste à renforcer, à tous les niveaux, la prise de conscience de la valeur des denrées alimentaires ainsi que le soutien apporté à cette dernière, tout en favorisant un changement progressif mais significatif. À titre d’exemple, la réduction de la consommation de sel est plus efficace si elle est mise en œuvre de manière lente mais systématique; il n’y a cependant pas de mesure incitant les entreprises à réajuster la composition de leurs produits.

5.8.

S’agissant de l’offre, si l’Union veut se doter d’une politique alimentaire globale qui soit réellement pertinente pour les consommateurs européens, il est essentiel que les denrées alimentaires produites de manière durable dans l’Union européenne soient compétitives. Cela signifie que le secteur agroalimentaire européen doit être en mesure de fournir des denrées alimentaires aux consommateurs à des prix incluant les coûts supplémentaires pour des critères tels que la durabilité, le bien-être animal, la sécurité alimentaire et la nutrition, mais également une juste rémunération pour les agriculteurs, tout en maintenant son statut de premier choix pour la grande majorité des consommateurs.

5.9.

La mise en œuvre des ODD offre un cadre essentiel pour une action conjointe en vue de nourrir la planète de manière durable d’ici à 2030. Les questions liées à l’alimentation et à l’agriculture recoupent les dix-sept ODD. L’OMS indique notamment que douze des ODD nécessitent une action dans le domaine de la nutrition. De par sa nature même, la mise en œuvre des ODD requiert des solutions collaboratives et globales qui associent différents services, ministères et secteurs ainsi que l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Il en résulte pour l’Union européenne de grandes possibilités de jouer un rôle de chef de file à l’échelle du continent.

5.10.

Une politique alimentaire globale devrait faire la synthèse entre différentes approches en vue de la réalisation des ODD et devrait intégrer la gouvernance multisectorielle et à niveaux multiples existante en vue d’assurer un processus d’élaboration des politiques encore plus intégré. L’Europe est en train de définir ses positions sur les différents piliers du système alimentaire, à savoir:

l’agriculture [PAC redéfinie (24), développement accéléré de modèles de production durables, renouvellement des générations, revenu viable pour les agriculteurs, biens publics en retour des fonds publics, bien-être animal],

un développement territorial/rural équilibré [Cork 2.0 (25)],

la durabilité (réajustement de la composition des produits),

l’économie circulaire (26) (gaspillage alimentaire, efficacité énergétique),

une consommation alimentaire durable (choix de consommation alimentaires qui protègent la santé et l’environnement, rôle de premier plan joué par le secteur de la vente au détail),

les incidences sociales (répartition équitable des salaires et des revenus, protection sociale),

les incidences culturelles (identité régionale/locale),

la santé et la nutrition (régime alimentaire plus sain, sécurité alimentaire),

la protection de l’environnement [sols (27), biodiversité, qualité de l’eau/de l’air],

l’éducation (éducation scolaire, valeur des denrées alimentaires, comment cuisiner, qu’est-ce qu’une bonne alimentation),

le commerce, y compris international, [pratiques commerciales plus équitables au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire (28), souveraineté alimentaire];

le développement (cohérence des politiques au service du développement).

5.11.

Cette nouvelle approche globale devrait être dynamique et associer des parties prenantes issues de tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement alimentaire et de l’ensemble de la société civile, de façon à assurer une «démocratie alimentaire» transparente assortie d’obligations de rendre des comptes.

5.12.

En résumé, une politique alimentaire globale devrait: 1) être durable sur le plan environnemental, socioculturel et économique, 2) être intégrée dans tous les secteurs et niveaux de gouvernance, 3) inclure tous les domaines de la société, et 4) œuvrer à l’établissement de conditions de travail équitables à tous les niveaux.

6.   Feuille de route — Quelles sont les mesures nécessaires pour réaliser une politique alimentaire globale?

6.1.

À l’instar des fondateurs du marché commun, dans les années 1950, qui considéraient l’alimentation comme un élément d’importance capitale pour l’avènement d’une Europe meilleure et plus pacifique, le CESE insiste aujourd’hui, six décennies plus tard, sur la nécessité de commencer à créer un système alimentaire plus durable pour l’Europe. Les pressions sont désormais bien connues et ont été documentées. Cette thématique doit être abordée, et le sera, au niveau local et au niveau des États membres. Une action à l’échelon paneuropéen est toutefois également nécessaire.

6.2.

Le CESE propose de créer une task-force intersectorielle et interinstitutionnelle associant diverses directions générales de la Commission européenne et d’autres institutions de l’Union européenne, qui serait chargée d’élaborer un plan d’action sur l’alimentation durable afin d’aider l’Union européenne à mettre en œuvre les ODD liés à l’alimentation. Le plan d’action devrait être élaboré dans le cadre d’un processus participatif associant les parties prenantes de toute la chaîne d’approvisionnement alimentaire, la société civile ainsi que les chercheurs.

6.3.

Le CESE voit une occasion d’organiser et de développer un espace offrant à la société civile la possibilité de s’impliquer et de prendre une part active à ce processus, en s’appuyant sur la dynamique créée par les auditions d’experts organisées par le CESE sur ce sujet.

6.4.

Le Centre commun de recherche, la direction générale de la recherche et de l’innovation et les agences de recherche des États membres sont invités à élaborer un «tableau de bord européen de l’alimentation durable» afin d’encourager et de suivre les progrès en matière de réalisation des objectifs fixés. Une combinaison d’anciens et de nouveaux indicateurs sera nécessaire pour intégrer et transposer les ODD liés à l’alimentation et d’autres objectifs internationaux (tels que ceux portant sur les émissions de gaz à effet de serre) dans un contexte européen.

6.5.

La Commission, le Parlement et le Conseil sont invités à étudier la faisabilité de la création d’une direction générale spécifiquement consacrée à l’alimentation, laquelle améliorerait la coordination des tâches et des responsabilités pour toutes les politiques ayant trait à l’alimentation, allant de méthodes communes pour l’analyse du cycle de vie aux mégadonnées relatives à l’alimentation et à l’alimentation durable. Cette nouvelle direction générale offrirait le cadre nécessaire pour donner la priorité aux questions d’alimentation et serait une source adéquate de régulation, de législation et de mise en œuvre.

6.6.

Il conviendrait d’instaurer un nouveau Conseil européen de la politique alimentaire. Certains États membres disposent déjà d’organes de ce type (les Pays-Bas et les pays nordiques avec le Nordic Food Policy Lab, par exemple). Cette structure formulerait des conseils sur les transitions que la science estime nécessaires pour atteindre les ODD et les objectifs de l’accord de Paris sur le climat.

6.7.

La transition vers des systèmes alimentaires durables en Europe exige une meilleure intégration des conseils en matière de santé, de nutrition, d’environnement et d’économie. Le CESE soutient le développement de recommandations diététiques durables au niveau de l’Union européenne, en s’appuyant sur les initiatives prises par l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et la France consistant à fournir aux consommateurs et à l’industrie des orientations plus claires sur la manière de trouver un équilibre entre une bonne alimentation et un impact plus limité sur l’environnement, et de prévenir de fausses allégations environnementales et sanitaires, tout en tenant compte des préférences culturelles. Ces enjeux pourraient être intégrés dans un nouveau système intelligent d’étiquetage durable des denrées alimentaires.

Bruxelles, le 6 décembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis du CESE sur «Une redéfinition possible de la politique agricole commune», JO C 288 du 31.8.2017, p. 10.

(2)  HLPE, «Nutrition et systèmes alimentaires» (2017).

(3)  Voir la note no 1 de bas de page.

(4)  http://www.ehnheart.org/cvd-statistics.html

(5)  Euromonitor International, Passport Nutrition 2017.

(6)  Oxfam (2015), «Une Europe au service de la majorité, et non d’une élite».

(7)  Par exemple Hoekstra et Mekonnen (2016).

(8)  Organisation de coopération et de développement économiques (2014).

(9)  https://www.eea.europa.eu/data-and-maps/indicators/soil-erosion-by-water-1/assessment

(10)  https://www.eea.europa.eu/highlights/fish-to-fork-a-need

(11)  Www.fao.org/nr/sustainability

(12)  Avis du CESE sur le thème «Les pratiques commerciales déloyales interentreprises dans la chaîne d’approvisionnement alimentaires», JO C 34 du 2.2.2017, p. 130.

(13)  http://ec.europa.eu/food/safety/food_waste_en

(14)  Mason, P., et Lang, T. (2017), Sustainable Diets, Abingdon, Routledge.

(15)  Freibauer, A., Mathijs, E., e.a. (2011), 3e rapport du SCAR à l’intention de la Commission européenne.

(16)  http://www.fooddrinkeurope.eu/publication/data-trends-of-the-european-food-and-drink-industry-2016/.

(17)  Falkenberg, K. (2016). «Sustainability Now! A European Vision for Sustainability» (La durabilité dès maintenant! Une vision européenne de la durabilité), CESP, 18e édition, 20 juillet.

(18)  Région européenne de l’OMS (2013) http://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0019/191125/e96859.pdf

(19)  https://www.statista.com/statistics/237928/online-advertising-spending-in-western-europe/

(20)  Cartoon characters and food: just for fun? (Personnages de bandes dessinées et alimentation: juste pour s’amuser?), document de position du Bureau européen des unions de consommateurs, 2017.

(21)  Voir note no 12 de bas de page.

(22)  http://www.fooddrinkeurope.eu/uploads/publications_documents/Data_and_trends_Interactive_PDF_NEW.pdf

(23)  Résultats de l’étude réalisée par l’Université de chimie et de technologie de Prague en 2015, http://www.sehnalova.cz/soubory/rozdily-potravin/Prezentace.pdf

(24)  Voir la note no 1 de bas de page.

(25)  Avis du CESE sur le thème «De la déclaration de Cork 2.0 aux actions concrètes», JO C 345 du 13.10.2017, p. 37.

(26)  Avis du CESE sur le paquet «Économie circulaire», JO C 264 du 20.7.2016, p. 98.

(27)  Avis du CESE sur «L’utilisation des sols pour la production alimentaire durable et les services écosystémiques» (adopté le 18.10.2017, non encore paru au Journal officiel).

(28)  Voir note no 12 de bas de page.


11.4.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 129/27


Avis du Comité économique et social européen sur «Le rôle clé du commerce et des investissements dans la réalisation et la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD)»

(avis d’initiative)

(2018/C 129/05)

Rapporteur:

Jonathan PEEL (UK-I)

Corapporteur:

Christophe QUAREZ (FR-II)

Décision de l’assemblée plénière

26.1.2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section spécialisée «Relations extérieures»

Adoption en section spécialisée

7.11.2017

Adoption en session plénière

7.12.2017

Session plénière no

530

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

163/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La mise en œuvre et la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) sont aujourd’hui considérées comme une priorité de tout premier plan à l’échelle mondiale. Il importe désormais de maintenir la dynamique pour respecter l’échéance fixée à 2030.

1.1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) estime que les ODD, parallèlement à l’accord de Paris (COP 21) (1), modifieront fondamentalement les priorités politiques mondiales en matière commerciale, notamment concernant le commerce des produits industriels et agricoles. La nécessité de mettre en œuvre ces accords essentiels doit être au cœur de toutes les futures négociations commerciales de l’Union européenne.

1.2.

L’Union est exceptionnellement bien placée pour poursuivre la réalisation des ODD. Elle dispose de la crédibilité nécessaire pour jouer efficacement le rôle de passerelle entre pays développés et en développement. Il est nécessaire de donner une plus grande importance au développement des politiques présentées dans la communication de la Commission intitulée «Prochaines étapes pour un avenir européen durable: action européenne en faveur de la durabilité» (2), et d’accorder davantage d’attention à la pleine intégration des ODD «dans le cadre d’action européen et les priorités de la Commission actuelle», si nécessaire en collaboration avec les États membres.

1.2.1.

L’Union reconnaît être tenue d’agir en ce sens en vertu du traité de Lisbonne (3). Une forte synergie devrait s’établir entre la promotion et la mise en œuvre des ODD et la promotion des valeurs européennes dans le monde.

1.3.

Si le commerce n’est cité qu’une fois dans les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) (4), on le trouve mentionné à neuf reprises de manière spécifique dans les ODD. Parallèlement à une action directe visant à atteindre les ODD, nous demandons instamment à l’Union de prévoir un commerce et des investissements «favorables aux ODD». Le commerce et les investissements peuvent contribuer positivement à ces objectifs de multiples manières, ne serait-ce que de façon indirecte.

1.4.

L’un des objectifs spécifiques couverts par l’objectif 17 (revitaliser le partenariat mondial pour le développement durable) est de «promouvoir un système commercial multilatéral universel, réglementé, ouvert, non discriminatoire et équitable sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce». L’Union européenne a de longue date mis l’accent sur le multilatéralisme et sur le rôle essentiel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC): il lui appartient de continuer à prendre des mesures concrètes pour soutenir cet engagement.

1.5.

Le CESE observe que, dans la mesure où les ODD ne sont pas juridiquement contraignants et sont dépourvus de mécanisme de règlement des litiges, l’Union doit agir dans le cadre de ses politiques et activités propres pour poursuivre leur réalisation.

1.5.1.

Nous saluons l’intention de l’Union européenne de fournir des mises à jour annuelles, mais nous demeurons toutefois préoccupés par le fait que l’Union semble souvent se soucier davantage de montrer comment ses politiques existantes coïncident avec les ODD ou les chevauchent, plutôt que de chercher à obtenir une synergie maximale en ciblant et en adaptant les politiques et activités concernées. Si l’Union se concentrait davantage sur la réalisation des ODD, de meilleurs résultats pourraient être obtenus.

1.5.2.

Dans un certain nombre de domaines d’action clés, nous estimons que l’Union doit agir pour garantir une pleine synergie avec les ODD. Parmi eux figurent le renouvellement de l’accord de partenariat ACP-UE dit «de Cotonou» ainsi que les interactions plus larges que l’Union entretient avec ces régions. Devraient être spécifiquement incluses à la fois des mesures ciblées de renforcement des capacités pour soutenir l’accord sur la facilitation des échanges et en faciliter la mise en œuvre, et la stratégie commune plus vaste de l’Union et des États membres en faveur de l’aide pour le commerce. Il s’agit là d’une contribution fondamentale à l’initiative «Aide pour le commerce» de l’OMC et d’une composante essentielle de cette initiative, qui est destinée à accroître la capacité des pays en développement à tirer parti des possibilités offertes par les accords commerciaux. Une contribution au sixième examen global de l’aide pour le commerce de l’OMC qui serait axée sur les ODD aurait une importance significative.

1.5.3.

Un soutien plus spécifique devrait également être accordé à l’utilisation du commerce comme moyen d’encourager à la fois l’intégration régionale et les ODD, en particulier dans les régions devant encore conclure des APE, et ce, alors même que lesdits APE n’ont pas encore pleinement rempli leurs promesses initiales.

1.5.4.

L’Union devrait aussi étudier la possibilité d’accroître les synergies entre les 27 conventions fondamentales pertinentes pour son programme SPG+ et les ODD, dans la mesure où ses compétences l’y autorisent.

1.6.

Le Comité demande aussi instamment à l’Union de promouvoir, chaque fois que possible, la réalisation des ODD dans le cadre de ses relations bilatérales. Un excellent exemple à cet égard est celui de l’interaction avec la Chine dans le cadre de la Belt and Road Initiative (initiative «Une ceinture, une route» — BRI), dont la mise en œuvre a été considérée, lors de la récente réunion de la table ronde UE-Chine (5), comme devant contribuer à la réalisation du programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030 et de ses objectifs de développement durable.

1.7.

Le CESE souligne le rôle clé de la conduite responsable des entreprises pour contribuer à la réalisation des ODD. L’impact du secteur privé en la matière sera essentiel et profond: la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) estime (6) que 2 500 milliards d’USD supplémentaires par an seront nécessaires et que la contribution du secteur privé devrait atteindre un tiers de ce montant. De nombreuses entreprises disposent déjà de leur stratégie ODD, mais toutes doivent être encouragées à assumer la responsabilité de l’impact qui est le leur sur la société par une diligence raisonnable fondée sur les risques. Le CESE note que la mobilisation de ressources est également facilitée par des politiques fiscales édictées au niveau international pour soutenir les investissements visant à mettre en œuvre les ODD (7).

1.8.

L’ODD 17 affirme aussi plus particulièrement que «des partenariats efficaces entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile sont nécessaires pour un programme de développement durable réussi». Par conséquent, le CESE demande instamment que tous les futurs mandats de négociation en matière commerciale et de partenariat de l’Union portant sur les chapitres «Commerce et développement durable» (CDD) comportent une clause spécifique exigeant que les parties de chaque mécanisme de suivi par la société civile collaborent pour promouvoir les ODD et contrôlent les effets produits.

1.8.1.

Ces chapitres CDD (dès lors en particulier qu’ils couvrent les ODD, l’accord de Paris et le respect des conventions de l’OIT) doivent se voir reconnaître la même importance que ceux relatifs aux questions commerciales, techniques ou tarifaires.

1.9.

Enfin, le CESE rappelle à l’Union européenne sa recommandation antérieure (8) l’invitant à entreprendre une évaluation d’impact complète sur les effets probables qu’entraînerait la mise en œuvre des ODD et de l’accord de Paris sur la politique commerciale de l’Union, y compris son volet agricole. Une bonne politique commence par une bonne analyse.

2.   Contexte: les objectifs de développement durable (ODD)

2.1.

La mise en œuvre du programme global de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies et, en particulier, de sa pierre angulaire que constituent les ODD, restera une priorité majeure au niveau mondial jusqu’à la date fixée de son échéance. Un ensemble de 169 cibles spécifiques vient étayer les 17 ODD.

2.1.1.

Les ODD revêtent par nature un caractère mondial, ils sont d’application universelle et interdépendants — chaque pays doit prendre sa part de responsabilité pour les réaliser. Ils contribuent déjà à l’émergence d’une nouvelle manière de travailler à l’échelle mondiale, davantage marquée par l’ouverture, la participation et la consultation: plus de 90 pays ont déjà sollicité l’assistance d’autres pays, notamment de l’Union européenne, pour les mettre en œuvre.

2.2.

L’importance des ODD s’est vue grandement renforcée par l’accord de Paris, lequel est déjà entré en vigueur. Depuis lors, l’intention affichée par l’administration américaine de se retirer de l’accord, et les conséquences concrètes qu’elle implique, ont provoqué une immense incertitude. Dans ce contexte, la voie s’ouvre donc pour que l’Union affirme son leadership à l’échelle mondiale en garantissant que tant les ODD que l’accord de Paris demeurent des priorités de tout premier plan, en s’appuyant notamment sur le vif intérêt manifesté par la Chine et par d’autres économies émergentes à l’égard de ces accords. À ce jour, de nombreuses économies émergentes à croissance rapide doivent encore déployer des efforts notables pour aider d’autres pays accusant un retard de développement plus conséquent.

2.3.

La communication de la Commission intitulée «Prochaines étapes pour un avenir européen durable: action européenne en faveur de la durabilité», adoptée en novembre 2016, prévoit d’«intégrer pleinement les ODD dans le cadre d’action européen et les priorités de la Commission actuelle», comme celle-ci est tenue de le faire en vertu du traité de Lisbonne (9). Cette initiative, qui est à présent en cours d’élaboration, a été saluée par le Comité dans son avis sur «L’agriculture dans les négociations commerciales» (10), qui préconise également que l’Union entreprenne une évaluation d’impact complète qui décrive leurs effets probables sur la politique commerciale européenne.

2.3.1.

Cette communication affirme également que «les ODD constitueront une dimension transversale» dans la mise en œuvre de la stratégie globale de l’Union. Elle souligne que l’Union «a joué un rôle important» dans la définition de ce programme. Une forte synergie devrait jouer entre la promotion et la mise en œuvre des ODD et la promotion des valeurs européennes dans le monde, quand bien même les ODD ne prévoient pas directement de promouvoir la bonne gouvernance ni l’état de droit.

2.4.

Les ODD et l’accord de Paris modifient fondamentalement les priorités politiques mondiales en matière commerciale, notamment concernant le commerce des produits industriels et agricoles. La nécessité de mettre en œuvre ces accords doit désormais être au cœur de toutes les futures négociations commerciales de l’Union européenne.

2.4.1.

L’Union dispose de la crédibilité nécessaire pour jouer efficacement le rôle de trait d’union entre pays développés et en développement. Le CESE (11) a affirmé par le passé que l’Union était exceptionnellement bien placée pour faire avancer cette question:

elle représente l’un des principaux exportateurs et importateurs au niveau mondial,

elle n’apparaît plus adopter une attitude avant tout défensive en matière d’agriculture,

elle a manifesté un intérêt réel et soutenu pour le commerce et le développement,

surtout, elle a démontré lors de la conférence ministérielle de l’OMC qui s’est tenue en 2015 à Nairobi qu’elle était capable de développer une position intellectuelle originale et équilibrée.

3.   Les ODD: un rôle de premier plan pour le commerce et les investissements

3.1.

Le 1er mai dernier, la Fondation (12) des Nations unies a tweeté: «Ensuring good education, health & governance for all makes conflict less likely. @UN has 17 #GlobalGoals to do this. http://bit.ly/UN2030» (Assurer une éducation, une santé et une gouvernance de qualité pour tous réduit les causes possibles de conflit. L’ONU a défini 17 objectifs généraux pour y parvenir). Il s’agit de conditions fondamentales pour la réalisation des ODD, alors que la guerre et la corruption demeurent les principaux obstacles à leur mise en œuvre.

3.2.

Cependant, le commerce et les investissements ont un rôle très important à jouer dans la réalisation des ODD. Le commerce n’était mentionné qu’une fois dans les OMD, mais il l’est à neuf reprises dans les ODD. Le site web de l’OMC attire spécifiquement l’attention sur les objectifs 2 (éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable), 3 (permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge), 8 (promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi et un travail décent pour tous), 10 (réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre), 14 (conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines) et 17 (revitaliser le partenariat mondial pour le développement durable). Il conviendrait d’y ajouter les objectifs 7 (garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes à un coût abordable) et 9 (bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable et encourager l’innovation). Ces objectifs doivent en outre s’inscrire en parfaite synergie avec d’autres formes d’intervention, notamment en matière de développement.

3.2.1.

Les échanges commerciaux dans le domaine de l’agriculture joueront aussi un rôle important dans la réalisation de la plupart des ODD, notamment les objectifs 12 (établir des modes de consommation et de production durables) et 15 (gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des terres et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité), ainsi que l’objectif 1 (éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde), l’objectif 13 (prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions) et l’objectif 5 (parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles).

3.2.2.

Les ODD, contrairement aux OMD, désignent spécifiquement les «moyens de mise en œuvre» grâce à leurs 169 cibles bien définies. Une telle pléthore d’objectifs rend plus difficile de fixer des priorités ou de réunir des soutiens. Malgré cela, il est essentiel de veiller à garantir que ces cibles demeurent inclusives et qu’aucun segment de la société ne soit laissé de côté.

3.3.

Le CESE se demande avec inquiétude si des mesures ou des politiques suffisantes ont bien été définies, et si les principales lacunes à combler ont déjà été recensées de manière systématique.

3.3.1.

Il sera essentiel d’examiner en détail quelle peut être la contribution du commerce en tant que tel. À côté de l’action directe, il convient de tenir compte du commerce et des investissements «favorables aux ODD», sur la base par exemple d’un recours aux technologies propres. Le commerce et les investissements peuvent fournir une contribution positive de multiples manières, ne serait-ce que de façon indirecte, même s’ils ne peuvent pas toujours constituer le moteur principal pour atteindre les ODD et s’ils ne peuvent pas offrir une approche systématique.

3.4.

Par définition, le commerce devrait être durable, même si ce n’est pas toujours le cas dans la réalité, en particulier à l’aune des critères actuels de durabilité, et notamment de l’empreinte carbone. Par le passé, en Europe, le commerce se limitait aux denrées alimentaires et aux biens qu’une région donnée était incapable de produire elle-même (13). Deux autres facteurs jouaient également un rôle essentiel: la maîtrise de compétences fondamentales, développées sur une longue période, en matière de transformation, et la facilité des transports. L’accès à l’eau était capital, sachant que le transport par voie terrestre était à la fois beaucoup plus coûteux et bien moins fiable.

3.4.1.

Ces facteurs gardent leur importance. Les politiques de substitution des importations ont régulièrement échoué. La confiance internationale dans le commerce est fondamentale pour réduire au minimum, ou pour éviter, les barrières à l’importation inutiles. À cette fin, il convient de mettre en place un système commercial mondial qui serait lui-même sous-tendu par un système international de réglementation et de règlement des différends. En l’occurrence, le rôle incombant à l’OMC reste de la plus haute importance, malgré les problèmes qui pourraient survenir du fait de l’administration américaine.

3.4.2.

En effet, l’un des objectifs spécifiques couvert par l’objectif 17 est de «promouvoir un système commercial multilatéral universel, réglementé, ouvert, non discriminatoire et équitable sous l’égide de l’OMC». L’OMC est donc chargée de jouer un rôle de premier plan. Il faut que l’Union continue d’encourager et de soutenir cette dimension.

3.4.3.

La déclaration ministérielle de l’OMC à Nairobi a souligné que le commerce international pouvait contribuer à assurer une croissance durable, solide et équilibrée pour tous (14), précisant en outre qu’il serait beaucoup plus difficile d’y parvenir en l’absence d’un mécanisme commercial multilatéral efficace. L’importance de l’initiative «Aide pour le commerce», qui devrait jouer un rôle clé pour aider à la réalisation de nombreux ODD, s’y trouve également affirmée.

3.4.4.

L’engagement pris par l’OMC à Nairobi de supprimer les subventions à l’exportation pour les produits agricoles répond à l’un des objectifs clés fixés pour l’ODD 2 («faim zéro»). Les négociations en cours à l’OMC sur les subventions accordées au secteur de la pêche relèvent de l’ODD 14 (océans, mers et ressources marines), lequel vise à interdire, d’ici à 2020, celles qui contribuent à la surcapacité et à la surpêche. Nous espérons que la prochaine réunion ministérielle de l’OMC qui se tiendra à Buenos Aires permettra de dégager un tel accord.

3.4.5.

Depuis 1947, le GATT puis l’OMC se sont employés à supprimer les barrières. En dehors des denrées alimentaires, des produits agricoles, du textile, de l’habillement, de la chaussure et de la céramique, l’attention qui portait sur la suppression des barrières tarifaires s’est maintenant déplacée sur la gestion des obstacles non tarifaires. Ainsi que le CESE a déjà eu l’occasion de l’affirmer (15): «Le commerce contribue à réduire les déséquilibres de l’offre et de la demande; il peut sensiblement améliorer la sécurité alimentaire et l’alimentation en augmentant la disponibilité des denrées alimentaires, favoriser une utilisation efficace des ressources, accroître les investissements et les possibilités qu’offre le marché, et renforcer la croissance économique, permettant ainsi de créer des emplois, des revenus et de la prospérité».

3.5.

À mesure que les revenus mondiaux augmentent, la demande pour un choix et une diversité sans précédent de denrées alimentaires et de biens de consommation augmente également. Parmi eux figurent les produits du coton, les céréales et la viande bovine, dont la production requiert d’importants volumes d’eau — cette dernière représentant une ressource rare dans de nombreux endroits. L’utilisation durable de l’eau et des sols (de même que la prévention de la pollution de l’air) sont indispensables à la réalisation de nombreux ODD. La rationalisation de la production deviendra un problème toujours plus important: l’Ouzbékistan, par exemple, qui n’est pas encore membre de l’OMC, est hautement dépendant de sa production de coton alors même que ce pays est aride et que le coton est une culture notoirement gourmande en eau, requérant de surcroît un usage non négligeable de pesticides.

3.6.

L’accord sur la facilitation des échanges, qui est entré en vigueur au début de l’année 2017, devrait aussi accroître significativement la durabilité dans le commerce international grâce à la suppression des pertes de temps et des blocages inutiles aux frontières. Le renforcement des capacités est à cet égard un domaine dans lequel l’Union a un rôle essentiel à jouer.

3.7.

L’impact du commerce et des investissements sur le changement climatique est significatif. Les négociations plurilatérales relatives à l’accord sur les biens environnementaux (ABE) pourraient bien poser un jalon important en matière d’intégration du changement climatique dans la politique commerciale multilatérale, mais de nouvelles actions restent nécessaires au niveau multilatéral pour promouvoir une cohérence accrue.

3.8.

Le rôle des investissements dans la réalisation des ODD est également fondamental, notamment en Afrique, étant donné qu’ils contribuent à la mise en place des infrastructures (objectif 9) et des installations de traitement secondaire suffisantes et qu’ils renforcent la capacité d’acheminement des produits ainsi obtenus vers les pôles de transport et les marchés.

3.8.1.

Comme l’a souligné le Comité dans son avis sur les accords d’investissement autonomes (16): «Faciliter les investissements en fournissant les infrastructures durables nécessaires constituera une compétence clé pour les parties à un accord d’investissement. Les gouvernements sont responsables de la mise en place d’une base réglementaire solide pour l’infrastructure […] ou afin de garantir des réseaux efficients et efficaces pour l’énergie, l’eau et les transports par l’établissement systématique de conditions propices à cette fin. La conception des réseaux énergétiques et d’eau est complexe et il faudra peut-être dix années ou plus pour les mettre complètement en place».

4.   Le rôle de l’Union européenne et ce qui relève de sa compétence

4.1.

Comme indiqué précédemment, la communication de la Commission relative aux «Prochaines étapes pour un avenir européen durable» se donne pour but d’intégrer pleinement les ODD «dans le cadre d’action européen et les priorités de la Commission actuelle».

4.1.1.

Dans sa communication de 2006 intitulée «Une Europe compétitive dans une économie mondialisée», la Commission a déclaré qu’il fallait veiller à ce que les bénéfices de la libéralisation des échanges commerciaux «soient bien répercutés sur les citoyens. Aspirant à la justice et à la cohésion sociale sur notre territoire, nous devons en outre chercher à promouvoir nos valeurs — y compris les normes en matière sociale et environnementale et la diversité culturelle — dans le monde entier» (17).

4.1.2.

Le traité de Lisbonne (18) exige que tous les travaux de l’Union en matière de commerce, de développement et d’action extérieure soient coordonnés. Nous avons déjà exprimé notre déception (19) quant au fait que les ODD ont à peine été mentionnés dans la communication de la Commission «Le commerce pour tous» (20), publiée peu de temps après leur adoption par les Nations unies. Il convient, dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie «Le commerce pour tous», que l’Union veille tout particulièrement à ce que ses futurs accords de commerce et de partenariat respectent les normes fondamentales de l’OIT et les engagements de la COP 21, et qu’ils garantissent la protection des consommateurs.

4.1.3.

Cependant, comme l’a montré le récent arrêt de la CJUE (21) sur l’accord de libre-échange UE-Singapour, la compétence de l’Union en matière d’investissement est limitée, alors qu’elle est pleine et entière en matière commerciale.

4.2.

Les ODD ne sont pas juridiquement contraignants, et ils ne peuvent s’appuyer sur aucun mécanisme de règlement des différends. Leur succès dépendra des politiques et programmes nationaux de développement durable. Les Nations unies insistent sur le fait que des partenariats entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile s’imposent. Le site internet de l’organisation (22) comporte même une liste d’actions que les particuliers peuvent engager.

4.3.

L’Union doit continuer d’examiner ses propres politiques et activités pour établir de quelle manière elle peut contribuer au mieux à la réalisation des ODD, notamment en matière de commerce. Nous sommes préoccupés par le fait que l’Union semble souvent se soucier davantage de montrer comment ses politiques existantes coïncident avec les ODD ou les chevauchent, plutôt que d’adapter lesdites politiques pour obtenir un maximum de synergies. Il reste encore à nous convaincre que la Commission a bel et bien développé une approche qui soit pleinement transversale à toutes les directions générales pour les thématiques principales. En se concentrant davantage sur la réalisation des ODD, notamment en matière de politique commerciale, l’Union obtiendrait de meilleurs résultats.

4.3.1.

Devraient figurer au nombre des domaines concernés, le prochain renouvellement de l’accord de partenariat ACP-UE dit «de Cotonou» ainsi que les interactions plus larges de l’Union avec ces régions. Parallèlement aux mesures ciblées de renforcement des capacités pour soutenir l’accord sur la facilitation des échanges, cette démarche devrait servir de fondement à toute révision en cours de la stratégie commune Union européenne/États membres en faveur de l’aide pour le commerce (23), qui constitue une composante essentielle de l’initiative «Aide pour le commerce» de l’OMC. Conçue pour renforcer la capacité des pays en développement à tirer parti des possibilités offertes par les accords commerciaux, cette démarche se révélera pour sa part essentielle lors du processus de réalisation de nombre d’objectifs.

4.3.2.

Un soutien plus ciblé devrait également être accordé à l’utilisation du commerce comme moyen de soutenir à la fois l’intégration régionale et les ODD, en particulier dans les régions devant encore conclure des APE — même si nous regrettons aussi que les promesses initiales desdits APE ne se soient pas encore pleinement matérialisées.

4.3.3.

Dans la limite de ses compétences, l’Union devrait également chercher à établir de plus grandes synergies entre les ODD et les 27 conventions environnementales et de l’OIT d’application obligatoire pertinentes pour son programme SPG+ [ainsi qu’avec les exigences attachées à son programme «Everything But Arms» (Tout sauf les armes — EBA) à destination des pays les moins avancés].

4.3.4.

La déclaration finale du 14e séminaire des milieux économiques et sociaux ACP-UE tenu à Yaoundé (24) au mois de juillet 2015 indique que l’ensemble des ressources financières disponibles doit être mis au service de la réalisation des ODD, dans un cadre de gouvernance budgétaire saine et transparente, en y associant le secteur privé.

4.4.

Le Comité estime également que l’Union devrait, chaque fois que cela est possible, promouvoir la réalisation des ODD dans le cadre de ses relations bilatérales. Un excellent exemple à cet égard est celui de l’interaction avec la Chine dans le cadre de la BRI, dont la mise en œuvre a été considérée, lors de la récente réunion de la table ronde UE-Chine (25), comme devant contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable et à la mise en œuvre de l’accord de Paris sur les changements climatiques. Une approche similaire s’exprime dans les observations récemment formulées par le secrétaire général des Nations unies.

4.4.1.

Cependant, le CESE réaffirme être fermement convaincu de l’importance que la Chine et d’autres pays respectent les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT).

4.5.

Le CESE estime également que l’Union européenne doit intégrer la stratégie Europe 2020 aux objectifs communs avec les ODD afin de créer les conditions propices à une croissance intelligente, durable et inclusive.

4.6.

Dans son avis sur «Le développement durable — Recensement des politiques intérieures et extérieures de l’Union européenne» (26), le CESE déclare: «le programme des Nations unies à l’horizon 2030 devrait se transformer en une démarche proactive, positive et porteuse de changement pour l’Europe, et ce processus devrait être mû par une volonté politique ferme et une détermination à façonner une Union européenne durable en réorientant nos économies vers un développement fondé sur la résilience et la compétitivité, efficace dans l’utilisation des ressources, sobre en carbone et axé sur l’intégration sociale. Cette trame narrative orientée vers l’avenir contribuerait également à combler le manque de confiance sans précédent des citoyens européens dans le projet de l’Union, et notamment à gagner le soutien des jeunes. C’est ainsi que l’Union européenne devrait s’appuyer sur le programme des Nations unies à l’horizon 2030 pour offrir à ses citoyens une nouvelle vision pour l’Europe, sous la forme d’un contrat social pour le XXIe siècle».

5.   Le rôle du secteur privé

5.1.

La Cnuced estime (27) que la réalisation des 17 ODD (et des 169 cibles qui leur sont attachées) nécessitera de trouver annuellement un montant supplémentaire de 2 500 milliards d’USD. Il est attendu qu’un tiers au moins de cette somme provienne du secteur privé, dont le rôle est mis en avant dans l’objectif 17, avec celui de la société civile.

5.2.

La majeure partie de ce montant proviendra d’un accroissement du commerce et des investissements, du fait notamment de la nécessité de bâtir des villes, et, par conséquent, de construire des infrastructures, des écoles, des hôpitaux et des routes. Cet aspect figure déjà implicitement dans la BRI de la Chine.

5.3.

Comme évoqué précédemment, la construction d’infrastructures en Afrique notamment, jouera un rôle particulièrement important. Les échanges intra-africains sont peu élevés; ils constituent entre 10 et 15 % de l’ensemble des flux commerciaux africains. Comme l’a déjà souligné le CESE, «pour que l’Afrique puisse prendre une part active au négoce[, notamment] alimentaire[,] et améliorer sa sécurité en la matière, il sera capital de renforcer la capacité des pays africains à intensifier le commerce de produits agricoles en lien avec les objectifs de développement durable qui concernent les infrastructures, l’intégration régionale et l’approfondissement des marchés intérieurs, grâce notamment à un renforcement de la transformation secondaire» (28).

5.4.

Le CESE a également affirmé que «l’environnement réglementaire doit […] être planifié à long terme. […] Les entreprises doivent elles aussi planifier à long terme, en particulier si elles veulent que leurs investissements soient fructueux. Un échec d’un côté comme de l’autre ne serait bénéfique à personne. Il convient que des acteurs solides, tant gouvernementaux que du secteur privé, développent des synergies nouvelles et apprennent de nouvelles formes de participation. À cet égard, la contribution de la société civile devra également jouer un rôle plus important, notamment au niveau des partenaires sociaux» (29).

5.5.

Une gestion efficace des chaînes de valeur mondiales (CVM) et des chaînes d’approvisionnement mondiales (CAM) sera essentielle, comme l’a souligné le CESE dans son avis intitulé «Un travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales» (30). Les CVM couvrent l’ensemble des activités qui vont de la conception d’un produit à sa consommation finale. Une CAM est un élément d’une CVM lié à l’approvisionnement, et non à la conception ou à la distribution.

5.5.1.

Le CESE déclare que son objectif est de «mettre en place une politique progressive, cohérente et durable en matière de gestion responsable des CAM» et de promouvoir des «approches pratiques et appropriées, fondées sur les risques, qui tiennent compte de la nature spécifique de la chaîne de valeur mondiale et de la CAM (linéaire ou modulaire, simple ou complexe, courte ou longue)».

5.5.2.

L’impact du secteur privé sera profond. Il peut être un catalyseur majeur pour un renouveau social, économique et culturel, grâce en particulier à la promotion et au développement de compétences clés, et en assurant une plus grande diversification. De nombreuses entreprises disposent déjà de leur propre stratégie en matière d’ODD. Néanmoins, la conduite responsable des entreprises jouera un rôle important pour atteindre les ODD, notamment en encourageant l’ensemble des entreprises à assumer la responsabilité de leur impact sur la société. Celle-ci devrait reposer sur une diligence raisonnable fondée sur les risques, notamment en ce qui concerne les CAM et les CVM, en couvrant aussi bien les incidences négatives que les risques et en encourageant activement les profits, tout en veillant à ce qu’aucun segment de la société ne soit laissé de côté. Les «licences d’exploitation» des entreprises devraient quant à elles se trouver favorisées, tandis que l’innovation et la croissance économique durable seraient maximisées.

5.6.

Assurer une plus grande synergie entre les ODD et le secteur privé supposera donc:

de promouvoir la responsabilité sociale des entreprises (RSE), la norme ISO 26000 et le développement des accords-cadres internationaux négociés entre les grandes multinationales et les organisations syndicales internationales (dans tous les secteurs, en particulier industriels),

de développer la notation extrafinancière des entreprises (sociale et environnementale) et de favoriser les investissements socialement responsables,

d’inclure une responsabilité sociale et environnementale dans la chaîne de valeur entre donneur d’ordre et sous-traitant.

5.6.1.

Le CESE estime que tout futur accord de commerce ou de partenariat de l’Union européenne devrait s’efforcer d’inclure la promotion des principes et des normes de la RSE et de promouvoir les législations nationales en la matière, notamment en ce qui concerne la publication d’informations non financières. Il conviendrait d’insister, dans le cadre de ces accords, pour que chaque partie signataire favorise activement le respect par les entreprises des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales (31) et du pacte mondial des Nations unies, pour que le droit à la négociation collective soit garanti et que le dialogue social soit soutenu.

5.6.2.

Dans son rapport d’information sur la responsabilité sociale des entreprises (32), le Comité a également souligné l’importance des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (33) de 2011, qui constituent une avancée majeure en matière de responsabilité des entreprises en raison de l’accent mis sur les droits humains dans le pilier sociétal. Les Nations unies entreprennent actuellement de les développer pour les transformer en un traité contraignant sur les activités des sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’homme.

5.6.3.

Parmi les autres avis du CESE concernés figurent ceux consacrés au rôle du secteur privé en matière de financement du développement (34), ainsi qu’à l’institution de la garantie FEDD et du fonds de garantie FEDD (35).

5.7.

La réalisation de l’objectif 17 doit passer à la fois par les marchés publics et par une collaboration entre pouvoirs publics et secteur privé. L’Union devrait travailler en étroite coopération tant avec la Cnuced qu’avec la CEE-ONU, qui a plaidé en faveur du rôle des partenariats public-privé (PPP). Tout en étant globalement favorable aux PPP, le CESE a pointé (36) certains sujets d’inquiétude, déclarant que les PPP «peuvent devenir un instrument essentiel pour mettre en œuvre les stratégies de développement, pour autant que l’on assure au préalable un dosage correct et une bonne communication des parties intéressées».

5.8.

Le Comité a déjà souligné le potentiel considérable du commerce en ligne pour les PME et les entreprises plus spécialisées, sachant qu’il leur permet, ainsi qu’aux entreprises locales, d’accéder à des marchés jusqu’alors hors de portée. Dans la mesure où les PME sont des moteurs clés de l’innovation, où elles sont essentielles au maintien et au développement de la durabilité, et fournissent entre 70 et 80 % des emplois, le CESE demande à la Commission de faire un effort tout particulier pour les aider à contribuer au respect des ODD.

6.   Le rôle de la société civile

6.1.

L’ODD 17 fait explicitement référence au rôle de la société civile, en déclarant que «des partenariats efficaces entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile sont nécessaires pour un programme de développement durable réussi. Ces partenariats inclusifs […] sont nécessaires au niveau mondial, régional, national et local». Il se réfère ensuite à l’«examen» et au «suivi des cadres». Pour la première fois dans l’histoire des Nations unies, la responsabilité des États à l’égard des citoyens est soulignée dans les ODD. La mise en œuvre des ODD nécessitera la participation directe de la société civile, dans la mesure surtout où cette participation favorise le respect de l’état de droit et la maîtrise de la corruption. Lorsque la société civile n’ose pas intervenir, la situation évolue dans un sens contraire. Dans une société ouverte, la voix de la société civile constitue un puissant moteur en faveur de changements intérieurs majeurs, de l’ouverture et du pluralisme.

6.1.1.

Depuis l’accord de libre-échange UE-Corée de 2011, tous les accords commerciaux et de partenariat économique de l’Union ont cherché à inclure des chapitres «Commerce et développement durable» (37) prévoyant des mécanismes de suivi par la société civile. Ces chapitres sont en cours de révision. Il faudrait les renforcer et, dans la mesure du possible, les adapter pour soutenir la mise en œuvre des ODD. Les futurs mandats de négociation de l’Union doivent inclure une référence spécifique aux ODD dans les chapitres «Commerce et développement durable».

6.2.

Ces mécanismes possèdent un potentiel important de promotion des valeurs européennes, y compris les normes sociales et environnementales. Ils peuvent produire des résultats concrets. Ils constituent un important canal de coopération et de renforcement des capacités de la société civile pour les pays partenaires.

6.2.1.

Ces mécanismes conjoints représentant la société civile doivent être en mesure d’intervenir pour promouvoir la réalisation des ODD, et de prendre des mesures pour contrer les évolutions défavorables. Nous estimons que ces chapitres consacrés au commerce et au développement durable doivent être exécutoires au même titre que les autres clauses commerciales. À cet égard, nous demandons à la Commission européenne de négocier dans tous les accords futurs des mesures qui permettent un suivi complet de la mise en œuvre de ces chapitres et, le cas échéant, de prendre les mesures qui s’imposent.

6.3.

Le Comité se félicite également de l’accent mis sur l’importance de «l’économie sociale pour la création d’emplois et le développement durable» dans les conclusions du Conseil sur un nouveau partenariat mondial pour l’éradication de la pauvreté et le développement durable après 2015, adoptées en mai 2015 (38). Les organisations de l’économie sociale peuvent elles aussi s’affirmer comme des acteurs de tout premier plan pour contribuer à réaliser les ODD. Dans son récent avis sur l’économie sociale (39), le CESE souligne que cette dernière est très présente dans la vie quotidienne et les activités productives dans de vastes régions d’Afrique, d’Amérique et d’Asie, contribuant ainsi de manière essentielle à l’amélioration des conditions de vie et de travail à l’échelle mondiale.

Bruxelles, le 7 décembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, tenue à Paris (COP 21 de la CCNUCC).

(2)  COM(2016) 739 final.

(3)  Article 21, paragraphe 3, du TFUE.

(4)  OMD 8, Mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

(5)  Pékin, les 29 et 30 juin 2017 (paragraphe 25).

(6)  Communiqué de presse de la Cnuced, Genève, 2014 — régulièrement réitéré depuis.

(7)  REX/487 — Avis d’initiative du CESE sur «Les partenariats de l’Union européenne pour le développement dans le contexte des conventions fiscales internationales», rapporteur M. Alfred Gajdosik, corapporteur: M. Thomas Wagnsonner (non encore publié au JO).

(8)  Avis du CESE sur le thème «Le commerce pour tous — Vers une politique de commerce et d’investissement plus responsable», rapporteur: Jonathan Peel (JO C 264 du 20.7.2016, p. 123).

(9)  Article 21, paragraphe 3, du TFUE.

(10)  Avis d’initiative du CESE sur «Le rôle de l’agriculture dans les négociations commerciales multilatérales, bilatérales et régionales à la lumière de la réunion ministérielle de l’OMC à Nairobi», rapporteur: Jonathan Peel JO C 173 du 31.5.2017, p. 20.

(11)  Ibidem.

(12)  @UNFoundation.

(13)  Le Nord offrait laine, fourrures, bois et céréales, le Sud en échange proposait étoffes de coton, huile d’olive, liège, vins, denrées alimentaires et fruits.

(14)  https://www.wto.org/english/thewto_e/minist_e/mc10_e/mindecision_e.htm.

(15)  Voir la note de page 9, idem.

(16)  Avis du CESE sur «Le rôle du développement durable et la participation de la société civile dans les accords d’investissement autonomes entre l’Union européenne et les pays tiers», rapporteur: Jonathan Peel (JO C 268 du 14.8.2015, p. 19).

(17)  COM(2006) 567 final, 4 octobre 2006, paragraphe 3.1.iii.

(18)  Article 3, paragraphe 5.

(19)  Avis du CESE sur le thème «Le commerce pour tous — Vers une politique de commerce et d’investissement plus responsable», rapporteur: Jonathan Peel (JO C 264 du 20.7.2016, p. 123).

(20)  COM(2015) 497 final.

(21)  Cour de justice de l’Union européenne, communiqué de presse no 52/17.

(22)  http://www.un.org/sustainabledevelopment/takeaction.

(23)  Tout en reconnaissant que la contribution de l’Union en 2014 s’élevait à 12 milliards d’EUR.

(24)  Conformément au mandat conféré par l’accord de Cotonou.

(25)  Voir la note de bas de page 5.

(26)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 41.

(27)  Communiqué de presse de la Cnuced, Genève, 2014 — régulièrement réitéré depuis.

(28)  Avis du CESE sur «Le rôle de l’agriculture dans les négociations commerciales multilatérales, bilatérales et régionales à la lumière de la réunion ministérielle de l’OMC à Nairobi», ibidem, note de bas de page 9, JO C 173 du 31.5.2017, p. 20.

(29)  Voir note de bas de page 15.

(30)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 17.

(31)  Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, 2011.

(32)  Rapport d’information du CESE sur «La responsabilité sociale et sociétale des entreprises», rapporteure: Evelyne Pichenot.

(33)  http://www.ohchr.org/Documents/Publications/GuidingPrinciplesBusinessHR_En.pdf.

(34)  Avis du CESE sur le thème «Financement du développement — la position de la société civile», rapporteur: Ivan Voleš (JO C 383 du 17.11.2015, p. 49).

(35)  Avis du CESE intitulé «Institution de la garantie FEDD et du fonds de garantie FEDD», rapporteur: Jan Simons (JO C 173 du 31.5.2017, p. 62).

(36)  JO C 67 du 6.3.2014, p. 1.

(37)  La seule exception observée est celle que constitue l’APE avec la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).

(38)  http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-9241-2015-INIT/fr/pdf.

(39)  Avis d’initiative du CESE sur «La dimension extérieure de l’économie sociale», rapporteur: Miguel Ángel Cabra De Luna (JO C 345 du 13.10.2017, p. 58).


11.4.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 129/36


Avis du Comité économique et social européen sur «Les avantages de l’approche de développement local mené par les acteurs locaux (DLAL) pour un développement local et rural intégré»

(avis exploratoire)

(2018/C 129/06)

Rapporteur:

M. Roman HAKEN

Consultation

Présidence estonienne du Conseil, 08/08/2017

Base juridique

Article 302 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Avis exploratoire

Décision du Bureau

19/09/2017

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

21/11/2017

Adoption en session plénière

07/12/2017

Session plénière no

530

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

152/3/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’Union européenne s’apprête à entamer les négociations relatives à sa politique après 2020. La Commission européenne et les États membres commencent à débattre du futur cadre de financement des Fonds structurels et d’investissement européens (Fonds ESI).

1.2.

Comment l’Union européenne peut-elle consolider ses liens avec les États membres et regagner la confiance de ses citoyens (1)?

1.3.

La réponse pourrait consister à mettre correctement en œuvre une approche de développement local mené par les acteurs locaux (DLAL) qui rende possibles un développement local intégré et la participation des citoyens et de leurs organisations sur le terrain. Le Comité économique et social européen (CESE) a la conviction que le DLAL pourrait offrir de multiples avantages en tant qu’outil européen performant de développement local.

Le CESE émet les recommandations suivantes:

1.4.

établir une vision claire de la mise en œuvre obligatoire, par des fonds multiples, du DLAL dans l’Union européenne, en veillant à ce que l’approche du DLAL soit appliquée à tous les types de territoires: ruraux (y compris les régions montagneuses et insulaires), urbains et côtiers;

1.5.

inviter instamment la Commission européenne à explorer et analyser en profondeur les possibilités de créer un fonds de réserve pour le DLAL au niveau de l’Union. En tout état de cause, la Commission européenne devra veiller à ce que tous les États membres disposent d’un fonds national pour le DLAL, auquel contribueraient les quatre Fonds ESI (Feader, FEDER, FSE et FEAMP);

1.6.

définir un cadre harmonisé de tous les Fonds ESI et mettre en place des règles simples de mise en œuvre du Fonds DLAL à l’échelon européen;

1.7.

reconnaître que le DLAL, qui constitue un renforcement de la méthode «Leader», donne aux États membres une occasion unique de développer leurs différentes régions de manière plus inclusive, durable et intégrée, en partenariat avec les parties prenantes locales. Afin d’obtenir un effet plus important, des ressources financières suffisantes doivent être mises à disposition pour mettre en œuvre le DLAL au cours de la période de programmation 2021-2027. À cette fin, le CESE invite la Commission européenne à instaurer l’obligation, pour les États membres, d’allouer au moins 15 % du budget de chaque Fonds ESI au Fonds DLAL, qui lui-même doit bénéficier également d’une dotation suffisante en ressources nationales;

1.8.

éviter tout hiatus entre les périodes de programmation et assurer un meilleur démarrage de la période 2021-2027;

1.9.

un cadre juridique compliqué et des procédures longues ont considérablement alourdi les charges administratives pour tous les acteurs du DLAL. Pour assurer l’efficacité de la mise en œuvre future d’un DLAL plurifonds, le CESE plaide pour une simplification significative du cadre juridique, des procédures de mise en œuvre et du modèle du DLAL pour la période de programmation 2021-2027. Le nouveau contexte politique et économique devrait être mis à profit pour réduire les lourdeurs bureaucratiques et créer un cadre simple qui soit axé sur les opportunités et la confiance. Un système simple a été créé, par exemple, pour faire évoluer les subventions globales. Plutôt que de se focaliser sur la prévention des erreurs, il est nécessaire d’élaborer des règles qui permettent de véritablement soutenir les groupes d’action locale (GAL) et les bénéficiaires locaux (utilisateurs finaux) dans la mise en œuvre de leurs stratégies et projets de développement local;

1.10.

permettre un dialogue étroit entre tous les acteurs du DLAL à l’échelon européen, national, régional et local dans le cadre de la préparation de la prochaine période de programmation, afin d’établir des liens de confiance et de mettre en œuvre une approche plurifonds intégrée du DLAL. Les liens entre l’Union européenne, les citoyens et les collectivités doivent être renforcés;

1.11.

permettre un renforcement continu des capacités de tous les acteurs du DLAL (autorités, GAL, réseaux Leader et ruraux, organismes payeurs, etc.) dans le cadre des fonds multiples qui y sont liés;

1.12.

exploiter le potentiel que recèlent les solutions informatiques en matière de simplification et d’automatisation de la collecte de données à l’échelon national et local. Il convient de diffuser les meilleures pratiques relatives à l’utilisation de ces systèmes auprès des autorités de gestion et des GAL (comme c’est le cas, par exemple, en Estonie). Des systèmes informatiques doivent être développés, moyennant la participation réelle de toutes les parties prenantes, et conçus en vue de contribuer à la stratégie globale de simplification des Fonds ESI;

1.13.

appliquer une démarche participative pour maintenir des stratégies de développement local conformes à l’évolution des conditions locales — et les y adapter — (cohésion sociale, migration, concentrations régionales, économie verte, changement climatique, solutions intelligentes, technologie, etc.), et tirer parti de la révolution des nouvelles technologies et de l’informatique;

1.14.

la principale valeur des GAL, qui sont également à même de sélectionner des projets intéressants, est liée à leur rôle d’animateurs des territoires, y compris en matière de coopération interterritoriale et transnationale. Les GAL doivent faciliter activement les opérations et travailler de manière intersectorielle en associant toutes les parties prenantes concernées dans leur domaine;

1.15.

il importe que les réalisations des GAL soient visibles, bénéficient d’une forte exposition, et que soit menée une évaluation continue de la mise en œuvre des stratégies de développement local, et il convient dorénavant de s’attacher davantage à garantir des résultats et à évaluer des performances et des effets à long terme, plutôt que d’insister sur les mécanismes de contrôle de l’admissibilité;

1.16.

le DLAL dans les zones urbaines et périurbaines constitue le défi de l’avenir pour le développement local de l’Union européenne. Le CESE recommande de recueillir des données sur les expériences pilotes fructueuses et d’organiser des campagnes d’information et de sensibilisation afin de les diffuser plus largement. Des formations devront être dispensées aux acteurs urbains et à l’administration publique au niveau local. Le DLAL, dans les zones urbaines, peut être utilisé comme un outil de mise en œuvre du programme urbain de l’Union et être combiné avec le programme «Urbact».

2.   Introduction et mise en œuvre du développement local mené par les acteurs locaux (DLAL) dans les États membres: le contexte

2.1.

Le DLAL est la version actualisée de la méthode «Leader» qui a plus de 26 ans. Elle s’en distingue principalement par son approche plus étroitement intégrée et par son modèle de financement diversifié. Dorénavant, certains GAL présents dans les zones rurales disposent aussi d’un accès aux financements du Fonds européen de développement régional, du Fonds social et du Fonds pour la pêche. À compter de l’actuelle période de programmation (2014-2020), l’approche faisant intervenir plusieurs fonds dans le DLAL a été étendue à la dimension urbaine.

2.2.

D’après les données de la Commission européenne, vingt États membres ont adopté l’approche plurifonds au cours de l’actuelle période de programmation 2014-2020: l’Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède. Huit États membres (la Belgique, Chypre, la Croatie, l’Estonie, l’Irlande, le Luxembourg, Malte et les Pays-Bas) ont décidé de ne pas y recourir pour la période en cours. Grâce à des négociations fructueuses, la contribution des autres fonds s’approche de 50 % dans certains États (la Hongrie, le Portugal, la République tchèque et la Slovaquie). La mise en place de l’approche plurifonds exige de la volonté politique et une compréhension des avantages du DLAL au niveau national, ainsi qu’une bonne collaboration entre les ministères. L’objectif de la Commission européenne est d’éliminer les barrières entre les fonds et de renforcer ainsi les synergies et la cohérence, au niveau tant local que régional.

2.3.

L’approche Leader a été renforcée pour la période 2014-2020. Considérant le rôle des collectivités locales qui contribuent à la cohésion territoriale et aux objectifs stratégiques de la stratégie Europe 2020, l’Union européenne a décidé, avec le soutien actif du Parlement européen, de faciliter et de renforcer l’utilisation du DLAL pour tous les types de territoires (ruraux, urbains, côtiers) et pour les besoins de diverses natures des populations locales (notamment sociaux, culturels, environnementaux et économiques). Au cours de la période 2014-2020, les initiatives de DLAL peuvent bénéficier du soutien de tous les Fonds structurels et d’investissement européens (ESI) — à l’exception du Fonds de cohésion — et relèvent du cadre commun défini dans le règlement sur les dispositions communes (RPC) régissant ces fonds. Cela permet d’assurer une plus grande cohérence et une meilleure coordination du financement accordé par l’Union européenne, ainsi qu’une plus grande efficacité dans l’utilisation de celui-ci. Ces règles communes sont complétées par des caractéristiques propres à chaque fonds (par exemple, un minimum de 5 % des fonds du Feader doit suivre l’approche du DLAL, tandis que le soutien au DLAL est facultatif pour les autres fonds). L’exigence consistant à imposer un financement obligatoire a assuré une mise en œuvre fructueuse de la méthode Leader.

2.4.

Au cours de l’actuelle période de programmation, la méthode Leader s’est accompagnée de l’outil des «investissements territoriaux intégrés» (ITI) qui se concentre sur des régions étendues (NUTS III, zones métropolitaines, etc.) et sur des projets de très grande taille. La société civile organisée est moins étroitement associée à ce processus qu’au dispositif à petite échelle du DLAL (2).

2.5.

Le DLAL repose sur trois éléments interdépendants: les GAL (représentant des intérêts socio-économiques locaux, publics et privés), les stratégies intégrées de développement local et des territoires bien définis. Tous trois sont soumis à des exigences spécifiques définies dans le RPC, par exemple: le territoire ciblé doit avoir une population comprise entre 10 000 et 150 000 habitants, et dans les stratégies doivent figurer les objectifs poursuivis, une analyse des besoins et du potentiel de la zone, ainsi que des plans d’action et des plans financiers.

2.6.

Le CESE s’étonne du fait que le programme Leader ait été plus simple et plus facile à mettre en œuvre dans les années 1990 qu’aujourd’hui. Nous disposons maintenant d’ordinateurs, de l’internet, de logiciels et de téléphones mobiles, et pourtant la tâche est devenue plus difficile à accomplir. Le CESE souhaite donc une véritable simplification; autrement, cette nouvelle «techno-bureaucratie» détruira des instruments européens qui ont fait leurs preuves.

3.   Les principaux avantages de l’approche plurifonds du DLAL dans la mise en œuvre des stratégies de développement local

3.1.

L’approche plurifonds du DLAL permet aux États membres de renforcer les capacités locales et régionales en matière de développement intégré. Les pratiques des États membres ont montré que le développement local intégré exerce une influence sur un large éventail d’activités et a un impact majeur sur l’économie et la création d’emploi à l’échelon local, en particulier en dehors de la production primaire agricole.

3.2.

En outre, le développement local intégré a un effet très bénéfique sur l’insertion sociale en raison de l’engagement et de la participation de différentes parties prenantes (acteurs de divers types, catégories d’âge et des deux sexes). Le DLAL offre la possibilité d’associer un plus grand nombre de parties prenantes locales que la méthode Leader, qui bénéficiait uniquement de l’appui du Feader. Le développement régional prend une importance accrue dans le cadre du DLAL.

3.3.

La politique de cohésion de l’Union a pour but la cohésion territoriale, ce qui est également l’objectif de l’approche du DLAL. Celui-ci regroupe tous les types de territoires (ruraux, urbains et côtiers), différents besoins des populations locales (sociaux, culturels, environnementaux et économiques) et différents mécanismes de financement (quatre Fonds ESI sont concernés). Donner la possibilité d’appliquer le DLAL dans tous les types de territoires aide à établir une cohésion entre les régions rurales, périurbaines et urbaines, ce qui contribue à surmonter ou enrayer l’effet de périphérie.

3.4.

La méthodologie du DLAL joue un rôle important pour promouvoir le développement local intégré en raison des éléments qui la composent: approche ascendante, stratégies de développement local liées au territoire, partenariats public-privé, innovation, approche intégrée et multisectorielle, mise en réseau et coopération, gestion décentralisée. Afin de favoriser une mise en œuvre adéquate de cette méthodologie, le partage des informations, des activités de diffusion et une plus grande visibilité de la méthode elle-même et de ses avantages sont de mise.

3.5.

Plus de 26 années d’expérience dans la mise en œuvre du programme Leader ont démontré que la méthodologie Leader/DLAL fonctionne, qu’elle constitue un moyen durable et efficace de développer des territoires et qu’elle a un effet à long terme sur le développement local. Le DLAL a désormais poursuivi le développement de son potentiel grâce à une approche plus intégrée, dont on peut considérer qu’elle est encore plus efficace grâce à la diversité de son modèle de mise en œuvre.

3.6.

Ce modèle de mise en œuvre diversifié du DLAL aide les États membres et, au niveau local, les territoires à réduire les risques et à améliorer la transparence.

3.7.

Le CESE soutient fermement le processus décisionnel ascendant, qui garantit que les investissements sont bien conformes aux besoins et au potentiel réels des territoires. Le DLAL se veut encore plus flexible, prenant en compte tous les besoins éventuels d’une collectivité et permettant aux populations locales de choisir de traiter les questions les plus pertinentes dans leur stratégie de développement local.

3.8.

L’engagement et le renforcement des capacités des acteurs locaux est l’un des plus grands avantages qu’offre la méthodologie du DLAL. Le développement local intégré est le meilleur moyen de créer des liens et des synergies entre les différentes parties prenantes et questions liées au développement local.

3.9.

Le CESE se félicite que le DLAL soit un processus qui suppose la participation et la formation permanentes des populations locales. Son approche plus étroitement intégrée leur offre davantage de possibilités d’accroître leurs capacités et leurs connaissances. Les liens entre zones rurales, urbaines et côtières permettent aux personnes concernées d’apprendre les unes des autres et de trouver des réponses à des enjeux importants d’une manière plus intégrée. La coopération, la mise en réseau et la formation continues améliorent la bonne gouvernance.

3.10.

Les thématiques de l’économie verte, de l’insertion sociale, de la réduction de la pauvreté, des questions migratoires, des pôles régionaux, des liens entre zones rurales, urbaines et côtières, des solutions intelligentes et des technologies informatiques sont de plus en plus importantes pour le développement local. Le DLAL crée, pour tous les types de territoires (ruraux, urbains et côtiers) et de collectivités, des opportunités de travailler ensemble sur ces enjeux. L’approche plurifonds du DLAL constitue un excellent mécanisme de soutien pour le concept de «villages intelligents» en ce qu’il permet un renforcement des capacités, des investissements, un appui à l’innovation et un travail en réseau, et qu’il fournit des outils de financement innovants pour améliorer les services et l’infrastructure (3).

3.11.

Le CESE espère qu’une plus grande cohérence et qu’une meilleure coordination des financements européens permettront aux acteurs locaux de concevoir plus facilement des stratégies multisectorielles, soutenues par une combinaison de fonds et mieux adaptées aux territoires mixtes (par exemple ruraux-urbains-côtiers). Pour l’heure, afin de simplifier les choses dans les stratégies à fonds multiples, un «fonds principal» doit être désigné pour couvrir tous les coûts de gestion au niveau national. Une réglementation relative au DLAL comportant un ensemble de règles unifiées pour tous les Fonds ESI au niveau de l’Union serait encore plus efficace pour réduire la charge administrative.

3.12.

Le CESE est convaincu que l’intégration de tous les domaines d’intervention prioritaires des quatre Fonds ESI aux fins de la mise en œuvre des stratégies de développement local présente de nombreux avantages pour tous les types de GAL (4).

3.13.

Le DLAL est une approche du développement ascendante et ancrée dans la dimension européenne qui peut aider à faire contrepoids aux tendances anti-européennes qui traversent les collectivités locales, en contribuant à l’insertion sociale et au développement économique durable des territoires où elle est appliquée.

4.   Principaux besoins et/ou difficultés liés à la mise en œuvre de fonds multiples au service du développement local mené par les acteurs locaux (DLAL) au cours de la période 2014-2020

4.1.

Le manque de cohésion entre les différents fonds et la faiblesse de la cohésion territoriale, ainsi qu’une mauvaise compréhension des avantages du DLAL parmi les décideurs, se sont révélés être les principaux obstacles au niveau national. Une véritable synergie entre différents fonds et territoires (ruraux, urbains et côtiers) a été difficile à réaliser en raison des «frontières» qui existent encore entre les fonds à l’échelon national. Chaque fonds suit des règles et réglementations différentes, la coopération entre les autorités de gestion est rare et il y a un manque de coordination manifeste dans la plupart des pays qui mettent en œuvre un DLAL plurifonds. Seule la Suède procède de la sorte dans tout le pays et a rendu disponibles les quatre Fonds ESI pour tous types de GAL (ruraux-urbains-côtiers).

4.2.

Les États membres ne devraient pas ajouter de règles ni d’exigences supplémentaires entravant la simplification. Celle-ci doit être une véritable simplification, conformément aux règles proposées par la Commission européenne. Il est nécessaire de prévoir des formations permettant de comprendre précisément ces modèles. La Cour des comptes européenne n’a pas constaté davantage d’erreurs dans les projets Leader que dans d’autres projets relevant de mesures différentes.

4.3.

Les États membres ne devraient pas transformer le DLAL en un moyen pour eux d’allouer des financements suivant un cahier des charges prédéfini de mesures nationales. Le DLAL devrait être un outil de développement «à large spectre» prévoyant des mesures définies à l’échelon local.

4.4.

Le démarrage de la période de programmation a connu d’importants retards. Tous les pays n’ont pas été en mesure d’assurer la continuité entre les périodes de programmation, ni une mise en œuvre fluide, ce qui a engendré beaucoup d’incertitudes et des déperditions de motivation et de connaissances existantes. Il convient d’éviter cet écueil à l’avenir.

4.5.

Le CESE est conscient du fait que le manque de confiance entre les acteurs du DLAL empêche d’exploiter tout le potentiel de cette méthode. Cette confiance est à construire dans la durée. Punir constamment durant la mise en œuvre nuit à la confiance et au dialogue. Les autorités de gestion, y compris les organismes payeurs, disposent du pouvoir discrétionnaire de ne pas sanctionner, qu’il convient d’utiliser plus souvent.

4.6.

Le véritable potentiel de simplification au moyen du développement de solutions informatiques n’a pas été exploité. Tous les acteurs du DLAL n’ont pas été associés au processus de développement des outils informatiques, ce qui a entraîné des difficultés dans l’utilisation de ces systèmes. Les connaissances pratiques des GAL doivent être prises en compte lors de la conception d’outils informatiques destinés à la mise en œuvre. Les plateformes informatiques développées par les autorités de gestion doivent répondre aux besoins de tous les acteurs du DLAL. Les GAL doivent disposer de plateformes souples et ouvertes pour permettre la mise en œuvre de leurs stratégies de développement local en fonction des spécificités de leur territoire. La normalisation doit être évitée.

4.7.

Le CESE constate que les attentes, les efforts et les moyens financiers divergent au sein de nombreux États membres. Si nous voulons obtenir des résultats concrets, nous devons également investir suffisamment d’argent pour que nos attentes soient réalistes. Pour obtenir l’effet escompté, il convient d’être réaliste en allouant des moyens financiers suffisants au DLAL à partir de chaque fonds ESI. Il existe de très bons exemples à cet égard dans l’Union (comme la Saxe et les Asturies, qui affichent des contributions respectives de 40 % et 17 % de leurs programmes de développement rural).

4.8.

Le manque de dialogue entre tous les acteurs du DLAL (autorités de gestion, GAL, organismes payeurs, réseaux Leader — par exemple l’ELARD et les réseaux Leader et ruraux au niveau national) a entraîné de plus en plus de charges administratives et d’énormes retards dans le lancement de la période de programmation et dans l’octroi des fonds aux candidats porteurs de projets. Une coordination efficace et transparente est nécessaire entre les différentes autorités et les ministères au niveau national, ainsi qu’un dialogue étroit avec les GAL. Le dialogue direct entre la Commission européenne et les GAL doit également être renforcé — le CESE pourrait apporter son aide à cet égard.

4.9.

Dans la plupart des États membres, le manque de renforcement des capacités des autorités et des GAL en vue de les aider à mettre en œuvre un DLAL plurifonds est manifeste. La formation continue et l’instauration d’une vision commune de la mise en œuvre de fonds multiples au service du DLAL doivent être rendues possibles, afin de renforcer les capacités des acteurs œuvrant en faveur du DLAL. Il convient de renforcer l’esprit de collégialité. Les GAL et les autorités doivent être bien formés et sensibilisés à leurs réalités respectives. L’on pourrait y parvenir grâce à la participation de fonctionnaires, de membres des GAL et de parties prenantes locales à des missions d’information, des formations, des échanges de personnel, etc. Le CESE propose qu’un programme de ce type soit financé par une extension du programme Erasmus.

4.10.

Le CESE a la conviction qu’au niveau de l’Union, la valeur ajoutée de l’approche à fonds multiples du DLAL et les modèles possibles de mise en œuvre n’ont pas fait l’objet d’une explication adéquate. Il n’y a pas eu de vision claire de la manière dont les États membres devraient effectivement mettre en œuvre une approche plurifonds du DLAL. Les États membres doivent se voir proposer des modèles et des structures simples, ainsi que des bonnes pratiques.

4.11.

Le potentiel réel des GAL en tant qu’intermédiaires au service de leurs territoires n’a pas été suffisamment exploité. Les conditions doivent être créées pour permettre aux GAL de se concentrer sur leur rôle consistant à mobiliser le territoire et contribuer à l’émergence et à la mise en œuvre des meilleures idées. Les recherches montrent que le soutien aux GAL en tant que médiateurs est nécessaire si l’on veut favoriser le développement local intégré. Les GAL ont la capacité de travailler dans tous les secteurs et de réunir différents intervenants. La tâche des GAL ne se limite pas à être la source de financement et à agir en tant que couche administrative supplémentaire, mais elle consiste également à agir comme une véritable organisation de développement qui amorce des projets de coopération et rend possibles la formation et la mise en réseau, moyennant un soutien financier et organisationnel adéquat.

4.12.

Des modèles clairs et simples d’évaluation et de suivi des stratégies de développement local font souvent défaut. L’évaluation doit faire partie du processus d’apprentissage d’une collectivité et il est donc très important que les GAL s’emploient continuellement à recueillir des informations et évaluer la mise en œuvre de leurs stratégies. Il convient de mettre en place des solutions informatiques avancées pour la collecte et l’analyse des données, et de les combiner avec des processus participatifs et une analyse qualitative conformément aux principes du DLAL. Des investissements devraient être réalisés au niveau de l’Union européenne dans des outils de suivi et d’évaluation cohérents pour le DLAL. En Suède, la méthode de la mise en récit a produit de bons résultats.

4.13.

L’on a constaté, dans certains États membres où il n’y a pas eu de dialogue entre les acteurs Leader/DLAL et les GAL, que certaines autorités de gestion abusaient de leur pouvoir et que les GAL n’avaient pas eu la possibilité de participer aux discussions sur un pied d’égalité, en qualité de partenaires. Le CESE adresse aussi une mise en garde contre la mainmise de certaines municipalités au niveau local et la réalisation de leurs propres objectifs politiques au moyen des ressources du DLAL. Il convient de garantir l’indépendance des GAL dans l’exécution de leurs travaux et leur prise de décision, ainsi que l’absence de pressions, officielles ou non, exercées par les municipalités.

5.   Propositions du CESE pour la période de programmation 2021-2027 aux niveaux européen, national, régional et local

Au niveau européen:

5.1.

Établir une vision claire, au niveau de l’Union européenne, de la mise en œuvre obligatoire de fonds multiples au service du DLAL, afin de fournir le plus vite possible des modèles simples et des lignes directrices et de présenter les bonnes pratiques concernant la manière de mettre en œuvre un DLAL plurifonds dans les États membres dans les meilleurs délais (2018).

5.2.

Engager une réflexion originale en explorant et analysant en profondeur les possibilités de créer un fonds de réserve pour le DLAL au niveau de l’Union. En tout état de cause, la Commission européenne devra veiller à ce que tous les États membres disposent d’un fonds national pour le DLAL.

5.3.

Définir un cadre harmonisé pour tous les Fonds ESI et établir des règles simples régissant la mise en œuvre du Fonds DLAL à l’échelle de l’Union.

5.4.

Exiger que soit conçue une source de financement destinée spécifiquement au DLAL (Fonds DLAL) à laquelle contribueraient les quatre Fonds ESI en fonction des domaines prioritaires d’intervention des différents fonds pour les territoires ruraux, urbains et côtiers au niveau national (voir le modèle proposé ci-dessous).

5.5.

Exiger des États membres qu’ils allouent au moins 15 % du budget de chaque Fonds ESI au Fonds DLAL ainsi que des ressources nationales suffisantes.

5.6.

Renforcer le dialogue entre tous les acteurs du DLAL à chaque échelon (européen, national, régional et local).

5.7.

Trouver un nom plus facile à mémoriser et plus acceptable pour cet outil — par exemple, conserver l’acronyme Leader serait une bonne solution étant donné la réussite de ce programme dans le passé.

5.8.

Partager les bonnes pratiques concernant le recours au nouveau modèle de DLAL dans les zones urbaines en les tenant à disposition en un seul et même endroit, afin qu’il ne soit pas nécessaire de les chercher auprès de toutes les directions générales (par exemple: www.clld-u.eu).

Au niveau national ou régional (ou au niveau des administrations décentralisées):

5.9.

Garantir l’application de l’approche plurifonds du DLAL à tous les types de territoires (ruraux, urbains et côtiers) et tirer parti des avantages d’un développement local intégré.

5.10.

Allouer un minimum de 15 % du budget de chaque fonds ESI au Fonds DLAL national et ajouter des ressources nationales suffisantes pour garantir la mise en œuvre du potentiel réel de cette méthode.

5.11.

Établir un programme opérationnel de DLAL dans le cadre duquel le Fonds serait déployé, afin de favoriser un développement local intégré dans les territoires ruraux, urbains et côtiers. Dans chaque État membre, les ressources du Fonds DLAL devraient être affectées aux objectifs définis dans les stratégies de développement local, sans qu’on opère de distinction ni de démarcation entre les différents Fonds ESI. Le Fonds DLAL devrait être déployé de façon décentralisée, par les GAL, de sorte que les stratégies puissent répondre aux besoins et défis rencontrés localement.

5.12.

Établir un organe de gestion pour la mise en œuvre du DLAL au niveau national.

5.13.

Éviter les hiatus entre les périodes de programmation et assurer le lancement sans encombre de la période de programmation 2021-2027.

5.14.

Permettre un dialogue étroit entre tous les acteurs du DLAL au niveau national ainsi qu’avec les GAL, afin de concevoir un programme opérationnel de DLAL au niveau national.

5.15.

Permettre le renforcement continu des capacités des autorités et des GAL.

5.16.

Utiliser le potentiel de développement de solutions informatiques globales pour faciliter le processus d’exécution du DLAL. Tous les acteurs du DLAL doivent être associés au processus de développement des outils informatiques et tous doivent bénéficier des solutions informatiques qui seront développées.

5.17.

Poursuivre la coopération dans le cadre de l’outil des «investissements territoriaux intégrés» (ITI), qui est utilisé pour des territoires plus vastes et des projets de très grande taille.

5.18.

Préparer une campagne visant à présenter le DLAL en tant qu’outil synergique — afin d’assurer l’efficacité, des partenariats, la subsidiarité et un soutien financier.

Aux niveaux régional et local:

5.19.

Garantir la réelle valeur ajoutée du développement local intégré et le caractère raisonnable des coûts. Tirer parti de la cohésion territoriale qui crée des synergies et contribue à l’exploitation de nouvelles ressources et opportunités.

5.20.

Le cas échéant, et afin d’assurer une plus grande cohésion des territoires et de renforcer les capacités administratives des GAL, envisager sérieusement d’inclure tous les types de territoires différents (ruraux, urbains et côtiers) au sein du même GAL ou établir des liens solides entre les stratégies de développement local menées dans différents types de territoires. Dans le même temps, il convient de veiller à ce que les GAL ne deviennent pas trop gros et qu’ils ne se retrouvent pas déconnectés du terrain.

5.21.

S’assurer que les stratégies de développement local restent participatives et en phase avec des conditions de vie et de travail en constante évolution, et qu’elles s’y adaptent, notamment dans tous les aspects importants de celles-ci (cohésion sociale, réduction de la pauvreté, migration, pôles régionaux, économie verte, changement climatique, solutions intelligentes, technologie, etc.), et tirer parti de la révolution des nouvelles technologies et de l’informatique.

5.22.

Être un promoteur actif et travailler de manière intersectorielle en associant toutes les parties prenantes concernées sur le territoire du GAL. Porter une attention toute particulière à la conception et à la mise en œuvre de processus participatifs.

5.23.

Participer activement à la coopération interterritoriale et transnationale.

5.24.

Permettre la formation continue, la mise en réseau et la coopération des acteurs locaux et du personnel du GAL.

5.25.

Organiser l’évaluation continue de la mise en œuvre des stratégies de développement local et trouver des moyens d’associer les populations locales à ce processus d’évaluation.

Image

Bruxelles, le 7 décembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Conformément à la priorité no 10: une Union du changement démocratique.

(2)  Avis COTER VI/031 du CdR sur «L’investissement territorial intégré — un défi pour la politique de cohésion de l’Union européenne après 2020» — rapporteur: M. Petr Osvald (non encore publié au JO).

(3)  Avis du CESE intitulés De la déclaration de Cork 2.0 aux actions concrètes, JO C 345 du 13.10.2017, p. 37, et Les villages et les petites villes (adopté le 18.10.2017, non encore publié au JO), et rapport d’information du CESE sur les Évaluations ex post des programmes de développement rural 2007-2013, adopté le 18.10.2017.

(4)  C’est le constat qui ressort du séminaire européen sur le thème «Capitaliser sur les expériences de DLAL — bâtir des collectivités locales résilientes» organisé en Hongrie, du 8 au 10 novembre 2017, par la Commission européenne (avec l’appui de la direction générale de la politique régionale et urbaine, de la direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion, de la direction générale de l’agriculture et du développement rural et de la direction générale des affaires maritimes et de la pêche).


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

530e session plénière du CESE des 6 et 7 décembre 2017

11.4.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 129/44


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Initiative visant à promouvoir l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants qui travaillent»

[COM(2017) 252 final]

et sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil»

[COM(2017) 253 final — 2017/0085 (COD)]

(2018/C 129/07)

Rapporteure:

Erika KOLLER

Corapporteure:

Vladimíra DRBALOVÁ

Consultation

Saisine de la Commission: 17.11.2017

Saisine du Conseil de l’Union européenne: 10.5.2017

Saisine du Parlement européen: 15.5.2017

Base juridique

Article 153, paragraphe 1, point i), et article 153, paragraphe 2, point b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision de l’assemblée plénière

8.12.2015

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

8.11.2017

Adoption en session plénière

6.12.2017

Session plénière no

530

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

182/11/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de l’initiative de la Commission européenne visant à accroître la participation au marché du travail des personnes ayant des enfants, en particulier des femmes, en les aidant à mieux concilier vie professionnelle et vie privé, afin de libérer tout le potentiel que représentent leurs compétences.

1.2.

Néanmoins, le CESE estime que les propositions du train de mesures à l’examen devraient être analysées plus avant, au regard de la situation réelle dans chaque État membre ainsi que des coûts et des efforts d’organisation qu’elles impliquent pour les entreprises, et en particulier les petites et moyennes entreprises (PME). En outre, il conviendrait également de prendre les mesures suivantes: lutter contre les stéréotypes, diffuser les bonnes pratiques et élaborer des plans d’action nationaux sur l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

1.3.

Des politiques visant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée modernes devraient proposer aux familles des choix appropriés tout en tenant compte des besoins des entreprises. Le CESE encourage les partenaires sociaux de toute l’Europe à examiner d’autres solutions pratiques visant à promouvoir un équilibre entre vie professionnelle et vie privée qui correspondent aux spécificités de leur lieu de travail (1).

1.4.

Si le CESE reconnaît que la mise en œuvre des propositions entraînera des coûts pour les États membres et les entreprises, il est néanmoins convaincu que les avantages à long terme l’emporteront sur l’augmentation des coûts à court terme. Le CESE est d’avis que les mesures de soutien aux petites et moyennes entreprises devraient être étudiées de manière plus approfondie.

1.5.

Le CESE estime qu’il importe que tant les femmes que les hommes aient un droit individuel au congé. Toutefois, il admet que les entreprises, en particulier les PME, pourraient rencontrer des difficultés organisationnelles dues à l’élargissement de la portée du droit. Toute difficulté découlant de l’application de cette disposition doit être résolue conformément à la législation, aux conventions collectives et/ou aux pratiques nationales;

1.6.

Le CESE est d’avis que le train de mesures pour concilier vie privée et vie professionnelle constitue un pas dans la bonne direction mais qu’il y a lieu de l’améliorer à l’avenir, sur la base d’analyses d’impact appropriées.

1.7.

Le CESE souligne la nécessité d’investir davantage dans des services et des infrastructures d’accueil de qualité élevée, abordables et accessibles pour toutes les familles, et invite la Commission à s’appuyer sur les recommandations spécifiques par pays dans le cadre du semestre européen ainsi qu’à utiliser les fonds de développement régional en vue d’encourager les États membres à redoubler d’efforts en ce sens.

1.8.

Bien que la proposition de directive traite des systèmes fiscaux, dans une certaine mesure, le CESE regrette qu’elle n’aille pas assez loin. La manière dont les systèmes fiscaux sont conçus peut influer sur la décision des personnes d’entrer ou non sur le marché du travail. Des déductions fiscales pour aider les parents qui travaillent à continuer de travailler doivent être envisagées.

2.   Introduction

2.1.

L’égalité entre les femmes et les hommes est une valeur fondamentale de l’Union européenne (2). Au cours des soixante dernières années, l’Union européenne a accompli de grands progrès grâce à l’adoption d’une série de directives en matière d’égalité et de lutte contre les discriminations, de programmes politiques et d’instruments de financement visant à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’Union européenne (3). Le cadre juridique de l’Union européenne régissant les formes de congé liées à la famille et les formules souples de travail a été mis en place dans les années 1990 et il est depuis lors actualisé en permanence, la directive la plus récente, adoptée en 2010, étant celle qui concerne le congé parental (4). En dehors du cadre législatif, les recommandations en la matière formulées dans le cadre du semestre européen (5), du financement de l’Union européenne et des orientations politiques (6) jouent également un rôle.

2.2.

Toutefois, la dynamique des progrès accomplis au cours des décennies précédentes est presque au point mort (7), comme en témoigne la persistance de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes (de 16,3 %) et l’inégalité qui caractérise le rôle et la participation de ces dernières sur le marché du travail, où 31 % d’entre elles travaillent à temps partiel contre 8,2 % des hommes, alors que la participation des femmes au marché du travail se situe toujours à plus de douze points de pourcentage derrière celle des hommes (8). Dans le même temps, les études montrent que l’écart de retraite entre hommes et femmes atteint 40 %. Tout ceci impose d’être encore plus volontariste pour assurer l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines de la vie, et d’accorder notamment une attention particulière à la féminisation de la pauvreté.

2.3.

L’écart du taux d’emploi entre les hommes et les femmes est étroitement lié à la répartition inégale des responsabilités familiales en matière de garde d’enfants. Le manque de services adéquats, accessibles, abordables et de qualité élevée, qu’il s’agisse de services relatifs aux enfants ou de soins de proximité pour les membres plus âgés de la famille et les personnes handicapées, contribue également à cet écart (9).

2.4.

Les obstacles et les barrières à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ne se distinguent pas seulement comme des facteurs qui empêchent les femmes de participer au marché du travail, mais ont également un impact sur l’évolution démographique, l’économie et le rôle des hommes, notamment en tant qu’aidants au même titre. Concernant l’impact économique, une étude récente menée par Eurofound (10) évalue les pertes économiques dues à l’écart en matière de taux d’emploi entre les hommes et les femmes à 370 milliards d’euros par an. Dans certains États membres, plus de 25 % des femmes sont économiquement inactives en raison de responsabilités familiales. Rester chez soi est rarement un choix de nos jours et s’il y a des motifs économiques à cela, c’est aussi en raison d’attentes de la société inspirées d’une vision stéréotypée des rôles respectifs des femmes et des hommes, celui de l’aidant incombant en premier lieu aux premières tandis que les seconds doivent subvenir aux besoins économiques de leur famille. Il a été démontré que les mères qui restent à la maison pour tout ou partie de leur vie active seront moins indépendantes financièrement, auront moins de chances de faire carrière et sont davantage exposées au risque de se retrouver dans des situations de pauvreté à un âge avancé. Les mesures favorisant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée sont des outils qui permettront aux femmes et aux hommes de faire leur choix en étant mis sur un pied d’égalité. Le CESE souligne que les dispositions en matière de temps de repos des travailleurs et d’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle devraient tenir compte, le cas échéant, d’un jour de repos hebdomadaire reconnu par la tradition et les usages du pays ou de la région, et ce dans le respect également des conventions collectives correspondantes (sectorielles) et des pratiques établies au niveau local et à celui de l’entreprise.

2.5.

La Commission a annoncé son initiative en août 2015 dans une feuille de route intitulée «New start to address the challenge of work-life balance faced by working families» (11) (Nouveau départ pour relever les défis de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée rencontrés par les familles qui travaillent). En novembre 2015, conformément à l’article 154, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la Commission européenne a lancé une consultation en deux phases (12) des partenaires sociaux européens afin de recueillir leurs points de vue au sujet de cette initiative. Les partenaires sociaux n’ont pas ouvert les négociations. Si les employeurs européens ont jugé le cadre juridique actuel de l’Union européenne suffisant, les syndicats européens ont quant à eux plaidé en faveur d’un cadre législatif plus solide. La Commission a également lancé une consultation publique, qui a révélé que 60 % des personnes interrogées souhaitaient un cadre législatif de l’Union sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le 26 avril 2017, la Commission a adopté une proposition relative à un socle européen de droits sociaux, qui comprend une proposition de directive visant à promouvoir l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée pour les parents et aidants qui travaillent ainsi qu’un ensemble de propositions non législatives.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE reconnaît la nécessité de politiques volontaristes visant à favoriser le partage des responsabilités en matière de garde d’enfants entre les hommes et les femmes. Des études montrent également que la participation des hommes aux responsabilités familiales bénéficie aux familles ainsi qu’à l’économie et à la compétitivité de l’Europe. Encourager la participation des femmes sur le marché du travail contribuerait aussi à améliorer l’accès des entreprises à une main-d’œuvre qualifiée et aux talents, et permettrait de libérer pleinement le potentiel des femmes dans un contexte de diminution de la main d’œuvre et de vieillissement de la population de l’Union, dont la courbe démographique demeure un défi de taille pour les finances publiques. Ces politiques devraient également se concentrer sur la création d’incitations pour que les employeurs accroissent l’offre de travail, sur la fourniture d’une aide en matière de garde d’enfants et sur différentes formules de congés et de travail flexibles.

3.2.

Le CESE tient à souligner le rôle fondamental que la Commission et les États membres, en concertation avec les partenaires sociaux et la société civile au sens large, doivent jouer pour faire pièce aux stéréotypes (notamment à travers l’éducation et des campagnes de sensibilisation du public), réduire la ségrégation sur le marché du travail et doter les personnes de compétences actualisées et adaptées aux besoins futurs du marché du travail.

3.3.

Le CESE accueille favorablement le train de mesures de la Commission relatif à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, dans la mesure où il propose un partage plus égal des tâches en tant que moyen d’éliminer certains des obstacles structurels les plus importants à l’insertion professionnelle des femmes.

4.   Observations particulières

4.1.   Congé de paternité

4.1.1.

Le CESE estime que la décision de la Commission de régler la question du faible taux d’utilisation du congé paternité en introduisant un droit individuel au congé de paternité non transférable, d’une durée minimale de dix jours ouvrables et rémunéré au moins à hauteur de la prestation de maladie, assortie d’une analyse coût-bénéfice au niveau national, est un pas dans la bonne direction. Le Comité souligne néanmoins que les droits à prestation de maladie varient considérablement à travers l’Europe et vont de sommes forfaitaires nettement inférieures au salaire perçu à un taux de compensation à hauteur de 100 % du salaire concerné. Il souligne que la compensation doit être appropriée, encourager les pères à assumer leur responsabilité et offrir aux parents un choix plus large tant avant qu’après la naissance de leur enfant, en tenant compte des pratiques nationales en matière d’allocations de maternité.

4.1.2.

Tout en notant que des dispositions concernant le congé de paternité existent déjà dans vingt et un États membres, avec une durée moyenne de deux jours et demi (13), le CESE juge cette durée très courte et regrette que ce congé soit encore largement inutilisé, ce qui devrait être analysé plus avant. Le CESE estime dès lors que la proposition de la Commission répond à la nécessité de mettre en place des incitations pour que les pères prennent un congé de paternité, en tenant compte des bonnes pratiques en vigueur dans certains États membres et en notant le rôle égal des pères en matière de responsabilités familiales (14).

4.1.3.

Néanmoins, le CESE souligne qu’il estime que la période de congé de dix jours prévue à cet effet, comme stipulé dans la proposition de directive, est un premier pas dans la bonne direction au regard de l’objectif de la proposition qui est d’augmenter sensiblement la participation des pères. De l’avis du Comité, cependant, une période plus longue, allant jusqu’à un mois et convenue entre l’employeur et le salarié, par exemple, serait plus appropriée pour atteindre l’objectif de la proposition.

4.2.   Congé parental

4.2.1.

La part des hommes exerçant leur droit à un congé parental varie de 40 % à un peu moins de 2 % dans certains États membres (15). Le cadre actuel qui régit le congé parental et les mentalités qui prévalent actuellement en la matière ne tiennent pas suffisamment compte des raisons qui sont à l’origine de la faible utilisation de ce congé par les hommes.

4.2.2.

Le CESE reconnaît que les entreprises, en particulier les PME et les microentreprises, peuvent rencontrer des difficultés organisationnelles liées au fait que l’âge limite de l’enfant pour que ses parents puissent bénéficier du droit au congé parental passe de 8 à 12 ans.

4.2.3.

Le CESE se félicite tout particulièrement de la proposition de la Commission relative à l’individualisation des droits à congé parental et à leur non-transférabilité. Il note la nécessité d’une compensation salariale décente au moins à hauteur de la prestation de maladie, qui pourrait être soumise à un plafond déterminé par la législation nationale (16) et assortie d’une analyse coûts-avantages au niveau national, et de dispositions anti-discrimination, dès lors que tout cela peut avoir un impact positif en encourageant les pères à y recourir.

4.2.4.

De plus, le CESE estime également que la négociation au sujet de la proposition devrait permettre de trouver le juste équilibre entre les besoins du travailleur et ceux de l’employeur. L’analyse d’impact de la Commission a montré que l’incidence de la proposition peut varier en fonction du calendrier. Le coût des mesures proposées (résultant principalement de la perte de production due à la charge administrative liée au traitement des demandes et à la nécessité de remplacer temporairement le personnel) va augmenter à court et moyen terme, tandis qu’à plus long terme, le train de mesures ne devrait représenter qu’un coût limité pour les entreprises (17).

4.3.   Congé d’aidant

4.3.1.

Le CESE constate que le manque de dispositions adéquates en matière de congés pour s’occuper de proches dépendants contribue également à la répartition inégale des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes, les premières assumant souvent seules cette prise en charge. Cela nuit à leur santé physique et mentale, à leur inclusion sociale et à leur participation au marché du travail avec pour conséquence des droits à la retraite inappropriés.

4.3.2.

La législation relative à l’accès au congé d’aidant a été adoptée dans presque tous les États membres de l’Union européenne, mais ses modalités varient considérablement d’un pays à l’autre en termes de durée, d’éligibilité, de niveau des prestations et de droits à la sécurité sociale (18). Par conséquent, le CESE se félicite de la proposition visant à instituer des conditions minimales équitables à l’échelle européenne en introduisant un droit individuel à congé pour les aidants d’au moins cinq jours par an, rémunéré au niveau du montant de la prestation de maladie. Toutefois, il ne s’agit là que d’une première étape et des efforts supplémentaires devront être consentis par la Commission en vue de soutenir et de compléter ceux des États membres pour aider les familles à mieux faire face à des responsabilités familiales en hausse. L’introduction de ce droit individuel devrait être lié à la mise au point de mécanismes de soutien pour les aidants.

4.3.3.

Le CESE se félicite de l’approche adoptée par la Commission, qui consiste à proposer des mesures favorisant la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée, dont peuvent se prévaloir les travailleurs tout au long de leur vie, y compris les femmes qui appartiennent à la «génération sandwich», c’est-à-dire celles qui se retrouvent en situation d’assumer des responsabilités familiales vis-à-vis de proches desquels plus d’une génération les sépare. En raison du manque de dispositions relatives aux aidants qui travaillent, ceux-ci, et en particulier les femmes, se retrouvent souvent sans emploi rémunéré quelques années seulement avant la retraite, sans oublier les difficultés auxquels elles se heurtent pour réintégrer le marché du travail après l’âge de 50 ans.

4.3.4.

Le CESE souligne également que le droit individuel à congé d’aidant ne doit pas servir de substitut à des services de proximité de prise en charge professionnels, accessibles, abordables et de qualité élevée, lesquels contribueront aussi largement au développement économique futur.

4.3.5.

En outre, le CESE fait remarquer que les différents types de congés d’aidant ne se prêtent pas à une comparaison exacte et exhaustive, non seulement en raison du fait que la prise en charge d’une personne âgée est de nature différente de celle d’un enfant, mais aussi parce qu’elle peut impliquer la famille élargie, y compris dans la prise de décision.

4.3.6.

Un aspect important de la prise en charge des personnes handicapées est la séparation entre les soins professionnels et ceux prodigués par la famille, si l’on veut alléger autant que faire se peut la charge qui pèse sur les familles. Toutefois, quel que soit le type de soins en question, les aidants doivent avoir accès au système de sécurité sociale.

4.4.   Formules souples de travail

4.4.1.

La souplesse dans les modalités de travail est essentielle pour que les entreprises puissent ajuster leur main-d’œuvre aux évolutions du contexte économique. Il s’agit également d’un outil utile pour améliorer les performances et la productivité (19), et pour que les travailleurs soient en mesure de concilier vie professionnelle et vie privée. Il est donc important que le dialogue social au niveau local et sectoriel aborde ces aspects afin de mettre en place des formes de travail qui permettent un équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

4.4.2.

Les formules de travail flexibles peuvent être utiles pour faire face à de nombreuses responsabilités familiales mais ne devraient pas avoir d’incidence négative sur la situation de l’emploi des aidants qui travaillent. La proposition de directive prévoit pour les parents ou aidants qui, tout en travaillant, s’occupent de proches dépendants ou ayant besoin d’assistance, un droit de demander une formule souple de travail.

4.4.3.

Cette disposition introduit la possibilité pour ces travailleurs de recourir i) à la réduction du temps de travail, ii) à des horaires de travail flexibles et iii) à des possibilités de travail à distance. Le CESE souligne que ces formules souples de travail doivent répondre à la plupart des besoins des travailleurs et intégrer une approche fondée sur le cycle de vie. Ces questions devraient être abordées dans le cadre du dialogue social et de la négociation collective au niveau le plus proche de la situation en cause. En outre, le droit de revenir à la formule de travail initiale doit être garanti. Parallèlement, il faudra respecter le droit des employeurs d’examiner la demande de formule souple de travail en fonction des besoins à la fois des employeurs et des travailleurs. Toute difficulté découlant de l’application de la présente disposition doit être résolue conformément à la législation, aux conventions collectives et/ou aux pratiques nationales.

4.4.4.

L’impact de la numérisation du lieu de travail et de la relation de travail peut aller aussi loin que le remodelage des modes de travail traditionnels. Une réflexion plus approfondie est nécessaire sur la manière de percevoir traditionnellement le congé d’aidant comme un choix décisif pour que les familles parviennent à concilier vie professionnelle et vie familiale. Trop souvent, ce sont les femmes qui ont recours aux formules souples de travail afin de faire face à leurs responsabilités familiales tout en travaillant. Cela entrave leur évolution de carrière, tant du point de vue de leur rémunération que de leur développement professionnel. En outre, le CESE souhaite souligner que les régimes de travail flexibles ne doivent pas être envisagés comme une «affaire de femmes» en se focalisant sur les mères ou les femmes qui doivent s’occuper de leurs proches dépendants. Les entreprises doivent encourager les formules souples de travail tant pour les hommes que pour les femmes, et contribuer à une évolution culturelle qui soit en accord avec leurs aspirations respectives et de nature à promouvoir une plus grande égalité professionnelle. Les formules de travail flexibles doivent également être totalement réversibles, favorables au salarié et proposées dans toutes les formes de contrats. Il est particulièrement important à cet égard de faire respecter effectivement le droit de revenir à la formule initiale de travail.

4.4.5.

Par ailleurs, si la numérisation peut contribuer à une organisation souple du travail en permettant aux travailleurs de travailler à distance, elle peut aussi présenter un certain nombre de défis et de risques.

4.5.   Initiatives non législatives

La proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil s’accompagne d’une série d’initiatives non législatives, qui complète l’ensemble du train de mesures sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le CESE accueille favorablement les propositions non législatives supplémentaires qui complètent ce train de mesures telles que celles concernant:

4.5.1.   La garde d’enfants et les soins de longue durée

4.5.1.1.

Le manque de services de garde d’enfants et leur coût élevé constituent l’une des entraves majeures au retour à l’emploi de la personne qui apporte le deuxième revenu dans un couple à double revenu. Dans l’ensemble de l’Union, à peine 28 % des enfants âgés de zéro à 3 ans étaient confiés à des structures d’accueil officielles en 2014 contre 83 % des enfants entre 3 ans et l’âge de la scolarité obligatoire. Ces chiffres sont inférieurs aux objectifs de Barcelone fixés en 2001, qui auraient dû être atteints en 2010. Pour ces raisons, le CESE regrette que les objectifs de Barcelone en matière de prise en charge des enfants, visant à fournir suffisamment de services en la matière, qui soient accessibles, abordables et de qualité élevée au niveau de chaque État membre, n’aient pas été réalisés.

4.5.1.2.

Le coût élevé supporté par les parents et les horaires des structures d’accueil, qui sont incompatibles avec un emploi à temps plein, restent problématiques. Le rapport de la Commission montre qu’il faut continuer à investir dans des services d’accueil de qualité élevée. Le Parlement européen note également que, pour 27 % des européens, le manque d’infrastructures et le niveau de qualité des services disponibles les rendent difficilement accessibles (20).

4.5.1.3.

Le CESE relève que la Commission propose de revoir les objectifs en matière d’éducation et de formation, mais ne mentionne pas la réalisation des objectifs de Barcelone. Toutefois, l’objectif en matière d’éducation et de formation pour l’éducation et l’accueil des jeunes enfants (EAJE) a une portée plus limitée car il se concentre uniquement sur les enfants à partir de 4 ans jusqu’à l’âge scolaire. Dès lors, le CESE réclame une action urgente afin de réviser l’objectif susmentionné pour l’aligner sur les objectifs de Barcelone en élargissant son champ d’application (à savoir en incluant des objectifs pour les enfants de moins de 4 ans). Les nouveaux objectifs résultant de cette révision devrait être plus ambitieux que les objectifs de Barcelone actuels. En outre, le CESE demande de mettre au point, au niveau de l’Union européenne, des critères de référence pour l’accueil extrascolaire et les services de soins de longue durée.

4.5.1.4.

Le CESE se félicite de l’intention de la Commission de renforcer les dispositifs d’orientation et de suivi des services d’accueil dans les États membres dans le cadre du semestre européen, et de promouvoir l’échange de bonnes pratiques. Il soutient également l’amélioration de la collecte des données au niveau de l’Union européenne, ainsi que l’intention de réviser les objectifs en matière d’éducation et de formation pour l’éducation de la petite enfance fixés pour 2020. En outre, le CESE tient particulièrement à voir les différents instruments européens de financement adaptés aux besoins spécifiques des États membres. Dans ce contexte, il s’est déjà prononcé à plusieurs reprises pour une promotion beaucoup plus ambitieuse de l’investissement social, eu égard, en particulier, au «dividende multiple» de l’investissement dans les structures de garde d’enfants (21).

4.5.1.5.

Le Comité est d’avis que les séminaires d’information et de renforcement des capacités, avec la participation pleine et entière de toutes les parties prenantes, jouent un rôle très important en tant que mesures d’accompagnement mais constate qu’il faut les organiser à une bien plus grande échelle que ce qui est actuellement proposé. Il est particulièrement nécessaire de prévoir des séminaires d’information sur la protection contre le licenciement au retour du congé de maternité.

4.5.2.   L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et la politique fiscale

4.5.2.1.

Bien que la proposition de directive traite, dans une certaine mesure, des systèmes fiscaux, le CESE regrette qu’elle n’aille pas assez loin sur ce sujet. Les régimes fiscaux peuvent avoir une incidence directe sur la participation au marché du travail, s’agissant notamment de ce que l’on appelle le «deuxième revenu», la plupart du temps celui de la femme. La manière dont les systèmes fiscaux sont conçus peut influer sur la décision des personnes d’entrer ou non sur le marché du travail. Des déductions fiscales pour aider les parents qui travaillent à continuer de travailler doivent être envisagées.

4.5.2.2.

Le CESE est d’avis que la proposition de la Commission européenne de s’attaquer aux mesures fiscales dissuasives contribuera à compléter et à appuyer les autres dispositions de ce train de mesures. Il soutient en particulier le recensement des entraves propres à chaque pays résultant de régimes fiscaux et de prestations sociales biaisés du point de vue de l’égalité homme/femme, et propose de traiter cette question au travers de recommandations émises dans le cadre du semestre européen.

4.5.3.   Le rôle des acteurs de la société civile

4.5.3.1.

Au-delà de la nécessité de services publics de qualité élevée, accessibles et abordables, s’agissant notamment de la prise en charge des enfants, de proches âgés ou d’autres personnes dépendantes, l’économie sociale et le secteur non gouvernemental peuvent apporter une contribution utile à la prestation de services destinés à soutenir l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Dans de nombreux cas, sans leurs efforts, la fourniture du service ne serait pas garantie.

4.5.3.2.

Les partenaires sociaux ont un rôle particulier à jouer dans la mise en œuvre de politiques d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée sur le lieu de travail, notamment au travers des négociations et des conventions collectives. Le CESE se félicite de l’attention que les partenaires sociaux européens ont accordée à l’égalité entre les femmes et les hommes dans leurs programmes de travail au fil des années en vue de parvenir à des résultats concrets.

Bruxelles, le 6 décembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Voir Eurofound, «Work-life balance and flexible working arrangements in the EU» (Équilibre entre vie professionnelle et vie privée et régimes de travail flexible dans l’Union européenne), session du Conseil EPSCO, à Tallinn, les 19 et 20 juillet 2017.

(2)  Articles 19 et 153 du TFUE; charte des droits fondamentaux (article 23 et article 33 en particulier).

(3)  Directives 2006/54/CE, 2014/124/UE, 79/7/CEE, 2004/113/CE, 92/85/CEE, 2010/18/UE.

(4)  Voir: directive 2010/18/UE (JO L 68 du 18.3.2010); directive 2006/54/CE (JO L 204 du 26.7.2006), directive 92/85/CEE (JO L 348 du 28.11.1992) et directive 97/81/CE (JO L 14 du 20.1.1998). La directive sur le congé de maternité 92/85/CEE a été adoptée en 1992 et n’a pas été modifiée depuis. La directive sur le congé parental, initialement adoptée en 1996, a été révisée et améliorée en 2010.

(5)  Pour de plus amples informations, veuillez consulter le site https://ec.europa.eu/info/strategy/european-semester_fr

(6)  Le Conseil a émis une recommandation concernant la garde des enfants (92/241/CEE, JO L 123 du 8.5.1992) dès 1992.

(7)  Eurostat, Gender pay gap (écart de salaires entre les femmes et les hommes):

http://ec.europa.eu/eurostat/tgm/table.do?tab=table&init=1&language=fr&pcode=tsdsc340&plugin=1

(8)  Eurostat, Enquête sur les forces de travail 2016.

(9)  Voir les avis du CESE suivants: JO C 21 du 21.1.2011, p. 39, JO C 218 du 23.7.2011, JO C 12 du 15.1.2015, p. 16, JO C 332 du 8.10.2015, p. 1, JO C 487 du 28.12.2016, p. 7.

(10)  Eurofound (2016), The gender employment gap: Challenges and solutions (Écart du taux d’emploi entre les femmes et les hommes — Défis et solutions), Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg.

(11)  http://ec.europa.eu/smart-regulation/roadmaps/docs/2015_just_012_new_initiative_replacing_maternity_leave_directive_en.pdf.

(12)  Lettre réf. Ares (2015)5003207-11/11/2015 de Michel Servoz adressée aux partenaires sociaux européens.

(13)  http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2016/593543/EPRS_ATA(2016)593543_EN.pdf.

(14)  RAND Europe, Policy Brief de Janna van Belle «Paternity and parental leave policies across the European Union» (Politiques en matière de congé de paternité et parental dans l’ensemble de l’Union européenne).

(15)  http://www.oecd.org/social/parental-leave-where-are-the-fathers.pdf.

(16)  Article 11, paragraphe 3, de la directive 92/85/CEE.

(17)  Document de travail des services de la Commission relatif à l’analyse d’impact accompagnant la communication «Un nouveau départ pour relever les défis de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée pour les parents et les individus ayant des personnes à leur charge».

(18)  Bouget, D., Spasova, S., et Vanhercke, B. (2016), Work-life balance measures for persons of working age with dependent relatives in Europe (Mesures pour concilier vie professionnelle et vie privée en faveur des personnes en âge de travailler s’occupant de proches dépendants). A study of national policies (Étude sur les politiques nationales), Réseau européen de politique sociale (ESPN), Bruxelles: Commission européenne https://webgate.ec.europa.eu/emplcms/social/BlobServlet?docId=16325&langId=en.

(19)  Chung, H., (2017) Work Autonomy, Flexibility and Work Life Balance (Autonomie au travail, flexibilité et équilibre vie privée/vie professionnelle): rapport final accessible à l’adresse suivante: http://wafproject.org/research-outputs/final-report/.

(20)  Voir la résolution du Parlement européen du 13 septembre 2016 sur «La mise en place de conditions sur le marché du travail favorisant l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée» [2016/2017(INI)].

(21)  Voir notamment les avis du CESE: JO C 271 du 19.9.2013, p. 91, JO C 226 du 16.7.2014, p. 21, JO C 125 du 21.4.2017, p. 10.


11.4.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 129/51


Avis du Comité économique et social européen sur le «Programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense»

[COM(2017) 294 final]

(2018/C 129/08)

Rapporteur:

Antonello PEZZINI

Corapporteur:

Éric BRUNE

Consultation

7 juin 2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

16 novembre 2017

Adoption en session plénière

7 décembre 2017

Session plénière no

530

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

133/2/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) soutient vigoureusement le lancement d’un programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (EDIDP), qui, en renforçant l’autonomie stratégique de l’Europe dans l’industrie de la défense (1) et en développant une robuste base européenne commune en matière industrielle et technologique, vise à créer un dispositif interopérationnel et intégré de défense commune, dont la nécessité apparaît plus urgente que jamais au vu de la conjoncture géopolitique de l’heure.

1.2.

Le CESE juge qu’il est capital d’adopter une nouvelle approche, qui voie dans le cadre d’une coopération structurée permanente (CSP) le dispositif essentiel du traité de Lisbonne, susceptible de remplir un rôle d’incubateur politique, grâce auquel il sera possible de construire une Europe de la défense, afin de fédérer les potentialités et les efforts des États membres, conformément à l’articles 42, paragraphe 6, et à l’article 46 du traité sur l’Union européenne et au protocole no 10 du traité.

1.3.

De l’avis du Comité, une coopération structurée permanente «inclusive et ambitieuse» (2), permettant d’établir une liste de critères et d’engagements contraignants, constitue le seul moyen de réussir à déclencher un processus qui permettrait de dépasser la compartimentation actuelle de l’offre et de la demande et de créer progressivement un marché européen transparent et ouvert.

1.4.

Le CESE estime que le règlement EDIDP doit être encadré par une vision stratégique commune en matière industrielle, capable de produire des avancées vers une intégration effective entre les producteurs et les utilisateurs européens, avec la participation d’au moins trois États membres, dans les projets financés et les achats de produits et de services.

1.5.

Le Comité affirme énergiquement la nécessité d’un dialogue structuré au niveau européen, en synergie et en coordination avec l’OTAN (3), ainsi que d’un Conseil des ministres de la défense, à même de fournir une orientation politique durable et une enceinte pour la consultation et pour l’adoption de décisions qui soient véritablement européennes.

1.6.

Le CESE considère qu’il est indispensable de doter l’EDIDP d’une gouvernance apte à définir des objectifs partagés et concrets, grâce:

à un comité consultatif composé d’experts industriels et chargé de définir les choix prioritaires à inscrire dans le programme de travail, et à un comité de gestion auquel participeraient les États membres.

1.7.

Il conviendra que le règlement assure:

un équilibre géographique adéquat entre les pays européens,

une part importante de participation pour les petites entreprises,

la fin de la précarité pour les travailleurs de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE), afin de confirmer la validité des financements de l’Union européenne,

le respect des normes sociales et environnementales, en particulier en matière d’écoconception et de sécurité de l’emploi (4), afin de sécuriser les compétences de l’industrie,

des possibilités transparentes, pour toutes les entreprises de l’Union européenne, indépendamment de leur lieu d’activité et de leur taille, de participer au programme EDIPD.

1.8.

Le CESE convient que les interventions de l’EDIDP devraient mettre l’accent sur le développement de produits et de services, ainsi que de prototypes.

1.9.

Le CESE est d’avis que préalablement à l’élaboration d’un cadre commun de défense européenne, il est nécessaire de développer une culture européenne de la défense et de la sécurité qui soit largement répandue, afin de conférer à la citoyenneté européenne sa pleine signification.

2.   Introduction

Tout au long de l’histoire de la construction européenne, les tentatives visant à instaurer une défense européenne commune ont constitué une thématique récurrente mais extrêmement sensible.

2.1.

Le premier essai tenté en ce sens fut la mise en place, en 1954, de la Communauté européenne de défense (CED), qui déboucha sur un échec le 30 août de la même année. Le deuxième fut le lancement de la politique de sécurité et de défense commune en 2000, suivi de la création de l’Agence européenne de défense (AED) en 2004. Dans la succession de ces actions, vinrent ensuite l’élaboration de la stratégie globale de l’Union européenne (SGUE) (5), pour aboutir à la déclaration conjointe UE-OTAN de 2016 (6).

2.2.

En plus de produire des avantages appréciables s’agissant de l’économie européenne, la poursuite du développement du secteur industriel de la défense peut, s’il est géré avec clairvoyance, constituer la clé de voûte d’une vision plus large et adaptée, qui aura comme objectif de créer une défense véritablement européenne.

2.3.

Laborieux mais indispensable, le dépassement de l’approche nationale de la défense, laquelle se heurte notamment à l’existence de puissants ensembles politico-militaires à travers le monde et a mis en lumière la fragilité et la faiblesse politique de l’Europe, peut opportunément pendre appui sur l’initiative du Parlement et du Conseil qui, par le truchement des actions de la Commission, est susceptible de promouvoir l’industrie et le marché européen de la défense.

2.3.1.

Le secteur des industries européennes de la défense, conçu comme toute la structure industrielle qui développe, produit et fournit des biens et des services pour les militaires et les forces de police et de sécurité dans les États membres de l’Union européenne, présente des traits spécifiques à différents égards: les changements technologiques sont en train de transformer radicalement la nature et la physionomie de la défense et de la sécurité, en produisant de fortes répercussions pour l’industrie européenne, depuis le recours aux mégadonnées jusqu’aux véhicules et appareils sans pilote et à l’intelligence artificielle.

2.3.2.

Du point de vue de l’économie européenne: affichant un chiffre d’affaires annuel de 100 milliards d’EUR et employant un effectif de 1,4 million de salariés hautement qualifiés (7), il constitue pour l’Union européenne une industrie de pointe, source d’importantes retombées pour d’autres branches d’activité, telles que l’électronique, l’aviation, les chantiers navals, l’espace ou le textile technique.

2.3.3.

Du point de vue technologique: en travaillant constamment aux avant-postes de l’innovation en matière de technologie, l’Europe renforce sa compétitivité, car il se crée ainsi des entreprises dérivées situées à la pointe de l’excellence qu’il y a lieu de soutenir afin d’intégrer les technologies civiles dans des systèmes complexes qui puissent être conformés aux différentes spécificités défensives.

2.3.4.

Du point de vue du marché intérieur: le marché de la défense est traditionnellement exclu du processus de création du marché unique européen et la persistance de 27 marchés cloisonnés par les programmes nationaux a empêché d’exploiter les économies d’échelle pour la production (8).

2.3.5.

Du point de vue de la demande: le secteur industriel de la défense est, pour une part prépondérante, tributaire des demandes des différents États membres et de leurs budgets nationaux. Ces dix dernières années, les moyens budgétaires alloués à la défense ont baissé de quelque 2 milliards d’EUR par an dans l’Union européenne et les pays membres de l’EU-27 y investissent, en moyenne, 1,32 % de leur produit intérieur brut.

2.3.6.

D’un point de vue stratégique: dès lors qu’elle est tenue de garantir à ses citoyens et à ses entreprises des niveaux adéquats de sécurité, ainsi que de préserver l’intégrité territoriale de ses frontières et d’assumer ses responsabilités dans le monde, l’Europe doit s’assurer de disposer de capacités de défense crédibles, en donnant la garantie d’un degré approprié d’autonomie stratégique et d’un développement technologique et industriel, sur une base européenne commune.

2.4.

La situation actuelle risque également de nuire à la capacité de l’Europe à faire face aux nouveaux défis qui se posent en matière de sécurité, étant donné le coût croissant des équipements (9) et le rythme de plus en plus rapide auquel les matériels deviennent dépassés.

2.4.1.

Actuellement, l’investissement dans la défense de la zone européenne, prise dans son ensemble, représente moins de la moitié de celui des États-Unis.

2.5.

Si l’industrie européenne de défense a réussi, à tout le moins partiellement, à compenser la baisse des commandes internes grâce à ses exportations et à une mondialisation de sa production et de ses ventes, la compartimentation persistante de la politique de défense a produits des effets d’inefficacité et des faiblesses qui deviennent toujours plus criants, s’agissant:

de pertes d’économies d’échelle,

d’augmentations constantes des coûts par unité produite,

de l’absence de concurrence entre entreprises dans les pays de production,

des divergences dans les normes techniques et réglementaires,

de taux d’innovation qui sont plus lents,

de l’écart technologique croissant avec les entreprises hors Union qui occupent une position de tête,

des niveaux élevés de dépendance par rapport à des fournisseurs extérieurs.

2.6.

Cette situation risque également d’obérer la capacité de l’Europe à affronter les nouveaux défis, vu la relative modestie des engagements de dépenses, conjuguée avec le faible niveau de coordination entre les politiques nationales.

2.6.1.

Par ailleurs, 80 % des marchés publics dans le domaine de la défense reposent sur des bases purement nationales, d’où, évidemment, des surcoûts de double emploi.

2.7.

Les forces armées des pays européens ont certes atteint un haut niveau d’intégration sur le plan opérationnel et ont accumulé une longue expérience de coopération mais elles restent intégralement cloisonnées en 27 structures, dont les services de soutien sont rigoureusement nationaux, même s’il est fait de plus en plus souvent recours aux initiatives de divers types qui ressortissent à la démarche dite de «mutualisation et partage» (10).

2.8.

Divers textes de la stratégie globale de l’Union européenne (SGUE) ont dégagé cinq objectifs spécifiques particulièrement importants pour la défense européenne:

1)

posséder des capacités militaires tous azimuts, terrestres, aériennes, spatiales et maritimes;

2)

procurer les moyens technologiques et industriels pour l’acquisition et l’entretien des capacités militaires qui sont nécessaires afin de mener une action en toute autonomie;

3)

investir dans les aéronefs télépilotés (drones);

4)

s’engager dans les communications satellitaires, un accès autonome à l’espace et l’observation continue de la Terre;

5)

doter les États membres d’une capacité de défense contre les cyberattaques et les aider en la matière.

2.9.

Le faisceau d’initiatives dont font partie la proposition de règlement établissant le programme de développement industriel pour la défense européenne et la proposition de création d’un Fonds européen de la défense pour soutenir les investissements dans la recherche et le développement conjoints d’équipements et de technologies de défense entend enclencher un processus visant à réformer le secteur de la défense et de la sécurité afin:

de renforcer la coopération entre États membres et de susciter de nouveaux programmes coopératifs,

d’abaisser les barrières entre les marchés nationaux,

d’aider l’industrie européenne de défense à devenir plus compétitive,

de promouvoir des synergies entre la recherche civile et militaire,

de cerner des secteurs susceptibles de contribuer à renforcer les capacités de défense de l’Europe, comme l’énergie, l’espace et les technologies à double usage.

2.9.1.

Pour faire face aux défis globaux du secteur, il y a lieu de valoriser le potentiel de l’Agence européenne de défense s’agissant d’identifier les champs d’action opérationnels communs à soumettre à la décision des États membres.

2.10.

Le Conseil européen du 15 décembre 2016 a invité la Commission «à présenter, au cours du premier semestre de 2017, des propositions relatives à la création d’un Fonds européen de la défense comportant notamment un volet sur le développement conjoint de capacités décidées d’un commun accord par les États membres» (11). À l’occasion d’un Conseil conjoint des ministres des affaires étrangères et de la défense, le Conseil européen de mars 2017 a souhaité, dans ses conclusions, que soit mise en place une capacité militaire de planification et de conduite (MPCC), ainsi qu’une nouvelle structure, visant à améliorer la capacité de l’Union européenne à réagir de manière rapide, efficace et homogène.

2.11.

Le Conseil européen des 22 et 23 juin 2017 a convenu «de la nécessité de lancer une coopération structurée permanente […] inclusive et ambitieuse», qui sera assortie d’une liste commune de critères et d’engagements contraignants, dans le plein respect de l’article 42, paragraphe 6, et de l’article 46 du traité sur l’Union européenne, ainsi que de son protocole no 10, et sera cohérente avec la planification de défense nationale des États membres et les engagements convenus dans le cadre de l’OTAN et des Nations unies par les États membres concernés (12).

2.12.

Le Parlement européen, pour sa part, a continué à réclamer que les États membres de l’Union européenne mènent une coopération renforcée dans le secteur de la défense et que le traité de Lisbonne soit pleinement mis en œuvre en ce qui concerne la sécurité et la défense. Dans une résolution du 22 novembre 2016 sur l’Union européenne de la défense (13), le Parlement européen a engagé «le Conseil européen à être le moteur de la définition progressive d’une politique commune de l’Union en matière de défense» et à fournir des ressources financières supplémentaires pour assurer sa mise en œuvre.

2.12.1.

En outre, le Parlement a mis en exergue la nécessité que les pays européens disposent de capacités militaires crédibles et il a encouragé les États membres à accroître leurs efforts de façon concertée, de même qu’il a réitéré son appel en faveur d’une coordination systématique des besoins militaires et d’un processus harmonisé en matière de planification, en coordination avec le processus d’établissement des plans de défense de l’OTAN (14).

2.13.

Le Comité, quant à lui, a eu l’occasion de se prononcer à plusieurs reprises sur les politiques de défense (15), réclamant «l’accomplissement de progrès significatifs sur le plan qualitatif dans la coopération européenne en matière de défense», eu égard à «la fragmentation excessive du marché et de l’industrie de la défense» (16).

3.   La proposition de la Commission européenne

3.1.

La Commission européenne propose d’établir un programme européen de développement du secteur industriel de la défense, qui serait doté d’une enveloppe de 500 millions d’EUR pour la période courant du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020 et poursuivrait les objectifs suivants:

renforcer la compétitivité et la capacité d’innovation de l’industrie de la défense de l’Union en soutenant des actions durant leur phase de développement et en promouvant l’innovation sous toutes ses formes,

optimiser la coopération entre les entreprises pour ce qui concerne le développement de produits et de technologies,

soutenir la recherche et le développement, en particulier pour développer les résultats de ladite recherche,

encourager la coopération entre les entreprises, pour éviter les doubles emplois et l’éparpillement et dégager des économies d’échelle.

3.2.

L’intervention financière de l’Union prendra la forme de subventions, d’instruments financiers ou de marchés publics, pour soutenir la conception, la définition de spécifications techniques, le prototypage, les essais, la qualification et la certification de produits et composants et de technologies de défense.

3.3.

Les critères d’admissibilité proposés s’établissent comme suit: les propositions de coopération doivent émaner d’au moins trois entreprises établies dans deux États membres différents; les taux de financement sont limités à 20 % du coût total de l’action dans le cas du prototypage, tandis que pour tous les autres, la totalité des coûts pourrait être financée.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE accueille favorablement les initiatives visant à relever les défis de demain et à veiller à la sécurité — y compris la cybersécurité — de ses citoyens, en renforçant l’autonomie stratégique de l’industrie européenne de la défense et en mettant en place une base industrielle et technologique solide et commune.

4.2.

Le Comité soutient énergiquement le lancement d’un programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense au moyen d’un projet de règlement, dans la mesure où il représente un premier jalon, qui demande à être affiné et renforcé, pour ce qui est des ressources qui lui sont octroyées, s’agissant de réaliser, surtout sur le plan de la R & D, un dispositif de défense commune qui apparaît d’autant plus urgent vu l’évolution géopolitique actuelle.

4.3.

De l’avis du CESE, le moment est venu de créer un marché unique européen de la défense dans l’EU-27 qui soit effectif, complet, efficace et compétitif et présente les caractéristiques suivantes:

une ouverture plus forte et l’absence de compartimentation, y compris en ce qui concerne les normes, les spécifications techniques et les certifications CE,

de meilleures possibilités d’accéder aux matières premières,

un soutien spécifique aux petites entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire,

un accès simplifié aux financements, aux informations et aux autres marchés,

une forte spécialisation des rôles,

une exploitation efficace des infrastructures énergétiques et spatiales,

une protection améliorée des frontières et l’indispensable sécurité maritime,

des activités de prospective, en faveur d’une vision commune, partagée dans l’ensemble de l’Union européenne,

un développement durable et socialement acceptable contre la précarité de l’emploi,

des échanges plus aisés entre filières de produit à l’intérieur de l’Union européenne grâce à une simplification des importations temporaires entre entreprises pour opérateurs OEA (17).

4.3.1.

Le CESE est convaincu que seule la lutte contre la précarité des travailleurs de la base industrielle et technologique de défense européenne permettra d’assurer l’acquisition de compétences par les entreprises et d’atteindre les objectifs visés par le programme EDIDP.

4.4.

Le Comité estime que l’enveloppe financière du programme EDIDP est particulièrement faible, et devrait pouvoir aussi bénéficier du soutien de l’EFSI «de manière à en maximiser l’effet sur l’emploi, en incluant également les technologies à double usage liées aux secteurs de la sécurité et de la défense, favorisant le lancement d’une base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) unique, solide et mieux définie» (18).

4.5.

Le CESE estime par ailleurs que les critères d’admissibilité qui sont mentionnés sont insuffisants pour garantir que la base technologique et industrielle des actions ait une dimension européenne effective: il conviendrait d’exiger la présence d’un minimum de trois entreprises indépendantes d’au moins trois États membres différents, en plus de groupes d’utilisateurs, constitués de petites entreprises.

4.5.1.

En outre, il y aurait lieu de garantir le bon équilibre entre les différents pays européens ainsi qu’un quota significatif de participation pour les entreprises de petite taille.

4.6.

Le CESE souhaite que le financement européen garantisse que les activités de développement profitent prioritairement aux entreprises européennes.

4.7.

Le CESE émet le souhait qu’il soit procédé à une harmonisation des règles d’exportation d’armement de défense en Europe, par exemple autour des règles du traité sur le commerce des armes signé et ratifié par tous les États de l’Union européenne, afin de supprimer une cause possible de distorsion entre entreprises européennes qui compliquerait l’accès au marché d’exportation.

4.8.

En ce qui concerne les types d’action, le CESE estime qu’il est primordial de lutter contre la précarité de l’emploi des personnels de l’industrie européenne de la défense. Le but des financements européens est de renforcer la compétence de la base industrielle et technologique de défense. La compétence de l’industrie étant portée par ses salariés, il faut donc une collaboration durable et sécurisée entre ceux-ci et les entreprises qui les emploient.

4.9.

Il en va de même, selon le CESE, pour ce qui est des critères de sélection des projets, parmi lesquels il faudrait insérer, à titre d’éléments qualifiants:

l’incidence prévue du point de vue du renforcement quantitatif et qualitatif des compétences des travailleurs,

la présence des petites et moyennes entreprises, comme facteur additionnel pour qualifier un projet,

le respect de normes sociales et environnementales (19).

4.9.1.

Selon le CESE, il y a lieu de prévoir un quota, par exemple de 10 %, d’appels consacrés à de petits projets ouverts en permanence et s’adressant aux petites entreprises, de manière que tous les acteurs puissent prendre part de manière plus équilibrée au développement de produits et de services dans le secteur de la défense, du point de vue des technologies et de l’innovation.

4.10.

Le CESE considère qu’il est indispensable, en complément aux compétences d’exécution de la Commission, de doter l’EDIDP d’une gouvernance apte à définir des objectifs partagés et concrets, grâce:

à un comité consultatif composé d’experts industriels des États membres et chargé de proposer des thèmes prioritaires,

à un comité de gestion du programme rassemblant des représentants des États membres pour assurer un équilibre géopolitique à l’échelle de l’ensemble de l’Union.

5.   Actions à mener

5.1.

Mettre en valeur le rôle capital que joue la défense européenne pour préserver les intérêts de l’Europe du point de vue de la sécurité, ainsi que la place essentielle que les engagements internationaux souscrits occupent pour la démocratie et l’état de droit;

5.2.

insister sur les capacités et le professionnalisme des forces de défense, considérées comme un secteur qui, par tradition, porte la recherche et l’innovation et joue un rôle moteur pour la reprise entrepreneuriale et économique de l’appareil productif européen;

5.3.

consolider le sentiment d’identité et d’appartenance à l’Union européenne, grâce à un cadre de valeurs commun, partagé entre les citoyens de différents pays;

5.4.

agir pour que les citoyens européens connaissent mieux l’organisation militaire et les activités institutionnelles de défense, qu’ils y soient plus sensibilisés et qu’ils les soutiennent davantage;

5.5.

renforcer les connaissances, la sensibilisation et le soutien des citoyens européens vis-à-vis du développement technologique d’outils de défense susceptibles d’avoir des retombées directes sur la société civile et le développement de leurs pays;

5.6.

développer, dans la nouvelle approche commune, l’aspect communicationnel, afin de disposer de personnels toujours mieux préparés et plus qualifiés dans le domaine de la communication européenne. Il convient que le principe directeur imprimant sa marque aux activités soit celui de «qualifier et coordonner», développé selon l’approche de la coordination européenne en concordance avec l’OTAN.

5.7.

La cybersécurité et la cyberdéfense, qui sont des secteurs dans lesquels la défense constitue un acteur de référence au plan européen, en lien avec l’émergence d’un cyberespace qui constitue un nouveau théâtre d’intervention, s’ajoutant au théâtre militaire traditionnel.

Bruxelles, le 7 décembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 62.

(2)  Voir Conseil des 22 et 23 juin 2017.

(3)  Voir la déclaration conjointe du 8 juillet 2016.

(4)  ISO 14000 et ISO 18000, ISO 14006 et ISO 45001, ISO 14006.

(5)  Union européenne, «Vision partagée, action commune», juin 2016 —

https://europa.eu/globalstrategy/sites/globalstrategy/files/eugs_review_web.pdf

(6)  Déclaration conjointe, Varsovie, 8 juillet 2016, http://www.nato.int/cps/en/natohq/official_texts_133163.htm

(7)  Association européenne des industries aérospatiales et de la défense, 2017.

(8)  SWD(2017) 228 final, paragraphe 2.2.

(9)  Voir paragraphe 9.

(10)  Voir, par exemple, les programmes Eurofighter Typhoon ou l’A400M.

(11)  Conclusions du Conseil «Affaires étrangères» du 15 novembre 2016.

(12)  Voir la notede bas de page 2.

(13)  http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2016-0435+0+DOC+XML+V0//FR

(14)  http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2012-0456+0+DOC+XML+V0//FR

(15)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 62; JO C 67 du 6.3.2014, p. 125; JO C 299 du 4.10.2012, p. 17; JO C 100 du 30.4.2009, p. 114; JO C 100, 30.4.2009, p. 109.

(16)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 62.

(17)  OEA — Opérateur économique agréé respectant des normes propres à garantir la sécurité de la chaîne d’approvisionnement internationale.

(18)  EFSI — Fonds européen pour les investissements stratégiques — voir avis JO C 75 du 10.3.2017, p. 57.

(19)  Voir la note de bas de page 4.


11.4.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 129/58


Avis du Comité économique et social européen sur le

«Lancement du Fonds européen de la défense»

[COM(2017) 295 final]

(2018/C 129/09)

Rapporteur:

Mihai IVAŞCU

Corapporteur:

Fabien COUDERC

Consultation

Commission européenne, 4.8.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision du Bureau du Comité

16.6.2017

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

16.11.2017

Adoption en session plénière

7.12.2018

Session plénière no

530

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

179/2/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) estime que l’Union européenne doit assumer une responsabilité accrue à l’égard de sa défense et qu’elle doit être prête et apte à décourager toute menace extérieure visant ses citoyens et son mode de vie.

1.2.

Le plan d’action européen de la défense ainsi que la stratégie globale européenne mettent en relief l’importance pour l’industrie de la défense de l’Union européenne de parvenir à l’autonomie stratégique dans l’optique de permettre à l’Union de s’affirmer comme un acteur important et crédible du secteur de la défense. Le Fonds européen de la défense (FED) a pour objectif clair d’inciter à la coopération entre les États membres en ce qui concerne la recherche et technologie (R & T), ainsi que le développement de capacités de défense et la passation de marchés stratégiques en la matière. Une attention particulière devrait être accordée au rapprochement de la R & T et du développement des capacités.

1.3.

Le CESE estime que l’industrie de la défense joue un rôle important dans l’économie européenne, avec 1,4 million d’emplois qui dépendent de ce secteur. Le manque de coordination nous coûte chaque année entre 25 et 100 milliards d’EUR, ce qui représente des montants inacceptables dans un environnement concurrentiel mondial.

1.4.

Le CESE recommande vivement que les États membres et la Commission européenne utilisent le FED pour maintenir des capacités industrielles clés sur le sol européen ainsi que pour veiller à ce que les deniers européens soient utilisés pour la recherche et le développement (R & D) en Europe et pour l’achat de systèmes d’armement européens.

1.5.

Le CESE soutient l’approche axée sur la compétitivité du FED, qui permettra à la fois d’assurer un accès à tous les États membres et de financer des projets qui permettront de produire de la valeur ajoutée et de développer des technologies de pointe.

1.6.

Le CESE estime que, parallèlement aux financements qu’elle apporte à l’industrie, la Commission européenne devrait établir le cadre propice au renforcement de la communication entre acteurs industriels de toutes tailles dans l’ensemble des États membres.

1.7.

Le CESE se félicite de l’attention toute particulière qui est accordée, dans la proposition actuelle, aux PME, quelle que soit leur pays d’origine. Les PME sont souvent la source des innovations de pointe dans des domaines tels que les technologies de l’information et de la communication ou la cybersécurité. Le CESE apprécierait aussi que soient mis en place des mécanismes de participation des PME, comme par exemple un système de bonus, qui permettraient de renforcer la coopération transfrontière entre les PME.

1.8.

Le CESE est fermement convaincu qu’il est nécessaire de constituer des capacités clés fortes venant soutenir les intérêts européens. Ceux-ci doivent être définis par les États membres, en tenant compte de leurs politiques nationales de défense, des objectifs européens et des obligations qu’induit le partenariat avec l’OTAN.

1.9.

Le CESE estime que la priorité doit essentiellement porter sur des technologies susceptibles d’être déterminantes pour permettre à l’Union européenne de devenir le numéro un des technologies de pointe. Cet objectif peut être atteint grâce à l’établissement de plans de défense communs et par la conception d’un plan en faveur des capacités clés.

1.10.

Le CESE recommande que les procédures de sélection utilisées dans les appels à propositions prennent en compte des normes sociales et environnementales élevées et obligatoires.

1.11.

Le CESE estime que les régimes de financement ne peuvent être les mêmes que dans les autres secteurs d’activité, compte tenu des spécificités du secteur de la défense ainsi que de la suspicion et de la crainte de partager les connaissances qui règnent aussi bien entre les entreprises qu’entre les États membres.

1.12.

Le CESE estime que la gouvernance du FED doit être mise en place dès que possible, et que devraient s’y trouver associés l’Union européenne, l’Agence européenne de défense (AED) et les États membres, ainsi que l’industrie. La Commission devrait explorer de nouvelles options pour limiter la charge bureaucratique accompagnant la mise en œuvre du FED. Le CESE suggère également que le Parlement européen ait accès à des rapports établis de manière régulière de sorte qu’il puisse évaluer le fonctionnement du fonds.

1.13.

Le CESE recommande d’étudier la possibilité d’augmenter le nombre minimum de pays participant à un projet éligible pour le porter à trois, à mesure que le programme du FED évolue.

1.14.

Le CESE estime que le fait d’augmenter autant que possible le nombre d’États membres participant au FED permettra de réduire les effets de redondance et de favoriser la normalisation de la logistique et des sous-systèmes. Une duplication des normes de l’OTAN en vigueur sera ainsi évitée et la fragmentation des systèmes d’armement pourra être réduite. Par conséquent, pour tous les projets sélectionnés, l’AED et le consortium industriel désigné devraient collaborer étroitement dès les premières étapes de développement pour définir des normes et des critères communs.

1.15.

Le CESE émet des doutes quant à l’affirmation selon laquelle «on peut raisonnablement s’attendre à ce que le développement débouche sur l’acquisition», sachant que la recherche militaire abonde en exemples de projets qui, une fois développés, n’ont pas été acquis par les États. Le CESE plaide en faveur de règles claires en ce qui concerne les engagements d’achat de capacités dont le développement s’est conclu de manière satisfaisante.

1.16.

Le CESE recommande de prévoir la possibilité de faire appel à des programmes de formation cofinancés par l’Union européenne lors de la phase initiale de développement des projets financés dans le cadre du «volet capacités». Une main-d’œuvre qualifiée est essentielle pour le développement de technologies de pointe dans le domaine de la défense.

1.17.

Par ailleurs, en sa qualité d’organe représentatif de la société civile organisée, le CESE est prêt à apporter son expertise et son conseil pour toutes les questions concernant les aspects économiques et sociaux du FED.

2.   Contexte de l’avis, y compris la proposition législative à l’examen

2.1.

Sur le plan de l’environnement géopolitique, l’Europe est confrontée à des circonstances exceptionnelles. L’instabilité grandissante sur la scène internationale a créé un environnement incertain sur le plan de la sécurité, qui est à l’origine de nombreuses menaces tant conventionnelles que non conventionnelles. Les citoyens européens exigent que tous les moyens dont nous disposons soient mobilisés pour faire face à ces problèmes.

2.2.

Pour réaffirmer son rôle sur la scène internationale, l’Europe doit être capable de faire face efficacement et en toute indépendance aux menaces extérieures. Dans le contexte géopolitique actuel, il est essentiel pour la sécurité et le bien-être des citoyens européens de disposer d’une capacité de projection au Moyen-Orient et en Afrique.

2.3.

En 2014, les Vingt-sept ont dépensé environ 2 milliards d’EUR dans le domaine de la R & T en matière de défense, après une baisse constante de 27 % par rapport à 2006, et les dépenses de R & T effectuées dans un cadre collaboratif ont quant à elles diminué de plus de 30 %. Les États-Unis ont dépensé durant la même période quelque 9 milliards d’EUR par an pour la R & T en matière de défense, la Russie a doublé ses dépenses de R & D dans ce même secteur entre 2012 et 2014, et des données récentes indiquent que la Chine a elle aussi augmenté ses investissements de R & D dans ce domaine (1).

2.4.

Le rôle du Fonds, en tant que composante du plan d’action européen de la défense (2), consiste à aider les États membres à coordonner et à mieux utiliser les moyens financiers qu’ils sont disposés à consacrer à la défense, en évitant les doubles emplois, depuis la recherche et développement jusqu’à l’acquisition de capacités de défense. Le CESE a déjà exprimé son soutien à la création de l’union européenne de la défense et a salué l’instauration du Fonds européen de la défense (3).

2.5.

Le Fonds européen de la défense comporte deux volets différents mais complémentaires: le «volet recherche» et le «volet capacités», ces deux aspects étant coordonnés par un conseil de coordination. Le volet recherche sera intégralement financé par le budget de l’Union et viendra promouvoir des projets collaboratifs en faveur du développement de capacités de défense, conformément aux dispositions convenues par les États membres. Le volet capacités sera principalement financé par les contributions des États membres.

2.6.

Le CESE reconnaît que, dans l’environnement de sécurité actuel, dominé par les attentats terroristes sur le sol européen, la guerre hybride et les cyberattaques, il est de plus en plus difficile de faire la distinction entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, lesquelles apparaissent de plus en plus interdépendantes.

3.   Relations entre le FED et l’industrie européenne de la défense: particularités

3.1.

Les capacités de défense et la faculté de protéger nos frontières extérieures sont étroitement liées à l’existence d’une base industrielle solide. Dès lors, le CESE recommande que les actions adoptées au niveau européen à l’appui de la défense collective permettent à notre industrie de demeurer sur le sol européen. Des stratégies commerciales pourraient pousser les entreprises du secteur de la défense à choisir leurs sous-traitants en dehors de l’Union européenne et, par conséquent, aboutir à ce qu’une partie de leur chaîne d’approvisionnement se trouve localisée à l’étranger. Le CESE est convaincu que l’utilisation des deniers européens pour soutenir des contractants étrangers devrait être aussi limitée que possible, et que les choix des entreprises ne devraient pas se faire aux dépens de l’autonomie stratégique.

3.2.

Le renforcement de la compétitivité de l’industrie européenne devrait être la priorité première du FED, parallèlement au développement des technologies qui sont d’une importance cruciale pour l’existence et l’autonomie du secteur européen de la défense.

3.3.

Le secteur de la défense est totalement bouleversé par l’intelligence artificielle, les mégadonnées et l’informatique en nuage, les cyberattaques, les véhicules sans pilote, les menaces hybrides et transnationales, etc. Les nouveaux types de technologies et de menaces exigent de nouveaux types de contre-mesures. Une chose est certaine, c’est en collaborant que nous pourrons au mieux affronter et prévenir ces problèmes. Une coopération plus systématique est nécessaire, parallèlement à des actions conjointes, pour développer des technologies, de même qu’une action coordonnée en faveur des capacités d’acquisition.

3.4.

Le CESE souhaiterait souligner la forte incitation économique pour accroître la coopération. Plus de 1,4 million de travailleurs hautement qualifiés sont employés directement ou indirectement dans l’industrie de la défense et le rendement d’un euro investi est de 1,6. Le manque de coordination dans ce domaine coûte à l’Europe entre 25 et 100 milliards d’EUR par an (4).

3.5.

Ce manque de coopération se traduit par un grand nombre de systèmes d’armes différents, une absence d’économies d’échelle en ce qui concerne l’industrie de la défense et un recul de la capacité de déploiement de nos forces armées. On dénombre 178 systèmes d’armes différents au sein de l’Union contre 30 aux États-Unis. On compte 17 types de chars de combat lourds différents dans l’Union, là où il n’y en a qu’un seul aux États-Unis. Ces différents éléments révèlent une inefficacité patente dans l’utilisation des budgets de défense ainsi qu’un manque d’interopérabilité des équipements de défense.

3.6.

Le CESE rappelle que l’efficacité de la R & T en matière de défense repose sur une main-d’œuvre qualifiée. Un système d’enseignement professionnel et de formation solide et ambitieux dans le secteur de la défense est essentiel pour faire aboutir des projets dont l’objectif est de développer des technologies de pointe.

3.7.

Le CESE tient à rappeler les exemples passés de coopération militaire conjointe en matière de recherche et d’acquisitions qui ont démontré leur efficacité. Le chasseur Eurofighter Typhoon, le missile Meteor, les frégates de la classe Horizon, la frégate multi-missions (FREMM) ne sont là que quelques exemples de projets de ce type.

3.8.

Le CESE ne comprend pas bien de quelle manière les États membres s’engageant dans un projet de développement peuvent démontrer qu’«on peut raisonnablement s’attendre à ce que le développement débouche sur l’acquisition», attendu que la recherche militaire abonde en exemples de projets qui, une fois développés, n’ont pas été acquis par les États (5). La possibilité de cofinancer la première phase de développement de nouvelles capacités à partir du budget de l’Union vise à réduire les risques industriels, ce qui n’est toutefois possible qu’à la condition que les clients s’engagent à acquérir les capacités lorsque leur conception a abouti de manière satisfaisante.

3.9.

Prises collectivement, les dépenses militaires des 28 États membres se situent au deuxième rang au niveau mondial. Toutefois, alors que toutes les puissances majeures ont augmenté leurs dépenses en matière de défense, celles des Vingt-sept ont diminué de près de 11 % entre 2005 et 2015 (6). Seuls 4 États membres de l’Union sur 28 atteignent l’objectif de dépenses de l’OTAN fixé à 2 % du PIB. Les dépenses de R & T en matière de défense ont été sensiblement réduites dans les budgets nationaux. Entre 2006 et 2013, les dépenses de R & T en matière de défense dans les 27 États membres participant à l’AED ont baissé de 27 % (7).

3.10.

Le CESE estime que le problème des entreprises de défense établies au Royaume-Uni doit être traité suffisamment en amont, compte tenu de l’intérêt qui est le leur dans des programmes de développement européens ainsi que du rôle prépondérant de ce pays en matière de défense. L’Union européenne souhaite continuer de bénéficier du savoir-faire britannique.

3.11.

Même si la Commission apporte le financement du volet recherche, la décision d’effectuer l’acquisition de capacités et d’y consacrer des investissements demeurera du ressort des États membres. Dans l’ensemble de ce système, c’est en effet l’industrie qui effectue à la fois la R & D et le développement des capacités de défense. Le CESE estime que, parallèlement aux financements qu’elle apporte à l’industrie, la Commission devrait établir le cadre propre à améliorer la communication entre tous les acteurs industriels engagés dans le secteur de la défense dans l’Union.

4.   Les bénéficiaires: grands acteurs et PME

4.1.

Le CESE considère que les États membres conserveront un rôle essentiel pour ce qui est d’assurer la sécurité et qu’aucune des initiatives actuelles au niveau européen ne va modifier cette situation.

4.2.

Le CESE estime que le FED devrait s’en tenir à un programme axé sur la compétitivité qui finance les projets les plus pertinents et les plus compétitifs indépendamment de toute considération d’ordre social ou géographique. Toutefois, des mesures doivent être prises pour assurer un accès équitable à tous les États membres et encourager les petites entreprises à se regrouper dans le cadre de la coopération transfrontière.

4.3.

Le CESE estime que les PME jouent un rôle déterminant dans notre économie. Il se déclare favorable à ce que l’on encourage les PME et autres entreprises à capitalisation moyenne associées à l’industrie de la défense. Par ailleurs, les start-up et les petites entreprises sont souvent des sources d’innovation dans des domaines de pointe tels que les technologies de l’information et des communications ou la cybersécurité. Le CESE soutient fermement cette approche et estime qu’il est extrêmement important qu’une égalité des chances pour toutes les PME, quel que soit leur pays de provenance, constitue le principal objectif.

4.4.

Dans la vision qui est celle du CESE, le Fonds européen de la défense a bel et bien été conçu pour soutenir la compétitivité de l’industrie européenne de la défense. Même si la Commission européenne devrait promouvoir une approche inclusive dans le fonctionnement du fonds, ce dernier ne devrait en aucune façon être utilisé comme un fonds de développement régional. Dans le cas contraire, le risque pourrait apparaître d’un éparpillement excessif des ressources, et l’on ne lutterait pas efficacement contre la fragmentation des systèmes de défense européens.

4.5.

Pour ce qui concerne l’aspect de l’inclusion, le fonds ne devrait pas être conçu exclusivement à destination des grands acteurs. Une part importante des fonds devrait être consacrée aux PME, par exemple en ciblant des projets de moindre envergure. Le CESE apprécierait aussi que soient mis en place des mécanismes, comme par exemple un système de bonus, qui permettraient de renforcer la coopération transfrontière entre les PME.

4.6.

Le CESE comprend le raisonnement qui sous-tend le principe d’un financement à 100 % par l’Union européenne des activités de R & T dans le domaine de la défense, et ce, contrairement à l’ordinaire principe de cofinancement européen qui vaut pour les activités civiles. Le très faible nombre de clients (essentiellement les ministères nationaux de la défense) fait qu’il est difficile pour les entreprises d’amortir les risques qui, dans un marché plus prévisible, sont associés au développement d’un nouveau produit. Que le futur fonds soit ou non inclus dans le même cadre que les autres fonds de recherche dans le prochain cadre financier pluriannuel (CFP), ces particularités devront être prises en compte.

4.7.

Le CESE est fermement convaincu que le Fonds européen de la défense constituera une incitation puissante pour les États membres à «acheter européen» à l’occasion de futures acquisitions de défense, garantissant de la sorte le développement économique tout en préservant le savoir-faire et la base industrielle nécessaires pour maintenir une capacité militaire mondiale. Le CESE encourage l’idée selon laquelle les États membres devraient s’engager à acquérir les technologies et les capacités qui sont le fruit de projets de R & T du FED ayant abouti.

5.   L’établissement de plans de défense communs et d’un plan en faveur des capacités clés

5.1.

Le CESE recommande que les États membres, en collaboration avec la Commission et l’AED, établissent des plans de défense communs et un plan en faveur des capacités clés afin de définir les priorités en matière de R & T ainsi que les capacités militaires nécessaires, tant pour les États membres que pour la défense européenne.

5.2.

Ne pouvant se prévaloir que d’une expérience très limitée dans ce type de programme (en substance, seuls le projet pilote et le début de l’action préparatoire), l’Union européenne ne s’est pas appuyée sur des indicateurs précis pour construire sa proposition, et elle ne dispose d’aucun plan clair pour les capacités clés. Ce plan sera élaboré en 2018.

5.3.

Le plan en faveur des capacités clés devrait garantir l’orientation de l’Union vers une autonomie stratégique, dresser la liste des technologies devant être développées pour lui permettre de conserver sa prééminence dans des secteurs essentiels sur le plan des capacités, et enfin l’affranchir de sa dépendance vis-à-vis d’acteurs externes. Le CESE considère que le développement de technologies et de capacités allant au-delà des besoins individuels des États membres est un facteur crucial de la réussite du FED.

5.4.

Le CESE se déclare fervent partisan d’une approche de la recherche axée sur les capacités. À cet égard, il estime que l’ensemble de la recherche réalisée au titre du FED doit se concentrer sur les capacités clés dont l’Europe a besoin pour décider et agir librement.

5.5.

La supériorité technologique est cruciale dans l’environnement de sécurité actuel. Le CESE estime par conséquent que le FED — et notamment le programme européen de recherche en matière de défense — doit garantir que l’Europe demeure à la pointe de la recherche militaire. L’allocation de ressources à des démonstrateurs technologiques venant étayer les futurs programmes communs pourrait se révéler fort utile à cet égard.

5.6.

Le CESE juge nécessaire, dans le cadre de l’établissement du plan en faveur des capacités clés, de planifier et de prendre en considération l’ensemble du cycle de vie du domaine technologique. En outre, le développement de la R & D et des capacités doit faire l’objet d’une planification commune et d’une coordination entre l’Union européenne et ses États membres, et prendre en considération les obligations induites par notre partenariat avec l’OTAN.

6.   Domaines d’investissement et régimes de financement

6.1.

La Commission européenne propose un financement ambitieux pour les deux volets du Fonds européen de la défense:

90 millions d’EUR de 2017 à 2020 pour l’action préparatoire,

500 millions d’EUR par an pour le programme européen de recherche en matière de défense,

500 millions d’EUR en 2019 et 2020 pour le programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense,

1 milliard d’EUR par an à partir de 2021, dans le cadre du prochain cadre financier pluriannuel.

6.2.

Le CESE estime que les investissements doivent être axés sur des technologies qui sont d’une importance cruciale pour la défense européenne — celles pour lesquelles nous sommes dépendants à l’égard de fournisseurs externes ou pour lesquelles il existe un risque que nous ne le devenions. Le CESE estime également que la priorité doit essentiellement porter sur des technologies susceptibles d’être déterminantes pour permettre à l’Union de devenir le numéro un des technologies de pointe dans divers domaines.

6.3.

Le CESE apporte son soutien à la séparation des financements alloués aux deux volets — le financement européen pour le volet recherche et les ressources budgétaires des États membres pour le volet capacités. Le CESE a d’ores et déjà exprimé le point de vue selon lequel: «tant que l’Union ne disposera pas de rentrées propres susceptibles de variations, c’est aux États membres qu’il incombera de prévoir l’acquisition des capacités militaires des forces armées. […] Le CESE rappelle que le budget de l’Union, conformément à l’article 41 du traité sur l’Union européenne, ne peut servir au financement d’opérations militaires. S’écarter de ce principe entrerait également en contradiction avec le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres (article 42, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne)» (8).

6.4.

Le CESE recommande que le FED soit utilisé comme un instrument financier venant soutenir le développement de capacités dans les domaines où l’industrie européenne de la défense est actuellement dépendante de sources extérieures. Le développement de ces capacités en Europe permettra d’élargir la gamme des options stratégiques et, dans le même temps, d’attirer vers ce secteur des éléments précieux tels que des connaissances, de la technologie et de l’emploi.

6.5.

Le CESE considère que le niveau de financement proposé pour le volet recherche du Fonds européen de la défense permettra d’ouvrir la voie à des incitations significatives en faveur de la recherche innovante. L’Union deviendra ainsi le quatrième pourvoyeur de financements pour la recherche en faveur de la défense en Europe; toutefois, ces financements ne doivent pas se faire au détriment d’autres projets de développement européens essentiels.

6.6.

Le CESE estime que la question de la conception des régimes de financement du FED est de la plus haute importance pour assurer la pleine participation de l’industrie et encourager la mise en place de consortiums de production associant le plus grand nombre possible d’États membres. Le CESE estime que les régimes de financement ne peuvent être les mêmes que dans les autres secteurs d’activité, compte tenu des spécificités du secteur de la défense ainsi que de la suspicion et de la crainte de partager les connaissances qui règnent aussi bien entre les entreprises qu’entre les États membres.

7.   Gouvernance

7.1.

La forme que prendra la gouvernance du FED ne ressort pas clairement de la proposition de la Commission européenne. Le CESE est convaincu que la gouvernance du FED doit être mise en place de manière claire et dès que possible, et que celle-ci devrait comprendre l’Union européenne, l’Agence européenne de défense et les États membres, ainsi que l’industrie.

7.2.

Le CESE estime que les discussions entre les États membres doivent s’intensifier de sorte qu’un accord soit trouvé au sujet du modèle de gouvernance du FED, tant sur les deux volets que sur le prochain cadre financier pluriannuel. Bien que le fonds soit présenté comme un programme de recherche et développement parmi d’autres, le CESE insiste sur le caractère unique du secteur de la défense. Il présente un certain nombre de particularités, et il doit à ce titre être régi par des règles différentes mais claires. Un accord sur lesdites règles doit être obtenu dans les meilleurs délais.

7.3.

Le CESE attire également l’attention sur le fait que les deux volets devraient être étroitement coordonnés en relation avec d’autres programmes nationaux et internationaux dans lesquels les États membres sont déjà engagés.

7.4.

S’il considère que le critère des trois entreprises issues de deux États membres est effectivement approprié au stade actuel, le CESE estime qu’une fois que le programme aura atteint une phase de plus grande maturité, la participation de trois pays devrait être fixée comme une exigence minimale, de manière à favoriser de plus larges synergies entre les États membres.

7.5.

Les projets financés par le Fonds européen de la défense, que ce soit au titre du volet recherche ou du volet capacités, supposent la participation de fonds publics. La Commission devrait s’assurer que les procédures d’appel d’offres sélectionnent uniquement les projets les plus compétitifs, tout en prenant en considération des normes sociales et environnementales élevées, mesurées sur la base de critères objectifs.

7.6.

Le CESE se déclare préoccupé par le risque d’une charge bureaucratique excessive qui viendrait entraver la mise en œuvre pratique du FED, et recommande que d’autres options soient étudiées dans ce domaine, à mesure que le FED évoluera.

7.7.

Le CESE, en tant qu’organe européen représentant la société civile organisée, se déclare résolument disponible pour des consultations concernant la mise en œuvre du Fonds européen de la défense ainsi que pour toutes les questions concernant les aspects économiques, sociaux et scientifiques de la nouvelle politique européenne de défense.

8.   Normalisation

8.1.

Le CESE estime que des programmes conjoints ciblant des besoins reconnus mutuellement permettront non seulement de réduire le nombre de systèmes faisant double emploi, mais aussi de favoriser une plus grande normalisation des sous-systèmes et de la logistique.

8.2.

Sur le plan des critères de référence, il importe d’analyser la situation dans sa globalité, à savoir, de ne pas s’en tenir aux seuls programmes nationaux de recherche des différents États membres, mais d’observer aussi, dans tous les domaines concernés, de quelle façon nos partenaires de l’OTAN évoluent.

8.3.

Le CESE recommande vivement que la Commission, en collaboration avec l’Agence européenne de défense et les États membres, définisse les domaines prioritaires de développement conjoint. Cet objectif ne pourra être atteint qu’en s’accordant sur une définition commune des besoins et une normalisation accrue.

8.4.

L’objectif du fonds est d’accroître l’efficacité et la rationalité des dépenses nationales de défense, et non de se substituer à elles. Cet objectif-ci ne sera atteint qu’à la condition que le FED démontre sa valeur ajoutée en réalisant des projets qui n’auraient pu voir le jour plus efficacement et à un moindre coût s’ils avaient été menés par les seuls États membres. Le fonds devrait fonctionner comme une incitation à mieux coopérer. Ce n’est qu’à cette condition qu’il réussira à éviter la multiplication de différents systèmes d’armement.

8.5.

Le CESE exprime son soutien au développement de normes communes (9), sachant qu’il convient d’éviter qu’elles ne fassent double emploi avec celles qui existent déjà, notamment celles de l’OTAN. Face à ces 178 systèmes d’armes différents recensés en Europe, une priorité pour la recherche consisterait à établir des normes et des interfaces européennes communes afin de relier, dans la mesure du possible, celles qui sont actuellement en usage, puis de préparer les systèmes à venir. En s’y conformant, les États membres se ménageraient la possibilité de développer des systèmes compatibles à l’échelle européenne.

8.6.

La question des normes est particulièrement importante pour les sous-systèmes. Il est vraisemblable que le développement de nouveaux produits conduira à fixer une norme au niveau européen. Toutefois, les sous-systèmes existants qui sont susceptibles d’être intégrés à ces produits devraient également, dans une certaine mesure, être soumis à des normes communes. Le CESE estime qu’une telle démarche permettrait de renforcer l’interopérabilité et, partant, de réduire la fragmentation des systèmes d’armement.

Bruxelles, le 7 décembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Étude du Parlement européen, The future of EU defence research, 2016. http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2016/535003/EXPO_STU(2016)535003_EN.pdf.

(2)  COM(2016) 950 final,

http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52016DC0950&qid=1504513899986&from=FR.

(3)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 62.

(4)  Défendre l’Europe. Pour plus de coopération en matière de sécurité et de défense dans l’Union européenne, https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/defending-europe-factsheet_fr.pdf.

(5)  L’exemple du Northrop Grumman X-47B conçu pour la marine américaine pourrait en l’occurrence être cité. En dépit de premiers succès et de vols d’essai, le programme avait été considéré par la marine américaine comme trop coûteux et insuffisamment furtif, et il avait été au bout du compte abandonné, et ce, pour un coût total de 813 millions de dollars (USD).

(6)  Base de données des dépenses militaires de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, 2005-2015, https://www.sipri.org/databases/milex.

(7)  COM(2016) 950 final,

http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52016DC0950&qid=1504513899986&from=FR.

(8)  JO C 288 du 31.8.2017, p 62.

(9)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 62.


11.4.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 129/65


Avis du Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission du 28 avril 2017 — Communication de la Commission sur l’accès à la justice en matière d’environnement»

[C(2017) 2616 final]

(2018/C 129/10)

Rapporteur:

Cillian LOHAN

Corapporteur:

Brian CURTIS

Consultation

Commission européenne, 31.5.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision de l’assemblée plénière

25.4.2017

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

21.11.2017

Adoption en session plénière

7.12.2017

Session plénière no

530

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

171/5/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement cette communication interprétative, car elle donne un aperçu précieux et actualisé de l’état de la jurisprudence de la Cour de justice en ce qui concerne l’accès à la justice au niveau national dans le domaine de l’environnement. Ce document apportera d’autres avantages: une sécurité juridique et une clarté plus grandes pour les décideurs au sein des tribunaux et des structures administratives à l’échelon national, ainsi qu’aux entreprises et aux citoyens, à condition qu’il soit correctement diffusé auprès de tous les intéressés.

1.2.

Le CESE reconnaît que la cohérence dans l’accès à la justice au sein de l’Union européenne est un facteur essentiel qui sous-tend le marché unique et une application uniforme des droits consacrés par la législation européenne dans l’Union européenne et qu’elle offre la clarté et la sécurité nécessaires aux marchés comme aux investisseurs.

1.3.

Le CESE plaide en faveur d’une législation globale et contraignante au niveau de l’Union européenne, nécessaire pour garantir une mise en œuvre cohérente et exhaustive de l’accès à la justice dans l’ensemble de l’Union afin de compléter l’avancée bienvenue en matière d’accès à la justice que constitue la communication à l’examen. Le document de travail des services de la Commission (1) a considéré qu’une législation européenne contraignante était l’approche idéale. Le CESE prend acte également de l’analyse et des recommandations formulées sur ce sujet par le rapport Darpö (2), rédigé à la demande de la Commission européenne. Les États membres se doivent de soutenir ces objectifs et de ne pas en entraver la réalisation.

1.4.

Pour avoir un réel effet, cette communication devra être accompagnée par des programmes d’éducation et de formation au niveau des États membres à l’intention du public visé, notamment les instances de recours judiciaires et administratives et les citoyens.

1.5.

Tout comme les États membres, la Commission doit donner la priorité à la mobilisation de ressources et de financements suffisants pour soutenir de manière efficace ces projets.

1.6.

La communication ne vise pas à supplanter les juridictions nationales. Elle fait état des arrêts et des précisions de la Cour de justice, lesquels constituent des exigences de base contraignantes. Ce point, de même que l’exigence qu’il n’y ait ni dérogation ni marche arrière, devraient être mentionnés dans les futures versions de la communication.

1.7.

La communication interprétative devra être tenue à jour et actualisée. Afin de garantir son exactitude et sa validité, des mises à jour en temps opportun de son contenu, ainsi que des actions de formation régulières organisées à l’intention du public visé, sont d’une importance essentielle pour refléter les évolutions dans la jurisprudence de la Cour de justice. L’on devrait envisager la création d’un outil dynamique et actualisé pour la société civile, les administrations publiques et les organes judiciaires.

1.8.

Il conviendrait d’accorder la priorité au retour d’information des communautés d’experts et aux lacunes et omissions dans la communication pour les États membres, ainsi que d’y remédier, notamment en étudiant la manière d’aborder les domaines dans lesquels la jurisprudence actuelle de la Cour présente des insuffisances.

1.9.

Il est nécessaire de définir et de tenir à jour une évaluation de référence indépendante, objective, complète et actualisée, qui reflète à la fois l’évolution positive, les problèmes liés à l’accès à la justice au niveau des États membres, ainsi que tous les éléments de l’article 9 de la convention d’Aarhus.

1.10.

Compte tenu de l’importance des décisions préjudicielles pour assurer une application cohérente du droit de l’Union européenne dans ce domaine (3), la Commission devrait: examiner de manière approfondie l’application et le respect de cette disposition dans l’ensemble des États membres; élaborer un rapport à ce sujet; rechercher et éliminer tous les obstacles à son utilisation.

1.11.

Dans un contexte mondial de harcèlement et de persécution à l’encontre des défenseurs de l’environnement, l’Union européenne devrait être un chef de file s’agissant de faciliter l’accès à la justice.

1.12.

Le CESE attire l’attention sur les limitations que la communication interprétative s’impose en n’intégrant pas les conclusions du comité indépendant d’examen du respect des dispositions de la convention d’Aarhus. Cet ensemble important et utile de travaux peut compléter la communication de la Commission et aider les décideurs et les citoyens en matière d’accès à la justice, et devrait être référencé.

1.13.

Le CESE approuve la convention d’Aarhus et sa pleine mise en œuvre par et au sein de l’Union européenne. Il est donc essentiel que les parties souscrivent aux conclusions formulées en matière de respect des dispositions par le comité qu’elles ont elles-mêmes désigné.

1.14.

Le CESE est conscient des sensibilités associées aux récentes conclusions du comité d’examen du respect des dispositions de la convention d’Aarhus sur le non-respect par les institutions européennes de ces dispositions. Il réclame que l’Union européenne engage d’urgence une action constructive en la matière durant la période précédant la prochaine réunion des parties. En particulier, il sera important qu’en collaboration avec les ONG actives dans le domaine de la protection de l’environnement et la société civile, la priorité soit donnée à une approche étendue et ambitieuse sur la manière et les domaines dans lesquels l’Union européenne pourrait améliorer l’application de la convention et l’accès à la justice, par l’intermédiaire de ses institutions et au sein de celles-ci. Il y a lieu également d’envisager d’adopter une démarche parallèle et complémentaire en faveur de l’accès à la justice dans et par les institutions de l’Union européenne et de prévoir des activités de conseil et de diffusion correspondantes.

2.   Observations générales

2.1.

Le document publié par la Commission est une communication interprétative. Il donne une vue d’ensemble de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en ce qui concerne l’accès à la justice au niveau national pour les affaires ayant trait à l’environnement. Il prend la forme d’une analyse juridique détaillée précisant les exigences juridiques et procédurales et les normes concernant les affaires environnementales. Il couvre certains sujets tels que les recours, les coûts, le calendrier, les délais de procédure, le champ d’application, les qualités pour agir et l’efficacité.

2.2.

La communication a pour objectif de «clarifier sensiblement les choses et constituer une source de référence» pour les administrations nationales, les juridictions nationales, les personnes physiques et les ONG qui agissent en défenseurs de l’intérêt général et les «opérateurs économiques ayant un intérêt commun à ce que le droit soit appliqué de manière prévisible» (paragraphe A9). Le paragraphe 8 présente le contexte de cet objectif sous l’angle des problèmes rencontrés par les publics concernés, notamment — mais pas seulement — les entreprises, les PME, les personnes physiques, les ONG et le grand public concernant les difficultés de mise en œuvre de l’accès à la justice dans les États membres.

2.3.

Elle définit également l’importance de l’environnement considéré comme «notre ressource vitale» et ajoute que sa conservation, sa protection et son amélioration sont «une valeur partagée par tous les européens».

2.4.

Elle définit le cadre général en matière d’accès à la justice dans l’Union européenne en se référant aux traités et au principe de protection juridictionnelle effective, ainsi qu’à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, à la convention européenne des droits de l’homme et à la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (dite «convention d’Aarhus»). L’Union européenne et ses 28 États membres comptent parmi les 47 parties à la convention, qui rassemble également d’autres pays d’Europe et d’Asie centrale.

2.5.

En 2003, l’Union européenne a adopté deux propositions législatives, l’une traitant de l’«accès à l’information en matière d’environnement» (4), l’autre de «la participation du public» (5), qui portait dans une moindre mesure sur l’accès à la justice dans certaines directives existantes. Une nouvelle réglementation, portant sur la mise en œuvre de la convention d’Aarhus dans l’ensemble de l’Union européenne («règlement d’Aarhus» (6)), a été adoptée en 2006. La Commission a adopté une proposition législative sur l’accès à la justice en 2003 (7). Des divergences de vues entre les États membres et le manque de volonté politique ont conduit à son retrait en 2014 (8). La question de l’absence de directive continue de poser des problèmes et doit être réglée. Le CESE plaide en faveur d’une législation globale et contraignante au niveau de l’Union européenne sur l’accès à la justice.

2.6.

L’Union européenne et les États membres sont parties à la convention d’Aarhus, et l’ont ratifiée. En 2002, lors de sa première session, la réunion des parties à la convention a mis en place un mécanisme de contrôle du respect de la convention, comprenant notamment le comité de contrôle du respect de ses dispositions. Ce comité examine les communications sur le non-respect des dispositions par l’une des parties et formule à leur sujet des conclusions et des recommandations, qui sont présentées à la réunion des parties. Jusqu’à la sixième réunion des parties, en 2017, elles ont toujours été, sans aucune exception, pleinement approuvées par les parties lors de la réunion.

2.7.

La communication relève que d’importantes entraves persistent dans certains États membres. Certains pays bloquent presque complètement l’accès à la justice. D’autres limitent son champ d’application. Dans d’autres cas, des coûts importants constituent un obstacle, et certains pays ne prévoient aucune voie de recours efficace. Il convient d’élaborer une évaluation de référence indépendante et soigneusement tenue à jour afin de clarifier les problèmes spécifiques dans les États membres, de même qu’il y a lieu de mettre en exergue les meilleures pratiques existantes.

2.8.

La Commission fait état des arrêts et des précisions de la Cour de justice, lesquels constituent des exigences de base contraignantes. Ce point, de même que l’exigence qu’il n’y ait ni dérogation ni marche arrière, devraient être clairement mentionnés dans les futures versions de la communication.

2.9.

La publication de la communication de la Commission s’inscrit dans le contexte d’une intense controverse quant à la question de savoir si l’Union européenne respecte pleinement ses obligations prévues à l’article 9 de la convention d’Aarhus. Elle fait suite à une communication au comité dénonçant le non-respect des règles et le constat (9) par ce même comité que les dispositions de la convention ne sont pas respectées dans le cadre de la mise en œuvre par l’Union européenne de l’accès à la justice, assorti de recommandations à cet égard.

2.10.

En juillet 2017, le Conseil de l’Union européenne a décidé à l’unanimité d’accepter ces conclusions sous réserve de modifications (une position préconisée par la Commission) et a réaffirmé son soutien à la convention d’Aarhus (10). Les modifications proposées concernant la décision de la réunion des parties relative aux conclusions du comité précisent notamment que la réunion des parties devrait «prendre acte» des résultats plutôt que de les «accepter». Le CESE souligne la contradiction dans le chef de l’Union européenne consistant à ne pas accepter les conclusions du comité tout en réitérant son soutien à la convention d’Aarhus. Cette approche, si elle était reprise par d’autres parties à la convention, serait susceptible de compromettre sérieusement le mécanisme d’examen du respect des dispositions ainsi que, par voie de conséquence, la solidité et l’efficacité de la convention.

2.11.

En septembre 2017, lors de la réunion des parties à la Convention qui a eu lieu au Monténégro, il a été décidé de reporter la décision de la réunion des parties relative aux conclusions du comité de respect des dispositions de la convention selon lesquelles l’Union européenne ne respecte pas lesdites dispositions. Cela faisait suite à de vigoureuses déclarations émanant de différents intervenants et discussions dans le cadre de la réunion des parties. Celle-ci a toujours opéré par voie de consensus; en l’absence d’un tel consensus sur la question et à la suite d’une réunion de coordination des États membres de l’Union européenne, il a été décidé de reporter la décision à la prochaine réunion en 2021.

2.12.

Le CESE est conscient des sensibilités associées aux récentes conclusions du comité d’examen du respect des dispositions de la convention d’Aarhus sur le non-respect par l’Union européenne de ces dispositions. Il réclame que l’Union européenne engage d’urgence une action constructive et menée en temps opportun avant la prochaine réunion des parties. Il importe en particulier qu’en collaboration avec les ONG actives dans le domaine de la protection de l’environnement et la société civile au sens large, priorité soit donnée à une approche étendue et ambitieuse sur la manière et les domaines dans lesquels l’Union européenne pourrait améliorer l’application de la convention et l’accès à la justice, par ses institutions et en leur sein. Il y a lieu également d’envisager d’adopter une démarche parallèle et complémentaire en faveur de l’application de l’accès à la justice dans et par les institutions de l’Union européenne et de prévoir des activités de conseil et de diffusion correspondantes.

2.13.

La communication interprétative de la Commission est le résultat d’un long et laborieux processus visant à adopter des mesures spécifiques à l’échelle de l’Union européenne sur l’accès à la justice, marqué en particulier par:

le retrait de la proposition de directive sur l’accès à la justice,

l’incapacité d’amender individuellement chacune des directives concernées en vue de prévoir des dispositions relatives à l’accès à la justice et, par exemple, le fait que certaines directives essentielles en matière d’environnement comme les directives «Oiseaux» et «Habitats» n’ont pas été modifiées pour y faire apparaître des dispositions précises et exhaustives sur l’accès à la justice,

les tentatives avortées de modifier les directives spécifiques à l’accès à la justice (11).

2.14.

Il est nécessaire d’adopter des mesures d’harmonisation quant à la manière dont les tribunaux nationaux traitent les dossiers environnementaux: les normes juridiques de l’Union européenne ne semblent pas suffisamment précises, ce qui entraîne l’envoi d’un grand nombre de questions préjudicielles à la CJUE. La communication de la Commission vise à clarifier les règles et les normes découlant de la jurisprudence de la Cour de justice et, partant, de renforcer la sécurité juridique pour les parties prenantes.

2.15.

La Commission a également fait valoir son propre point de vue en complément à l’analyse juridique.

2.16.

La communication et l’exercice de clarification sous-jacent s’inscrivent dans le cadre de l’examen de la mise en œuvre de la politique environnementale et visent à renforcer cette dernière. Le CESE a déclaré dans un récent avis (12) son soutien au processus d’examen de la mise en œuvre de la politique environnementale de l’Union européenne et appelé à une action résolue afin de mettre en œuvre l’acquis environnemental dans son intégralité.

2.17.

L’absence de directive sur l’accès à la justice laisse un vide au sommet de la hiérarchie des normes. Le combler permettrait de clarifier bon nombre des problèmes qui sont source de confusion et d’incohérences dans les États membres et de problèmes correspondants pour les entreprises et pour les citoyens.

2.18.

Certains États membres ont ratifié la convention d’Aarhus, sans préciser la manière dont l’accès à la justice s’applique dans des cas spécifiques, ou l’ont mise en œuvre de manière imprécise ou incomplète.

3.   Position du CESE

3.1.

Le CESE approuve la convention d’Aarhus et sa pleine mise en œuvre par et au sein de l’Union européenne. Il est essentiel, pour la validité et l’intégrité de la convention d’Aarhus, que les conclusions du comité de contrôle soient acceptées et reconnues par les parties.

3.2.

Le CESE observe que la convention d’Aarhus fait partie du corpus du droit international traitant des droits de l’homme et qu’elle est entièrement compatible avec les principes fondamentaux de l’Union européenne, les traités et la charte européenne des droits de l’homme. Le CESE souligne la nécessité pour l’Union européenne de défendre les droits de l’homme et d’être à la pointe du combat dans ce domaine sur la scène internationale.

3.3.

Le CESE invite instamment les États membres à accélérer la mise en œuvre effective de la convention d’Aarhus, et en particulier à veiller à ce que soit prévu un accès à la justice tant en cas de recours administratif que devant les tribunaux nationaux, d’une manière qui soit cohérente avec les exigences de la convention et avec les caractéristiques essentielles de ces examens telles qu’elles sont définies par la convention (article 9, paragraphe 4). Le CESE reconnaît également l’importance capitale de l’interdépendance des trois piliers de la convention, ainsi que le fait que ces trois piliers doivent être mis en œuvre comme un tout pour avoir un réel effet.

3.4.

Le CESE accueille favorablement le document publié par la Commission et estime qu’il s’agit là d’une communication importante et extrêmement utile. Le CESE reconnaît que la cohérence dans l’accès à la justice au sein de l’Union européenne est un facteur essentiel pour assurer des conditions de marché homogènes, ce qui est un élément essentiel de la réussite du marché unique et nécessaire à la mise en œuvre efficace et cohérente des droits fondamentaux consacrés par le droit européen dans l’ensemble de l’Union. La communication à l’examen y contribue.

3.5.

Le CESE se félicite de lire, dans la déclaration de la Commission, qu’«en cas de manquement aux dispositions applicables de l’acquis de l’Union, la Commission continuera d’appliquer des procédures d’infraction en vue de garantir le respect desdites dispositions» (paragraphe 13). Les traités européens ont confié à la Commission un rôle précis et nécessaire à cet égard. Le bon exercice de ce rôle est essentiel pour veiller au respect cohérent des engagements pris par les États membres, garantir que les États membres qui se conforment aux règles ne soient pas injustement désavantagés, et assurer l’homogénéité des conditions et des droits du marché.

3.6.

Le CESE est d’avis qu’une mise en œuvre effective de la législation environnementale est source de clarté et de sécurité juridiques pour les marchés et les investisseurs, et qu’elle facilite le développement durable du processus. Le CESE accueille favorablement l’objectif poursuivi par la Commission avec ce guide, qui est d’améliorer la sécurité et la clarté quant à la législation environnementale, malgré les limites de son champ d’application.

3.7.

Le CESE constate avec satisfaction que la Commission européenne a commandé des analyses concernant l’accès à la justice en matière d’environnement, par exemple le rapport Darpö (13). Ce rapport et d’autres analyses indépendantes fournissent des évaluations d’un grand intérêt sur la mise en œuvre, que les États membres ne devraient pas ignorer.

3.8.

Le CESE note que la définition de «l’autorité publique» à l’article 2 de la convention inclut: «Les institutions de toute organisation d’intégration économique régionale visée à l’article 17 qui est partie à la présente Convention.» Sur la base de cette définition et de l’article 17 lui-même, le CESE note que la convention s’applique à des parties, telles que l’Union européenne, qui l’a elle-même signée et ratifiée (14). Le CESE considère que l’instrument de ratification de la convention ne dispense pas les institutions de l’Union de leurs obligations en matière d’accès à la justice.

4.   Prochaines étapes

4.1.

D’autres communications ou guides sont nécessaires afin d’intégrer les conclusions et recommandations du comité d’examen du respect des dispositions de la convention, afin d’apporter davantage de précision et de faciliter la mise en œuvre et l’application de la convention. Une directive sur l’accès à la justice serait d’une grande aide pour améliorer la clarté et la cohérence en la matière.

4.2.

Une plus grande cohérence dans l’approche de la mise en œuvre assurerait une homogénéité accrue des conditions qui s’appliquent aux entreprises dans les différents États membres et faciliterait la mise en œuvre. L’incertitude actuelle entraîne des retards et des coûts supplémentaires, et est un frein au développement durable.

4.3.

Il est urgent que l’Union européenne procède à une large consultation dans l’ensemble de l’Union européenne afin d’élaborer une évaluation de référence indépendante de l’accès à la justice au niveau des États membres. Il y a lieu d’évaluer à la fois le degré de sensibilisation de la société civile et ce qui se passe dans les juridictions et lors des contrôles administratifs. Il convient surtout de recenser les cas pris en compte, aussi bien que ceux qui ne sont pas pris en compte ou dont la prise en compte se heurte à des obstacles pour des questions liées à l’accès à la justice. Le CESE peut jouer un rôle par l’intermédiaire de son réseau de la société civile organisée afin d’atteindre un large public, et est également disposé à avoir un rôle de suivi dans la communication des conclusions d’une telle évaluation. L’évaluation elle-même doit être indépendante et objective.

4.4.

Cette évaluation de référence doit aller au-delà des limites de l’examen de la mise en œuvre de la politique environnementale, liées à la nature de son champ d’application, au manque de participation du public et aux limitations du tableau de bord de la justice dans l’Union européenne. Son champ d’application devrait couvrir tous les aspects de l’article 9 de la Convention d’Aarhus, en particulier toutes les caractéristiques des recours spécifiquement prévus par l’article 9, paragraphe 4, de la Convention et l’obligation d’assistance à l’article 9, paragraphe 5. Des mises à jour complètes de cette évaluation de référence devraient être effectuées au moins tous les deux ans.

4.5.

La Commission reconnaît — et le CESE soutient — le rôle essentiel des citoyens et des ONG dans la mise en évidence de l’obligation de rendre compte en vertu de la convention d’Aarhus. L’éducation et la formation au niveau des États membres sont un aspect crucial, tant au niveau des citoyens qu’au niveau judiciaire. La Commission:

doit élaborer des plans spécifiques pour tenir à jour et diffuser de manière efficace la communication, afin de s’assurer qu’elle reflète de manière actuelle et exacte l’évolution de la jurisprudence de la Cour de justice et d’agir de concert avec la société civile en la matière,

doit accorder une attention prioritaire à la mise à disposition de ressources et de financements pour ces plans,

pourrait envisager la création, à l’intention de la société civile, des administrations publiques et des organes judiciaires, d’un outil dynamique et actualisé afin de s’assurer qu’elle reflète de manière actuelle et exacte l’évolution de la jurisprudence de la Cour de justice,

devrait publier des rapports d’avancement sur ces plans tous les 6 mois,

devrait recenser les lacunes et les omissions dans la communication afin que les États membres établissent une liste des priorités et agissent en conséquence; devrait de même tenir compte des domaines dans lesquels existent des lacunes dans la jurisprudence actuelle de la Cour, et recueillir l’avis des communautés d’experts en la matière.

4.6.

Le caractère prohibitif des frais dans certaines juridictions peut constituer un obstacle majeur à l’accès à la justice, notamment la menace de devoir assumer des frais qui peuvent s’avérer très élevés. Dans un contexte mondial de harcèlement et de persécution à l’encontre des défenseurs de l’environnement, l’Union européenne devrait jouer un rôle de chef de file dans la facilitation de l’accès à la justice et devrait être particulièrement proactive dans les cas de harcèlement, notamment quand la question des coûts peut constituer un frein.

4.7.

Il y a lieu de créer un mécanisme permettant d’utiliser les conclusions du comité d’examen du respect des dispositions pour compléter la communication aux États membres et de contribuer à davantage de clarté sur les obligations.

4.8.

La communication interprétative à l’examen devra être régulièrement tenue à jour et actualisée. Des mises à jour de son contenu devront être effectuées en temps opportun et des actions de formation régulières organisées à l’intention du public visé. Il conviendra de prévoir des ressources et un financement suffisants afin de soutenir des plans efficaces, tant au niveau des États membres que de la part de la Commission.

4.9.

Compte tenu de l’importance des renvois préjudiciels (15) pour assurer une application cohérente du droit de l’Union européenne dans ce domaine, la Commission devrait: examiner de manière approfondie l’application et le respect de cette disposition dans l’ensemble des États membres; élaborer un rapport à ce sujet; rechercher et éliminer tous les obstacles à son utilisation.

Bruxelles, le 7 décembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/10102/2017/EN/SWD-2017-255-F1-EN-MAIN-PART-1.pdf.

(2)  http://ec.europa.eu/environment/aarhus/pdf/synthesis%20report%20on%20access%20to%20justice.pdf.

(3)  Article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

(4)  Directive 2003/4/CE.

(5)  Directive 2003/35/CE.

(6)  Règlement (CE) no 1367/2006.

(7)  http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52015IR6648

(8)  Voir le retrait de propositions de la Commission qui ne présentent plus un caractère d’actualité, JO C 153 du 21.5.2014, p. 3.

(9)  https://www.unece.org/fileadmin/DAM/env/pp/compliance/C2008-32/Findings/C32_EU_Findings_as_adopted_advance_unedited_version.pdf.

(10)  http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-11150-2017-INIT/fr/pdf.

(11)  La directive sur les plafonds d’émission nationaux.

(12)  Examen de la mise en œuvre de la politique environnementale, JO C 345 du 13.10.2017, p. 114-119.

(13)  http://ec.europa.eu/environment/aarhus/pdf/synthesis%20report%20on%20access%20to%20justice.pdf.

(14)  https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=IND&mtdsg_no=XXVII-13&chapter=27&clang=_en#EndDec

(15)  En application de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.


11.4.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 129/71


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2006/1/CE relative à l’utilisation de véhicules loués sans chauffeur dans le transport de marchandises par route»

[COM(2017) 282 final — 2017/0113 (COD)]

(2018/C 129/11)

Rapporteur:

Brian CURTIS

Consultation

Parlement européen, 15.6.2017

Conseil de l’Union européenne, 12.6.2017

Base juridique

Article 91, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

22.11.2017

Adoption en session plénière

6.12.2017

Session plénière no

530

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

121/0/1

1.   Conclusions et recommandations

Conclusions

1.1.

Le CESE se félicite de cette nouvelle étape dans la suppression de certains des obstacles subsistants à un marché unique efficace et équitable dans le secteur européen du transport routier de marchandises. En l’occurrence, la directive modificative vise à faciliter l’utilisation optimale des flottes de véhicules dans l’ensemble de l’Europe, en particulier pendant les périodes de pointe saisonnières, ainsi qu’à parvenir à un niveau minimal de libéralisation. L’élimination des restrictions à l’utilisation des véhicules de transport de marchandises pour compte propre constitue une avancée positive.

1.2.

Le Comité reste d’avis qu’il est préférable qu’une législation sur les questions de transport prenne la forme d’un règlement plutôt que d’une directive, la seconde permettant des différences d’interprétation plus importantes et une application plus rigoureuse entre les États membres. Toutefois, il reconnaît que cette brève directive atteint ses objectifs et que, dans ce cas, le passage à un règlement aurait été disproportionné.

Recommandations

1.3.

Pour prévenir la multiplication des sociétés boîtes aux lettres, le CESE demande instamment que les mesures proposées pour renforcer le règlement (CE) no 1071/2009 et le règlement (CE) no 1072/2009 de manière à éradiquer ces sociétés malhonnêtes soient acceptées et effectivement mises en œuvre par tous les États membres. Leurs résultats devraient être soigneusement contrôlés et être intégrés au rapport portant sur l’efficacité de la directive modificative.

1.4.

Afin de décourager les opérateurs de profiter d’une taxation moins élevée des immatriculations de véhicules dans certains États membres, d’autres mesures devraient être appliquées si l’analyse au cours de la période d’examen devait montrer qu’elles s’avèrent nécessaires, par exemple un plafonnement de la proportion de la flotte détenue par un opérateur qui peut être transférée temporairement à un opérateur affilié dans un autre État membre.

1.5.

Le Comité constate que malgré l’utilisation de méthodes de traçage de plus en plus efficaces, le cabotage illicite reste un problème important dans le secteur du fret routier. La mise en œuvre des mesures prévues par la directive risque de rendre sa détection plus difficile. Par conséquent, d’autres dispositions pourraient être arrêtées afin de garantir l’existence d’un lien identifiable entre une entreprise et ses véhicules.

2.   Introduction

2.1.

La directive modificative à l’examen est présentée dans le cadre du paquet «L’Europe en mouvement», le vaste ensemble d’initiatives destinées à accroître la sécurité du trafic, encourager une tarification routière intelligente, diminuer les émissions de CO2, la pollution de l’air et la congestion des routes, réduire les formalités administratives auxquelles sont soumises les entreprises, lutter contre le travail illicite et garantir aux travailleurs des conditions de travail et des périodes de repos appropriées.

2.2.

Elle traite de certaines des questions laissées en suspens dans le cadre de la libéralisation de l’utilisation des véhicules loués pour le transport de marchandises au sein du marché unique. Il subsiste des règles et réglementations divergentes entre les États membres; cette problématique a d’abord été abordée en 1984 (1), et une homogénéisation a eu lieu par la suite dans le cadre de la directive de 2006 (2). Toutefois, même après la transposition de cette directive modificative, une série de restrictions resteront en vigueur dans de nombreux États membres.

2.3.

La principale préoccupation à laquelle doit répondre la présente modification est la volonté des opérateurs de pouvoir déplacer leur flotte de véhicules à travers l’Union européenne en fonction de la demande locale. Les possibilités en la matière sont actuellement soumises à des restrictions de droit national et à des dispositions réglementaires et opérationnelles (législation non contraignante ou «soft law»).

2.4.

D’un côté, les opérateurs font valoir que la situation actuelle nuit à l’utilisation efficace des flottes de transport européennes. De l’autre, les syndicats du secteur des transports craignent que la proposition n’affaiblisse davantage encore un lien essentiel entre les opérateurs et leurs actifs et qu’elle ne réduise les capacités de contrôle et d’exécution des États membres quant à la nature véritable des opérateurs enregistrés sur leur territoire. Les États membres eux-mêmes n’ont pas tous la même approche de cette question, une petite minorité d’entre eux estimant qu’il convient de préserver le statu quo.

2.5.

En outre, les gouvernements de certains États membres redoutent une perte de revenus du fait que des véhicules pourraient être immatriculés dans un pays tout en étant établis dans un autre pour leurs opérations quotidiennes. Ainsi, les niveaux de taxation sur les poids lourds varient de quelque 500 EUR par véhicule en Lettonie à près de 5 000 EUR en Irlande (3).

2.6.

Dans de précédents avis sur les transports (4), le Comité a fait valoir que pour réduire les divergences d’interprétation et de rigueur dans l’application des prescriptions entre les différents États membres, il convenait de soutenir le passage d’une directive à un règlement. Le Comité considère que ce principe reste valable, mais reconnaît qu’en l’espèce, une refonte complète de la directive serait disproportionnée. Il note également que, si la forme juridique d’une directive laisse aux États membres une plus grande marge de manœuvre en matière de transposition et d’application, elle est davantage susceptible de donner lieu à des anomalies et des divergences d’interprétation persistantes entre les États membres.

3.   Contenu essentiel de la communication de la Commission

3.1.

Cette proposition de la Commission, qui fait suite à un examen, une consultation et une analyse approfondis, apporte des modifications à la directive de 2006. Cette dernière autorisait les États membres à restreindre l’utilisation des véhicules de transport de marchandises loués aux véhicules d’un poids total en charge supérieur à six tonnes pour les opérations pour compte propre et permettait de limiter l’utilisation des véhicules loués dans un autre État membre que celui où est établie l’entreprise qui les prend en location.

3.2.

Les modifications proposées, qui auront pour effet d’approfondir et de renforcer le marché intérieur, suppriment la possibilité de restreindre l’utilisation de l’ensemble des véhicules loués pour des opérations pour compte propre. En outre, l’utilisation d’un véhicule loué dans un autre État membre sera autorisée pendant au moins quatre mois pour permettre aux entreprises de faire face à des pics de demande saisonniers ou temporaires et/ou remplacer les véhicules défectueux ou endommagés. Les États membres dotés de régimes plus libéraux (comme la Belgique, la République tchèque, l’Estonie et la Suède) devraient être en mesure de les maintenir.

3.3.

Cette période de quatre mois a été retenue afin d’éviter d’éventuelles distorsions en matière de revenus, étant donné les différences considérables qui existent entre États membres en ce qui concerne la taxation des véhicules routiers.

3.4.

La proposition devrait garantir aux transporteurs l’égalité d’accès au marché des véhicules loués dans l’ensemble de l’Union européenne et fournir un cadre réglementaire uniforme synonyme pour eux d’efficacité accrue. Elle pourrait également avoir pour avantage d’améliorer la sécurité et de réduire la pollution, étant donné que les véhicules loués sont généralement plus récents.

3.5.

Un rapport sur la mise en œuvre de ces modifications sera élaboré par la Commission dans un délai de cinq ans et pourrait servir de base à l’adoption de mesures supplémentaires.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE se félicite des intentions à l’origine de cette directive modificative, qui constitue une nouvelle étape dans la suppression de certains des obstacles subsistants à un marché unique efficace et équitable dans le secteur européen du transport routier de marchandises. En l’occurrence, la directive modificative vise à faciliter l’utilisation optimale des flottes de véhicules dans l’ensemble de l’Europe, en particulier pendant les périodes de pointe saisonnières, ainsi qu’à parvenir à un niveau minimal de libéralisation. L’élimination des restrictions à l’utilisation des véhicules de transport de marchandises pour compte propre constitue une avancée positive.

4.2.

Le Comité reste d’avis qu’il est préférable qu’une législation sur les questions de transport prenne la forme d’un règlement plutôt que d’une directive, la seconde permettant des différences d’interprétation plus importantes et une application plus rigoureuse entre les États membres. Toutefois, il reconnaît que cette brève directive atteint ses objectifs et que, dans ce cas, le passage à un règlement aurait été disproportionné.

4.3.

Le Comité tient toutefois à exprimer certaines réserves quant à ses effets éventuels. Ces dernières sont de deux ordres. Elles concernent, d’une part, la multiplication des «sociétés boîtes aux lettres» et, d’autre part, le risque qu’un opérateur puisse procéder à des transports illicites de cabotage sans être repéré. Ces problématiques sont décrites ci-après.

5.   Observations particulières

5.1.

Les véhicules utilitaires de tous types sont des actifs onéreux qui sont de plus en plus souvent mis à la disposition des transporteurs par des sociétés de location-bail. Pour maximiser l’efficacité des opérations de transport, la disponibilité des véhicules doit correspondre à la demande. Cette dernière varie non seulement en fonction des saisons, mais aussi sur une base géographique, par exemple selon la demande des secteurs de la production agricole et du tourisme. Or, pour préserver les normes d’exploitation, les exigences de sécurité et les conditions de travail des conducteurs, il importe que les opérateurs disposent d’actifs et d’infrastructures de soutien direct dans le pays d’exploitation.

5.2.

Les sociétés boîtes aux lettres sont des entités établies dans un pays de l’Union européenne dans lequel elles n’exercent pas (ou guère) d’activités économiques, afin de profiter d’un régime plus favorable sur le plan fiscal, salarial, etc. Ces entreprises ne possèdent que peu d’infrastructures de soutien locales, voire aucune; elles créent des situations de concurrence déloyale et peuvent également exploiter leurs travailleurs.

5.3.

Le défi posé par ces entreprises a été reconnu dans d’autres parties du paquet «Mobilité», et des mesures ont été proposées (5) pour y faire face. Le Comité reconnaît que la directive modificative n’a pas pour vocation première de traiter la question des sociétés boîtes aux lettres, mais il craint qu’elle ne puisse en faciliter la croissance et les opérations. Par conséquent, il demande instamment que les mesures proposées pour renforcer le règlement (CE) no 1071/2009 et le règlement (CE) no 1072/2009 de manière à éradiquer ces sociétés malhonnêtes soient acceptées et effectivement mises en œuvre par tous les États membres. Leurs résultats devraient être soigneusement contrôlés et être intégrés au rapport portant sur l’efficacité de la directive modificative.

5.4.

Ces mesures feraient cependant l’impasse sur les opérateurs qui profitent de la fiscalité plus avantageuse pratiquée dans d’autres États membres en matière d’immatriculation des véhicules. Si l’on autorise une période d’exploitation de quatre mois dans un autre État membre, il n’est pas exclu que des opérateurs puissent pratiquer une rotation des véhicules entre différents pays pour se soustraire à cette limitation.

5.5.

Ces préoccupations semblent avoir un certain fondement théorique, même si une telle pratique nécessiterait une logistique complexe. La période d’examen permettra de déterminer si certains tirent parti de cette possible lacune. Si cela se produit, le Comité propose que la limite de quatre mois s’accompagne de mesures supplémentaires, telles qu’un plafonnement de la proportion de la flotte détenue par un opérateur pouvant être transférée à un opérateur affilié dans un autre État membre.

5.6.

Le Comité craint également que le cabotage illicite puisse être facilité. Le cabotage est le transport de marchandises pour compte d’autrui dans un État membre par un véhicule appartenant à un transporteur non résident enregistré dans un autre État membre. (Un opérateur de véhicules de transport de marchandises titulaire d’une licence internationale standard n’est autorisé au niveau de l’Union qu’à réaliser un maximum de trois transports de cabotage sur une période de sept jours dans l’État membre d’accueil. Ces transports doivent être consécutifs à un voyage au cours duquel des marchandises ont été transportées d’un État membre à l’État membre d’accueil). Dans un marché intérieur parfaitement concurrentiel, des règles restrictives seraient bien évidemment inutiles, mais cet objectif demeure un vœu pieux. La levée des restrictions applicables aux véhicules loués permettrait à un transporteur de pratiquer bien plus facilement le cabotage sur une base permanente (cabotage illicite), simplement en louant des véhicules immatriculés dans l’État membre où il estime intéressant de mener ce type d’activités.

5.7.

Pour prévenir ces pratiques, le Comité recommande qu’un certain nombre de dispositions soient envisagées afin de consolider et de maintenir un lien identifiable entre une entreprise et ses véhicules. Celles-ci devraient prévoir:

l’obligation de déclarer la plaque d’immatriculation de tous les véhicules utilisés par un transporteur dans les registres électroniques nationaux,

l’accès en temps réel à ces registres par les services d’inspection routière, lors des contrôles sur route et en entreprise,

l’inclusion des infractions liées à la directive sur les véhicules loués dans la «liste sur la catégorisation des infractions conduisant à une perte d’honorabilité».

Bruxelles, le 6 décembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Directive 84/647/CEE.

(2)  Directive 90/398/CEE et directive 2006/1/CE.

(3)  Rapport final sur l’évaluation ex post de la directive 2006/1/CE, janvier 2016.

(4)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 176.

(5)  COM(2017) 281 final modifiant le règlement (CE) no 1071/2009 et le règlement (CE) no 1072/2009 en vue de les adapter aux évolutions du secteur.


11.4.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 129/75


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux statistiques des transports par chemin de fer»

[COM(2017) 353 final — 2017/0146(COD)]

(2018/C 129/12)

Rapporteur unique:

Raymond HENCKS

Consultation

Commission européenne, 4.8.2017

Base juridique

Articles 91 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

22.11.2017

Adoption en session plénière

6.12.2017

Session plénière no

530

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

158/0/1

1.   Synthèse et conclusions

1.1.

La Commission utilise le relevé statistique des transports par chemin de fer pour évaluer les effets des actions communautaires déployées dans le domaine ferroviaire et étayer, le cas échéant, la préparation de nouvelles actions.

1.2.

De telles statistiques ont été établies, tout d’abord partiellement et de manière peu détaillée, depuis 1980 (1). En 2003, un nouvel acte juridique, en l’occurrence le règlement (CE) no 91/2003 (dit acte originaire) introduit des modifications et des compléments de fond. Depuis lors, les États membres doivent collecter et transmettre des statistiques, annuelles, trimestrielles ou quinquennales, sur les prestations du transport de marchandises et de voyageurs, sur la base d’indicateurs déterminés.

1.3.

Entretemps, ledit acte originaire a été modifié et complété par les règlements (CE) no 1192/2003, (CE) no 219/2009 et (UE) 2016/2032, au point qu’un grand nombre de dispositions se trouvent éparpillées en partie dans l’acte originaire et dans des actes modificatifs ultérieurs.

1.4.

La Commission s’est contentée de procéder à une simple «codification», en intégrant le contenu des différents règlements précédents dans un ensemble harmonieux et cohérent et sans en altérer le contenu, à l’exception de la suppression du paragraphe 5 de l’article 4 du règlement (CE) no 91/2003 accordant à la Commission le droit d’adapter à son gré les annexes au règlement précité en ce qui concerne des éléments non essentiels.

1.5.

Dans la logique de l’objectif d’une réglementation affûtée (REFIT), le CESE ne peut qu’approuver l’initiative de la Commission, mais il se demande si les statistiques en question ne pourraient pas être mieux traitées, et faire partie des autres données en la matière recueillies par Eurostat.

Bruxelles, le 6 décembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Directive 80/1177/CEE.


11.4.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 129/76


Avis du Comité économique et social européen sur «Un partenariat renouvelé avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique»

[JOIN(2016) 52 final]

(2018/C 129/13)

Rapporteure:

Mme Brenda KING

Consultation

Commission européenne, 27.1.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Relations extérieures» (REX)

Adoption en section spécialisée

7.11.2017

Adoption en session plénière

7.12.2017

Session plénière no

530

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

165/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’accord de partenariat de Cotonou entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) arrivera à expiration en 2020. Il a formé la base de la coopération et du dialogue en matière de politique, d’économie, de commerce et d’aide au développement.

1.2.

L’Union européenne et les pays ACP ont, chacun de leur côté, engagé des débats pour déterminer quels pourraient être à l’avenir le cadre et les bases de leurs relations. Les priorités qui y seront probablement reprises sont la réduction de la pauvreté, les relations commerciales, la gestion des flux migratoires et la lutte contre le réchauffement planétaire. Le lancement officiel des discussions entre l’Union européenne et les pays ACP devrait avoir lieu au plus tard avant le mois d’août 2018.

1.3.

Le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et la Commission européenne ont lancé en 2015 une consultation publique en vue de préparer le cadre de l’après-Cotonou et, en novembre 2016, ils ont publié une communication conjointe, dans laquelle ils préconisaient la conclusion d’un accord-cadre définissant des valeurs et des intérêts communs et assorti de partenariats distincts avec chacune des trois régions.

1.4.

Le Comité économique et social européen (ci-après «le CESE» ou «le Comité») accueille favorablement la communication conjointe, tout comme l’option que privilégie la Commission, celle d’un accord-cadre qui serait assorti de priorités régionales spécifiques et revêtirait un cadre juridiquement contraignant. Le CESE a la conviction qu’il est nécessaire de conclure un nouvel accord, mis à jour, qui tienne compte des réalités qui sont apparues, telles que les inquiétudes de l’opinion publique européenne face au danger accru d’attentats terroristes, les flux migratoires perçus comme incontrôlés, le risque de mouvements de réfugiés climatiques en raison de la croissance spectaculaire de la population africaine, la montée en puissance de l’influence exercée par d’autres puissances régionales, ou encore l’action imprévisible du président actuel des États-Unis.

1.5.

Le CESE demande également que la société civile soit mieux intégrée dans le prochain cadre et qu’il lui soit octroyé un rôle plus important, qui aille au-delà de la consultation. Cet aspect est important pour garantir le respect du principe de cohérence des politiques au service du développement.

1.6.

Le CESE se félicite de l’intention affichée de prendre appui sur le programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030, tout en y intégrant des éléments caractéristiques des Fonds européens de développement. Cette démarche vient compléter le nouveau consensus européen pour le développement, qui s’est assigné pour objectif essentiel d’éradiquer la pauvreté, en intégrant par ailleurs les dimensions économiques, sociales et environnementales du développement durable. Le Comité déplore cependant que ce programme ne soit pas au cœur du futur accord, où il aurait pu renforcer les principes fondamentaux tels que l’universalité, la gouvernance, ainsi que les interconnexions entre les différents objectifs de développement durable (ODD) et leur indissociabilité.

1.7.

Le CESE estime que tout partenariat futur doit avoir pour fondement un dialogue politique plutôt qu’une relation entre donateurs et bénéficiaires. Il constate que la communication s’inscrit, à juste titre, dans la logique de la stratégie globale de l’Union européenne, mais recommande que toute coopération future entre les pays ACP et l’Union soit également alignée sur les stratégies et objectifs définis par ces pays.

1.8.

Par ailleurs, le CESE recommande que la dimension politique soit renforcée et qu’un solide mécanisme de suivi incluant la société civile soit instauré. Il conviendrait que l’acquis de l’Union européenne en matière de participation de la société civile, y compris le secteur privé (organisations de la société civile ou OSC), à tous les stades du futur partenariat, soit préservé et renforcé, l’intégration des OSC au dialogue politique devant être institutionnalisée.

1.9.

Une enquête réalisée par le CESE auprès des acteurs économiques et sociaux des pays ACP a révélé que pour 82 % d’entre eux, ils étaient favorables à la participation des acteurs non étatiques aux réunions parlementaires et, pour 78 %, aux réunions intergouvernementales, lors desquelles ils devraient par ailleurs être en mesure de présenter des rapports et de formuler des recommandations.

1.10.

Le CESE regrette que la communication conjointe ne reflète pas l’importance des organisations de la société civile, que ce soit au niveau de l’accord-cadre ou dans les trois régions. Il recommande que le futur partenariat comprenne un mécanisme formel visant à associer ces organisations aux exercices de conception, de mise en œuvre, de suivi et de réexamen, ainsi qu’à la phase de négociations à venir. Il est prêt à jouer un rôle central dans ce processus.

1.11.

Le CESE relève l’absence de toute référence au Fonds européen de développement (FED) et suppose que cette situation va changer au terme du cadre financier pluriannuel et du fait de la décision relative à la budgétisation du FED. Le CESE rappelle la recommandation énoncée dans son avis REX/455, selon laquelle il conviendrait, tout en conservant les aspects positifs du FED, de faire que toutes les formes d’aide au développement accordées par l’Union européenne à des pays tiers relèvent du même cadre juridique et soient soumises au même contrôle démocratique de la part du Parlement européen. Il est en outre d’avis que la facilité de soutien à la paix pour l’Afrique et les nouveaux projets dans le domaine de la migration devraient être financés en dehors du FED.

1.12.

Le Comité se félicite de l’accent mis sur le développement humain en tant que priorité spécifique du futur partenariat et estime qu’il devrait constituer une priorité pour les trois régions et être relié aux objectifs de développement durable.

1.13.

Le CESE accueille favorablement la volonté exprimée dans la communication d’assurer pleinement la protection, la promotion et l’instauration de l’égalité entre les hommes et les femmes ainsi que de l’autonomisation des femmes et des jeunes filles, de même que sa reconnaissance de la contribution essentielle que celles-ci apportent à la paix, à la consolidation de l’État, à la croissance économique, au développement technologique, à la réduction de la pauvreté, à la santé et au bien-être, à la culture et au développement humain. Il regrette toutefois que la communication omette de préciser comment ces démarches seront facilitées.

1.14.

Le CESE se félicite que le commerce et les accords de partenariat économique (APE) seront pleinement intégrés dans le nouveau partenariat. Il est d’avis que les accords commerciaux, dont les accords de partenariat économique, devraient prendre pour cadre le programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030, ainsi que l’accord de Paris (sur le climat).

1.15.

Le CESE préconise que les négociations entre les pays ACP et l’Union européenne en vue de conclure les accords de partenariat économique se déroulent de manière transparente et avec une association de la société civile au processus. Ces accords devraient contenir un chapitre exécutoire consacré au développement durable et associant activement la société civile à leur mise en œuvre, leur suivi et leur évaluation.

1.16.

Le CESE se félicite que le climat soit rangé parmi les principales priorités mais s’inquiète de constater que celles qui ont été définies en matière climatique et environnementale varient de l’une à l’autre des trois régions. Il est également préoccupé par l’accent mis sur les mesures que sont tenus de prendre les pays ACP, en l’absence de toute référence à la responsabilité qui incombe à l’Union européenne en raison de l’empreinte ou de l’incidence qu’elle exerce sur les ressources naturelles et les écosystèmes de ces pays en développement.

2.   Contexte

2.1.

L’Union européenne (UE) et les 79 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ont conclu un vaste accord de coopération internationale, de nature juridiquement contraignante, qui rassemble plus de la moitié des États-nations du monde. Baptisé «accord de partenariat de Cotonou» (APC, ou accord de Cotonou), il a été signé au Bénin en l’an 2000 et vise à renforcer la coopération existant de longue date en matière de politique, de commerce et de développement entre l’Union européenne et les pays ACP. Cet accord a abouti à la création d’une série d’institutions qui facilitent la coopération ACP-UE entre les gouvernements, les fonctionnaires publics, les parlementaires, les collectivités locales et la société civile, y compris le secteur privé. Il s’appuie sur une relation historique entre l’Union européenne et ses anciennes colonies, qui a évolué depuis au gré d’une succession d’accords, lesquels ont commencé avec les accords d’association qu’étaient les conventions de Yaoundé I et II entre la Communauté économique européenne et les anciennes colonies françaises d’Afrique (1963-1975), se sont poursuivis avec les conventions successives de Lomé entre pays ACP et UE, de 1975 à 2000, et ont abouti en dernier lieu à l’accord de partenariat signé à Cotonou (2000).

2.2.

Les conventions de Lomé ont octroyé aux pays ACP un statut juridique grâce auquel ils ont pu se doter d’un modèle de développement et demander un accès privilégié au marché commun. Ce cadre a conféré aux États des Caraïbes et du Pacifique un poids plus important, alors que dans le cadre de conventions bilatérales, ils n’auraient vraisemblablement pas pu bénéficier de ce type de modèle de développement. Même si la pauvreté y a reculé, la part détenue par les pays ACP dans le marché intérieur est tombée de 6,7 % en 1976 à 3 % en 1998.

2.3.

L’accord de Cotonou visait à renforcer le partenariat et se compose de trois piliers: le politique, le commercial et celui du développement durable. L’objectif premier de cet accord à caractère global était de stimuler le développement des pays ACP et de les encourager par ailleurs à diversifier leurs économies, en créant un environnement propice à l’entreprise et à l’investissement.

3.   Observations générales

3.1.

L’accord de Cotonou arrivant à échéance en 2020, la Commission européenne et la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ont publié une communication conjointe, datée du 22 novembre 2016. Le texte propose trois options, sur la base des résultats d’une consultation publique lancée le 6 octobre 2015. La première préconise de renouveler l’accord de partenariat de Cotonou passé avec les pays ACP. Si elle aurait eu pour avantage d’en conserver le format, elle n’aurait pas débouché sur un accord qui prenne en compte les priorités spécifiques relevées par les parties concernées. En outre, elle n’aurait pas pris en considération les changements significatifs qui se sont produits depuis l’an 2000, comme l’élargissement de l’Union européenne, les divergences apparues dans les priorités des pays ACP et l’importance croissante des organisations régionales, telles que l’Union africaine.

3.2.

La deuxième option consistait à régionaliser totalement les rapports entre l’Union européenne et les pays ACP. Bien qu’elle eût reflété les disparités entre les trois régions concernées, cette approche aurait ignoré le souhait de rester unis qu’avaient exprimé ces États, tout comme l’aspiration mutuelle d’utiliser le cadre UE-ACP pour peser dans les enceintes internationales.

3.3.

C’est la troisième piste qui a été privilégiée, et semble avoir fait consensus auprès de toutes les parties. Dans ce cas, la révision de l’accord se traduira par la conclusion d’un accord-cadre commun assorti de trois piliers régionaux: «la troisième option consiste en un accord avec les pays partenaires, comprenant trois partenariats régionaux distincts avec l’Afrique, les Caraïbes et le Pacifique, avec la possibilité d’impliquer plus étroitement d’autres pays, dans un cadre commun. Ce cadre définirait les valeurs communes, les principes, les éléments essentiels et les intérêts qui sous-tendent la coopération entre les parties, en exploitant l’acquis considérable de l’APC. Il prévoirait aussi des mécanismes spécifiques de coopération sur la scène mondiale. Les trois partenariats régionaux exploiteraient et intégreraient ceux qui existent déjà (par exemple, la stratégie commune UE-Afrique) et établiraient les priorités et les actions axées sur les spécificités du programme du partenariat avec chacune des trois régions.» Cette structure institutionnelle proposée par la Commission et composée de trois partenariats régionaux distincts avec l’Afrique, les Caraïbes et le Pacifique, qui s’inscriraient dans un cadre commun, préserve l’acquis et les avantages du format UE-ACP, tout en autorisant des initiatives de développement différenciées selon les régions. En outre, l’option ici privilégiée donne la possibilité d’inclure ultérieurement d’autres États que les ACP, comme les autres pays les moins avancés (PMA) ou les États d’Afrique du Nord.

3.4.

Le CESE approuve la Commission européenne quand elle entend donner au partenariat un caractère juridiquement contraignant, tout en préservant sa souplesse et sa réactivité pour qu’il puisse s’adapter à un environnement en constante évolution. Il recommande que l’accord qui succédera à celui de Cotonou définisse clairement cette notion de «juridiquement contraignant» et qu’il comporte des mécanismes de consultation et de sanctions, en cas de violation des droits de l’homme, des principes démocratiques et, en particulier, de l’État de droit. Il relève que les pays ACP sont favorables à ce que le futur accord soit contraignant au plan juridique (1), et il estime qu’il s’agirait là d’une garantie de prévisibilité, de transparence et de responsabilité réciproque.

3.5.

Qu’il s’agisse du programme de développement durable à l’horizon 2030, de l’accord de Paris sur les changements climatiques, du programme d’action d’Addis-Abeba, ou du cadre de Sendai et du programme pour les villes élaboré par les Nations unies, plusieurs dispositifs internationaux d’encadrement adoptés récemment donnent la possibilité d’intégrer ces éléments dans un nouvel accord, engageant ses parties prenantes sur la voie d’un développement durable qui bénéficie aux populations, assure la prospérité et préserve notre planète. Le futur partenariat devrait s’appuyer sur ces cadres et engagements internationaux et en assurer la mise en œuvre selon une approche intégrée, inclusive et durable.

3.6.

Il conviendrait que l’accord qui sera conclu accorde la priorité au développement humain, en tenant compte du double impact de la croissance démographique exponentielle et du dérèglement climatique que subissent les pays ACP. Cette situation entraînera son lot de défis sur le plan de la nutrition et de la sécurité alimentaire, de la protection de l’environnement et de la recherche de la prospérité pour tous.

3.7.

La cohérence des politiques au service du développement devrait être un élément clé du futur partenariat, garantissant que toutes les politiques internes et externes de l’Union européenne contribuent au développement durable au sein de l’Union européenne et à l’échelle mondiale.

4.   Observations particulières

4.1.   Inclusion de la société civile dans le futur partenariat entre les pays ACP et l’Union européenne

4.1.1.

Le CESE se félicite que l’article 6 de l’APC soutienne la participation des acteurs non étatiques, en reconnaissant qu’ils jouent un rôle essentiel dans le partenariat. Toutefois, malgré la reconnaissance de l’importance que revêt le dialogue politique pour favoriser la participation de la société civile au processus de développement, il regrette que la coopération soit restée à ce point axée sur les gouvernements. Il existe néanmoins certaines exceptions, à savoir l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, l’Assemblée parlementaire Cariforum-UE, le comité consultatif Cariforum-UE et le comité Cariforum-UE «Commerce et développement». Elles pourraient cependant être davantage encouragées à l’avenir.

4.1.2.

Le CESE réaffirme le rôle fondamental que jouent les acteurs non étatiques dans les relations entre les pays ACP et l’Union européenne, que ce soit tout au long du processus de développement durable ou dans le cadre du suivi des accords de partenariat économique. Le programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030 reconnaît le rôle de la société civile, lorsqu’il affirme que «l’ampleur et la portée du nouveau programme appellent un partenariat mondial revitalisé qui en assurera la mise en œuvre. […] Il facilitera un engagement mondial fort au service de la réalisation de tous les objectifs et cibles, rassemblant ainsi les gouvernements, le secteur privé, la société civile, le système des Nations unies et les autres acteurs concernés et mobilisant toutes les ressources disponibles».

4.1.3.

Le CESE constate avec regret qu’un certain nombre de pays ACP et, depuis peu, d’États membres de l’Union européenne sont en train de mettre en place des législations restrictives visant à limiter l’activité des acteurs non étatiques, débouchant, dans certains cas, sur des conséquences préjudiciables à la participation active des organisations de la société civile. L’indice de développement OSC 2016 (2) indique que, dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, les organisations de la société civile sont confrontées à des restrictions accrues ou à des menaces de restrictions de leur travail, notamment lorsqu’elles sont actives dans le domaine de la sensibilisation et des droits de l’homme.

4.1.4.

Le CESE recommande que le nouveau cadre qui sera adopté renforce la légitimité des organisations de la société civile en particulier et des acteurs non étatiques en général, s’agissant de parties prenantes des plus indispensables dans les processus d’élaboration des politiques, en incluant ces organisations, qu’elles soient originaires des pays ACP ou de l’Union européenne, dans les principes juridiquement contraignants de l’accord. Une telle démarche devrait notamment comporter un cadre structuré entre ces organisations et l’ensemble des institutions conjointes ACP-UE. Le Comité plaide dès lors en faveur d’un renforcement des engagements techniques et financiers pour encourager et renforcer la participation active des organisations de la société civile.

4.2.   Commerce et développement durable

4.2.1.

En vertu de la convention de Lomé IV, les pays ACP ont bénéficié de préférences non réciproques, que l’Union européenne leur a accordées de manière unilatérale afin qu’ils puissent exporter leurs productions dans le marché commun et qui ont été complétées par un dispositif compensant les pertes de revenus d’exportation subies en cas de fluctuations des taux de change ou de catastrophes naturelles. Ce système ayant été jugé contraire au principe de la «nation la plus favorisée» énoncé par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les accords de partenariat économique (APE) ont alors été conçus pour surmonter cet obstacle, de manière à donner aux pays ACP la possibilité de s’intégrer dans l’économie mondiale.

4.2.2.

En conséquence, l’Union européenne a négocié des APE avec les six régions qui composent les 79 pays ACP, avec pour objectif d’établir, en matière de commerce et de développement, des partenariats communs soutenus par une aide au développement. De 2000 à 2008, l’accès au marché européen a été assuré par la préférence nationale non réciproque, qui comportait un dispositif de dérogations aux règles de l’OMC. À partir de 2008, des accords de libre-échange ont été signés dans le cadre des APE mais la récolte des signatures nécessaires et l’étape subséquente de mise en œuvre se sont avérées un parcours du combattant, qui n’est pas encore terminé. Six de ces accords de partenariat économique ont été conclus mais dans la plupart des cas, le processus de ratification a buté sur des obstacles. En 2007, l’Europe a procédé à la signature du premier de ces accords, qui la lie à 15 pays des Caraïbes et est entré provisoirement en vigueur en décembre 2008. Les résultats ont été plus mitigés en Afrique. En 2014, un accord a été dégagé avec 16 États d’Afrique de l’Ouest, ainsi qu’avec deux organisations régionales, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), et avec la Communauté de l’Afrique de l’Est, mais les textes sont encore en cours de ratification. Les pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe (CDAA) ont signé un APE en 2016. Enfin, l’APE intérimaire entre l’Europe et les pays du Pacifique a été paraphé en 2009 par la Papouasie — Nouvelle-Guinée et les îles Fidji, ces deux États assurant la majeure partie des échanges entre l’Union et la zone du Pacifique.

4.2.3.

L’accord de Cotonou comporte donc une importante dimension commerciale. En 2012, effectivement, l’Union européenne arrivait en deuxième place, après les États-Unis, sur la liste des principaux partenaires commerciaux des pays ACP. Elle précédait ainsi le Venezuela, la Chine, le Brésil, le Canada et l’Inde. L’Union compte pour 12,1 % des échanges des pays ACP, moins que les États-Unis (35,7 %) mais davantage que la Chine (6,9 %) (3).

4.2.4.

Selon le Centre du commerce international, la part de marché des pays ACP dans l’économie mondiale a augmenté, passant de 1,4 à 1,7 % entre 2003 et 2012, tandis que sur la même période, celle de l’Union européenne à 28 États membres dans les ACP a également crû, de 10,9 à 11,5 %. Depuis 2010, néanmoins, les États ACP ont été touchés par les effets de la crise économique de 2008, entraînant un reflux dans la valeur totale de leurs échanges de biens. En 2015, leurs exportations se sont montées à 320,7 milliards de dollars, contre 495,1 en 2011, tandis que leurs importations se chiffraient à 439,6 milliards, à comparer avec les 500,2 milliards de 2014.

4.2.5.

Le CESE préconise que la révision de l’accord de Cotonou s’emploie à remettre ce groupe d’États sur la voie du développement des échanges commerciaux, étant donné qu’il compte encore dans ses rangs 80 % des pays les moins avancés. Le Comité relève également que l’agriculture représente 90 % des exportations des pays ACP et qu’elle emploie la majeure partie de leur population active. En moyenne, 20 % de leur richesse nationale provient des revenus agricoles, avec de très fortes variations de l’un à l’autre. Ainsi, la moitié du PIB du Tchad est assurée par la production agricole, contre 1 %, en chiffres moyens, dans les Caraïbes (4).

4.2.6.

Commerce et intégration régionale: l’accord de partenariat économique vise à favoriser l’intégration régionale et part du principe qu’une plus grande intégration régionale stimule les capacités commerciales, lesquelles favorisent à leur tour la croissance, l’emploi et le développement économique. Pour faciliter les échanges intra-ACP, il y a lieu d’investir dans les infrastructures, dont l’énergie propre, pour aider ces pays à progresser vers la production et l’exportation de produits intermédiaires et produits finis et à remonter ainsi dans les maillons de la chaîne de valeur mondiale (CVM). Pour ce faire, il est également nécessaire qu’ils disposent d’une industrie efficace du transport maritime. Aussi le CESE recommande-t-il que ce secteur soit repris dans le programme d’action de l’Union européenne en matière de commerce et de développement.

4.2.7.

Commerce et développement durable: le futur partenariat devrait inscrire le commerce et les accords de partenariat économique dans le cadre du programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’accord de Paris. Il conviendrait que les accords de partenariat économique contiennent un chapitre exécutoire consacré au développement durable, prévoyant un cadre formel et structuré pour l’inclusion des organisations de la société civile. Les futures négociations entre les pays ACP et l’Union européenne devraient se dérouler de manière transparente, en associant les organisations de la société civile au suivi des négociations, ainsi qu’à la mise en œuvre et au suivi de l’accord.

4.3.   Coopération au développement

4.3.1.

Les instruments et méthodes de coopération ont vocation à mettre en œuvre les principes des accords de partenariat économique, en insistant sur les résultats, le partenariat et l’appropriation. La programmation et la mise en œuvre du Fonds européen de développement (FED) sont donc conçues comme une responsabilité commune.

4.3.2.

Le FED est directement financé au moyen de contributions volontaires versées par les États membres de l’Union européenne en dehors du budget européen, mais sa négociation s’effectue parallèlement à celle d’autres instruments de financement extérieur de l’Union européenne afin de garantir une cohérence. Il est géré par la Commission européenne et la Banque européenne d’investissement (BEI). La BEI gère l’instrument d’investissement et fournit des prêts, garanties et fonds, provenant à la fois du FED et de ses ressources propres, aux entreprises privées situées dans les pays ACP qui ont des projets à court et à long terme, dans le secteur privé comme dans le secteur public.

4.3.3.

La dotation totale du FED a augmenté, bien qu’elle soit susceptible de diminuer à la suite du Brexit, mais il a gardé son caractère intergouvernemental et sa structure de gouvernance, grâce à quoi il est devenu l’élément le plus important de la coopération au développement de l’Union européenne, si l’on excepte le cadre financier pluriannuel (CFP). La spécificité de l’histoire du FED et son statut juridique, ainsi que son assise intergouvernementale, font que le Parlement européen n’a aucun pouvoir de codécision le concernant. La commission du développement du Parlement européen participe aux discussions de politique générale et est un acteur important des accords de partenariat économique. L’Assemblée parlementaire paritaire a également le pouvoir d’exercer un contrôle parlementaire sur les dotations que le FED alloue aux programmes indicatifs nationaux (PIN) et régionaux (PIR).

4.3.4.

FED et budgétisation — Grâce à la procédure de décharge spéciale, le Parlement européen accorde à la Commission européenne une décharge concernant sa gestion et sa mise en œuvre du FED. La budgétisation — c’est-à-dire l’intégration du FED dans le budget de l’Union européenne — reste une source de tension entre le Parlement européen et le Conseil, bien que la Commission ait proposé à plusieurs occasions que ledit fonds soit intégré au budget de l’Union.

4.3.5.

Le CESE estime que toutes les formes d’aide accordées par l’Union européenne à des pays tiers devraient relever du même cadre juridique et être soumises aux mêmes contrôles démocratiques de la part du Parlement européen. Il demande dès lors que le FED soit englobé dans le budget de l’Union européenne mais que ses aspects positifs, comme la réciprocité et la responsabilité mutuelle, soient préservés. Cette incorporation devrait aboutir à une politique de l’Union plus cohérente en matière de développement.

Bruxelles, le 7 décembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Déclaration de Sipopo, «L’avenir du groupe ACP dans un monde en mutation», septième sommet des chefs d’État ou de gouvernement des pays ACP: défis et opportunités, 13 et 14 décembre 2012.

(2)  https://www.usaid.gov/africa-civil-society

(3)  https://www.robert-schuman.eu/en/european-issues/0440-post-cotonou-the-modernisation-of-the-acp-partnership

(4)  Communiqué de presse du secrétariat ACP: The new ACP policy highlights the transformation of the products from the agricultural sector («La nouvelle politique ACP insiste sur la transformation des produits du secteur agricole»), 15 juin 2017.


11.4.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 129/82


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Initiative en faveur du développement durable de l’économie bleue dans la Méditerranée occidentale»

[COM(2017) 183]

(2018/C 129/14)

Rapporteur:

Dimitris DIMITRIADIS

Consultation

Commission, 31.5.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

REX

Adoption en section spécialisée

7.11.2017

Adoption en session plénière

6.12.2017

Session plénière no

530

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

159/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1

L’évolution socialement et écologiquement durable des bassins maritimes et des zones côtières, qui passe par la lutte contre les disparités existantes et l’assurance de la conservation des biens culturels et de la biodiversité, est de la plus haute importance. En outre, il s’agit là d’un des domaines les plus privilégiés pour mettre en place des systèmes de coopération transnationale à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union. En ce sens, le Comité économique et social européen (CESE) soutient pleinement l’initiative spécifique en faveur du développement durable de l’économie bleue en Méditerranée occidentale, et demande aux institutions européennes de conclure le cycle de consultation ainsi que de mettre en place la task-force prévue.

1.2

Le CESE considère que la réussite de l’initiative à l’examen suppose une bonne communication et un climat de coopération propice, d’une part entre les États membres concernés, et d’autre part avec les institutions européennes. L’Union pour la Méditerranée (UpM) est invitée à jouer un rôle important pour relier entre elles, aussi efficacement que possible, l’ensemble des parties concernées.

1.3

Le CESE reconnaît la nécessité d’étendre l’initiative dans les trois directions suivantes:

1.3.1

Outre les domaines d’action retenus dans l’initiative — 1) un espace maritime plus sûr et mieux sécurisé, 2) une économie bleue intelligente et résiliente, qui mette l’accent sur le développement de compétences, la recherche et l’innovation, 3) une meilleure gouvernance de la mer —, le CESE suggère d’étendre celle-ci aux thèmes de la biodiversité et de la conservation ainsi que de la communication interculturelle, et enfin d’introduire une stratégie plus concrète destinée à soutenir des activités productives à petite et très petite échelle.

1.3.2

En outre, le CESE estime qu’il sera extrêmement important d’inclure l’évolution progressive des systèmes de formation professionnelle et universitaire — ainsi que la coopération transnationale entre ces systèmes — comme un domaine horizontal d’intervention, renforçant l’efficacité des autres secteurs de l’économie bleue. Dans cette optique, une approche stratégique macrorégionale devrait être retenue.

1.3.3

Les questions liées à la sûreté (du transport) maritime, à la sécurité, à la croissance économique durable ainsi qu’à la conservation de la culture et de l’environnement ne seront pas traitées de manière efficace dans la durée, si l’on néglige le fait que la Méditerranée constitue une unité historique, économique et environnementale (1). Par conséquent, même si les tensions géopolitiques accrues et l’exacerbation des conflits dans la partie orientale du bassin maritime justifient que l’initiative commence par la Méditerranée occidentale, celle-ci pourrait être considérée comme une application pilote pouvant fournir des expériences et bonnes pratiques utiles, destinées à être étendues dans une approche globale pour la Méditerranée (voir également les paragraphes 3.3, 3.4 et 3.5).

1.4

Le CESE prévoit que le succès de l’initiative nécessitera un niveau élevé de coordination transnationale et transversale. Les politiques et les programmes pour la Méditerranée mis en œuvre au cours des vingt dernières années ont eu des résultats médiocres et laissé un montant élevé de fonds inutilisés, ce qui s’explique par des points de vue divergents et l’absence de coordination efficace entre les institutions européennes compétentes et les administrations publiques des pays méditerranéens non membres de l’Union, ainsi que, dans certains cas, par le fait que la bureaucratie, sous couvert de transparence, ait posé des barrières excessives à l’utilisation des fonds existants. Ce constat rend nécessaire la création d’un sous-projet d’assistance technique pour couvrir les questions suivantes:

1.4.1

une analyse comparative approfondie qui permettra de déterminer les domaines de chevauchement dans la pléthore d’initiatives dotées d’objectifs similaires, sinon identiques (voir paragraphes 3.9 et 3.10), de façon à économiser des ressources et à améliorer les résultats finaux. Le CESE attire l’attention sur le risque que la mise en œuvre de l’initiative soit retardée voire annulée en l’absence de définition claire des objectifs à moyen et à long terme et/ou de définition précise des compétences des institutions et organismes participants;

1.4.2

un plan directeur qui définira les compétences de la task-force pour l’économie bleue, les instruments organisationnels/administratifs spécifiques, les rôles distincts des institutions régionales, nationales et internationales concernées, assorti d’un calendrier précis (voir également les paragraphes 4.5 et 4.6). Compte tenu du rôle important qui va revenir aux institutions de recherche, l’auteur (ou les auteurs) dudit plan directeur devrait (devraient) également prendre en compte les disparités régionales en ce qui concerne l’existence d’un secteur de la recherche et du développement (R&D) expérimenté et compétent, ainsi que l’existence d’exemples de collaboration fructueuse en matière de R&D de part et d’autre de la Méditerranée;

1.4.3

la planification et la mise en œuvre d’une stratégie de communication d’une portée suffisante qui fera largement connaître le contenu de l’initiative en faveur de l’économie bleue ainsi que les chances à saisir et les perspectives qui en résultent, afin i) d’enregistrer la totalité des institutions et acteurs susceptibles d’être inclus et/ou concernés, en particulier au niveau régional et local, et ii) de faire circuler entre eux les informations pertinentes.

1.5

Les conclusions détaillées et propositions pertinentes découlant de ces recommandations générales se déclinent comme suit:

1.5.1

Le CESE convient que, pour enregistrer des succès dans la lutte contre la criminalité et le terrorisme, une mise en réseau plus efficace des autorités frontalières terrestres et maritimes des deux rives ainsi qu’un échange et une analyse systématiques des données s’imposent, en étroite collaboration avec Frontex et les autres institutions internationales, telles que l’Organisation maritime internationale (OMI).

1.5.2

Néanmoins, compte tenu du fonctionnement en réseau des autorités frontalières terrestres et maritimes, le CESE souhaite qu’une attention toute particulière soit accordée aux règles de «la bonne gouvernance», ainsi qu’à la nécessité d’observer scrupuleusement les droits humains, aussi bien individuels que collectifs (voir également au paragraphe 4.1).

1.5.3

Pour assurer l’efficacité de la planification de l’espace et de la gestion des zones côtières, il convient d’adopter l’approche dite de la quadruple hélice au niveau transnational, et plus encore, au niveau régional et local. Il y a lieu de renforcer la participation des autorités locales (municipalités et régions) ainsi que des partenaires sociaux et des organisations de la société civile dans leurs domaines d’activité respectifs. À cette fin, la Commission devrait inviter les acteurs locaux des secteurs public et privé à prendre part à la consultation sur sa communication ainsi que sur des domaines d’action spécifique — la sûreté et la sécurité des transports, la pêche, le tourisme et l’énergie, la cohésion sociale et la durabilité environnementale (voir aussi les paragraphes 4.2.1 et 4.3).

1.5.4

La «Croissance bleue» (2) constitue l’une des principales stratégies à long terme pour atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020 en faveur d’une croissance intelligente, durable et inclusive: la pêche et l’aquaculture, l’(éco)tourisme côtier, la logistique maritime (qui revêt une importance accrue pour la Méditerranée compte tenu de l’évolution de la situation économique et géopolitique actuelle), la biotechnologie marine, l’énergie océanique et l’exploitation minière des fonds marins apportent de nouvelles possibilités entrepreneuriales diversifiées.

1.5.5

Les petites et très petites entreprises, les industries artisanales et les entreprises familiales disposant de structures d’organisation, de schémas d’exploitation et d’activités traditionnelles constituent l’épine dorsale des économies locales de part et d’autre du bassin méditerranéen. La mise en réseau et les systèmes coopératifs pour les micro et les petits producteurs peuvent dès lors notamment améliorer leur résilience et leur compétitivité en matière de coûts, tout en préservant la nécessaire différenciation des produits et des services qu’ils fournissent. Par conséquent, le CESE estime que, outre les initiatives de soutien à l’entrepreneuriat innovant et technologiquement à la pointe, il est au moins tout aussi important d’encourager des programmes spécifiques et bien calibrés en faveur des activités économiques traditionnelles, qui prennent en considération les particularités locales (voir les paragraphes 3.6, 3.7, 4.2.2, 4.2.3 et 4.2.4).

1.5.6

Dans la mesure où la pauvreté et le chômage des jeunes risquent de s’aggraver dans les années à venir, particulièrement dans les pays du sud de la Méditerranée, une meilleure adéquation au marché du travail peut certes être importante, mais il est peu probable qu’elle soit suffisante pour surmonter les problèmes de chômage, de cohésion sociale et de développement durable. En ce sens, les actions de développement listées au point 1.5.5, sont essentielles pour créer des emplois nouveaux et durables, ainsi que pour améliorer les conditions de vie dans des domaines spécifiques. Lesdites actions de développement doivent être soigneusement planifiées en coopération avec les institutions et les collectivités locales. Par ailleurs, ces politiques localisées constituent la manière la plus efficace de contrer les facteurs d’impulsion des migrations — elles devraient donc être comprises comme un instrument essentiel pour faire face à l’augmentation des flux migratoires et aux problèmes socioéconomiques qui en découlent sur les deux rives de la Méditerranée, ainsi qu’aux questions de sûreté et de sécurité, ou encore de lutte contre la criminalité et le terrorisme (paragraphe 1.5.1).

1.5.7

En ce qui concerne la question de la pêche, le CESE considère que: i) la flexibilité du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) devrait être renforcée afin de supprimer les obstacles entre les différents niveaux d’administration publique, et ii) le rôle de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM) devrait être conforté afin d’inverser l’évolution qui reste défavorable des stocks de nombreuses espèces de poissons, en coopération et en coordination étroites avec les pays méditerranéens non membres de l’Union (voir aussi les paragraphe 4.3.4 et 4.3.5).

2.   Contexte de la communication

2.1

En novembre 2015, la conférence ministérielle de l’UpM sur l’économie bleue (3) a adopté une déclaration plaidant pour la poursuite du développement de l’économie bleue (4) en renforçant les investissements dans la technologie, l’innovation, les connaissances et les compétences bleues, ainsi que dans la gouvernance maritime.

2.2

En octobre 2016, les ministres des affaires étrangères du «Dialogue 5 + 5» — qui réunit l’Algérie, la Libye, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie, ainsi que l’Espagne, la France, l’Italie, Malte et le Portugal — ont encouragé la poursuite des travaux sur une initiative en faveur du développement durable de l’économie bleue dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée (5).

2.3

La communication (6) à l’examen et le cadre d’action qui l’accompagne [SWD(2017) 130] (7) découlent de cette volonté. Ils visent à exploiter les possibilités et à relever les défis dans une région où la coordination multilatérale et la coopération internationale doivent nécessairement s’étendre au-delà des frontières de l’Union européenne (UE).

2.4

Par ailleurs, l’initiative de la Commission qui sous-tend la communication à l’examen se fonde sur la longue expérience de la Commission en matière de stratégies relatives aux bassins maritimes et de stratégies macrorégionales, par exemple, la stratégie pour la région atlantique, la stratégie de l’UE pour la région de la mer Baltique et la stratégie de l’UE pour la région de l’Adriatique et de la mer Ionienne (8). Elle bénéficie également du dialogue régional en cours sur l’économie bleue dans le cadre de l’UpM (mentionnée plus haut), de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (9), de la convention de Barcelone pour la protection de l’environnement marin et des régions côtières de la Méditerranée (10), ainsi que du programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies (11) et des actions menées pour mettre en œuvre la stratégie méditerranéenne pour le développement durable (12).

2.5

En outre, la communication à l’examen est en cohérence avec l’évolution du débat scientifique et sociopolitique dans le monde entier. L’économie bleue apparaît d’ores et déjà comme l’une des problématiques les plus importantes de notre temps, en raison, tout d’abord, de l’importance des ressources des mers et des océans et de leur potentiel respectif dans l’optique d’une croissance économique liée aux mers et aux océans, et ensuite, parce que la viabilité des mers et des océans représente le paramètre majeur pour la préservation de l’environnement à l’échelle mondiale (13).

2.6

La communication reconnaît la nécessité de renforcer la sûreté et la sécurité, de promouvoir la croissance économique et des emplois durables, ainsi que de préserver les écosystèmes et la biodiversité en Méditerranée occidentale. En d’autres termes, elle souhaite contribuer à la promotion du développement économique durable sur le plan social et environnemental dans le bassin maritime, dans les zones côtières du nord et du sud ainsi que dans les ports et les villes qui constituent un système intégré pour la mobilité des personnes et des marchandises, dépassant largement le cadre des discontinuités administratives et politiques existantes. À cette fin, elle définit trois types de problèmes:

2.6.1

La sécurité et la sûreté des activités maritimes: La communication montre que la Méditerranée occidentale comporte des zones où le trafic est saturé et qui vont être exposées à des risques accrus (accidents liés au transport) en raison des futures évolutions géopolitiques et économiques, telles que le doublement du canal de Suez. Par ailleurs, les problèmes de sûreté sont déjà importants — comme en témoigne la migration illégale — alors même que les évolutions socioéconomiques et démographiques actuelles ainsi que les effets du changement climatique devraient accroître la concurrence pour l’accès aux ressources ainsi que l’instabilité géopolitique.

2.6.2

Le taux élevé de chômage des jeunes et le vieillissement de la main-d’œuvre dans le secteur maritime: La communication reconnaît un «paradoxe» bien connu en matière d’emploi, à savoir la concomitance entre, d’une part, une main-d’œuvre inexploitée et, d’autre part, des emplois vacants tout particulièrement concentrés dans les secteurs et industries relevant de l’économie bleue. La Commission estime que la situation actuelle est essentiellement (sinon exclusivement) le résultat d’une inadéquation. Aussi met-elle l’accent sur le manque de dialogue et de coopération entre le monde économique et le système éducatif.

2.6.3

Les intérêts divergents et concurrents en mer: Selon les données présentées dans la communication, la Méditerranée occidentale dispose de la biodiversité la plus riche de l’ensemble du bassin. Dans le même temps, elle concentre environ la moitié du PIB de la Méditerranée, issu essentiellement des activités maritimes — à savoir le tourisme, l’aquaculture, la pêche et les transports —, un phénomène qui entraîne l’urbanisation croissante du littoral, la surexploitation des stocks de poissons, la pollution du milieu marin et des problèmes plus larges en matière de conservation. Compte tenu du caractère transnational des intérêts en jeu et de la gravité des disparités socioéconomiques, ces facteurs justifient pleinement le point de vue exprimé dans la communication selon lequel «il s’agit d’une zone critique sur le plan des pressions économique, démographique et environnementale».

2.7

De manière générale, la Commission reconnaît que le cadre dans lequel s’inscrivent actuellement les systèmes de coopération sur les deux rives du bassin maritime n’a pas suffisamment démontré son efficacité. En ce sens, l’initiative répond à un besoin réel. Néanmoins, la réussite de cette ambition dépend de nombreuses modifications et adaptations générales et spécifiques que nous allons nous efforcer de décrire dans les paragraphes suivants.

3.   Observations générales

3.1

Le CESE soutient les mesures proposées par la Commission pour consolider et développer une chaîne de production et de consommation durable sur le plan environnemental grâce, par exemple, au recours à des formes d’énergie propre pour le dessalement, à la promotion de l’efficacité énergétique, et plus généralement, des énergies propres, ainsi qu’à la promotion et au soutien d’un fret et d’un transport maritimes respectueux de l’environnement. Cet aspect revêt une importance particulière compte tenu de l’immense potentiel pour les activités entrepreneuriales dans ce secteur.

3.2

Le concept d’«économie bleue» se réfère à l’évolution durable sur les plans social et environnemental des bassins maritimes et des zones côtières, visant à lutter contre les disparités existantes et à garantir la préservation de la diversité culturelle et biologique, qui est particulièrement importante à la lumière de l’histoire de la Méditerranée et dans la perspective de son avenir. Dans ce contexte, les domaines d’action retenus dans la communication — 1) la sûreté et la sécurité maritime, 2) une économie intelligente et résiliente, 3) une meilleure gouvernance de la mer —, aussi importants soient-ils, peuvent s’avérer restrictifs et inefficaces eu égard aux besoins du bassin. Le CESE suggère d’étendre encore l’initiative aux domaines de la biodiversité et de la conservation ainsi que de la communication interculturelle, et d’introduire une stratégie plus concrète destinée à soutenir des activités productives à petite et très petite échelle, par exemple dans le domaine de la pêche, entre autres.

3.3

Les questions liées à la sûreté et surtout à la sécurité (du transport) maritime, certes très importantes, ne sauraient se limiter à la Méditerranée occidentale. Au contraire, l’histoire géopolitique ainsi que la détérioration de la situation actuelle, parallèlement à l’explosion de la crise des réfugiés dans la partie orientale du bassin maritime, rendent évidente la nécessité d’adopter une approche méditerranéenne globale pour les traiter.

3.4

Cette remarque vaut également pour les autres domaines d’intérêt définis: la croissance économique durable, les questions liées à la conservation de la culture et de l’environnement, etc. Il conviendrait d’éviter toute division entre Méditerranée occidentale et orientale. Même si celle-ci peut s’expliquer pour des raisons administratives et des tactiques à court terme, la planification stratégique, dans une perspective à long terme, doit considérer le bassin dans sa globalité.

3.5

Le CESE est pleinement conscient que, compte tenu des tensions géopolitiques accrues et de l’exacerbation des conflits dans la partie orientale de la Méditerranée, commencer par l’initiative visant la Méditerranée occidentale pourrait être une approche plus facile, plus réaliste et plus rapide à mettre en œuvre. Cependant, si elle n’est pas suivie d’une initiative analogue pour la Méditerranée orientale, un risque important existe que les objectifs fixés ne soient jamais atteints. Dans cette zone, les problèmes sont identiques, mais ils s’accompagnent de tensions beaucoup plus grandes en raison des circonstances géopolitiques, et il conviendrait d’y répondre en prévoyant et en appliquant des règles et des politiques analogues.

3.6

Même si l’absence de «dialogue» entre, d’une part, les entreprises et, d’autre part, le monde universitaire et le secteur de la R&D peut constituer un facteur important à prendre en considération en matière de traitement du chômage (en particulier sur le long terme et en période de croissance économique), il est inefficace et peu objectif de se focaliser uniquement sur cette question. Au contraire, il convient de s’attaquer aux déséquilibres économiques existants (le manque de nouveaux emplois vacants et le niveau de chômage élevé apparaissant comme les principaux aspects) ainsi qu’aux disparités socioéconomiques croissantes dans le bassin de la Méditerranée occidentale à la lumière de la crise systémique persistante dans la partie septentrionale de la région et de l’absence générale de volonté de réaliser des investissements productifs.

3.7

Chaque fois qu’il y a de fortes interactions entre l’activité économique et les questions de conservation, qu’il existe des externalités (macro) économiques (que ce soit du côté de la demande ou de l’offre), et que la somme des libres choix individuels est à l’origine de problèmes de durabilité socioéconomique et environnementale, une intervention politique efficace est nécessaire, laquelle, à un moment où l’internationalisation se renforce, doit être ajustée dans une perspective transnationale. Face à la surexploitation des ressources halieutiques, à la pollution maritime, à l’urbanisation excessive et à la croissance inefficace des agglomérations, aux crises économiques et financières persistantes, ainsi qu’aux disparités transrégionales et sociales accrues tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union européenne, la doctrine consistant à «libérer les forces du marché» n’est pas suffisante.

3.8

Les lacunes notoires observées dans le cadre général d’élaboration des politiques en vigueur dans la région, qui découlent principalement d’un manque de coopération entre les différents pays, comme le constate la communication, dans son analyse de la troisième série de «problèmes et lacunes» ainsi que des «intérêts divergents et concurrents», constituent un facteur extrêmement important lorsqu’on traite les différends aussi bien environnementaux que socioéconomiques qui s’y trouvent à l’œuvre. Les accords bilatéraux actuels et à venir entre l’Union européenne et les pays voisins de la rive sud de la Méditerranée devraient être effectivement respectés. L’absence de voix unique — et par conséquent de voix forte — de l’Union européenne sur les questions de politique étrangère peut constituer un inconvénient à cet égard, alors que, par ailleurs, les pays de la rive sud du bassin devraient pouvoir considérer l’Union comme leur principal, voire leur unique, partenaire, ayant un intérêt profond et sincère à mettre en avant les perspectives communes de développement durable et de prospérité dans la région.

3.9

Outre le manque actuel de coopération transnationale, la confusion créée par la pléthore d’initiatives et de plateformes dotées d’objectifs similaires, sinon identiques, rend elle aussi nécessaire une coordination des politiques. La communication à l’examen fait par exemple référence à la stratégie de l’UE pour une croissance bleue et à la politique maritime (14), à la stratégie européenne pour plus de croissance et d’emploi dans le tourisme côtier et maritime (15), à l’initiative Bluemed (16) ainsi qu’à l’initiative en faveur de la croissance bleue de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (17). Par ailleurs, il existe aussi d’autres activités qui intègrent les deux rives du bassin, comme le plan d’action pour la consommation et la production durables et le plan d’action régional de transport pour la région méditerranéenne (18).

3.10

Au vu de l’éventail très large d’initiatives existantes ayant des orientations similaires, le CESE demande qu’une analyse comparative approfondie soit réalisée, qui permette de déterminer les domaines de chevauchement, de façon à pouvoir utiliser lesdites initiatives en économisant des ressources et en améliorant les résultats finaux. Les bonnes pratiques mises en œuvre dans le cadre d’autres stratégies et initiatives macrorégionales (notamment la stratégie pour la mer Baltique et, par exemple, l’initiative «Îles intelligentes») (19) devraient être étudiées plus attentivement et mieux prises en compte.

3.11

Les exigences irréalistes qui limitent l’efficacité des programmes européens dans la région méditerranéenne, d’une part, et, d’autre part, les excès bureaucratiques induits par la phobie du gaspillage des fonds européens, auxquels s’ajoutent la corruption et l’inefficacité mettant en cause, dans certains cas, l’administration publique sur les deux rives du bassin, ont entraîné de graves défaillances dans l’utilisation des fonds européens existants pour la Méditerranée.

3.12

Par ailleurs, l’UpM a jusqu’à présent échoué à jouer le rôle qui lui avait été confié, et ce, en dépit des différents projets qui ont été annoncés. Par conséquent, son intervention dans la région doit être davantage renforcée. Les initiatives en faveur de l’économie bleue pourraient être d’une grande importance pour la prospérité générale, mais elles doivent se greffer efficacement sur les structures et les cadres existants.

4.   Observations particulières

4.1   Un espace maritime plus sûr et mieux sécurisé

4.1.1

La communication se concentre sur deux domaines d’intervention spécifiques: 1) la coopération entre les garde-côtes et 2) l’échange de données et la coopération administrative afin de renforcer les capacités de réaction et de lutte en matière de pollution marine due à des accidents.

4.1.2

Le CESE considère qu’il est essentiel de renforcer la mise en réseau et donc la coopération entre les garde-frontières et les autorités de contrôle des deux rives intervenant au niveau terrestre et maritime avec l’aide de l’agence Frontex. L’échange et l’analyse systématiques d’informations par un centre d’analyse des données supranational est également indispensable si l’on veut lutter avec succès contre la criminalité et le terrorisme. Néanmoins, il convient de prendre dûment en considération les règles de «bonne gouvernance» ainsi que les droits humains, aussi bien individuels que collectifs, compte tenu notamment de l’expérience négative de certains régimes spécifiques.

4.1.3

Le CESE estime que ces deux approches bien définies offrent un moyen efficace d’aborder la question du renforcement de la sûreté et de la sécurité de l’espace maritime. Il convient cependant d’améliorer l’analyse des objectifs quantitatifs sous-jacents pour permettre la surveillance et l’évaluation continues de cette priorité et de consentir des efforts en matière de coordination et de coopération avec des institutions transnationales ou internationales comme l’OMI (20).

4.2   Une économie bleue intelligente et résiliente

4.2.1

Le CESE déplore que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile ne soient, dans le meilleur des cas, que peu mentionnés dans la communication, pour ne pas dire totalement passés sous silence, alors qu’ils peuvent être extrêmement utiles s’agissant de la planification et de la mise en œuvre de politiques et de programmes spécifiques, compte tenu de leur expérience lorsqu’il s’agit de faire face à des situations critiques ou de leur capacité avérée à intervenir directement — et à résoudre — des problèmes socioéconomiques.

4.2.2

La pauvreté et le chômage des jeunes pourraient s’aggraver dans les années à venir en raison du changement climatique, lequel affectera tout particulièrement la situation dans les pays du sud de la Méditerranée. La Commission, en coopération avec les collectivités locales et les partenaires sociaux, devrait entreprendre des actions de développement au niveau local — par exemple en encourageant les petites et moyennes entreprises, en soutenant les industries artisanales, en menant des actions spécifiques de soutien au secteur primaire et de promotion des produits issus de l’agriculture et de la pêche locales sur les marchés européens, etc. — tout en apportant les changements qui s’imposent en matière d’offre locale d’éducation et de formation professionnelle, afin d’améliorer les conditions de vie des résidents et de prévenir les migrations. L’économie bleue peut fournir un revenu décent à des milliers de familles grâce à des approches de la pêche, de la conservation et de l’approvisionnement en produits de la pêche qui soient à la fois modernes, menées à petite échelle et hautement qualitatives.

4.2.3

Les entreprises familiales et les petites et très petites entreprises disposant de structures d’organisation, de schémas d’exploitation et d’activités traditionnelles constituent l’épine dorsale des économies locales de part et d’autre du bassin méditerranéen, en particulier dans les secteurs et les industries qui constituent l’économie bleue. Pour cette raison, le CESE estime que, outre les initiatives de soutien à l’entrepreneuriat innovant et technologiquement à la pointe, il est au moins tout aussi important d’encourager des programmes en faveur des activités économiques traditionnelles.

4.2.4

Le CESE fait valoir à cet égard que le deuxième groupe d’actions s’inscrivant dans le cadre de cette priorité, qui traite du développement de pôles d’activités maritimes, doit être renforcé. La mise en réseau et les systèmes coopératifs pour les micro et les petits producteurs peut améliorer leur résilience et leur compétitivité en matière de coûts, tout en préservant la nécessaire différenciation des produits et des services qu’ils fournissent. Par ailleurs, les pôles d’activité peuvent s’avérer efficaces dans certains secteurs spécifiques où la concentration du capital est essentielle, comme ceux de l’énergie renouvelable et du fret. Néanmoins, le CESE estime que les idées relatives au développement de pôles d’activité, à la création de pépinières d’entreprises et à la promotion des plans d’entreprise au moyen de services providentiels sont tout à fait prématurées, même pour les économies les plus avancées de l’Union européenne et qu’il est nécessaire de prévoir des services de soutien bien définis, notamment pour les petits producteurs, artisans et commerçants de la rive méridionale du bassin.

4.2.5

En outre, dans le droit fil de la quatrième priorité stratégique du rapport récemment publié par le WWF sur la relance de l’économie de la mer Méditerranée, qui a été cité plus haut, la réorientation des financements publics et privés afin de libérer le potentiel des ressources naturelles dans la région apparaît à la fois possible et nécessaire. Il peut y avoir là une source de revenus, qui tienne en même temps compte du caractère durable tant sur le plan social qu’environnemental, grâce à des mécanismes de financement «carbone» tels que le paiement en contrepartie des services fournis pour l’écosystème (PES) (21). Par exemple, les prairies sous-marines de la Méditerranée comptent parmi les systèmes les plus efficaces en matière de séquestration du carbone, ce qui signifie que l’investissement public et privé dans ce domaine pourrait conjuguer le renforcement de la croissance économique locale et une contribution à la stratégie mondiale en matière climatique.

4.3   Une meilleure gouvernance de la mer

4.3.1

Afin d’assurer la réussite du premier groupe d’actions — la planification de l’espace et la gestion des zones côtières — il convient d’adopter l’approche dite de la quadruple hélice (22). Il y a lieu de renforcer la participation des autorités locales (municipalités et régions), du monde universitaire et de la R&D, des partenaires sociaux, ainsi que des organisations de la société civile, dans leurs domaines d’activité respectifs, en raison de leur meilleure connaissance des conditions socioéconomiques et environnementales locales et aussi de leur souplesse administrative.

4.3.2

En ce sens, les intérêts économiques et sociaux organisés peuvent — et même devraient — jouer un rôle décisif dans le développement socioéconomique de la Méditerranée. La Commission, en coopération avec l’UpM, devrait inviter les parties prenantes du secteur privé à prendre part à la consultation sur la communication, en leur garantissant la possibilité de contribuer de manière substantielle à la planification et, partant, de participer d’une manière plus efficace à la mise en œuvre des activités et programmes concernés. En ce qui concerne la pêche, il conviendrait d’adopter des mesures visant à renforcer les programmes de gestion conjointe, en veillant à ce que les parties prenantes soient associées au processus décisionnel de manière efficace.

4.3.3

L’attention devrait porter sur le manque de coopération entre pays européens et non-européens de la Méditerranée occidentale en ce qui concerne, en particulier, les questions de sécurité et d’immigration qui ont une incidence sur le développement économique.

4.3.4

La pêche constitue un facteur clé pour l’activité économique de la Méditerranée, et la deuxième source de richesse la plus importante après le tourisme. Le CESE convient qu’il est nécessaire de prévoir des actions spécifiques dans ce secteur, d’une nature similaire à celles énoncées dans le quatrième groupe d’actions relevant de cette priorité. Les programmes devraient viser à réduire la surpêche et à développer des services de soutien et de financement pour garantir la survie de la pêche artisanale et le développement parallèle des communautés côtières. Lors de la définition d’initiatives efficaces, il conviendra d’améliorer la flexibilité du FEAMP (23) pour éliminer les obstacles entre les différents niveaux d’administration publique.

4.3.5

Le CESE estime que le rôle de la CGPM devrait être conforté afin de garantir que les mesures administratives nécessaires, cohérentes et compatibles soient adoptées, dans le but de renverser l’évolution défavorable des stocks de poissons, en coopération et en coordination étroites avec les pays méditerranéens qui ne sont pas membres de l’Union européenne.

4.4

Le CESE a souligné à maintes reprises que les politiques et programmes pour la Méditerranée mis en œuvre au cours des vingt dernières années ont eu des résultats médiocres et laissé d’importants fonds inutilisés, du fait de points de vue divergents et de l’absence de coordination efficace entre les institutions compétentes de l’UE et les gouvernements nationaux et administrations publiques des pays méditerranéens non membres de l’Union. À cet égard, il est urgent de fournir une aide et une assistance technique solides pour améliorer le niveau de réponse des institutions non européennes aux exigences en matière de financement européen, ainsi que d’améliorer la capacité d’adaptation de la Commission.

4.5

La mise en œuvre efficace des actions définies dans la communication à l’examen est particulièrement menacée par la lourdeur bureaucratique, comme le démontre le chapitre «Gouvernance et mise en œuvre», mais également par la participation d’institutions disparates ayant des structures et des points de vue différents, telles que les réunions ministérielles, la Commission, l’UpM, etc. Un plan opérationnel s’impose, doté d’instruments administratifs/organisationnels spécifiques et de rôles distincts bien définis.

4.6

Le CESE estime que la task-force pour l’économie bleue, assortie d’un plan définissant clairement les actions et les compétences requises, devrait être mise en place immédiatement, en liaison avec les groupes de travail de l’UpM. La task-force devrait bénéficier de la souplesse nécessaire pour réagir rapidement aux urgences — catastrophes naturelles et environnementales, etc. — mais aussi pour s’acquitter de ses tâches et responsabilités spécifiques. Le CESE se déclare prudent dans son évaluation de l’efficacité de la task-force, laquelle dépendra de sa composition et de la participation directe des institutions européennes et des gouvernements nationaux de pays tiers. Par conséquent, il estime que la task-force devrait être soigneusement conçue dès le départ, dotée d’un organigramme précis et d’un système de processus et de procédures efficace, ainsi que d’un plan d’activité spécifique élaboré de manière compétente.

Bruxelles, le 6 décembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Les auteurs du rapport de l’organisation WWF qui vient d’être récemment publié («Relancer l’économie de la mer Méditerranée: les actions pour un futur durable») insistent sur la nécessité d’une approche holistique et sur le fait que la mer Méditerranée constitue un contributeur majeur au produit intérieur brut (PIB) régional, et que ses ressources naturelles représentent un atout considérable pour l’économie bleue, non seulement pour la région, mais également au niveau mondial.

[Voir le rapport, page 7 (en anglais):

http://www.wwf.gr/images/pdfs/Reviving_Mediterranean_Sea_Economy_Full%20rep_Lowres.pdf].

(2)  https://ec.europa.eu/maritimeaffairs/policy/blue_growth_fr

(3)  Ordre du jour de la conférence ministérielle de l’UpM sur l’économie bleue du 17 novembre 2015 (en anglais): http://ufmsecretariat.org/wp-content/uploads/2015/10/Agenda_UfM_Ministerial-on-Blue-Economy_MARE-D1.pdf

(4)  Voir http://ufmsecretariat.org/wp-content/uploads/2015/11/2015-11-17-declaration-on-blue-economy_fr.pdf

(5)  Brève synthèse des décisions adoptées lors de la réunion des ministres des affaires étrangères du 28 octobre 2016: http://ufmsecretariat.org/fr/foreign-affairs-ministers-of-the-55-dialogue-discuss-pressing-regional-challenges-and-highlight-the-positive-contribution-of-ufm-activities-to-the-enhancement-of-regional-cooperation/. Historique du «Dialogue 5 + 5» depuis 2003 (en anglais): http://westmediterraneanforum.org/wp-content/uploads/2013/09/131017_chronology5+51.pdf

(6)  http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1506430912294&uri=CELEX:52017DC0183

(7)  https://ec.europa.eu/maritimeaffairs/sites/maritimeaffairs/files/swd-2017-130_en.pdf

(8)  Pour les trois stratégies régionales de l’Union, consulter les sites internet suivants: http://www.atlanticstrategy.eu/fr pour la stratégie atlantique, https://www.balticsea-region-strategy.eu/ pour la stratégie de l’UE pour la région de la mer Baltique et http://www.adriatic-ionian.eu/ pour celle en faveur de la région de l’Adriatique et de la mer Ionienne.

(9)  http://www.fao.org/gfcm/fr/

(10)  La convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution (convention de Barcelone) a été adoptée le 16 février 1976 par la Conférence des plénipotentiaires des États côtiers de la région méditerranéenne sur la protection de la mer Méditerranée qui s’est tenue à Barcelone. La convention initiale a été modifiée par des amendements adoptés le 10 juin 1995 [UNEP(OCA)/MED IG.6/7]. Elle est entrée en vigueur le 9 juillet 2004.

(11)  https://www.un.org/pga/wp-content/uploads/sites/3/2015/08/120815_outcome-document-of-Summit-for-adoption-of-the-post-2015-development-agenda.pdf

(12)  https://planbleu.org/sites/default/files/upload/files/smdd.pdf

(13)  Voir le rapport «Relancer l’économie de la mer Méditerranée: les actions pour un futur durable», établi par l’organisation WWF avec le soutien du Boston Consulting Group, 2017 (en anglais):

http://www.wwf.gr/images/pdfs/Reviving_Mediterranean_Sea_Economy_Full%20rep_Lowres.pdf

(14)  Voir, par exemple, le rapport le plus récent consacré à la stratégie «Croissance bleue» — SWD(2017) 128 final: https://ec.europa.eu/maritimeaffairs/sites/maritimeaffairs/files/swd-2017-128_en.pdf

(15)  COM(2014) 86 final.

(16)  https://ec.europa.eu/maritimeaffairs/content/bluemed-initiative-blue-growth-and-jobs-mediterranean_en

(17)  Pour de plus amples informations sur l’initiative en faveur de la croissance bleue de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, voir http://www.fao.org/3/a-mk541e/mk541e02.pdf

(18)  Voir respectivement https://www.switchmed.eu/fr/e-library/plan-d2019action-regional-sur-la-consommation-et-la-production-durables-en-mediterranee et https://ec.europa.eu/transport/sites/transport/files/themes/international/european_neighbourhood_policy/mediterranean_partnership/docs/rtap2014_2020_fr.pdf

(19)  http://www.smartislandsinitiative.eu/en/index.php

(20)  http://www.imo.org/fr/Pages/Default.aspx.

(21)  On est en présence d’un PES lorsque le bénéficiaire ou l’utilisateur d’un service écosystémique rémunère de façon directe ou indirecte son prestataire. Dans le cas du bassin méditerranéen, un PES peut également être envisagé comme la justification environnementale d’un transfert de fonds de la rive nord vers la rive sud.

(22)  Voir http://cor.europa.eu/en/documentation/studies/Documents/quadruple-helix.pdf

(23)  Pour plus d’informations: https://ec.europa.eu/fisheries/cfp/emff_fr


11.4.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 129/90


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d’action pour le milieu naturel, la population et l’économie»

[COM(2017) 198 final]

(2018/C 129/15)

Rapporteur:

Lutz RIBBE

Consultation

Commission européenne, 31.5.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision de l’assemblée plénière

25.4.2017

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

21.11.2017

Adoption en session plénière

6.12.2017

Session plénière no

530

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

157/5/6

1.   Synthèse des conclusions et recommandations du Comité économique et social européen

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite tout d’abord des conclusions du bilan de santé des directives sur la nature. Il en résulte que celles-ci jouent leur rôle en tant que pierre angulaire d’une politique plus large en matière de biodiversité mais que leur mise en œuvre doit être sensiblement améliorée.

1.2.

Si chacune des quinze mesures proposées dans le nouveau plan d’action apparaît judicieuse, la manière dont celui-ci est présenté suscite la confusion dès lors qu’il n’est pas précisé clairement quel est le rapport entre le plan d’action et la stratégie existante en matière de biodiversité, d’autant plus qu’il existe de nombreux points de chevauchement sur le plan du contenu mais que les innovations proposées ne sont que marginales. Le Comité aurait jugé préférable que la stratégie existante soit évaluée et, le cas échéant, complétée.

1.3.

Le problème fondamental lorsqu’il s’agit d’assurer le succès de la politique en matière de biodiversité est qu’à l’heure actuelle, pour les propriétaires fonciers et les utilisateurs des terres, les mesures visant à promouvoir ou à préserver la biodiversité ne constituent pas, dans la plupart des cas, une source de revenus mais un facteur de coût. Or, qu’elles s’appliquent au sein ou à l’extérieur des zones Natura 2000, les mesures en matière de biodiversité doivent être économiquement rentables pour ceux qui doivent les mettre en œuvre. Elles ne peuvent et ne sauraient être portées à leur charge. Les différents programmes élaborés jusqu’ici par l’Union européenne et ses États membres n’ont jamais vraiment pu résoudre ce dilemme fondamental, et le plan d’action, dans lequel il est beaucoup question de «situations gagnant-gagnant», n’offre malheureusement, lui non plus, aucun élément de réponse satisfaisant à cet égard.

1.4.

Le manque de financement est non seulement un problème majeur pour la réalisation des objectifs convenus en matière de biodiversité, mais aussi le symptôme d’évolutions négatives de la politique européenne. Des lois sont adoptées, qui génèrent des coûts sans pour autant définir qui devra les prendre en charge ou comment ils seront couverts.

1.5.

Le CESE demande à nouveau à la Commission européenne de procéder à une estimation actualisée des coûts du réseau Natura 2000. Il estime que le montant de 6,1 milliards d’EUR régulièrement cité ne reflète pas correctement les besoins en moyens du réseau et que ces coûts seraient en réalité deux à trois fois plus élevés.

1.6.

Le CESE juge dès lors indispensable de présenter une stratégie à long terme pour couvrir les besoins de financement de la politique en matière de biodiversité (1). Le débat sur les perspectives financières après 2021 fournirait le cadre approprié, mais ni le plan d’action, ni les approches définies jusqu’à présent, telles que présentées dans le document de réflexion sur l’avenir des finances de l’Union européenne (2), n’indiquent que la situation pourrait s’améliorer de façon décisive.

1.7.

Le CESE se félicite expressément de la volonté affichée par la Commission européenne d’étoffer la stratégie en faveur d’infrastructures vertes dans le cadre du plan d’action. Là encore, il fait cependant observer, concernant ce projet porteur d’avenir, qu’une initiative qui ne s’accompagne d’aucun financement n’apportera aucun changement.

2.   Contexte de l’avis

2.1.

Dès 1998, l’Union européenne a adopté une première stratégie en matière de biodiversité (3) pour mettre un terme à la disparition d’espèces de faune et de flore sauvages et de leurs habitats. La stratégie de développement durable adoptée en 2001 («stratégie de Göteborg») a énoncé des objectifs clairs en matière de biodiversité, à savoir enrayer la perte de diversité biologique dans l’Union européenne d’ici à 2010 et veiller à la restauration des habitats et des écosystèmes naturels.

2.2.

D’autres mesures ont été prises par après, dont un «plan d’action en faveur de la diversité biologique» (4) en 2001, suivi d’un autre en mai 2006 (5) qui, sur le fond, ne se distinguait guère du premier.

2.3.

Après avoir reconnu que l’objectif défini et promis ne pourrait être atteint, l’Union a arrêté, sur la base de la communication de la Commission intitulée «Options possibles pour l’après 2010 en ce qui concerne la perspective et les objectifs de l’Union européenne en matière de biodiversité» (6), une nouvelle «stratégie de l’Union européenne à l’horizon 2020» (7) en matière de biodiversité, laquelle ne faisait pour l’essentiel que reprendre les anciens impératifs et instruments des plans d’action précédents, et reportait à 2020 les objectifs initialement fixés pour 2010.

2.4.

L’examen à mi-parcours de cette stratégie, qui comportait six objectifs clairement définis et assortis de vingt mesures au total, a livré des résultats extrêmement décevants et a débouché sur la conclusion que les efforts de protection de l’environnement naturel devaient être considérablement accrus si l’on souhaitait atteindre le nouvel objectif consistant à enrayer définitivement la disparition d’espèces d’ici 2020 et à faire en sorte de restaurer les habitats disparus.

2.5.

Le CESE a maintenu en substance la même position à l’égard de tous ces documents, faisant observer de manière critique que:

dans l’Union européenne, «s’agissant de la préservation de la biodiversité, ce ne sont pas les lois, les directives, les programmes, les projets pilotes, les déclarations politiques ou les documents d’orientation qui font défaut, mais bien leur mise en œuvre et des actions concertées à tous les niveaux d’action politique»,

«jusqu’ici, les décideurs politiques n’ont pas trouvé la force ou la volonté de mettre en œuvre des mesures dont la nécessité est reconnue depuis des années, bien que la communication démontre une fois encore que la société et l’économie tireraient toutes deux bénéfice d’une politique cohérente dans le domaine de la biodiversité» (8),

la politique de l’Union européenne en matière de biodiversité constitue dès lors un exemple classique d’une politique qui ne tient pas ses promesses au niveau européen et national et ce, bien qu’elle ait parfaitement cerné les problèmes et mis en place les instruments nécessaires. Le CESE a estimé qu’il n’était pas nécessaire de modifier les fondements de droit existants.

2.6.

La Commission Juncker a néanmoins entrepris un réexamen des directives sur la nature dans le cadre de son programme REFIT. Ses conclusions ont confirmé le point de vue du CESE, et le Conseil «Environnement» dresse lui aussi le constat que «les directives sur la nature, en tant que pierre angulaire d’une politique plus large de l’Union européenne en matière de biodiversité, sont adaptées à leur finalité mais que leurs objectifs et leur plein potentiel ne peuvent être réalisés que si leur mise en œuvre est sensiblement améliorée» (9).

2.7.

En réponse aux résultats de l’examen mené au titre du programme REFIT, la Commission a soumis un «plan d’action pour le milieu naturel, la population et l’économie» (10), qui fait l’objet du présent avis.

3.   Observations générales concernant le plan d’action

3.1.

Le plan d’action commence par décrire à nouveau l’état de conservation extrêmement mauvais des espèces et des habitats, qui devraient en réalité être protégés depuis longtemps par les directives sur la nature adoptées en 1979 et 1992. «Parmi les principaux facteurs qui expliquent les déficiences dans l’exécution», il cite «les ressources limitées, des faiblesses dans l’application, la mauvaise intégration des objectifs liés à la nature dans d’autres domaines politiques, le caractère insuffisant des connaissances et de l’accès aux données, ainsi que l’insuffisance de la communication et de la participation des parties prenantes». «En outre, les personnes chargées de mettre en œuvre les directives, en particulier aux niveaux régional et local, ne sont parfois pas suffisamment conscientes des exigences qui s’y rattachent, ni de la souplesse et des possibilités qu’elles offrent. Cela peut conduire à des tensions entre protection de la nature et activité économique.»

3.2.

Le plan d’action a pour objectif d’«améliorer la mise en œuvre des directives, leur cohérence avec les objectifs socio-économiques et la collaboration avec les autorités nationales, régionales et locales, les parties prenantes et les citoyens».

3.3.

Étant donné la forte dimension territoriale des directives et le rôle clé que jouent les collectivités locales et régionales dans leur mise en œuvre, le Comité européen des régions a été étroitement associé à la préparation de ce plan d’action et agira de manière déterminante en faveur de l’engagement et de la sensibilisation de ces collectivités.

3.4.

Le plan d’action contient un calendrier serré; la Commission souhaite présenter un rapport sur les résultats obtenus avant la fin de son mandat actuel, en 2019. Le Comité juge ce programme très ambitieux, ne serait-ce que parce que la Commission ne prévoit pas d’effectifs supplémentaires pour assurer la mise en œuvre de ce plan d’action.

3.5.

Le plan d’action s’articule autour de quatre domaines d’intervention prioritaires comprenant au total quinze actions concrètes:

priorité A: améliorer les lignes directrices et les connaissances et garantir une meilleure cohérence avec des objectifs socio-économiques plus larges,

priorité B: favoriser une appropriation politique et renforcer le respect de la législation,

priorité C: renforcer les investissements dans le réseau Natura 2000 et améliorer les synergies avec les instruments de financement de l’Union européenne,

priorité D: améliorer la communication et la sensibilisation; mobiliser les citoyens, les parties prenantes et les communautés.

4.   Observations particulières du CESE concernant le plan d’action

4.1.

Le CESE se félicite tout d’abord des conclusions du bilan de santé, qui confortent selon lui la position qu’il a défendue jusqu’ici. Un nombre remarquablement élevé de parties prenantes ont participé à celui-ci. Cela démontre que la politique de l’Union européenne en matière de biodiversité est un sujet qui intéresse de larges pans de la population, et une thématique qui, pour partie, les concerne directement et qui est débattue de manière intensive.

4.2.

Si chacune des quinze actions individuelles du plan d’action est, en soi, susceptible de contribuer à une meilleure mise en œuvre de la législation existante en matière de protection de la nature, le CESE s’irrite quelque peu du fait que la Commission soumette encore une fois un nouveau programme. Il aurait selon lui été plus pertinent d’évaluer la stratégie actuelle en matière de biodiversité, ses six objectifs et ses vingt mesures concrètes, de procéder à une analyse précise de ses faiblesses et d’en publier les résultats, et sur cette base, d’intégrer éventuellement des mesures complémentaires à la stratégie existante. La présentation aujourd’hui d’un nouveau plan d’action suscite la confusion: le flou le plus complet règne quant à sa relation avec la stratégie actuelle en matière de biodiversité, d’autant plus que certaines des mesures qu’il contient (par exemple dans les domaines d’intervention prioritaires B et C) figurent depuis des années dans les programmes de l’Union européenne en faveur de la biodiversité et comptent de longue date parmi ses priorités stratégiques, et qu’elles attendent toujours d’être mises en œuvre.

4.3.

Le CESE a déjà critiqué le fait que le grand nombre de programmes et de stratégies tend à brouiller les cartes et que l’enchaînement de nouveaux programmes, plans et stratégies peut être perçu comme un simulacre d’activisme n’apportant concrètement que peu d’améliorations.

4.4.

Dès le titre de son communiqué de presse relatif au plan d’action, la Commission européenne indique que celui-ci doit aider les régions «à préserver la biodiversité et à tirer parti des avantages économiques liés à la protection de la nature». Le Comité accueille favorablement le fait que le plan d’action ne fasse pas «seulement» référence à la nature et à la biodiversité, mais aussi aux interactions entre l’homme, la nature et les activités économiques. Ce choix reflète clairement que la politique en matière de biodiversité dépasse la simple obligation éthique et morale d’assurer la protection des espèces et des habitats. Une telle approche recoupe elle aussi les positions exprimées par le CESE au cours des dernières années.

4.5.

Des projets qui démontrent comment l’homme peut tirer parti du capital naturel existent depuis longtemps déjà dans de nombreuses régions d’Europe. Le tourisme entretient ainsi un lien évident avec les paysages variés et diversifiés riches en biodiversité. Il est par ailleurs de plus en plus reconnu que les services écosystémiques, qui ne sont pas fournis uniquement dans les zones Natura 2000, contribuent au bien-être commun.

4.6.

Le problème fondamental est cependant qu’à l’heure actuelle, pour les propriétaires fonciers et les utilisateurs des terres, les mesures visant à promouvoir ou à préserver la biodiversité ne constituent pas, dans la plupart des cas, une source de revenus mais un facteur de coût. Alors que, par le passé, la «diversité naturelle» constituait pour ainsi dire le coproduit d’une exploitation extensive, la situation actuelle est celle d’un conflit classique lié à l’utilisation des terres, déclenché notamment par l’environnement économique difficile auquel se trouvent par exemple confrontés les agriculteurs et les sylviculteurs.

4.7.

Or, qu’elles s’appliquent au sein ou à l’extérieur des zones Natura 2000, les mesures en matière de biodiversité doivent être économiquement rentables pour ceux qui doivent les mettre en œuvre. Elles ne peuvent et ne sauraient être portées à leur charge. Les différents programmes élaborés jusqu’ici par l’Union européenne et ses États membres n’ont pas pu résoudre ce dilemme fondamental, et le plan d’action, dans lequel il est beaucoup question de «situations gagnant-gagnant», n’offre malheureusement, lui non plus, guère d’éléments de réponse satisfaisants à cet égard.

4.8.

Les mesures qui faisaient jusqu’ici défaut dans les stratégies en matière de diversité, et qui ont été intégrées pour la première fois dans le plan d’action, n’y changeront rien: aucune campagne de sensibilisation, aussi bonne soit-elle, aucune initiative visant à assurer la participation du public, même la plus perfectionnée, aucune directive améliorée, et pas même la proclamation du 21 mai comme «Journée européenne Natura 2000» — autant de nouvelles mesures prévues dans le plan d’action — ne produiront les effets escomptés en l’absence de conditions économiques et financières appropriées. Il convient, de l’avis du CESE, d’apporter des améliorations décisives à cet égard et de prévoir, dans le cadre de la nouvelle planification budgétaire à moyen terme à partir de 2021, des ressources financières suffisantes pour le réseau Natura 2000, affectées à des usages précis; il y a lieu, par ailleurs, de garantir que les autorités chargées de la mise en œuvre soient dotées des effectifs suffisants, au niveau aussi bien de l’Union européenne que des États membres.

5.   Le dilemme du manque de ressources financières

5.1.

Dès les débuts de la mise en place du réseau Natura 2000, les propriétaires fonciers et les utilisateurs des terres se sont par exemple vu promettre au minimum une compensation financière suffisante dans les cas où les mesures ou obligations applicables aux zones Natura 2000 auraient sur eux une incidence économique négative. Dans son «Évaluation 2010 de la mise en œuvre du plan d’action en faveur de la diversité biologique» (11), la Commission arrive à la conclusion que l’assurance d’un financement adéquat constitue l’une des quatre grandes mesures de soutien. Toutefois, elle constate également d’elle-même qu’«en Europe, seulement 20 % du total des besoins de financement pour la gestion des zones protégées, dont le réseau Natura 2000, sont couverts. En 2004, il était estimé que la gestion de Natura 2000 exigerait un investissement de 6,1 milliards d’EUR par an pour l’EU-25». Il s’ensuit qu’il existe un déficit de financement d’au moins 5 milliards d’EUR par an!

5.2.

Il ressort d’estimations plus récentes des coûts de gestion des zones Natura 2000 que les besoins en moyens sont sensiblement supérieurs. Les Länder allemands chiffrent les besoins annuels en ressources pour la partie terrestre du réseau Natura 2000 en Allemagne à 1,417 milliard d’EUR, soit une moyenne de 175 EUR par hectare. Si l’on rapporte ces coûts par hectare à la composante terrestre du réseau Natura 2000 pour l’ensemble de l’Union européenne, les besoins annuels en crédits pour l’EU-28 avoisinent même les 21 milliards d’EUR. S’ajoutent à ce montant les coûts liés aux zones marines du réseau. Le CESE demande dès lors instamment à la Commission européenne de procéder à un calcul fiable et actualisé des coûts de l’ensemble du réseau Natura 2000.

5.3.

L’insuffisance des fonds alloués à la gestion du réseau Natura 2000 est non seulement un problème majeur pour la réalisation des objectifs ayant été convenus en matière de biodiversité, mais aussi le symptôme d’évolutions négatives de la politique européenne. Des lois sont adoptées, qui génèrent des coûts sans pour autant définir qui devra les prendre en charge ou comment ils seront couverts. Le manque de cohérence entre la législation et le budget de l’Union européenne est la principale cause des problèmes liés à la protection de la biodiversité en Europe.

5.4.

Le plan d’action s’inscrit lui aussi dans le budget actuel de l’Union européenne tel qu’il a été adopté. Cette approche est compréhensible dès lors que nous sommes en plein milieu de l’actuelle période de financement 2014-2020, mais elle ne permettra pas au plan d’action de résoudre les problèmes rencontrés en matière de protection de la biodiversité.

5.5.

La seule mesure financière annoncée dans le nouveau plan d’action est une augmentation de 10 % du budget du programme LIFE consacré aux projets en faveur de la conservation de la nature et de la biodiversité. Cette opération est toutefois neutre sur le plan budgétaire étant donné que l’enveloppe budgétaire globale du programme LIFE reste inchangée, et a donc lieu au détriment d’autres mesures dudit programme. Au sein de celui-ci, une enveloppe de quelque 610 millions d’EUR était affectée au domaine prioritaire «Nature et biodiversité» pour la période 2014-2017. Une augmentation de 10 % correspond dès lors à un montant annuel de 15 millions d’EUR.

5.6.

C’est donc à raison qu’au titre de la priorité C du plan d’action («Renforcer les investissements»), la Commission évoque «les synergies avec les financements provenant de la politique agricole commune», parle de «faire connaître les possibilités de financement au titre de la politique de cohésion» et de «la politique commune de la pêche», et annonce l’élaboration de lignes directrices pour soutenir le déploiement d’«infrastructures vertes». Le seul problème est qu’il ne s’agit pas là de nouvelles actions ou propositions, mais de mesures inscrites depuis longtemps à l’ordre du jour politique et dont la mise en œuvre est exigée depuis de nombreuses années. Elles figurent dans les anciens programmes et actions en matière de biodiversité sans avoir eu d’effet positif au cours des dernières années.

5.7.

Il y aurait donc lieu que la Commission présente une stratégie à long terme permettant de couvrir les besoins financiers (12). Les discussions qui débutent actuellement concernant les perspectives financières constituent, de l’avis du CESE, le cadre dans lequel doivent s’inscrire les réflexions à ce sujet. L’expérience montre que les projets axés sur la coopération entre régions, organisations de protection de la nature ainsi qu’agriculteurs et sylviculteurs et visant à mettre en œuvre les mesures du programme Natura 2000 peuvent être menés à bien de manière extrêmement fructueuse lorsqu’ils sont conçus de manière suffisamment attractive sur le plan économique. Toutefois, ni le plan d’action, ni les approches définies jusqu’à présent, telles que présentées dans le document de réflexion sur l’avenir des finances de l’Union européenne (13), n’indiquent que la situation pourrait s’améliorer de façon décisive.

5.8.

Le CESE se félicite expressément de la volonté affichée par la Commission européenne d’étoffer la stratégie en faveur d’infrastructures vertes dans le cadre du plan d’action. Là encore, il fait cependant observer, concernant ce projet porteur d’avenir, qu’une initiative qui ne s’accompagne d’aucun financement n’apportera aucun changement. Dans ce contexte, le Comité attire également l’attention sur les conclusions du Conseil «Environnement», qui a invité la Commission, lors de sa réunion du 19 juin 2017, à développer la proposition relative à un réseau transeuropéen de l’infrastructure verte (RTE-V).

5.9.

Le Comité renvoie donc à l’avis qu’il a récemment adopté sur l’évaluation à mi-parcours du programme LIFE (14), dans lequel il proposait que ledit programme «devienne l’instrument central du financement du réseau Natura 2000. Il faut considérer comme insuffisante l’approche adoptée auparavant, qui consistait à assurer le financement du réseau Natura 2000 avant tout au moyen des Fonds de l’Union européenne en faveur du développement régional ainsi que du deuxième pilier de la politique agricole commune. Dans ce contexte, le Comité renvoie à son avis (15) et se déclare en faveur d’un renforcement correspondant du programme LIFE, destiné à cet objectif précis. À cet égard, il importe de veiller à la cohérence de toutes les aides existantes, et donc d’éviter celles qui contrecarreraient d’autres fonds européens ou feraient double emploi avec ceux-ci».

5.10.

Le plan d’action prévoit d’améliorer la communication et la sensibilisation et de mobiliser les citoyens, les parties prenantes et les communautés ainsi que les collectivités locales et régionales. À cette fin, il envisage notamment l’établissement d’une «plateforme» avec le Comité des régions. Le CESE s’en félicite et est intimement convaincu qu’une plus grande intégration de la société civile dans le processus de mise en œuvre ne peut être que positive.

5.11.

Le CESE prend acte avec satisfaction du fait que la Commission a élaboré le plan d’action et souhaite le mettre en œuvre en étroite collaboration avec le CdR. Il propose pour sa part son propre soutien, car il estime que les collectivités locales et régionales ne pourront elles aussi enregistrer que des succès limités en l’absence d’un engagement et d’une acceptation de la part de la société civile.

Bruxelles, le 6 décembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis du CESE sur «La politique de l’Union européenne en matière de biodiversité» (JO C 487 du 28.12.2016, p. 14) et sur l’«Évaluation à mi-parcours du programme LIFE» (JO C 173 du 31.5.2017, p. 7).

(2)  COM(2017) 358 du 28.6.2017.

(3)  COM(1998) 42 final.

(4)  COM(2001) 162 final.

(5)  COM(2006) 216 final.

(6)  COM(2010) 4 final.

(7)  COM(2011) 244 final.

(8)  Avis du CESE sur le thème «La biodiversité, notre assurance-vie et notre capital naturel — stratégie de l’Union européenne à l’horizon 2020» (JO C 24 du 28.1.2012, p. 111).

(9)  Conclusions du Conseil «Environnement» du 19.6.2017.

(10)  COM(2017) 198 final du 27.4.2017.

(11)  COM(2010) 548, p. 13.

(12)  Avis du CESE sur «La politique de l’Union européenne en matière de biodiversité» (JO C 487 du 28.12.2016, p. 14) et sur l’«Évaluation à mi-parcours du programme LIFE» (JO C 173 du 31.5.2017, p. 7).

(13)  COM(2017) 358 du 28.6.2017.

(14)  Avis du CESE sur l’«Évaluation à mi-parcours du programme LIFE» (JO C 173 du 31.5.2017, p. 7).

(15)  Avis du CESE sur “La politique de l’Union européenne en matière de biodiversité” (JO C 487 du 28.12.2016, p. 14).


11.4.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 129/96


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE, Euratom) no 1141/2014 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes»

[COM(2017) 481 final — 2017/0219 (COD)]

(2018/C 129/16)

Rapporteur:

M. Graham WATSON

Corapporteurs:

Mme Anne DEMELENNE

M. Stéphane BUFFETAUT

Consultation

Conseil des ministres, 11.10.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision du Bureau

Groupe de rédaction, 17.10.2017

Adoption en session plénière

7.12.2017

Session plénière no

530

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

141/0/5

1.

Le CESE se range à l’avis de la Commission européenne lorsqu’elle souligne que la démocratie est l’une des valeurs fondamentales de l’Union européenne et que les partis et fondations politiques jouent un rôle essentiel dans une démocratie représentative, comme le reconnaissent l’article 10 du traité sur l’Union européenne et l’article 12, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

2.

Le Comité reconnait que le règlement (UE, Euratom) no 1141/2014 relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes a concouru à renforcer la visibilité, la reconnaissance, l’efficacité et la transparence des partis politiques européens et des fondations politiques qui leur sont affiliées, ainsi que l’obligation qui leur est faite de rendre des comptes, mais partage l’avis de la Commission selon lequel il reste beaucoup à faire pour augmenter la participation des citoyens et ouvrir les élections à tout un chacun, renforcer la dimension européenne du débat politique, faire connaître les liens d’affiliation entre partis nationaux et européens et promouvoir l’obligation pour le monde politique de rendre des comptes.

3.

Le Comité convient avec la Commission qu’en dépit des progrès apportés par le règlement (UE, Euratom) no 1141/2014, les règles existantes présentent des lacunes qu’il convient de combler, et prend acte de l’appel du Parlement européen [2017/2733 (RSP)] en faveur d’une amélioration et d’une adaptation de ces règles.

4.

Le CESE soutient la Commission dans ses propositions de modifications du règlement concernant la question de savoir qui peut parrainer l’enregistrement d’un parti politique européen, ainsi que celles de la proportionnalité du financement par l’Union européenne, du seuil d’accès à ce financement, du respect des critères d’enregistrement et du recouvrement des fonds utilisés à mauvais escient.

5.

Le Comité se félicite de l’intention exprimée par la Commission de rendre les programmes électoraux des partis politiques d’envergure européenne plus facilement accessibles aux citoyens. Il émet cependant certaines réserves concernant le nouveau paragraphe 3 bis qu’elle propose d’insérer à l’article 18 du règlement. Celui-ci énonce qu’un parti politique européen doit inclure dans sa demande de financement des éléments démontrant que ses partis membres ont publié sur leurs sites web, en continu pendant les douze mois précédant la date de la demande, son programme politique et son logo, ainsi que des informations, pour chacun de ses partis membres, sur la représentation des hommes et des femmes parmi les candidats aux dernières élections européennes et les députés du Parlement européen.

6.

Le Comité s’interroge en particulier sur la manière dont le respect de la première exigence sera contrôlé; il se demande comment celle-ci pourra s’appliquer en cas de création de nouveaux partis dans les États membres ou d’adoption tardive d’un programme politique par un parti politique européen. Il ignore par ailleurs pourquoi la dernière exigence porte uniquement sur la dimension hommes-femmes et pas, par exemple, sur des critères raciaux, ethniques ou linguistiques.

7.

Le Comité recommande dès lors à la Commission de ramener de douze à trois mois la période durant laquelle le programme doit être consultable sur les sites web des partis et d’exiger que les informations relatives à la diversité des candidats sur les listes électorales portent non seulement sur la représentation relative des femmes et des hommes, mais aussi sur la diversité ethnique et linguistique.

8.

En outre, le CESE attire une nouvelle fois l’attention sur l’aggravation des inégalités de traitement entre, d’une part, les partis et fondations politiques européens et, d’autre part, les associations et fondations européennes poursuivant des objectifs plus généraux (associations économiques, sociales, humanitaires, culturelles, environnementales, sportives, etc.).

9.

Le Comité déplore une nouvelle fois la décision, prise il y a plusieurs années par la Commission, de retirer son projet de statut d’association européenne, ainsi que les obstacles à l’enregistrement des sociétés de statut européen, et l’invite une nouvelle fois à présenter prochainement un règlement européen équivalent relatif au statut et au financement des associations européennes non affiliées à un parti politique.

Bruxelles, le 7 décembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


11.4.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 129/98


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1303/2013 en ce qui concerne les changements apportés aux ressources affectées à la cohésion économique, sociale et territoriale et aux ressources affectées aux objectifs “Investissement pour la croissance et l’emploi” et “Coopération territoriale européenne”»

[COM(2017) 565 final — 2017/0247 COD]

(2018/C 129/17)

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 19.10.2017

Parlement européen, 23.10.2017

Base juridique

Articles 177 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en session plénière

6.12.2017

Session plénière no

530

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

160/0/2

Estimant que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité a décidé à l’unanimité de ne pas procéder à une discussion générale et de passer immédiatement au vote (article 50, paragraphe 4, et article 56, paragraphe 3, du règlement intérieur).

Bruxelles, le 6 décembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS