ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 345

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

60e année
13 octobre 2017


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

RÉSOLUTIONS

 

Comité économique et social européen

 

527e session plénière du CESE des 5 et 6 juillet 2017

2017/C 345/01

Résolution sur La contribution du Comité économique et social européen au programme de travail 2018 de la Commission

1

2017/C 345/02

Résolution du Comité économique et social européen sur le Livre blanc de la Commission sur l’avenir de l’Europe et au-delà

11

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

527e session plénière du CESE des 5 et 6 juillet 2017

2017/C 345/03

Avis du Comité économique et social européen sur Améliorer l’efficacité des politiques de l’Union européenne en faveur des PME (avis d’initiative)

15

2017/C 345/04

Avis du Comité économique et social européen sur Les produits contrefaits et piratés (avis d’initiative)

25

2017/C 345/05

Avis du Comité économique et social européen sur Les mutations industrielles dans l’industrie européenne du sucre de betterave (avis d’initiative)

32

2017/C 345/06

Avis du Comité économique et social européen sur De la déclaration de Cork 2.0 aux actions concrètes (avis d’initiative)

37

2017/C 345/07

Avis du Comité économique et social européen sur l’Application des règles relatives aux aides d’État pour les compensations des prestations de services d’intérêt économique général (décision 2012/21/UE et cadre communautaire) (Avis d’initiative)

45

2017/C 345/08

Avis du Comité économique et social européen sur Les conséquences de la numérisation et de la robotisation des transports sur l’élaboration des politiques de l’Union européenne (avis d’initiative)

52

2017/C 345/09

Avis du Comité économique et social européen sur La dimension extérieure de l’économie sociale (avis d’initiative)

58


 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

527e session plénière du CESE des 5 et 6 juillet 2017

2017/C 345/10

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2010/40/UE en ce qui concerne la période prévue pour l’adoption d’actes délégués[COM(2017) 136 final — 2017/0060 (COD)]

67

2017/C 345/11

Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur [COM(2017) 142 final — 2017/0063 (COD)]

70

2017/C 345/12

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’échange transfrontière, entre l’Union et des pays tiers, d’exemplaires en format accessible de certaines œuvres et autres objets protégés par le droit d’auteur et les droits voisins en faveur des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés[COM(2016) 595 final — 2016/0279 (COD)]

76

2017/C 345/13

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) no 904/2010 concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée[COM(2016) 755 final — 2016/0371 (CNS)], sur la Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE et la directive 2009/132/CE en ce qui concerne certaines obligations en matière de taxe sur la valeur ajoutée applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens[COM(2016) 757 final — 2016/0370 (CNS)] et sur la Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqués aux livres, journaux et périodiques[COM(2016) 758 final — 2016/0374 (CNS)]

79

2017/C 345/14

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et le règlement (CE) no 987/2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004. [COM(2016) 815 final — 2016/0397 (COD)]  ( 1 )

85

2017/C 345/15

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Prochaines étapes pour un avenir européen durable — Action européenne en faveur de la durabilité[COM(2016) 739 final]

91

2017/C 345/16

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission — Plan de travail Écoconception 2016-2019[COM(2016) 773 final]

97

2017/C 345/17

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Le rôle de la valorisation énergétique des déchets dans l’économie circulaire[COM(2017) 34 final]

102

2017/C 345/18

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2011/65/UE relative à la limitation de l’utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques[COM(2017) 38 final — 2017/0013 (COD)]

110

2017/C 345/19

Avis du Comité économique et social européen Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — L’examen de la mise en œuvre de la politique environnementale de l’Union européenne: défis communs et comment conjuguer nos efforts pour produire de meilleurs résultats[COM(2017) 63 final]

114

2017/C 345/20

Avis du Comité économique et social européen sur le Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Prix et coûts de l’énergie en Europe[COM(2016) 769 final]

120

2017/C 345/21

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1008/2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté[COM(2016) 818 final — 2016/0411 (COD)]

126

2017/C 345/22

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Créer une économie européenne fondée sur les données[COM(2017) 9 final]

130

2017/C 345/23

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel dans les communications électroniques et abrogeant la directive 2002/58/CE (règlement vie privée et communications électroniques)[COM(2017) 10 final — 2017/0003 (COD)]

138


 


 

(1)   Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE et pour la Suisse.

FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

RÉSOLUTIONS

Comité économique et social européen

527e session plénière du CESE des 5 et 6 juillet 2017

13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/1


Résolution sur «La contribution du Comité économique et social européen au programme de travail 2018 de la Commission»

(2017/C 345/01)

Lors de sa session plénière des 5 et 6 juillet 2017 (séance du 5 juillet), le Comité économique et social européen a adopté, par 191 voix pour, 6 voix contre et 16 abstentions, la résolution suivante:

1.   Créer un récit positif pour l’Union européenne

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) souligne l’importance de l’année 2018 en tant que dernière année complète de mandat pour la Commission actuelle, ainsi que pour le Parlement européen. Il invite dès lors la Commission à faire preuve non seulement d’ambition mais aussi de pragmatisme dans l’élaboration de son programme de travail, afin de relever comme il se doit les défis auxquels fait face une Union européenne à la croisée des chemins. Compte tenu des incertitudes liées au Brexit et aux évolutions du contexte mondial, un vaste débat, participatif et structuré, sur l’avenir de l’Europe est aujourd’hui plus que jamais nécessaire. Il est important de revenir à nos racines et de rappeler le projet initial ainsi que les valeurs et les objectifs fondamentaux de l’Union européenne tels qu’ils sont consacrés dans les traités de l’Union européenne.

1.2.

Nous devrions nous appuyer sur les résultats positifs engrangés jusqu’à présent. Cependant, il importe de voir dans le développement des attitudes et des mouvements nationalistes, protectionnistes, autoritaires et populistes un signal d’alarme adressé aux dirigeants des institutions de l’Union européenne et des États membres, soulignant la nécessité d’examiner ce qu’il y a lieu de faire pour regagner la confiance des citoyens et garantir la réussite future du projet européen.

1.3.

À cette fin, le CESE invite la Commission à œuvrer en faveur d’une Union forte, solide et solidaire, capable de susciter une croissance durable, des emplois de qualité, le bien-être et l’égalité des chances pour tous les citoyens européens, une Union qui serait fondée sur une vision commune et un récit positif, et ancrée dans l’engagement et la participation du public. Une UE unie, marquée par la cohésion et s’appuyant sur l’engagement des États membres en faveur de la cause est plus que nécessaire pour relever les défis économiques, sociaux et environnementaux auxquels est confrontée l’Europe. La cohésion interne est également une condition sine qua non pour que l’Union européenne puisse être un acteur mondial de poids dans des domaines tels que le commerce international, la sécurité, l’énergie, la politique climatique, et la promotion des droits de l’homme.

1.4.

Le CESE reconnaît que les négociations liées au Brexit feront de 2018 une année riche en défis. Néanmoins, il importe que la Commission continue à mettre en œuvre les mesures déjà convenues, notamment celles relatives aux initiatives portant sur le marché unique. Dans le même temps, il convient également d’être prévoyant et de se préparer à l’avenir à long terme de l’Union. Le CESE renvoie ici à ses positions concernant le livre blanc sur l’avenir de l’Europe. Le Comité élaborera également des avis sur les documents de réflexion associés, raison pour laquelle ces thèmes ne sont abordés que brièvement dans la présente contribution.

1.5.

Compte tenu du lien étroit qui existe entre l’économie, l’emploi, le bien-être de la population et l’environnement, le CESE invite la Commission à faire du développement durable l’élément transversal au cœur de son programme de travail. Le CESE articule dès lors comme suit sa contribution autour des trois «piliers» du développement durable:

a)

consolider les fondements économiques de l’Europe;

b)

renforcer sa dimension sociale; et

c)

faciliter la transition vers une économie circulaire et à faibles émissions de carbone.

1.6.

Le CESE souligne que ces piliers sont universels, indivisibles et interdépendants. L’Union européenne doit faire preuve d’ambition et viser des politiques et des initiatives permettant de trouver des solutions qui soient triplement bénéfiques: sur le plan économique, en matière sociale et dans le domaine environnemental.

1.7.

À cette fin, le CESE demande instamment à la Commission de développer ses politiques de manière intégrée et d’appliquer une approche cohérente et systématique, qui associerait tous les services de la Commission et décloisonnerait l’élaboration des politiques et des législations. Le CESE appelle également la Commission à continuer d’améliorer, conformément aux principes du «mieux légiférer», la qualité du processus législatif européen de même que la simplification et la clarification de la législation, dans l’objectif de créer des avantages concrets pour l’ensemble des acteurs.

1.8.

En outre, le CESE réitère son appel en faveur d’une stratégie globale visant à intégrer les objectifs de développement durable (ODD) du programme des Nations unies à l’horizon 2030 dans toutes les politiques européennes pertinentes. Il invite la Commission à élaborer une vision et une stratégie à long terme sur le développement durable, en s’appuyant sur l’avis du CESE qui sera publié prochainement sur «La transition vers un avenir plus durable pour l’Europe — Une stratégie pour 2050».

1.9.

Le CESE souligne l’importance cruciale que revêt la participation structurée de la société civile à la conception, à la mise en œuvre et au suivi des politiques, programmes et autres initiatives de l’Union européenne, de manière à obtenir des résultats concrets et l’adhésion du public, et à promouvoir la cohésion sociale. Les partenaires sociaux ont un rôle spécifique à jouer dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques qui ont une incidence directe ou indirecte sur l’emploi et le marché du travail.

1.10.

Si les propositions d’action sont présentées plus en détail dans la section 2.-5., le CESE résume comme suit ses principales priorités politiques pour le programme de travail 2018 de la Commission:

Le CESE invite la Commission à poursuivre la mise en œuvre des stratégies et des programmes visant à poursuivre le développement du marché unique, tout en tenant compte de ses dimensions économique et sociale dans le cadre du développement durable. Tout en reconnaissant que l’UEM est au cœur du marché unique, des mesures s’imposent tout particulièrement dans le domaine des marchés des capitaux, ainsi que concernant les marchés numérique, de l’énergie et des transports. En outre, le CESE plaide en faveur d’une politique commerciale active, qui tienne compte de la nécessité de transparence et la participation étroite de la société civile.

La Commission devrait adopter une stratégie globale pour la promotion de l’esprit d’entreprise, de l’innovation et du développement industriel, couvrant notamment les possibilités et les défis induits par les grandes tendances mondiales comme les progrès rapides dans le domaine de la numérisation et de l’internet des objets et la transition vers une économie circulaire et à faibles émissions de carbone.

Le CESE invite la Commission à développer la dimension sociale de l’Union européenne dans le but de favoriser la création d’emplois de qualité, d’améliorer les aptitudes et les compétences, d’augmenter les investissements sociaux et le développement de l’économie sociale, ainsi que de prévenir la pauvreté, les inégalités, la discrimination et l’exclusion sociale, en insistant tout particulièrement sur l’intégration des jeunes dans la société. Par ailleurs, il y a lieu d’accorder une attention particulière à la réponse à apporter aux profonds changements induits par la numérisation dans l’ensemble de la société.

Le CESE réclame des mesures permettant de canaliser efficacement les ressources financières publiques et de répondre aux défis futurs et au besoin de croissance durable, d’innovation, d’emploi et de cohésion. À côté de l’investissement public, il convient également d’encourager l’investissement privé de manière à répondre aux besoins considérables en matière d’investissements.

Il conviendrait que la Commission continue de mettre en œuvre des mesures — parmi lesquelles le contrôle efficace des frontières extérieures — visant à protéger les européens contre les menaces pour la sécurité. Celle-ci devrait également renforcer les mesures visant à faire de l’Union européenne un acteur plus efficace sur la scène mondiale grâce à la coopération multilatérale et une prévention active des conflits. Le CESE estime en outre qu’il est nécessaire de renforcer la coopération en matière de défense.

Le CESE demande à la Commission, et lui apporte à cette fin son soutien, pour qu’une stratégie soit élaborée visant à susciter un dialogue civil structuré qui soit organisé efficacement et sur une base permanente.

2.   Consolider les fondements économiques de l’Europe

2.1.    Le semestre européen et l’UEM

2.1.1.

Le processus du semestre européen devrait renforcer le rôle de coordination de la Commission de manière à garantir le respect par les États membres des objectifs et recommandations de la stratégie Europe 2020 ainsi que la mise en œuvre des réformes structurelles nécessaires à une croissance économique pérenne à long terme, à la création d’emplois de qualité et au progrès social. Une participation plus étroite des partenaires sociaux et d’autres organisations représentatives de la société civile dans la formulation et la mise en œuvre des programmes de réforme, et une appropriation accrue à cet égard sont des facteurs essentiels pour la réussite de ces processus et constituent en outre une reconnaissance du rôle spécifique que les partenaires sociaux ont à jouer, compte tenu de leurs compétences exclusives, de leurs responsabilités et de leurs missions.

2.1.2.

Le CESE plaide en faveur d’un ajustement macroéconomique symétrique au sein de la zone euro, partagé aussi bien par les États membres en situation de déficit que par ceux présentant des excédents. Cela comprend une orientation globale positive de la politique budgétaire pour l’ensemble de la zone euro.

2.1.3.

L’Union économique et monétaire est un élément essentiel de l’intégration européenne. Le CESE rappelle ses positions antérieures et plaide en faveur d’initiatives visant l’achèvement de l’UEM, s’agissant notamment du développement de sa gouvernance, du contrôle démocratique et du dialogue macroéconomique.

2.2.    Ressources financières et investissement

2.2.1.

Avec le prochain cadre financier pluriannuel (CFP), la Commission devrait préparer le terrain en vue de concentrer efficacement les ressources et de répondre aux défis futurs découlant du Brexit et au besoin de croissance durable, de compétitivité, d’innovation, d’emploi et de cohésion sociale, en déployant une approche orientée sur la performance et les résultats. Le CESE appelle la Commission à aligner la durée des futurs CFP sur le cycle politique de la Commission et du Parlement. Il demande également que l’on prépare l’introduction de nouveaux types de ressources propres de l’Union européenne.

2.2.2.

Le CESE accueille favorablement la seconde phase de l’EFSI (Fonds européen pour les investissements stratégiques), qui vise à stimuler les investissements en mobilisant toujours plus de capitaux privés, en plus des fonds publics provenant à la fois de sources nationales et régionales. À cette fin, le champ d’application de l’EFSI devrait également couvrir d’autres branches de la finance que celle des banques.

2.2.3.

Le CESE insiste sur la nécessité d’une utilisation efficace et efficiente des fonds européens. L’investissement dans l’innovation, l’esprit d’entreprise, le développement des compétences, les politiques actives du marché du travail et les systèmes numériques, énergétiques et de transport doit constituer une priorité, en veillant à ce que les fonds soient correctement affectés à des projets ayant un impact social positif.

2.2.4.

Le CESE insiste sur l’importance de poursuivre la mise en œuvre de l’union des marchés des capitaux si l’on veut améliorer l’accès aux sources privées de financement. À cet égard, il attire particulièrement l’attention sur les besoins des PME. Il conviendrait également de promouvoir un recours accru aux marchés financiers et au financement par l’apport de capitaux propres.

2.2.5.

S’agissant de l’achèvement de l’Union bancaire, le CESE souligne que l’introduction de nouvelles mesures de partage des risques doit être complétée par de nouvelles propositions en matière de réduction des risques. Lors des prochaines réformes de la réglementation bancaire, la Commission devrait accorder toute l’attention requise aux spécificités et aux possibilités des banques de petite taille et peu complexes.

2.2.6.

Le CESE appelle de ses vœux des mesures visant à réduire la fraude fiscale, l’évasion fiscale et la planification fiscale agressive. L’orientation actuelle des systèmes fiscaux, qui favorise le financement de l’endettement des entreprises, devrait être modifiée. Concernant la TVA, le CESE préconise à nouveau d’abandonner l’actuel système transitoire et de s’orienter vers un régime de TVA définitif, adapté à un marché unique européen.

2.3.    Systèmes numériques, énergétiques et de transport

2.3.1.

Le CESE souligne l’importance du marché unique numérique pour la société dans son ensemble. Les compétences numériques, un environnement propice aux entreprises et la confiance des consommateurs figurent parmi les conditions essentielles pour pouvoir exploiter le potentiel de la numérisation. Les données constituant à la fois un facteur de production et une matière première, source de valeur économique ajoutée, leur accessibilité et leur libre circulation sont d’une extrême importance. Dans le même temps, une protection adéquate des données personnelles et commerciales doit être assurée, en accordant une attention particulière aux données générées par les entreprises individuelles. Le CESE demande également instamment à la Commission européenne de poursuivre ses efforts visant à renforcer les capacités et la coopération en matière de cybersécurité. En outre, il appelle de ses vœux une coopération internationale dans le domaine numérique, par exemple dans le cadre de l’OCDE.

2.3.2.

Le développement de l’infrastructure numérique doit être poursuivi, et notamment les connexions à large bande et sans fil, les systèmes énergétiques et de transport numériques, et les bâtiments et les communautés dits «intelligents». L’utilisation de la numérisation doit être promue en conséquence dans les secteurs éducatif, social et de la santé. La pleine utilisation de la numérisation devrait également être encouragée afin de rendre les processus administratifs plus aisés. Il conviendrait de mettre tout particulièrement l’accent sur la couverture des régions reculées et un accès minimal au numérique pour tous, en favorisant également l’inclusion des groupes vulnérables de la société.

2.3.3.

Le CESE a été dès le départ un fervent partisan de l’initiative de l’union de l’énergie. Il invite la Commission à poursuivre la mise en œuvre de la stratégie pour l’union de l’énergie, en veillant à l’existence d’une infrastructure énergétique adaptée et au bon fonctionnement de marchés énergétiques, de manière à assurer la disponibilité d’une énergie sûre, abordable et respectueuse du climat pour les citoyens et les entreprises. Le CESE souligne l’importance du dialogue sur l’énergie au niveau européen, national et local, avec la pleine participation de la société civile. Il communiquera régulièrement son point de vue sur l’état de l’union de l’énergie et l’état d’avancement des initiatives individuelles.

2.3.4.

Le transport est étroitement lié à l’union de l’énergie. Étant l’un des principaux vecteurs d’activités pour l’ensemble de la société, le transport mérite de se voir accorder une place de premier plan dans le programme de travail de la Commission. Le principal objectif des mesures proposées devrait être de fournir aux citoyens et aux entreprises une mobilité et des transports accessibles, fluides, sûrs, abordables et respectueux du climat. Cela nécessite des investissements publics et privés considérables dans les systèmes de transport et le développement des transports publics. Les questions énergétiques et climatiques liées aux transports et l’introduction de nouvelles technologies ne devraient dès lors pas être traitées séparément des questions liées au marché des transports.

2.3.5.

Compte tenu de l’importance horizontale des services d’intérêt économique général (SIEG), le CESE invite la Commission à améliorer les règles relatives aux compensations publiques pour la fourniture de SIEG et leur application, afin de fournir des orientations et de créer un recueil des bonnes pratiques.

2.3.6.

Le Comité reconnaît le rôle joué tant par les villes que par les zones rurales dans le développement et la cohésion dans les domaines économique, social et territorial. En insistant sur le rôle des villes, l’Union européenne devrait continuer de travailler à l’élaboration d’un programme urbain bien conçu et correctement mis en œuvre. Il y a lieu d’exploiter le potentiel considérable des zones rurales, montagneuses et insulaires dans le cadre de la nouvelle approche de la Commission en matière de développement territorial intégré.

2.4.    Développement de la production et des services

2.4.1.

Le CESE invite la Commission à adopter une approche et une stratégie globales dans le domaine du développement industriel. Il convient d’accorder une attention particulière aux possibilités et aux défis induits par les grandes tendances mondiales comme les progrès rapides dans le domaine de la numérisation et de l’internet des objets, l’articulation du secteur manufacturier et de celui des services, et la transition vers une économie circulaire à faibles émissions de carbone.

2.4.2.

Il convient également de libérer le potentiel de croissance des services, notamment le secteur du commerce de détail, tout en sauvegardant les droits des consommateurs et des travailleurs et en ayant conscience des barrières persistantes au sein du marché unique.

2.4.3.

La politique d’innovation, y compris l’innovation sociale, revêt une importance cruciale pour la compétitivité et le renouveau économiques, ainsi que pour générer des avantages pour la société. Le CESE appelle à promouvoir les réseaux supranationaux et transversaux entre universités, entreprises et organisations de la société civile dans le cadre du programme Horizon 2020. Il recommande en outre la simplification des règles administratives en matière de financement et d’aides d’État.

2.4.4.

Il convient d’adopter une stratégie européenne en matière d’industrie 4.0 et de société 4.0 qui mettrait l’accent sur les technologies et les plateformes, les normes et les architectures de référence, les réseaux de pôles d’innovation régionaux, et les compétences à tous les niveaux.

2.4.5.

En ce qui concerne les défis posés par les grandes tendances mondiales dans différents secteurs tels que les industries automobile, de l’acier et du charbon, le CESE plaide pour une bonne gestion des changements structurels, au moyen de cadres de transition justes et appropriés et d’un dialogue avec les partenaires sociaux sur des questions spécifiques au secteur concerné. D’autre part, il convient de saisir les opportunités qui émergent dans des domaines comme les industries aérospatiale et de défense, et d’en tirer parti, tout en assurant des conditions favorables au développement des secteurs industriels en général et de bonnes conditions de travail.

2.4.6.

Des efforts particuliers devraient être axés sur l’amélioration du financement, de l’innovation et de l’internationalisation des petites et moyennes entreprises. Le «Small Business Act» pour l’Europe doit être pleinement mis en œuvre. Il conviendrait que les politiques en faveur des PME soient adaptées aux besoins variés des différentes formes d’entreprises: les entreprises familiales, les petites et les micro-entreprises traditionnelles, les start-up et les scale-up, y compris les entreprises de l’économie sociale. Par ailleurs, le CESE invite la Commission à lancer une consultation sur la définition des PME.

2.4.7.

Le CESE estime qu’il est important d’adopter une vision globale concernant les dernières évolutions des modes de production et de consommation, tels que les modèles économiques collaboratif, circulaire, du partage et de la fonctionnalité, ainsi que des possibilités de développement telles que l’économie sociale. Des mesures sont nécessaires pour faciliter l’introduction de ces modèles nouveaux et divers, mais, dans le même temps, des conditions de concurrence équitables et le respect de la législation pertinente et appropriée doivent être assurés afin de garantir la protection du public et des consommateurs, ainsi que les droits des travailleurs.

2.4.8.

Compte tenu du rôle spécifique joué par l’économie sociale, le CESE réitère sa demande visant à lancer un plan d’action complet pour l’économie sociale, conformément aux conclusions du Conseil de décembre 2015 intitulées «La promotion de l’économie sociale en tant que vecteur essentiel du développement économique et social en Europe».

2.4.9.

La multifonctionnalité, la diversité des modèles agricoles et la durabilité doivent continuer d’occuper une position centrale lorsqu’il s’agira d’examiner, dans le cadre du prochain CFP, les besoins de la politique agricole commune (PAC) en matière de financement, de modernisation et de simplification. Des efforts accrus sont également nécessaires dans le domaine de la recherche et de la numérisation dans le secteur agricole.

2.4.10.

Le CESE invite la Commission à s’orienter vers une politique agricole et alimentaire plus intégrée, en tenant compte également de la nécessité d’évoluer vers une économie circulaire et de réduire drastiquement le gaspillage alimentaire. La Commission devrait aussi adopter une législation visant à éliminer les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire.

2.4.11.

Pour permettre le bon développement et le renouvellement des industries et de l’agriculture, le cadre politique et réglementaire doit mettre en place un environnement opérationnel et d’investissement stable et prévisible, et respecter les principes d’une meilleure réglementation, pour le bien-être des citoyens.

2.5.    Le commerce international

2.5.1.

Le CESE appelle de ses vœux des négociations commerciales actives et équitables avec des partenaires tels que le Japon, le Mercosur et l’ASEAN, ainsi que la bonne application des accords déjà conclus, en tenant compte des diverses questions soulevées dans les avis antérieurs du CESE. Dans le cadre de la mise en œuvre de la communication de la Commission intitulée «Le commerce pour tous», le CESE estime qu’il est important de finaliser les négociations de manière équilibrée et transparente, afin d’apporter des avantages aux entreprises et aux citoyens tout en protégeant, d’une part, les normes relatives à l’environnement, au domaine social, au travail, à la consommation et à d’autres secteurs et, d’autre part, les services publics. Dans l’ensemble, le CESE insiste sur l’importance de la transparence et de l’implication de la société civile dans les négociations, la mise en œuvre et le suivi des accords commerciaux dès le début.

2.5.2.

S’il se félicite des améliorations apportées, en matière de règlement des différends concernant les investisseurs, par l’introduction d’un nouveau système amené à remplacer le système de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE), le CESE invite la Commission à prendre de nouvelles mesures pour que le système juridictionnel des investissements (SJI) puisse véritablement fonctionner comme une instance judiciaire internationale indépendante.

2.5.3.

La poursuite des négociations bilatérales ne devrait pas affaiblir l’engagement de l’Union européenne vis-à-vis de l’OMC et d’un solide accord international multilatéral. Le CESE attend un suivi actif de la Conférence ministérielle de l’OMC de 2017 dans des domaines tels que l’agriculture et le commerce électronique. De plus, il est urgent d’évaluer les risques et les opportunités, du point de vue de la société civile, en vue de déterminer la marche à suivre dans le cadre des négociations multilatérales en cours relatives à l’accord sur le commerce des services (ACS) et à l’accord sur les biens environnementaux (ABE). Par ailleurs, le CESE plaide pour l’adoption et la mise en œuvre rapides des réformes de la politique de défense commerciale de l’Union européenne.

2.5.4.

Le Comité estime essentiel de veiller à la cohérence entre la politique commerciale et les objectifs de développement durable des Nations unies, entre l’accord de Paris sur le changement climatique et la politique de développement de l’Union européenne. À cette fin, il y a lieu de prévoir des chapitres sur le commerce et le développement durable ambitieux et prévoyant de solides mécanismes de suivi par la société civile, en vue de leur inclusion dans les accords commerciaux.

2.5.5.

Le CESE demande en outre que tous les aspects des accords, y compris ceux dont les dispositions ne prévoient pas spécifiquement d’organe de suivi conjoint associant la société civile, fassent l’objet d’un suivi par cette dernière. L’expertise du CESE est en mesure d’apporter une valeur ajoutée unique en la matière.

2.5.6.

Le Comité plaide également pour que des discussions avec la société civile puissent avoir lieu au sujet de l’évaluation d’impact et des modalités concrètes de la mise en place du tribunal multilatéral des investissements proposé.

3.   Renforcer la dimension sociale de l’Europe

3.1.    Le socle européen des droits sociaux

3.1.1.

Le CESE prend note de la communication de la Commission sur un socle européen des droits sociaux et de la proposition de proclamation dont il fait l’objet, ainsi que des initiatives législatives et non législatives qui l’accompagnent. Il travaille actuellement sur ce train de mesures et émettra ses avis en temps utile.

3.1.2.

Pour l’heure, le CESE renvoie à son avis précédent sur le socle européen des droits sociaux (1), dans lequel il met en exergue ses objectifs généraux pour l’élaboration du socle au moyen d’une combinaison d’instruments juridiques et non juridiques liés à des domaines tels que l’avenir du travail, des conditions de travail équitables, l’emploi, la mise en œuvre de l’acquis social européen existant et l’investissement social. Le Comité a souligné que le socle devrait s’appliquer à tous les États membres, tout en reconnaissant que la zone euro pourrait nécessiter des instruments/mécanismes spécifiques. Il a en outre estimé que le semestre européen et les programmes nationaux de réforme devaient devenir les principaux vecteurs de la mise en œuvre et du suivi du socle, et s’est prononcé en faveur de la définition d’indicateurs concrets dans le cadre du semestre européen.

3.1.3.

Il est nécessaire que les conditions générales sur le marché de l’emploi aillent dans le sens de parcours professionnels nouveaux et plus diversifiés. La vie professionnelle nécessite différents modes de fourniture et d’exercice du travail. Il faut de ce fait mettre en place un environnement législatif adapté pour la protection de l’emploi, qui fixe un cadre pour des conditions de travail équitables et stimule l’embauche dans toutes les formes de contrats de travail.

3.1.4.

Afin de répondre à l’évolution de la demande en matière de qualifications et de compétences, le CESE souligne l’importance d’améliorer le dispositif d’éducation fondé sur le travail, l’enseignement et la formation professionnels, l’apprentissage tout au long de la vie, ainsi que l’amélioration des compétences et la reconversion professionnelle. Il convient également de développer les moyens de favoriser les transitions fluides entre différents emplois ainsi qu’entre le chômage ou l’éducation et l’emploi, de manière à parvenir à un marché du travail inclusif.

3.1.5.

Reconnaissant le fait que l’avenir de l’Union est étroitement lié à la confiance des jeunes générations dans le projet européen, le CESE souligne que la Commission devrait intensifier ses activités pour s’attaquer efficacement aux causes profondes du chômage et de l’exclusion.

3.1.6.

Dans le but de renforcer la croissance inclusive et la cohésion sociale, le CESE réclame des mesures pour répondre au besoin en investissements sociaux, au sens d’investissements dans le capital humain et les infrastructures et les services sociaux. Il convient d’approfondir la réflexion sur la manière d’établir des liens entre le «plan Juncker 2» et les objectifs du train de mesures sur les investissements sociaux, notamment par l’intermédiaire de l’EFSI. Le CESE a en outre plaidé en faveur d’un pacte européen d’investissement social, qui devrait soutenir les réformes sociales et l’investissement social, et favoriser une convergence économique, sociale et territoriale renouvelée. L’examen annuel de la croissance devrait également mettre l’accent sur l’investissement social.

3.1.7.

Il importe de veiller à ce que le Fonds social européen demeure un élément clé des fonds ESI et d’accorder dans ce cadre une attention particulière à la promotion de la formation et de l’intégration sur le marché du travail des groupes de population vulnérables (par exemple les jeunes, les immigrés et les réfugiés, les personnes handicapées). La consolidation et le redéploiement des nouvelles procédures Erasmus doivent être effectués de manière plus systématique et plus inclusive. Le CESE réitère également son appel en faveur de possibilités permettant à tous les jeunes de bénéficier d’échanges européens.

3.1.8.

S’il reconnaît que la réduction de la pauvreté incombe principalement aux États membres, le CESE souligne que cette question devrait être systématiquement traitée dans le cadre du semestre européen. Il convient de poursuivre le financement des recherches universitaires portant sur les «budgets de référence» permettant de vivre dignement, de créer des indicateurs communs et comparables, par exemple sur la pauvreté et les inégalités, et de procéder à l’évaluation obligatoire de l’impact social de tous les programmes de réforme proposés dans les programmes nationaux de réforme et les recommandations par pays. Le CESE a aussi plaidé en faveur de la mise sur pied d’un Fonds européen intégré de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale s’appuyant sur les expériences acquises lors de la mise en œuvre du FEAD et du FSE. En outre, la stratégie Europe 2020 devrait être liée à la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030.

3.2.    Les droits des citoyens et des consommateurs

3.2.1.

Le CESE invite la Commission à surveiller de près le respect des valeurs et principes fondamentaux de l’Union européenne dans tous les États membres, ainsi qu’à renforcer les procédures permettant de protéger et de défendre la démocratie, l’état de droit, les droits fondamentaux, les droits de l’homme et l’accès à la justice.

3.2.2.

La politique des consommateurs est proche de l’intérêt du public et donc susceptible d’influencer l’engagement des citoyens à l’égard du processus d’intégration de l’Union. Le CESE invite la Commission à veiller à ce que les droits des consommateurs soient appliqués et respectés dans le cadre du processus REFIT, ainsi que dans le monde numérique et en ce qui concerne la sécurité des produits et des services. La Commission devrait renforcer les mesures visant à éradiquer la précarité énergétique et la pauvreté, et améliorer l’accès à l’alimentation et aux services pour tous les européens. Elle devrait également promouvoir les droits des consommateurs à l’information, à l’éducation et à la participation, et celui de s’organiser de manière que leurs intérêts soient représentés lors de l’élaboration des réglementations qui les concernent.

3.2.3.

Il convient que la Commission achève son réexamen des principaux instruments juridiques et non juridiques de la politique européenne relative aux consommateurs, en tant que politique de citoyenneté à caractère transversal et horizontal, et qu’elle présente un nouveau plan d’action pour assurer la protection et la défense des consommateurs dans les dix prochaines années.

3.2.4.

Le CESE demande à la Commission de prendre toutes les mesures appropriées pour lutter contre la discrimination fondée sur le sexe sur le marché de l’emploi, dans le domaine de l’éducation et dans les processus décisionnels, ainsi que contre les violences sexistes. Il invite également la Commission à mettre en place une stratégie visant à protéger les minorités et les groupes vulnérables et à promouvoir le plein respect des droits fondamentaux et du principe de non-discrimination. La Commission devrait redoubler d’efforts pour débloquer la directive sur la mise en œuvre des principes de l’égalité de traitement, et aborder la question des conditions des enfants, des femmes et des personnes âgées en situation de vulnérabilité, et celle des nouvelles formes de vulnérabilité.

3.2.5.

La Commission devrait mettre à jour la stratégie européenne en faveur des personnes handicapées, conformément aux recommandations du comité des droits des personnes handicapées des Nations unies, et mettre en œuvre la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées dans ses politiques et programmes extérieurs, notamment en lançant une carte européenne d’invalidité reconnue dans tous les États membres. Il convient en outre de lancer les préparatifs en vue d’un nouveau programme européen des droits des personnes handicapées à l’horizon 2020-2030, et de déclarer l’année 2021 Année européenne des droits des personnes handicapées.

3.2.6.

L’accessibilité pour tous devrait être intégrée dans les initiatives relatives au marché unique numérique. À cette fin, la Commission doit intensifier ses efforts en vue de conclure les négociations avec les autres institutions sur l’acte européen sur l’accessibilité. Il y a également lieu de renforcer les droits des passagers, en accordant une attention particulière aux personnes handicapées et à mobilité réduite.

3.2.7.

Le CESE encourage également la Commission à soutenir les activités des établissements d’enseignement à tous les niveaux afin d’aider les étudiants à faire la distinction entre fausses informations et faits scientifiques.

3.3.    Migration

3.3.1.

Le CESE souligne la nécessité d’aider et d’intégrer les réfugiés et les demandeurs d’asile. Il préconise une réforme efficace du régime d’asile européen commun qui soit respectueuse des droits de l’homme, et la mise en place d’un système véritablement commun pour tous les États membres. Il recommande également que des progrès soient réalisés en matière de réinstallation des réfugiés et d’obtention des visas par ces derniers afin de répondre aux besoins réels. Le Comité invite la Commission à suivre la mise en œuvre de l’accord de répartition des réfugiés entre les États membres.

3.3.2.

En outre, le Comité plaide en faveur d’une révision des accords de partenariat avec les pays tiers de transit et d’origine des flux migratoires, de manière à faire respecter les droits de l’homme et le droit international et à développer des instruments financiers visant à s’attaquer aux causes profondes de la migration.

3.3.3.

Tout en appréciant le travail réalisé par la Commission concernant les voies légales de migration et passant par l’évaluation des directives existantes, le CESE plaide en faveur d’une gouvernance à plus long terme de la migration de la main-d’œuvre, de la planification de canaux de mobilité légale actualisés, et de l’échange d’informations sur les possibilités existant sur les marchés de l’emploi. Compte tenu de la structure démographique de l’Europe, le CESE souligne la nécessité de transformer le défi de l’intégration des réfugiés et des migrants dans le marché du travail en une réelle opportunité. Investir dans la formation et des systèmes d’aide adéquats sera un facteur clé pour faciliter cette intégration et les aider ainsi à tirer pleinement profit de leur potentiel, c’est-à-dire utiliser leurs qualifications, leur esprit d’entreprise et leur dynamisme, tout en reconnaissant la valeur de la diversité et des différentes cultures dans notre société en général.

3.3.4.

Le CESE considère que l’année 2018, Année européenne du patrimoine culturel, offre une occasion unique de mobiliser l’ensemble des acteurs afin de contrer le populisme et le nationalisme et de promouvoir un discours positif concernant l’avenir de l’Europe. Dans ce contexte, la sensibilisation à l’importance de la compréhension interculturelle s’agissant des réfugiés et des migrants pourrait également être renforcée.

3.4.    La sécurité intérieure et la politique extérieure

3.4.1.

Le CESE appelle également la Commission à continuer de mettre en œuvre des mesures — parmi lesquelles le contrôle efficace des frontières extérieures — visant à protéger les européens contre les menaces pour la sécurité, telles que le terrorisme, la criminalité organisée et la cybercriminalité.

3.4.2.

De plus, le CESE estime qu’il est nécessaire de renforcer la coopération en matière de défense. À cette fin, il est favorable à la création d’une union européenne de la défense et salue le plan d’action européen de la défense.

3.4.3.

Compte tenu des défis posés par le caractère imprévisible de la politique des États-Unis et le risque d’un renforcement du protectionnisme et de l’unilatéralisme, le CESE encourage l’Union européenne à continuer de travailler conformément à sa stratégie globale, en soutenant le multilatéralisme dans le cadre des Nations unies et en œuvrant activement à la prévention des conflits et à la résolution des crises internationales. Le CESE insiste en outre sur l’importance d’une coordination plus étroite entre les États membres en matière d’objectifs, de politiques et de moyens afin que l’Union puisse agir plus efficacement sur la scène mondiale.

3.4.4.

La mise en œuvre du programme à l’horizon 2030 devrait constituer la base de la coopération au développement de l’Union européenne. Pour montrer la voie, l’Union européenne devrait présenter un rapport volontaire de ses activités internes et externes liées aux ODD au Forum politique de haut niveau des Nations unies.

3.4.5.

Le CESE soutient la mise en place d’une plateforme de dialogue avec les partenaires sociaux dans le cadre de la politique européenne de voisinage, afin de mieux évaluer le marché de l’emploi, et demande aux États membres de l’Union d’élaborer une approche européenne commune pour la coordination des systèmes de sécurité sociale entre l’Union européenne et ses voisins méridionaux. La politique de voisinage doit établir clairement le lien entre l’instabilité et la pauvreté, et entre l’inégalité et l’insuffisance de débouchés professionnels, autant de facteurs susceptibles d’accroître la vulnérabilité face à la radicalisation et d’entraver le processus de démocratisation.

3.4.6.

Le CESE souligne l’importance des relations économiques extérieures et de la diplomatie internationale pour préserver et renforcer la stabilité et la sécurité. Il encourage également l’Union européenne à tirer pleinement parti du rôle que peut jouer la culture dans les relations internationales.

4.   Faciliter la transition vers une économie circulaire et à faibles émissions de carbone

4.1.

Le plan d’action en faveur de l’économie circulaire devrait être mis en œuvre d’une manière intégrée et cohérente, en exploitant les possibilités de concilier les aspects économiques, sociaux et environnementaux. Le CESE invite la Commission à encourager les activités axées sur le marché en promouvant l’innovation, en facilitant les initiatives pionnières et leur développement, y compris dans les zones reculées et urbaines, ainsi qu’en mettant en place un cadre réglementaire favorable. Il attire également l’attention sur le lien entre l’économie circulaire et d’autres «nouveaux modèles économiques».

4.2.

Il y a également lieu d’accorder une attention particulière à la mise en œuvre de la politique et de la législation environnementales «traditionnelles», qui couvre la gestion des déchets et la protection de l’air ambiant, de l’eau, des sols et de la biodiversité. Le CESE demande instamment à la Commission de poursuivre ces travaux dans le cadre de l’examen environnemental européen.

4.3.

Les objectifs en matière de climat à l’horizon 2030 devraient être mis en œuvre en garantissant le meilleur rapport coût-efficacité possible. À cette fin, le CESE demande à la Commission de procéder à une évaluation approfondie des instruments actuels de la politique de réduction des émissions de carbone, et de veiller à ce que les outils soient appropriés et utilisés de la manière la plus efficace qui soit.

4.4.

La Commission devrait également envisager les questions climatiques du point de vue de la justice climatique, c’est-à-dire sous l’angle de questions telles que l’égalité, les droits de l’homme et la pauvreté.

4.5.

La diplomatie climatique demeure une mission de première importance pour l’Union dans la lutte contre le changement climatique. Il importe d’amener tous les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre à s’engager à respecter des objectifs au moins aussi ambitieux que ceux de l’Union. Le CESE encourage également la Commission à favoriser la mise en place d’une tarification des émissions de carbone au niveau mondial afin de créer des conditions de concurrence équitables avec les concurrents établis en dehors de l’Union européenne.

4.6.

Le CESE demande à la Commission d’élaborer une stratégie visant à renforcer sa marque en matière climatique et environnementale, et donc son incidence positive à l’échelle du monde dans ce domaine. Cela passe par la mise en place d’un environnement propice à l’innovation et à l’investissement, et celle de conditions commerciales favorables à l’exportation des solutions pour le climat et des produits sobres en carbone. C’est par ce biais que l’Union européenne pourra apporter une contribution efficace à la lutte contre le changement climatique et aux défis environnementaux, et avoir un impact bien plus important que celui qu’elle aurait eu en agissant exclusivement à l’intérieur de ses frontières.

5.   Responsabiliser, associer et consulter la société civile

5.1.

Le CESE souligne le rôle essentiel des organisations de la société civile dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des politiques à tous les stades et à tous les niveaux, et notamment à l’échelon local. Une telle ambition requiert un changement culturel et une reconnaissance, au niveau de l’Union européenne et à celui des États membres, de la valeur de la société civile, laquelle est déjà consacrée à l’article 11 du TUE, qui prévoit que les institutions européennes promeuvent et facilitent le dialogue civil horizontal et vertical, procèdent à de larges consultations et jettent les bases des initiatives citoyennes européennes. Il s’agit de processus complémentaires qui se jouent sans préjudice de la consultation du CESE et du dialogue social.

5.2.

Le CESE suit attentivement et est activement impliqué dans les dialogues structurés et les forums consultatifs (par exemple la plateforme des parties prenantes de l’économie circulaire ou le forum européen sur la migration) qui réunissent et associent les organisations de la société civile et d’autres acteurs issus des institutions européennes et des États membres, et réclame un soutien pour ses initiatives visant à créer une plateforme pour le changement (égalité entre les hommes et les femmes dans le secteur des transports) et un forum institutionnel sur la participation citoyenne (dans le cadre de l’initiative citoyenne). Lors de la mise sur pied de plateformes telles que la plateforme REFIT, la Commission devrait envisager la représentation du CESE en vertu du mandat que lui confèrent les traités et, dans ce contexte, veiller à respecter la composition du Comité sous la forme de ses trois groupes.

5.3.

La Commission a récemment mis en place un processus complémentaire aux initiatives susmentionnées sous la forme d’un portail internet spécifique intitulé «Contribuer à l’élaboration de la législation», afin de recueillir l’avis du grand public, à savoir à la fois celui des organisations et des particuliers. Le CESE recommande à la Commission d’établir une distinction entre les contributions des organisations de la société civile et celles en provenance des particuliers. À cette fin, elle devrait procéder à une cartographie des parties prenantes en coopération avec le CESE, afin d’identifier des groupes cibles représentatifs et équilibrés d’un point de vue géographique, en s’appuyant sur le registre de transparence. En outre, la Commission devrait veiller à prévoir pour les réponses apportées une pondération quantitative et qualitative. Elle devrait par ailleurs œuvrer constamment à l’amélioration de la transparence, de l’accessibilité, du retour d’information et de la responsabilité envers les participants.

5.4.

Le CESE invite la Commission à développer une approche plus stratégique à l’égard de ces pratiques et à les doter d’un fondement institutionnel et représentatif plus structuré, en tirant parti des ressources des organes consultatifs représentatifs existant déjà aux niveaux européen, national et régional. À cette fin, la Commission devrait collaborer étroitement avec le CESE et lui demander d’élaborer un avis exploratoire sur la manière dont le dialogue civil pourrait être organisé efficacement et sur une base permanente, avant d’adopter une communication spécifique sur ce thème.

5.5.

Le CESE insiste sur la nécessité d’améliorer l’efficacité de l’initiative citoyenne européenne, conformément à l’annonce par M. Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, de la révision du règlement sur l’ICE, et d’explorer de nouvelles pistes, telles que le recours à des outils numériques, dans le but de renforcer notamment la participation des jeunes et des personnes issues de groupes vulnérables.

5.6.

Enfin, le CESE reconnaît que la Commission a pris en compte de nombreux éléments de la contribution du CESE au programme de travail pour 2017. Cependant, plusieurs questions n’ont pas été abordées dans le document de la Commission et sont donc une nouvelle fois soulevées dans le présent document. En ce qui concerne la mise en œuvre du programme de travail de la Commission pour 2018, le CESE est disposé à faire part de son point de vue et à participer aux travaux relatifs à différentes initiatives spécifiques au cours de l’année à venir.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis du 25 janvier 2017 sur la communication de la Commission intitulée «Lancement d’une consultation sur un socle européen des droits sociaux» (JO C 125 du 21.4.2017, p. 10).


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/11


Résolution du Comité économique et social européen sur le «Livre blanc de la Commission sur l’avenir de l’Europe et au-delà»

(2017/C 345/02)

Lors de sa session plénière des 5 et 6 juillet 2017 (séance du 5 juillet), le Comité économique et social européen a adopté la résolution suivante par 226 voix pour, 16 voix contre et 15 abstentions.

Vers une vision commune

Le point de vue du CESE sur l’avenir de l’Europe  (1)

1.

La société et les citoyens d’Europe demandent une Union européenne crédible, légitime et résiliente. Pendant plus d’une décennie, un certain nombre de chocs dans les domaines politique, économique et social ont mis l’Union à rude épreuve et favorisé un état d’esprit morose ainsi qu’un sentiment d’incertitude parmi les citoyens. Il est nécessaire que l’Union se dote de stratégies globales pour promouvoir le bien-être de ses citoyens, des investissements solides et durables, la créativité et l’esprit d’entreprise, et qu’elle s’attaque aux problèmes que posent le fossé grandissant entre les riches et les pauvres, la pauvreté et le partage inégal des richesses. La reprise économique qui se produit actuellement ne saurait nullement servir de prétexte à la passivité. En revanche, le CESE demande instamment qu’une approche mûrement réfléchie et cohérente soit trouvée pour renforcer la confiance, ainsi qu’une attention particulière accordée aux résultats tangibles pour les citoyens et aux potentialités considérables de l’Europe.

2.

Il convient d’éviter d’éveiller de faux espoirs. Avant toute chose, l’objectif devrait être celui d’une Union en mesure d’obtenir des résultats en assurant à tous une véritable égalité des chances. Les facteurs économiques, sociaux et environnementaux sont interdépendants. Il est essentiel de permettre à notre continent de s’adapter au processus de profonde transformation ainsi qu’à la concurrence féroce à l’œuvre à l’échelle mondiale, et d’influer effectivement sur la mondialisation, conformément aux valeurs de l’Union.

3.

Il faut que cesse le fameux «C’est la faute à Bruxelles!», dont on a tant usé par le passé — et dont on use encore. Un engagement commun de la part des institutions européennes et d’un large éventail d’acteurs, au nombre desquels les partenaires sociaux et les organisations de la société civile, tant au niveau national qu’au niveau européen, s’avère indispensable. Le CESE souligne que la légitimité des décisions de l’Union dépend en fin de compte de la qualité du processus démocratique.

4.

On ne peut aller de l’avant avec succès qu’en s’inspirant de la même vision commune qui exprimait la conviction des Pères fondateurs et qui s’est ensuite retraduite dans chacune des avancées majeures. L’Union devrait mobiliser les outils législatifs, ainsi que les dispositifs d’orientation, de financement et de coopération à sa disposition afin qu’elle puisse progresser dans toutes les dimensions souhaitées. Le traité de Lisbonne montre la voie à suivre.

Scénarios figurant dans le libre blanc

5.

Le CESE ne considère pas que choisir entre divers scénarios (2) soit un moyen efficace pour promouvoir une vision commune ni pour définir la future voie à suivre. Tout d’abord, l’Europe ne part pas de rien. Par conséquent, la Commission devrait faire reposer ses propositions sur une analyse approfondie de l’histoire de l’Union — avec ses réussites et ses faiblesses — qui constitue une source précieuse pour préparer l’avenir. Les engagements pris par les États membres dans la déclaration de Rome constituent un point de départ positif et salutaire (3). Par ailleurs, les cinq scénarios sont destinés aux États membres et mettent l’accent sur les changements institutionnels. Ils sont dès lors dépourvus de pertinence directe pour les citoyens européens. Ils semblent également artificiels.

6.

Pour le CESE, le scénario 1, qu’il considère comme une solution de fortune, ne constitue aucunement une option. Le scénario 5 semble pour certains séduisant, mais à l’heure actuelle, il n’est pas réaliste. Le scénario 2 qui s’attache exclusivement au marché commun, est bien trop limité. Le scénario 4 requiert un accord entre les 27 États membres, ce qui risque de provoquer une paralysie de l’Union et de favoriser les tendances centrifuges, mettant en péril les objectifs et les valeurs de l’Union. Dans le cadre du scénario 3, des mécanismes favorisant une intégration différenciée, tels que la coopération renforcée, pourraient constituer un instrument utile pour surmonter les blocages dans certains domaines particuliers et insuffler une dynamique positive dans le processus d’intégration de l’Union. Toutefois, il s’agit plutôt là d’instruments servant à atteindre des objectifs politiques, que d’un objectif en soi. S’il convient de recommander ces instruments comme des moyens de surmonter la paralysie ou les entraves à une législation européenne souhaitée, le CESE souligne toutefois également la nécessité de promouvoir la convergence au sein de l’Union et de lutter contre la fragmentation et la division. Par conséquent, un accord entre des pays jouant un rôle de pionniers ou de catalyseurs devrait toujours resté ouvert à ceux qui souhaitent s’y associer, sachant que la vision commune devrait prévaloir.

Point de vue du CESE sur la question de l’avenir

A.    Méthode

7.

Des thématiques stratégiques devraient venir s’inscrire dans une perspective commune pour éviter les risques d’une Europe à la carte ou de tendances centrifuges. Le CESE préconise un développement où les conditions sont fixées en vue d’un meilleur partage du pouvoir politique dans tous les domaines. Une telle ambition dépend principalement de la volonté politique et, en tant que telle, doit s’imposer comme une question centrale dans le cadre d’un authentique débat concernant l’avenir.

8.

La distinction traditionnelle entre le niveau national et le niveau européen devrait disparaître. Les défis communs à relever ainsi que l’imbrication des réalités à l’échelle du continent renforcent la nécessité de définir une mission commune. Ceux-ci imposent également la reconnaissance d’une citoyenneté européenne aux côtés de la citoyenneté nationale. L’élaboration des politiques doit inclure et associer tous les échelons de la société. Il convient de mettre les objectifs en commun et aussi d’évaluer systématiquement l’incidence des décisions et des politiques à l’échelon national, régional et local afin d’obtenir le soutien des citoyens.

9.

Le Parlement européen doit jouer un rôle central dans la définition de la future orientation de l’Europe. En outre, il apparaît fondamentalement nécessaire de promouvoir la participation des parlements nationaux, ainsi que leurs interactions avec le Parlement européen.

10.

Les principaux objectifs doivent être assortis d’un accord entre les États membres en ce qui concerne:

les objectifs, les instruments et les délais communs; le plus important étant la constitution d’un récit commun, reposant sur la cohérence, la transparence, la visibilité et, plus encore, la communication partagée,

une réforme souhaitable du Conseil qui garantisse efficacité et transparence, ainsi qu’une Commission indépendante tant pour les questions qui sont de sa compétence exclusive que pour celles qui relèvent de compétences partagées, tout en mettant l’accent sur la méthode communautaire,

la nécessité de disposer de mécanismes consultatifs ordonnés avec l’ensemble des acteurs, ainsi qu’une mise en œuvre correcte et le respect de l’état de droit.

B.    Politiques

11.

Quelle que soit l’option retenue pour l’avenir de l’Europe, le CESE appelle de ses vœux une Union européenne cohésive et cohérente. De nombreuses politiques actuelles s’inscrivent dans l’approfondissement de l’intégration, un processus à long terme que le CESE soutient pleinement. Sur la quasi-totalité d’entre elles, le CESE a livré très récemment ses commentaires détaillés ainsi que ses propositions pour l’avenir.

12.

Le marché unique avec tous ses aspects économiques et sociaux, et dans le cadre d’un modèle de développement durable, constitue le ciment nécessaire de l’intégration européenne. Il devrait permettre de garantir des conditions de concurrence réellement équitables. Dans le même ordre d’idées, l’UEM a été considérée comme une avancée décisive. Toutefois, en dépit de progrès impressionnants, son architecture reste fragile. L’UEM occupe une place centrale pour les futures évolutions au sein de l’Union; il est donc essentiel de l’approfondir. Le CESE se prononce en faveur d’une avancée progressive vers une union politique accompagnée d’une série de mesures et de dispositions d’ordre macroéconomique et microéconomique, ainsi que d’une dimension sociale affirmée. L’achèvement de l’UEM suppose une véritable gouvernance économique qui comprenne notamment la gestion européenne du secteur financier, des réformes menées en bon ordre dans les États membres concernés, ainsi que des approches partagées à l’égard des politiques du marché du travail. Une meilleure gouvernance doit renforcer les bases d’une plus grande convergence ainsi que de la solidarité au sein de la zone euro. Les services publics extrêmement compétents au sein de l’Union européenne peuvent être utiles à cet égard. La zone euro devrait entamer une coopération plus étroite dans d’autres domaines.

13.

Le CESE souligne également la nécessité d’une gouvernance plus cohérente, d’une intégration plus approfondie ainsi que de l’engagement sans réserve des États membres dans les domaines suivants:

une politique industrielle européenne coordonnée, basée sur l’équité de la concurrence — qui décourage aussi l’évasion fiscale — doit garantir des approches partagées plutôt que nationales qui améliorent les conditions à l’échelle européenne pour renforcer la compétitivité dans le cadre d’une économie sociale de marché où tous les acteurs s’engagent et participent à des dialogues de consensus et à la tâche de faciliter les investissements (programmes) et de soutenir les PME,

l’encouragement d’une convergence sociale ascendante, cohérente avec la convergence économique, en matière d’emploi et de résultats sociaux grâce à la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, tout en respectant les compétences nationales,

une union de l’énergie dotée de la gouvernance idoine, qui est indispensable à un authentique marché commun ainsi qu’à la sécurité énergétique,

une stratégie et un cadre législatif européens résolument tournés vers l’avenir pour lutter contre le changement climatique qui se fondent sur l’accord de Paris et constituent une contribution aux accords internationaux sur le climat, ainsi que la promotion du programme de développement durable à l’horizon 2030 dans le cadre de toutes les politiques de l’Union,

un marché unique numérique en tant qu’élément important de la compétitivité future et qui favorise la création d’emplois de qualité, tout en anticipant les effets de la transformation numérique sur l’emploi et les marchés du travail,

une stratégie paneuropéenne renforcée en matière de technologie, de recherche et d’innovation,

une politique commerciale (multilatérale) qui, dans le cadre de négociations transparentes, devrait assurer l’existence de marchés ouverts ainsi que la durabilité sociale et environnementale, tout en faisant porter également l’accent sur l’égalité dans les échanges commerciaux afin de garantir les intérêts européens dans un monde confronté à une recrudescence des tendances protectionnistes,

une politique européenne pour les consommateurs en tant que politique de citoyenneté.

14.

De l’avis du CESE, il conviendrait de traiter les questions sociales et d’éducation également d’une manière beaucoup plus systématique au niveau de l’Union afin de trouver des solutions convaincantes. Le principe de subsidiarité s’applique le plus souvent aux domaines de la sécurité sociale et de l’éducation, qui ressortissent de ce fait du champ de la législation et des processus décisionnels des États membres, qui prévoient souvent une participation active des partenaires sociaux. Le partage de compétences entre l’Union européenne et les États membres dans les affaires sociales devrait être mieux appliqué. Compte tenu des tensions accrues sur les marchés du travail découlant de la révolution numérique, des faiblesses structurelles des marchés du travail et de la mondialisation, le CESE plaide pour un engagement européen visible avec pour visée de favoriser une plus grande convergence en ce qui concerne certaines conditions sociales et de travail, tout en contribuant à promouvoir la création d’emplois de qualité, une mobilité équitable et un engagement positif de la part des citoyens. Un accent particulier sur les jeunes et le chômage des jeunes est nécessaire. Le rôle des partenaires sociaux, de la société civile au sens large et du dialogue social revêt une importance primordiale.

15.

Davantage de convergence économique et sociale au sein de l’Union européenne s’impose. Il convient toutefois de tenir compte des divergences qui se présentent entre les économies nationales, la culture et les traditions en matière de systèmes sociaux. Le CESE souligne que l’Union ne devrait pas être un spectateur mais qu’elle devrait assumer une responsabilité bien définie. Il est nécessaire de tenir des discussions appropriées entre les partenaires sociaux (et d’autres parties prenantes) avant de pouvoir définir une voie commune à suivre. En outre, le CESE souligne qu’il importe que les directives de l’Union dans le domaine social soient mises en œuvre efficacement par les États membres.

16.

La subsidiarité s’applique également en matière d’éducation. On ne peut toutefois nier que l’avenir social et économique de l’Europe et que l’engagement des citoyens sont étroitement liés à l’actualisation des systèmes d’éducation et de formation à tous les niveaux. L’avenir de la jeune génération dépend considérablement de l’éducation. Les compétences sont essentielles aussi bien pour les jeunes que pour les groupes plus âgés. Par conséquent, l’Union doit participer activement au processus de modernisation en cours. L’éducation joue aussi un rôle important en ce qui concerne la communication sur l’Europe: le CESE souligne la nécessité de disposer d’une information et d’un enseignement adéquats sur l’Union européenne — notamment sur les valeurs et la citoyenneté européennes — dans les écoles primaires et secondaires.

17.

Il convient de rétablir la libre circulation des personnes au sein de l’espace Schengen. Ce qui veut dire, par définition, que les frontières communes doivent être contrôlées plus efficacement. En parallèle, la montée déplorable du terrorisme international, qui inclut des assassinats mais aussi la cybercriminalité, constitue un motif préoccupant d’incertitude parmi les citoyens et doit être combattue. La coopération entre les forces de police et les autorités judiciaires est plus que jamais nécessaire.

18.

Ces domaines sont directement liés à la politique étrangère et au problème urgent que posent les États défaillants et les guerres civiles dans le voisinage de l’Europe, ainsi que les flux migratoires qui en résultent et qui relèguent actuellement au second plan toutes les autres affaires européennes. Le CESE se prononce vivement en faveur d’une politique commune en matière de migration qui accorde une protection aux réfugiés conformément au droit international, d’un régime d’asile commun, d’une action visant à combattre la migration clandestine et la traite des êtres humains ainsi que de la promotion de voies légales d’accès à l’Union. Dans le même contexte, l’Union doit mettre en place des partenariats adaptés avec les pays voisins, et en particulier, il conviendrait qu’elle relance une réelle politique euro-méditerranéenne.

19.

Plus que jamais depuis 1945, l’Europe doit relever le défi de prendre son propre destin en main. Tant les relations au sein de l’OTAN et avec les États-Unis, que la gestion européenne commune et efficace des problèmes surgissant dans le voisinage de l’Union européenne appellent un approfondissement urgent de la politique étrangère et de sécurité commune européenne dont dépendra nécessairement la capacité de garantir la sécurité, aussi bien intérieure qu’extérieure.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Par la présente résolution, que le Comité économique et social européen a adopté lors de sa session plénière du 5 juillet 2017, le CESE fait suite à la demande que lui a adressée le 4 avril 2017 M. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, afin d’exposer les vues et les priorités de la société civile organisée européenne quant aux évolutions futures de l’Union européenne, en se fondant sur le livre blanc sur l’avenir de l’Union européenne.

(2)  Voir le livre blanc sur l’avenir de l’Europe, mars 2017.

(3)  Déclaration des dirigeants de 27 États membres et du Conseil européen, du Parlement européen et de la Commission européenne du 25 mars 2017:

http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2017/03/25-rome-declaration/


AVIS

Comité économique et social européen

527e session plénière du CESE des 5 et 6 juillet 2017

13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/15


Avis du Comité économique et social européen sur «Améliorer l’efficacité des politiques de l’Union européenne en faveur des PME»

(avis d’initiative)

(2017/C 345/03)

Rapporteure:

Mme Milena ANGELOVA

Décision de l’assemblée plénière

21 janvier 2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

7 juin 2017

Adoption en session plénière

6 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

157/1/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE salue le fait que les PME soient reconnues comme étant au cœur des politiques économiques de l’Union européenne. Il apprécie qu’au cours de la dernière décennie, un grand nombre de législations aient été adoptées et des fonds considérables alloués en vue de les soutenir. Le Comité partage toutefois l’avis fréquemment exprimé par la communauté des PME dénonçant le fait que tant la formulation que la mise en œuvre des politiques en leur faveur présentent toujours d’importantes lacunes qui réduisent considérablement l’incidence des mesures d’aide.

1.2.

Des études récentes (1) du CESE ont mis en évidence que les politiques européennes en faveur des PME et les mécanismes de soutien en vigueur considèrent les nombreuses PME que compte l’Europe comme un groupe homogène, sans malheureusement faire de distinction entre les besoins différents des multiples sous-groupes d’entreprises relevant de la définition des PME. Les exemples de mécanismes de soutien «sur mesure» sont plutôt rares. Le recours à une approche uniforme pour développer les politiques européennes en faveur des PME pose un problème crucial qui empêche ces politiques d’atteindre pleinement les effets recherchés sur ces entreprises (2). Par conséquent, il est vivement recommandé de mieux «vendre» les politiques en faveur des PME et de cibler plus précisément leurs besoins spécifiques, parallèlement à l’organisation prochaine d’une consultation publique sur la pertinence de la définition des PME.

1.3.

Le CESE met en garde contre le fait que les politiques européennes en faveur des PME et les mécanismes de soutien en vigueur se caractérisent toujours par une approche bureaucratique et des règles administratives complexes, en dépit des efforts constants consentis au niveau de l’Union européenne pour réduire au minimum la charge administrative. Les PME européennes ont souvent le sentiment que les fonctionnaires responsables n’ont aucune idée de la manière dont leur entreprise fonctionne réellement. La majorité des mécanismes de soutien de l’Union européenne ne semblent pas en mesure de répondre à la nécessité impérieuse pour les PME de disposer rapidement de solutions claires et efficaces.

1.4.

Le CESE est préoccupé par le fait que la plupart des PME — principalement les petites et micro-entreprises — ne sont pas au courant de l’existence de ces outils et réseaux de soutien, en raison d’un déficit de communication. Ce problème pourrait être résolu en intensifiant les efforts de sensibilisation, en prévoyant des soutiens supplémentaires qui permettront à plus de PME d’accéder aux informations pertinentes, en veillant à un engagement accru des organismes officiels auprès des intermédiaires locaux majeurs, spécialisés dans la collaboration avec les PME au niveau national et régional (organisations patronales et associations de PME, chambres de commerce), et en assurant un soutien plus convivial, adapté aux besoins des entreprises. La plupart des instruments disponibles sont trop complexes, imprécis et bureaucratiques dans leur conception et leur contenu pour répondre aux besoins des PME. Pour remédier à ce problème, le CESE demande instamment à la Commission européenne et aux États membres de tirer le meilleur parti du semestre européen, d’appliquer systématiquement et partout le principe de partenariat (3) et de prévoir l’implication obligatoire des organisations représentatives des PME des niveaux européen, national et régional dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des politiques en faveur des PME et des mesures visant à les soutenir. Les recommandations par pays devraient mettre l’accent de façon systématique sur les politiques de soutien aux PME, afin de garantir leur formulation pertinente, leur mise en œuvre efficace, et les mesures qualitatives et quantitatives de leurs résultats.

1.5.

Le CESE déplore que le suivi des progrès réalisés dans le cadre des politiques européennes en faveur des PME demeure fragmenté. Si les activités économiques des PME sont enregistrées de manière exhaustive, l’impact des mécanismes d’aide européens sur ces activités et la mesure dans laquelle les évolutions dans le développement des PME peuvent être attribuées à ces mécanismes ne le sont pas. L’information disponible est essentiellement quantitative et n’apporte pas d’élément qualitatif; pour cette raison, elle ne peut servir de base à une évaluation correcte de l’efficacité et de l’efficience des politiques et des outils de soutien (4).

1.6.

Comme il l’avait déjà fait dans des avis antérieurs, le CESE exprime à nouveau sa préoccupation quant au fait que la mise en œuvre du «Small Business Act» (SBA) pour l’Europe est loin d’être achevée (5). Les réalisations sont inégales d’un domaine à l’autre et les performances les moins bonnes sont enregistrées dans les domaines de l’entrepreneuriat, du marché unique et de l’accès au financement. Les compétences et l’innovation, de même que les marchés publics, se sont en fait détériorés depuis 2008 (6). Clairement, les États membres devraient être encouragés à adopter des mesures adéquates et à mettre en œuvre le «Small Business Act» dans le cadre de la conception et de la mise en œuvre des politiques et de la législation ayant un impact sur les PME.

1.7.

Recommandations spécifiques

1.7.1.

Les politiques européennes en faveur des PME devraient reconnaître l’hétérogénéité et la diversité des PME européennes. Elles devraient se pencher sur les besoins spécifiques des microentreprises, des entreprises familiales et «traditionnelles», des entreprises sociales, des professions libérales, des indépendants et de tout autre sous-groupe particulier au statut légal et au modèle de fonctionnement très différents, de manière à pouvoir proposer un ensemble de mesures politiques adéquates pour promouvoir leur croissance.

1.7.2.

Le CESE propose que la Commission européenne évalue si la définition actuelle des PME correspond à l’hétérogénéité, la dynamique sectorielle, les spécificités et la diversité qui les ont caractérisées au cours de la dernière décennie (7). Le CESE plaide pour une politique horizontale visible, coordonnée et cohérente pour les PME, fondée sur un plan d’action pluriannuel.

1.7.3.

Les mécanismes européens d’aide aux PME devraient parler le langage des entreprises pour être plus en phase avec leur propre finalité, à savoir promouvoir la croissance et l’emploi. Pour résoudre le problème soulevé de la complexité excessive des mécanismes d’aide, il importe de rechercher aide et conseils auprès des organisations de PME qui connaissent au mieux les besoins des PME, pour que les politiques européennes en faveur de ces entreprises parlent leur langue. À cet égard, on peut noter qu’à l’heure actuelle, les PME voient dans les partenaires sociaux nationaux des acteurs jouant un rôle positif significatif, sur lesquels elles peuvent compter pour transmettre leurs points de vue concernant la manière d’améliorer les politiques de promotion des PME, et demandent qu’ils soient associés plus activement à l’élaboration des PNR. Leur rôle devrait donc être renforcé, comme celui des associations de PME, des chambres de commerce et d’industrie et d’autres organisations intermédiaires des PME.

1.7.4.

Les politiques européennes en faveur des PME devraient déployer davantage d’efforts pour informer celles-ci — surtout leurs sous-groupes les plus vulnérables, comme les mono- et microentreprises, les entreprises traditionnelles au faible potentiel d’innovation, celles qui sont situées dans des régions reculées, etc. (8) — concernant les soutiens disponibles. Il y a lieu de maintenir et de faire connaître les principaux réseaux de soutien, et de les rendre plus conviviaux et complets pour les PME. La Commission devrait étudier attentivement les possibilités d’assurer la coordination des réseaux d’aide existants dans le cadre d’un seul système de guichets uniques respectueux de la situation dans chaque État membre.

1.7.5.

Il est essentiel de mettre en place un partenariat multipartite solide — plateformes de PME — avec les partenaires sociaux et les parties prenantes publiques et privées qui s’occupent des problèmes des PME au niveau national et régional. Renforcer les échanges avec les organisations de PME, qui connaissent au mieux les besoins des PME, en particulier au niveau national et régional, revêt une importance cruciale pour pallier le manque de communication entre les PME et les mécanismes européens de soutien. Cela pourrait aussi déboucher sur la création d’un nouveau canal efficace pour aller au-devant des PME, qui s’appuierait sur les branches locales des organisations patronales, les chambres de commerce et d’économie, les associations de PME et les organisations professionnelles/sectorielles en tant qu’intermédiaires de première importance pour faire connaître à ces entreprises les mécanismes de soutien existants et leur permettre d’y avoir accès.

1.7.6.

Les PME obtiennent les meilleurs résultats en la matière lorsque les collectivités locales coopèrent avec les organisations qui les représentent dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques. La tendance actuelle, qui voit la médiation organisée principalement autour des banques, n’est pas la meilleure option. Les banques devraient être des intermédiaires financiers, mais s’agissant de tous les autres aspects (formulation des politiques, information, promotion, etc.), les organisations représentatives des PME sont des interlocuteurs plus appropriés. Par conséquent, le CESE invite la Commission européenne à concevoir des mesures qui soutiennent les organisations de PME dans la mise en œuvre des politiques en faveur de ces entreprises et la diffusion des informations pertinentes pour elles, notamment en leur octroyant une aide financière.

1.7.7.

Le CESE plaide pour que le «Small Business Act» (SBA) et les deux principes qu’il établit — «penser aux petits d’abord» et «une fois seulement» — deviennent juridiquement contraignants. Toutefois, l’application du principe «une fois seulement» ne doit pas entraver la vérification par le pays d’accueil des exigences juridiques et professionnelles nécessaires à l’exercice d’activités commerciales. Le principe de partenariat devrait être étendu à toutes les procédures législatives ayant une incidence directe ou indirecte sur les PME. Concrètement, l’organisation de réunions annuelles des plateformes de PME au niveau de l’Union européenne et des États membres est vivement recommandée.

2.   Les PME au cœur des politiques économiques dans l’Union européenne

2.1.

Les politiques européennes d’aide aux PME (9) sont indispensables du fait que, contrairement à leurs homologues dans d’autres parties du monde, les PME européennes sont tenues de se conformer à la fois aux réglementations nationales et aux réglementations européennes, lesquelles sont souvent décidées sans véritable consultation de leurs organisations représentatives, en contradiction avec l’approche «penser aux petits d’abord». Il découle de cette obligation que les coûts comme l’effort nécessaire pour faire des affaires augmentent considérablement, alors que les ressources tant humaines que techniques des PME sont limitées.

2.2.

En 2008, la Commission européenne a lancé les principes «penser aux petits d’abord» et «une fois seulement», une étape décisive en faveur de la promotion de la compétitivité et de l’amélioration du climat des affaires pour les 23 millions de PME en Europe (10). Le CESE a apporté son franc soutien à cette démarche (11), mais attire l’attention sur le fait que si le SBA n’est pas juridiquement contraignant et si tous les niveaux de gouvernance — UE, États membres et régions — ne sont pas obligés de l’appliquer, il restera une simple déclaration politique.

2.3.

La mise en œuvre du SBA a fait l’objet d’une évaluation et d’une mise à jour en 2011 (12) mais les conclusions relatives à son impact réel ont plutôt mis en évidence des réticences et la nécessité de déployer davantage d’efforts (13). À plusieurs reprises, le CESE a avancé des propositions visant à améliorer l’efficacité des politiques en faveur des PME (14). À l’heure actuelle, les PME sont concernées par l’ensemble des politiques de l’Union et requièrent donc qu’une politique véritablement horizontale, visible, coordonnée et cohérente soit élaborée et mise en œuvre d’une manière effective et efficiente (15).

2.4.

Les politiques en faveur des PME ne prennent pas en considération les besoins distincts de différentes catégories de PME. Pour rendre leur élaboration et leur mise en œuvre plus efficaces, un effort considérable de sensibilisation est nécessaire afin de distinguer plus précisément leurs bénéficiaires ainsi que de cibler et d’adapter les solutions proposées à leurs besoins spécifiques. Les critères de segmentation pourraient être fondés non seulement sur la taille (ainsi, en règle générale, plus une entreprise sera petite, plus son accès aux financements sera difficile et plus elle aura besoin de conseils, d’accompagnement et de tutorat), mais aussi sur le lieu d’implantation (grande ou petite ville, zones rurales reculées), la phase du cycle de vie (jeune pousse, entreprise en expansion), le secteur (industriel, commercial, agricole, touristique, etc.), etc.

2.5.

Des travaux préparatoires substantiels ont déjà été réalisés en vue de la révision du SBA. Le programme REFIT a entrepris de procéder aux indispensables améliorations du cadre législatif européen et de réduire les entraves administratives. Au fil des ans, le volume d’actes législatifs européens a augmenté pour atteindre aujourd’hui le nombre de 19 875 documents (16). Parmi ceux-ci, 1 527 contiennent des dispositions liées aux PME, qui concernent principalement les domaines suivants: aides d’État (343), concurrence (293), marché intérieur (217), recherche et développement technologique (133) et budget (117).

2.6.

De récentes études du CESE ont mis en évidence qu’en dépit des nombreuses initiatives qui ont été lancées, une refonte majeure des politiques européennes en faveur des PME s’impose afin de diversifier les mesures de soutien, de simplifier les règles applicables et d’optimiser la communication et la collaboration avec les PME et leurs organisations de manière à pouvoir répondre efficacement aux besoins variés et divers de ces entreprises. Le rôle des régions et des territoires dans la mise en œuvre des politiques et de la législation de l’Union européenne, notamment celles qui ont un impact sur les PME, augmente considérablement (17).

3.   Politiques d’aide aux PME — Défis et opportunités

3.1.

Les PME font face à des défis de plus en plus conséquents de natures diverses:

une concurrence toujours plus intense et des marchés qui se mondialisent,

de nouveaux modèles d’entreprise résultant du développement des nouvelles technologies, comme la généralisation du numérique (Industrie 4.0), l’économie circulaire et l’économie du partage,

la pénurie de main-d’œuvre compétente et qualifiée résultant de la crise démographique en Europe, du vieillissement de la population et des migrations.

3.2.

Les PME forment un groupe plutôt hétérogène et divers. On peut les distinguer sur la base de leur taille, de la phase de leur cycle de vie, du lieu de leur implantation, de leur type de propriété, de leur secteur d’activité, etc. et leurs besoins en termes d’aide dépendent beaucoup du sous-segment auquel elles appartiennent. Les «monoentrepreneurs», qui représentent près de 50 % des PME et sont pratiquement exclus de la portée des mesures de soutien, constituent un groupe à part qui requiert un traitement spécifique. Si l’on veut aider ce groupe particulièrement vulnérable de PME à déployer ses activités et à prospérer, il convient de traiter de manière appropriée la question des faux indépendants.

3.3.

Dans ce contexte, formuler des politiques de promotion fondées sur la seule taille des entreprises bénéficiaires pourrait s’avérer dépassé et trop largement ciblé, et ne pas prendre en compte les besoins différents des différents groupes de PME. Dans ses avis, le CESE n’a cessé de souligner l’importance d’élaborer, en Europe, des politiques de promotion des PME mieux ciblées et plus précises (18), ainsi que la nécessité de revoir la définition des PME afin de refléter plus justement la variété qui les caractérise et les différences entre les États membres (19). Le CESE invite la Commission européenne à lancer une consultation sur la définition des PME, qui devrait comprendre une estimation de la manière dont cette définition s’applique lors de la mise en œuvre des mesures de la politique en faveur des PME pour les microentreprises et les petites et moyennes entreprises.

3.4.    Adéquation des instruments de soutien aux besoins des PME

3.4.1.

Il convient d’évaluer les instruments de soutien aux PME en examinant leur impact réel sur l’amélioration de la situation de ces entreprises et si elles respectent, en particulier, les principes énoncés dans le SBA. Le CESE considère qu’il est nécessaire de procéder à une analyse qualitative approfondie de l’efficacité et de l’efficience de l’investissement des fonds européens, et estime que les États membres devraient redoubler d’effort dans la mise en œuvre au niveau national et régional des principes «penser aux petits d’abord» et «une fois seulement», qui devraient être obligatoires à tous les niveaux (20).

3.4.2.

Le principe «penser aux petits d’abord» et les principes du SBA ne sont pas explicitement mentionnés dans le Plan Juncker. On les trouve dans une certaine mesure dans les programmes Horizon 2020 et COSME, mais il conviendrait de veiller à ce qu’ils soient mieux mis en œuvre dans la pratique. Le CESE invite les décideurs européens à tenir compte des principes du SBA dans tous les textes législatifs de l’Union susceptibles d’avoir un impact direct ou indirect sur les PME.

3.4.3.

Le coût du crédit et les frais de construction et de location ont baissé au cours des dernières années. Si cette évolution, associée à quelques nouveaux instruments ciblés, crée de bonnes opportunités pour les jeunes entreprises, le soutien apporté aux entreprises dans leur phase d’expansion (scale-up) demeure largement insuffisant. À cet égard, le CESE se félicite de la nouvelle initiative de la Commission européenne visant à s’attaquer à ce problème (21).

3.4.4.

Si les prêts bancaires restent la principale source de financement pour les PME, l’accès au financement bancaire demeure difficile pour de nombreuses PME, à cause de la faiblesse des bilans des établissements bancaires, de l’absence de mécanisme de transmission de la politique monétaire de la BCE dans certains pays, et des obstacles relativement élevés découlant des exigences en matière de garanties. Le financement par les marchés, par le biais des fonds de placement privés, du capital-risque, de l’émission d’obligations, d’instruments de fonds propres sur les segments de marché spécialisés ou encore du financement participatif, joue un rôle de plus en plus important mais la plupart des PME ne sont toujours pas préparées pour exploiter ces possibilités (22). Elles devraient bénéficier d’orientations appropriées concernant le calendrier et recevoir les informations détaillées et le soutien nécessaire pour être en mesure d’envisager ces possibilités. L’enquête du CESE révèle qu’une proportion extrêmement élevée de PME n’ont pas connaissance de l’existence des possibilités de soutien qu’offrent les programmes de subventions des Fonds ESI, ni de la possibilité d’accéder au financement via les fonds d’investissement soutenus par des fonds européens.

3.4.5.

Un examen ponctuel indique que les objectifs et les priorités des instruments de soutien ne correspondent pas toujours aux besoins prioritaires des PME (23), notamment à cause du refus de reconnaître les différences significatives qui existent toujours entre les États membres. Ainsi, l’accès aux nouveaux marchés est identifié essentiellement par des entreprises du Sud de l’Europe comme le plus grand défi pour les PME, tandis que la plupart des aides visant à améliorer l’accès aux marchés, et notamment aux marchés internationaux, est perçue par des entreprises du Nord de l’Europe. Cela démontre clairement que les besoins des PME sont foncièrement différents au niveau national, ce qui amène à s’interroger sur la nécessité éventuelle de concevoir des instruments paneuropéens plus détaillés. Ce point de vue est également pleinement approuvé dans le rapport annuel 2014/2015 sur les PME européennes (24), qui souligne que le groupe de pays enregistrant les scores les plus faibles est essentiellement constitué de pays d’Europe méridionale. Ces pays rapportent des taux de succès des projets extrêmement faibles, y compris dans le volet PME d’Horizon 2020 (25).

3.4.6.

Les grands espoirs placés dans la fonction de «représentant des PME» s’avèrent malheureusement toujours injustifiés à ce jour. Dans le monde des PME, ils sont peu nombreux à savoir qui occupe cette fonction dans leur pays. La plupart des PME estiment que le représentant des PME assume une fonction purement protocolaire et honorifique, et que son rôle n’est pas lié à de véritables mesures de promotion des PME. Alors que l’objectif principal de ce réseau est de servir d’interface entre la Commission européenne et les organismes nationaux, et de promouvoir efficacement les intérêts des PME au sein de ces organismes et dans la législation nationale, les PME en attendent de véritables conseils et des informations concernant les politiques de l’Union européenne en coopération avec les organisations de PME.

3.4.7.

La promotion de l’entrepreneuriat passe par la mise en place de conditions favorables dans le but d’augmenter la proportion des jeunes pousses et des nouvelles entreprises qui survivent et réussissent, par le soutien aux nouvelles entreprises afin de leur permettre de renforcer leur compétitivité et de croître plus rapidement et plus efficacement, et par l’amélioration des procédures d’insolvabilité ainsi que le développement et le renforcement de la transmission d’entreprises (26). Si beaucoup d’efforts ont déjà été déployés pour simplifier la technologie et les procédures d’enregistrement dans l’Union européenne, il reste encore beaucoup à faire pour atteindre les deux autres objectifs. Selon les estimations, l’application du principe de la seconde chance donne les plus mauvais résultats dans tous les États membres, et la Commission européenne elle-même n’attribue pas de marché aux entrepreneurs en situation d’échec.

3.4.8.

De plus, les procédures de liquidation (tant en cas d’insolvabilité qu’en cas de liquidation volontaire) mais aussi de restructuration et de succession sont complexes d’un point de vue purement procédural dans de nombreux pays. Le CESE insiste sur la nécessité de simplifier et d’harmoniser la législation en matière d’insolvabilité (27).

3.4.9.

L’audition publique et les études récentes du CESE ont également apporté un important éclairage sur les enjeux majeurs pour les PME européennes dans tous les principaux domaines prioritaires:

3.4.9.1.   Réduction des charges/simplification:

le nombre d’exemptions/initiatives de simplification liées aux PME mises en place en vertu du programme REFIT est limité,

le fait que la définition des PME soit obsolète demeure ignoré et sans suite,

n’étant toujours pas obligatoire, le test d’incidence sur les PME n’est appliqué que partiellement et de manière inégale par les États membres,

les consultations publiques relatives aux analyses d’impact et aux feuilles de route sont entravées par une approche institutionnelle bureaucratique et par le fait qu’elles ne sont pas accessibles dans toutes les langues de l’Union européenne,

toutes les PME pointent du doigt la corruption et l’inefficacité de l’administration publique comme étant des problèmes graves qui affectent très négativement leurs affaires,

les retards de paiement par les administrations publiques et les clients importants demeurent une tendance invalidante dans certains États membres, malgré l’introduction d’exigences plus strictes dans le cadre de la révision de la directive sur les retards de paiement (28).

3.4.9.2.   Promotion de l’esprit d’entreprise:

l’éducation à l’esprit d’entreprise n’est toujours pas intégrée de manière systématique dans la plupart des systèmes éducatifs des États membres,

la formation des enseignants à l’entrepreneuriat est sporadique et se déroule principalement sur la base de projets individuels, il n’existe que peu d’initiatives transeuropéennes dans ce domaine (29),

les programmes consacrés à l’entrepreneuriat destinés aux jeunes, bien que couronnés de succès, menacent de dévier de leur objectif initial de promotion de l’esprit d’entreprise,

les campagnes promotionnelles telles que la Semaine européenne des PME n’ont qu’un impact limité pour ce qui est d’inciter les participants à envisager sérieusement de devenir entrepreneurs,

les coûts de démarrage sont toujours trois fois supérieurs à la valeur de référence définie.

3.4.9.3.   Amélioration de l’accès aux marchés et à l’internationalisation:

le marché unique n’est toujours pas achevé, ce qui entrave l’accès des PME aux marchés, y compris dans le cadre de la prestation transfrontalière de services,

les procédures administratives compliquées et les coûts de livraison élevés pour les exportations et les importations,

l’absence d’approche sur mesure dans les mécanismes de soutien à l’internationalisation destinés aux PME,

les normes et DPI demeurent peu attrayants pour les PME, principalement parce que leurs avantages ne font pas l’objet d’une bonne communication, et parce que les coûts sont trop élevés et les règles trop compliquées.

3.4.9.4.   Un accès plus facile au financement:

le modèle de financement type est le prêt bancaire, suivi — de loin — par les subventions et soutenu par des instruments financiers,

les subventions ne sont pas déterminées par le marché ni adaptées aux sous-groupes spécifiques de PME, et leur orientation politique correspond rarement aux besoins de ces dernières,

si les instruments financiers sont mieux indiqués pour répondre aux besoins immédiats des PME en fonds de roulement, il s’avère malheureusement qu’une proportion très faible des PME est bien informée à leur sujet, que les approches sur mesure concernant leur application restent rares, que leur mise à disposition dépend fortement de la collaboration effective entre les institutions financières, les intermédiaires et les bénéficiaires finaux, et que les données et les analyses concernant leur impact réel font défaut; des complémentarités et synergies renforcées sont nécessaires entre les instruments existants et les acteurs des niveaux régional, national et supranational. Il convient notamment de promouvoir des instruments financiers plus efficaces, comme par exemple les contre-garanties,

en dépit des progrès considérables réalisés dans la mise en place de canaux de financement hors prêt innovants comme par exemple le capital-investissement ou le capital-risque, ils demeurent relativement peu développés dans la majorité des États membres (30),

une partie substantielle des PME est réticente à l’idée d’entamer les démarches nécessaires pour bénéficier des instruments financiers des programmes européens, parce que «obtenir un financement semble trop compliqué».

3.4.9.5.   Soutien à la compétitivité et à l’innovation:

bien qu’Horizon 2020 prévoie un financement spécifique pour les PME, la stratégie n’est pas en mesure de résoudre tous les problèmes rencontrés par les PME qui souhaitent accéder au financement à risque pour l’innovation et le nombre de projets en provenance des États membres dont l’adhésion est plus récente est malheureusement peu élevé,

l’intérêt des PME pour le programme demeure insuffisant, à cause de règles d’éligibilité et d’application laborieuses et injustes,

les règles en vigueur sont susceptibles de décourager les PME de participer à des consortiums viables pour la mise en œuvre des projets d’innovation,

le coût que représente pour les PME la candidature relative aux outils non contraignants conçus par la Commission européenne (31) reste relativement élevé et seul un nombre limité d’entreprises peut y avoir recours.

3.4.9.6.   Mise en place de réseaux de soutien majeurs:

la qualité des informations fournies n’est toujours pas conforme aux attentes,

la structure, le contenu et la présentation ne sont pas très conviviaux,

l’approche en matière de diffusion de l’information est souvent bureaucratique,

la barrière de la langue pose souvent problème, les informations étant généralement fournies en anglais.

3.5.    Cohérence des politiques

3.5.1.

Pour être cohérentes, les politiques de promotion des PME doivent prendre en compte la diversité des PME, ce qui passe par la collecte de microdonnées et d’analyses au niveau microéconomique. La compréhension des différents besoins des PME en conformité avec leurs caractéristiques propres ne pourra être améliorée que de cette manière.

3.5.2.

À l’heure actuelle, les marchés bancaire et des capitaux demeurent fragmentés. Le projet d’union des marchés des capitaux (UMC), lancé pour apporter une solution à ce problème, ne pourra se concrétiser que s’il est cohérent avec d’autres politiques de soutien aux PME. La connaissance et la compréhension limitées qu’ont la plupart des PME des différents instruments financiers constituent une entrave au développement de l’UMC. Pour cette raison, l’aide aux PME devrait inclure la mise en place d’une approche à long terme et durable du financement et la promotion d’une compréhension des différents instruments, des possibilités de complémentarité et des avantages et risques liés à ces divers instruments.

3.5.3.

Le plus souvent, les relations entre les propriétaires, les cadres et les travailleurs des PME sont plus étroites que dans les grandes entreprises et le dialogue social, en ce qu’il jette les bases favorisant des emplois de qualité ainsi que l’engagement et la motivation des travailleurs, donne lieu à une situation gagnant-gagnant. Afin de permettre à toutes les parties prenantes de tirer avantage d’une telle situation et d’améliorer l’accumulation de capital social au sein des PME, il y a lieu d’apporter un soutien systématique aux PME de manière à les sensibiliser à l’importance du dialogue social, à la santé et la sécurité, aux conditions de travail, aux formes innovantes d’organisation du travail, à la formation en milieu professionnel et au développement des compétences. À cet égard, le rôle des partenaires sociaux et des ONG est indispensable.

3.6.    Recommandations spécifiques concernant les domaines prioritaires pour les politiques européennes en faveur des PMEBisous

3.6.1.   Réduction des charges/simplification:

éviter la surréglementation en veillant à ce que la législation européenne soit traduite plus clairement, en mettant en place des systèmes permettant de résoudre les litiges et les problèmes d’interprétation erronée de ces textes, et rédigeant des notes plus conviviales pour les PME et un vade-mecum résumant et expliquant les informations pertinentes pour celles-ci,

rendre obligatoire le test d’incidence sur les PME pour les nouvelles propositions législatives et garantir son application efficace par tous les États membres et systématique dans l’ensemble des services de la Commission européenne (32),

veiller à associer davantage et de manière structurée les PME et leurs organisations aux analyses d’impact de la nouvelle législation en simplifiant leur format et leur contenu, s’assurer que les informations soient disponibles dans toutes les langues de l’Union européenne et évaluer l’impact sur les différents groupes de PME,

procéder régulièrement à un bilan de qualité complet de la législation européenne relative aux politiques de l’Union européenne,

associer plus efficacement (de manière obligatoire), en qualité de partenaires, les organisations nationales et régionales de PME au débat interinstitutionnel sur la nouvelle législation relative aux PME,

assurer un suivi efficace des résultats en matière de réduction des charges pour les PME dans le cadre du programme REFIT.

3.6.2.   Promotion de l’esprit d’entreprise:

soutenir les actions des organisations représentant les PME au niveau européen, national et régional dans le cadre de la diffusion d’informations et de l’organisation de formations et d’un accompagnement/tutorat pour les entreprises,

enrichir les outils existants contribuant à renforcer l’esprit d’entreprise parmi les jeunes et s’assurer que les programmes de soutien demeurent focalisés sur le développement des principales compétences entrepreneuriales,

introduire l’éducation à esprit d’entreprise dans les programmes à tous les niveaux d’éducation (33),

simplifier et réduire encore les coûts des procédures de démarrage, faciliter l’accès aux financements et motiver davantage de personnes à développer leurs initiatives entrepreneuriales,

prévoir des procédures de transmission et de liquidation simples et accessibles ainsi que des possibilités de seconde chance.

3.6.3.   Amélioration de l’accès aux marchés et à l’internationalisation:

optimiser le fonctionnement du marché unique afin d’éviter la surrèglementation, la non-application et d’autres pratiques des États membres qui faussent la concurrence sans limiter les droits des travailleurs et des consommateurs,

accroître la visibilité des réseaux d’aide à l’internationalisation existants en améliorant la collaboration avec les organisations de PME au niveau national et régional,

mettre en place des outils qui aideront les PME à participer à des expositions, des conventions et des foires à l’étranger,

encourager la création de grappes sectorielles régionales et nationales de PME munies d’un certificat de qualité garantie,

réduire encore les coûts liés aux normes et aux DPI pour les PME et promouvoir leurs avantages sur le plan de la compétitivité.

3.6.4.   Faciliter l’accès des PME au financement:

réduire les formalités, le suivi et le contrôle au strict minimum nécessaire — mise en œuvre obligatoire du principe «une fois seulement», utilisation de formulaires électroniques, simplification de l’application des règles de minimis,

concevoir des programmes fondés sur des subventions destinés aux PME sur la base d’une évaluation approfondie des besoins, éviter la pratique préjudiciable qui consiste à mettre en œuvre des projets uniquement pour obtenir un financement non-remboursable, sans aucune stratégie de développement commercial,

renforcer la collaboration entre le FEI, les intermédiaires financiers et les organisations de PME dans le but de concevoir des instruments financiers hautement efficaces qui répondent aux besoins des PME en fonds de roulement, prêts et garanties, et procéder à l’évaluation des effets produits au moyen d’indicateurs quantitatifs,

établir un éventail complet et diversifié de mesures de soutien innovantes et adaptées de manière à aider efficacement le groupe hétérogène des PME (34),

fournir une aide aux PME prêtes à émettre des obligations et des instruments de capitaux propres sur les segments spécialisés du marché,

doter la facilité «garantie des prêts» du programme de l’Union européenne pour la compétitivité des entreprises et les petites et moyennes entreprises (programme COSME) des moyens adéquats pour atteindre les buts recherchés, compte tenu de l’incidence financière du Brexit,

explorer les moyens de renforcer les canaux de financement hors prêt innovants comme le capital-investissement, le capital-risque, les investisseurs providentiels et le financement participatif, et une utilisation efficace de l’aide aux institutions de garantie.

3.6.5.   Soutien à la compétitivité et à l’innovation:

fournir des outils pour améliorer l’accès des PME au capital-risque pour l’introduction des innovations sur le marché,

soutenir la coopération entre les PME et les établissements de recherche et d’enseignement, et faciliter l’échange d’informations entre eux,

mettre en place des conditions favorables à l’établissement de consortiums viables au sein desquels les PME et leurs idées novatrices fondées sur le marché joueront un rôle central,

soutenir la compétitivité des PME au moyen d’un accompagnement/tutorat dans le but de renforcer les capacités et l’assistance technique, diffuser les meilleures pratiques et favoriser la coopération entre organisations de PME.

3.6.6.   Mise en place de réseaux de soutien majeurs:

promouvoir les organisations de PME européennes, nationales et régionale comme le principal «centre de gravité» en développant des stratégies pour leur permettre de renforcer leurs capacités, en mettant en œuvre le principe de la gouvernance à plusieurs niveaux et multifactorielle aux niveaux européen, national et régional et en les appliquant dans le cadre du processus législatif,

envisager de créer un portail unique pour l’ensemble des initiatives de soutien destinées aux PME, dont la présentation serait claire et conviviale, avec un contenu numérique enrichi et des restrictions limitées et dans un langage compréhensible.

3.6.7.   Développement des compétences professionnelles adéquates:

adapter les systèmes de formation professionnelle aux besoins des marchés du travail; créer des mécanismes de suivi et de prévision de ces besoins,

renforcer le soutien aux États membres afin de faciliter la participation des PME à des programmes d’apprentissage,

soutenir les programmes de formation de courte durée; encourager la coopération entre les organisations patronales et les établissements d’enseignement.

Bruxelles, le 6 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Étude du CESE sur l’«Évaluation de l’efficacité des politiques de l’Union européenne en faveur des PME pour la période 2007-2015» (janvier 2017) et étude du CESE intitulée «Accès au financement pour les PME et les entreprises de capitalisation moyenne au cours de la période 2014-2020: opportunités et défis» (mai 2015), ci-après «les études du CESE».

(2)  Le mécanisme de garantie de prêts et tous les instruments financiers COSME constituent de bons exemples de mécanismes de soutien «sur mesure».

(3)  En vertu de l’article 5 du règlement (UE) no 1303/2013, développé plus avant dans le règlement (UE) no 240/2014.

(4)  http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/docgener/evaluation/pdf/expost2013/wp2_final_en.pdf, p. 31.

(5)  JO C 229 du 31.7.2012, p. 49; JO C 181 du 21.6.2012, p. 125.

(6)  Fiche technique SBA 2016. Profil SBA. Performances mesurées au moyen des indicateurs SBA.

(7)  Ainsi, aux États-Unis, les critères de l’Administration des petites entreprises sont fondés non seulement sur la structure de propriété, les revenus et le nombre de salariés, mais également sur l’activité économique de l’entreprise. Cela facilite la mise en œuvre de politiques industrielles pertinentes.

(8)  Les diverses dimensions des PME sont très bien décrites dans le rapport suivant http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/docgener/evaluation/pdf/expost2013/wp2_final_en.pdf, p. 20.

(9)  Charte européenne des petites entreprises (2000).

(10)  COM(2008) 394 final.

(11)  JO C 27 du 3.2.2009, p. 7; JO C 224 du 30.8.2008, p. 32; JO C 182 du 4.8.2009, p. 30.

(12)  COM(2011) 78 final.

(13)  JO C 376 du 22.12.2011, p. 51.

(14)  JO C 229 du 31.7.2012, p. 49; JO C 181 du 21.6.2012, p. 125.

(15)  http://www.eesc.europa.eu/resources/docs/final-joint-declaration---horizontal-sme-policy.pdf

(16)  Accords, directives, règlements et décisions.

(17)  Le Comité européen des régions estime que plus de 85 % de la législation européenne est appliquée au niveau territorial.

(18)  ECO/372, rapport d’information non publié au JO (JO C 13 du 15.1.2016, p. 8; JO C 383 du 17.11.2015, p. 64).

(19)  La définition commune des PME figure dans la recommandation 2003/361 de l’Union européenne. Une autre définition des PME figure dans la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 et dans la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 (JO C 383 du 17.11.2015, p. 64).

(20)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 94.

(21)  http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=COM:2016:733:FIN

(22)  JO C 388 du 31.12.1994, p. 14.

(23)  L’enquête a été réalisée par des membres du CESE, de l’UEAPME, du CEEP et de la BICA entre avril et mai 2016. Les résultats ont été analysés et, dans ce cadre, les États membres ont été répartis en deux groupes sur la base de la classification utilisée dans «Industrie 4.0.». «The new industrial revolution. How Europe will succeed», Roland Berger Strategy Consultants, mars 2014. Les pays repris dans le groupe 1 sont l’Autriche, la Belgique, la Suède et l’Allemagne, hautement préparés pour Industrie 4.0, les «potentialistes» et «pionniers» désignés. Au sein du groupe 2, on trouve la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie, l’Espagne et Chypre, considérés comme «hésitants» et «traditionnalistes». Cette répartition permet de comparer les résultats de l’examen ponctuel avec ceux de recherches antérieures menées par le CESE (voir ECO/372).

(24)  http://ec.europa.eu/DocsRoom/documents/16341/attachments/2/translations/en/renditions/pdf

(25)  On peut observer une corrélation entre les conclusions du rapport et le nombre de projets approuvés en vertu de l’instrument Horizon 2020 à la fin de l’année 2015:

Autriche (25), Belgique (12), Allemagne (88), France (67), Suède (46) et Royaume-Uni (139). Ces pays ont connu une amélioration des performances des PME en matière d’emploi et de valeur ajoutée à la fin de l’année 2014, avec des niveaux atteignant ceux de 2008;

la Bulgarie (1), la République tchèque (6), la Croatie (1), Chypre (2), le Danemark, la Grèce (11), la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie (5), la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovénie et l’Espagne n’ont pas encore atteint le niveau de 2008.

(26)  Lichtenstein, G. A., T. S. Lyons, «Incubating New Enterprises: A Guide to Successful Practice» (The Aspen Institute, Rural Economic Policy Programme, USA, 1996).

(27)  JO C 209 du 30.6.2017, p. 21.

(28)  Directive 2011/7/UE.

(29)  https://ec.europa.eu/growth/smes/promoting-entrepreneurship/support/education/projects-studies_fr

(30)  JO C 388 du 31.12.1994, p. 14.

(31)  Comme le système communautaire de management environnemental et d’audit, l’écolabel européen, le système de vérification des technologies environnementales ou encore l’empreinte environnementale de produit.

(32)  Le test d’incidence sur les PME est déjà inclus dans l’analyse d’impact de la Commission — https://ec.europa.eu/growth/smes/business-friendly-environment/small-business-act/sme-test_fr.

(33)  JO C 332 du 8.10.2015, p. 20.

(34)  JO C 351 du 15.11.2012, p. 45; JO C 34 du 2.2.2017, p. 66; JO C 303 du 19.8.2016, p. 94.


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/25


Avis du Comité économique et social européen sur «Les produits contrefaits et piratés»

(avis d’initiative)

(2017/C 345/04)

Rapporteur:

Antonello PEZZINI

Corapporteur:

Hannes LEO

Décision de l’assemblée plénière

26 janvier 2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

22 juin 2017

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

119/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’économie européenne repose de plus en plus sur la créativité et l’innovation. En Europe, les secteurs d’activité qui font une utilisation intensive des droits de la propriété intellectuelle (DPI) représentent 39 % du PIB de l’Union européenne et y assurent 26 % de l’emploi (1). Le CESE estime que les entreprises devraient bénéficier d’une série de conditions qui favorisent l’innovation, l’investissement et l’emploi.

1.2.

Selon des estimations des Nations unies (2) et de l’OCDE, les produits contrefaits représentent de 5 à 7 % (pour la première) ou jusqu’à 2,5 % (pour la seconde) du commerce mondial. Si la majorité des produits contrefaits présents en Europe sont produits en dehors de l’Union européenne, leur production est également en augmentation dans les États membres. Internet a simplifié considérablement et élargi de manière massive les possibilités de vente de produits contrefaits, tandis que le risque d’être poursuivi en justice reste très faible.

1.3.

L’industrie des produits contrefaits exploite tout à la fois les différences entre les niveaux d’efficacité des contrôles douaniers aux principaux points d’entrée du marché unique et le morcellement et l’hétérogénéité de la mise en œuvre nationale des règles et des normes européennes, qui favorisent l’arrivée dans l’Union européenne de produits qui mettent en danger la santé des consommateurs et la sûreté et la sécurité publiques, ainsi que la compétitivité des entreprises.

1.4.

Par conséquent, une Union douanière pleinement opérationnelle et interopérante doit assurer le fonctionnement efficace du nouveau système établi par le code des douanes, de manière à protéger les entreprises contre la concurrence déloyale, en particulier celle de l’industrie mondiale des produits contrefaits et piratés et ce, non seulement dans l’intérêt des entreprises mais aussi parce que le phénomène a une incidence directe sur la santé, la sauvegarde et la sécurité générales, ainsi que pour la croissance économique.

1.5.

Selon le CESE, étant donné qu’il y a lieu de distinguer deux types de contrefaçon, en l’occurrence, celle qui viole les DPI, c’est-à-dire la simple concurrence déloyale, qui ne constitue pas une menace pour la sécurité et la santé publique, et le «délit de contrefaçon», en tant qu’infraction pénale, telle que définie par la convention Medicrime (3), la lutte contre la contrefaçon et la piraterie doit constituer une priorité essentielle de l’Union européenne, non seulement dans la perspective de garantir à l’échelle mondiale un développement sain du libre-échange, dénué de protectionnisme, mais aussi en considération de la professionnalisation de la criminalité organisée dans le négoce des produits contrefaits et piratés, ainsi que des risques qu’encourt ainsi le consommateur. Cette action pourrait impliquer les procédures pénales voulues pour dissuader de telles activités, liées au «délit de contrefaçon».

1.6.

Pour réduire les effets négatifs du volume croissant de produits contrefaits et piratés sur le marché, il importe de prendre des mesures au niveau sectoriel, national, européen et multilatéral pour parer:

au déficit dans le développement de la production et des investissements,

aux dommages occasionnés à l’image et à la qualité, y compris en la non-conformité technique et le non-respect des prescriptions, les faux concernant les certificats de conformité ou de respect des prescriptions et les marquages de conformité ou encore l’usage abusif desdits certificats et marquages,

aux risques pour la santé, la sécurité et l’environnement,

à l’absence de toute certification, normes et contrôles de qualité pour les biens contrefaits,

à la disparition d’emplois et l’incapacité de créer de nouvelles entreprises,

aux pertes de recettes fiscales et parafiscales,

aux problèmes grandissants en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée, dont le financement du terrorisme.

1.7.

Le CESE est convaincu de la nécessité d’un effort commun de tous les acteurs publics et privés pour définir et mettre en œuvre une stratégie commune en vue d’actions coordonnées qui soient destinées à prévenir, détecter et combattre ce phénomène et se conjuguent avec un cadre commun adéquat sur le plan technique et réglementaire.

1.8.

Le CESE considère cependant qu’avec la participation des détenteurs de droits et des PME, l’initiative incombe en premier lieu au secteur privé européen des industries et des prestataires de services qui sont les plus concernés, tout comme la totalité de la chaîne de valeur, tandis que la Commission européenne doit pour sa part actualiser le cadre réglementaire en matière de droits de propriété intellectuelle, afin de moderniser les règles existantes et d’adapter les voies pénales actuellement disponibles dans l’Union européenne et les États membres. Ces acteurs devraient entreprendre une action conjointe pour donner une vigoureuse impulsion en vue de définir des mécanismes interopérables de coopération internationale et de suivi des fournisseurs et des clients, partant de la source et s’étendant à tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement, afin d’y réduire au minimum les risques de contrefaçon.

1.9.

Le CESE estime qu’un renforcement de l’action conjointe du secteur privé est fondamental pour garantir, d’une part, des partenariats efficaces avec les fournisseurs de sites Internet, les producteurs de contenus, les propriétaires de marques, les opérateurs de paiements électroniques, les annonceurs et les réseaux publicitaires et les registres de domaines Internet et, d’autre part, des accords volontaires d’action commune capables de s’adapter rapidement aux changements brutaux du marché.

1.10.

L’impulsion vigoureuse de la part du secteur privé devrait aller de pair avec des mesures prises par les pouvoirs publics, telles que:

le développement de nouvelles techniques parajudiciaires qui, pour faire pièce à l’essor du trafic de produits contrefaits, autorisent une coopération entre le privé et le public pour optimaliser les interventions des services de douane, grâce au marquage et à la traçabilité,

des systèmes de détection interopérables et communiquant avec des dispositifs automatiques de gestion des risques, fondés sur des technologies appropriées, grâce auxquels les propriétaires des sites de commerce électronique et les détenteurs de droits pourront repérer et empêcher des activités illicites,

le lancement d’un nouveau plan stratégique 2018-2021 doté d’un cadre d’action renouvelé et mieux coordonné, allant de pair avec des ressources financières appropriées, une plus grande transparence, davantage de capacités prédictives, des techniques de renseignement sophistiquées et plus développées, une «liste des marchés notoires» à l’usage de l’Union européenne, le lancement sur le terrain de services d’assistance renforcés dans le domaine des droits intellectuels (IPR-Helpdesk), déployant notamment des efforts pour combattre le délit de contrefaçon, et des outils de surveillance du marché plus avancés (base de données interactive), le tout accompagné d’un service douanier vraiment commun, conformément à la proposition de directive sur le cadre juridique de l’Union régissant les infractions douanières et les sanctions qui y sont applicables (4),

des initiatives pour la fourniture de meilleures statistiques et analyses concernant l’ampleur de la contrefaçon et son incidence.

1.11.

Le CESE estime qu’il conviendrait de financer une campagne européenne de lutte contre la contrefaçon, en prévoyant notamment l’institution d’une Journée européenne du faux et une ligne téléphonique spécifique, afin de mettre en évidence:

les graves dommages que la mise sur le marché et l’acquisition de contrefaçons et produits piratés entraînent pour des secteurs entiers de l’économie, la santé, la sécurité, l’environnement, l’innovation et la créativité européenne, tout comme pour l’emploi, les recettes publiques et la croissance économique dans son ensemble,

la nécessité de consentir de gros efforts pour améliorer la base de données sur les produits contrefaits ainsi que l’évaluation des pertes de production et d’emplois qui leur sont liées, afin de concevoir des politiques appropriées. La base statistique et les estimations économétriques, telles qu’elles existent actuellement, doivent gagner en précision, fiabilité et comparabilité.

1.12.

Le CESE estime qu’il est vital de resserrer la coordination des différents services de la Commission européenne avec les agences européennes qui sont concernés par le phénomène et les services homologues dans les États membres. Il est possible d’atteindre cet objectif en mobilisant des ressources suffisantes pour la coopération à travers toute l’Europe et en s’efforçant d’établir une véritable culture en la matière. Mettre en place, à l’échelon central et pour une durée adéquate, un groupe de travail sur l’industrie du faux, devrait contribuer concrètement à la réalisation de cet objectif.

1.13.

Le CESE presse le Conseil et le Parlement européen de faire de ce problème une priorité absolue, en demandant à la Commission européenne:

de donner une suite rapide aux mesures techniques et structurelles et au nouveau plan d’action contre les produits contrefaits et piratés 2018-2021,

de soutenir l’action commune renforcée du secteur privé, au moyen de règles et de structures qui garantissent le développement de la liberté des échanges commerciaux à l’échelle internationale sur des bases équitables et dans une démarche volontariste.

2.   Introduction: nature et caractéristiques qualitatives et quantitatives du phénomène

2.1.

Pour définir le thème du présent avis, il est fait référence aux notions de contrefaçon telles qu’elles ont été définies par le règlement (UE) no 608/2013. La piraterie électronique et numérique, le commerce et la diffusion de logiciels ou fichiers informatiques illégaux, en violation des droits de propriété intellectuelle, n’entrent pas dans le champ du présent avis, car ils sont étroitement liés à la stratégie numérique, pour laquelle le CESE a créé un groupe permanent ad hoc.

2.2.

Quantifier le phénomène de la contrefaçon est une opération complexe car les données disponibles, comme dans tous les domaines d’activité illégale, sont dans une trop large mesure le fruit d’estimations et d’approximations, étant donné que les filières de la contrefaçon sont, dans la plupart des cas, entre les mains du crime organisé, qui a discerné avec clairvoyance le potentiel important que recelait ce type d’activité illégale et qui se combine avec un très faible risque d’être appréhendé.

2.3.

Au cours des dernières années, la gamme des produits contrefaits s’est étendue au point que désormais il n’existe aucun bien qui ne puisse être imité et vendu: tout se copie: des accessoires de vêtement aux pièces de rechange mécaniques et aux outils, matériaux de construction et équipements, chaussures, bijoux, objets de design, jouets, cosmétiques et médicaments. Le secteur du faux semble à présent être devenu une branche d’activité économique parallèle, un véritable concurrent que les entreprises doivent affronter pour préserver leur part de marché.

2.4.

La simplicité de l’achat de contrefaçons amène souvent le consommateur à préférer le contrefait à l’original, au prix de graves répercussions pour les entreprises, les PME en particulier; étant peu réglementés et difficilement contrôlables, le commerce électronique et les enchères en ligne constituent un moyen pratique et sûr pour créer un vaste vivier de consommateurs et commercialiser des contrefaçons à faible coût.

2.5.

La contrefaçon est devenue l’un des principaux complices et financiers du crime organisé. L’arrivée de la criminalité organisée dans les activités de contrefaçon a entraîné une élévation spectaculaire du niveau de professionnalisme de cette industrie: les organisations criminelles ont établi les filières nécessaires à l’échelle mondiale pour maximiser leurs profits.

2.6.

La production de marchandises de contrefaçon est généralement considérée comme un phénomène externe: les statistiques douanières indiquent clairement que la plupart des pays d’origine des produits contrefaits ne sont pas membres de l’Union européenne. La Chine en reste l’une des principales sources, malgré l’engagement croissant dont elle fait preuve dans la lutte contre la contrefaçon.

2.7.

La montée en puissance d’Internet a créé, pour les produits contrefaits, de nouveaux canaux de distribution qui ne présentent qu’un faible risque pour les vendeurs, étant donné que le processus de mise en accusation des intermédiaires dans la chaîne de valeur est ardu. Si l’on veut lutter efficacement contre le trafic en ligne de produits contrefaits, il est nécessaire que tous les maillons de cette chaîne renforcent leur coopération.

2.8.

En Europe, les secteurs d’activité qui font une utilisation intensive des droits de la propriété intellectuelle (DPI) représentent 39 % du PIB de l’Union européenne et y assurent 26 % de l’emploi (5). Selon des études récentes (6), les biens contrefaits représentent entre 5 et 7 % du commerce mondial, soit quelque 600 milliards d’euros par an, tandis que l’OCDE (7) a calculé qu’en valeur, les contrefaçons importées correspondaient en 2013 à 2,5 % du commerce international, soit 338 milliards d’euros, et a estimé que jusqu’à 5 % des importations dans l’Union européenne, soit environ 85 milliards d’euros, consistaient en articles de contrefaçon ou marchandises piratées, sans même tenir compte des produits fabriqués et vendus à l’intérieur d’un même État membre, de ceux achetés sur Internet et des activités économiques indirectes.

2.9.

Suivant d’autres statistiques internationales datant de 2017 (8), on estime que le trafic mondial d’articles contrefaits ou piratés produit un chiffre d’affaires annuel compris entre 923 milliards et 1 130 milliards de dollars.

2.10.

La production de marchandises de contrefaçon, y compris à grande échelle, prend son essor dans les États membres, les contrefacteurs s’efforçant ainsi d’échapper aux contrôles douaniers aux frontières extérieures de l’Union.

2.11.

La mise sur le marché de produits contrefaits ou piratés inflige des dommages considérables à l’économie: elle favorise le développement d’une «économie souterraine» qui prive (9) l’État de recettes destinées à financer des services publics essentiels, oblige les contribuables à supporter une charge fiscale plus élevée, en entraînant des pertes d’emplois réguliers.

2.12.

Dans l’Union européenne, les emplois perdus avoisineraient le chiffre de 800 000 par an tandis que les pertes de recettes fiscales liées aux impôts, à la TVA et aux accises sont évaluées à 14,3 milliards d’euros (10).

2.13.

Le Parlement européen a adopté des résolutions sur ce sujet, en particulier celle du 9 juin 2015 (11) dans laquelle il recommandait une approche qui associe tous les acteurs à la lutte contre la contrefaçon, une meilleure information et sensibilisation des consommateurs, le développement de nouveaux modèles commerciaux, l’amélioration des mesures de protection pour les PME, la mise en place d’un cadre permettant de faire converger les intérêts des États membres et des pays tiers, ainsi qu’une meilleure exploitation des données collectées par l’Observatoire européen des atteintes aux droits de propriété intellectuelle (EUIPO).

2.14.

Le 19 mars 2013, le Conseil a adopté une résolution sur un plan d’action des douanes de l’Union européenne destiné à lutter contre les violations des droits de propriété intellectuelle (2013-2017), qui est assorti d’objectifs clairs et doté de ressources appropriées et d’indicateurs de résultats et de performance, selon une feuille de route bien définie en matière:

de mise en œuvre et de suivi de la nouvelle législation de protection des droits de propriété intellectuelle,

de mesures de lutte contre les atteintes aux droits de propriété intellectuelle dans le commerce des biens et des services,

de coopération avec les principaux pays d’origine, de transit et de destination afin de lutter contre le commerce illicite tout au long de la chaîne d’approvisionnement internationale,

de renforcement de la coopération avec l’EUIPO et les autorités répressives.

2.15.

Le 18 mai 2017, les conclusions du Conseil sur la définition des priorités de l’Union européenne pour la lutte contre la grande criminalité internationale organisée entre 2018 et 2021 ont souligné que «les marchés criminels deviennent de plus en plus complexes et dynamiques […]. […] Il convient […] d’accorder une attention particulière au commerce en ligne de biens et services illicites, notamment de marchandises de contrefaçon […].»

3.   Panorama international

3.1.

Les statistiques douanières indiquent clairement que la plupart des pays d’origine des produits contrefaits n’appartiennent pas à l’Union européenne. En effet, les principaux États concernés incluent non seulement la Chine et Hong Kong, mais aussi d’autres pays asiatiques spécialisés dans certains domaines, tels que l’Inde pour les produits pharmaceutiques, l’Égypte pour les denrées alimentaires, la Turquie pour les parfums, les cosmétiques et les chaussures, ou encore la Malaisie, la Biélorussie, les Émirats arabes unis, l’Indonésie, la Thaïlande et les Philippines.

3.2.

Les statistiques douanières de l’Union européenne pour 2014 ont montré que dans le domaine du textile et de l’habillement, 66 % des produits contrefaits provenaient de l’extérieur des frontières de l’Union.

3.3.

Les points de transit pour le transport de marchandises de l’Asie vers l’Europe revêtent une importance particulière, car grâce au réseau de 3 000 zones franches disséminées dans 135 pays, ils jouent le rôle de plaques tournantes pour le trafic de conteneurs de marchandises, étant de plus en plus souvent utilisés pour en modifier la cargaison, la pourvoir de documents et la réétiqueter.

3.4.

Un autre phénomène à prendre en compte est l’augmentation considérable qu’a connue la production domestique de marchandises de contrefaçon ou piratées dans l’Union européenne, étant donné que, selon Europol, cette activité devient de plus en plus lucrative pour les groupes et organisations relevant de la criminalité organisée et qu’elle présente des risques bien plus réduits et s’articule avec d’autres formes de criminalité, telles que la fraude, la falsification de documents, l’évasion fiscale et la traite des êtres humains.

3.5.

Dès lors que les installations de production de marchandises contrefaites et piratées se relocalisent au sein de l’Union européenne, qu’en conséquence, les coûts de transport diminuent et les risques d’interception baissent et qu’il se développe des réseaux criminels bien organisés et dotés de ressources adéquates, il semble qu’un nouveau modèle fasse son apparition: la croissance attendue de la zone franche de Tanger Med, au Maroc, à 15 km à peine de l’Union européenne, pourrait offrir aux réseaux criminels de nouvelles perspectives pour écouler sur le marché européen des quantités plus importantes de marchandises de contrefaçon.

3.6.

Les pays dont les entreprises ont été les plus touchées par le phénomène de la contrefaçon entre 2011 et 2013 sont les États-Unis d’Amérique à hauteur de 20 %, suivis de l’Italie avec 15 %, la France et la Suisse avec 12 %, le Japon et l’Allemagne avec 8 %, ainsi que le Royaume-Uni et le Luxembourg. Par ailleurs, il importe de ne pas sous-estimer les pertes indirectes et les surcoûts que les nouvelles filières de conception et d’innovation doivent supporter du fait des activités de contrefaçon.

4.   La lutte contre la contrefaçon et la piraterie dans le marché intérieur

4.1.

Le CESE demande instamment aux États membres de prendre des mesures visant les objectifs suivants:

durcir les lois et dispositions nationales de lutte contre la contrefaçon, encourager leur harmonisation au niveau de l’Union européenne, développer des cadres efficaces d’inspection administrative des marchandises de contrefaçon et adapter les voies disponibles en matière pénale qui existent dans les États membres,

assurer des niveaux communs élevés de mise en œuvre, à l’échelon national, des réglementations européennes, avec échanges de bonnes pratiques,

confier aux autorités compétentes la collecte de données statistiques comparables, notamment sur les liens entre des produits de contrefaçon et des accidents ou des décès, par exemple pour certains groupes de produits,

élaborer des politiques pour mieux surveiller, contrôler et prévenir les risques que les produits de contrefaçon représentent pour la santé publique,

donner aux citoyens la possibilité, grâce à la technologie des téléphones intelligents, de se faire leur propre jugement de l’authenticité des biens et d’être à même de contrôler et vérifier les caractéristiques de leurs achats, ainsi que leur valeur et leur innocuité,

améliorer la communication avec les consommateurs en les alertant sur les risques que posent les produits de contrefaçon et en leur indiquant des moyens d’identifier ces produits facilement au moyen de nouvelles méthodes — il y a lieu de les conscientiser et de mener des campagnes nationales d’information et de formation à ce propos,

impliquer plus activement les acteurs locaux, groupements interprofessionnels et associations de consommateurs dans la lutte contre la contrefaçon au niveau national, en particulier grâce à des campagnes d’information,

donner aux agents des douanes des ressources et des moyens suffisants, ainsi qu’une formation appropriée sur les méthodes et les stratégies permettant de détecter des produits de contrefaçon,

faciliter l’enregistrement des marques, des modèles et des autres droits de propriété intellectuelle par les PME, tout en maintenant un niveau élevé de normes techniques et en préservant les droits de propriété intellectuelle.

4.2.

Le CESE préconise, pour la période 2018-2021, un nouveau cadre au niveau de l’Union européenne, comportant un plan d’action pleinement financé et coordonné, pour renforcer la législation et les mesures nationales dans le domaine de la lutte contre la contrefaçon, ainsi que des initiatives prises à l’échelon de l’Union européenne, avec des mesures telles que:

accélérer la mise en place de la douane unique européenne, dotée de procédures, d’instruments et de bases de données qui soient unifiés et immédiatement consultables,

adopter des critères communs pour collecter les statistiques, tout en mettant l’accent sur les initiatives propres à tel ou tel des secteurs concernés, étant donné qu’il n’existe pas de schémas applicable à tous,

encourager des applications novatrices en matière de traçabilité et de suivi,

réaliser une coordination européenne renforcée, de manière que les normes de lutte contre la contrefaçon atteignent les mêmes niveaux dans tous les États membres,

intensifier l’activité de renseignement et les accords bilatéraux en matière de répression du phénomène tout au long de la chaîne de l’offre de contrefaçon, notamment en soutenant et en renforçant le réseau de services d’assistance de terrain EU-IPR DESK,

poser immédiatement des jalons pour un cadre simplifié de soutien et d’assistance aux PME dans l’Union européenne,

introduire des dispositions anti-contrefaçon dans les nouveaux accords de libre-échange,

mettre en œuvre et coordonner des mesures préventives européennes à l’échelle internationale pour assurer la surveillance des 3 000 zones franches et de l’ensemble de la chaîne de l’offre,

confier aux autorités compétentes de l’Union européenne la tâche de collecter des données statistiques pleinement comparables sur les liens entre les produits de contrefaçon et les décès ou accidents,

élaborer des dispositions communes à l’Union européenne pour contrôler et prévenir plus efficacement les risques que les produits de contrefaçon représentent pour la santé publique,

améliorer la communication de l’Union européenne avec les consommateurs en les alertant sur ces produits et en leur apprenant à les repérer (modèle du Centre commun de recherche),

encourager les professionnels de l’Union européenne à mettre plus efficacement en commun leurs informations sur les problèmes liés à la contrefaçon et à renforcer les mesures concrètes destinées à la combattre, par exemple en mettant en place des numéros d’appel directs pour les consommateurs et de meilleurs systèmes de gestion de données,

agir de manière coordonnée en matière de commerce électronique (méthodes de paiement et de publicité) et adopter des règles communes spécifiques pour encadrer la vente en ligne de médicaments et d’autres produits sensibles, en associant à cette démarche les acteurs, les groupements interprofessionnels et les associations de consommateurs,

élaborer, à l’encontre des organisations criminelles et des conséquences de leurs actes en matière de sûreté, de santé et de sécurité publiques, une démarche de criminalisation de la contrefaçon, en adoptant les principes juridiques liés à la convention Medicrime et en les étendant aux produits contrefaits qui induisent des risques pour la sécurité et la santé de la population,

rédiger, avec l’Agence européenne des médicaments (EMA), Europol, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA), des règles pour réaliser un suivi concernant les médicaments, les aliments et d’autres produits sensibles sur Internet,

évaluer le rôle que des intermédiaires peuvent jouer dans la protection des droits de propriété intellectuelle concernant les biens contrefaits et envisager de modifier le cadre juridique de l’Union européenne en matière de répression (12),

développer et encourager une vigoureuse campagne européenne de lutte anti-contrefaçon, à l’intérieur comme à l’extérieur du marché unique et, en parallèle, sur celui de chacun des États membres,

promouvoir une initiative technologique conjointe (ITC) sur la contrefaçon au titre d’Horizon 2020,

doter d’une enveloppe financière adéquate les mesures prises dans le cadre de ce nouveau plan d’action 2018-2021.

5.   Assurer une gouvernance optimale

5.1.

Le CESE estime qu’il est indispensable d’assurer une coordination plus étroite entre les multiples services de la Commission européenne et les agences européennes qui sont concernés par le phénomène. Un des moyens d’y parvenir consisterait à créer un groupe de travail ad hoc, placé sous l’autorité directe du président de la Commission européenne, qui puisse interagir avec les diverses branches du secteur privé qui sont concernées, les organismes internationaux et les autorités compétentes des États membres.

5.2.

Ce groupe de travail ad hoc sur la contrefaçon devrait élaborer un rapport annuel présentant un tableau général des progrès réalisés sur le plan technologique, structurel et réglementaire, notamment au niveau international.

5.3.

Il convient de renforcer la coordination internationale de la Commission européenne et des agences européennes, notamment l’EUIPO, Europol et l’OLAF, ainsi que des organisations non gouvernementales actives dans la lutte contre la contrefaçon, en organisant des conférences internationales annuelles.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Rapport commun de l’Office européen des brevets (OEB) et de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) sur les secteurs d’activité de l’Union européenne utilisant intensivement les droits de la propriété intellectuelle, septembre 2013.

(2)  http://www.springer.com/978-1-4614-5567-7 — Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

(3)  http://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/211.

(4)  http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.C_.2016.487.01.0057.01.FRA&toc=OJ:C:2016:487:TOC.

(5)  Rapport commun de l’Office européen des brevets (OEB) et de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) sur les secteurs d’activité de l’Union européenne utilisant intensivement les droits de la propriété intellectuelle, septembre 2013.

(6)  Office des Nations unies contre la drogue et le crime, The Globalization of Crime. A Transnational Threat Crime Assessment(La mondialisation du crime. Évaluation de la menace liée à la criminalité transnationale).

(7)  OCDE/EUIPO (2016), Le commerce de produits contrefaisants et piratés: analyse de l’impact économique.

(8)  Global Financial Integrity, Transnational Crime and the Developing World («La criminalité transnationale et le monde en développement»), mars 2017 (statistiques confirmées par l’institut WAITO en avril 2017).

(9)  Pour 2013, il a été estimé que les pertes de recettes fiscales se situaient entre 90 et 120 millions d’euros — Frontier Economics — 2016.

(10)  Ces données proviennent d’études sectorielles menées dans neuf secteurs touchés: cosmétiques et soins de la personne; habillement, chaussures et accessoires; articles de sport; jouets et jeux; bijoux et montres; sacs; musique enregistrée; vins et spiritueux; produits pharmaceutiques.

(11)  Europarl P8_TA(2015)0219-09/06/2015 http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&reference=P8-TA-2015-0219&language=fr&ring=A8-2015-0161.

(12)  Voir COM(2016) 288 final.


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/32


Avis du Comité économique et social européen sur «Les mutations industrielles dans l’industrie européenne du sucre de betterave»

(avis d’initiative)

(2017/C 345/05)

Rapporteur:

M. José Manuel ROCHE RAMO

Corapporteure:

Mme Estelle BRENTNALL

Décision de l’assemblée plénière

26 janvier 2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

22 juin 2017

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

111/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’industrie européenne du sucre de betterave s’apprête à vivre l’une des plus grandes révolutions de son histoire: la fin des quotas de production, prévue le 1er octobre 2017. La fin des quotas ouvre des perspectives pour les fabricants de sucre de betterave de l’Union européenne, notamment la possibilité de produire davantage de sucre utilisé à des fins alimentaires et d’exporter sans limite. Afin de tirer parti de ces nouveaux débouchés, l’industrie européenne du sucre de betterave a consenti d’importants efforts pour renforcer sa compétitivité. Cependant, la fin des quotas de production fait également apparaître de nouveaux risques et inquiétudes et pourrait mettre le secteur sous pression. La concurrence s’intensifiera, exerçant une pression sur les prix pour les producteurs comme les transformateurs, et la part de marché de l’isoglucose devrait augmenter. Les producteurs et fabricants de sucre de betterave moins compétitifs risquent de devoir lutter pour survivre dans un environnement de marché plus rude et plus volatil. Cela pourrait avoir de graves conséquences pour les travailleurs, les entreprises, les agriculteurs et les communautés rurales. Il est essentiel que les décideurs politiques restent vigilants par rapport à l’avenir du secteur.

1.2.

Après la fin des quotas de production, le seul instrument spécifique qui restera envisageable pour soutenir l’industrie européenne du sucre de betterave sera l’aide au stockage privé du sucre. Toutefois, en cas de crise du marché dans le secteur européen du sucre de betterave, les circonstances dans lesquelles cette aide peut être introduite ne sont pas claires. Les conditions de l’activation de l’aide au stockage privé doivent être mieux définies de façon que le système soit adéquat. La Commission européenne pourrait envisager de définir un seuil de prix objectif qui déclencherait le processus décisionnel pour l’activation de l’aide au stockage privé. Cela permettrait de rendre le processus moins subjectif, et de promouvoir la mise en place rapide et uniforme de cette aide en période de crise. Des dispositions générales relatives aux situations de crise, telles que l’article 222 du règlement «OCM unique», devraient également être envisagées comme une option. Le Comité se félicite de l’instauration de l’observatoire du marché du sucre; pour autant que sa composition soit équilibrée et qu’il se réunisse en temps utile lorsque le marché connaît des difficultés.

1.3.

La PAC devrait inclure des instruments de marché contribuant à la continuité de la production sucrière dans les États membres de l’Union européenne. L’industrie européenne du sucre de betterave joue un rôle décisif dans la création d’emploi et l’activité économique, ainsi que la compétitivité du secteur des denrées alimentaires et des boissons. Actuellement, la PAC permet aux États membres d’accorder un soutien couplé aux secteurs ou régions dans lesquels des types d’agriculture ou secteurs agricoles spécifiques jouant un rôle particulièrement crucial sur le plan économique, social ou environnemental rencontrent des difficultés. C’est le cas de la culture de betteraves sucrières dans les régions vulnérables. Les paiements directs couplés devraient être axés sur la réduction du risque d’une baisse et/ou de l’abandon de la production de betteraves sucrières dans ces régions afin d’éviter la désertification rurale et de préserver la biodiversité. Dans le contexte de volatilité accrue, un soutien direct aux agriculteurs devrait s’accompagner d’un meilleur accès aux outils de gestion des risques. Le cadre contractuel spécifique qui régit les relations entre producteurs et transformateurs du secteur se fonde sur l’interdépendance des producteurs et des transformateurs dans ce secteur.

1.4.

Une évolution défavorable du marché du sucre de l’Union européenne après le 1er octobre 2017 pourrait déboucher sur des pertes d’emploi. La Commission européenne devrait étudier l’adéquation des différents Fonds structurels et d’investissement européens (Fonds ESI) dans le cadre du soutien à l’emploi, à l’échelon local ou régional, en particulier pour les travailleurs et les agriculteurs touchés par l’éventuelle suppression de certains services. Il conviendrait peut-être de prévoir des exceptions aux critères de recours à certains de ces Fonds.

1.5.

À compter du 1er octobre 2017, les producteurs de sucre de betterave de l’Union européenne seront tenus de communiquer à la fois le prix de vente de leur produit principal et le prix d’achat de leurs intrants primaires. Ce degré de transparence du marché ne s’accompagne pas d’une même transparence en aval de la chaîne d’approvisionnement, ni chez les producteurs d’isoglucose. La Commission européenne devrait examiner les recommandations du groupe de travail sur les marchés agricoles et étendre la transparence du marché aux utilisateurs de sucre, afin d’obtenir une représentation plus réaliste de la façon dont la valeur ajoutée se répartit tout au long de la chaîne d’approvisionnement. La transparence du marché, tant pour les producteurs de sucre et d’isoglucose que les utilisateurs de sucre, ne doit pas avoir d’incidence sur la position concurrentielle des entreprises concernées.

1.6.

Un accroissement des exportations de sucre sera crucial pour équilibrer le secteur européen du sucre après la suppression des quotas. La Commission européenne devrait promouvoir les exportations de sucre de l’Union européenne et contester l’imposition arbitraire d’instruments de défense commerciale par des pays tiers importateurs. La Commission européenne devrait faire preuve de prudence dans la poursuite de la libéralisation des échanges dans le cadre des négociations d’accords de libre-échange menées par l’Union européenne. Elle doit s’opposer avec plus de fermeté, tant au niveau de l’OMC qu’au cours des négociations commerciales bilatérales, aux politiques d’aide mises en place par les grands producteurs et exportateurs de sucre mondiaux, qui faussent les échanges.

1.7.

Il sera essentiel pour la compétitivité future du secteur de la betterave sucrière d’encourager des débouchés alternatifs tels que le bioéthanol, les aliments pour animaux, les bioplastiques et les produits chimiques conçus à partir de matériaux biologiques. La Commission européenne devrait maintenir la limite de 7 % de biocarburants que l’on peut prendre en compte en vue de réaliser l’objectif d’une part de 10 % d’énergie provenant de sources renouvelables dans les transports. Il y a également lieu de ne pas modifier l’annexe IX de la directive 2009/28/CE sur l’énergie produite à partir de sources renouvelables, qui classe la mélasse parmi les matières premières pour les biocarburants avancés. La Commission européenne et la Banque européenne d’investissement devraient œuvrer à encourager et à renforcer l’innovation dans le domaine des autres coproduits conçus à partir de matériaux biologiques. Cet effort pourrait prendre la forme d’un Fonds de l’Union européenne pour l’innovation et d’un programme de prêts à faible taux d’intérêt.

2.   L’importance de la production de sucre de betterave pour les zones rurales et l’environnement

2.1.

L’Union européenne est le premier producteur mondial de sucre de betterave. En moyenne, 17,2 millions de tonnes y ont été produites chaque année entre 2011/12 et 2015/16. Les entreprises productrices de sucre achètent chaque année quelque 107 millions de tonnes de betteraves sucrières à 137 000 agriculteurs européens. La betterave sucrière est principalement transformée en sucre, mais une quantité considérable est utilisée dans la fabrication d’autres produits, tels que des aliments pour animaux, l’éthanol renouvelable et des bioproduits. Ces produits peuvent jouer un rôle essentiel de coussin de sécurité en cas de surproduction.

2.2.

Les fabriques de sucre de betterave sont pour la plupart situées dans des zones rurales caractérisées par de faibles niveaux d’activité industrielle. Elles constituent souvent l’épine dorsale de l’économie des régions dans lesquelles elles sont installées, où il n’existe que peu de solutions industrielles de remplacement. Le secteur européen du sucre fournit près de 28 000 emplois directs, principalement concentrés dans les régions productrices de betteraves sucrières les plus compétitives. Ces emplois ont tendance à être plutôt hautement qualifiés et les travailleurs de l’industrie du sucre jouissent d’une meilleure rémunération que dans la plupart des autres secteurs agricoles. Outre l’emploi direct, l’activité économique générée par cette industrie représente 150 000 emplois indirects, par exemple dans les domaines des transports, de la logistique et de la construction.

2.3.

Il est exceptionnel que l’on puisse relancer la production de sucre après la fermeture d’une implantation de production de sucre. Ceci s’explique par les coûts d’investissement élevés pour la construction d’une sucrerie, qui s’élèvent souvent à plusieurs centaines de millions d’euros. Dans la plupart des cas, la fermeture d’une seule usine signifie la disparition d’une activité industrielle essentielle, qui débouche sur la perte de centaines d’emplois directs et indirects. La recherche d’un autre emploi dans le secteur industriel risque d’entraîner un exode rural et le dépeuplement des zones rurales.

2.4.

Il en va de même pour les cultivateurs. La betterave sucrière doit être cultivée à proximité des usines de transformation, ce qui s’explique par le coût relativement élevé du transport des betteraves, six à sept tonnes de betteraves étant nécessaires pour produire une tonne de sucre. La fermeture d’une usine de production de sucre de betterave a pour conséquence une perte de débouchés pour les producteurs de betteraves sucrières. À moins qu’il n’existe une autre usine dans un rayon géographique économiquement viable, ils sont forcés d’opter pour d’autres cultures. Cela a un impact négatif considérable sur les revenus des agriculteurs concernés, dont bon nombre auront consenti d’importants investissements pour acquérir un équipement spécifique tels que celui qui est requis pour la récolte des betteraves, qui ne peut être utilisé pour d’autres cultures. En outre, la transition abrupte vers d’autres cultures qu’opèrent un grand nombre d’agriculteurs peut exercer une pression considérable sur les marchés agricoles locaux.

2.5.

La production de betteraves sucrières est durable sur le plan environnemental. La betterave sucrière est toujours cultivée en rotation avec d’autres cultures. La rotation des cultures aide à préserver la fertilité des sols, ainsi qu’à réduire la quantité d’agents pathogènes dans la terre et d’organismes nuisibles, et par conséquent, rend l’usage des produits phytopharmaceutiques moins nécessaire. Le développement et la diffusion des bonnes pratiques constituent un phénomène courant dans les régions de l’Union européenne où la betterave est cultivée. L’utilisation de paillis et un travail du sol réduit sont encouragés dans le secteur afin d’améliorer la fertilité du sol et de réduire le phénomène d’érosion. Dans les usines, l’utilisation d’énergie est minimisée grâce à l’utilisation de systèmes de production combinée de chaleur et d’électricité (PCCE) et au recours à la récupération de chaleur et à la conservation de l’eau.

3.   La position concurrentielle de l’industrie européenne du sucre de betterave

3.1.

Le secteur européen du sucre a investi massivement dans les améliorations techniques et les réductions de coûts, ainsi que dans les ressources humaines, la recherche, l’éducation et la formation. Au cours des 26 dernières années, le coût de production moyen du sucre sous quota au sein de l’Union européenne n’a augmenté que de 0,4 % par an, alors que le taux d’inflation annuel était de 2,2 %. En d’autres termes, pendant plus de deux décennies, les coûts n’ont cessé de diminuer par rapport à l’inflation (1). Ces avancées ont contribué à accroître la compétitivité du secteur européen des denrées alimentaires et des boissons, grand utilisateur de sucre.

3.1.1.

Les rendements en betterave sucrière ont augmenté de manière substantielle au cours des dernières années grâce à l’amélioration des techniques et des variétés de semences induite par la coopération entre l’industrie, les producteurs, les acteurs de la recherche et du développement et les opérateurs du marché des semences. Les rendements moyens de sucre de betterave (tonnes de sucre/ha) ont augmenté de 2,4 % par an au cours des 26 dernières années, et cette tendance devrait se poursuivre au-delà de 2017. Les rendements de sucre à l’hectare au sein de l’Union européenne sont désormais plus élevés que les rendements australiens ou ceux de la région du centre-sud du Brésil, qui sont considérés parmi les régions les plus compétitives dans le monde. L’Union européenne compte quatre des dix plus grandes entreprises productrices de sucre à l’échelle mondiale (2).

3.2.

Ces gains de compétitivité s’expliquent en partie par l’importante restructuration du secteur qui a été réalisée entre 2006 et 2009. À la suite de la réforme de 2006, l’industrie européenne de la betterave sucrière a fermé près de la moitié de ses usines, ce qui s’est traduit par la perte d’une capacité de production de 4,5 millions de tonnes, de plus de 24 000 emplois directs et de 165 000 fournisseurs agricoles (3). Cette mutation a rendu le secteur européen de la betterave sucrière plus durable du point de vue économique, mais le coût social a été élevé. Depuis la campagne de commercialisation de 2008/2009, le niveau d’emploi est resté relativement stable, tout comme le nombre d’usines.

3.3.

Le dialogue social mené de longue date au niveau de l’Union européenne et des États membres a permis de maintenir des liens étroits entre les transformateurs de sucre et les travailleurs. Le dialogue social dans le secteur du sucre de l’Union européenne a été instauré en 1968. Il a joué un rôle essentiel pour garantir une transition adéquate sur le plan social lors des périodes difficiles, telles que celle qui a suivi la réforme de la politique sucrière européenne de 2006. En participant au développement d’un sentiment de responsabilité commune, le dialogue social contribue à la compétitivité de l’industrie.

3.4.

De nouvelles avancées sur le plan de la compétitivité continueront à être réalisées à partir de 2017, notamment du fait que les fabricants pourraient chercher à réduire les coûts fixes en exploitant les installations à pleine capacité. Cela pourrait impliquer un allongement des campagnes de transformation des betteraves et donc un accroissement des risques tant pour les transformateurs que pour les producteurs, en raison des incertitudes relatives à la récolte et au stockage des betteraves en hiver.

3.5.

Pour éviter le gaspillage, l’industrie de transformation sucrière utilise toutes les parties de la betterave et produit une série de produits en plus du sucre. Ainsi, les cailloux et la terre récupérés lors du nettoyage des betteraves sont vendus à l’industrie de la construction, la partie fibreuse de la betterave (pulpe) et la mélasse sont extraites et utilisées pour l’alimentation des animaux; la mélasse et d’autres sirops obtenus lors de la production du sucre peuvent être exploités pour produire de l’éthanol renouvelable. Les producteurs de sucre diversifient de plus en plus leurs activités et produisent des ingrédients intervenant dans la fabrication de bioproduits destinés à des secteurs tels que ceux du plastique, du textile, des médicaments et des produits chimiques.

4.   Les relations au sein de la chaîne d’approvisionnement en sucre

4.1.

Les transformateurs de sucre de betterave et les producteurs de betteraves sucrières sont interdépendants. Les agriculteurs sont dépendants des sociétés productrices qui disposent du capital fixe et de l’expertise nécessaires pour extraire le sucre de leurs betteraves, et les entreprises de transformation sont dépendantes de leurs producteurs sous contrat pour obtenir la matière première. Afin de réduire les frais du transport des betteraves, les agriculteurs doivent également être situés à proximité de la fabrique de sucre à laquelle ils vendent leur production. En outre, bon nombre des grandes sociétés productrices de sucre de betterave sont des coopératives, ce qui permet aux agriculteurs fournisseurs d’avoir un intérêt direct dans l’industrie.

4.1.1.

L’interdépendance des transformateurs et des agriculteurs nécessite l’établissement d’un cadre contractuel spécifique visant à équilibrer les droits et les obligations entre les deux partenaires. L’article 125 et l’annexe X du règlement «OCM unique» définissent les relations contractuelles entre les producteurs de betterave sucrière et les usines de transformation du sucre après 2017. Ces règles ont récemment été complétées par un règlement délégué qui autorise le maintien de l’inclusion, sur une base volontaire, de clauses de partage de la valeur dans les contrats relatifs à la production de betteraves (4). La majorité des industries sucrières ont récemment conclu des contrats pour 2017/18 et au-delà, qui prévoient une relation entre les prix de la betterave sucrière et le prix du sucre sur le marché.

4.1.2.

Les fabricants de sucre de betterave sont contraints depuis longtemps de rendre chaque mois un rapport sur les prix pratiqués, la production et les stocks, et cette obligation se maintiendra après la suppression des quotas. À partir du 1er octobre 2017, les prix des betteraves sucrières doivent également être communiqués à la Commission européenne et publiés annuellement. Ce degré de transparence du marché qui caractérise le secteur de la transformation du sucre ne s’applique pas en aval de la chaîne d’approvisionnement, ni chez les producteurs d’isoglucose. Certains éléments donnent à penser que la transmission des prix tout au long de la chaîne d’approvisionnement en sucre est faible (5), et qu’il serait peut-être utile d’examiner la faisabilité d’une plus grande transparence pour les utilisateurs de sucre de betterave de l’Union européenne.

4.2.

Les raffineries de sucre de canne sont également actives sur le marché du sucre de l’Union européenne. Les raffineurs de sucre de canne ne transforment pas la betterave sucrière mais ils sont tributaires des importations de sucre de canne brut destiné au raffinage. L’Union européenne autorise les importations en franchise de sucre en provenance des pays les moins avancés au titre de l’initiative «Tout sauf les armes» (TSA) et des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique ayant conclu un accord de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne. Les raffineurs européens de sucre de canne brut bénéficient de concessions en matière d’accès au marché hors taxe au titre d’accords bilatéraux avec l’Amérique centrale, la Colombie, le Pérou, l’Équateur et l’Afrique du Sud, ce qui représente actuellement 420 000 tonnes par an. La disponibilité annuelle du sucre brut destiné au raffinage en vertu du quota CXL à droit réduit, qui est réparti entre le Brésil, l’Australie, Cuba et tous les pays tiers (erga omnes), s’élève à plus de 700 000 tonnes et devrait atteindre quasi 800 000 tonnes en 2017/18. Dans le cadre de négociations de libre-échange récemment achevées ou toujours en cours, l’Union propose d’ouvrir davantage le marché européen du sucre à des pays tiers.

5.   La fin des quotas de production

5.1.

Depuis 1968, la production européenne de sucre et d’isoglucose à usage alimentaire est limitée par les quotas de production. Les quotas de production seront supprimés le 1er octobre 2017, ce qui correspond au début de l’année de commercialisation du sucre 2017/2018. Dès ce moment, les producteurs de sucre et d’isoglucose de l’Union européenne seront libres de produire du sucre et de l’isoglucose à usage alimentaire sans limitation. L’actuel plafond relatif aux exportations disparaîtra également (6). En conséquence, les opérateurs dans le secteur sucrier de l’Union européenne seront libres d’exporter autant qu’ils le souhaitent à partir du 1er octobre 2017.

5.2.

La production de sucre devrait augmenter en 2017/18. Cette augmentation de la production devrait être de nature structurelle. En outre, l’isoglucose est appelé à représenter une part plus importante du marché des édulcorants de l’Union européenne, les fabricants d’isoglucose ayant l’objectif de produire «dans la durée» de 2 à 3 millions de tonnes d’isoglucose, dont une grande partie sera destinée à la production de boissons rafraîchissantes (7). À titre de comparaison, la consommation de sucre au sein de l’Union européenne est en légère baisse.

5.3.

L’augmentation de la production intérieure de sucre et l’importance accrue de l’isoglucose sur le marché pourraient avoir des conséquences sur les prix du sucre blanc de l’Union après la suppression des quotas. Dans sa publication intitulée «Medium-term prospects for EU agricultural markets 2016-2026» (Perspectives à moyen terme pour les marchés agricoles de l’Union européenne pour la période 2016-2026), la Commission européenne laisse entendre que les prix européens du sucre blanc seront inférieurs au seuil de référence de 404 EUR/tonne pendant la majeure partie de la période qui suivra la suppression des quotas, soit en dessous du coût moyen de la production de sucre et de la culture de betteraves sucrières.

5.3.1.

En 2015, les prix européens du sucre blanc ont atteint leur niveau le plus bas depuis l’instauration du système de communication des prix en 2006 (8). Cette situation a eu de graves répercussions sur les résultats financiers des producteurs de sucre de l’Union européenne, bon nombre d’entre eux n’ayant réalisé aucun bénéfice au cours de l’exercice 2015/16. En Italie, les producteurs de sucre ont subi une pression particulièrement élevée, un producteur renonçant à produire pour la campagne de commercialisation 2015/16. En Grèce, l’unique producteur de sucre connaît aussi de graves difficultés.

5.4.

À partir du 1er octobre 2017, les producteurs de sucre de l’Union européenne seront libres d’exporter autant qu’ils le souhaitent. Ce sera peut-être l’occasion d’augmenter leurs recettes et de compenser la baisse des prix du sucre au sein de l’Union européenne. La consommation mondiale de sucre devrait continuer à croître à un rythme de 1,5 à 2 % par an (soit de 2 à 3 millions de tonnes par an). La demande devrait donc être suffisante pour entraîner une augmentation des exportations de sucre de l’Union européenne.

5.4.1.

Néanmoins, l’augmentation des exportations de sucre de l’Union européenne est tributaire d’un accès suffisant aux marchés des pays tiers. La Commission européenne devrait s’employer, dans le cadre de ses négociations sur le libre-échange, à ouvrir les marchés du sucre des importateurs nets de sucre, à la fois par la réduction ou l’élimination des droits de douane et l’ouverture de contingents tarifaires. Elle devrait continuer à supprimer les droits sur les exportations de produits de l’Union européenne à teneur élevée en sucre et à défendre des règles d’origine vigoureuses pour les produits de ce type, afin de veiller à ce que les producteurs de sucre de l’Union européenne tirent parti de l’augmentation des exportations.

5.4.2.

Les exportateurs de sucre de l’Union européenne sont parfois confrontés à l’imposition d’instruments de défense commerciale par des pays tiers. Dès le 1er octobre 2017, date à laquelle le secteur sera déréglementé, la Commission européenne devrait entreprendre toutes les démarches possibles pour lutter contre ces mesures et le secteur devrait apporter tout le soutien nécessaire aux procédures adoptées.

5.5.

Dans le cadre de négociations de libre-échange récemment achevées ou toujours en cours, l’Union propose d’ouvrir le marché européen du sucre à des pays tiers. L’ouverture du marché expose les prix du sucre blanc de l’Union européenne à une pression à la baisse et à une volatilité croissante. Le marché mondial actuel est un marché de dumping résiduel très instable au sein duquel les prix pratiqués sont souvent inférieurs aux coûts de production moyens, même à ceux des industries mondiales les plus performantes. Cela s’explique en grande partie par les mesures d’aide faussant les échanges, qui ont été mises en place par des grands producteurs et exportateurs de sucre, tels que le Brésil et la Thaïlande. Il en résulte que l’industrie européenne du sucre de betterave ne bénéficie pas de conditions de concurrence équitables par rapport aux producteurs de sucre dans les pays tiers. Dans le cadre de ses négociations en matière de libre-échange, la Commission doit considérer le sucre comme un produit sensible et maintenir les droits de l’Union européenne sur le sucre. Les négociations en cours avec le Mercosur présentent un risque grave pour le secteur, étant donné que le Brésil est le principal producteur et exportateur mondial. La Commission doit être prête à affronter les grands subventionneurs du marché du sucre au sein de l’organe de règlement des différends de l’OMC et lors des négociations commerciales.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Données chiffrées tirées de l’enquête sur les coûts de production effectuée chaque année par le CEFS afin de calculer le coût de production moyen du sucre de betterave sous quota européen.

(2)  F.O. Licht, International Sugar and Sweetener Report (Rapport international sur le sucre et les édulcorants), 18 mai 2017: vol. 149, no 14. Ces quatre entreprises sont Südzucker, Tereos, ABSugar et Nordzucker.

(3)  Statistiques du CEFS.

(4)  Règlement délégué (UE) 2016/1166 de la Commission du 17 mai 2016 modifiant l’annexe X du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil concernant les conditions d’achat des betteraves dans le secteur du sucre à compter du 1er octobre 2017.

(5)  Arrêté, octobre 2012. Étude sur la transmission des prix dans le secteur du sucre. Rapport final; Commission européenne, DG Agriculture et développement rural. Appel d’offres No AGRI-2011-EVAL-03.

(6)  Voir l’affaire DS266. L’Union européenne peut actuellement exporter quelque 1,35 million de tonnes de sucre par année de commercialisation, soit 10 % de la production de sucre sous quota.

(7)  C’est le chiffre donné par StarchEurope, l’association européenne de l’amidon.

(8)  En février et juin 2015, les prix sont tombés à 414 EUR/tonne.


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/37


Avis du Comité économique et social européen sur «De la déclaration de Cork 2.0 aux actions concrètes»

(avis d’initiative)

(2017/C 345/06)

Rapporteure:

Sofia BJÖRNSSON

Décision de l’assemblée plénière

26 janvier 2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

15 juin 2017

Adoption en session plénière

6 juillet 2017

Session plénière no

526

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

123/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite de la déclaration de Cork 2.0 et de la conférence, tenue en septembre 2016, qui a permis d’aboutir à celle-ci. Cette déclaration renouvelle le soutien fort apporté à une politique de développement rural à l’échelle de l’Union européenne.

1.2.

Le CESE constate que les zones rurales de l’Union ne sont pas homogènes, et que les conditions diffèrent entre les États membres et en leur sein. Le CESE estime que ces divergences rendent nécessaire de cibler l’utilisation des fonds européens disponibles et d’adopter une approche stratégique dans ce domaine. Celle-ci doit se fonder à la fois sur des priorités fixées par les États membres et leurs régions, et, ce qui est plus important encore, sur des initiatives émanant de la population rurale. Un «test rural» obligatoire des décisions et des stratégies politiques peut également être un moyen de prendre en considération les spécificités des zones rurales et d’en tenir compte.

1.3.

Le développement rural est une question horizontale qui touche presque tous les domaines politiques. Une politique plus cohérente pour le développement rural et régional et un budget solide pour les Fonds ESI (Fonds structurels et d’investissement européens) sont nécessaires. Le CESE fait observer que le Fonds ESI qui consent les investissements les plus élevés en matière de développement rural est le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et souligne que la proportion assurée par les autres fonds ESI comme le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds social européen (FSE) devrait augmenter.

1.4.

Il existe une grande marge de manœuvre en matière de simplification de la politique. Le CESE souhaite insister sur la nécessité de simplifier la réglementation régissant les fonds ESI, tant au niveau de l’Union européenne que lors de la mise en œuvre nationale et régionale de la politique. Le système actuel est si complexe que certains demandeurs potentiels évitent d’introduire des demandes de financement.

1.5.

De nombreuses régions de l’Union européenne, notamment dans les régions rurales, souffrent toujours d’un manque de solutions durables pour ce qui concerne les communications par internet. Le CESE porte un jugement très critique à cet égard. La population habitant en milieu rural a besoin de connexions internet à haut débit, par exemple pour le bon fonctionnement de la téléphonie ainsi que pour des raisons liées à la sécurité et au niveau de vie. L’accès à la large bande peut être l’un des facteurs décisifs dans le choix des jeunes, en particulier, de rester dans les zones rurales ou de les abandonner. L’accès au haut débit est une nécessité pour les entreprises et les entrepreneurs.

1.6.

Le secteur agricole, compte tenu de ses liens étroits avec la terre, joue un rôle clef dans les zones rurales. La production agricole est à la fois un volet indispensable des zones rurales pour répondre à la demande de la société en matière d’alimentation durable et un moteur du développement rural. Le CESE considère dès lors comme naturel que la plus grande partie des fonds du Feader soit destinée aux activités agricoles. Garantir un environnement favorable aux jeunes agriculteurs est une condition nécessaire pour assurer une production agricole durable à long terme.

1.7.

Le CESE tient à souligner qu’un développement durable passe par un climat propice à l’innovation.

1.8.

Le CESE reconnaît que les 17 objectifs de développement durable des Nations unies et leurs cibles, ainsi que l’accord de Paris sur le changement climatique (COP 21), sont des objectifs primordiaux qui touchent à l’ensemble des politiques de l’Union européenne, et notamment la politique de développement rural. Les collectivités régionales et locales des zones rurales qui sont compétentes dans ces matières doivent s’associer activement à la mise en œuvre de ces engagements internationaux.

2.   Observations générales

Cork 2.0

2.1.

En 1996, la Commission a organisé une conférence à Cork, en Irlande. Celle-ci avait abouti à la déclaration de Cork, qui jetait les bases du deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC) et des programmes de développement rural. À l’automne 2016, la Commission a organisé une nouvelle conférence à Cork, où la «déclaration de Cork 2.0» a été adoptée.

2.2.

Cette déclaration a fait l’objet d’un large consensus lors d’une conférence organisée par la direction générale de l’agriculture et du développement rural, à laquelle assistaient quelque 340 participants issus de la majorité des États membres de l’Union européenne, qui représentaient la société civile et les administrations nationales, régionales et européennes, et notamment le CESE. Au cours des conclusions, la déclaration a été présentée sous le titre «Pour une vie meilleure en milieu rural», implicitement validé par les participants.

2.3.

La déclaration trouve son origine dans la politique rurale et agricole de l’Union européenne. Dans une certaine mesure, toutefois, elle se réfère de manière plus large aux objectifs de développement durable des Nations unies (Programme à l’horizon 2030) (1) et à l’accord de Paris sur le changement climatique (COP 21) (2).

2.4.

L’introduction expose les raisons justifiant la déclaration, et est suivie par dix points d’orientation des politiques:

Point 1: Promouvoir la prospérité rurale

Point 2: Renforcer les chaînes de valeur rurales

Point 3: Investir dans la viabilité et la vitalité rurales

Point 4: Préserver le milieu rural

Point 5: Gérer les ressources naturelles

Point 6: Encourager l’action pour le climat

Point 7: Stimuler les connaissances et l’innovation

Point 8: Renforcer la gouvernance rurale

Point 9: Améliorer les résultats et la simplification des politiques

Point 10: Améliorer la performance et la responsabilisation

2.5.

La déclaration adopte une approche globale en matière de développement rural, et tire sa force de son champ d’application ainsi que son contenu, étant donné qu’elle comprend tous les éléments des aspects nécessaires à la création d’un environnement rural durable et viable dans l’Union. Le CESE observe toutefois que ce champ d’application est aussi une faiblesse car il crée de la complexité, sans marge de manœuvre pour se concentrer sur l’échelon européen. Étant donné l’ampleur des défis auxquels sont confrontées les zones rurales, le CESE souhaite souligner l’importance d’une utilisation ciblée des fonds disponibles afin de garantir des résultats tangibles. Il convient de mettre l’accent à la fois sur des priorités fixées par les différents États membres ou régions, et, ce qui est plus important encore, sur des initiatives émanant de la population rurale.

2.6.

Le contenu de Cork 2.0 reflète dans une large mesure celui de la déclaration de 1996, à la différence près que les questions liées au climat et à la numérisation y ont fait leur apparition.

2.7.

Le CESE se considère comme un acteur à part entière de la mise en œuvre de la déclaration et invite la Commission à continuer de rendre compte des progrès accomplis dans les rapports sur l’état d’avancement de leur mise en œuvre.

Les fonds de l’Union européenne au service de la politique de développement rural

2.8.

Tous les pays de l’Union européenne disposent de programmes de développement rural à l’échelon national ou régional, qui sont financés en partie par le Feader et en partie par des fonds nationaux (publics et privés). Ces programmes comportent des mesures visant à favoriser le développement durable dans ses trois dimensions — environnementale, sociale et économique. Ils sont conçus par l’État membre ou la région concernés, et approuvés par la Commission.

2.9.

Le Feader fait partie de ce que l’on appelle les Fonds ESI (Fonds structurels et d’investissement européens), avec le Fonds de cohésion, le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE) et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). Un cadre réglementaire commun (3) régit les aspects techniques de la mise en œuvre des Fonds ESI. En outre, chaque pays a élaboré des accords de partenariat en commun pour les Fonds, qui fixent des priorités à la mise en œuvre de la politique. Cela s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des objectifs de la stratégie Europe 2020. Il existe dès lors un lien étroit entre les Fonds et une stratégie explicite de coordination entre eux.

2.10.

Dans le cadre du Feader, il existe des réseaux ruraux, en partie au niveau européen, par l’intermédiaire du réseau européen pour le développement rural, et en partie aux niveaux national et régional. Ces réseaux constituent des plateformes de rencontre et d’échange d’expériences, et l’activité de mise en réseau améliore les perspectives d’une mise en œuvre réussie et de la réalisation dans de bonnes conditions des objectifs des programmes de développement rural.

2.11.

Le Comité des régions a commandé une étude sur la mesure dans laquelle les Fonds ESI sont utilisés au service du développement rural (4). Sans surprise, le Feader est le fonds dont la plupart des ressources ont été affectées et sont affectées à cet objectif. La part des autres fonds est relativement faible, voire très faible. Le développement rural étant une question horizontale, importante pour une Union caractérisée par la cohésion, le CESE estime que des efforts devraient être déployés en vue d’accroître cette proportion.

2.12.

Les Fonds ESI ont été et continueront à être, à l’échelle de l’Union européenne, le principal instrument de mise en œuvre des intentions de la déclaration de Cork. La prochaine période de programmation financière de l’Union européenne commencera en 2021 et l’élaboration de la politique pour cette période déterminera dans quelles proportions les intentions de Cork 2.0 seront réalisées. En outre, le CESE souligne que la mise en œuvre de la déclaration et la réalisation des objectifs de la politique supposent l’existence d’un budget solide pour les Fonds ESI.

3.   Les futures mesures

Un mécanisme de prévention en faveur des zones rurales

3.1.

Le point 1 de la déclaration précise qu’il devrait exister un mécanisme de prévention en faveur des zones rurales garantissant la prise en compte du potentiel de ces dernières dans les politiques et les stratégies de l’Union. Les politiques rurales et agricoles s’appuient sur l’identité et le dynamisme des zones rurales grâce à la mise en œuvre d’approches multisectorielles et valorisent la dimension durable, l’insertion sociale et le développement local.

3.2.

Un mécanisme de prévention en faveur des zones rurales équivaut éventuellement à la prise en compte de manière objective et systématique des conditions spécifiques de ces régions. Celui-ci peut être un outil montrant comment les décisions politiques affectent les zones rurales, afin d’éviter qu’elles n’aient une incidence négative.

3.3.

Un mécanisme de prévention en faveur des zones rurales existe par exemple en Finlande, au Royaume-Uni et au Canada. Il peut être à la fois obligatoire et volontaire. En Irlande du Nord, depuis 2016, la mise en place d’un mécanisme de prévention en faveur des zones rurales est une obligation légale. Les systèmes nationaux sont similaires entre eux.

3.4.

Si l’on veut qu’un mécanisme de prévention en faveur des zones rurales soit efficace, il faut qu’il soit obligatoire. Il doit permettre aux décideurs de se fonder sur des éléments sérieux. Un mécanisme de prévention en faveur des zones rurales qui ne donnerait lieu qu’à des enquêtes et des déclarations, sans influencer les décisions, n’aurait aucun sens.

3.5.

Il convient également de reconnaître qu’il existe, au sein de l’Union européenne comme à l’intérieur des États membres, non pas une zone rurale unique, mais de nombreux espaces ruraux, chacun doté de possibilités et de conditions spécifiques. Cela doit également se refléter dans ce mécanisme de prévention en faveur des zones rurales et dans la politique menée à la fois au niveau de l’Union européenne et des États membres, si l’on veut que le développement rural produise à l’avenir des résultats positifs. Les personnes vivant dans les zones rurales ont également un rôle à jouer dans la création et le développement d’une identité locale ainsi que dans le débat et les décisions concernant la mesure dans laquelle il convient de préserver le caractère rural.

Le programme LEADER et le développement mené par les acteurs locaux

3.6.

Le point 8 de la déclaration indique que l’on doit s’appuyer sur le succès du programme LEADER, et sur l’approche ascendante sur laquelle il repose. Le CESE a exprimé son point de vue dans de nombreux documents au sujet de la politique de cohésion de l’Union européenne et des partenariats dans ce cadre, de la méthode Leader et de la nouvelle approche du développement local mené par les acteurs locaux (DLAL, également connu sous son sigle anglais CCLD — Community-Led Local Development).

3.7.

Le CESE souscrit à l’analyse effectuée par la Commission dès son troisième rapport sur la cohésion en 2004, qui définissait l’objectif de parvenir à un développement plus équilibré en réduisant les disparités existantes, en évitant les déséquilibres territoriaux et en unifiant la politique régionale et les politiques sectorielles (5).

3.8.

Le Comité constate toutefois que cet objectif n’a pas été atteint, et qu’il faut renforcer la politique de cohésion au service des zones rurales et du développement régional.

3.9.

Le CESE se félicite également du principe de partenariat en tant que méthode efficace de promotion des programmes relevant des Fonds ESI. Le principe de partenariat implique, outre la participation des acteurs économiques et sociaux traditionnels, également celle des organisations de la société civile, des partenaires environnementaux, des organisations non gouvernementales et des organismes chargés de la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes.

3.10.

La méthode LEADER est un instrument de développement éprouvé au sein duquel le public et la société civile participent à un partenariat local. Le CESE avait fait observer dès 2011 que cette méthode devrait également donner accès à des ressources dans le cadre de l’ensemble des Fonds ESI. Elle a également été un facteur positif permettant de mieux associer les zones urbaines et rurales (6). Cette méthode peut également être utilisée dans les zones urbaines, mais le CESE souhaite souligner que cela ne devrait pas se faire au détriment du développement rural.

3.11.

Au cours de la période de programmation 2014-2020, le développement local mené par les acteurs locaux au sein de l’approche Leader est devenu un nouvel instrument auquel contribuent conjointement les quatre Fonds ESI. Le développement local le plus efficace est celui qui est réalisée par ceux qui vivent et travaillent dans la région concernée, qu’ils connaissent parfaitement.

3.12.

Au moins 5 % du financement du Feader doit être mis en œuvre au moyen du développement local mené par les acteurs locaux. En raison de leur structure, qui nécessite de suivre quatre réglementations différentes pour chacun de ces fonds, les possibilités ont été limitées à une exploitation simple et rationnelle. Avant la prochaine période de programmation, la Commission devrait formuler des propositions visant à une simplification substantielle qui permettrait au développement local mené par les acteurs locaux de réaliser l’intégralité de son potentiel en tant qu’instrument destiné à la fois aux zones rurales et aux zones urbaines, et en tant que pourcentage minimal de financement de la méthode.

Les services et les emplois

3.13.

Des facteurs tels que les services et les emplois déterminent dans quelle mesure les citoyens souhaitent rester vivre ou s’implanter dans les zones rurales, ou encore en ont la possibilité. La désertion des zones rurales est une tendance générale dans toute l’Union, ce qui crée une spirale négative et réduit la possibilité de réaliser les objectifs communautaires et les objectifs de développement durable des Nations unies. L’évolution démographique peut représenter un défi à l’avenir; tant les jeunes que les personnes âgées vivant dans les zones rurales ont besoin de disposer de conditions de vie de bonne qualité.

3.14.

L’accès à des services publics et commerciaux fondamentaux tels que l’école, les soins de santé, les services postaux, les magasins d’alimentation, les transports publics et d’autres services similaires peut varier entre zones urbaines et zones rurales. Ce facteur peut influer de manière déterminante sur le choix que font les citoyens du lieu où ils souhaitent et peuvent vivre. Pour des familles avec enfants, l’accès à des structures d’accueil opérationnelles, par exemple, influence la mesure dans laquelle les parents auront ou non une possibilité de travailler. Dans certaines parties de l’Union, l’accès aux services est en général plus faible dans les zones rurales que dans les zones urbaines. L’aménagement du territoire devrait tenir compte de ce problème afin de garantir que la qualité de vie des habitants des zones rurales n’ait pas à en pâtir.

3.15.

Plusieurs pays de l’Union affichent un taux de chômage plus élevé dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Il existe toutefois des différences importantes, que montrent les statistiques d’Eurostat (7). Dans le même temps, certaines entreprises peuvent attester de difficultés à engager des travailleurs compétents dans les zones rurales. Il peut donc y avoir un décalage dans les deux sens, tant dans l’offre que dans la demande. Les jeunes qui souhaitent se former ont tendance à choisir des lieux dotés d’universités et d’établissements d’enseignement supérieur, et ne reviennent pas ensuite.

3.16.

La gestion de l’accueil des immigrants — et en particulier de leurs familles — est et demeurera un défi pour les résidents des zones rurales dans les années à venir. Il y a lieu d’encourager l’estime et le respect mutuels. Les zones rurales pourraient offrir de bonnes conditions de vie aux familles de migrants. Dans le cas des pays qui connaissent un fort taux d’immigration — en raison par exemple de l’afflux de réfugiés — et de main-d’œuvre étrangère, trouver un emploi peut constituer un défi, mais la migration peut aussi créer des possibilités de recrutement.

3.17.

La déclaration traite des questions concernant l’emploi et la formation en particulier aux points 3 et 7. La question des services est abordée de manière plus indirecte. Le CESE considère que les initiatives communautaires ont une importance, à la fois directe et indirecte, pour le développement, en particulier en ce qui concerne la question de la création d’emplois grâce à des mesures d’aide aux entreprises. Concernant l’accès aux services, celui-ci relève dans une large mesure de la responsabilité des différents États membres, bien que les Fonds ESI puissent être un catalyseur.

Agriculture et développement rural

3.18.

Les zones agricoles et forestières représentent environ 85 % des terres dans l’ensemble de l’Union, mais il subsiste de grandes différences d’un pays et d’une région à l’autre. Le paysage valorisé permet la production de denrées alimentaires destinées aux humains comme aux animaux, d’énergie et de fibres, mais il est aussi une source de conservation et de production de biens d’utilité publique, tels qu’une flore et une faune riches. Le paysage est un facteur qui distingue les zones rurales des zones urbaines, et constitue un élément unique des zones rurales dans l’Union; en outre, le secteur agricole, étant donné ses liens très forts avec la terre, joue un rôle essentiel dans les zones rurales. Les questions relatives à la préservation de l’environnement rural et à la gestion des ressources naturelles sont autant d’aspects mis en évidence aux points 4 et 5 de la déclaration. Les conditions de l’exploitation et de la gestion durables sont essentielles à la valeur intrinsèque du paysage, à la qualité de l’eau et à la biodiversité.

3.19.

La production agricole est évoquée dans la déclaration, quoique surtout de manière indirecte, et il est possible de considérer que la production agricole (sous forme de denrées alimentaires), est dans une certaine mesure, tenue pour acquise. Comme mentionné ci-dessus, les aspects de la conservation et de la gestion de l’environnement et des ressources naturelles sont abordés de manière plus explicite. Le CESE souhaite mettre l’accent sur le fait que l’agriculture est d’une part un élément incontournable de l’espace rural lorsqu’il s’agit de satisfaire la demande de la société en alimentation durable, et d’autre part, un moteur du développement rural. Les personnes qui travaillent dans les secteurs de l’agriculture et de la sylviculture représentent une part non négligeable de la population rurale, créent des emplois, et fournissent un socle de demande en services et en équipements. Un aspect important dans ce contexte est la possibilité pour de nouveaux agriculteurs, y compris des jeunes, de reprendre et de développer leurs activités. La proportion de jeunes agriculteurs est faible et il y a lieu de prendre des mesures pour faciliter le renouvellement des générations.

3.20.

Une production agricole durable exige de rencontrer les trois dimensions du développement durable: économique, sociale et environnementale. La dimension économique peut être dans certains cas déterminante en matière de gestion. À titre d’exemple, l’on peut citer le cas des riches prairies et pâturages dont la taille a diminué progressivement en raison de la baisse de leur rentabilité, en particulier dans le secteur de l’élevage d’animaux herbivores, ce qui a eu par ricochet une incidence négative sur la biodiversité. C’est un exemple de l’incidence que peut avoir, sur le milieu environnant, l’absence de viabilité économique des entreprises et aussi de l’importance de rémunérer les agriculteurs pour les services environnementaux qu’ils rendent.

3.21.

Le CESE estime que le secteur agricole est un domaine du développement rural dans lequel le Feader a et doit rester déterminant. La plupart des ressources issues du Feader sont destinées aux activités agricoles et devraient l’être effectivement, par exemple sous la forme d’aides à la protection de l’environnement, de développement des compétences, de soutien en faveur des zones soumises à des contraintes naturelles et des aides à l’investissement. Dans d’autres domaines, par exemple l’énergie, le haut débit et le soutien à l’innovation, le Feader a des retombées positives pour les zones rurales dans une perspective plus large. Dans le même temps, l’agriculture est une activité économique comme une autre, et il convient de ne pas l’exclure en tant que telle des investissements provenant d’autres fonds ESI.

3.22.

Aujourd’hui, les agriculteurs et exploitants forestiers peuvent être considérés à la fois comme producteurs et gestionnaires d’un paysage, comme l’ont été les générations précédentes. Pour de nombreuses personnes, la gestion du paysage cultivé est un facteur essentiel de l’amélioration de la qualité de vie, et son importance à des fins récréatives, pour les activités de plein air et pour le secteur du tourisme ne doit pas être sous-estimée. La valeur intrinsèque du paysage et des ressources du sol peut être à l’origine de débouchés commerciaux et de possibilités d’en tirer une subsistance de nombreuses manières différentes.

3.23.

Un développement territorial plus équilibré devrait également comprendre une transition vers des systèmes alimentaires durables (8). Développer une approche globale des systèmes alimentaires est essentiel pour relever les défis économiques, environnementaux et sociaux liés à la production et à la consommation des denrées alimentaires et pour veiller à la bonne gestion des initiatives prises à de multiples niveaux et dans tous les secteurs. Ces initiatives comprennent, par exemple, la promotion de chaînes d’approvisionnement courtes visant à améliorer le développement rural en promouvant l’accès à une alimentation saine et à base de produits frais pour les consommateurs (9). Celles-ci bénéficieraient également aux économies et à la production agricole locales.

L’innovation

3.24.

L’importance de l’innovation ne saurait être suffisamment soulignée en ce qui concerne le développement rural, tant pour réaliser que pour générer de nouvelles idées. Les solutions innovantes créent les conditions d’une société durable, par exemple pour que l’espace rural puisse contribuer à une économie plus circulaire s’appuyant sur l’agriculture biologique et sur des solutions respectueuses du climat ainsi que sur la possibilité de produire davantage avec moins d’intrants. Le transfert des connaissances et l’accès à ces dernières sont un facteur clé pour réaliser des idées innovantes.

3.25.

De nouvelles technologies et de nouvelles formes innovantes de production créent des conditions favorables pour accroître le caractère durable de la production agricole et ainsi améliorer le bien-être animal et permettre de produire davantage avec moins d’intrants tels que les engrais ou les produits phytopharmaceutiques. Appliquer de nouvelles technologies et réaliser des innovations nécessite dans de nombreux cas d’importants investissements qui peuvent présenter une prise de risque pour les exploitants agricoles individuels. Il est souvent impossible aux opérateurs individuels de supporter seuls le coût de ce risque. Si l’on veut encourager les technologies et les méthodes demandées par la société, il convient de prévoir la possibilité de soutenir l’investissement, par exemple à l’aide du programme de développement rural. Il peut y avoir un conflit intrinsèque entre le développement technologique de l’agriculture et le nombre de créations d’emplois, étant donné que l’augmentation de la mécanisation et le développement structurel entraînent, dans de nombreux cas, une réduction du nombre des emplois, mais cette évolution peut également produire des emplois économiquement plus stables.

3.26.

Les stratégies destinées à investir dans l’innovation et leur mise en œuvre doivent partir des besoins existants, plutôt que des montants des fonds disponibles. Le point 7 de la déclaration met l’accent sur la nécessité de stimuler les connaissances ainsi que l’innovation technologique et sociale, et souligne la nécessité d’une coopération entre les différents acteurs permettant l’exploitation et le partage des informations. En l’occurrence, une initiative communautaire telle que les partenariats européens d’innovation (PEI), par exemple le PEI-agri, peut apporter une grande aide de par son approche ascendante qui permet une communication en réseau et des échanges entre acteurs de différents niveaux, notamment sur le plan des pratiques entrepreneuriales. Afin de continuer à promouvoir l’innovation dans les zones rurales, il peut être approprié de soutenir des «intermédiaires en innovation».

La numérisation

3.27.

L’accès aux réseaux à haut débit est, dans la société d’aujourd’hui, un élément essentiel des infrastructures et une condition préalable au bon fonctionnement de la société, tant dans les zones urbaines que dans les zones rurales; il influence aussi bien l’accès à la main-d’œuvre que l’accès au travail. La tendance en matière de développement est que tout se fait de plus en plus en ligne. Dans de nombreuses régions d’Europe, en particulier dans les régions rurales, on manque cependant encore de solutions stables. Le CESE souligne l’absurdité de cette situation. La population habitant en milieu rural a besoin du haut débit pour sa sécurité, par exemple pour le fonctionnement des appareils téléphoniques, et pour sa qualité de vie, qui passe par exemple par le fonctionnement de la télévision. L’accès au haut débit peut être un facteur influençant la mesure dans laquelle les jeunes surtout vont choisir de rester vivre dans leur région, ou de la quitter. Pour les entreprises, le haut débit est une nécessité attendu que, dans la majorité des cas, il est impossible de poursuivre une activité en l’absence d’une connexion à haut débit qui fonctionne. Citons par exemple les moyens de paiement dans un monde qui connaît de moins en moins le paiement en espèces, la comptabilité, le commerce électronique, ainsi que la communication avec la clientèle. Les exploitations agricoles sont un exemple de cas où les TIC occupent une place de plus en plus importante dans les nouvelles solutions technologiques.

3.28.

Les besoins en numérisation et les possibilités qu’elle offre sont mises en évidence par la déclaration. Lorsque les forces du marché ne sont pas suffisantes pour la diffusion du haut débit, comme c’est souvent le cas dans les zones rurales, le CESE est d’avis qu’il devrait exister des aides. Le CESE estime que le FEDER devrait être la principale source d’aide aux infrastructures tandis que le Feader devrait pouvoir être utilisé pour des investissements plus denses et plus ciblés. En outre, la Banque européenne d’investissement et le Fonds européen pour les investissements stratégiques peuvent apporter leur soutien, par exemple au moyen d’instruments financiers innovants.

Le rôle des zones rurales au service de l’économie circulaire et de la lutte contre le changement climatique

3.29.

Le rôle de l’espace rural dans une économie circulaire est décisif. La déclaration évoque l’économie circulaire en son point 6 concernant la promotion de mesures en faveur du climat, mais l’économie circulaire comporte de nombreux autres aspects positifs, qui sont également reflétés dans l’avis du CESE sur le paquet «Économie circulaire» (10). Un cycle durable entre la ville et la campagne est non seulement nécessaire du point de vue des ressources, mais il contribue également à renforcer l’agriculture et à réduire les importations d’intrants. Les zones rurales disposent en effet d’un potentiel considérable afin de contribuer à une société plus circulaire, d’une part grâce à leur capacité à utiliser les déchets comme une ressource, par exemple comme engrais et amendements pour les sols, et d’autre part en produisant des énergies renouvelables et des biomatériaux.

3.30.

Si l’on veut diminuer le nombre d’émissions nocives pour le climat, il faut réduire l’utilisation des énergies fossiles et recourir à des sources d’énergie renouvelables. Les zones rurales disposent d’un énorme potentiel pour y contribuer, notamment grâce à la production d’énergie solaire, éolienne et hydraulique, mais aussi de bioénergie. La production d’énergie à partir de sources renouvelables peut cependant avoir une incidence significative sur les habitants et sur l’environnement; il convient dès lors de prendre en compte tous les éléments du développement durable.

3.31.

La lutte contre le changement climatique demande à la fois de réduire les effets induits, et de s’y adapter. Les zones rurales, étant donné leurs grandes parcelles de terres agricoles et de forêts, ont un potentiel considérable de stockage de carbone, et peuvent ainsi contribuer à la réduction des émissions nocives tandis que, dans le même temps, la production elle-même génère de telles émissions. Les meilleures technologies disponibles devraient être utilisées pour réduire, au niveau de la production, les émissions au minimum. Le développement des compétences, associé aux capacités d’investissement, est nécessaire à tous les niveaux, du producteur au décideur.

3.32.

En résumé, les zones rurales présentent un potentiel considérable pour contribuer à une société durable et donc à la fois aux objectifs de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030 et à l’accord de Paris sur le changement climatique (COP 21), comme en témoigne clairement la déclaration de Cork 2.0. Les difficultés restent cependant importantes et nécessitent d’investir, au sens propre comme au figuré, afin d’être en mesure d’y répondre.

Simplification

3.33.

Dans le cadre des discussions au sujet de l’aide provenant des fonds européens, on fait souvent valoir que la politique est complexe, tant pour les bénéficiaires que pour les autorités. Cette complexité est mise en lumière au point 9 de la déclaration. Le CESE souhaite insister sur la nécessité que représente la simplification, tant au niveau de l’Union européenne que lors de la mise en œuvre nationale et régionale de la politique. Le système actuel est si complexe que certaines personnes évitent de solliciter des aides, et la complexité met donc en péril la mise en œuvre et la réalisation des objectifs de la politique. Certains types de demandes nécessitent en principe l’aide d’un consultant, afin d’être correctement remplies. Il y a lieu de mettre l’accent sur la sécurité juridique de chacun des acteurs.

3.34.

Avant l’actuelle période de programmation (2014-2020), les règles administratives régissant les Fonds ESI ont été rassemblées au sein d’un règlement commun (11). Cette approche est fondamentalement positive, étant donné qu’une coordination accrue peut générer des gains d’efficacité, principalement pour la puissance publique, tandis que les gains sont moins importants pour les bénéficiaires individuels des aides; il est rare en effet que le même bénéficiaire sollicite des aides issues de différents fonds. Les gains ainsi dégagés peuvent être éventuellement plus importants pour le développement local mené par les acteurs locaux dans les pays où celui-ci mobilise plusieurs fonds. Les conséquences d’un règlement commun nécessiteraient éventuellement un examen plus approfondi.

3.35.

L’actuelle politique de développement rural est mise en œuvre au moyen de programmes de développement rural dans le cadre du Feader, et elle prévoit une hiérarchisation des objectifs et des domaines prioritaires. C’est un système dans lequel le budget du programme est très fragmenté, étant donné que la répartition en mesures, domaines prioritaires et priorités va de pair avec des lignes budgétaires propres. Il est devenu difficile d’avoir une vue d’ensemble des programmes, et leur conception a créé davantage de charges administratives pour les collectivités territoriales, ce qui entraîne à son tour une diminution des ressources consacrées à leur mise en œuvre et compromet la possibilité de réaliser leurs objectifs.

3.36.

Le point 10 de la déclaration porte sur la nécessité d’améliorer la performance et sur la responsabilisation. Il s’agit également d’un principe directeur des travaux budgétaires de la Commission qui a lancé, en 2015, l’initiative «Budget de l’Union — Priorité aux résultats». Les citoyens et les contribuables doivent pouvoir obtenir des informations concernant les résultats produits par ces politiques et la mesure dans laquelle leurs objectifs sont remplis.

Bruxelles, le 6 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Voir l’avis sur le thème «Prochaines étapes pour un avenir européen durable» (voir page 15 du présent Journal officiel).

(2)  Voir l’avis sur le thème «L’après-Paris» (JO C 75 du 10.3.2017, p. 103).

(3)  Règlement (UE) no 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013.

(4)  http://cor.europa.eu/en/documentation/studies/Documents/Evolution-Budget-Dedicated-Rural-Development-Policy.pdf

(5)  Voir l’avis sur le thème «La cohésion territoriale» (JO C 228 du 22.9.2009, p. 123).

(6)  Voir l’avis sur le thème «LEADER en tant qu’instrument du développement rural» (JO C 376 du 22.12.2011, p. 15).

(7)  http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Unemployment_statistics_at_regional_level/fr

(8)  Voir l’avis sur le thème «Des systèmes alimentaires plus durables» (JO C 303 du 19.8.2016, p. 64).

(9)  Ce point fait l’objet d’un avis d’initiative du CESE sur «La contribution de la société civile à l’élaboration d’une politique alimentaire globale dans l’Union européenne», dont l’adoption est prévue en décembre 2017.

(10)  Voir l’avis sur le Paquet «Économie circulaire» (JO C 264 du 20.7.2016, p. 98).

(11)  Règlement (UE) no 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013: http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1489147469173&uri=CELEX:32013R1303


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/45


Avis du Comité économique et social européen sur l’«Application des règles relatives aux aides d’État pour les compensations des prestations de services d’intérêt économique général

(décision 2012/21/UE et cadre communautaire)»

(Avis d’initiative)

(2017/C 345/07)

Rapporteure:

Milena ANGELOVA

Décision de l’assemblée plénière

22 septembre 2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

14 juin 2017

Adoption en session plénière

6 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

116/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) approuve la mise en œuvre du paquet relatif aux services d’intérêt économique général («paquet SIEG»), porteur de sécurité juridique pour les prestataires de services publics. Ce paquet trouve le juste équilibre entre la nécessité d’encourager et de soutenir les SIEG et l’objectif de prévention des distorsions de concurrence éventuelles. Toutefois, les parties prenantes au niveau régional et local, et en particulier les prestataires publics de SIEG, expriment leurs préoccupations (révélées par l’étude du CESE intitulée «Examen des rapports des États membres sur la mise en œuvre de la décision de la Commission européenne relative à l’octroi d’aides d’État pour la prestation de services d’intérêt économique général») concernant des points clés des règles actuelles qui créent des obstacles inutiles ou un manque de sécurité juridique; le CESE invite dès lors la Commission à prendre les mesures qui s’imposent pour améliorer les règles actuelles et leur mise en œuvre concrète, à fournir des lignes directrices, à créer un recueil des meilleures pratiques et, lorsque la situation l’exige, à s’interroger sur la nécessité de mettre à jour et de modifier le paquet.

1.2.

En examinant les deux premières vagues de rapports des États membres sur la mise en œuvre du paquet SIEG, le CESE constate avec inquiétude que ceux-ci n’abordent pas la question essentielle des exigences de compatibilité, une question traitée de manière approfondie dans la communication de la Commission intitulée «Encadrement de l’Union européenne applicable aux aides d’État sous forme de compensations de service public» (ci-après l’«encadrement»).

1.3.

Le CESE note que dans la plupart des cas, l’incertitude ou les coûts considérables induits par le respect des exigences génèrent des obstacles qui empêchent indûment les autorités de mettre pleinement en œuvre la politique en matière de SIEG. De telles entraves ont de profondes répercussions sur les collectivités locales et régionales, étant donné que le dialogue entre les États membres et la Commission sur les affaires relatives aux aides d’État est mené par l’administration centrale, tandis que les autres échelons administratifs ne bénéficient pas d’un accès direct à ce processus.

1.4.

Le fait que seuls une poignée de SIEG soient signalés au niveau régional ou local (d’après l’étude susmentionnée) démontre que l’absence de canaux de communication directs avec la Commission nuit au bon financement des services publics, ce qui accroît la réticence des autorités compétentes à tirer pleinement parti de la décision et à dissiper les doutes concernant sa mise en œuvre.

1.5.

Le CESE invite la Commission européenne à examiner les possibilités d’améliorer la décision et d’élargir son champ d’application, afin de prendre en compte les éléments ci-dessous.

1.5.1.

Le CESE propose à la Commission de supprimer le seuil d’exemption et d’inclure l’ensemble des SIEG dans la décision, quel que soit le montant compensatoire annuel. Une étude attentive de sa mise en œuvre actuelle prouve que ces mesures permettront de réduire les coûts et les difficultés d’ordre administratif auxquels seraient autrement confrontées les autorités, en particulier à l’échelon local, sans fausser d’aucune manière la concurrence.

1.5.2.

Compte tenu du marché du travail et du défi constant que représentent les inadéquations de compétences, le CESE invite la Commission à examiner la possibilité d’élargir le champ d’application de la décision en considérant comme admissibles les services destinés à enrichir les connaissances et les compétences des citoyens et à les aider ainsi à améliorer leurs perspectives d’emploi.

1.5.3.

Le CESE demande à la Commission d’examiner attentivement, et peut-être de modifier, certaines dispositions spécifiques de la décision, principalement en ce qui concerne les points suivants: la durée de conservation de toutes les informations nécessaires pour déterminer la compatibilité de la compensation accordée; la clarification du fait que la durée des mandats ne devrait pas avoir d’effet concret sur leur renouvellement ou leur extension, ni sur l’admissibilité des prestataires de services qui en assurent l’exécution; la définition d’une méthode facile à utiliser pour le calcul du bénéfice raisonnable; une plus grande clarification de l’exigence de répartition des gains d’efficience productive au sein d’une entreprise, et l’adoption d’une approche plus flexible à l’égard des dépassements mineurs n’excédant pas 10 % de la compensation annuelle moyenne, assortie d’une exemption d’actualisation des paramètres.

1.6.

Le CESE juge nécessaire de clarifier davantage les conditions de compatibilité prévues par l’encadrement en ce qui concerne les points suivants:

préciser davantage les autres méthodes qui sont déjà largement utilisées dans la pratique pour se conformer à l’exigence qui doit permettre d’assurer la compatibilité conformément à l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE),

éviter toute disposition contraignante qui pourrait empiéter sur les procédures législatives nationales et créer ainsi des problèmes injustifiés,

prendre dûment en considération les nouvelles exigences juridiques en ce qui concerne les marchés publics et les concessions,

associer la méthodologie ex ante à une utilisation intégrale du calcul ex post du coût net, sauf si l’autorité préfère fixer la compensation sous forme de montant forfaitaire au moment de l’attribution du mandat,

approuver les deux approches de calcul de la compensation (coûts nets agrégés et coût net évité) et fournir de nouvelles orientations en la matière dans l’encadrement, qui ne comporte pour l’heure pratiquement aucune indication quant à la manière de déterminer les scénarios contrefactuels pertinents,

établir une distinction entre, d’une part, les droits spéciaux ou exclusifs qui entraînent un avantage dont le bénéfice devrait être pris en considération dans le cadre du financement des obligations de service public, et d’autre part, la couverture universelle qui implique un désavantage pour le prestataire désigné,

fournir de nouveaux éclaircissements sur les normes de rentabilité et permettre l’utilisation de normes différentes plutôt que d’en imposer une en particulier aux États membres,

clarifier davantage les autres méthodes de calcul de ces incitations, dont l’utilisation ne devrait pas être obligatoire étant donné la complexité du processus.

1.7.

Le CESE constate que le Parlement européen et le Conseil n’ont pas adopté de règlements fixant les principes et conditions régissant les services d’intérêt économique général, notamment dans le domaine économique et financier. Il invite dès lors la Commission, le Parlement et le Conseil à étudier les moyens d’exercer cette prérogative énoncée à l’article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, sans préjudice de la compétence des États membres et des dispositions du traité visées dans cet article.

2.   Objet de l’avis d’initiative

2.1.

Dans son plan d’action pour 2017, le CESE a souligné l’importance des services d’intérêt économique général en tant qu’élément essentiel de notre modèle économique et social européen, consacré comme tel par l’article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

2.2.

L’article 14 invite l’Union et les États membres à veiller, dans les limites de leurs compétences respectives, «à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d’accomplir leurs missions». Il dispose en outre que «le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à la procédure législative ordinaire, établissent ces principes et fixent ces conditions, sans préjudice de la compétence qu’ont les États membres, dans le respect des traités, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services». Ce mandat n’a pour l’heure pas été traduit en initiatives législatives spécifiques. En revanche, la Commission européenne a élaboré un vaste ensemble de règles en matière d’aides d’État applicables aux SIEG, qui se base sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.

2.3.

Les conditions de la compatibilité avec les dispositions du traité sur les aides d’État et avec l’article 106, paragraphe 2, du TFUE sont sujettes à controverse, et ce depuis l’arrêt rendu par le Tribunal de première instance en 1997 (1) selon lequel les compensations accordées aux entreprises s’acquittant d’une mission de service public devaient être considérées comme des aides d’État. Jusqu’à cette date, le consensus était que la compensation des surcoûts découlant des obligations plus contraignantes liées aux SIEG ne conférait aucun avantage. La Cour de justice a opéré un renversement de position en 2001 (2), estimant que la compensation ne pouvait être considérée comme une aide d’État que si elle dépassait les surcoûts supportés par le prestataire désigné. Enfin, l’arrêt Altmark de 2003 (3) a établi les critères que tout système de compensation est tenu de remplir pour ne pas relever des règles relatives aux aides d’État.

2.4.

La Commission européenne détermine la compatibilité des SIEG avec les règles relatives aux aides d’État en suivant étroitement les trois critères de base de l’arrêt Altmark. Ceci exige:

une définition claire des obligations de service public et l’attribution spécifique d’un mandat au prestataire désigné au moyen d’un acte public;

une détermination ex ante des paramètres permettant de calculer la compensation de manière objective et transparente;

une compensation qui n’excède pas les dépenses occasionnées par l’exécution du service public, compte tenu des recettes correspondantes et d’un bénéfice raisonnable;

une sélection du prestataire désigné qui doit être effectuée:

soit au moyen d’une procédure de marché public;

soit en déterminant le niveau de compensation sur la base des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et correctement équipée, aurait à supporter au titre de la prestation du service, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable.

2.5.

En 2005, la Commission a adopté le «paquet Monti-Kroes», mis à jour en 2011 («paquet Almunia»), qui contient des règles clés pour le financement des SIEG: il comprend une communication de la Commission (4) (ci-après l’«encadrement»), qui fixe les conditions de compatibilité pour les SIEG, ainsi qu’une décision de la Commission (5) exemptant de l’obligation de notification les régimes qui sont moins susceptibles de fausser la concurrence, en raison de leur financement limité [l’article 2, paragraphe 1, point a), de la décision fixe le plafond annuel à 15 millions d’EUR] ou du fait qu’ils ciblent des activités répondant à des besoins sociaux (c’est-à-dire les hôpitaux, les soins de santé et de longue durée, la garde d’enfants, l’accès et la réinsertion sur le marché du travail, le logement social, les soins et l’inclusion sociale des groupes vulnérables, les liaisons maritimes avec les îles, ainsi que les aéroports et les ports fréquentés par un faible nombre de passagers). La Commission a fait part de son intention de procéder à un réexamen de cet ensemble de règles cinq ans après leur entrée en vigueur.

2.6.

Par le présent avis d’initiative, le CESE entend contribuer, dans le cadre de son programme pour l’Europe, au réexamen qu’entreprendra prochainement la Commission, en analysant en détail l’expérience acquise en matière de mise en œuvre du paquet SIEG. À cette fin, il a commandé une étude sur l’application des règles en matière de SIEG aux compensations publiques («Examen des rapports des États membres sur la mise en œuvre de la décision de la Commission européenne relative à l’octroi d’aides d’État pour la fourniture de services d’intérêt économique général»).

2.7.

Les compensations relatives aux SIEG ont rarement une incidence sur la concurrence, dans la mesure où elles couvrent les surcoûts encourus par les prestataires désignés dans l’exercice de la mission de service public. Dès lors, imposer à ces derniers la charge qu’entraîne la notification des aides d’État semble une démarche excessive, qui ne se justifie que dans les cas où d’autres participants pourraient subir un préjudice incontestable. À l’inverse, les pratiques qui nuisent gravement aux conditions du marché, telles que les ventes faisant l’objet d’un dumping en provenance de pays tiers ou la fixation de prix à des niveaux inférieurs à ce qu’ils devraient être, ne sont pas traitées avec toute la vigueur nécessaire par l’Union. Par conséquent, une extension du champ d’application de la décision instituant l’exemption de notification pour les SIEG, associée à un renforcement de la sécurité juridique et à une plus grande flexibilité dans l’application des règles, semble essentielle pour faire en sorte que les dispositions du traité qui soutiennent ces services essentiels soient dûment respectées.

3.   Actualisation de la décision et extension de son champ d’application

3.1.

Le CESE estime que la décision trouve le juste équilibre entre la nécessité d’encourager et de soutenir les SIEG et l’objectif de prévention des distorsions de concurrence éventuelles. L’exemption de notification réduit les coûts et les complexités d’ordre administratif auxquels les pouvoirs publics devraient autrement faire face, en particulier au niveau local. Étant donné que les SIEG qui ne sont pas admissibles au titre de la décision sont soumis à des règles plus strictes, seuls les cas qui soulèvent des préoccupations particulières en matière de concurrence devraient sortir de son champ d’application, conformément à l’objectif qui consiste à concentrer au niveau de l’Union européenne les ressources affectées à l’examen des aides d’État. L’expérience a montré que la Commission autorise l’immense majorité des régimes de SIEG qu’elle examine. Depuis l’entrée en vigueur de la décision de 2012 et de l’encadrement, seuls trois dossiers ayant trait aux SIEG ont débouché sur une procédure d’examen approfondi au titre de l’article 108, paragraphe 2, du TFUE. Deux cas concernaient des services postaux [aide d’État SA.35608 — Hellenic Post (ELTA), et aide d’État SA.37977 — Sociedad Estatal Correos y Telégrafos (poste espagnole)] et le troisième un régime hospitalier (aide d’État SA.19864 relative au financement des hôpitaux IRIS en région de Bruxelles-Capitale), lequel faisait suite à un arrêt de la Cour annulant une décision d’apurement de la Commission au motif que la complexité du dossier imposait l’ouverture d’une procédure formelle d’examen. Dans tous les dossiers examinés par la Commission, les recours introduits par des concurrents jouent un rôle majeur, ce qui garantit une parfaite discipline sans nécessiter de notification systématique des régimes de SIEG. En outre, la jurisprudence et la pratique de la Commission fournissent suffisamment d’orientations aux parties prenantes pour évaluer si elles peuvent sans risque appliquer la décision sans avoir à notifier les régimes relatifs aux SIEG pour un maximum de sécurité. Le CESE propose donc à la Commission de supprimer le seuil d’exemption et d’inclure l’ensemble des SIEG dans la décision, quel que soit le montant compensatoire annuel, selon l’exemple des régimes de compensation applicables au transport de voyageurs (6).

3.2.

La fixation d’un seuil en fonction du volume d’aide concerné, qui déclencherait l’obligation de notification, peut s’avérer pertinente dans le cadre d’un contrôle au niveau de l’Union européenne, en particulier dans les cas où l’octroi de l’aide s’accompagne de modalités non transparentes, telles que des réductions ou des exonérations d’impôts, des prêts à taux réduits ou des garanties publiques. La décision dispose en outre que certaines activités peuvent nécessiter un contrôle en raison de préoccupations liées à la concurrence, permettant ainsi d’imposer une notification obligatoire pour le traitement de tels cas. En tout état de cause, maintenir le seuil actuel fixé à l’article 2, paragraphe 1, point a), de la décision à des niveaux aussi bas fait peser des charges inutiles sur les pouvoirs publics, sans présenter d’avantage évident en matière de respect des règles de concurrence. Le CESE invite dès lors la Commission à limiter l’obligation de notification à des formes d’aides ou à des activités particulières dans le cadre desquelles des distorsions potentielles peuvent justifier un examen plus approfondi afin de garantir des conditions de concurrence équitables.

3.3.

Le CESE invite la Commission à examiner la possibilité d’élargir le champ d’application de la décision afin de rendre admissibles les services qui ont trait à l’amélioration des connaissances et des compétences des citoyens, et donc de leurs perspectives d’emploi. En outre, il est nécessaire de procéder à des clarifications concernant certaines zones d’ombre en lien avec la participation du secteur privé, aspect pour lequel des orientations supplémentaires seraient les bienvenues.

3.4.

La décision devrait assurer la pleine compatibilité avec les normes de rang supérieur du droit de l’Union et éviter d’imposer des charges indues aux collectivités locales et régionales. En particulier, l’article 8 oblige les États membres à tenir à la disposition de la Commission, pendant la durée du mandat et pendant dix ans au moins à compter de la fin du mandat, toutes les informations nécessaires pour établir la compatibilité des compensations octroyées. Cette règle est contraire à l’article 17 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, qui dispose qu’à l’expiration d’une période de dix ans, les aides accordées ne peuvent plus être récupérées; la Commission s’abstient dès lors de les soumettre au test de compatibilité, comme en témoignent ses pratiques courantes. Conserver pendant plus de dix ans des informations qui ne sont d’aucune utilité pour le contrôle des aides d’État représente une charge excessive pour les autorités et viole les principes de proportionnalité et de bonne administration consacrés par le traité.

3.5.

L’article 2, paragraphe 2, de la décision s’applique aux mandats attribués pour une durée maximale de dix ans, sauf en ce qui concerne les SIEG qui nécessitent un investissement important justifiant un délai plus long. Alors que la pratique de la Commission au titre de l’encadrement considère généralement que cette règle a pour effet d’exclure les mandats qui excèdent ce délai, le libellé de la décision pourrait signifier que les entreprises gérant un service public pour une période plus longue pourraient sortir de son champ d’application. Par conséquent, le CESE demande à la Commission de préciser que la durée des mandats ne devrait pas avoir d’effet concret sur leur renouvellement ou leur extension, ou sur l’admissibilité des prestataires de services qui en assurent l’exécution. Cette question est particulièrement sensible dans le cas des prestataires publics mandatés par les autorités dont ils dépendent, leur seul but étant de fournir le service public en question.

3.6.

L’article 5, paragraphes 5, 7 et 8, concernant le bénéfice raisonnable devrait définir une méthode de calcul facile à utiliser. À l’instar de celle définie dans l’encadrement, l’approche actuelle comprend des méthodes, telles que le taux de rendement interne, qui se révèlent bien trop complexes pour un SIEG local, ce qui n’incite pas à les utiliser pour le calcul des compensations. Établir des valeurs de référence en matière de rentabilité nécessite de recourir à d’onéreux services de conseil qui sont hors de portée de la plupart des SIEG. Le CESE invite la Commission à clarifier ce point, étant donné qu’elle approuve, dans sa pratique, la comparaison directe avec la rentabilité de secteurs connexes sur la base de sources disponibles de données officielles ou privées qui sont largement reconnues comme pleinement représentatives.

3.7.

Bien qu’elles ne soient pas définies, les incitations à l’efficience sont prises en compte à l’article 5, paragraphe 6, ce qui nécessite une plus grande clarification, notamment lorsqu’il est question de l’exigence de répartition des gains d’efficience productive entre l’entreprise, l’État membre et/ou les utilisateurs. Le CESE demande à la Commission de lever tout doute quant à la manière d’interpréter cette exigence.

3.8.

L’article 6, paragraphe 2, de la décision dispose que toute surcompensation doit conduire à une mise à jour des paramètres pour l’avenir. Une compensation ne dépassant pas 10 % du montant annuel moyen peut néanmoins être reportée sur la période suivante. Une cohérence parfaite exigerait qu’il n’y ait pas de mise à jour des paramètres dans ce dernier cas, afin d’éviter un réexamen qui entraînerait une insécurité juridique pour les prestataires désignés dans les cas qui ne portent pas atteinte à la concurrence. Le CESE recommande à la Commission de garantir une approche plus flexible des dépassements mineurs n’excédant pas 10 % de la compensation annuelle moyenne, assortie d’une exemption d’actualisation des paramètres.

3.9.

Il y a lieu d’éviter tout traitement discriminatoire des collectivités locales et régionales et, partant, des services d’intérêt économique général fournis à ces niveaux. À l’heure actuelle, les collectivités locales et régionales doivent soumettre leurs demandes, réponses et doutes par la voie officielle de leur État membre, ce dernier étant seul habilité à engager un dialogue formel avec la Commission sur les dispositions en matière d’aides d’État. De ce fait, les informations qu’elles fournissent à l’attention de la Commission doivent être reprises par l’État membre concerné. Par conséquent, le CESE invite la Commission à mettre en place un dialogue plus structuré avec les collectivités locales et régionales sur les questions et procédures relatives aux aides d’État. Les règles et exigences en matière d’aides d’État devraient également être adaptées à leurs besoins spécifiques et aux moyens dont elles disposent, afin de garantir un traitement juste et équitable dans la pratique.

4.   Clarifier les conditions de compatibilité au titre de l’encadrement

4.1.

L’encadrement expose en détail les différentes exigences à remplir pour assurer la compatibilité conformément à l’article 106, paragraphe 2, du TFUE et à la jurisprudence qui l’interprète. Bien qu’il explique en détail les critères appliqués par la Commission, il adopte souvent une position trop prudente qui crée des problèmes inutiles et génère un certain degré d’incertitude. La pratique de la Commission montre que, dans de nombreux domaines, ces difficultés ont été résolues par l’application d’une interprétation pragmatique de l’encadrement. Des références spécifiques à ces solutions augmenteraient la sécurité juridique et renforceraient effectivement l’égalité de traitement, tout en préservant le principe selon lequel les dossiers doivent être examinés au cas par cas. Le CESE recommande dès lors à la Commission de préciser davantage quels sont les autres moyens de se conformer aux exigences qui sont déjà largement utilisés dans la pratique. Une telle clarification permettrait de dissiper nombre des doutes auxquels sont actuellement confrontés les autorités et les prestataires.

4.2.

En vertu du traité, l’attribution et la définition d’une mission de service public relèvent de la compétence fondamentale des États membres. Dès lors, les références que fait le paragraphe 13 de l’encadrement aux conditions que doivent respecter les services d’intérêt général/services publics ne peuvent servir que d’orientation utile. Toutefois, l’inclusion de ces références peut susciter des inquiétudes légitimes quant à une éventuelle limitation de la compétence des États membres. Il incombe en effet aux États membres de décider, dans l’intérêt du public, des normes en matière «de qualité, de sécurité, de caractère abordable, d’égalité de traitement et de promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs» que chaque service essentiel devrait respecter, qu’il soit couvert par le marché ou par un mandat. Les États membres ont également le pouvoir de décider en conséquence si le respect de ces normes exige d’assurer un SIEG/service public. Aussi pertinentes soient-elles, les conditions du marché ne peuvent prendre le pas sur la capacité des pouvoirs publics de défendre l’intérêt public ou restreindre cette dernière. Dès lors, le CESE suggère que la Commission se contente à cet égard de renvoyer à sa communication de référence, en se bornant à vérifier, dans le cadre de son évaluation, l’existence éventuelle d’une erreur manifeste, une question qui relève en définitive de la compétence de la Cour de justice.

4.3.

Le paragraphe 14 de l’encadrement fixe indûment des conditions au pouvoir des États membres d’accorder un mandat en leur imposant de mener des consultations publiques afin de tenir compte des intérêts des utilisateurs et des prestataires de services, empiétant ainsi sur les compétences nationales qui ne relèvent pas des prérogatives de la Commission. Sachant que les pouvoirs publics accordent toujours une attention particulière aux intérêts des parties prenantes, les contraindre à justifier la nécessité d’un mandat et à mener des consultations publiques, ou introduire d’autres instruments, est difficilement compatible avec les dispositions et les principes du traité. La pratique de la Commission montre qu’elle n’accorde qu’une attention limitée à cette règle, en particulier si les États membres éprouvent des difficultés à la mettre en œuvre. Le CESE propose donc à la Commission de reformuler ce paragraphe afin d’éviter toute disposition contraignante qui pourrait empiéter sur les procédures législatives nationales et créer ainsi des problèmes injustifiés.

4.4.

L’exigence énoncée au paragraphe 19 de l’encadrement selon laquelle les mandats doivent respecter les règles de l’Union en matière de marchés publics ne tient pas compte du fait que le droit dérivé dans ce domaine a fait l’objet d’une révision approfondie après l’adoption en 2014 du train de mesures sur les marchés publics. En vertu de son article 1er, paragraphe 2, la directive sur la passation des marchés publics ne s’applique qu’aux acquisitions par des pouvoirs adjudicateurs et ne peut imposer de régime contraignant pour les SIEG, ces derniers concernant des opérations effectuées par une entreprise pour le compte des pouvoirs publics. Dès lors, toute obligation relevant du droit des marchés publics irait à l’encontre de la directive qui en régit le fonctionnement. Le train de mesures de 2014 sur les marchés publics réglemente également pour la première fois les concessions. Cependant, il serait tout à fait erroné de supposer que les SIEG pourraient relever de ce régime: les concessions impliquent que les entreprises assument l’intégralité du risque une fois l’attribution réalisée, ce qui constitue une différence fondamentale par rapport aux SIEG, pour lesquels les pouvoirs publics couvrent les surcoûts liés à la gestion du service, minimisant ainsi les risques. Ce régime s’appliquerait uniquement lorsque l’autorité choisirait de traiter un SIEG comme une concession mais, dans de tels cas, il n’y aurait pas d’élément d’aide parce que le prestataire désigné supporterait l’intégralité du risque. Par conséquent, ni les règles de passation de marchés publics ni celles relatives aux concessions ne s’appliqueraient aux SIEG. D’un point de vue juridique, l’encadrement ne peut qu’inviter les États membres à appliquer, lorsque la situation le justifie, les principes de transparence et d’égalité de traitement pour la sélection des prestataires, en particulier ceux du secteur privé, sans que cette demande puisse revêtir de caractère contraignant. Le CESE demande par conséquent à la Commission de revoir le paragraphe 19 de l’encadrement pour prendre dûment en considération les nouvelles exigences juridiques en ce qui concerne les marchés publics et les concessions.

4.5.

Alors que le paragraphe 22 de l’encadrement dispose que la compensation peut être établie soit sur la base des coûts et recettes escomptés, soit sur la base des coûts effectivement supportés et des recettes effectivement perçues, la pratique de la Commission exige bien trop souvent que les montants de la compensation soient définis ex ante. Une telle méthode de calcul, qui empêche les pouvoirs publics d’assurer une compensation ex post sur la base du coût net effectif, apparaît comme une ingérence injustifiée qui pourrait conduire à des problèmes insolubles, étant donné que, si les montants ex ante ne suffisent pas à couvrir le coût net, le prestataire se trouverait en situation de sous-financement chronique. En outre, les pouvoirs publics qui offriraient un soutien supplémentaire en vue de combler ce déficit pourraient en principe encourir des sanctions pour violation des conditions définies dans la décision d’autorisation. La pratique de la Commission a largement négligé cette incohérence, sauf dans les cas où un demandeur a soulevé la question. S’il semble approprié de définir ex ante la méthode de calcul de la compensation, les montants indicatifs qui en découlent ne devraient pas avoir un caractère contraignant. Le calcul du coût net et la compensation correspondante ne peuvent avoir lieu qu’une fois disponibles les résultats annuels. Le CESE invite donc la Commission à garantir la pleine cohérence et le respect du deuxième critère Altmark en associant la méthodologie ex ante à une utilisation intégrale du calcul ex post du coût net, sauf si l’autorité préfère fixer la compensation au moment de l’attribution du mandat.

4.6.

La méthode de calcul de la compensation basée sur le coût net évité repose sur l’hypothèse qu’en l’absence d’une obligation de service public, le prestataire désigné reverrait à la baisse ses activités et chercherait à maximaliser ses profits. La méthode classique du coût net évité signifierait que le prestataire mettrait fin à toutes les activités déficitaires. La différence entre ce scénario contrefactuel et les résultats effectifs du prestataire de services détermine le montant de la compensation. La Commission a récemment plaidé pour l’approche axée sur le coût de rentabilité, où le scénario contrefactuel serait la suppression des activités qui empêchent l’entreprise de maximiser ses résultats. La compensation couvre donc non seulement les surcoûts du SIEG, mais aussi les activités moins efficientes, même si elles sont rentables. Afin de réduire les paiements compensatoires, la Commission exige que les avantages non matériels et liés au marché dont bénéficie le prestataire soient déduits du montant de la compensation. La préférence pour l’approche axée sur le coût de rentabilité entraîne des divergences de facto dans l’application d’un seul et même principe, ce qui compromet la sécurité juridique. Le CESE recommande que la Commission approuve les deux approches et fournisse de nouvelles orientations en la matière dans l’encadrement, lequel ne comporte pour l’heure pratiquement aucune indication quant à la manière de déterminer les scénarios contrefactuels pertinents.

4.7.

La méthode axée sur la répartition des coûts semble la plus appropriée pour la plupart des SIEG, étant donné que son mode de calcul repose sur la différence entre les coûts liés au respect de l’obligation de service public et les recettes correspondantes. Néanmoins, les États membres désireux d’y recourir doivent justifier les raisons pour lesquelles ils n’utilisent pas l’approche basée sur le coût net évité, qui, sans cela, est considérée comme obligatoire. Étant donné que l’approche axée sur le coût net évité implique une analyse complexe et coûteuse, ce qui nécessite souvent de faire appel à des services de conseil externes, le CESE recommande à la Commission de reconnaître la méthode axée sur la répartition des coûts comme pleinement valable, sur le même pied que celle basée sur le coût net évité, sauf pour certaines activités telles que les services postaux, où cette méthodologie est obligatoire en vertu de la troisième directive postale.

4.8.

Le paragraphe 32 de l’encadrement, portant sur les recettes, inclut à juste titre les bénéfices excessifs générés par des droits spéciaux ou exclusifs. Pourtant, la pratique récente y a intégré les bénéfices résultant de la fourniture universelle, même s’ils ne dérivent pas de tels droits, ce qui débouche sur des évaluations trompeuses. Il convient de souligner que la couverture universelle entraîne un désavantage, car le prestataire désigné est contraint de desservir un territoire donné quels que soient les coûts supportés. Dès lors, s’il devait fournir ce service sur une base rentable, les principes du traité seraient violés si l’excédent ainsi généré devait financer sur une base obligatoire d’autres obligations de service public déficitaires. Le CESE demande dès lors à la Commission de clarifier ce point et d’établir une distinction entre, d’une part, les droits spéciaux ou exclusifs, qui entraînent un avantage dont le bénéfice devrait être pris en considération dans le cadre du financement des obligations de service public, et d’autre part, la couverture universelle, qui implique un désavantage pour le prestataire désigné.

4.9.

Le bénéfice raisonnable prévu dans l’encadrement soulève certaines questions qui nécessitent de plus amples éclaircissements. Alors que l’encadrement préconise de recourir aux taux de rendement internes, il reconnait la difficulté inhérente à l’utilisation de cette méthode. Par conséquent, dans la pratique, la Commission compare les entreprises d’un même secteur ou d’un secteur connexe sur la base de critères de rentabilité standard tels que le rendement des capitaux propres ou la marge d’exploitation. Pourtant, le manque de certitude sur cette question conduit souvent à des résultats divergents. Dès lors, le CESE suggère que la Commission reconnaisse tous les critères de rentabilité standard et bien établis plutôt que de rendre l’un d’eux obligatoire. Il demande à la Commission de fournir de nouveaux éclaircissements sur les normes de rentabilité et de permettre l’utilisation de normes différentes plutôt que d’en imposer une en particulier aux États membres.

4.10.

L’exigence d’efficience obligatoire définie aux paragraphes 39 à 46 de l’encadrement se révèle être un véritable obstacle, tant pour les parties prenantes que pour les pouvoirs publics. Étant donné que l’encadrement ne fournit aucune indication sur la manière de calculer les incitations à l’efficience, la pratique de la Commission permet des évaluations très divergentes, ce qui compromet les principes de sécurité juridique et d’égalité de traitement. Le CESE demande dès lors à la Commission de clarifier davantage les autres méthodes de calcul de ces incitations, dont l’utilisation ne devrait pas être obligatoire étant donné la complexité du processus.

Bruxelles, le 6 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Affaire T-106/95.

(2)  Affaire C-53/00.

(3)  Affaire C-280/00.

(4)  JO C 8 du 11.1.2012, p. 15.

(5)  JO L 7 du 11.1.2012, p. 3.

(6)  JO L 315 du 3.12.2007, p. 1.


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/52


Avis du Comité économique et social européen sur «Les conséquences de la numérisation et de la robotisation des transports sur l’élaboration des politiques de l’Union européenne»

(avis d’initiative)

(2017/C 345/08)

Rapporteure:TBL

Tellervo KYLÄ-HARAKKA-RUONALA

Décision de l’assemblée plénière

26 janvier 2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

14 juin 2017

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

157/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La numérisation et la robotisation dans le domaine de la mobilité des personnes et du transport des marchandises peuvent apporter à la société un certain nombre de progrès, et notamment une amélioration de l’accessibilité et du confort pour les passagers, de l’efficacité et de la productivité en matière de logistique, une sécurité accrue de la circulation et une réduction des émissions. Dans le même temps, des préoccupations subsistent concernant la sécurité, la sûreté, le respect de la vie privée, l’emploi et l’environnement.

1.2.

Si la technologie offre un nombre infini de possibilités, les progrès ne doivent pas pour autant être axés uniquement sur celle-ci mais viser la création de valeur ajoutée pour la société. Le débat politique — accompagné de la participation appropriée de la société civile aux processus de planification des transports, en particulier dans les grandes agglomérations urbaines — est par conséquent nécessaire.

1.3.

La réalisation du transport numérique suppose de trouver des solutions pour lever les points de blocage existants, ainsi que de mobiliser des investissements intégrés couvrant le réseau RTE-T dans les systèmes des transports, de l’énergie et des télécommunications, y compris pour le déploiement de la 5G. Les instruments de financement de l’Union, tels que le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) et le programme Horizon 2020, devraient soutenir ces initiatives.

1.4.

La numérisation et la robotisation des transports offrent de nouvelles opportunités économiques aussi bien pour l’industrie manufacturière que pour celle des services, y compris pour les PME, et elles pourraient constituer un domaine où l’Union européenne s’assurerait un avantage concurrentiel. À cette fin, le CESE demande d’instaurer un environnement propice et incitatif pour les entreprises qui intègre un esprit d’ouverture à l’égard des nouveaux modèles économiques et stimule le développement de plateformes numériques européennes.

1.5.

La numérisation et la robotisation des transports seront porteuses de profonds changements en ce qui concerne la nature du travail et la demande de compétences professionnelles. Le CESE souligne l’importance de faire face à ces changements structurels en favorisant une transition juste et fluide ainsi qu’en s’attaquant au déficit de compétences, et ce, tout en exerçant un suivi approprié des progrès réalisés. Le dialogue social ainsi que l’action d’information et de consultation des travailleurs à tous les niveaux jouent un rôle clé dans le processus de transition. Les États membres doivent également adapter leurs systèmes éducatifs pour répondre à la nouvelle demande de compétences.

1.6.

La numérisation et la robotisation des transports nécessitent la disponibilité, l’accessibilité et la libre circulation adéquates des données concernées. Dans le même temps, une protection correcte des données doit être assurée. Le renforcement des capacités en matière de cybersécurité et le traitement des questions de responsabilité sont également nécessaires pour répondre aux nouvelles évolutions.

1.7.

Le CESE souligne le caractère intermodal du transport numérique, un enjeu qui touche au cœur même de la stratégie de l’Union européenne en matière de transports. Celle-ci suppose aussi des liens étroits avec d’autres domaines d’action, notamment le marché unique numérique, l’énergie, le développement industriel, l’innovation et les compétences professionnelles. Étant donné que les objectifs et les exigences de l’atténuation du changement climatique agissent comme l’un des moteurs du transport numérique, un lien étroit se trouve également établi avec la question de la durabilité environnementale.

2.   Contexte général et tendances actuelles

2.1.

La numérisation est en expansion dans tous les secteurs de l’économie et de la société — celui des transports étant lui-même souvent cité en exemple. L’objectif du présent avis d’initiative est d’examiner les évolutions et les conséquences de la numérisation et de la robotisation des transports en adoptant le point de vue de la société dans son ensemble, y compris celui des entreprises, des travailleurs, des consommateurs et, plus généralement, des citoyens, ainsi que de faire valoir les positions du CESE quant à la manière dont ces changements doivent être pris en compte dans l’élaboration des politiques européennes pour saisir les opportunités et gérer les risques de manière adéquate.

2.2.

Une activité intense est déjà à l’œuvre sur les marchés, mais aussi dans différents champs d’action politique tant au niveau national qu’au niveau de l’Union. Le CESE a également abordé cette thématique dans certains de ses avis, par exemple ceux sur l’avenir de l’industrie automobile (1) et sur la stratégie européenne relative aux systèmes de transport intelligents coopératifs (2), ainsi que sur l’intelligence artificielle (3).

2.3.

La numérisation des transports prend diverses formes. À l’heure actuelle, les véhicules, les aéronefs et les navires recourent déjà, de multiples manières, à des informations numériques, y compris dans le cadre des technologies et services d’assistance à la conduite automobile, du contrôle de la circulation ferroviaire, ainsi que de la gestion de la circulation aérienne et maritime. La numérisation de l’information sur les voyageurs et les marchandises constitue un autre domaine d’application quotidienne. De plus, les robots sont couramment utilisés pour le fonctionnement des terminaux dans le domaine de la logistique en matière de transport de marchandises.

2.4.

L’extension de l’automatisation et de la robotisation ouvre de nouvelles perspectives pour le transport de personnes et de marchandises, ainsi que pour différentes formes de contrôle et de surveillance. Les robots virtuels, ou robots logiciels, jouent un rôle central à cet égard en rendant possibles l’utilisation accrue et le raccordement des différents systèmes d’information, leur permettant ainsi de fonctionner comme une seule unité interopérable.

2.5.

L’automatisation des transports suppose le développement des moyens de transport sous l’aspect de leurs interactions avec les êtres humains, ainsi qu’avec les infrastructures et autres systèmes externes. Des systèmes de pilotage sans conducteur et sans équipage pour les véhicules, les navires et les aéronefs qui soient pleinement autonomes, c’est-à-dire fonctionnant de manière indépendante, constituent l’étape ultime de cette évolution.

2.6.

Plusieurs constructeurs automobiles sont actuellement en train de développer et de tester en pratique des voitures sans conducteur. Des métros sans conducteur ont d’ores et déjà été mis en place dans de nombreuses villes, tandis que des bus sans chauffeur et des convois de camions autonomes sont actuellement en phase de test. L’utilisation des systèmes d’aéronef sans pilote, les drones, progresse rapidement, et même des navires autonomes et commandés à distance sont en cours de développement. Outre les véhicules, les aéronefs et les navires, de nouvelles formes de solutions d’infrastructure et de systèmes de contrôle de la circulation sont actuellement à l’étude.

2.7.

En dépit des avancées allant dans le sens d’un transport autonome et sans pilote, les structures fondamentales reposent encore sur le facteur humain qui demeure l’élément central. Les conséquences les plus spectaculaires ne seront visibles qu’au moment où le transport sans pilote et parfaitement autonome sera devenu une réalité. Les prévisions quant à l’échéance à laquelle ces évolutions se concrétiseront varient considérablement. Toutefois, il est important de préparer l’avenir et de prendre en temps utile les décisions nécessaires.

2.8.

La numérisation permet également aux voyageurs et autres usagers des transports de bénéficier d’un nouveau concept de mobilité en tant que service passant par le truchement de plateformes numériques.

2.9.

L’actuel développement de la mobilité en tant que service vise à mieux répondre à la demande du marché en combinant les systèmes de réservation, d’achat et de paiement des chaînes de transport, et en fournissant des informations en temps réel sur les horaires, les conditions météorologiques, la situation de la circulation, ainsi que les capacités et les solutions de transport disponibles. La mobilité en tant que service est donc l’interface de l’utilisateur de transports numérisés. Dans le même temps, elle vise à optimiser l’utilisation des capacités de transport.

2.10.

Le développement rapide de technologies telles que les mégadonnées, l’informatique en nuage, les réseaux mobiles 5G, les capteurs, la robotique et l’intelligence artificielle — notamment en ce qui concerne ses capacités d’apprentissage telles que l’apprentissage automatique et l’apprentissage profond — est le principal vecteur du développement des transports numériques et automatisés.

2.11.

Toutefois, il est évident qu’aucune réussite n’est possible si les progrès demeurent exclusivement axés sur la technologie. Idéalement, ce développement devrait se fonder sur une demande de la société. D’autre part, il est souvent difficile pour les citoyens de percevoir les possibilités offertes par les nouvelles évolutions.

3.   Conséquences pour le système de transport

3.1.

Le développement numérique instaure les conditions d’une intermodalité et contribue ainsi à l’approche systémique des transports. Cela signifie également que le système de transport est doté de plusieurs éléments nouveaux s’ajoutant aux infrastructures traditionnelles.

3.2.

Toutefois, le fondement même du système demeure toujours le suivant: des routes, des lignes de chemin de fer, des ports et des aéroports. Outre ces éléments de base, des infrastructures numériques de pointe sont nécessaires, comprenant systèmes de cartographie et de positionnement ainsi que différents types de capteurs pour la production de données, matériels et logiciels informatiques pour leur traitement, connexions mobiles et connexions à haut débit pour leur diffusion. Les systèmes de gestion et de contrôle automatisés de la circulation sont également intégrés aux infrastructures numériques.

3.3.

Dans la mesure où les infrastructures aussi bien numériques que numérisées ont besoin d’électricité, et compte tenu de l’interaction entre réseaux électriques intelligents et véhicules électriques, les infrastructures d’électricité constituent également un élément clé du système de transport. Enfin, de nouveaux services et de nouvelles infrastructures sont nécessaires pour permettre l’accès aux données relatives aux informations de circulation ainsi que pour procéder à la réservation et au paiement de services de mobilité. Des infrastructures physiques aux services de transport physique, le système est donc articulé par des éléments numériques de différents types.

3.4.

En dépit d’évolutions rapides, plusieurs points de blocage empêchent encore l’évolution vers des systèmes de transport numériques, et ceux-ci doivent donc être levés. Parmi ces facteurs figurent, par exemple, la disponibilité et l’accessibilité insuffisantes des données, le manque de connexions rapides à l’internet ainsi que des limitations techniques liées aux capteurs et au positionnement en temps réel.

3.5.

Le CESE plaide en faveur d’investissements dans des technologies et des infrastructures permettant au transport numérique de se développer, en particulier les systèmes de gestion et de contrôle de la circulation: des projets comme le système européen de nouvelle génération pour la gestion du trafic aérien (SESAR) et le système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS) ont déjà atteint un stade de maturité suffisant mais pâtissent d’un manque de ressources financières conséquentes. Le développement du système d’information et de gestion du trafic maritime (VTMIS) ainsi que des systèmes de transport coopératifs (STI-C) doit encore se poursuivre. En outre, des connexions 5G doivent être mises à disposition tout le long du réseau central du RTE-T. Les instruments de financement de l’Union, tels que le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, le Fonds européen pour les investissements stratégiques et le programme Horizon 2020 devraient reconnaître un caractère prioritaire à ces initiatives.

3.6.

L’interopérabilité des systèmes numériques est également nécessaire pour permettre la connectivité transfrontalière au niveau tant national qu’international. L’Union devrait s’efforcer de jouer un rôle précurseur et normalisateur dans ce domaine.

3.7.

Le CESE insiste sur le fait que la numérisation ne rend pas pour autant caduque la nécessité d’investir dans les infrastructures de transport de base, même si elle permet d’optimiser l’usage des capacités existantes. En outre, lors de la période de transition, le fait que des véhicules et des navires partiellement automatisés et entièrement autonomes se trouvent en mouvement simultanément doit être pris en compte dans les infrastructures routières et maritimes. De nouveaux défis ont aussi émergé dans le domaine de l’aviation en raison de l’essor des drones.

3.8.

Le CESE encourage le développement de systèmes de gestion de la circulation et de règles communes pour les drones, tant à l’échelle européenne qu’au niveau international, au sein de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). En outre, il est nécessaire d’élaborer des règles au sein de l’Organisation maritime internationale (OMI) pour permettre le développement et l’introduction d’un système de navigation téléguidée et autonome, y compris dans les ports.

4.   Incidences pour les entreprises et l’innovation

4.1.

La numérisation et la robotisation permettent d’accroître l’efficacité, la productivité et la sécurité du transport de fret et de la logistique. De nouveaux débouchés commerciaux émergent également pour le secteur manufacturier et pour celui des services en ce qui concerne l’automatisation et la robotique, les services pour la mobilité des personnes, les solutions pour rendre la logistique plus efficace, ou la numérisation de l’ensemble du système de transport. Cela vaut tant pour les grandes que pour les petites et moyennes entreprises, y compris les start-up.

4.2.

Étant donné que les sociétés européennes occupent le premier rang dans de nombreux domaines liés au transport numérique, ce secteur pourrait offrir une opportunité de développer un avantage concurrentiel. Compte tenu de l’activité très intense hors de l’Union européenne en ce qui concerne le développement de transports numériques et autonomes, l’Union doit aussi renforcer ses efforts dans les domaines de l’innovation, des infrastructures et de l’achèvement du marché unique, y compris pour ce qui est d’adapter le cadre juridique aux nouvelles conditions d’exploitation.

4.3.

Il est également nécessaire d’assurer une ouverture au développement et à l’introduction de nouveaux types de modèles économiques reposant sur des plateformes numériques. Afin de conforter la création de plateformes européennes, il convient de garantir que les conditions qui rendent possible leur émergence et qui la soutienne soient en place, et que le cadre réglementaire offre aux entreprises des conditions équitables.

4.4.

La numérisation et la robotisation des transports reposent essentiellement sur la gestion des données, comme dans tout autre secteur. Du point de vue des entreprises, les données peuvent être considérées comme un facteur de production ou une matière première devant subir transformation et finition pour créer de la valeur ajoutée. À cette fin, l’accès aux données et leur libre circulation sont essentielles. Le CESE préconise dès lors l’adoption de solutions efficaces qui éliminent les problèmes liés à l’accessibilité, à l’interopérabilité et au transfert de données, tout en garantissant une protection adéquate des données et de la vie privée.

4.5.

Le CESE estime qu’il est important d’ouvrir et de faciliter pour tous les utilisateurs l’accès aux données de masse relatives aux transports et aux infrastructures qui sont produites par le secteur public. En outre, il convient de fournir les explications et les règles nécessaires à la gestion des données à caractère non personnel, notamment celles obtenues par des capteurs et autres dispositifs intelligents. Dans l’évaluation des questions relatives à l’accessibilité et à la réutilisation des données, il est utile de noter que, d’une façon générale, ce ne sont pas les données elles-mêmes qui confèrent un avantage concurrentiel, mais bien plutôt les outils, les ressources affectées à l’innovation et la position sur le marché qui permettent de les affiner.

4.6.

Pour développer et acquérir de l’expérience en matière de transports numériques et autonomes, il faut faciliter l’expérimentation et les études pilotes portant sur des technologies et des concepts nouveaux. Une telle ambition présuppose des écosystèmes performants du point de vue de l’innovation et des entreprises, des bancs d’essai adéquats et un cadre réglementaire propice. Le CESE invite les autorités compétentes à adopter une approche qui stimule l’innovation plutôt qu’à appliquer des règles et obligations trop détaillées qui entravent le développement.

5.   Conséquences pour l’emploi, le travail et les compétences professionnelles

5.1.

Les conséquences en matière d’emploi de la numérisation et de la robotisation des transports sont évidemment les mêmes que dans d’autres secteurs. De nouveaux concepts et procédés peuvent conduire à des pertes d’emplois, tandis que de nouveaux emplois peuvent être créés par de nouveaux produits et services.

5.2.

Il se peut que les changements les plus importants surviennent dans le secteur des transports et de la logistique, mais leurs conséquences pour l’emploi s’observent également dans les secteurs manufacturiers associés, ainsi que dans les chaînes d’approvisionnement et les pôles régionaux.

5.3.

En raison du déploiement de systèmes de transport sans pilote, la demande de main-d’œuvre dans le secteur des transports est appelée à diminuer. Il en va de même pour les conséquences de l’utilisation croissante de la robotique pour effectuer des tâches physiques dans le cadre des activités des terminaux. Certains de ces emplois peuvent être remplacés par des tâches de contrôle et de surveillance mais, au fil du temps, elles-mêmes pourraient à leur tour se raréfier. Dans le même temps, de nouveaux emplois pourraient être créés dans d’autres secteurs, en particulier dans ceux liés aux technologies de l’information et de la communication, aux services numériques, à l’électronique et à la robotique. En outre, si le travail physique et les tâches routinières cèdent du terrain, le rôle des tâches créatives ou ayant trait à la résolution de problèmes gagne en importance.

5.4.

Le changement de type de tâches entraîne également un changement considérable de la demande du marché en matière de compétences professionnelles. Il existe une demande croissante de cyber-spécialistes hautement qualifiés tels que les développeurs de logiciels. D’autre part, la demande de compétences pratiques liées à l’utilisation de la robotique et aux interventions au sein des systèmes de coopération humain-robot s’accroît. En outre, l’importance des professionnels dotés de compétences diversifiées va augmenter.

5.5.

Le CESE souligne l’importance de faire face à ces changements structurels de façon pertinente en élaborant des stratégies propres à garantir une transition juste et fluide, à réduire les incidences sociales négatives et à répondre au déficit de compétences professionnelles, le tout combiné à un suivi approprié des progrès réalisés. Le dialogue social ainsi que l’action d’information et de consultation des travailleurs à tous les niveaux jouent un rôle clé dans le processus de transition.

5.6.

Il existe à la fois des besoins immédiats et des besoins à long terme en matière de formation et d’éducation. Les États membres ont un rôle décisif à jouer pour répondre à la demande de nouvelles compétences en adaptant leurs systèmes éducatifs, et les bonnes pratiques devraient faire l’objet d’un échange à l’échelle européenne. Il convient de mettre fortement l’accent sur les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, tout en tenant compte du fait que la demande de création de nouvelles solutions nécessite des compétences étendues qui supposent également un enseignement des arts et des sciences sociales.

6.   Conséquences pour la sûreté, la sécurité et la protection de la vie privée

6.1.

Il semble que les citoyens sont peu informés des différents types d’opportunités que la numérisation et la robotisation peuvent leur offrir, en ce qui concerne, par exemple, l’accessibilité et le confort de la mobilité, tandis que la perception de la sûreté, de la sécurité et du respect de la vie privée s’imposent comme leurs principales sources de préoccupation. Il est nécessaire d’améliorer le degré de connaissance et la communication sur les avantages et inconvénients de ces phénomènes, tout en assurant une participation appropriée de la société civile dans les processus de planification des transports au niveau local, en particulier dans les grandes agglomérations urbaines.

6.2.

Une automatisation plus poussée accroît de manière patente la sécurité des transports en ce qu’elle permet de réduire l’erreur humaine. D’un autre point de vue, de nouveaux risques pour la sécurité peuvent apparaître en raison des limites des capteurs s’agissant de leur capacité de reconnaissance des formes, d’éventuels dysfonctionnements des instruments, des perturbations de l’internet et de nouveaux types d’erreur humaine tels que des bugs dans les logiciels. Cependant, l’effet net est évalué comme étant clairement positif.

6.3.

Sachant que des inquiétudes croissantes se font jour en ce qui concerne la cybersécurité, cet aspect constituera l’un des éléments essentiels de la sécurité des transports. La cybersécurité concerne les véhicules, les aéronefs et les navires, mais aussi les infrastructures qui les soutiennent, les gèrent et les contrôlent.

6.4.

L’introduction et le déploiement de transports sans pilote et autonomes soulèvent également la question des règles de circulation, et notamment celles ayant trait aux aspects éthiques. Compte tenu de la fonction transfrontalière des transports, il convient d’harmoniser les règles de circulation au sein du marché intérieur avec pour visée une harmonisation accrue au niveau international.

6.5.

Avec des transports complètement autonomes, de nouvelles questions se posent également en matière de responsabilité. Ces interrogations se reflètent aussi dans le développement des systèmes d’assurances. La principale difficulté consiste peut-être à établir de manière factuelle la responsabilité en cas d’accident, compte tenu du rôle des systèmes numériques et de la participation de plusieurs acteurs tels que les constructeurs et les propriétaires de véhicules, ainsi que les gestionnaires des infrastructures. Il pourrait être nécessaire à cet effet d’étendre le stockage de données afin d’établir les circonstances des accidents. Par conséquent, le CESE invite la Commission à étudier d’éventuels cadres pour la collecte des données et obligations à fixer aux fins d’établir les responsabilités, tout en gardant à l’esprit la nécessité de protéger la vie privée.

6.6.

En ce qui concerne la vie privée et les besoins accrus en matière de données, la question de leur surveillance permanente est pour les citoyens un sujet d’inquiétude. L’utilisation de systèmes de reconnaissance des formes soulève également des problèmes de protection de la vie privée. En ce qui concerne la protection des données à caractère personnel, le règlement général sur la protection des données sera mis en œuvre à partir de 2018 dans le but de fournir un ensemble unique de règles valable dans toute l’Union. Le CESE a pointé dans ses précédents avis l’importance de la protection de la vie privée et des données, et il souligne que ces dernières ne devraient être utilisées qu’aux seules fins de l’exploitation du système et ne devraient pas être conservées pour d’autres finalités.

7.   Conséquences pour le climat et l’environnement

7.1.

Les incidences imputables aux transports sur le climat et l’environnement dépendent de nombreux facteurs. L’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules, des aéronefs et des navires est l’une des mesures clés pour réduire les émissions. L’efficacité énergétique va généralement de pair avec l’automatisation des systèmes d’exploitation et de contrôle.

7.2.

Le remplacement des combustibles fossiles par d’autres à faible teneur en carbone, par de l’électricité ou par de l’hydrogène constitue un autre moyen décisif de réduire les émissions. Bien que relevant d’un processus distinct, la mise en circulation de véhicules électriques et le déploiement de réseaux électriques intelligents sont étroitement liés à l’automatisation du transport.

7.3.

Les mesures permettant d’accroître la fluidité de la circulation ont également un rôle important à jouer dans la réduction des émissions. La numérisation et l’automatisation rendent possibles des transports plus fluides et des chaînes de transport multimodales efficaces. Il en résulte une plus grande efficacité des transports, une plus grande efficacité énergétique, une consommation de carburant réduite et une diminution des émissions. À cette fin, des infrastructures de qualité et des franchissements de frontières fluides sont également d’une importance primordiale. En outre, l’affectation des sols et l’aménagement urbain ont une incidence sur les besoins en matière de circulation ainsi que sur sa fluidité.

7.4.

Les incidences sur l’environnement ne sont pas seulement liées aux transports eux-mêmes, mais aussi au cycle de vie des véhicules, des aéronefs et des navires, depuis la phase de fabrication jusqu’à celle de la fin de vie. Le rapatriement de l’industrie manufacturière et le déploiement de l’approche de l’économie circulaire sont des phénomènes qui contribuent à réduire les incidences du cycle de vie.

7.5.

Le transport autonome peut conduire à une utilisation accrue de la voiture particulière en raison d’un plus grand confort d’utilisation pour les voyageurs. Par ailleurs, le covoiturage — ainsi que l’utilisation des transports publics — est censé réduire le nombre de voitures particulières. Les préférences des consommateurs jouent donc un rôle déterminant dans l’avenir de la mobilité. Elles peuvent être influencées en mettant à la disposition de ces derniers des outils de planification de leurs voyages aisément disponibles qui les incitent à faire des choix respectueux de l’environnement. Des incitations tarifaires appropriées peuvent également jouer un rôle pour influencer le comportement des consommateurs.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Rapport d’information de la commission consultative des mutations industrielles du CESE (CCMI) sur «L’industrie automobile» (CCMI/148), adopté par la CCMI le 30.1.2017.

(2)  Avis du CESE sur les «Systèmes de transport intelligents coopératifs», TEN/621 (non encore publié au Journal officiel).

(3)  Avis du CESE sur l’«Intelligence artificielle», INT/806 (non encore publié au Journal officiel).


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/58


Avis du Comité économique et social européen sur «La dimension extérieure de l’économie sociale»

(avis d’initiative)

(2017/C 345/09)

Rapporteur:

Miguel Ángel CABRA DE LUNA

Décision de l’assemblée plénière

22 septembre 2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence:

Section REX

Adoption en section spécialisée

8 juin 2017

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

129/1/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’économie sociale (ES) est un acteur important qui contribue à la réalisation des objectifs de toutes les politiques européennes dotées d’une dimension extérieure: étrangère et de sécurité, commerciale, de voisinage, de lutte contre le changement climatique, de coopération au développement et de développement durable. Toutefois, l’absence d’environnement réglementaire approprié, tant au niveau européen qu’à l’échelon national, empêche ce secteur de réaliser tout son potentiel et d’en optimiser l’impact.

1.2.

L’instrument de partenariat (1) pour la coopération avec les pays tiers, axé sur les pays développés et en développement, peut constituer une opportunité pour l’ES de l’Union européenne (UE) dans son processus d’internationalisation, en encourageant la compétitivité, la recherche et l’innovation.

1.3.

L’Union européenne joue un rôle important dans la lutte pour l’éradication de la pauvreté et la promotion du développement économique et social au niveau mondial et cela transparaît dans le programme pour l’après-2015 de l’Union et dans l’adoption du programme de développement durable à l’horizon 2030 de l’Organisation des Nations unies (ONU).

1.4.

Le Comité économique et social européen se félicite de l’importance que le Conseil attache à «l’économie sociale pour la création d’emplois et le développement durable» dans le programme pour l’après-2015, qui ouvre de nouvelles perspectives pour la promotion de ce secteur dans sa dimension extérieure (paragraphe 43 du programme pour l’après-2015), mais regrette que la Commission n’ait pas inclus l’ES dans sa proposition pour un nouveau consensus sur le développement.

1.5.

Au vu des réussites entrepreneuriales observées dans différents pays n’appartenant pas à l’Union européenne, l’on peut constater que l’ES, sous ses différentes formes d’entreprises, est présente de manière visible dans la vie quotidienne et l’activité productive de vastes régions d’Afrique, d’Amérique et d’Asie et qu’elle contribue de façon déterminante à l’amélioration des conditions de vie et de travail de millions de personnes.

1.6.

Parmi les différentes formes d’entreprises de l’ES présentes dans les régions mentionnées, les coopératives et les mutuelles, notamment, ont un rôle prépondérant. Elles sont très nombreuses et très actives dans la production agricole, la finance et la microfinance, l’approvisionnement en eau salubre, le logement, l’insertion professionnelle des personnes handicapées, la diminution du travail informel au moyen d’initiatives d’entrepreneuriat collectif dans le domaine de l’économie sociale, l’insertion professionnelle des jeunes et l’émancipation des femmes, lesquelles jouent un rôle de plus en plus important dans l’activité productive des coopératives et des mutualités.

1.7.

Il convient de noter qu’outre les coopératives, les sociétés de secours mutuel et autres entreprises similaires de l’ES de type associatif, les organisations à but non lucratif, les associations et les fondations connues sous le terme d’ONG jouent également un rôle important. Elles sont toutes partie intégrante de l’ES au sein du troisième secteur (action sociale) et gèrent des services d’assistance sociale, de santé, d’éducation et autres. Elles encouragent aussi les initiatives d’entrepreneuriat social sous formes d’entreprises sociales au sein de la population locale.

1.8.

La Commission a reconnu l’importance du rôle que peuvent jouer les entreprises et organisations de l’économie sociale (EES) dans le développement de l’économie circulaire, à laquelle elles peuvent apporter une «contribution essentielle» (2). Il existe en Europe de nombreux exemples de bonnes pratiques dans ce domaine, dans lequel les entreprises de l’ES peuvent jouer un rôle important pour ce qui est des investissements prévus dans le plan d’investissement extérieur européen (PIEE) en énergies renouvelables en Afrique. Les EES contribuent de manière importante à une croissance économique durable, en atténuant les impacts négatifs sur l’environnement.

1.9.

Sans préjudice de l’action de la banque éthique, les instruments financiers traditionnels ne fonctionnent pas pour les EES, qui ont besoin d’outils spécifiquement adaptés. Le CESE déplore dès lors, qu’en dépit de leur rôle de premier plan dans le processus de réalisation des objectifs de développement durable et de leur poids socioéconomique, les EES ne soient pas systématiquement envisagées comme un acteur faisant l’objet d’une reconnaissance spécifique dans les programmes d’encouragement à l’internationalisation et à la promotion des entreprises à l’extérieur pas plus que dans ceux ayant trait à la coopération au développement de l’Union européenne. Le PIEE et le Fonds européen pour le développement durable (FEDD) ne prévoient pas non plus de ligne de financement spécifique pour les entreprises et organisations de l’économie sociale.

1.10.

Par exemple, le renouvellement de l’accord de partenariat de Cotonou (APC) concernera plus de cent pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et une population totale de 1,5 milliard de personnes. L’APC sera renouvelé en 2020 et les négociations doivent commencer au plus tard en août 2018 Il est surprenant que dans la communication susmentionnée, qui s’appuie sur le programme à l’horizon 2030 de l’ONU et la stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne, l’économie sociale ne soit pas citée parmi les acteurs non étatiques associés au partenariat mais simplement englobée dans l’es termes génériques «la société civile, les partenaires économiques et sociaux et le secteur privé» (paragraphe 4.3.3 de la communication).

Compte tenu de ce qui précède:

1.11.

La politique commerciale est l’un des piliers de l’action extérieure de l’Union européenne. La société civile organisée participe aux différents accords de l’Union européenne avec d’autres pays ou régions du monde (commerciaux, d’association, de partenariat économique) par l’intermédiaire des comités consultatifs mixtes (CCM) et des groupes consultatifs internes (GCI) prévus par ces accords. Le CESE recommande que la présence du secteur de l’ES, qui participe déjà à plusieurs d’entre eux, soit généralisée et devienne une composante fixe de tous ces accords.

1.12.

Le FEDD comme la BEI doivent œuvrer ensemble à la mise en place d’un écosystème financier propre aux entreprises et organisations de l’économie sociale, comme recommandé dans l’avis du CESE (3). En outre, les programmes d’assistance technique et de coopération au développement du PIEE devraient comprendre la promotion de plateformes numériques coopératives. L’économie numérique ouvre de nouveaux champs d’intervention et de développement pour les entreprises et organisations de l’économie sociale. Ainsi, l’économie collaborative permet de créer des plateformes sans but lucratif (coopérativisme de plateforme) et de développer des activités présentant un grand intérêt pour la dimension extérieure de l’économie sociale comme la production collaborative, le financement collectif (financement participatif ou prêts entre pairs), la gouvernance collaborative ou l’apprentissage collaboratif. Dans ce dernier cas, l’apprentissage par l’intermédiaire de plateformes coopératives peut être important pour la formation in situ des entrepreneurs de l’ES dans les pays voisins et du Sud, en renforçant le capital humain qui est l’élément structurant de ces pays.

1.13.

Le CESE soutient la recommandation du groupe d’experts de la Commission sur l’entrepreneuriat social (GECES) afin de renforcer le rôle des entreprises de l’économie sociale dans la politique extérieure de l’Union européenne. À cet égard, la Commission et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) devraient coordonner leurs politiques et initiatives pour:

allouer des fonds directement ou indirectement aux entreprises de l’économie sociale dans les pays tiers, de concert avec les gouvernements concernés et les organisations de soutien à l’ES,

mettre en place des collaborations spécifiques avec d’autres partenaires internationaux et des fonds d’innovation et d’investissement pour maximiser l’impact des programmes respectifs.

1.14.

La Commission et l’ES doivent favoriser la participation du G20 et du G7 à la promotion de politiques spécifiques de soutien à l’économie sociale (comme indiqué dans le cadre d’action du G20 relatif à l’entreprise inclusive), qui reflètent les différences de valeurs, de principes et de raisons d’être de ces organisations (recommandation no 12 du GECES).

1.15.

Dans le cadre de la «diplomatie économique», il faut encourager le rôle de l’économie sociale dans les enceintes internationales (UNTFSSE (Task Force des Nations unies «Économie sociale et solidaire»), GPIESS (Groupe pilote international de l’économie sociale et solidaire), G20, G7, OIT, etc.) et la collaboration avec les institutions financières internationales.

1.16.

L’Union européenne doit s’assurer que, lors de la négociation d’accords commerciaux, les entreprises de l’économie sociale ne soient pas discriminées par rapport à d’autres entreprises, en éliminant les barrières non tarifaires qui, de facto, établissent cette discrimination.

1.17.

Tant l’Instrument européen de voisinage (IEV) que d’autres instruments financiers devraient contribuer de manière systématique à la promotion de l’ES, aussi bien dans le cadre des négociations d’adhésion avec les pays candidats à l’entrée dans l’Union européenne qu’avec d’autres pays voisins, bénéficiaires d’accords privilégiés.

1.18.

La Commission doit consolider son rôle de chef de file dans la coopération internationale et dans les efforts pour promouvoir et reconnaître les EES comme un instrument important pour la réalisation des ODD et partie prenante au programme d’action extérieure de l’Union européenne. Il faudra à cette fin coordonner les activités des différents services de la Commission et du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et mettre en place des programmes d’action conjointe de coopération au développement avec d’autres institutions financières internationales telles que la Banque mondiale (BM), l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), la Banque africaine de développement, la Banque asiatique de développement et d’autres entités publiques et privées en quête d’investissements multilatéraux, y compris locaux, en créant des incitations pour que ces voies de financement fonctionnent. Il est urgent d’intégrer de manière effective et généralisée les entreprises et organisations de l’économie sociale à la «diplomatie économique» de l’Union européenne. La Commission devrait renforcer les liens de coopération dans le domaine de l’économie sociale avec les organisations internationales (ONU, OIT, OCDE, etc.).

1.19.

La Commission devrait inscrire expressément le secteur de l’ES en tant qu’acteur économique de l’Union européenne dans les initiatives visant à favoriser l’accès aux marchés tiers et dans tous les programmes de coopération au développement, et l’inclure dans la mise en œuvre du programme pour l’après-2015, en définissant des indicateurs ainsi que des objectifs spécifiques pour les coopératives et les autres entreprises similaires de ce secteur. En particulier, il est important que la Commission et la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères fassent figurer de manière explicite l’ES parmi les acteurs non étatiques dans le prochain accord de partenariat et de coopération (APC) et prévoient des lignes de financement pour ce secteur dans le cadre du plan d’investissement extérieur européen (PIEE) et du Fonds européen pour le développement durable (FEDD).

1.20.

Afin de contribuer au suivi et au réexamen des ODD, l’exercice doit inclure un rapport périodique sur les politiques de partenariat entre les États et autres pouvoirs publics et l’économie sociale, y compris les coopératives, qui sont des moyens essentiels de mise en œuvre des objectifs de développement durable. De même, les États devraient être encouragés à produire des données et des statistiques.

1.21.

La Commission doit faciliter l’inclusion de l’économie sociale dans le dialogue structuré qui encouragera le secteur privé européen et africain dans le cadre d’une plateforme d’entreprises durables pour l’Afrique.

1.22.

La Commission devrait promouvoir le soutien préférentiel aux EES liées à l’économie circulaire, qui sont à l’origine de réussites notables en Europe et peuvent être des acteurs significatifs de la croissance durable dans les pays tiers, en créant de nombreux emplois pour les jeunes et les femmes au niveau local.

1.23.

Dans le cadre de leur action extérieure dans le domaine entrepreneurial et de la coopération au développement, la Commission et les États membres devraient promouvoir la participation, la consultation et une coordination avec les organisations représentatives de l’ES, tant européennes et nationales que des pays partenaires, ainsi qu’avec les organisations internationales de ce secteur, qui englobent des pays relevant des axes Nord-Sud et Sud-Sud. Le CESE réitère sa demande (4) de création d’un forum de la société civile européenne en faveur du développement durable en vue de promouvoir et de suivre la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030, avec comme principaux acteurs: le Conseil, la Commission, le Parlement européen, les organisations représentatives de l’ES européenne et le reste de la société civile.

1.24.

Les programmes d’assistance technique et d’aide au développement de la Commission doivent inclure la participation des réseaux et des organisations représentatifs de l’ES en tant qu’intermédiaires et acteurs stratégiques dans l’exécution des programmes d’investissement et de coopération des pays du voisinage et des pays en développement, et soutenir les gouvernements afin qu’ils promeuvent un environnement institutionnel favorable aux EES. Le sud de la Méditerranée et les Balkans constituent une priorité incontournable.

1.25.

La Commission et le SEAE devraient promouvoir auprès des pays tiers un processus visant à classifier les différentes catégories d’EES, ainsi que la mise en place d’un cadre juridique approprié qui confère une visibilité à l’ensemble des entités de ce secteur. S’agissant d’un processus complexe de moyen ou long terme, il convient de mettre l’accent sur les coopératives et les mutuelles, qui sont des acteurs présents dans le monde entier, dont le cadre juridique est clair, qui sont actives dans toutes les branches de la production, et dont le système de valeurs et de gouvernance guide l’ensemble de l’ES, ce qui permet de les assimiler à l’épine dorsale de ce secteur.

1.26.

Aux fins recherchées dans le présent avis, le CESE invite la Commission à concrétiser rapidement son engagement de renforcer la sensibilisation interservices en matière d’ES par le biais de réunions d’information internes à l’intention des directions générales concernées et des délégations de l’Union européenne dans les pays tiers.

2.   Introduction

2.1.

La stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne fixe deux grandes priorités: la sécurité dans l’Union et l’investissement dans la résilience des États et des sociétés de l’Est et du Sud de l’Europe jusqu’en Afrique centrale. Concernant la mise en œuvre de ces priorités et de la politique européenne de voisinage (PEV), l’ES peut jouer un rôle important dans la promotion de processus de développement inclusif et d’une croissance durable.

2.2.

La PEV à l’égard des pays de l’Est et du Sud de l’Europe et son instrument financier (l’IEV) constituent un élément essentiel pour promouvoir les relations avec les seize pays auxquels ils s’appliquent (six pays de l’Est et dix du Sud de la Méditerranée), 15,4 milliards d’euros étant alloués par l’Union européenne à leur développement pour la période 2014-2020.

2.3.

Le PIEE, par l’intermédiaire du FEDD, promouvra en Afrique et dans les pays voisins de l’Union européenne des investissements d’un montant compris entre 44 et 88 milliards d’euros, sur la période 2016-2020, des organismes du secteur public et des investisseurs du secteur privé étant envisagés comme contreparties éligibles pour les projets d’investissement.

2.4.

Le commerce international est l’un des piliers de la nouvelle stratégie Europe 2020 pour une Union plus compétitive et plus respectueuse de l’environnement. Les accords de libre-échange et d’investissement promus par l’Union européenne peuvent contribuer à une croissance économique plus dynamique dans l’Union, étant donné que 90 % de la future croissance mondiale se produira à l’extérieur de l’Europe. L’Union européenne devrait veiller à ce que lors de la négociation des accords commerciaux les entreprises de l’économie sociale ne soient pas discriminées par rapport à d’autres entreprises, en supprimant les barrières non tarifaires qui, de facto, établissent une telle discrimination. L’ES doit utiliser ces accords pour promouvoir l’internationalisation de ses entreprises, que ce soit au niveau des pays voisins de l’Est et du Sud de l’Europe ou dans le reste du monde.

2.5.

L’Union européenne joue un rôle important dans la lutte pour l’éradication de la pauvreté et dans la promotion du développement économique et social au niveau mondial. En 2015 (5), l’aide publique au développement fournie par l’Union européenne et les États membres a atteint 68 milliards d’EUR et représentait plus de 50 % du montant provenant des autres donateurs du monde.

2.6.

Lors de sa session du 26 mai 2015, le Conseil a adopté la position de l’Union européenne concernant le nouveau programme de développement pour l’après-2015 (Un nouveau partenariat mondial pour l’éradication de la pauvreté et le développement durable après 2015). Ce programme pour l’après-2015 a été défendu par l’Union européenne devant l’Assemblée générale des Nations unies de septembre 2015, qui a adopté le programme de développement durable à l’horizon 2030. Dans ce programme pour l’après-2015, le Conseil a souligné «l’importance que revêtent les micro, petites et moyennes entreprises et les entreprises de l’économie sociale pour la création d’emplois et le développement durable» (paragraphe 43).

3.   Les entreprises et organisations de l’économie sociale

3.1.

Les entreprises et organisations de l’économie sociale sont composées d’un vaste éventail d’acteurs mais toutes possèdent des traits fondamentaux communs ainsi que des principes et des valeurs présidant à leur comportement qui en font des entités libres et volontaires, dotées de systèmes de gouvernance démocratiques et participatifs et créées par la société civile dans l’objectif premier de répondre aux besoins des personnes et des groupes sociaux auxquels ceux-ci appartiennent, en s’appuyant sur des critères fondés sur la solidarité plutôt que sur la rémunération des investisseurs de capital (6). Pour exemple, on peut indiquer que l’Unesco a reconnu les coopératives allemandes comme patrimoine immatériel de l’humanité.

3.2.

Les acteurs de l’économie sociale sont bien définis et spécifiés par les institutions de l’Union européenne, ainsi que par les protagonistes eux-mêmes et la littérature scientifique. À cet égard, il convient de citer la résolution du Parlement sur l’économie sociale (2008/2250(INI)] du 25 janvier 2009; le «Manuel pour l’établissement des comptes satellites des entreprises de l’économie sociale: coopératives et mutuelles», promu par la Commission européenne (2006); les avis du Comité économique et social européen et son rapport (7) sur «L’économie sociale dans l’Union européenne» (8). Tous ces documents définissent l’économie sociale de manière similaire, comme un secteur formé d’entreprises et d’entités diverses «fondées sur la primauté de l’humain sur le capital, et qui réunit des formes organisationnelles telles que des coopératives, des mutuelles, des fondations et des associations, ainsi que des formes nouvelles d’entreprises sociales» (conclusions du Conseil du 7 décembre 2015 sur la promotion de l’économie sociale en tant que vecteur essentiel du développement économique et social en Europe) (9).

4.   Économie sociale, politique européenne de voisinage et stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité

4.1.

L’économie sociale peut jouer un rôle très important dans l’action extérieure de l’Union européenne. L’histoire de l’économie sociale est une succession de réussites, non seulement en Europe mais aussi dans de nombreux pays voisins du Sud et dans de nombreuses régions d’Afrique. C’est ce qu’a souligné l’OIT dans sa recommandation no 193 du 20 juin 2002 concernant la promotion des coopératives, qu’il considère être l’un des piliers du développement économique et social dans la mesure où, de par leurs valeurs et systèmes de gouvernance, elles promeuvent la plus complète participation de toute la population à ce développement, renforçant ainsi la stabilité, la confiance et la cohésion sociale.

4.2.

La Commission et le Conseil ont souligné à plusieurs reprises l’importance des coopératives et de l’économie sociale dans l’action extérieure de l’Union européenne. Ainsi, la communication de la Commission du 12 septembre 2012 («Les racines de la démocratie et le développement durable: l’engagement de l’Europe avec la société civile dans le domaine des relations extérieures» souligne le rôle des coopératives en tant qu’acteurs de la société civile qui «soutiennent très activement l’entrepreneuriat et la création d’emplois, en mobilisant les communautés locales». Pour sa part, dans le programme pour l’après-2015, le Conseil accorde à l’économie sociale un rôle important pour la création d’emplois et le développement durable (paragraphe 43 dudit programme).

4.3.

La stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne fixe deux grandes priorités: la sécurité dans l’Union et l’investissement dans la résilience des États et des sociétés de l’Est et du Sud de l’Europe jusqu’en Afrique centrale.

4.4.

La PEV est un élément essentiel pour bien asseoir les priorités établies dans la stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne. Cette stratégie considère que l’une des priorités de l’action extérieure est d’investir dans la résilience des États et des sociétés situées à l’Est et au Sud de l’Europe jusqu’à l’Afrique centrale, tant pour les pays faisant partie de la PEV que pour ceux que cette politique ne couvre pas.

4.5.

La consolidation d’États résilients dans l’environnement européen, priorité qui est au cœur de l’action extérieure de l’Union européenne, ne peut être garantie sans des sociétés solides, fondées sur la cohésion et résilientes. L’ES, qui s’appuie sur des entreprises créées par des personnes et pour les personnes, constitue une expression dynamique de la société civile. Les EES sont le fruit d’initiatives citoyennes d’entreprenariat collectif, qui intègrent des objectifs économiques et sociaux au sein d’un projet commun, projet qui fait des personnes les responsables et les acteurs de leurs propres destins, et leur permet d’améliorer leurs conditions de vie et de croire ainsi en l’avenir. C’est la meilleure garantie pour consolider des États résilients dans l’Est et le Sud de l’Europe ainsi que dans d’autres pays, qu’ils relèvent ou non de la PEV, comme le souligne la stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne. Elle constitue également le meilleur gage de pérennisation et d’inscription dans le long terme de la mise en œuvre réussie de la première des cinq grandes priorités de l’action extérieure de l’Union européenne, la sécurité de notre maison commune, l’Europe, faisant ainsi barrage aux processus de radicalisation.

4.6.

Enfin, la dimension extérieure de l’économie sociale peut être d’une très grande utilité pour créer des emplois assortis de droits dans les pays présentant un pourcentage élevé d’économie souterraine ou dans les pays opérant une transition de leur modèle économique. Elle peut également être utile pour éviter la fermeture d’entreprises en permettant leur reprise par leurs travailleurs, sous la forme juridique et organisationnelle d’une coopérative.

5.   L’économie sociale et la politique de l’Union européenne en matière de commerce et d’investissement

5.1.

La politique commerciale est l’un des piliers de l’action extérieure de l’Union européenne. La société civile organisée participe aux différents accords de l’Union européenne avec d’autres pays ou régions du monde (commerciaux, d’association, de partenariat économique) par l’intermédiaire des comités consultatifs mixtes (CCM) et des groupes consultatifs internes (GCI) prévus par ces accords. Le CESE recommande que la présence du secteur de l’ES, qui participe déjà à plusieurs d’entre eux, soit généralisée et devienne une composante fixe de tous ces accords et propose de mettre ainsi à profit l’expérience de ce secteur, dans le cadre des chapitres sur le développement durable des accords précités, pour la création d’entreprises qui défendent les valeurs et présentent les caractéristiques qui lui sont propres. Il préconise également que les organisations de l’ES entrent dans la composition des groupes consultatifs internes (GCI) de la société civile prévus par ces chapitres et dans les missions commerciales lancées par la Commission dans des pays tiers.

5.2.

La présence du secteur de l’ES au sein des CCM et des GCI peut contribuer à améliorer les connaissances, les relations et la coopération dans le cadre de l’économie sociale entre différentes régions, comme c’est déjà le cas, par exemple, entre ce secteur dans l’Union européenne et son homologue en Amérique latine et sur la rive sud de la Méditerranée.

5.3.

La PEV, au travers de son instrument européen de voisinage (IEV), a alloué 15,4 milliards d’euros sur la période 2014-2016 à la réalisation de ses objectifs. Le PIEE (10), qui offre un cadre global pour améliorer les investissements en Afrique et dans le voisinage de l’Union européenne, peut être un instrument approprié pour promouvoir l’économie sociale dans ces régions du monde.

5.4.

En novembre 2017 aura lieu le 5e sommet Afrique-UE qui reformulera et approfondira le partenariat Afrique-UE. (11) La Commission doit faciliter l’inclusion de l’économie sociale dans le dialogue structuré qui encouragera le secteur privé européen et africain dans le cadre d’une plateforme d’entreprises durables pour l’Afrique.

5.5.

La Commission a reconnu l’importance du rôle que peuvent jouer les entreprises de l’économie sociale dans le développement de l’économie circulaire, à laquelle elles peuvent apporter une «contribution essentielle» (12). Il existe en Europe de nombreux exemples de bonnes pratiques dans ce domaine, notamment en matière d’énergies renouvelables.

5.6.

De par leurs caractéristiques et valeurs, les EES peuvent jouer un rôle important dans les investissements prévus dans le PIEE pour les énergies renouvelables en Afrique, grâce aux avantages compétitifs découlant d’une meilleure gestion des ressources, des matières premières ainsi que de l’ancrage territorial, et favoriser ainsi la création de nouveaux emplois au niveau local, en particulier pour les jeunes et les femmes. Le soutien accordé en priorité aux entreprises liées à l’économie circulaire rendra la croissance économique plus durable, en atténuant son impact négatif sur l’environnement grâce à une amélioration de la gestion des ressources et à la réduction des prélèvements et de la pollution.

5.7.

L’instrument de partenariat (13) pour la coopération avec les pays tiers, axé sur les pays développés et en développement, peut constituer une opportunité pour les EES de l’Union européenne dans leur processus d’internationalisation, en encourageant la compétitivité, la recherche et l’innovation.

5.8.

Comme cela a été indiqué à maintes reprises, la logique du marché financier n’est pas conçue pour favoriser le développement des entreprises et organisations de l’économie sociale. Les instruments financiers traditionnels ne leur conviennent pas, et elles ont besoin d’outils spécifiquement adaptés. Aussi, le vrai potentiel des entreprises de l’ES ne peut être réalisé que si l’accès aux financements fait partie intégrante d’un écosystème financier adapté et totalement intégré (14).

5.9.

Le groupe d’experts de la Commission sur l’entrepreneuriat social (GECES) a également indiqué qu’il fallait que celle-ci accorde un financement direct et indirect spécifique aux organisations de l’économie sociale, y compris les entreprises opérant dans ce secteur, dans les pays tiers, aux côtés de leurs gouvernements, et qu’elle soutienne les organisations financières sociales (recommandation no 13 du rapport GECES «L’avenir de l’économie sociale et des entreprises œuvrant dans le secteur»).

5.10.

À cet égard, tant l’IEV que d’autres instruments financiers devraient contribuer de manière systématique à la promotion de l’économie sociale, dans le cadre des négociations d’adhésion avec les pays candidats, ainsi qu’avec d’autres pays voisins bénéficiaires d’accords privilégiés.

5.11.

Récemment, la Commission a pris des initiatives extérieures, comme dans «l’accord-cadre de partenariat entre la Commission européenne et l’Alliance coopérative internationale pour promouvoir le secteur coopératif au niveau mondial», à mettre en œuvre entre 2016 et 2020, au moyen d’un programme doté d’un budget de plus de huit millions d’euros. Cependant, aussi bien la PEV que la stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité négligent les entreprises de l’ES lorsqu’il s’agit de les inclure expressément comme acteurs du monde des entreprises dans les programmes et politiques extérieures de l’Union européenne et ne prévoient aucune ligne spécifique à leur intention dans le cadre des dotations considérables allouées au PIEE et au FEDD. Il n’en est pas non plus tenu compte dans les actions en faveur de l’internationalisation des entreprises européennes.

5.12.

La Commission et l’ES doivent favoriser la participation du G20 et du G7 à la promotion de politiques spécifiques de soutien à l’économie sociale (comme indiqué dans le cadre d’action du G20 relatif à l’entreprise inclusive) qui reflètent mieux les différences de valeurs, de principes et de raisons d’être de ces organisations (recommandation no 12 du GECES).

5.13.

Dans le cadre de la diplomatie économique, il faut encourager le rôle de l’économie sociale dans les enceintes internationales (UNTFSSE, GPIESS, G20, G7, OIT, etc.) et la collaboration avec les organisations financières internationales comme le GSG (Global Social Impact Investment Steering Group), par exemple en participant aux événements organisés par le GPIESS sur le financement.

6.   L’importance de l’économie sociale pour la réalisation des ODD

6.1.

Le programme à l’horizon 2030 de l’ONU comporte dix-sept objectifs de développement durable (ODD) qui s’appuient sur trois piliers: économique, social et environnemental. L’économie sociale joue un rôle important dans la réalisation de chacun d’entre eux. La diversité des acteurs qui composent l’économie sociale et le caractère transversal des formes juridiques qu’elle couvre rendent difficile l’obtention de données agrégées sur les activités du secteur. Néanmoins les données disponibles concernant les coopératives, sociétés de secours mutuel et autres entités similaires permettent d’affirmer que l’ES et notamment les coopératives sont des facteurs essentiels pour atteindre les ODD du programme à l’horizon 2030.

6.2.

À cet égard, pour contribuer au suivi et au réexamen des ODD, l’exercice devrait inclure un rapport périodique sur les politiques de partenariat entre les États et autres autorités publiques et l’ES, y compris les coopératives, qui sont des moyens primordiaux de mise en œuvre des objectifs de développement durable. De même, les États devraient être encouragés à produire des données et des statistiques.

6.3.

Dans le cadre des objectifs de réduction de la pauvreté et de développement durable, les coopératives jouent un rôle fondamental dans de vastes régions d’Afrique, d’Asie et d’Amérique, principalement les coopératives d’épargne et de crédit et les coopératives agroalimentaires de production, d’approvisionnement et de commercialisation (rôle mis en exergue par la FAO). Dans des pays tels que la Tanzanie, l’Éthiopie, le Ghana, le Rwanda ou le Sri Lanka, les coopératives d’épargne et de crédit sont très importantes pour financer des moyens de travail, les fonds de roulement ou les biens de consommation durables pour les personnes pauvres. De même, dans ces pays, les coopératives jouent un rôle moteur dans le processus d’émancipation des femmes (15). En Afrique, on dénombre 12 000 coopératives d’épargne et de crédit qui comptent 15 millions d’utilisateurs dans 23 pays (16).

6.4.

Les coopératives et les sociétés mutuelles ont un rôle très important en matière de santé dans le monde entier, tant dans les pays développés que dans les pays émergents. Les coopératives de santé s’occupent de plus de 100 millions de familles dans le monde (17).

6.5.

Un secteur dans lequel les coopératives contribuent de manière déterminante à l’un des ODD est celui de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement. La Bolivie (Santa Cruz de la Sierra) abrite la plus importante coopérative d’approvisionnement en eau potable du monde. Elle alimente 1,2 million de personnes en eau potable de très haute qualité. Aux Philippines, en Inde ainsi que dans plusieurs pays d’Afrique, les coopératives d’approvisionnement en eau fournissent de l’eau potable à des dizaines de milliers de ménages. Dans certains cas, les coopératives ont foré des puits et ont créé des groupes locaux pour les entretenir. Les États-Unis comptent près de 3 300 coopératives qui fournissent de l’eau pour la consommation humaine, une protection contre les incendies ainsi que des services d’irrigation et d’évacuation des eaux usées (18).

6.6.

Les coopératives sont très efficaces pour fournir des logements décents et améliorer l’état des quartiers insalubres. En Inde, la Fédération nationale des coopératives de logement a promu, avec l’aide des familles pauvres des zones urbaines, 92 000 coopératives de logement comptant 6,5 millions de membres et 2,5 millions de logements, dont la grande majorité est destinée à des familles à faible revenu. Au Kenya, l’Union nationale des coopératives de logement a lancé un programme d’amélioration des quartiers insalubres, en organisant les voisins en coopératives pour qu’ils puissent accéder à des logements décents (19).

6.7.

Les coopératives sont des outils précieux pour réduire les taux élevés de travail informel (qui représente 50 % du taux d’activité mondial), lequel va toujours de pair avec des conditions de vie et de travail indignes. Les initiatives d’entrepreneuriat collectif associées aux coopératives fournissent une grande valeur sociale, en procurant une plus grande dignité aux personnes et en améliorant leurs conditions de vie (travail décent), et apportent une réponse aux problèmes découlant d’un modèle qui produit précarité et inégalité. Les entreprises et organisations de l’économie sociale ont un rôle significatif dans l’émancipation des groupes les plus vulnérables, notamment les femmes, les jeunes et les personnes handicapées, de même qu’elles génèrent des recettes économiques plus durables ainsi que des processus d’innovation sociale réussis.

6.8.

Outre le rôle des coopératives et des sociétés d’assistance mutuelle, il y a lieu de souligner celui des entités sans but lucratif et des organisations non gouvernementales (ONG), qui sont toutes partie intégrante de l’économie sociale, en travaillant dans le domaine de l’action sociale (troisième secteur). Ces entités mobilisent d’importantes ressources, y compris sur base du volontariat, qui leur permettent de gérer des services sociaux, de santé, d’éducation et autres et, dans de nombreux cas, d’encourager des initiatives d’entrepreneuriat social au sein de la population locale.

6.9.

Les expériences entrepreneuriales mentionnées dans les paragraphes précédents démontrent que le modèle entrepreneurial de l’économie sociale s’inspire d’un système de valeurs et de gouvernance participative qui le rend particulièrement apte à relever nombre des défis sociaux inclus dans les ODD. Comme l’a rappelé le Parlement européen, «la plupart des problèmes sociaux requièrent des solutions locales pour faire face à des situations et à des difficultés concrètes» (20). Il faut souligner la tâche de la Task Force des Nations unies sur l’économie sociale et solidaire» (UNTFSSE) dans la promotion de l’économie sociale et solidaire au niveau mondial, ainsi que les initiatives de Cooperatives Europe et le projet conjoint Alliance coopératives internationale et UE sur le développement international à travers des coopératives.

6.10.

En raison de leur enracinement profond dans les communautés locales et parce que leurs objectifs prioritaires consistent à répondre aux besoins des personnes, ces entreprises ne délocalisent pas, combattant ainsi efficacement le dépeuplement des zones rurales et contribuant au développement des régions et des collectivités défavorisées (21). À cet égard le travail du Forum mondial de l’économie sociale (GSEF), qui tiendra sa prochaine réunion dans l’Union européenne (Bilbao, 2018), est souligné.

6.11.

Le modèle entrepreneurial de l’économie sociale permet ainsi:

de générer de la richesse dans les zones rurales et défavorisées grâce à la création et au soutien d’initiatives entrepreneuriales économiquement viables et durables à moyen et à long terme;

d’encourager et de soutenir les capacités entrepreneuriales, de formation et de gestion et de gestion d’entreprises de groupes socialement exclus, ainsi que de la population dans son ensemble, en générant des plateformes de concertation au niveau national;

de créer des instruments de financement en mettant en place des coopératives de crédit ou microcrédit pour garantir l’accès au financement;

de garantir certaines conditions de vie aux groupes vulnérables grâce à l’amélioration de l’accès aux denrées alimentaires et aux services sociaux de base tels que la santé, l’éducation, le logement et l’eau potable;

de favoriser la diminution du travail informel en soutenant des initiatives d’entrepreneuriat collectif pour lesquelles les coopératives constituent un excellent instrument; et

de contribuer à une croissance économique durable, tout en réduisant ses incidences négatives sur l’environnement.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Règlement (UE) no 234/2014 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2014.

(2)  COM(2015) 614 final du 2 décembre 2015.

(3)  Avis du CESE sur le thème «Construire un écosystème financier pour les entreprises sociales» (JO C 13 du 15.1.2016, p. 152).

(4)  Avis d’initiative du CESE sur «Le programme à l’horizon 2030 — Une Union européenne engagée en faveur du développement durable à l’échelle mondiale» (JO C 34 du 2.2.2017, p. 58).

(5)  Avis d’initiative du CESE sur le «Programme à l’horizon 2030 — Une Union européenne engagée en faveur du développement durable à l’échelle mondiale» (JO C 34 du 2.2.2017, p. 58).

(6)  Principes et valeurs inspirés des Principes coopératifs édictés par l’Alliance coopérative internationale (ACI) (Manchester, 1995).

(7)  Notamment, l’avis d’initiative du CESE sur «La diversité des formes d’entreprise» (JO C 318 du 23.12.2009, p. 22).

(8)  Rapport Monzón-Chaves du CIRIEC: 2012.

(9)  Document de référence 2011 «Économie sociale et solidaire: notre chemin commun vers le travail décent».

(10)  COM(2016) 581 final du 14 septembre 2016.

(11)  JOIN(2017) 17 final du 4 mai 2017 («Donner une impulsion nouvelle au partenariat Afrique-UE»).

(12)  COM(2015) 614 final du 2 décembre 2015.

(13)  Règlement (UE) no 234/2014 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2014.

(14)  Avis exploratoire du CESE sur le thème «Construire un écosystème financier pour les entreprises sociales» (JO C 13 du 15.1.2016, p. 152).

(15)  ACI-OIT.

(16)  B. Fonteneau y P. Develtere, Réponses de l’Afrique à la crise à travers l’économie sociale.

(17)  ACI-OIT.

(18)  Idem.

(19)  Idem.

(20)  Rapport du Parlement européen sur l’économie sociale, 2008/2250 (INI).

(21)  COM(2004) 18 final, point 4.3 («Promotion des sociétés coopératives en Europe»).


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

527e session plénière du CESE des 5 et 6 juillet 2017

13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/67


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2010/40/UE en ce qui concerne la période prévue pour l’adoption d’actes délégués»

[COM(2017) 136 final — 2017/0060 (COD)]

(2017/C 345/10)

Rapporteur:

Jorge PEGADO LIZ

Consultation

Parlement européen, 3 avril 2017

Conseil, 31 mars 2017

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

7 juin 2017

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

124/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE prend acte de la proposition de la Commission.

1.2.

Le Comité marque son accord de principe avec cette proposition et se réjouit que la Commission ait considéré comme adéquate la prorogation de la délégation pour une période déterminée, reconductible, sauf opposition du Conseil et du Parlement, comme le Comité l’a toujours souhaité.

2.   Objet de la proposition

2.1.

La directive 2010/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 7 juillet 2010 (1) concernant le cadre pour le déploiement de systèmes de transport intelligents (STI) dans le domaine du transport routier et d’interfaces avec d’autres modes de transport (2) prévoit l’adoption, par voie d’actes délégués, de spécifications en vue d’actions à mener dans quatre domaines prioritaires.

2.2.

La directive a conféré à la Commission le pouvoir d’adopter de tels actes pour une période limitée, à savoir jusqu’au 27 août 2017. Quatre actes délégués ont été adoptés depuis l’entrée en vigueur de la directive; un cinquième acte délégué porte sur la mise à disposition, dans l’ensemble de l’Union, de services d’informations sur les déplacements multimodaux.

2.3.

Dans le cadre de la stratégie européenne relative aux systèmes de transport intelligents coopératifs (3) (STI-C), la Commission collabore actuellement avec les experts des États membres en vue d’établir un cadre juridique et technique destiné à soutenir le déploiement des STI coopératifs. Mis à part ces travaux, plusieurs autres actions prévues dans les quatre domaines prioritaires (4) de la directive doivent encore être menées, notamment en ce qui concerne les spécifications et les normes pour la continuité et l’interopérabilité des services de gestion de la circulation et du fret (domaine prioritaire II), les spécifications pour d’autres actions relatives aux applications de STI à la sécurité et à la sûreté routières (domaine prioritaire III), et la définition des mesures nécessaires pour intégrer différentes applications STI sur une plateforme embarquée ouverte (domaine prioritaire IV).

2.4.

Afin que la Commission puisse adopter de nouvelles spécifications par voie d’actes délégués, elle considère essentiel que la délégation de pouvoir soit prolongée. En outre, les spécifications qui ont déjà été adoptées pourraient devoir être mises à jour afin de tenir compte des progrès technologiques ou des enseignements tirés de leur mise en œuvre dans les États membres.

2.5.

C’est pourquoi la Commission propose que la délégation de pouvoir soit prolongée de cinq ans à compter du 27 août 2017, puis tacitement reconduite pour de nouvelles périodes de cinq ans, à moins que le Parlement européen ou le Conseil ne s’y oppose. Le seul but de la proposition à l’examen est donc de prolonger la délégation à la Commission du pouvoir d’adopter des actes délégués, pour une nouvelle période de cinq ans tacitement prolongée par périodes de cinq ans, à moins que le Parlement européen ou le Conseil ne s’y oppose, sans modifier les objectifs stratégiques de la directive STI ni son champ d’application.

3.   Contexte

3.1.

Cette proposition de la Commission s’inscrit dans le cadre plus général de sa proposition de règlement [COM(2016) 799 final] adaptant aux articles 290 et 291 du TFUE une série d’actes juridiques prévoyant le recours à la procédure de réglementation avec contrôle (PRAC) et sur laquelle le CESE a déjà émis son avis (5). En effet, au fur et à mesure que les périodes prévues pour l’adoption des actes délégués dans les différents instruments législatifs en vigueur arrivent à leur échéance, il faut évaluer le besoin de proroger les délais initiaux.

3.2.

La Commission fait rapport des études qu’elle a menées en vue de mettre en évidence la nécessité de prolonger (au-delà d’août 2017) la délégation de pouvoir lui permettant d’adopter des actes délégués relatifs aux spécifications relatives aux STI, notamment:

a)

en octobre 2014, un rapport sur la mise en œuvre de la directive STI (6);

b)

des consultations ciblées réalisées récemment auprès des groupes de parties prenantes, notamment le comité européen des STI et les membres du groupe consultatif européen sur les STI.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE attire l’attention sur ses rapports d’information et avis sur les actes délégués (7) qui ont fait l’objet d’un résumé dans son récent avis PRAC (8) et rappelle l’essentiel de sa position.

4.2.

Le CESE estime que les délégations de pouvoir doivent être délimitées dans tous leurs éléments, à savoir:

a)

objectifs identifiés;

b)

contenu précis;

c)

portée explicite;

d)

durée stricte et déterminée.

4.3.

En ce qui concerne en particulier la durée, le CESE s’est toujours prononcé en faveur du principe d’une durée précise, éventuellement reconductible pour une durée identique, sauf cas exceptionnels dûment justifiés.

4.4.

Le CESE constate que dans la présente proposition, la Commission a précisément établi une période supplémentaire de cinq années à compter du 27 août 2017, période qui pourra ensuite être tacitement prorogée pour des périodes identiques, sauf si le Parlement européen ou le Conseil s’y oppose.

4.5.

Le CESE considère que cette proposition allie la certitude juridique et la souplesse qui permet de tenir compte des évolutions technologiques et d’adopter en temps opportun des spécifications techniques, fonctionnelles et organisationnelles nécessaires au bon fonctionnement des STI dans le domaine du transport routier, et mérite ainsi son accord.

4.6.

Le CESE considère aussi que la prolongation de la délégation de pouvoir à la Commission est indispensable au déploiement intégré et coordonné de STI routiers interopérables et de leurs interfaces avec d’autres modes de transport dans l’Union européenne, surtout à la suite de la communication COM(2016) 766 final (9).

4.7.

Il faudra cependant que la Commission procède aux consultations appropriées durant son travail préparatoire, y compris au niveau des experts, et que ces consultations soient menées conformément aux principes définis dans l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» du 13 avril 2016. En particulier, pour assurer leur égale participation à la préparation des actes délégués, le Parlement européen et le Conseil doivent recevoir tous les documents au même moment que les experts des États membres, et leurs experts doivent avoir systématiquement accès aux réunions des groupes d’experts de la Commission traitant de la préparation des actes délégués.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO L 207 du 6.8.2010, p. 1; JO C 277 du 17.11.2009, p. 85.

(2)  JO L 207 du 6.8.2010, p. 1.

(3)  Une stratégie européenne relative aux systèmes de transport intelligents coopératifs, jalon d’une mobilité coopérative, connectée et automatisée [COM(2016) 766 final].

(4)  Voir l’annexe I de la directive.

(5)  INT/813 (non encore publié au Journal officiel).

(6)  http://ec.europa.eu/transport/themes/its/road/action_plan/its_reports_en.htm.

(7)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 145; JO C 67 du 6.3.2014, p. 104; INT/656 (rapport d’information).

(8)  INT/813 (non encore publié au Journal officiel).

(9)  Une stratégie européenne relative aux systèmes de transport intelligents coopératifs, jalon d’une mobilité coopérative, connectée et automatisée, 30.11.2016. Avis du CESE TEN/621 (non encore publié au Journal officiel).


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/70


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur

[COM(2017) 142 final — 2017/0063 (COD)]

(2017/C 345/11)

Rapporteur:

Juan MENDOZA CASTRO

Consultation

Parlement européen, 26 avril 2017

Conseil, 27 mars 2017

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

130/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission, qu’il considère comme une mesure indispensable à la mise en œuvre efficace du règlement (CE) no 1/2003.

1.2.

Malgré la persistance de différences, grâce à une harmonisation volontaire, il y a eu une forte convergence entre les systèmes des différents États membres, en prenant comme référence les normes de l’Union européenne.

1.3.

Le système d’engagement de procédures (attribution des affaires) dans le cadre du réseau européen de la concurrence (REC) devrait éviter toute duplication des interventions de différents États membres.

1.4.

Le CESE propose d’envisager de réglementer à l’avenir les contenus de droit civil et administratif au moyen d’un règlement.

1.5.

La politique de concurrence doit garantir l’égalité des chances. Le CESE souligne qu’il importe que les autorités nationales de concurrence (ANC) disposent de moyens et instruments légaux pour lutter contre les ententes secrètes et insiste sur les graves préjudices que causent les abus de position dominante.

1.6.

Le respect des droits fondamentaux de ceux qui font l’objet d’une enquête doit être compatible avec la mise en œuvre intégrale des articles 101 et 102 du TFUE.

1.7.

Le CESE est préoccupé par le grave manque d’indépendance et de ressources des ANC, que l’on constate actuellement dans de nombreux États membres. Il est essentiel que les ANC disposent d’une réelle indépendance vis à vis des autorités et partant, que les hauts responsables des ANC soient des experts indépendants ayant une expérience professionnelle reconnue et que le personnel soit quant à lui stable et doté d’une formation professionnelle appropriée.

1.8.

Étant donné qu’il est difficile voire impossible, dans de nombreux cas, de réparer les dommages causés par les agissements anticoncurrentiels, le CESE préconise que les pouvoirs conférés aux ANC puissent également être exercés dans le cadre d’actions préventives.

1.9.

Le CESE a déjà fait valoir «que le montant des sanctions doit être dissuasif et que les sanctions doivent être aggravées en cas de récidive» et reconnaît que le pouvoir de sanction de l’autorité de mise en œuvre est un élément clé de la politique de concurrence.

1.10.

L’expérience de la Commission, qui applique habituellement des mesures de clémence, peut être considérée comme positive et leur application uniforme par les ANC est importante pour l’existence d’un droit européen de la concurrence. Toutefois, la clémence ne doit pas empêcher les parties lésées (y compris les consommateurs) d’obtenir réparation pour les dommages subis, au moyen d’actions collectives.

1.11.

Le caractère transnational des actions des ANC rend indispensable l’assistance mutuelle entre elles.

1.12.

Lors de la transposition de la directive, la suspension des délais de prescription doit se conformer aux règles générales de prescription des États membres.

1.13.

Il convient de reconnaître aux ANC le pouvoir d’ester en justice de plein droit, à défaut, leur efficacité dans certains États membres s’en trouverait entravée.

1.14.

Le CESE souligne qu’il importe que les ANC puissent utiliser tout type de preuve, indépendamment du support sur lequel sont stockées.

1.15.

Les campagnes d’information sont nécessaires compte tenu de la méconnaissance des règles de concurrence de la plus grande partie du public.

2.   La proposition de la Commission

2.1.

Les États membres de l’Union européenne sont des partenaires essentiels de la Commission européenne en matière de mise en œuvre des règles de concurrence de l’Union européenne. Depuis 2004, les ANC des États membres sont habilitées par le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil à appliquer les règles de concurrence de l’Union européenne aux côtés de la Commission. Depuis plus d’une décennie, la Commission et les ANC mettent en œuvre les règles de concurrence de l’Union européenne en collaborant étroitement au sein du réseau européen de la concurrence (REC). Le REC a été créé en 2004 expressément à cette fin.

2.2.

La mise en œuvre des règles de concurrence de l’Union européenne par la Commission et les ANC constitue un élément essentiel pour la création d’un marché intérieur ouvert, concurrentiel et innovant; elle est de plus indispensable à la création d’emplois et à la croissance dans des secteurs importants de l’économie, notamment dans ceux de l’énergie, des télécommunications, du numérique et des transports.

2.3.

Les règles de concurrence de l’Union européenne sont l’un des traits distinctifs du marché intérieur: ce dernier ne peut pas réaliser pleinement son potentiel et créer les conditions propices à une croissance économique soutenue lorsque la concurrence est faussée. Pour rendre le marché intérieur plus intégré et plus équitable, il est essentiel de veiller à ce que ses règles soient effectivement mises en œuvre, de sorte qu’elles produisent leurs effets au plus près des citoyens.

2.4.

La mise en œuvre des règles de concurrence de l’Union européenne est aujourd’hui assurée à une échelle que la Commission n’aurait jamais pu atteindre à elle seule. La Commission enquête généralement sur les pratiques ou accords anticoncurrentiels qui affectent la concurrence dans au moins trois États membres ou lorsqu’il est utile de créer un précédent au niveau européen. Les ANC sont généralement les instances indiquées pour agir lorsque la concurrence est substantiellement affectée sur leur territoire, étant donné qu’elles connaissent le fonctionnement des marchés dans leur propre État membre, et cette connaissance est très précieuse pour faire respecter les règles de concurrence.

2.5.

Il existe une marge inexploitée pour rendre la mise en œuvre des règles de concurrence de l’Union européenne par les ANC plus efficace. Le règlement (CE) no 1/2003 ne s’est pas intéressé aux moyens ni aux instruments dont les ANC disposent pour appliquer les règles de concurrence de l’Union européenne et nombreuses sont les autorités qui ne sont pas dotées de tous les moyens et instruments nécessaires pour mettre en œuvre efficacement les articles 101 et 102 du TFUE:

2.6.

En raison de ces lacunes et de ces limites qui affectent les outils et les garanties dont disposent les ANC, les procédures engagées contre les entreprises se livrant à des pratiques anticoncurrentielles peuvent déboucher sur des résultats très différents selon l’État membre dans lesquelles ces entreprises opèrent: la mise en œuvre des articles 101 ou 102 du TFUE peut se révéler totalement inexistante ou inefficace, par exemple parce que les preuves permettant de constater les pratiques anticoncurrentielles sont impossibles à recueillir ou parce que les entreprises ont la possibilité de se soustraire à l’obligation de payer une amende. La mise en œuvre inégale des règles de concurrence de l’Union européenne fausse la concurrence dans le marché intérieur et nuit au système de mise en œuvre décentralisée mis en place par le règlement (CE) no 1/2003.

2.7.

Par conséquent, la Commission considère nécessaire de présenter une proposition législative dotée d’un double objectif stratégique:

la base juridique de l’article 103 du TFUE a pour but de permettre aux ANC de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence de l’Union européenne, en leur attribuant les nécessaires garanties d’indépendance, de ressources et de compétences,

prenant pour base juridique l’article 114 du TFUE, l’on vise à renforcer le marché intérieur en éliminant les obstacles nationaux qui empêchent les ANC de mettre efficacement en œuvre les règles de concurrence de l’Union européenne et de parvenir à une application plus homogène des règles, et ce au bénéfice des consommateurs et des entreprises.

2.8.

Par ailleurs, si les ANC peuvent se fournir une assistance mutuelle effective, il en résultera des conditions plus équitables pour tous et le maintien d’une coopération étroite au sein du REC.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission, qu’il considère comme une mesure indispensable à la mise en œuvre effective du règlement (CE) no 1/2003. La mise en place d’un système européen de concurrence nécessite d’éliminer les obstacles et les lacunes observés dans certains États membres en vue de la mise en œuvre intégrale des articles 101 et 102 du TFUE.

3.2.

La décentralisation de l’application des règles de concurrence découlant du règlement (CE) no 1/2003 n’a pas entraîné, comme on le craignait, la fragmentation des pouvoirs de mise en œuvre de la politique de concurrence. Malgré la persistance de différences, grâce à une harmonisation volontaire, il y a eu une forte convergence entre les systèmes des différents États membres, en prenant comme référence les normes de l’Union européenne (1).

3.3.

Le CESE souligne que l’existence de compétences parallèles, au niveau de l’Union européenne et des États membre, impose dans certains cas un effort d’adaptation des lois et institutions nationales. Le système d’ouverture de procédures (attribution des affaires) dans le cadre du réseau européen de la concurrence doit, en tout état de cause, éviter une éventuelle duplication des interventions dans différents États membres.

3.4.

La Commission est d’avis qu’une directive est l’instrument approprié, car elle tient compte «des traditions juridiques et des spécificités institutionnelles des États membres». L’objectif d’une application uniforme et cohérente des règles par les ANC, notamment en ce qui concerne le catalogue des sanctions (chapitre V) et l’immunité ainsi que la réduction d’amendes (chapitre VI), nécessite de surmonter la grande diversité des dispositions actuelles. Le CESE propose par conséquent d’envisager de réglementer à l’avenir les contenus de droit civil et administratif au travers d’un règlement, tout en préservant la pleine autonomie des États membres en ce qui concerne la législation pénale.

3.5.

La politique de concurrence doit garantir l’égalité des chances. Le CESE souligne qu’il importe que les ANC disposent des moyens et instruments légaux nécessaires pour lutter contre les ententes secrètes (définies à l’article 2, point 9, de la proposition) et met également l’accent sur les graves préjudices que les abus de position dominante, généralement commis par de grandes entreprises ou groupements d’entreprises, causent à d’autres entreprises (notamment les PME), aux consommateurs et aux utilisateurs.

3.6.

Les États membres devraient envisager de mener des campagnes d’information eu égard à la connaissance insuffisante des règles de concurrence de la plus grande partie du public.

4.   Observations particulières

4.1.    Droits fondamentaux

4.1.1.

La proposition de la Commission mentionne les principes généraux du droit de l’Union et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2), à titre de garantie dès lors qu’ils incluent le respect des droits de la défense des entreprises: la liberté d’entreprise, le droit de propriété, le droit à une bonne administration et le droit à un recours effectif devant un tribunal impartial (articles 16, 17, 41 et 47 de la charte).

4.1.2.

Le CESE rappelle que la reconnaissance des larges pouvoirs dont doivent disposer les ANC pour exercer leurs fonctions implique la mise en place de sauvegardes et de garanties des droits des opérateurs faisant l’objet d’une enquête, tout en veillant à leur compatibilité avec la mise en œuvre intégrale des articles 101 et 102 TFUE. Les ANC et, le cas échéant, les juridictions nationales, doivent veiller à la mise en œuvre de ces garanties. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la présomption d’innocence constitue un principe général du droit de l’Union (article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux) que les États membres doivent respecter lors de l’application du droit de la concurrence (3). Pour sa part, la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé l’application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à un procès équitable) (4) et s’est prononcée sur la légitimité de la Commission (5) et le principe «ne bis in idem» (6) dans les procédures en matière de concurrence.

4.2.    Indépendance et ressources

4.2.1.

La garantie d’indépendance implique que les ANC «exercent leurs pouvoirs en toute impartialité et dans l’intérêt d’une application effective et uniforme de ces dispositions» (article 4, paragraphe 1).

4.2.2.

Les États membres ont obligation de veiller à ce que le personnel et les membres de l’organe décisionnel des ANC puissent s’acquitter de leurs fonctions (article 4, paragraphe 2):

en toute indépendance à l’égard de toute influence extérieure, politique ou autre,

sans solliciter ni accepter aucune instruction d’un gouvernement ou de toute autre entité publique ou privée,

en s’abstenant de toute action incompatible avec l’exécution de leurs fonctions,

en outre:

ils ne peuvent être révoqués que s’ils ne remplissent plus les conditions requises pour exercer leurs fonctions ou s’ils ont commis une faute grave selon le droit national,

il convient de fixer préalablement dans le droit national les motifs de leur révocation,

ils ne sont pas révoqués pour des raisons liées à l’exécution de leurs fonctions et à l’exercice de leurs pouvoirs.

4.2.3.

Le CESE est préoccupé par les graves lacunes en la matière que, selon la Commission, l’on constate actuellement dans de nombreux États membres. Des ressources humaines, financières et techniques adaptées (article 5) sont essentielles pour que les ANC puissent remplir leurs fonctions. L’indépendance implique une autonomie considérable dans la structure de l’État (7) qui n’exclut pas:

le contrôle juridictionnel,

la fourniture d’informations au Parlement,

les rapports périodiques d’activité, et

le suivi de leurs enveloppes budgétaires.

4.2.4.

Le CESE estime qu’il est essentiel que les ANC disposent d’une réelle indépendance vis-à-vis des autorités. Pour ce faire, les hauts responsables des ANC doivent être des experts indépendants ayant une expérience professionnelle reconnue et le personnel doit quant à lui être stable et doté d’une formation professionnelle appropriée.

4.3.    Pouvoirs

4.3.1.

Les pouvoirs dont doivent disposer les ANC (articles 6 à 11) incluent:

Inspection de locaux commerciaux sans notification préalable et avec ou sans décision de justice, en fonction de ce que prévoit la législation de l’État membre: cela implique au moins le droit d’«accéder à tous les locaux, terrains et moyens de transport des entreprises»; de contrôler les livres ainsi que tout autre document professionnel; de prendre ou d’obtenir «sous quelque forme que ce soit» copie ou extrait de ces livres ou documents; d’«apposer des scellés sur tous les locaux commerciaux et livres ou documents» et de demander des explications. Lorsqu’une entreprise s’oppose à une inspection administrative ou judiciaire, «les autorités nationales de concurrence peuvent obtenir l’assistance nécessaire de la force publique ou d’une autorité disposant d’un pouvoir de contrainte équivalent», «cette aide peut également être demandée à titre préventif».

Inspection d’autres locaux sans notification préalable: celle-ci s’applique en présence d’un «soupçon raisonnable» que des éléments qui pourraient être pertinents pour prouver une violation grave de l’article 101 ou de l’article 102 du TFUE existent.

Demandes de renseignements

Ordre de cessation d’une infraction constatée

Imposition de mesures provisoires: celle-ci s’applique «dans les cas d’urgence justifiée par le fait qu’un préjudice grave et irréparable risque d’être causé à la concurrence»«et sur la base d’un constat prima fascie d’infraction». La mesure doit avoir une durée déterminée, qui peut être renouvelée.

Établir le caractère obligatoire des engagements pris par les entreprises.

4.3.2.

Étant donné qu’il est difficile voire impossible, dans de nombreux cas, de réparer les dommages causés par les agissements anticoncurrentiels, le CESE préconise que les pouvoirs conférés aux ANC puissent également être exercés dans le cadre d’actions préventives.

4.4.    Amendes et astreintes

4.4.1.

Des amendes«effectives, proportionnées et dissuasives» peuvent être infligées «lorsque, de propos délibéré ou par négligence» certains comportements se produisent: refus de se soumettre à une inspection; des scellés ont été brisés; des réponses incorrectes ou dénaturées ont été fournies; et des mesures provisoires ont été enfreintes. Les astreintes s’appliquent notamment en cas de refus de se soumettre à une inspection (articles 12 et 15).

4.4.2.

Selon le critère usuel en droit pénal, il est tenu compte, pour calculer le montant des amendes infligées par les États membres, «outre la gravité de l’infraction, de la durée de celle-ci» et leur montant maximal ne doit pas être «fixé à un niveau inférieur à 10 % du chiffre d’affaires mondial total réalisé au cours de l’exercice social précédant la décision» (articles 13, paragraphe 1, et article 14). Pour les associations d’entreprises différentes scénarios sont prévus afin de déterminer qui est responsable du paiement des amendes (article 13, paragraphe 2).

4.4.3.

Il convient de souligner que l’extension de la responsabilité pour l’acquittement solidaire des amendes à tous les membres des associations ou groupes de sociétés (article 13, paragraphe 2) comble une lacune de la législation en vigueur (8).

4.4.4.

Le champ d’application de la proposition ne couvre que les entreprises auxquelles il est possible d’appliquer des sanctions administratives. Les comportements qui constitueraient éventuellement une infraction pénale relèvent de la compétence des États membres. La Cour de justice de l’Union européenne s’est déjà prononcée sur la compatibilité des sanctions administratives et pénales (9).

4.4.5.

Le Comité, qui a déclaré «que le montant des sanctions doit être dissuasif et que les sanctions doivent être aggravées en cas de récidive» (10), reconnaît que le pouvoir de sanction de l’autorité de mise en œuvre est un élément clé de la politique de concurrence. Il fait part en outre de son inquiétude quant au fait que la grande disparité des législations et des structures des ANC conduit actuellement à une «sous-application» du droit de la concurrence.

4.5.    Immunité ou réduction d’amendes (clémence)

4.5.1.

L’on attribue aux États membres la compétence d’établir les causes et les procédures pour l’immunité ou la réduction d’amendes, mais ce à l’intérieur d’un cadre exposé dans le détail et qui comprend:

les exigences relatives à l’immunité (article 16) et à la réduction des amendes (article 17),

les conditions pour appliquer ces mesures de clémence (article 18),

les formes de demande (article 9),

un marqueur de demande formelle d’immunité (article 20),

les demandes sommaires lorsqu’elles sont présentées simultanément à la Commission et à une ANC (article 21), et

les garanties pour ceux qui demandent l’immunité (article 22).

4.5.2.

La justification de la proposition réside dans le fait que s’agissant de détecter les ententes secrètes, les grandes différences qui existent entre les législations nationales et leur application effective revêtent une importance capitale en ce qu’elles sont source d’insécurité juridique, n’encouragent pas à respecter les règles et conduisent à l’inefficacité de la politique de concurrence dans l’Union européenne. Par ailleurs, le CESE estime que les États membres ne mettent pas en œuvre le programme modèle du REC (11), dont les aspects fondamentaux sont intégrés dans la nouvelle réglementation.

4.5.3.

Le CESE juge importante la mise en œuvre uniforme par les ANC des mesures de clémence pour l’existence d’un vrai droit européen de la concurrence et l’expérience de la Commission qui met en œuvre ce type de mesures (12) peut être considérée comme positive. Toutefois, la clémence ne doit pas empêcher les parties lésées (y compris les consommateurs) d’obtenir réparation pour les dommages subis, au moyen d’actions collectives.

4.6.    Assistance mutuelle

4.6.1.

La coopération entre les ANC suppose, eu égard aux nouveaux pouvoirs que cette proposition leur confère, qu’elles se portent mutuellement assistance dans les procédures d’inspection (article 23), ce qui impose aux États membres de veiller à ce que les griefs préliminaires soient effectivement notifiés (article 24) et à ce qu’il soit bien donné suite aux demandes d’exécution de décisions (article 25). Les compétences en matière de litiges sont définies (article 26).

4.6.2.

Le CESE juge nécessaire d’imposer ces obligations étant donné le caractère transnational de la politique de concurrence.

4.7.    Suspension des délais de prescription applicables à l’imposition de sanctions

4.7.1.

La proposition de la Commission envisage deux cas particuliers de suspension de tels délais: «pendant la durée des procédures engagées devant les autorités nationales de concurrence d’autres États membres ou la Commission pour une infraction concernant le même accord, la même décision d’une association d’entreprises ou la même pratique concertée» (article 27, paragraphe 1) et lorsqu’il existe une procédure judiciaire (article 27, paragraphe 2).

4.7.2.

Le CESE fait observer qu’il convient d’aborder, s’agissant de la transposition de la directive, le risque de contradiction avec les ordres juridiques prévoyant également les cas d’interruption des délais lorsqu’une procédure judiciaire a été engagée.

4.8.    Capacité des ANC d’ester en justice de plein droit

4.8.1.

Selon la proposition, les ANC devraient avoir le droit d’ester en justice pour contester directement un recours devant l’autorité judiciaire et devraient être pleinement autorisées à prendre part à ces procédures en qualité de procureur ou de partie défenderesse et jouir des mêmes droits que ceux de telles parties dans ce type de procédure (article 28).

4.8.2.

Le CESE estime qu’à l’heure actuelle, le fait qu’elles n’aient pas cette faculté complique leur action dans certains États membres (13), raison pour laquelle il est indispensable de prévoir désormais qu’elles aient cette capacité juridique pour répondre aux obligations qui leur incombent en vertu de la politique de concurrence de l’Union européenne.

4.9.    Recevabilité des preuves devant les autorités nationales de concurrence  (14)

4.9.1.

Le CESE souligne qu’il est important que les ANC puissent utiliser comme preuves «les documents, les déclarations orales, les enregistrements et tout autre élément contenant des informations, quel qu’en soit le support» (article 30).

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  «An Academic View on the Role and Powers of National Competition Authorities», Parlement européen, 2016.

(2)  Arrêt Karlsson e. a. dans l’affaire C-292/97, point 37.

(3)  Arrêts dans les affaires Eturas, C-74/14, point 38, et E.ON Énergie/Commission (C-89/11 P, point 72) et VEBIC (C-439/08, point 63).

(4)  Affaire Menarini Diagnostics SRL/Italie.

(5)  C-12/03 P Commission/Tetra Laval (2005).

(6)  Affaire Menarini Diagnostics SRL/Italie.

(7)  «L’indépendance et la responsabilité des autorités chargées des questions de concurrence», Cnuced 2008.

(8)  Arrêt dans l’affaire Akzo Nobel NV/Commission, C-97/08 P, points 45 et 77.

(9)  Arrêt du 26.2.2013 — affaire C-617/10 Åkerberg Fransson.

(10)  Avis du CESE sur le «Rapport sur la politique de concurrence 2014» (JO C 71 du 24.2.2016, p. 33).

(11)  Communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 298 du 8.12.2006, p. 17).

(12)  Voir: «Cartel leniency in EU: overview», Thompson Reuters. Exemples de réduction et d’allégement d’amendes appliquées par la Commission: Riberebro 50 % (JO C 298 du 8.12.2006, p. 17); Hitachi 30 %, e. a.; Philipps, allégement; Hitachi 50 %; Schenker e.a 55 % — 40 %; DHL, immunité (C-428/14, DHL/AGCM); Eberspächer 45 % et Webasto, immunité.

(13)  Dans sa réponse au questionnaire de la Commission, l’ANC allemande («Bundeskartellami») a cité cette lacune comme l’une des causes du «grave dysfonctionnement» du système.

(14)  Limites à l’utilisation des informations (article 29, paragraphe 1). La Commission annonce la révision éventuelle de la rédaction de cet article.


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/76


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’échange transfrontière, entre l’Union et des pays tiers, d’exemplaires en format accessible de certaines œuvres et autres objets protégés par le droit d’auteur et les droits voisins en faveur des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés»

[COM(2016) 595 final — 2016/0279 (COD)]

(2017/C 345/12)

Rapporteur:TBL

Pedro ALMEIDA FREIRE

Consultation

Conseil, 5 avril 2017

Parlement européen, 28 juin 2017

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

 

 

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

215/3/8

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE marque son accord avec le compromis proposé par la présidence, qui rend possible une ratification rapide du traité de Marrakech (1).

1.2.

Le Comité souhaite une mise en œuvre rapide par l’Union européenne du traité de Marrakech, qui est importante et nécessaire car elle permettra à de nombreux citoyens européens aveugles, déficients visuels ou souffrant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés d’accéder à un plus grand nombre d’œuvres disponibles, et partant, elle leur donnera accès à la culture, à l’éducation et à l’emploi et favorisera de la sorte une véritable inclusion sociale.

1.3.

Le Comité approuve les propositions de règlement (2) et de directive (3) visant à mettre en œuvre le traité de Marrakech, étant donné qu’elles introduisent une exception obligatoire et garantissent que les exemplaires en format accessible qui sont visés puissent être fabriqués et diffusés au sein du marché unique tout comme en-dehors de l’Union européenne.

1.4.

Le Comité se félicite de l’objectif poursuivi qui est d’autoriser l’échange transfrontière de tels exemplaires entre l’Union et les pays tiers qui sont parties au traité de Marrakech.

1.5.

Il convient de procéder, dans un délai raisonnable, à une évaluation de la mise en œuvre du traité de Marrakech dans l’Union européenne.

2.   Les propositions de la Commission et de la présidence

2.1.

La proposition de règlement a été adoptée par la Commission le 14 septembre 2016, dans le cadre du paquet «droit d’auteur» (4), qui propose un ensemble de mesures visant quatre objectifs:

élargir l’accès en ligne aux contenus dans l’Union et toucher de nouveaux publics,

adapter certaines exceptions à l’environnement numérique et transfrontière,

favoriser un marché du droit d’auteur opérant et équitable,

permettre aux personnes aveugles, atteintes d’une déficience visuelle ou éprouvant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés de bénéficier d’un meilleur accès aux œuvres ou autres objets protégés.

2.2.

Avec ce règlement, la Commission propose une loi pour mettre en œuvre le traité de Marrakech afin de faciliter l’accès aux œuvres publiées pour les aveugles, les déficients visuels et les personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés.

2.3.

Le traité de Marrakech a été adopté en 2013 dans le cadre de l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) afin de faciliter la disponibilité et l’échange transfrontière de livres et d’autres œuvres imprimées en formats accessibles, partout dans le monde. Il a été signé par l’Union européenne (5) en avril 2014.

2.4.

Les mesures proposées sont importantes pour garantir, conformément à la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (6), que le droit d’auteur ne constitue pas un obstacle déraisonnable ou discriminatoire à la pleine participation à la société de tous les citoyens et permette l’échange d’exemplaires en format accessible au sein de l’Union et avec les pays tiers qui sont parties au traité, en évitant les doubles emplois et le gaspillage de ressources.

2.5.

Cependant, le processus de ratification s’est heurté à la question juridique de savoir si l’Union disposait d’une compétence exclusive pour ratifier le traité.

2.6.

La Commission a donc décidé, en juillet 2015, de solliciter l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne.

2.7.

Entre-temps, la Commission a adopté sa proposition COM(2016) 595 final sur la base de l’article 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). La consultation du CESE n’était donc pas obligatoire.

2.8.

Le 14 février 2017, la Cour de justice (7) a confirmé la compétence exclusive de l’Union et a également indiqué que le traité de Marrakech ne relève pas de la politique commerciale commune.

2.9.

Lors de sa réunion du 22 mars, le Comité des représentants permanents a marqué son accord sur une proposition de compromis de la présidence, qui décidait de modifier la base juridique en remplaçant l’article 207 du TFUE (politique commerciale commune) par son article 114. De ce fait, la consultation du CESE par le Conseil est devenue obligatoire.

3.   Observations générales

3.1.    Concernant la base juridique

3.1.1.

Compte tenu du récent avis de la Cour de justice, le CESE ne peut que marquer son accord avec le compromis proposé par la présidence, qui permet une ratification rapide du traité de Marrakech.

3.1.2.

En outre, le changement de base juridique rend l’avis du CESE obligatoire et donne plus de poids aux observations qu’il a déjà formulées à cet égard dans son récent avis sur le paquet «droit d’auteur» (8).

3.2.    Concernant le contenu

3.2.1.

Dans son avis sur le paquet «droit d’auteur», le CESE a déjà fait référence à la proposition actuelle. Il rappelle à quel point il est important et nécessaire que l’Union européenne ratifie rapidement le traité de Marrakech, entré en vigueur le 30 septembre 2016, qui vise à faciliter l’accès aux œuvres publiées pour les aveugles, les déficients visuels et les personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés. Le traité offrira à de nombreux citoyens européens qui sont aveugles, déficients visuels, ou qui éprouvent d’autres difficultés de lecture des textes imprimés, la possibilité d’accéder à un plus grand nombre d’œuvres disponibles, et partant, il leur donnera accès à la culture, à l’éducation ainsi qu’à l’emploi et favorisera de la sorte une véritable inclusion sociale.

3.2.2.

Les propositions de règlement et de directive, qui faisaient partie du paquet «droit d’auteur», permettront à l’Union de remplir une obligation internationale qui lui incombe au titre du traité de Marrakech. De plus, cette démarche est conforme aux obligations de l’Union découlant de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.

3.2.2.1.

La proposition de directive prévoit une exception obligatoire, ainsi que les mesures qui en assureront le bon fonctionnement, en ce qui concerne la réalisation et la diffusion, au sein du marché unique, d’exemplaires en format accessible comme visé.

3.2.2.2.

Cette exception s’applique exclusivement aux personnes bénéficiaires telles que strictement définies à l’article 2, paragraphe 2, de la proposition de règlement.

3.2.2.3.

La proposition de règlement autorisera l’échange transfrontière de tels exemplaires entre l’Union et les pays tiers qui sont parties au traité de Marrakech.

4.   Observations complémentaires

4.1.

Le CESE convient que le règlement constitue le seul instrument approprié pour éliminer les disparités juridiques qui existent entre les États membres.

4.2.

Le Comité souligne que les États membres devraient, comme le mentionne la directive, jouer un rôle important pour promouvoir les œuvres accessibles et les mettre à la disposition des bénéficiaires tant à l’intérieur de leurs frontières que dans les pays tiers qui sont parties au traité de Marrakech.

4.3.

Le CESE se déclare lui-même disponible pour prendre part au processus d’évaluation prévu par le règlement comme par la directive.

4.4.

Cette évaluation devrait notamment prendre en compte la possibilité que la directive offre aux États membres de prévoir des systèmes de compensation pour les titulaires de droits. Comme le dispose également le libellé de la directive, il convient de veiller de très près à ce que de tels dispositifs de compensation ne produisent pas d’effet négatif sur la disponibilité et la fourniture d’œuvres accessibles pour le groupe des bénéficiaires.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.

(2)  COM(2016) 595 final.

(3)  COM(2016) 596 final.

(4)  COM(2016) 593 final, COM(2016) 594 final et COM(2016) 596 final (JO C 125 du 21.4.2017, p. 27).

(5)  JO L 115 du 17.4.2014, p. 1.

(6)  Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.

(7)  JO C 112 du 10.4.2017, p. 3, avis 3/15 de la Cour (grande chambre) du 14.2.2017.

(8)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 27.


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/79


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) no 904/2010 concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée»

[COM(2016) 755 final — 2016/0371 (CNS)],

sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE et la directive 2009/132/CE en ce qui concerne certaines obligations en matière de taxe sur la valeur ajoutée applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens»

[COM(2016) 757 final — 2016/0370 (CNS)]

et sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqués aux livres, journaux et périodiques»

[COM(2016) 758 final — 2016/0374 (CNS)]

(2017/C 345/13)

Rapporteur:

Amarjite SINGH

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 20 et 21 décembre 2016

Base juridique

Article 113 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

5 mai 2017

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

123/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement le train de mesures relatif à la modernisation de la TVA sur le commerce électronique transfrontière et approuve à la fois ses objectifs et l’attention qu’il accorde aux préoccupations des PME. Les nouvelles dispositions proposées auront une incidence importante sur les entreprises qui commercialisent leurs produits et services en ligne, car celles-ci pourront bénéficier de règles plus justes, d’une baisse des coûts de mise en conformité et de conditions de concurrence équitables par rapport aux entreprises des pays tiers. À long terme, ces propositions contribueront également à la pérennité du système européen de TVA.

1.2.

La mise en œuvre du «mini-guichet unique en matière de TVA» a fortement contribué à la réduction des coûts de mise en conformité. Les économies réalisées ne sont toutefois pas nécessairement les mêmes pour toutes les entreprises et varient en fonction de leur taille. Plusieurs éléments du mini-guichet unique liés à la conformité ont posé des problèmes aux PME, en particulier, qui ont exprimé leurs vives préoccupations. Le CESE se félicite dès lors qu’il soit tenu compte de leurs observations dans les modifications proposées concernant le mini-guichet unique TVA.

1.3.

Eu égard au succès qu’il a rencontré à ce jour, s’agissant de la réduction des coûts de mise en conformité pour les entreprises pratiquant des échanges commerciaux transfrontières, son extension aux services autres que ceux qu’il couvre déjà actuellement, ainsi qu’aux achats et importations intracommunautaires de marchandises, constitue une évolution naturelle. Hormis la réduction potentielle des coûts de mise en conformité, cette extension permettra également de créer des conditions de concurrence équitables pour le commerce électronique, ce qui est susceptible d’avoir une incidence positive sur les PME en particulier. L’extension du mini-guichet unique TVA aux marchandises est de nature à permettre une éventuelle suppression du régime d’allègement pour les envois de faible valeur (LVCR), qui a donné lieu à une distorsion de la concurrence en accordant aux entreprises établies dans un pays tiers un avantage concurrentiel sur les entreprises de l’Union européenne. Le CESE se félicite par conséquent de l’extension proposée du mini-guichet unique TVA.

1.4.

Les modifications des taux de TVA applicables aux publications électroniques suppriment la distinction entre publications physiques et électroniques, et garantissent la neutralité dans ce marché. Cependant, tout en se félicitant de la suppression de cette distorsion de concurrence, le CESE est conscient du risque que cette suppression comporte pour l’assiette de la TVA. Le CESE note également que les mesures proposées sont considérées par la Commission européenne comme un prélude à la réforme, plus vaste, de la structure des taux de TVA de l’Union européenne, et s’inquiète de l’incidence d’une telle «désharmonisation» sur les entreprises pratiquant des échanges commerciaux transfrontières, en particulier les PME.

2.   Contexte

2.1.

La Commission a proposé de nouvelles mesures pratiques dans le cadre du train de mesures de modernisation de la TVA pour le commerce électronique transfrontière entre entreprises et consommateurs («B2C»). Ces mesures sont destinées à soutenir le commerce électronique transfrontière s’agissant du respect des obligations en matière de TVA, en supprimant les obstacles au commerce électronique liés à la TVA, en particulier pour les jeunes pousses et les PME, ainsi qu’à lutter contre l’évasion de la TVA pratiquée par des entreprises des pays tiers dans le cadre du commerce en ligne.

2.2.

Ces mesures concernent en particulier:

2.2.1.

des modifications de l’actuel mini-guichet unique TVA («MOSS»), qui permettent à certaines entreprises de remplir leurs obligations en matière de TVA dans n’importe quel État membre par l’intermédiaire d’un portail numérique en ligne, hébergé par leur propre administration fiscale et dans leur propre langue. Ces modifications prévoient la mise en place d’un seuil de TVA transfrontière intra-UE et de nouvelles obligations simplifiées de conformité;

2.2.2.

l’extension de l’actuel mini-guichet unique TVA aux prestations de services intra-UE autres que celles auxquelles il s’applique actuellement, et aux ventes à distance de biens, qu’ils proviennent de l’Union européenne ou de pays tiers;

2.2.3.

la suppression des seuils existants applicables aux ventes à distance intracommunautaires, ainsi que la suppression de l’exonération de TVA en vigueur pour l’importation de petits envois provenant de fournisseurs situés dans des pays tiers;

2.2.4.

des modifications des règles existantes afin de permettre aux États membres d’appliquer un taux réduit de TVA aux publications électroniques telles que les livres numériques et les journaux en ligne, comme ils le font déjà pour leurs équivalents sur support physique.

Modification des dispositions relatives au mini-guichet unique (MOSS) en matière de TVA

2.3.

Le mini-guichet unique TVA est pleinement opérationnel depuis le 1er janvier 2015 et a été créé dans le but de simplifier les obligations en matière de TVA pour les entreprises pratiquant le commerce transfrontière au sein de l’Union européenne. Grâce au mini-guichet unique, les entreprises ne sont plus tenues de s’immatriculer, de faire une déclaration et de payer la TVA dans chacun des États membres dans lesquels elles vendent leurs biens ou leurs services, et peuvent simplement soumettre des déclarations de TVA trimestrielles en ligne à leur autorité nationale compétente.

2.4.

Les modifications proposées ont été précédées d’une consultation approfondie menée par la Commission de février à septembre 2015. Ce processus, qui a consisté en des évaluations, des consultations, des séminaires et des analyses d’impact, a été axé en particulier sur l’incidence, sur les PME, des règles actuelles régissant le mini-guichet unique TVA. Il a mis en évidence des problèmes spécifiques — tels que la nécessité d’introduire un seuil, l’utilisation des règles du pays d’origine pour certaines obligations particulières en matière de TVA comme la facturation et la tenue de registres, et la coordination des audits — figurant parmi les principales préoccupations des PME, et qui ont dès lors été pris en compte dans les modifications proposées.

2.5.

En vertu des règles proposées, un nouveau seuil de TVA de 10 000 EUR pour les échanges transfrontières au sein de l’Union européenne sera mis en place. Les entreprises exerçant des activités en ligne dont les ventes transfrontières sont inférieures à ce seuil verront celles-ci traitées comme des ventes intérieures, et paieront la TVA à l’administration fiscale de leur pays. S’agissant du respect des exigences, l’obligation de produire deux éléments de preuve applicable aux prestataires de services électroniques dont le chiffre d’affaires est inférieur à 100 000 EUR a été assouplie. En outre, les vendeurs en ligne seront autorisés à appliquer les règles du pays d’origine en ce qui concerne par exemple la facturation et la tenue de registres, ce qui facilitera le respect des obligations en matière de TVA, et une meilleure coordination des audits est prévue pour éviter que ces vendeurs ne fassent l’objet de demandes d’audit distinctes au niveau national.

Extension du mini-guichet unique en matière de TVA

2.6.

À l’heure actuelle, le mini-guichet unique s’applique uniquement aux services de télécommunications et de radiodiffusion et aux services électroniques. En vertu des modifications proposées, le mini-guichet unique TVA sera étendu à d’autres prestations de services intra-UE, ainsi qu’aux ventes à distance de biens, tant au sein de l’Union européenne qu’en provenance de pays tiers. Il est proposé que cette extension soit introduite progressivement après l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives au mini-guichet unique, et soit pleinement applicable au 1er janvier 2021.

2.7.

L’extension proposée du mini-guichet unique aux marchandises importées commandées en ligne simplifiera considérablement la perception de la TVA. La Commission estime dès lors que cette extension crée les conditions propices à l’abrogation du régime d’exonération des petits envois, également connu sous le nom de régime LVCR, qui prévoit une exonération de la TVA pour les biens importés d’une valeur négligeable qui n’excède pas une valeur totale de 22 EUR. Par conséquent, la proposition prévoit la suppression de cette dérogation à partir du 1er janvier 2021.

Modifications des taux de TVA sur les publications électroniques

2.8.

En vertu des règles actuelles, les États membres peuvent opter pour la taxation des publications sur tout type de support physique à un taux réduit de TVA. Toutefois, la directive TVA empêche les États membres d’appliquer aux publications électroniques le même taux de TVA qu’aux publications sur support physique. Ce point de vue a été confirmé par la Cour de justice dans une série d’arrêts récents, dans le contexte de l’application de taux réduits aux publications électroniques par plusieurs États membres (1).

2.9.

Il est proposé d’autoriser les États membres à aligner les taux de TVA des publications électroniques sur le taux de TVA des publications sur support physique, quel que soit le taux appliqué. Cette proposition fait suite à l’examen de différentes options visant à traiter de manière identique les publications électroniques et les publications sur support physique, et permettrait aux États membres d’appliquer des taux réduits inférieurs au minimum de 5 % lorsqu’ils appliquent ce taux inférieur aux livres sur support physique.

2.10.

Les propositions précitées entraîneraient la modification de trois instruments législatifs, à savoir:

la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (directive TVA) (2),

le règlement (UE) no 904/2010 du Conseil du 7 octobre 2010 concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée (3),

la directive 2009/132/CE du Conseil du 19 octobre 2009 déterminant le champ d’application de l’article 143, points b) et c), de la directive 2006/112/CE en ce qui concerne l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée de certaines importations définitives de biens (4).

2.11.

Ce train de mesures devrait, d’après les estimations, permettre d’augmenter les recettes de TVA des États membres de 7 milliards d’EUR par an d’ici 2021 et de réduire les coûts administratifs pour les entreprises de 2,3 milliards d’EUR par an.

3.   Observations générales

3.1.

La TVA est l’une des principales sources de recettes pour les États membres de l’Union européenne, puisqu’elle représente actuellement plus de 20 % de ces recettes, soit une augmentation de plus de 10 % depuis 1995 (5). L’importance relative de cette taxe pour les recettes des États membres a augmenté à la suite de la crise économique et financière, étant donné que les gouvernements ont utilisé la politique en matière de TVA pour remédier aux difficultés budgétaires. Entre 2008 et 2014, vingt-trois États membres ont augmenté les taux de TVA et/ou ont élargi l’assiette de la TVA (6). La TVA joue un rôle important et croissant dans la viabilité des finances publiques des États membres et la préservation des dépenses sociales.

3.2.

Il est essentiel que l’assiette de la TVA soit protégée non seulement des cas potentiels de fraude mais aussi de sa propre érosion induite par le large recours aux taux réduits. En 2014, l’écart de TVA dans l’EU-27 a été estimé à 159,5 milliards d’EUR, soit 14 % du total des recettes de la TVA (7). Si l’écart de TVA correspond au manque à gagner lié notamment à des erreurs de calcul, aux faillites et à l’évitement fiscal, il est principalement dû à l’évasion fiscale. L’érosion de l’assiette de la TVA dans l’EU-27 est également élevée, près de 50 % de l’ensemble de la consommation étant non taxés ou taxés à des taux réduits.

3.3.

Le CESE accueille dès lors favorablement le train de mesures relatif à la modernisation de la TVA sur le commerce électronique transfrontière et approuve à la fois ses objectifs et l’attention qu’il accorde aux préoccupations des PME. Les nouvelles dispositions proposées auront une incidence importante sur les entreprises qui commercialisent leurs produits et services en ligne, car celles-ci pourront bénéficier de règles plus justes, d’une baisse des coûts de mise en conformité et de conditions de concurrence équitables par rapport aux entreprises des pays tiers. À long terme, ces propositions contribueront également à la pérennité du système européen de TVA.

Modification des dispositions relatives au mini-guichet unique en matière de TVA

3.4.

La mise en œuvre progressive du mini-guichet unique TVA, dont la dernière étape est entrée en vigueur le 1er janvier 2015, a été l’une des principales modifications du système de TVA de l’Union européenne depuis la suppression des frontières fiscales en 1993. Ce système permet aux entreprises opérant dans divers États membres d’en choisir un, leur État d’origine, comme point de contact unique pour l’identification à la TVA, la soumission de déclarations de TVA et le paiement de la TVA due dans tous les États membres.

3.5.

L’évaluation de la mise en œuvre du mini-guichet unique pour la TVA effectuée par la Commission européenne confirme que cette mesure a eu une incidence significative sur la réduction des coûts de mise en conformité. Le mini-guichet unique a permis aux entreprises d’économiser 500 millions d’EUR — soit en moyenne 41 000 EUR par entreprise — par rapport à l’autre solution, à savoir l’enregistrement et le paiement directs, ce qui représente une réduction des coûts de 95 %.

3.6.

Les économies réalisées ne sont toutefois pas nécessairement les mêmes pour toutes les entreprises et varient en fonction de leur taille. Il ressort des consultations menées par la Commission que les PME, bien qu’elles soient susceptibles de bénéficier de la baisse des exigences en matière d’enregistrement, ont, en pratique, éprouvé des difficultés face à plusieurs éléments du mini-guichet unique liés à la conformité. Ces difficultés ont été ressenties de manière plus aiguë par les PME établies dans les États membres où le seuil d’immatriculation à la TVA est le plus élevé, comme le Royaume-Uni.

3.7.

Le CESE s’est réjoui du fait que les modifications proposées concernant le MOSS tiennent compte des préoccupations des PME.

Extension du mini-guichet unique en matière de TVA

3.8.

La Commission européenne considère l’extension du mini-guichet unique comme une priorité depuis 2011 (8). Eu égard au succès rencontré à ce jour par le mini-guichet unique TVA, s’agissant de la réduction des coûts de mise en conformité pour les entreprises pratiquant des échanges commerciaux transfrontières, son extension aux services autres que ceux qu’il couvre déjà actuellement, ainsi qu’aux achats et importations intracommunautaires de marchandises, constitue une évolution naturelle.

3.9.

Hormis la réduction potentielle des coûts de mise en conformité, cette extension permettra également de créer des conditions de concurrence équitables pour le commerce électronique, ce qui est susceptible d’avoir une incidence positive sur les PME en particulier. En outre, l’extension du mini-guichet unique TVA aura pour effet d’éliminer la disparité entre les entreprises de commerce électronique qui peuvent tirer parti du mini-guichet unique en vertu de la réglementation actuelle, et celles qui pratiquent le commerce électronique transfrontière mais qui, en raison de la nature des biens ou des services qu’elles fournissent, ne pouvaient jusqu’à présent pas bénéficier des mêmes avantages du point de vue de la conformité. L’extension apportera aussi des bénéfices pour les entreprises de commerce électronique pratiquant un large éventail d’échanges commerciaux transfrontières et qui étaient jusqu’à présent soumises à deux séries d’obligations, à savoir celles du mini-guichet unique et celles du régime normal, et qui seront désormais soumises à un seul ensemble de règles dans le cadre du mini-guichet unique.

3.10.

L’extension du mini-guichet unique aux marchandises crée les conditions nécessaires à une éventuelle suppression du régime d’allègement pour les envois de faible valeur. Bien que ce régime ait représenté une simplification bienvenue dans le passé, le volume de marchandises qui en bénéficient aurait progressé, selon les informations disponibles, de 286 % entre 1999 et 2013, ce qui s’explique probablement par la hausse des achats en ligne (9). Cette croissance a abouti à son tour à une augmentation des pertes de recettes de TVA dans tous les États membres.

3.11.

Le régime d’allègement pour les envois de faible valeur a également entraîné une distorsion de la concurrence en accordant aux entreprises établies dans un pays tiers un avantage concurrentiel sur les entreprises européennes. Cet avantage concurrentiel a quant à lui entraîné deux autres conséquences indésirables, à savoir l’utilisation abusive du régime d’allègement et des distorsions des modèles commerciaux et d’importation.

3.12.

Le CESE se félicite par conséquent de l’extension proposée du mini-guichet unique.

Modifications des taux de TVA sur les publications électroniques

3.13.

La liste des produits pouvant faire l’objet de taux réduits de TVA conformément à la directive TVA remonte à 1992. L’évolution technologique et le changement de comportement des consommateurs au cours des vingt-cinq dernières années ont entraîné de nombreuses difficultés d’ordre juridique concernant l’interprétation des éléments inclus dans cette liste. Ces difficultés juridiques ont donné lieu à de nombreux litiges devant la Cour de justice de l’Union européenne.

3.14.

Dans plusieurs arrêts récents, cette dernière a conclu qu’aucune interprétation juridique ne permettait d’étendre la liste des publications sur support physique aux publications électroniques. Par conséquent, seule une modification juridique des dispositions existantes de la directive TVA permettrait de remédier à ce problème.

3.15.

Les règles proposées supprimeraient la distinction entre publications physiques et électroniques, et garantiraient la neutralité dans ce marché. Cependant, tout en se félicitant de la suppression de cette distorsion de concurrence, le CESE est conscient du risque qu’elle comporte pour l’assiette de la TVA. L’ajout des publications électroniques à la liste des produits pouvant faire l’objet d’un taux réduit entraînera non seulement une perte de recettes immédiate, mais créerait la possibilité de faire valoir que d’autres produits doivent également être inclus dans la liste, ce qui aura pour effet d’éroder encore l’assiette. En outre, l’extension, aux publications électroniques, de l’application de taux réduits inférieurs au minimum de 5 % lorsque ces mêmes taux s’appliquent aux livres sur support physique peut donner lieu à de nouvelles demandes d’application de taux inférieurs à ce minimum. Une telle évolution nuirait à l’existence d’un taux d’imposition minimal, ce qui entraînerait également une nouvelle érosion de l’assiette.

3.16.

Le CESE relève également que les mesures proposées sont considérées par la Commission européenne comme un prélude à une réforme plus vaste de la structure des taux de TVA dans l’Union européenne (10). Alors que deux options sont actuellement à l’examen, cette vaste réforme donnera de manière générale aux États membres davantage de liberté et de souplesse pour l’application de taux réduits, induisant ainsi une «désharmonisation» effective des taux de TVA.

3.17.

Le CESE s’inquiète de l’incidence d’une telle «désharmonisation» sur les entreprises pratiquant des échanges commerciaux transfrontières, en particulier les PME, qui pourraient éprouver des difficultés à déterminer les taux de TVA applicables à leurs produits sur le territoire de l’Union européenne.

3.18.

Le CESE est également conscient du fait que l’article 113 du TFUE, qui constitue la base juridique de l’adoption de la législation sur la TVA de l’Union, ne confère aux institutions de l’Union européenne que la compétence d’approuver la législation visant à harmoniser la TVA en vue d’établir le marché intérieur et d’améliorer son fonctionnement.

4.   Observations particulières

Modification des dispositions relatives au mini-guichet unique en matière de TVA

4.1.

À la suite de la mise en œuvre du mini-guichet unique, les PME établies dans des pays pratiquant un seuil élevé ont dû, pour la première fois, s’immatriculer à la TVA et respecter les obligations en matière de TVA. Les nouveaux coûts de mise en conformité liés au mini-guichet unique étant susceptibles de causer la disparition de bon nombre de microentreprises, certaines d’entre elles, pour la plupart établies au Royaume-Uni, ont constitué un groupe de pression (11) afin d’alerter les institutions de l’Union européenne et les autorités fiscales britanniques sur leurs préoccupations.

4.2.

La fixation d’un seuil de 10 000 EUR en dessous duquel les PME pourront opter pour l’application des règles de la TVA de leur propre pays est la bienvenue et simplifiera sans aucun doute les opérations des petites entreprises et des entreprises à temps partiel. Toutefois, tout en se félicitant de ces aménagements pour les microentreprises, le CESE est conscient du fait que les jeunes entreprises en croissance pourraient rapidement dépasser ce seuil.

Extension du mini-guichet unique en matière de TVA

4.3.

Des abus importants du régime d’allègement pour les envois de faible valeur ont été signalés au Royaume-Uni (par l’intermédiaire des îles anglo-normandes) et en Finlande (sur les îles Åland), des entreprises délocalisant leurs activités en dehors de l’Union européenne afin de bénéficier du régime (12). Ces abus créent un désavantage concurrentiel supplémentaire pour les entreprises établies dans l’Union européenne, et en particulier pour les PME, qui ont tendance à en ressentir davantage les effets. En 2010, un groupe a été constitué par des PME établies au Royaume-Uni afin de faire campagne contre l’abus présumé de ce régime dans les îles anglo-normandes (13).

4.4.

Plus récemment, un autre groupe créé par des PME établies au Royaume-Uni, baptisé VAT Fraud  (14), a attiré l’attention sur le problème de la fraude présumée pratiquée en ligne par des opérateurs de pays tiers et liée au régime d’allègement pour les envois de faible valeur. Alors que la fraude porte sur des marchandises d’une valeur ne relevant pas du régime, il est allégué que l’existence de ce dernier crée des obstacles à l’application de la TVA, étant donné que les agents des douanes éprouvent des difficultés à déterminer quelles marchandises relèvent du régime.

4.5.

Selon les informations disponibles, le régime aurait également influé sur les modèles commerciaux et le comportement des consommateurs en matière d’importation dans plusieurs États membres, à savoir la Slovénie, l’Allemagne, la Suède, le Danemark et le Royaume-Uni (15).

Modifications des taux de TVA sur les publications électroniques

4.6.

Derrière les difficultés d’ordre juridique quant à l’interprétation des éléments inclus dans la liste des produits pouvant faire l’objet d’un taux réduit se cache un dilemme fondamental pour le système de TVA de l’Union européenne: soit on élimine les distorsions potentielles de la concurrence en élargissant le champ d’application de la liste des marchandises pouvant être soumises à un taux réduit, ce qui entraînera une érosion de l’assiette de la TVA, soit on continue à limiter le champ d’application de cette liste, en protégeant l’assiette fiscale mais en permettant ainsi des distorsions de concurrence.

4.7.

La Cour adopte une approche casuistique de ces difficultés d’interprétation. Toutefois, dans ses arrêts concernant l’inclusion des publications numériques dans cette liste, la Cour a conclu que son champ d’application ne pouvait pas être étendu à ces produits, procédant ainsi à une interprétation juridique stricte des règles.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Affaires C-219/13, K Oy; C-479/13, Commission/France; C-502/13, Commission/Luxembourg; C-390/15, RPO.

(2)  JO L 347 du 11.12. 2006, p. 1.

(3)  JO L 268 du 12.10.2010, p. 1.

(4)  JO L 292 du 10.11.2009, p. 5.

(5)  De la Feria, R., «Blueprint for Reform of VAT Rates in Europe», Intertax 43(2), 2015, p. 154-171.

(6)  Ibid.

(7)  CASE, Study and Reports on the VAT Gap in the EU-28 Member States: 2016 Final Report, TAXUD/2015/CC/131, 2016.

(8)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen sur l’avenir de la TVA — Vers un système de TVA plus simple, plus robuste et plus efficace, adapté au marché unique [COM(2011) 851 final du 6 décembre 2011].

(9)  E&Y, Assessment of the Application and Impact of the VAT Exemption for Importation of Small Consignment, contrat spécifique no 7, TAXUD/2013/DE/334, rapport final, mai 2015.

(10)  Commission européenne, consultation publique ouverte sur la réforme des taux de TVA (proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne les règles régissant l’application des taux de TVA).

(11)  Baptisé EU VAT Action (www.euvataction.org).

(12)  E&Y, Assessment of the Application and Impact of the VAT Exemption for Importation of Small Consignment, contrat spécifique no 7, TAXUD/2013/DE/334, rapport final, mai 2015.

(13)  Baptisé RAVAS — Retailers Against VAT Avoidance Schemes (www.ravas.org.uk).

(14)  www.vatfraud.org

(15)  E&Y, Assessment of the Application and Impact of the VAT Exemption for Importation of Small Consignment, contrat spécifique no 7, TAXUD/2013/DE/334, rapport final, mai 2015.


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/85


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et le règlement (CE) no 987/2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004»

(Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE et pour la Suisse)

[COM(2016) 815 final — 2016/0397 (COD)]

(2017/C 345/14)

Rapporteur:

Philip VON BROCKDORFF

Corapporteure:

Christa SCHWENG

Consultation

Commission européenne: 17 février 2017

Conseil: 15 février 2017

Base juridique

Article 48 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision de l’Assemblée plénière

5 juillet 2017

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

13 juin 2017

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

135/2/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE est d’avis que la proposition de nouveau règlement sur la coordination des systèmes de sécurité sociale devrait viser à faciliter la circulation des demandeurs d’emploi et des travailleurs, et non à l’entraver. La raison en est qu’une amélioration de la coordination des systèmes de sécurité sociale facilite la libre circulation des travailleurs en leur procurant des avantages (développement des compétences et adaptabilité renforcée), ainsi qu’aux employeurs (personnel motivé disposant d’un savoir-faire technique). Une telle coordination contribue également à l’économie au sens large en s’attaquant aux disparités en matière de chômage entre les États membres de l’Union européenne, en promouvant une répartition plus efficace des ressources humaines, de même qu’en contribuant à la croissance et la compétitivité de l’Union européenne.

1.2.

Des règles qui fonctionnent bien et sont équitables pour les travailleurs mobiles, mais aussi pour ceux qui ne le sont pas, constituent d’importants facteurs d’acceptation politique de la mobilité. Le CESE fait valoir que le but de cet exercice devrait être de parvenir à un juste équilibre entre pays d’origine et pays d’accueil.

1.3.

En ce qui concerne les conditions applicables aux citoyens bénéficiant du droit d’«exporter» leur accès à des prestations pour soins de longue durée lorsqu’ils se déplacent à l’étranger, le CESE constate que les nouvelles règles offrent aux citoyens une meilleure protection dans les situations transfrontières. Toutefois, le CESE attire l’attention sur le fait que les nouvelles règles n’établissent pas un nouveau droit aux soins de longue durée dans tous les États membres, ce droit dépendant de l’existence de tels services dans le pays d’accueil.

1.4.

Le CESE note que la proposition de révision du règlement sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et la directive sur le détachement des travailleurs sont toutes deux pertinentes pour la mobilité de la main-d’œuvre. Cependant, étant donné que ces deux instruments traitent de problèmes distincts, le CESE craint que le fait que le règlement sur la coordination des systèmes de sécurité sociale renvoie à des définitions figurant dans la proposition de révision de la directive relative au détachement des travailleurs n’entraîne dans la pratique une moindre clarté juridique.

1.5.

Le CESE constate que l’obligation proposée de travailler pendant au moins trois mois dans l’État membre d’accueil avant qu’un travailleur ne puisse prétendre à des prestations de chômage retardera la «totalisation des périodes» donnant droit à des prestations. Si cela est susceptible de rendre les règles plus équitables pour les pays de destination, cela pourrait aussi avoir une incidence négative sur la motivation à faire jouer la mobilité.

1.6.

Le CESE se demande comment la proposition d’allonger la période d’«exportation» des allocations de chômage des trois mois actuels jusqu’à six mois au moins peut effectivement créer des possibilités d’emploi pour les demandeurs d’emploi, dans la mesure où cela dépendra de la situation du marché du travail, qui varie d’un pays à l’autre.

1.7.

Le CESE estime qu’une plus grande convergence sur les plans des prestations, de la totalisation et de l’activation contribuerait à améliorer et faciliter la coordination des régimes de sécurité sociale. En outre, les services publics de l’emploi (SPE) devraient être plus efficaces pour ce qui est d’aider les demandeurs d’emploi mobiles à trouver un emploi approprié.

1.8.

Le CESE plaide en faveur d’un engagement accru des États membres s’agissant de faciliter la faculté d’autoriser les citoyens mobiles qui sont économiquement inactifs à cotiser, de manière proportionnée et conformément au principe d’égalité de traitement, à un régime d’assurance maladie dans l’État membre d’accueil. Les États membres devraient également étudier les avantages de l’accueil des citoyens mobiles en général, y compris ceux qui sont non actifs, mais qui, d’une manière ou d’une autre, n’en contribuent pas moins à l’économie (et à la diversité culturelle) du pays d’accueil.

1.9.

Enfin, le CESE est d’avis que rien dans les nouvelles règles envisagées ne devrait restreindre les droits fondamentaux reconnus dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

2.   Propositions de modifications à apporter aux règles de coordination de la sécurité sociale

2.1.

Du fait de l’évolution continue du marché du travail transfrontière et des modifications apportées aux systèmes nationaux de sécurité sociale, on note un besoin évident de mise à jour ou d’adaptation des règles existantes. C’est là, en dehors de la nécessité de méthodes d’application plus simples et plus faciles, la logique qui sous-tend les propositions de modifications formulées par la Commission européenne dans sa communication du 13 décembre 2016.

2.2.

La proposition à l’examen vise à fournir des règles qui soient claires, équitables et applicables, afin de faciliter la mobilité de la main-d’œuvre. La libre circulation des travailleurs reste l’un des piliers essentiels du marché intérieur. Cependant, les autorités nationales sont également priées de lutter contre les abus ou la fraude aux prestations sociales.

2.3.

Les principales modifications proposées concernent les thèmes suivants:

i)

L’exportation des prestations de chômage — Le délai pour l’«exportation» des prestations de chômage (lorsque celles-ci sont «exportées» vers un autre État membre dans lequel le bénéficiaire est à la recherche d’un emploi) est prolongé d’une période minimale de trois à six mois, avec possibilité d’une prolongation supplémentaire de ce délai pour la période restante du droit.

ii)

Lorsqu’il évalue si un demandeur d’emploi remplit les conditions pour bénéficier des allocations de chômage, un État membre sera tenu de vérifier et de prendre en considération toutes les précédentes périodes d’assurance dans d’autres États membres (comme c’est le cas dans la réglementation en vigueur). Cela n’est toutefois possible que si l’intéressé a travaillé dans cet État membre pendant une période de trois mois au moins (nouvelle proposition). Si la personne concernée ne remplit pas les conditions établies, c’est l’État membre dans lequel elle a été précédemment employée qui sera compétent pour le paiement de ces allocations.

iii)

Les allocations de chômage destinées aux travailleurs frontaliers — Selon les règles proposées, l’État membre de l’emploi précédent est responsable du paiement des allocations de chômage dans la mesure où les travailleurs concernés y ont travaillé pendant douze mois. Toutefois, conformément aux règles actuelles, les travailleurs frontaliers paient actuellement des cotisations et impôts dans l’État membre dans lequel ils travaillent. Pour les périodes d’emploi inférieures à douze mois, c’est à l’État membre de résidence de verser les allocations de chômage.

iv)

Les allocations de chômage destinées aux personnes économiquement non actives — Dans ce cas, la proposition vise à codifier la jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne, en vertu de laquelle les citoyens économiquement non actifs qui se déplacent d’un État membre à un autre ne peuvent bénéficier des allocations de chômage que s’ils remplissent les conditions de résidence légale telles qu’elles sont définies par la directive relative à la libre circulation. Or, pour pouvoir résider légalement dans un État membre, les personnes économiquement non actives doivent prouver qu’elles disposent de moyens de subsistance suffisants et d’une assurance maladie complète. Cette condition ne s’applique pas aux demandeurs d’emploi actifs: le droit à résider dans un autre État membre leur est directement conféré par l’article 45 du TFUE.

v)

La sécurité sociale des travailleurs détachés — Les règles proposées visent à renforcer les outils administratifs en matière de coordination de la sécurité sociale des travailleurs détachés, afin de garantir que les autorités nationales disposent des moyens appropriés pour vérifier le statut de ces travailleurs en ce qui concerne la sécurité sociale et pour faire face aux pratiques potentiellement déloyales ou abusives.

vi)

Les allocations familiales — La proposition met à jour les règles relatives aux allocations de congé parental qui compensent la perte par un parent de son revenu ou salaire pendant la période consacrée à élever un enfant. La proposition ne modifie pas les règles actuelles en matière d’exportation des allocations familiales. Aucune indexation des allocations familiales n’est prévue.

3.   Aperçu des systèmes de sécurité sociale dans l’Union européenne

3.1.

Les systèmes de sécurité sociale couvrent habituellement des domaines tels que la maladie, la maternité/paternité, la famille, la vieillesse, le chômage et d’autres allocations similaires. Ils relèvent exclusivement des autorités nationales. Cela signifie que chaque État est responsable de la conception de son propre système de sécurité sociale. De ce fait, les prestations de sécurité sociale perçues par les citoyens varient fortement au sein de l’Union européenne, tant en termes d’allocations réellement perçues qu’en ce qui concerne la manière dont les systèmes sont organisés.

3.2.

Le CESE est particulièrement préoccupé par les écarts de performance considérables entre les systèmes de sécurité sociale des différents États membres de l’Union européenne: les meilleurs systèmes contribuent à réduire de 60 % le risque de pauvreté, tandis que les moins efficaces ne le font qu’à concurrence de 15 %, la moyenne pour l’Union européenne étant de 35 % (1). Ces écarts sont en partie la raison des conditions sociales variées auxquelles sont confrontés les citoyens dans l’Union. Il est donc d’autant plus important pour les États membres de l’Union européenne de s’accorder sur des principes pour des systèmes de sécurité sociale efficaces et fiables, comme le préconise le CESE dans ses avis sur les Principes pour des systèmes de prestations sociales efficaces et fiables  (2) et sur le Socle européen des droits sociaux  (3). Les valeurs européennes communes et le développement économique requièrent de préserver dans chaque État membre un revenu minimal, des soins de santé de base, la fourniture de services sociaux adaptés et la participation sociale. Cela peut contribuer à stimuler la solidarité dans les États membres de même qu’à réduire les déséquilibres macroéconomiques.

3.3.

La libre circulation des travailleurs est l’une des quatre libertés fondamentales de circulation dans l’Union européenne. Le CESE estime qu’elle devrait être encouragée plus efficacement et être respectée dans ses différentes dimensions, étant donné qu’en pratique, il n’existe pas de libre circulation des travailleurs sans respect des droits sociaux des citoyens et des travailleurs mobiles, sur la base du principe de l’égalité de traitement, comme mentionné ci-dessous. La coordination des systèmes de sécurité sociale est l’une de ces dimensions. L’historique de son application est globalement une réussite et a contribué, au cours des dernières décennies, au fait que les millions de travailleurs qui en ont bénéficié sont devenus les meilleurs «ambassadeurs» de la libre circulation des travailleurs.

3.4.

Afin de faciliter la libre circulation des travailleurs et des citoyens, une meilleure coordination des systèmes de sécurité sociale est nécessaire pour fournir davantage de clarté et des assurances quant aux prestations auxquelles ils ont droit. L’Union européenne dispose à cette fin de règles lui permettant de coordonner les systèmes nationaux de sécurité sociale. Ces règles déterminent quel est l’État membre dont le système de sécurité sociale s’applique à un citoyen ou un travailleur. Elles visent également à éviter une double couverture dans les cas de situation transfrontière et, dans le même temps, elles offrent des garanties pour les personnes travaillant dans un autre pays ou cherchant un emploi dans toute l’Union européenne.

3.5.

Il convient de souligner que les règles existantes concernent la coordination et non l’harmonisation des systèmes de sécurité sociale. Ces règles sont établies dans les règlements (CE) no 883/2004 et (CE) no 987/2009. Les règles de l’Union européenne se fondent sur quatre principes:

i)

un seul pays — Une personne n’est couverte par le système de sécurité sociale que d’un seul État membre à la fois, de sorte qu’elle ne paie de cotisations et ne reçoit de prestations que dans un seul pays.

ii)

l’égalité de traitement — Une personne a les mêmes droits et obligations que les ressortissants du pays où elle est assurée.

iii)

la totalisation — Selon le cas, lorsqu’une personne introduit une demande d’allocations, elle est tenue de fournir la preuve des périodes d’assurance, de travail ou de résidence dans d’autres États membres (par exemple, pour prouver qu’elle satisfait à une période d’assurance minimale exigée par la législation nationale pour l’ouverture d’un droit à des allocations).

iv)

l’exportabilité — Dès lors qu’une personne est en droit de percevoir une allocation d’un État membre, elle pourra en bénéficier même si elle vit dans un autre État membre.

3.6.

Les dispositions des règlements (CE) no 883/2004 et (CE) no 987/2009 concernent toute personne qui s’établit dans un autre État membre pour s’y installer définitivement ou y travailler ou encore étudier temporairement. Elles incluent les personnes qui franchissent la frontière pour aller travailler dans un autre État membre. En outre, les personnes à la recherche d’un emploi dans un autre État membre peuvent percevoir des allocations de chômage de leur État membre tout en étant à la recherche d’un emploi pendant une période déterminée.

4.   Observations générales

4.1.

En 2015, quelque 11,3 millions de citoyens de l’EU-28 en âge de travailler (20-64 ans) résidaient dans un autre État membre de l’Union européenne, dont 8,5 millions avaient un emploi ou étaient à la recherche d’un emploi (les chiffres à ces deux égards varient d’un État membre à l’autre). Ce chiffre représente 3,7 % de l’ensemble de la population de l’Union en âge de travailler. On dénombrait, au sein de l’Union européenne, 1,3 million de travailleurs transfrontaliers, à savoir des personnes travaillant dans un État membre de l’Union européenne autre que celui de leur résidence. Le nombre de travailleurs détachés s’élevait quant à lui à 1,92 million. Ce chiffre représentait 0,7 % de l’emploi total dans l’Union européenne, les détachements ayant une durée de quatre mois en moyenne.

4.2.

La coordination des systèmes de sécurité sociale favorise la libre circulation des travailleurs, en leur assurant des prestations, ainsi que, indirectement, aux employeurs, de même qu’elle est favorable à l’économie dans son ensemble, en contribuant à la croissance et à la compétitivité. L’écrasante majorité des citoyens qui sont mobiles au sein de l’Union européenne souhaitent améliorer leurs moyens de subsistance et leurs perspectives d’emploi.

4.3.

Du point de vue du travailleur, le droit de travailler dans un autre État membre offre non seulement des opportunités d’emploi mais facilite également le développement de nouvelles compétences, renforce l’adaptabilité et enrichit personnellement le travailleur grâce à de nouvelles expériences de travail. La circulation des travailleurs aide en outre à gérer les pénuries de main-d’œuvre et à compenser les déficits de compétences. Elle tend également à contribuer au financement des services publics dans l’État membre d’accueil et peut soulager une partie de la charge fiscale de même que compenser la diminution des cotisations due au vieillissement de la population.

4.4.

D’un point de vue macroéconomique, la mobilité de la main-d’œuvre permet de lutter contre les disparités entre les États membres de l’Union européenne en matière de chômage et contribue à la répartition plus efficace des ressources humaines. La recherche suggère également que la mobilité au sein de l’Union a joué un rôle important dans la prévention d’un accroissement de l’instabilité au lendemain de la crise financière et économique.

4.5.

La mobilité professionnelle, lorsqu’elle s’exerce dans des conditions équitables, peut être avantageuse pour les travailleurs, les entreprises et la société dans son ensemble. Elle peut constituer une grande chance pour les citoyens et les travailleurs, du point de vue du développement personnel, économique et social, et doit à ce titre être facilitée. Les règles qui fonctionnent bien et sont équitables pour les travailleurs mobiles, mais aussi pour ceux qui ne le sont pas, constituent d’importants facteurs d’acceptation politique de la mobilité. L’objectif de ces règles est de parvenir à un juste équilibre entre les pays de destination et les pays d’origine.

4.6.

À la lumière de ce qui précède, le CESE estime que toute modification proposée devrait viser à faciliter la circulation des demandeurs d’emploi et des travailleurs, et non pas la restreindre. Par ailleurs, le CESE est d’avis que les règles de coordination de la sécurité sociale devraient faciliter l’accès à l’emploi des personnes possédant des compétences différentes. L’égalité de traitement entre les travailleurs de l’Union et les travailleurs nationaux en ce qui concerne les mesures actives du marché du travail est essentielle pour surmonter les divisions sociales.

5.   Observations particulières

5.1.

En ce qui concerne le système de coordination relatif aux travailleurs frontaliers, le CESE prend note de la proposition visant à transférer la responsabilité du paiement des allocations de chômage à l’État membre de la dernière activité professionnelle, mais estime que l’exigence qui consiste à avoir travaillé dans cet État membre pendant une période minimale de douze mois pourrait limiter les effets positifs résultant de cette modification. Il reconnaît néanmoins que la proposition pose également un défi aux États membres qui deviennent responsables du paiement des allocations.

5.2.

En ce qui concerne les conditions applicables aux citoyens bénéficiant du droit d’«exporter» leur accès aux prestations pour des soins de longue durée lorsqu’ils se déplacent à l’étranger, le CESE constate que les nouvelles règles offrent aux citoyens une meilleure protection dans les situations transfrontières. Les nouvelles règles sont particulièrement pertinentes dans la perspective du vieillissement démographique et de la promotion d’une plus grande indépendance et mobilité des personnes handicapées, avec un nombre croissant de citoyens se déplaçant d’un État membre à un autre et ayant besoin de prestations de soins de longue durée. Toutefois, le CESE attire l’attention sur le fait que les nouvelles règles n’établissent pas un nouveau droit aux soins de longue durée dans tous les États membres, ce droit dépendant de l’existence de tels services dans le pays d’accueil.

5.3.

Le CESE estime que les nouvelles règles faciliteront la procédure de recouvrement des allocations de sécurité sociale indûment versées. Les États membres pourront tirer parti d’un instrument uniforme de recouvrement des créances relatives à des allocations de sécurité sociale indûment versées et de procédures plus claires en matière d’assistance mutuelle transfrontière.

5.4.

Le CESE note que la proposition de révision du règlement sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et la directive sur le détachement des travailleurs sont toutes deux pertinentes pour la mobilité de la main-d’œuvre. Ces deux instruments traitent toutefois de questions distinctes. Alors que la directive sur le détachement des travailleurs porte sur les conditions de travail des travailleurs détachés (y compris la rémunération), le règlement sur la coordination des systèmes de sécurité sociale vise à déterminer quel est le système de sécurité sociale qui s’applique. La nouvelle proposition ne modifie le champ d’application ni des règles de l’Union européenne sur la coordination de la sécurité sociale, ni de la directive sur le détachement des travailleurs. Par conséquent, le CESE craint que le fait que le règlement sur la coordination de la sécurité sociale renvoie à des définitions figurant dans la proposition de révision de la directive relative au détachement des travailleurs, dans un souci de faciliter leur application, n’entraîne dans la pratique une moindre clarté juridique. Le fait de se référer dans un règlement (contraignant et directement applicable dans tous les États membres) à une directive (qui ne lie les États membres qu’en ce qui concerne le résultat à atteindre) est source d’incertitude juridique.

5.5.

Le CESE note qu’il est nécessaire d’assurer des conditions uniformes pour l’application des règles spécifiques sur la coordination de la sécurité sociale en ce qui concerne les travailleurs détachés. Cette précision couvre la définition des situations dans lesquelles des formulaires A 1 sont délivrés, les éléments à vérifier avant la délivrance et le retrait en cas de contestation. Compte tenu du fait que ces aspects peuvent être essentiels pour l’application pratique des articles 12 et 13 du règlement (CE) no 883/2004, le CESE est préoccupé par cette délégation à la Commission de pouvoirs qui ne sont pas clairement définis. Un retour d’information au CESE concernant la mise en œuvre de cette délégation de pouvoirs et, par la suite, une évaluation de l’incidence des nouvelles procédures seraient les bienvenus, étant donné le caractère sensible de la question du détachement de travailleurs. Le CESE est également préoccupé par l’effet cumulatif de la nouvelle réglementation en matière de détachement, les modifications techniques mentionnées précédemment qui ont été apportées à la réglementation de la sécurité sociale et le nombre croissant d’initiatives nationales pour contrôler les travailleurs venant d’autres pays de l’Union européenne. La complexité croissante liée à la combinaison de ces différentes réglementations est susceptible d’entraver la mobilité transnationale et devrait être suivie de près au niveau européen. En outre, il est également nécessaire de respecter les règles de sécurité sociale relatives aux travailleurs détachés.

5.6.

En vertu des nouvelles règles, un travailleur mobile de l’Union européenne doit travailler pendant au moins trois mois dans l’État membre d’accueil avant de pouvoir prétendre à des allocations de chômage dans ce même État. Le CESE estime que cette proposition établit des restrictions d’accès aux allocations de chômage à l’égard des travailleurs mobiles dans le pays d’accueil, par rapport aux conditions actuelles (selon lesquelles il suffit d’une seule journée de travail pour accéder à ce droit). Ce faisant, la proposition reporte de fait la «totalisation de périodes» (indépendamment du dernier lieu de résidence d’une personne) donnant droit aux allocations. Cela pourrait, d’une part, avoir une influence négative sur la motivation en faveur de la mobilité mais, d’autre part, rendre les règles plus équitables pour les pays de destination.

5.7.

Conformément aux nouvelle règles proposées, la période minimale pendant laquelle les demandeurs d’emploi peuvent exporter, vers un autre État membre, des allocations de chômage acquises dans un premier État membre sera prolongée de trois mois actuellement à six mois au moins, la réglementation actuelle laissant la décision – trois ou six mois – à l’État membre exportant les allocations. Le CESE considère cette modification comme une reconnaissance, de la part de la Commission, des difficultés à trouver un emploi rapidement dans un autre État membre. Toutefois, le CESE se demande comment la proposition d’allonger la période d’«exportation» des allocations de chômage peut effectivement créer des possibilités d’emploi pour les demandeurs d’emploi, dans la mesure où cela dépendra de la situation du marché du travail, qui varie d’un pays à l’autre. Le CESE doute également de l’utilité de cette proposition à l’heure où le chômage, et en particulier le chômage des jeunes, reste élevé dans plusieurs États membres de l’Union européenne.

5.8.

Le CESE estime que les nouvelles règles proposées ne traitent pas les lacunes existantes d’un système de sécurité sociale coordonné, qui était initialement conçu pour les États membres affichant des niveaux de parité de pouvoir d’achat et des systèmes de sécurité sociale relativement similaires. Des mesures plus efficaces sont donc nécessaires pour parvenir à une convergence en ce qui concerne la durée des prestations de chômage, le montant des prestations reçues et les délais pour la totalisation des périodes donnant lieu à l’activation de ces prestations. Cette convergence contribuerait à améliorer et à faciliter la coordination des régimes de sécurité sociale. La question de savoir comment parvenir à cette convergence doit être considérée en dehors du présent avis. En principe, les nouvelles règles proposées en matière d’«exportation» des allocations de chômage permettent une coopération plus étroite entre les services publics de l’emploi à tous les niveaux. La révision clarifiera l’obligation incombant aux services de l’emploi dans l’État membre d’accueil de soutenir les demandeurs d’emploi dans leur recherche d’un travail et de surveiller et faire rapport sur leurs activités à l’État membre compétent en ce qui concerne le paiement des allocations de chômage. Toutefois, le CESE estime que les services publics de l’emploi devraient davantage aider les demandeurs d’emploi mobiles à trouver des emplois non précaires, compte tenu notamment du temps limité qui leur est accordé pour trouver un emploi, ce qui contribuerait à la convergence accrue visée au paragraphe précédent.

5.9.

Le CESE prend acte du fait que, dans le cas de citoyens mobiles de l’Union européenne qui se déplacent d’un État membre à un autre (État membre d’accueil) et qui ne travaillent pas ou ne sont pas activement à la recherche d’un travail, les nouvelles règles proposées peuvent subordonner l’accès à certaines prestations de sécurité sociale à une preuve fournie par la personne concernée qu’elle jouit d’un droit de séjour en vertu du droit de l’Union, droit qui est lui-même conditionné à des moyens de subsistance suffisants et à une couverture d’assurance maladie complète. En d’autres termes, les États membres sont tenus de respecter les conditions énoncées dans la directive sur la libre circulation (directive 2004/38/CE). Les États membres devraient également étudier les avantages de l’accueil des citoyens mobiles en général, y compris ceux qui sont non actifs et ne paient pas de cotisations sociales, mais qui, d’une manière ou d’une autre, finissent en définitive par contribuer à l’économie (et à la diversité culturelle) du pays d’accueil.

5.10.

Il est en fait établi au considérant 5 ter de la proposition de la Commission que les États membres devraient s’assurer que les citoyens mobiles de l’Union européenne (économiquement) non actifs ne sont pas empêchés de disposer d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil. Cela signifie aussi que ces citoyens devraient être autorisés à contribuer de manière proportionnée à un régime de couverture maladie dans l’État membre d’accueil. Le CESE plaide en faveur d’un engagement accru des États membres pour faciliter cette option.

5.11.

Le CESE est d’avis que rien dans les nouvelles règles envisagées ne devrait restreindre les droits fondamentaux consacrés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment le droit à la dignité humaine (article 1er), le droit à la sécurité sociale et à l’aide sociale (article 34) et le droit aux soins de santé (article 35).

5.12.

Pour conclure, tout en reconnaissant qu’on ne peut ignorer la nécessité d’un équilibre entre les États membres d’accueil et d’origine dans la mesure où la recherche d’emploi est concernée, le CESE fait valoir que les nouvelles règles proposées ne faciliteront pas nécessairement la circulation des demandeurs d’emploi. Les segments les plus fragiles et les plus faibles des sociétés européennes resteront aussi vulnérables qu’ils le sont aujourd’hui, tout comme subsisteront les clivages socio-économiques au sein des États membres de l’Union européenne et entre ceux-ci.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=751&langId=fr.

(2)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 40.

(3)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10.


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/91


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Prochaines étapes pour un avenir européen durable — Action européenne en faveur de la durabilité»

[COM(2016) 739 final]

(2017/C 345/15)

Rapporteur:

Etele BARÁTH

Consultation

Commission européenne, 8 décembre 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision de l’assemblée plénière

13 décembre 2016

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

15 juin 2017

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

124/0/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE est déçu par la communication sur les «Prochaines étapes pour un avenir européen durable», car celle-ci donne l’impression que l’ensemble des principaux objectifs et exigences du programme des Nations unies pour le développement durable à l’horizon 2030 ont déjà été traités et pris en compte par les politiques actuelles de l’Union européenne. La communication n’introduit pas dans ces politiques le changement de paradigme induit par le programme à l’horizon 2030 en vue d’évoluer vers un nouveau modèle de développement qui soit plus durable sur le plan économique, plus porté sur l’intégration sociale et davantage viable à long terme du point de vue environnemental. Comme l’ont souligné le Centre européen de stratégie politique (1), ainsi que le CESE dans de précédents avis, un tel changement de paradigme est nécessaire d’urgence pour que les 17 objectifs de développement durable (ODD) soient correctement mis en œuvre dans l’Union européenne, compte tenu de l’accroissement des inégalités sociales et des taux de chômage élevés en Europe, ainsi que du caractère insoutenable de l’empreinte environnementale de son économie.

1.2.

Lorsque le programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030 a été mis en place, le CESE s’est toujours félicité que la Commission s’affiche comme chef de file. À présent que les 17 objectifs de développement durable doivent être mis en pratique, le CESE estime que l’Union européenne n’assume pas suffisamment ce rôle dans les faits, dans la mesure où elle s’est abstenue de présenter une feuille de route ambitieuse pour ses actions destinées à mettre en œuvre les ODD d’ici 2030, pas plus qu’elle n’a démontré sa volonté de revoir d’un œil critique ses politiques actuelles et de les modifier.

1.3.

À ce jour, le programme des Nations unies à l’horizon 2030 n’a pas servi à mettre en place une démarche proactive, positive et porteuse de changement pour l’Europe, comme l’ont demandé le CESE, le PE et plusieurs représentants de la société civile: une vision nouvelle d’une Europe plus durable et axée sur la cohésion sociale, bénéfique pour ses citoyens et ne laissant personne sur la touche, une vision tournée vers l’avenir, reposant sur les valeurs qui ont été à la base du succès du modèle européen: solidarité et droits de l’homme, justice sociale et égalité, démocratie et participation, esprit d’entreprise et responsabilité environnementale. Ni le livre blanc de la Commission sur l’avenir de l’Europe ni la déclaration de Rome à l’occasion du 60e anniversaire de l’Union européenne ne reconnaissent à sa juste valeur l’importance du développement durable pour les citoyens européens.

1.4.

Le CESE regrette que la Commission n’ait pas lancé un processus participatif aboutissant à l’adoption d’une stratégie globale et intégrée pour une Europe durable à l’horizon 2030 et au-delà. Une telle stratégie est indispensable afin de garantir les perspectives à long terme ainsi que la coordination et la cohérence des politiques qui s’imposent pour la mise en œuvre du programme des Nations unies à l’horizon 2030. Elle devrait faire partie intégrante d’un nouveau cadre stratégique unique à long terme pour la période après 2020.

1.5.

Le CESE est préoccupé par le manque de coordination entre l’Union et les États membres s’agissant de la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030. La stratégie globale précitée devrait servir de cadre commun en vue d’une action coordonnée.

1.6.

Le CESE apprécie le travail que la Commission a réalisé pour déterminer la contribution que les dix priorités de la Commission pourraient apporter à la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030. Toutefois, le CESE insiste sur la nécessité de compléter l’inventaire des politiques de l’Union européenne contribuant aux ODD par une analyse approfondie des lacunes réelles actuellement constatées en ce qui concerne la mise en œuvre de ces objectifs en Europe. Seul un examen objectif permettra à l’Union européenne de définir les domaines devant faire l’objet d’une action préalable et de procéder à un examen critique de l’efficacité des politiques actuelles de l’Union européenne s’agissant de la mise en œuvre des ODD.

1.7.

Le CESE se félicite de la décision de la Commission de créer une plateforme pluripartite pour la mise en œuvre des ODD dans l’Union européenne (2). Le CESE attire l’attention sur la nécessité de veiller à ce que les parties prenantes non gouvernementales soient en mesure de coopérer sur un pied d’égalité avec les représentants institutionnels au sein de cette plateforme de manière que l’approche multipartite du programme des Nations unies à l’horizon 2030 soit également appliquée dans le cadre de la politique de l’Union européenne en matière de développement durable. La plateforme doit associer un large éventail de parties prenantes non gouvernementales à l’ensemble du cycle de mise en œuvre des ODD dans l’Union européenne, depuis la conception des nouvelles initiatives politiques, des stratégies à long terme et des actions de sensibilisation, jusqu’à la révision et au suivi de la mise en œuvre des politiques et à l’échange de bonnes pratiques. Cette plateforme devrait aussi favoriser la coopération et les partenariats entre plusieurs acteurs. Le CESE soutiendra les travaux de la plateforme en désignant un de ses membres pour y représenter le CESE et apporter son expertise, ainsi qu’en facilitant les contacts avec la société civile et en contribuant à d’autres activités.

1.8.

En ce qui concerne la promotion du développement durable, le CESE estime que le cadre financier pluriannuel pour l’après-2020 devrait être mis en concordance avec les priorités en matière de développement durable dans l’Union européenne. Il conviendrait d’accroître de manière significative la part des ressources propres et des recettes, et de rendre la mise en œuvre plus efficace et plus efficiente.

1.9.

De l’avis du CESE, il est essentiel d’introduire, en plus de l’indicateur du PIB généralement admis, qui s’est jusqu’à présent avéré pertinent, d’autres indicateurs, capables de mesurer non seulement la croissance économique mais également son incidence et ses résultats par rapport au bien-être des citoyens et à l’environnement (3). En effet, la viabilité du processus de développement escompté d’ici à 2030 ne peut être garantie que si des changements sociaux et environnementaux complexes sont mis en œuvre et suivis.

2.   Introduction

2.1.

En adoptant le programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies, les dirigeants du monde entier se sont mis d’accord en 2015 sur un plan d’action d’une ampleur sans précédent, qui vise à éradiquer la pauvreté, à protéger la planète, à assurer le respect des droits de l’homme et à garantir la prospérité pour tous. Les 17 objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030 requièrent des transformations de la part de tous les pays, qu’ils soient développés ou en développement.

2.2.

En s’appuyant sur les résultats de plusieurs conférences, le CESE a présenté en 2016 ses recommandations pour la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030 dans l’Union européenne dans une série de trois avis (4).

2.3.

Dans sa communication intitulée «Prochaines étapes pour un avenir européen durable» (5), la Commission a exposé son approche concernant la mise en œuvre du programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030 dans les stratégies internes et externes de l’Union européenne. La communication était accompagnée de plusieurs autres documents, notamment une communication sur un nouveau consensus européen sur le développement et d’une communication relative à un partenariat renouvelé avec les pays ACP. Le CESE a livré son point de vue sur ces communications de manière plus spécifique dans des avis distincts (6).

3.   Observations générales

3.1.

Selon l’introduction de la communication à l’examen, l’Union européenne est pleinement résolue à être chef de file dans la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030 (7).

3.2.

Toutefois, la Commission n’a pas relevé le défi qui consistait à montrer l’exemple en présentant une feuille de route ambitieuse pour la mise en œuvre des ODD.

3.3.

La communication n’atteint pas le but fixé dans le programme de travail de la Commission pour 2016, à savoir, présenter une nouvelle approche visant à garantir le développement économique et la durabilité sociale et environnementale au-delà de l’horizon 2020, et consistant à mettre en œuvre les ODD de manière intégrée dans les politiques internes et externes de l’Union européenne.

3.4.

Selon la communication, la réponse de l’Union européenne au programme à l’horizon 2030 comportera deux axes de travail: la pleine intégration des ODD dans le cadre d’action européen actuel, et une réflexion sur la mise en œuvre à long terme des ODD.

3.5.

Le CESE reconnaît les efforts fournis par la Commission, exposés dans la communication, afin d’établir un lien entre les ODD d’une part et les politiques actuelles de l’Union européenne et les dix priorités de travail de la Commission d’autre part. Néanmoins, la communication se concentre trop sur les politiques existantes de l’Union européenne. La Commission n’envisage pas le programme à l’horizon 2030 comme un appel à examiner ses propres politiques d’un œil critique et à les modifier. La communication ne reflète pas le changement de paradigme induit par les ODD (8): «un nouveau modèle de développement qui soit plus durable sur le plan économique, plus porté sur l’intégration sociale et davantage viable à long terme du point de vue environnemental, et qui garantisse un partage équitable des ressources de notre planète parmi une population mondiale de plus en plus nombreuse» (9).

3.6.

À ce jour, ni la Commission ni le Conseil n’ont profité de l’occasion fournie par le programme des Nations unies à l’horizon 2030 pour mettre en place une nouvelle démarche proactive, positive et porteuse de changement pour l’Europe, comme l’ont demandé le CESE, le PE (10) et plusieurs représentants de la société civile: une vision nouvelle d’une Europe plus durable et axée sur la cohésion sociale, bénéfique pour ses citoyens et ne laissant personne sur la touche (11). Ni le livre blanc de la Commission sur l’avenir de l’Europe ni la déclaration de Rome faite par les dirigeants de 27 États membres, la Commission, le Conseil et le Parlement européen à l’occasion du 60e anniversaire de l’Union européenne ne reflètent suffisamment la valeur du développement soutenable à long terme pour les citoyens européens et la nécessité d’une Europe unie pour atteindre cet objectif.

3.7.

En outre, la communication ne prévoit pas le futur cadre d’action, qu’il est pourtant urgent d’adopter en vue de la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030. À ce jour, la Commission n’envisage pas de lancer un processus participatif afin de définir une stratégie globale et intégrée pour une Europe durable à l’horizon 2030 et au-delà, comme l’a demandé le CESE (12). Les cadres stratégiques actuels de l’Union européenne portent jusqu’en 2020. Cette situation est inacceptable, non seulement parce que le programme des Nations unies fixe un horizon à 2030 et que l’accord de Paris sur le climat adopte même une perspective à plus long terme encore, mais aussi eu égard à la durée des processus de modernisation économique et sociale. Il y a lieu de définir une stratégie globale unique pour l’après-2020 s’appuyant sur les dix priorités de travail de la Commission européenne, la stratégie Europe 2020 et ses sept initiatives phares et les 11 objectifs thématiques de la politique de cohésion de l’Union européenne, et intégrant le cadre financier pluriannuel pour l’après-2020.

3.8.

La Commission ne met pas pleinement en œuvre l’approche multipartite définie dans le programme à l’horizon 2030. Contrairement à la procédure ayant abouti à l’adoption du programme à l’horizon 2030, l’approche de la Commission n’a été, à ce jour, ni très transparente et ni très inclusive.

4.   Observations spécifiques

4.1.    Inventaire des politiques européennes contribuant à la réalisation des ODD (section 2.1 de la communication)

4.1.1.

L’inventaire ne va pas au-delà du simple travail administratif, se bornant à recenser les politiques de l’Union européenne qui abordent d’une manière ou d’une autre des questions en rapport avec les 17 ODD. Cet exercice ne reflète pas suffisamment les réalités en Europe. Il ne permet pas de justifier la conclusion de la Commission selon laquelle les politiques de l’Union européenne abordent l’ensemble des 17 objectifs, étant donné qu’aucune évaluation n’a été réalisée afin de déterminer si ces politiques sont réellement efficaces ou si elles sont mises à mal par d’autres mesures ayant des effets contradictoires. Par exemple, la communication indique que la stratégie Europe 2020 aborde les ODD relatifs à la pauvreté et aux inégalités, mais ne mentionne pas le fait que les grands objectifs de la stratégie Europe 2020 ne seront pas atteints.

4.1.2.

Par conséquent, l’inventaire des politiques de l’Union européenne doit être complété par une analyse détaillée des lacunes afin de dresser un véritable bilan de la mise en œuvre des ODD au sein de l’Union européenne (13). Seul un examen objectif permettrait aux décideurs politiques européens de définir les bonnes priorités pour la mise en œuvre des ODD. Les conclusions que la Commission tire de son inventaire manquent de crédibilité et ne sont pas fondés sur des faits.

4.1.3.

Parallèlement à la communication, Eurostat a publié un premier aperçu statistique de la situation actuelle dans les États membres de l’Union européenne en ce qui concerne les ODD (14). Toutefois, la Commission n’a pas cherché à créer les liens nécessaires entre l’inventaire, les données statistiques et la définition des priorités politiques pour la mise en œuvre des ODD.

4.1.4.

Le CESE espère que la mise en place d’un cadre de suivi complet pour la mise en œuvre des ODD dans l’Union européenne garantira une approche plus factuelle du recensement des principales lacunes de l’Union européenne et des grands défis qui se posent à elle en ce qui concerne le programme à l’horizon 2030.

4.1.5.

Comme l’a déjà indiqué le CESE, les domaines dans lesquels l’Union européenne doit fournir des efforts supplémentaires pour atteindre les ODD sont liés à la réduction de son empreinte écologique et à la création d’une Europe davantage axée sur l’intégration sociale: ODD 12 (consommation et production responsables), ODD 13 (lutte contre les changements climatiques), ODD 14 et 15 (conservation des écosystèmes), ODD 2 (agriculture durable), ODD 9 (investissement dans l’infrastructure et l’innovation), ODD 10 (réduction des inégalités), ODD 8 (travail décent et emploi), ODD 1 (réduction de la pauvreté), ODD 5 (égalité entre les sexes) et ODD 4 (éducation) (15).

4.2.    Contribution des dix priorités de la Commission au programme à l’horizon 2030 (section 2.2 de la communication)

4.2.1.

La communication montre comment les dix priorités de travail de la Commission peuvent contribuer à la mise en œuvre des ODD. Toutefois, la Commission devrait aussi avoir le courage de réviser et d’adapter ses priorités de travail si nécessaire, de manière à exploiter pleinement toutes les synergies possibles avec les travaux de mise en œuvre des ODD.

4.2.2.

De l’avis du CESE, une plus grande attention devrait être accordée à la dimension culturelle du développement durable et au rôle que joue la communication dans la promotion du développement durable à l’horizon 2030.

4.3.    Gouvernance (section 3.1 de la communication)

4.3.1.

Le CESE recommande la mise en place d’un cadre de gouvernance et de coordination parallèlement à la stratégie de mise en œuvre du programme à l’horizon 2030, afin d’assurer la cohérence entre les mesures centralisées et décentralisées, et d’associer la société civile organisée aux niveau national et régional.

4.3.2.

Le semestre européen devrait être transformé en un instrument de coordination verticale à niveaux multiples en ce qui concerne la mise en œuvre des ODD dans les États membres (16). Malheureusement, la Commission ne tire pas profit de la possibilité qui est offerte par cette communication pour continuer à développer davantage le semestre européen dans cette direction.

4.3.3.

Le CESE estime que, bien que le développement durable ait été intégré dans la stratégie Europe 2020 depuis 2010, la mise en cohérence des objectifs économiques, sociaux et environnementaux n’a pas été réalisée. Il y a lieu de renforcer les mécanismes garantissant la cohérence des politiques en faveur d’un développement durable.

4.3.4.

Le CESE se félicite de l’approche plus intégrée que permet la nouvelle structure de la Commission ainsi que du rôle de coordination confié au premier vice-président pour faire progresser les travaux de mise en œuvre des ODD. Toutefois, les unités de coordination au sein de la Commission devront être dotées de capacités suffisantes afin de pouvoir mener à bien ces processus avec la détermination qui s’impose.

4.3.5.

Il appartient aux dirigeants de l’Union européenne d’exploiter le potentiel d’amélioration de la gouvernance, de renforcer la gestion, de comprendre l’importance d’une méthode de coordination horizontale visant à parfaire les interactions et, éventuellement, de passer le relais aux acteurs socioéconomiques au cours de la phase de préparation, afin de rendre la «participation» plus efficace. Ceux-ci seront dès lors en mesure de bénéficier des formidables forces latentes qui se feront jour au cours du processus de mise en œuvre.

4.3.6.

La communication de la Commission n’aborde malheureusement pas la manière de reconnaître et de renforcer ce processus.

4.4.    Financement (section 3.2 de la communication)

4.4.1.

L’établissement du cadre financier pluriannuel après 2020 doit être l’occasion d’aligner les dépenses au titre des fonds de l’Union sur la mise en œuvre des priorités en matière de développement durable dans l’Union européenne.

4.4.2.

Le CESE convient que l’Union européenne doit continuer à développer son système de soutien financier afin que celui-ci accroisse les performances de l’économie aux niveaux territorial, régional et local et développe le bien commun, tout en tenant compte des exigences de durabilité. La prospérité économique devrait constituer la base économique des ODD, mais il convient de mettre en place une réglementation imposant la réalisation des objectifs sociaux et environnementaux. Le CESE est d’avis que la réforme du régime fiscal européen pourrait consolider l’augmentation des ressources budgétaires et encourager une meilleure mise en œuvre de la stratégie à l’horizon 2030.

4.4.3.

La Commission met particulièrement l’accent sur les questions liées au financement durable. Aux yeux du CESE, une importance particulière doit être accordée à la nécessité de créer les conditions-cadres adéquates pour les investisseurs publics et privés en vue des investissements massifs à long terme dans l’innovation et la modernisation des infrastructures qui sont indispensables pour faciliter la transition vers une économie plus durable (17).

4.5.    Mesurer les progrès (section 3.3 de la communication)

4.5.1.

Le CESE se félicite de l’intention de la Commission d’assurer un suivi régulier détaillé des ODD dans le contexte de l’Union européenne, en s’appuyant sur un vaste éventail d’exercices de suivi en cours au sein de la Commission, des agences, du Service européen pour l’action extérieure et des États membres. La communication ne fournit toutefois pas d’informations spécifiques sur la configuration de ce système de suivi.

4.5.2.

Le CESE se félicite des travaux menés par Eurostat sur un ensemble d’indicateurs pour le suivi de la mise en œuvre des ODD dans l’Union européenne. Il fait observer que les décisions relatives au suivi et, en particulier, à la conception des indicateurs ont d’importantes implications politiques. La poursuite du développement de ces indicateurs doit dès lors faire l’objet d’un débat et la société civile doit être consultée de façon transparente.

4.5.3.

Le CESE espère qu’après la publication par Eurostat du rapport de suivi régulier des ODD et un laps de temps suffisant pour permettre aux organisations de la société civile de consulter leur base, un dialogue pourra être mené, par l’intermédiaire de la plateforme pluripartite, sur les conclusions découlant du processus de suivi et les mesures de réexamen de la politique qui s’imposent.

4.5.4.

Plusieurs études du CESE ont confirmé qu’il est essentiel d’introduire, en plus de l’indicateur du PIB généralement admis, qui s’est jusqu’à présent avéré pertinent, un autre indicateur capable de mesurer non seulement la croissance économique mais également son incidence et ses résultats (résultat intérieur brut). Le suivi du processus de développement escompté jusqu’en 2030 doit être fondé sur un ensemble complexe d’indicateurs économiques, sociaux et environnementaux (18).

4.5.5.

Le cadre de suivi devrait également être lié au semestre européen.

4.5.6.

Le programme des Nations unies à l’horizon 2030 impose aux gouvernements la mise en place d’un cadre de suivi et d’examen, prévoyant ainsi des instruments pour l’ensemble du cycle politique d’élaboration, de mise en œuvre, de suivi et de réexamen des stratégies. La phase de réexamen n’a pas été prise en compte dans la communication. Cela pourrait s’expliquer par l’absence de stratégie globale et de plan d’action pour la mise en œuvre des ODD, susceptibles de faire l’objet d’un réexamen régulier.

4.6.    Responsabilité partagée et approche multi-parties prenantes

4.6.1.

Les objectifs de développement durable sont une stratégie associant de nombreux acteurs. Ils ne peuvent être mis en œuvre que si la société civile, les entreprises, les syndicats, les collectivités locales et les autres parties prenantes jouent un rôle actif et adhèrent à la stratégie. Des mécanismes de gouvernance participative doivent garantir l’association de la société civile à tous les niveaux, depuis l’échelon local et national jusqu’au niveau de l’Union européenne et des Nations unies. Les ODD rendent nécessaire une coopération intégrée des institutions et des parties prenantes dans différents secteurs.

4.6.2.

Dans une décision récente, la Commission a mis en place une plateforme pluripartite pour la mise en œuvre des ODD dans l’Union européenne (19). Le CESE se félicite de ce nouveau projet et propose son aide pour faire de cette plateforme une réussite.

4.6.3.

Le CESE déplore toutefois que la Commission, dans sa communication, n’ait pas donné pas à la suite de sa proposition de créer un forum européen du développement durable en partenariat avec elle, ni à ses recommandations sur la conception d’un tel forum (20), qui reposaient sur les résultats de présentations consacrées au forum proposé lors de conférences, à des groupes de travail du Conseil, à la Commission et lors de consultations des parties prenantes, au cours desquelles les participants ont exprimé leur soutien à ce projet.

4.7.

Le CESE apprécie que la Commission, dans sa décision établissant la plateforme pluripartite, ait élargi les missions de celle-ci en ce qui concerne le suivi de la mise en œuvre des ODD et l’échange des meilleures pratiques, et qu’elle ait également prévu un rôle consultatif pour les représentants de la société civile dans la réflexion sur la mise en œuvre à long terme des ODD, ainsi que leur participation au suivi et au réexamen des politiques de mise en œuvre. Cette plateforme devrait aussi favoriser la coopération et les partenariats entre plusieurs acteurs. Le CESE estime que ce type de plateforme participative doit jouer un rôle essentiel dans un nouveau type de gouvernance européenne, qui devrait se caractériser par une responsabilité partagée.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Notes stratégiques du CESP, Sustainability Now! A European Vision for Sustainability (La durabilité dès maintenant! Une vision européenne de la durabilité), 20 juillet 2016; avis du CESE sur Un Forum de la société civile européenne en faveur du développement durable (JO C 303 du 19.8.2016, p. 73); avis du CESE sur Le développement durable — Recensement des politiques intérieures et extérieures de l’Union européenne (JO C 487 du 28.12.2016, p. 41).

(2)  C(2017) 2941 final.

(3)  Avis du CESE sur les Nouvelles mesures en faveur d’une gouvernance et d’une mise en œuvre axées sur le développement — Évaluation des Fonds structurels et d’investissement européens et recommandations y afférentes (JO C 487 du 28.12.2016, p. 1); voir également OCDE, Mesurer le bien-être et le progrès:recherches et études en cours http://www.oecd.org/fr/statistiques/mesurer-bien-etre-et-progres.htm.

(4)  Avis du CESE sur Un Forum de la société civile européenne en faveur du développement durable (JO C 303 du 19.8.2016, p. 73); avis du CESE sur Le développement durable — Recensement des politiques intérieures et extérieures de l’Union européenne (JO C 487 du 28.12.2016, p. 41); avis du CESE sur Le programme à l’horizon 2030 — Une Union européenne engagée en faveur du développement durable à l’échelle mondiale (JO C 34 du 2.2.2017, p. 58).

(5)  COM(2016) 739 final.

(6)  Avis du CESE sur Le programme à l’horizon 2030 — Une Union européenne engagée en faveur du développement durable à l’échelle mondiale (JO C 34 du 2.2.2017, p. 58).

(7)  COM(2016) 739 final, p. 3

(8)  «Nous devons réorienter nos économies» — discours (en anglais) prononcé par Frans Timmermans, vice-président de la Commission, lors du sommet des Nations unies, le 27 septembre 2015.

(9)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 41, paragraphe 3.4.

(10)  Résolution du 12 mai 2016, http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2016-0224+0+DOC+XML+V0//FR.

(11)  Appel commun des organisations de la société civile et des syndicats européens aux leaders européens, 21 mars 2017, L’Europe que nous voulons — http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.group-2-news.41658; déclaration de Solidar (en anglais), Our common European future — http://www.solidar.org/en/news/statement-our-common-european-future.

(12)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 41, paragraphe 1.5.

(13)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 41, paragraphe 1.7.

(14)  Eurostat, Sustainable Development in the European Union (en anglais), 2016.

(15)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 41, paragraphe 4.1.

(16)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 41, paragraphe 1.11 (avis du CESE sur L’examen annuel de la croissance 2017, JO C 173 du 31.5.2017, p. 73).

(17)  Avis du CESE sur Le développement durable — Recensement des politiques intérieures et extérieures de l’Union européenne (JO C 487 du 28.12.2016, p. 41); avis du CESE sur le Livre vert — Le financement à long terme de l’économie européenne (JO C 327 du 12.11.2013, p. 11); voir également The Green Book (Le livre vert), du gouvernement du Royaume-Uni https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/220541/green_book_complete.pdf.

(18)  Voir par exemple l’indicateur de progrès véritable (IPV), le Happy Planet Index («indice de planète heureuse»), l’empreinte écologique, etc.

(19)  C(2017) 2941 final

(20)  Avis du CESE sur Un Forum de la société civile européenne en faveur du développement durable (JO C 303 du 19.8.2016, p. 73).


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/97


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission — Plan de travail “Écoconception” 2016-2019»

[COM(2016) 773 final]

(2017/C 345/16)

Rapporteur:

Cillian LOHAN

Consultation

Commission, 27 janvier 2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision du Bureau

13 décembre 2016

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

15 juin 2017

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

130/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le plan de travail «Écoconception» 2016-2019 a un champ d’application trop limité pour s’imposer comme le puissant moteur d’un changement complet des comportements tout au long des chaînes d’approvisionnement en biens et en services, à un rythme qui traduise l’ambition du plan d’action en faveur de l’économie circulaire.

1.2.

L’écoconception des biens et services doit aller au-delà des seules considérations énergétiques. Aussi importantes que soient ces dernières, il est nécessaire de s’intéresser à l’ensemble du cycle de vie des produits, y compris leur durabilité, leur facilité d’entretien et de réparation, et les possibilités qu’ils offrent en matière de partage et de numérisation, de réutilisation, d’évolutivité, de recyclabilité et de réemploi réel après utilisation, sous forme de matières premières secondaires intégrées à des produits mis sur le marché.

1.3.

L’écoconception doit intégrer les principes de l’économie circulaire, dans le contexte de la numérisation, de l’économie du partage et de l’économie de la fonctionnalité, de manière à parvenir à une certaine cohérence entre les différentes stratégies qui visent à fournir un nouveau modèle économique.

1.4.

Les composants d’un produit devraient être facilement récupérables en vue de leur réutilisation et/ou transformation, et favoriser la création d’un solide marché des matières premières secondaires.

1.5.

Les exigences en matière d’étiquetage peuvent contribuer à améliorer les stratégies d’écoconception et aider les consommateurs dans leur prise de décision, devenant ainsi un moteur de changement des comportements. L’étiquetage devrait comporter des indications sur l’espérance de vie d’un produit, et/ou sur ses composants importants.

1.6.

Le CESE réitère son soutien à l’utilisation du principe de responsabilité élargie du producteur comme instrument de promotion de la transition vers des modèles d’entreprise fondés sur l’économie circulaire, et souligne que celui-ci peut aussi jouer un rôle dans la promotion de l’écoconception.

2.   Contexte

2.1.

Le plan de travail «Écoconception» 2016-2019 contribue à la nouvelle initiative de la Commission relative à l’économie circulaire. L’objectif général consiste à promouvoir la transition vers un modèle d’économie circulaire qui prenne en considération le cycle de vie complet des produits et des matériaux qui les composent.

2.2.

Il fait suite aux plans de travail précédents en matière d’écoconception pour les périodes 2009-2011 et 2012-2014. Le contexte législatif dans lequel il s’inscrit est celui de la directive-cadre 2009/125/CE relative à l’écoconception et de la directive-cadre 2010/30/CE sur l’étiquetage énergétique. Des plans de travail réguliers sont prévus à l’article 16, paragraphe 1, de la directive relative à l’écoconception.

2.3.

Le plan de travail «Écoconception» est perçu comme un moyen de renforcer la compétitivité européenne et d’encourager la croissance économique tout en stimulant la création d’emplois.

2.4.

Quelque espoir existait qu’une révision de la directive sur l’écoconception ou qu’une mise à jour du plan de travail se traduise par un élargissement du champ d’application des précédentes initiatives en matière d’écoconception.

3.   Aperçu global du plan de travail «Écoconception» 2016-2019

3.1.

Le cadre législatif sur l’écoconception et l’étiquetage énergétique se caractérise par un double objectif (1). Le premier vise à faire en sorte que, par l’intermédiaire de l’écoconception, des produits de plus en plus efficaces soient autorisés sur le marché européen. Le second cherche à responsabiliser et à encourager les consommateurs à acheter les produits les plus performants grâce à un étiquetage énergétique.

3.2.

Le plan de travail actuel énonce les mesures d’exécution adoptées, dont 28 règlements sur l’écoconception, 16 règlements délégués sur l’étiquetage énergétique et trois accords volontaires reconnus.

3.3.

D’autres domaines de travail comprennent la mesure d’écoconception pour les appareils de chauffage à air et de refroidissement, qui prendra la forme d’un règlement, et une série de modifications réglementaires visant à améliorer les tests de produits et à réduire les possibilités de fraude grâce à l’écoconception et à l’étiquetage énergétique. Ces initiatives sont complémentaires au présent plan de travail et elles y sont mentionnées, sans pour autant en faire spécifiquement partie.

3.4.

L’évaluation et la présentation des travaux existants et en cours se concentre sur l’étiquetage énergétique et sur la réalisation d’un élément d’écoconception dans le seul contexte de l’efficacité des performances.

3.5.

De nouveaux groupes de produits ont été ajoutés à la liste des catégories soumises à la législation existante ou à des réexamens. Il s’agit des groupes de produits suivants:

immotique et systèmes de gestion d’immeuble,

bouilloires électriques,

sèche-mains,

ascenseurs,

panneaux solaires et onduleurs,

conteneurs réfrigérés,

nettoyeurs à haute pression.

4.   Principes de l’écoconception

4.1.

L’écoconception peut contribuer à dissocier la croissance économique de la consommation des ressources par une utilisation réduite de matériaux et d’énergie, ainsi que par des taux de recyclage plus élevés et une réduction de la production de déchets (2). Le pouvoir d’un modèle d’économie circulaire réside dans le fait que la création de prospérité économique, les avantages sociaux et les gains environnementaux marchent de pair. L’écoconception peut être un moteur important de durabilité sociale.

4.2.

Si la directive relative à l’écoconception a été utilisée pour améliorer l’efficacité énergétique des produits, elle pourrait également être utilisée de manière plus intensive pour stimuler la conception circulaire de produits, par exemple en excluant les stratégies de conception qui entravent la réparation ou l’échange de pièces défectueuses (3).

4.3.

L’écoconception fournit des systèmes produits-services et des produits réalisés avec moins de ressources, en utilisant des ressources recyclées et renouvelables et en écartant les matières dangereuses, ainsi qu’en ayant recours à des composants plus durables et plus faciles à entretenir, à réparer, à faire évoluer et à recycler. Deux approches peuvent être distinguées: la reconception de produits sur la base d’améliorations progressives apportées à des produits existants et la conception de nouveaux produits qui soient économes en ressources et puissent être réparés, améliorés et recyclés (4). Pour l’heure, la mise en œuvre de la directive relative à l’écoconception a essentiellement favorisé la première approche, à savoir l’approche graduelle; il y a lieu maintenant de renforcer l’application de la seconde approche, parallèlement au développement d’un étiquetage révisé et approprié et en s’appuyant sur les travaux en cours effectués dans ces différents domaines par les organisations européennes de normalisation.

4.4.

Un élément majeur de la conception circulaire réside dans le fait qu’un produit peut devenir un service si l’on met l’accent non plus sur la propriété mais sur l’utilisation, en passant de la vente d’un produit à la conclusion d’un contrat axé sur la prestation de services, comme c’est le cas par exemple pour le système produit-service (PSS) ou les accords de niveau de service (SLA).

4.5.

Dans le secteur de l’agriculture et de la production de denrées alimentaires, il convient de noter que les systèmes de production d’aliments durables, et en particulier les systèmes biologiques, constituent des exemples à la fois de circularité et d’écoconception.

4.6.

La récente initiative conjointe du CESE et de la Commission européenne sur l’établissement d’une plateforme européenne des parties prenantes de l’économie circulaire associant de multiples acteurs peut faciliter le recensement des bonnes pratiques dans ce domaine et repérer les obstacles politiques à la transition vers l’écoconception.

5.   Lacunes et omissions

5.1.    Approche intégrée

5.1.1.

L’écoconception des biens et services doit aller au-delà des seules considérations énergétiques. Aussi importantes que soient ces dernières, il est nécessaire d’insister sur l’ensemble du cycle de vie des produits, y compris leur durabilité, leur facilité d’entretien et de réparation, et les possibilités qu’ils offrent en matière de partage et de numérisation, de réutilisation, d’évolutivité, de recyclabilité et de réemploi réel après utilisation, sous forme de matières premières secondaires intégrées à des produits mis sur le marché. L’écoconception doit faire partie d’une approche intégrée, où l’efficacité énergétique et la performance des produits sont considérées conjointement et sur un pied d’égalité avec l’efficacité et la performance envisagées sous l’angle de l’utilisation des ressources et des matériaux.

5.1.2.

Le plan de travail actuel reconnaît les limites qu’il y a à privilégier principalement la performance énergétique. La nécessité d’une stratégie plus globale en matière d’écoconception est claire, pour des raisons tant de cohérence que de clarté. La directive relative à l’écoconception ne se limite pas à la performance énergétique des produits liés à l’énergie, mais elle aborde également le champ plus vaste des éléments matériels de tels produits, ainsi que l’impact plus large et les coûts d’un défaut d’efficacité dans l’utilisation des ressources.

5.1.3.

Les principes de l’économie circulaire nécessitent des biens et des services qui soient durables, réutilisables, réparables et recyclables. L’écoconception doit intégrer ces principes dans le contexte de la numérisation, de l’économie du partage (5) et de l’économie de la fonctionnalité (6), de manière à atteindre une certaine cohérence entre les différentes stratégies qui visent à produire un nouveau modèle économique (7). Les risques liés à l’incohérence actuelle peuvent conduire à un climat d’incertitude pour le secteur des entreprises, ce qui freine à son tour l’innovation ou l’investissement dans des modèles d’entreprise reposant sur une forme d’économie circulaire plus achevée. Ils donneront lieu également à des évolutions qui viseront à accroître l’efficacité sur le plan des ressources au détriment de la consommation d’énergie, et vice versa. La sélection présente et future des produits, qui s’est toujours appuyée jusqu’ici sur l’inefficacité énergétique, devrait être étendue aux produits et services présentant un niveau élevé d’inefficacité dans l’utilisation des ressources.

5.1.4.

Un marché des matières premières secondaires solide est essentiel pour le développement d’une économie circulaire. L’écoconception devrait contribuer au développement de produits et de services permettant la séparation des différents composants d’un produit. Ce qui revient à dire que les composants d’un produit devraient être facilement récupérables en vue de leur réutilisation et/ou de leur transformation. La conception devrait permettre cette valorisation des matières premières secondaires pour mettre sur le marché des matériaux propres et de haute qualité.

5.1.5.

L’utilisation de la conception en tant que moteur d’un marché des matières premières secondaires solide doit également se faire dans le contexte de l’importance de la durabilité et de la modularité, également en matière de conception.

5.2.    Changement des comportements

5.2.1.

Il conviendrait de susciter un certain nombre de stratégies pour modifier le comportement des consommateurs. À lui seul, l’étiquetage ne sera pas suffisant pour réaliser un changement des comportements à grande échelle. Des avis précédents ont déjà indiqué la nécessité de recourir à des instruments économiques (8), à l’affichage de la durée d’utilisation des produits (9), ainsi qu’à l’économie comportementale (10) (en particulier au concept de nudge  (11)) comme des accessoires d’une boîte à outils permettant de réaliser la transition.

5.2.2.

L’exigence d’un changement de comportement ne se limite pas aux consommateurs et aux utilisateurs finaux. Le secteur des entreprises a besoin d’être soutenu par des mesures d’incitation et par un sentiment de certitude sur l’orientation politique afin de favoriser le changement. Cette dimension sera particulièrement importante dans le secteur des PME, où la formation et les instruments de soutien peuvent renforcer la meilleure compréhension et l’application des principes de l’écoconception et garantir que toute transition aille de pair avec une réaffectation des travailleurs qui vise à réduire autant que possible les déplacements.

5.2.3.

Le CESE réitère son soutien à l’utilisation du principe de responsabilité élargie du producteur comme instrument de promotion de la transition vers des modèles d’entreprise fondés sur l’économie circulaire, et souligne que celui-ci peut aussi jouer un rôle dans la promotion de l’écoconception.

5.2.4.

L’avis du CESE relatif au paquet «économie circulaire» (12) fait référence au rôle des nouveaux modèles de propriété, lesquels devraient inclure les services de crédit-bail (leasing). Cette approche peut également conduire à faire de l’écoconception un impératif commercial, avec des bénéfices tant pour l’environnement que pour la société dans son ensemble.

5.3.    Clauses de réexamen

5.3.1.

La plupart des mesures de mise en œuvre en matière d’écoconception et d’étiquetage énergétique sont assorties de clauses de réexamen qui viendront à échéance dans les années qui viennent. Il s’agira en particulier d’examiner l’utilisation efficace des ressources, la réparabilité, la recyclabilité et la durabilité des produits.

5.3.2.

Le CESE insiste sur l’importance d’appliquer ces principes aux études en cours qui portent sur la liste de produits existante, et non uniquement aux nouveaux groupes de produits qui doivent être inclus dans le plan de travail.

5.3.3.

L’application de ces principes ne devrait pas être reléguée dans les seuls exercices de réexamen, mais devrait également être intégrée à présent au plan de travail «Écoconception».

5.4.    Parvenir à un plan de travail actuel «Écoconception» pertinent

5.4.1.

Le CESE observe que le plan de travail «Écoconception» actuel a été revisité à la lumière du plan d’action sur l’économie circulaire. Toutefois, la consultation du forum consultatif en ce qui concerne les propositions du plan de travail «Écoconception», prévue à l’article 18 de la directive relative à l’écoconception, a été organisée à la fin du mois d’octobre 2015. Celle-ci a donc été menée avant le lancement du plan d’action en faveur de l’économie circulaire.

5.4.2.

Le forum consultatif devrait prendre acte de la position officielle adoptée par la société civile organisée, telle qu’elle s’exprime dans les travaux du CESE.

5.4.3.

Les produits TIC ne figurent dans le plan de travail qu’en tant que groupe relevant d’«une voie distincte», en raison des complications et difficultés associées à des produits qui évoluent rapidement ainsi que de l’incertitude liée aux futures évolutions du marché. Il est à noter que l’étiquetage de ces produits est ordinairement trop long à élaborer (en moyenne 4 ans) et que les accords volontaires ne procurent pas de gains environnementaux, économiques et sociaux avec la rigueur et la rapidité requises.

5.4.4.

Le traitement séparé des produits TIC dans le plan de travail est significatif. Des orientations et une ambition pour ce secteur doivent être définies de façon spécifique et claire afin de stimuler l’innovation en matière d’écoconception pour ces produits. L’application de l’écoconception aux téléphones mobiles pourrait, par exemple, faire de ces appareils les ambassadeurs de l’écoconception — il s’agirait d’utiliser un outil de communication pour faire connaître à un large public les aspects pratiques de l’écoconception, ses conséquences et les avantages qu’il peut en tirer.

5.4.5.

L’accord Energy Star entre l’Union européenne et les États-Unis arrivera à échéance en 2018. Celui-ci fixe les mêmes prescriptions volontaires en matière d’efficacité pour les équipements de bureau sur le territoire des deux parties. Compte tenu de la nouvelle dynamique politique à l’œuvre aux États-Unis, l’extension de cet accord peut comporter un certain nombre de risques. Le réexamen devrait tenir compte des avantages compétitifs d’un soutien résolu apporté à l’écoconception pour les entreprises en Europe. L’Union européenne a la possibilité de s’affirmer comme un leader mondial dans ce domaine. L’importance de la réciprocité et des accords internationaux ne devrait pas être sous-estimée lorsqu’il s’agit d’assurer la généralisation de l’écoconception.

5.4.6.

Il est indiqué expressément qu’une section plus complète du plan d’action sera consacrée à la contribution de l’écoconception à l’économie circulaire. Cette reconnaissance de la nécessité d’en élargir la portée doit être saluée, mais elle doit s’accompagner de délais de réalisation spécifiques de courte durée.

5.4.7.

L’élaboration d’une boîte à outils de l’économie circulaire pour l’écoconception, comme le «Circular Design Guide» (guide de la conception circulaire) publié récemment par la Fondation Ellen MacArthur, peut faciliter le changement, mais elle devra être appuyée par une législation solide et appropriée, étayée par des recherches de fond, une vaste consultation des parties prenantes et des mesures d’aide à la normalisation. Tant du point de vue du consommateur que de celui des entreprises, le prix des produits et les incitations économiques décideront de l’adoption d’une telle boîte à outils. Le principe du pollueur-payeur peut soutenir les bonnes pratiques dans ce domaine.

5.4.8.

Les défis à relever sur les plans de la surveillance du marché et de la coopération internationale ne devraient pas être sous-estimés. Le CESE observe qu’il existe un besoin accru au niveau des États membres pour la mise en œuvre et l’établissement de rapports par l’intermédiaire de la surveillance du marché, et qu’à défaut, il pourrait être nécessaire de recourir à des mécanismes de surveillance plus puissants à l’échelle nationale, coordonnés soit indirectement, soit directement par un contrôle au niveau de l’Union. Le recours à des mécanismes de surveillance ou d’inspection différents de ceux qui sont actuellement utilisés couramment dans le domaine de l’écoconception et de l’étiquetage énergétique pourrait également être envisagé dans le but de réduire autant que possible la présence de fabricants et d’importateurs «profiteurs» sur le marché de l’Union, ainsi que de protéger et récompenser les investissements effectués par des entreprises qui suivent des pratiques correctes et transparentes en matière d’écoconception, d’étiquetage ainsi que de fourniture d’informations et de déclarations relatives aux produits.

5.4.9.

L’étiquetage est essentiel lorsqu’il s’agit des consommateurs et de la transparence. Cependant, il ne constitue pas une panacée, et il pourrait en particulier ne pas être l’outil le plus approprié lorsqu’il s’agira de traiter de produits ou services de professionnel à professionnel. L’étiquetage devrait, le cas échéant, tenir compte de l’espérance de vie, et ne pas seulement se concentrer sur les performances énergétiques. Par exemple, un bâtiment peut avoir une notation élevée en raison de sa performance énergétique, mais également mériter une meilleure reconnaissance en raison des matériaux utilisés pour sa construction. De même, un produit complexe volumineux (par exemple un système de chauffage, de refroidissement ou de ventilation) pourrait bénéficier d’une plus grande reconnaissance en raison des matériaux qui le composent ou de leur réparabilité, leur remplaçabilité, leur durabilité et leur recyclabilité.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 82 du 3.3.2016, p. 6.

(2)  «Towards the circular economy: Opportunities for the consumer goods sector» (Vers une économie circulaire: opportunités pour le secteur des biens de consommation), Fondation Ellen MacArthur, 2013. Voir: https://www.ellenmacarthurfoundation.org/assets/downloads/publications/TCE_Report-2013.pdf

(3)  Rapport 2014 sur les indicateurs environnementaux: «Environmental impacts of production-consumption systems in Europe» (Incidences environnementales des systèmes de production et de consommation dans l’Union européenne), Agence européenne pour l’environnement, 2014. Voir: https://www.eea.europa.eu/publications/environmental-indicator-report-2014

(4)  «Design for sustainability — A step-by-step approach» (Conception pour la durabilité — Une approche graduelle), programme des Nations unies pour l’environnement et université de technologie de Delft, Paris et Delft, 2009. Voir:

http://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/8742/DesignforSustainability.pdf?sequence=3&isAllowed=y

(5)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 36.

(6)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 1.

(7)  «Circular by design — Products in the circular economy» (Circulaires par conception — Les produits dans le cadre de l’économie circulaire), Agence européenne pour l’environnement, rapport no 6-2017, juin 2017. Voir: https://www.eea.europa.eu/publications/circular-by-design. Le CESE examine actuellement le potentiel global des nouveaux modèles économiques durables dans un avis (SC/048) qui doit être adopté au cours du second semestre 2017.

(8)  JO C 226 du 16.7.2014, p. 1.

(9)  JO C 67 du 6.3.2014, p. 23.

(10)  «Circular by design — Products in the circular economy», Agence européenne pour l’environnement, op. cit., p. 31.

(11)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 28.

(12)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 98.


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/102


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Le rôle de la valorisation énergétique des déchets dans l’économie circulaire»

[COM(2017) 34 final]

(2017/C 345/17)

Rapporteur:

Cillian LOHAN

Corapporteur:

Antonello PEZZINI

Consultation

Commission européenne, 17 février 2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

15 juin 2017

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

140/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE soutient l’observance de la hiérarchie des déchets lorsque des décisions sont prises en matière de gestion des déchets (1), y compris les options de valorisation énergétique des déchets.

1.2.

Une stratégie coordonnée serait tout à fait pertinente pour diffuser le message de la première étape dans la hiérarchie des déchets, qui est d’abord et avant tout la prévention de la production de déchets.

1.3.

Le CESE souscrit au principe de la vérification de la durabilité des fonds publics européens à la lumière des objectifs de développement durable (ODD) (2) et à celui selon lequel tout financement public devrait contribuer à améliorer le bien-être des citoyens européens. Le financement public devrait également respecter le principe consistant à ne pas soutenir des activités portant préjudice aux citoyens.

1.4.

Les insuffisances dans les directives en vigueur en matière de gestion des déchets doivent être corrigées dans toute future législation afin de veiller à ce que la transition vers un modèle économique circulaire soit juste, cohérente et systémique.

1.5.

Il est important de ne pas créer d’entraves d’ordre infrastructurel à la réalisation de taux de recyclage plus élevés par des investissements dans des procédés de valorisation énergétique des déchets obsolètes.

1.6.

Même si la collecte séparée des déchets est une priorité, en particulier pour les États membres dépendant fortement de la mise en décharge, celle-ci doit également correspondre à une augmentation des taux de recyclage de sorte que la réalisation de la transition vers une meilleure circularité produise de la valeur.

1.7.

Le fait que certains États membres disposent à ce jour d’un grand nombre d’incinérateurs n’est pas cohérent avec l’ambition portée par les objectifs de recyclage plus élevés proposés dans le plan d’action en faveur de l’économie circulaire (3). Le défi consiste à faire en sorte que ces États membres accomplissent leur transition en se libérant de leur dépendance à l’égard de l’incinération au profit d’une gamme de solutions variées en matière de gestion des déchets, grâce à une action combinant des instruments d’incitation et de dissuasion tels que:

l’instauration de taxes,

la suppression progressive des dispositifs d’aide,

l’introduction d’un moratoire sur la construction de nouvelles installations et le déclassement des installations plus anciennes.

1.8.

La transition vers une économie circulaire a été entravée au sein de l’Union par une absence de signaux de prix corrects. Ce phénomène est accentué par la poursuite d’une politique d’attribution de subventions injustifiées aux systèmes de production non durables, en particulier au secteur des combustibles fossiles (4). Le CESE salue le lien explicite établi entre, d’une part, l’accès aux fonds de la politique de cohésion et, d’autre part, les plans nationaux de gestion des déchets et le plan d’action en faveur de l’économie circulaire. Le lien avec le Fonds européen pour les investissements stratégiques pourrait être renforcé.

1.9.

Le biogaz offre des possibilités sur de nombreux plans au niveau de l’Union: dans la création d’emplois, la réduction des émissions, le renforcement de la sécurité d’approvisionnement en carburant, etc. Le cadre législatif et politique qui soutient le mieux l’optimisation des possibilités qui s’y trouvent associées devrait être développé en utilisant les exemples de bonnes pratiques issues des États membres et de pays tiers.

1.9.1.

Le recours à la digestion anaérobie pour la production de biométhane utilisable comme carburant automobile s’inscrit dans le droit fil de l’accord de Paris. Une évaluation effectuée récemment par la Commission (5) révèle que la production de biogaz dans l’Union européenne pourrait au bas mot être multipliée par deux, voire par trois, d’ici 2030, par rapport aux niveaux actuels.

1.10.

Des changements comportementaux et culturels sont nécessaires et peuvent être réalisés grâce à l’éducation à tous les niveaux de la société.

2.   Contexte

2.1.

Le 2 décembre 2015, la Commission a adopté un plan d’action de l’Union européenne en faveur de l’économie circulaire, proposant un programme axé sur le changement doté d’un potentiel important en matière de croissance et de création d’emplois et visant à encourager les modes de consommation et de production durables, conformément aux engagements contractés par l’Union dans le cadre du programme de développement durable à l’horizon 2030. La communication porte essentiellement sur la valorisation énergétique des déchets et sur sa place dans l’économie circulaire. La valorisation énergétique des déchets est un terme générique qui va bien au-delà de l’incinération des déchets.

2.2.

Cette communication a pour principal objectif de faire en sorte que la valorisation énergétique des déchets dans l’Union soutienne les objectifs du plan d’action en faveur de l’économie circulaire et respecte scrupuleusement les principes de la hiérarchie des déchets de l’Union. Il examine également la manière d’optimiser le rôle des procédés de valorisation énergétique des déchets afin qu’ils contribuent à la réalisation des objectifs définis dans la stratégie pour l’union de l’énergie et dans l’accord de Paris. Dans le même temps, en mettant en avant les technologies économes en énergie dont l’efficacité est éprouvée, l’approche en matière de valorisation énergétique des déchets décrite dans la communication vise à encourager l’innovation et à contribuer à la création d’emplois permanents de qualité.

2.3.

Le présent avis établit la position du CESE sur chacun des trois volets de la communication, à savoir:

la position des procédés de valorisation énergétique des déchets dans la hiérarchie des déchets et le rôle du soutien financier public,

les procédés de valorisation énergétique pour le traitement des déchets résiduels — trouver le juste équilibre,

l’optimisation de la contribution des procédés de valorisation énergétique des déchets à la réalisation des objectifs climatiques et énergétiques de l’Union dans l’économie circulaire.

Par ailleurs, il établit un certain nombre de considérations supplémentaires qui, du point de vue de la société civile, méritent d’être prises en compte et sont fondées sur les positions adoptées actuellement par le CESE.

2.4.

Le CESE souligne la nécessité de faire face aux besoins immédiats de l’Union européenne en matière de gestion des déchets dans le contexte de la législation en vigueur et compte tenu des infrastructures de gestion des déchets existantes. Si certaines pratiques non optimales sont appelées à se poursuivre, la tendance générale à long terme va dans le sens d’un modèle faiblement producteur de déchets où la prévention des déchets, la réutilisation, la rénovation et le recyclage dominent la phase postérieure à l’utilisation des flux de matériaux. L’enjeu consiste à encourager une transition juste, rapide et constante orientée vers les objectifs à long terme.

2.5.

Pour une production moyenne de déchets urbains évaluée en 2015 à quelque 480 kg par habitant à l’échelle de l’Union, la quantité de déchets mis en décharge peut varier d’un pays à l’autre, allant de 3 kg dans les plus vertueux à plus de 150 kg dans les moins vertueux.

3.   Déterminer la position de la valorisation énergétique des déchets dans la hiérarchie des déchets et le rôle du soutien financier public

3.1.

Le CESE soutient l’observance de la hiérarchie des déchets lorsque des décisions sont prises en matière de gestion des déchets (6), y compris les options de valorisation énergétique des déchets.

3.2.

Il est important de noter que la valorisation énergétique des déchets n’est pas toujours une solution conforme aux ambitions ou aux principes de l’économie circulaire. Par exemple, l’incinération de déchets qui auraient pu être préparés pour une réutilisation ou recyclés n’est pas le meilleur choix du point de vue de l’utilisation efficace des ressources ou de l’utilisation optimale des matières premières. De la même façon, le fait de transporter des déchets sur de longues distances à un coût énergétique élevé pour obtenir des rendements énergétiques comparativement faibles à travers un processus de valorisation énergétique des déchets se traduirait par un coût énergétique net et une incidence climatique subséquente. Il existe d’autres exemples.

3.3.

Le diagramme montre la relation entre les procédés de valorisation énergétique des déchets figurant dans la communication et la hiérarchie des déchets.

Image

3.4.

La hiérarchie des déchets ne suffit pas en soi pour établir la pertinence des procédés de valorisation énergétique des déchets. Le CESE souscrit au principe de la vérification de la durabilité des fonds publics européens à la lumière des objectifs de développement durable (ODD) ainsi qu’à celui selon lequel tout financement public devrait contribuer à améliorer le bien-être des citoyens européens. Le financement public devrait également respecter le principe consistant à ne pas soutenir d’activités portant préjudice aux citoyens.

3.5.

Il importe que les faiblesses de la directive-cadre relative aux déchets ne se répercutent pas sur les initiatives en faveur de l’économie circulaire, par exemple, la possibilité pour un État membre d’être exempté des obligations en matière de collecte séparée, en raison d’une impossibilité technique ou financière de mettre celle-ci en œuvre. L’attention devrait se concentrer sur l’utilisation des fonds publics dans le but de surmonter les difficultés techniques, ou sur le recours à des instruments de politique économique pour lever les contraintes financières pesant sur la mise en œuvre des meilleures solutions. En ce qui concerne les matériaux contenant des substances toxiques, il y a de bonnes raisons de privilégier l’élimination ou la valorisation énergétique plutôt que la réutilisation ou le recyclage.

3.6.

La communication à l’examen constitue une évolution importante par rapport au plan d’action en faveur de l’économie circulaire, et fixe un niveau d’ambition élevé pour une plus grande efficacité des processus de valorisation énergétique, ainsi qu’une attention accrue à la hiérarchie des déchets comme facteur déterminant de la circularité des différents processus. Cependant, la législation sur laquelle cette communication se fonde, notamment la directive-cadre relative aux déchets, présente un certain nombre de failles historiques qui, si elles ne sont pas traitées, continueront de provoquer des difficultés et d’affaiblir cette même communication. Il est nécessaire de réviser la classification des déchets, éventuellement en s’appuyant sur les possibilités offertes par les nouvelles technologies dans les installations de revalorisation des déchets en énergie (par exemple, une tomate abîmée n’est pas mise sur le marché, tandis qu’une tomate invendue est considérée comme un déchet) incluant aussi le cas échéant les boues d’effluents urbains aux processus de digestion anaérobie. L’ambition de traiter ces questions dans le cadre du plan d’action pour l’économie circulaire doit se traduire par les modifications législatives qui s’imposent à tous les niveaux pertinents.

3.7.

La position des procédés de valorisation énergétique dans la hiérarchie des déchets peut être trompeuse en raison de contraintes liées à la manière dont les procédés sont traités par la législation. Cette position est définie sur la base des définitions qui figurent dans la législation plutôt que sur celle d’une analyse scientifique de l’impact réel de ces processus de valorisation énergétique des déchets.

3.8.

La directive-cadre relative aux déchets définit également certains aspects techniques de la méthode de calcul associés à des définitions et des seuils. Ce sont les méthodes de calcul qui déterminent la position des différents procédés de valorisation énergétique dans la hiérarchie des déchets. Le détail de ces calculs devrait faire l’objet d’un réexamen par la Commission afin de s’assurer de leur fiabilité dans le contexte de l’économie circulaire en particulier, mais aussi des objectifs de développement durable, de l’union de l’énergie et de l’accord de Paris.

3.9.

Les obligations de collecte séparée prévues par la législation européenne sur les déchets (7) constituent un facteur essentiel pour parvenir à une meilleure gestion des déchets.

3.10.

Les avancées technologiques vont continuer à offrir de meilleures possibilités pour maximiser l’efficacité des produits et des flux énergétiques, conduisant à des solutions innovantes favorisant des processus plus efficients.

3.11.

L’écoconception des biens et services, dotée d’un champ d’application plus étendu afin d’être totalement inclusive, en tant que partie intégrante d’un système paneuropéen, se traduira par une réduction à un niveau minimum des déchets lorsque l’économie circulaire sera parvenue à un stade abouti. La composante écoconception de cette approche est essentielle pour fournir des produits propres, réparables, réutilisables, recyclables et modulaires, et elle conduira in fine à l’élimination des déchets, au sens où nous les entendons aujourd’hui.

3.12.

Les évolutions évoquées plus haut vont conduire de plus en plus à une réduction de la disponibilité des déchets mélangés comme source d’alimentation des incinérateurs, et, par conséquent, les subventions qui leur sont affectées au niveau national devraient être progressivement supprimées, de même que l’on ne devrait plus envisager de nouveaux investissements dans ce domaine, sauf lorsqu’il s’agira de moderniser les infrastructures existantes et de les rendre plus efficaces sur le plan de l’utilisation des ressources et de l’énergie.

4.   Procédés de valorisation énergétique pour le traitement des déchets résiduels — trouver le juste équilibre

4.1.

Il est important de ne pas créer d’entraves d’ordre infrastructurel à la réalisation de taux de recyclage plus élevés par des investissements dans des procédés de valorisation énergétique des déchets obsolètes et inefficaces sur le plan énergétique.

4.2.

En 2013, ce sont quelque 2,5 millions de tonnes de combustibles dérivés de déchets qui ont été transférés entre États membres à des fins de valorisation énergétique (8).

4.3.

Les évaluations en matière de valorisation énergétique ne doivent pas ignorer cette composante transport, sachant que sa prise en compte dans le calcul des émissions associées aux différentes approches en matière de gestion des déchets peut permettre de déterminer l’incidence réelle du procédé en termes d’émissions.

4.4.

Sur le plan de la répartition des incinérateurs, on observe une division géographique de l’Europe. L’Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark, la Suède et l’Italie sont les pays d’Europe où les incinérateurs en activité sont les plus nombreux. De façon générale, de nombreux États membres continuent de dépendre exagérément de la mise en décharge. Un changement est nécessaire pour faire face aux nouveaux défis et atteindre les objectifs fixés dans la législation sur les déchets associée au plan d’action en faveur de l’économie circulaire.

4.5.

Les États membres présentant une forte dépendance à la mise en décharge et un recours faible, voire nul, à l’incinération devraient se concentrer au premier chef sur la collecte séparée. Parce qu’elle est essentielle pour la fourniture de déchets de bonne qualité qui présentent une grande valeur pour le recyclage, la collecte séparée à la source doit être encouragée.

4.6.

Toutefois, de nombreux exemples observés au niveau des États membres révèlent des taux élevés de collecte séparée qui ne sont pas proportionnés aux taux de recyclage. Des instruments politiques spécifiques doivent être élaborés pour corriger cette contradiction apparente.

4.7.

La communication à l’examen encourage les gouvernements nationaux à explorer d’autres solutions que les incinérateurs dans le cadre de leurs aides et stratégies financières, en examinant au préalable les délais d’amortissement, la disponibilité de matières premières et la capacité existante dans les pays voisins.

4.8.

L’utilisation d’un incinérateur d’un pays voisin peut représenter la meilleure option dans certains cas, mais avant de faire ce choix, il convient de mener une analyse complète du cycle de vie, intégrant nécessairement les coûts associés de transport, tant sur le plan économique qu’environnemental.

4.9.

Sauf dans certains cas très particuliers, et au vu des avancées technologiques, il est peu probable que le choix de l’incinération s’impose comme la solution la plus efficace sur le plan de l’utilisation des ressources ou celle qui réponde le mieux aux bonnes pratiques pour répondre aux défis en matière de gestion des déchets.

4.10.

Le fait que certains États membres disposent à ce jour d’un grand nombre d’incinérateurs n’est pas cohérent avec l’ambition portée par les objectifs de recyclage plus élevés. Le défi consiste à faire en sorte que ces États membres accomplissent leur transition en délaissant l’incinération grâce à une action combinant des instruments d’incitation et de dissuasion tels que:

l’instauration de taxes,

la suppression progressive des dispositifs d’aide,

l’introduction d’un moratoire sur la construction de nouvelles installations et le déclassement des installations plus anciennes.

4.11.

Le CESE souligne que le choix consistant à imposer une taxe générale sur l’incinération sans proposer d’autres solutions abordables accessibles à l’utilisateur final aura pour simple résultat d’augmenter les coûts pour les citoyens. Le recours à la fiscalité comme instrument économique doit être ciblé et intelligent.

4.12.

Il est nécessaire de disposer, dans chaque État membre, d’une procédure efficace pour la demande et l’octroi d’autorisations de mener des activités de gestion des déchets.

5.   Optimisation de la contribution des procédés de valorisation énergétique des déchets à la réalisation des objectifs climatiques et énergétiques de l’Union dans l’économie circulaire

5.1.

Le CESE convient que ce n’est que si la hiérarchie des déchets est respectée que la valorisation énergétique des déchets pourra maximiser la contribution de l’économie circulaire à la décarbonation, conformément à la stratégie pour une union de l’énergie et à l’accord de Paris. Le recours à la digestion anaérobie pour la production de biométhane utilisable comme carburant automobile s’inscrit dans le droit fil de l’accord de Paris. Les véhicules alimentés au biométhane peuvent contribuer efficacement à la décarbonation des transports en Europe.

5.2.

Afin d’optimiser la contribution des processus de valorisation énergétique des déchets aux objectifs européens en matière de climat et d’énergie dans le cadre de l’économie circulaire, il est nécessaire de veiller à ce que les techniques et les technologies les plus performantes soient utilisées chaque fois que des processus de valorisation énergétique des déchets sont nécessaires. Cette approche est cohérente avec les modifications à la directive sur les énergies renouvelables proposées par la Commission; cependant, la conformité à ces critères devrait être encouragée pour toutes les nouvelles installations, quelle que soit leur taille, y compris les petites installations de moins de 20 MW.

5.3.

La fiscalité sur la collecte des déchets a un impact croissant sur les ressources des ménages et des entreprises; elle devrait par conséquent être utilisée en suivant une approche prospective et qui tienne compte de la protection de l’environnement.

5.4.

Les secteurs public et privé devraient avoir la possibilité de collaborer à des projets à long terme avec pour visée d’instaurer une culture de la circularité qui soit plus concrète. La responsabilité sociale des entreprises peut également jouer un rôle important dans la transition vers des options de gestion des déchets plus durables.

5.5.

La transition vers une économie circulaire a été entravée au sein de l’Union par une absence de signaux de prix corrects. Ce phénomène est accentué par la poursuite d’une politique d’attribution de subventions injustifiées aux systèmes de production non durables, en particulier au secteur des combustibles fossiles (9). Le CESE salue le lien explicite établi entre, d’une part, l’accès aux fonds de la politique de cohésion et, d’autre part, les plans nationaux et régionaux de gestion des déchets et le plan d’action en faveur de l’économie circulaire.

5.6.

Le lien avec un financement du Fonds européen pour les investissements stratégiques pourrait être renforcé pour garantir que ces investissements ciblent en priorité les possibilités qui valorisent les objectifs du plan d’action en faveur de l’économie circulaire. Certaines primes pourraient être envisagées en vue de créer une chaîne adéquate en aval des installations, comme la distribution des carburants et/ou des matières premières secondaires, ou de créer de nouveaux produits pouvant être utilisés.

6.   Autres possibilités

6.1.    Biométhane

6.1.1.

Les options consistant à produire du biogaz par digestion anaérobie figurent dans la communication. Il y a là une opportunité à saisir pour plusieurs États membres, et elle devrait être amplifiée. Une évaluation effectuée récemment par la Commission (10) révèle que la production de biogaz dans l’Union européenne pourrait au bas mot être multipliée par deux, voire par trois, d’ici 2030, par rapport aux niveaux actuels.

6.1.2.

Le biogaz s’affirme comme un modèle qui marche dans de nombreux États membres, notamment en Italie et en Allemagne. À ce titre, ces pays peuvent également offrir des enseignements précieux, tirés des aspects pratiques de la mise en œuvre.

6.1.3.

À l’heure actuelle, le coût du biométhane est supérieur à celui du méthane fossile. Toutefois, l’utilisation du biométhane est justifiée par les coûts indirects induits par les agents mutagènes et cancérogènes — par exemple, le NOx et les fumées produites par les combustibles fossiles (11).

6.1.4.

Surtout, les coûts potentiellement plus élevés du biométhane s’inscrivent dans les objectifs consacrés par l’accord de Paris qui portent sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre produits par les carburants traditionnels (12).

6.1.5.

Il est essentiel que les matières premières utilisées aux fins de la digestion anaérobie aient un impact indirect faible ou nul sur le changement dans l’affectation des sols et n’exercent aucune influence négative sur la production alimentaire. Il est préférable de privilégier l’implantation d’installations de production de biogaz à proximité immédiate d’un site d’approvisionnement en matières premières (déchets agricoles principalement), ce qui constitue une solution en matière de gestion des déchets et de besoins en énergie. Il convient d’éviter que la construction de digesteurs anaérobies conduise à créer de la demande pour de nouveaux approvisionnements en matières premières, qu’il s’agisse de déchets ou de produits de l’agriculture.

6.1.6.

La question de l’implantation des installations de biogaz est cruciale. L’utilisation efficace de l’énergie produite doit être parfaitement démontrée, de sorte que l’énergie efficacement produite ne soit pas à son tour gaspillée. Il est également essentiel d’observer que les digesteurs anaérobies ne constituent aucunement une solution applicable à grande échelle à la totalité des régions agricoles de l’Union, et leur promotion devrait être limitée aux lieux disposant d’un stock de matières premières disponibles considérées comme des déchets problématiques.

6.1.7.

Toutefois, le développement d’une production de biogaz et une utilisation des infrastructures bien planifiés peuvent être des moyens très efficaces de traiter les déchets agricoles, voire les substances potentiellement nuisibles à l’environnement, et de faciliter leur élimination en toute sécurité. Il peut aussi y avoir là un moyen de répondre aux exigences des communautés locales en matière de combustible pour le chauffage et le transport.

6.1.8.

La digestion anaérobie peut contribuer à répondre aux problèmes de santé publique, fournir des fertilisants pour les sols, représenter une réduction des émissions et offrir un exemple concret de circularité.

6.1.9.

La digestion anaérobie peut être pleinement efficace lorsque les principes de l’économie circulaire sont appliqués, en particulier le concept de «circuit court», c’est-à-dire lorsque la matière première destinée aux digesteurs est d’origine locale et que l’énergie produite est utilisée localement (avec une exception lorsque le combustible est utilisé sous forme de gaz pour les camions). Les investissements doivent appuyer l’objectif de réduction des déchets en limitant leur trajet à une distance aussi proche que possible de zéro kilomètre.

6.1.10.

Il convient d’analyser et de mettre en évidence les effets que l’intégration d’une composante biogaz au bouquet énergétique national ou régional aurait sur la relance de l’emploi et de l’économie. Il faudrait également examiner les solutions susceptibles de faciliter et d’accélérer les procédures administratives d’octroi de permis de construire pour les projets de digesteurs de biodéchets.

6.1.11.

Le soutien politique et économique apporté à des projets qui répondent à tous les critères définis aura pour effet de stimuler l’innovation et pourra constituer l’un des nombreux outils contribuant à la transition vers une économie à faible intensité de carbone.

6.1.12.

Il convient d’achever la révision du mandat M475 du CEN pour pouvoir injecter dans le réseau de gaz naturel le biométhane produit à partir de sources qui ne sont pas autorisées actuellement telles que le gaz de décharge et les gaz résultant des processus d’épuration, des boues, des déchets urbains et non urbains mélangés. Ce biométhane est déjà très facile à trouver.

6.1.13.

Le Fonds européen pour les investissements stratégiques joue un rôle déterminant dans la réalisation des processus de digestion anaérobie pour des projets qui ne sont pas encore viables sur le plan financier.

6.1.14.

Des mesures incitatives du type de celles utilisées ordinairement au profit de l’industrie des énergies fossiles devraient être encouragées pour favoriser l’usage de véhicules propulsés au biogaz. Ces mesures incitatives devraient bénéficier à l’utilisateur final en offrant à la consommation des solutions de transport alternatives abordables et accessibles.

6.2.    Changement culturel et éducation

6.2.1.

Il est nécessaire de reconnaître les enjeux liés aux différences culturelles. Les changements de comportement pour ce qui concerne la séparation des déchets à la source devraient être considérés comme un changement culturel nécessaire. De nombreux outils peuvent être utilisés pour atteindre cet objectif et notamment le concept fondamental du nudge  (13).

6.2.2.

Une stratégie coordonnée serait tout à fait pertinente pour diffuser le message de la première étape dans la hiérarchie des déchets, qui est d’abord et avant tout la prévention de la production de déchets.

6.2.3.

Un changement des comportements peut également être obtenu en développant des programmes spécifiques destinés aux établissements scolaires. Une telle démarche devrait s’appliquer à tous les niveaux du système éducatif, des écoles maternelle et primaire à l’Université, ainsi qu’à la formation en milieu professionnel, pour faire en sorte que l’éducation et la formation des jeunes et des citoyens s’inscrivent dans une approche à long terme.

6.2.4.

Les universités et les organismes publics peuvent contribuer à créer la légitimité requise pour les technologies et les pratiques nouvelles et, en tant que telles, peuvent servir de modèles de bonnes pratiques et d’ambassadeurs régionaux pour des processus de valorisation énergétique des déchets (14).

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis sur CESE sur le Paquet «Économie circulaire», paragraphe 4.3 (JO C 264 du 20.7.2016, p. 98).

(2)  Avis du CESE sur «Le développement durable — Recensement des politiques intérieures et extérieures de l’Union européenne», paragraphe 4.3.5.5 (JO C 487 du 28.12.2016, p. 41).

(3)  «Boucler la boucle — Un plan d’action de l’Union européenne en faveur de l’économie circulaire», communication de la Commission européenne [COM(2015) 614 final] du 2 décembre 2015.

(4)  David Coady, Ian Parry, Louis Sears, Baoping Shang, How Large Are Global Energy Subsidies? («Quel est le volume des subventions énergétiques à l’échelle mondiale?»), document de travail du FMI, WP/15/105, mai 2015.

(5)  Optimal use of biogas from waste streams An assessment of the potential of biogas from digestion in the EU beyond 2020 (Utilisation optimale du biogaz produit à partir de flux de déchets: Une évaluation du potentiel du biogaz issu de la digestion anaérobie dans l’Union européenne après 2020), Commission européenne, mars 2017.

(6)  Avis du CESE sur le Paquet «Économie circulaire», paragraphe 4.3 (JO C 264 du 20.7.2016, p. 98).

(7)  La directive 2008/98/CE, et en particulier ses articles 11 (le papier, le métal, le plastique et le verre et les déchets de construction et de démolition) et 22 (biodéchets) (JO L 312 du 22.11.2008, p. 3).

(8)  European Topic Centre on Waste and Materials in a Green Economy (ETC/WMGE), Assessment of waste incineration capacity and waste shipments in Europe, janvier 2017.

(9)  David Coady, Ian Parry, Louis Sears, Baoping Shang, How Large Are Global Energy Subsidies? («Quel est le volume des subventions énergétiques à l’échelle mondiale?»), document de travail du FMI, WP/15/105, mai 2015.

(10)  Optimal use of biogas from waste streams An assessment of the potential of biogas from digestion in the EU beyond 2020 (Utilisation optimale du biogaz produit à partir de flux de déchets: Une évaluation du potentiel du biogaz issu de la digestion anaérobie dans l’Union européenne après 2020), Commission européenne, mars 2017.

(11)  COM(2017) 11 final — 2017/04 (COD).

(12)  «L’opera loda l’artefice», pour reprendre la formule de Machiavel.

(13)  Avis du CESE «Pour la prise en compte du “nudge” dans les politiques européennes» (JO C 75 du 10.3.2017, p. 28).

(14)  Un certain nombre d’exemples existent d’ores et déjà dans les États membres, parmi lesquels celui de l’University College de Cork (Irlande) qui dispose de ses propres digesteurs anaérobies à petite échelle, qui fonctionnent au service de la recherche.


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/110


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2011/65/UE relative à la limitation de l’utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques»

[COM(2017) 38 final — 2017/0013 (COD)]

(2017/C 345/18)

Rapporteur:

Brian CURTIS

Consultation

Conseil, 20 février 2017

Parlement européen, 1er février 2017

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

15 juin 2017

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

526

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

139/0/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE estime que la modification de cette directive est à la fois opportune et nécessaire pour éviter les entraves aux échanges et les distorsions de la concurrence au sein de l’Union européenne.

1.2.

Le CESE note qu’une large consultation des parties prenantes et une analyse d’impact ont été effectuées et que leurs résultats sont pris en compte dans la proposition de la Commission.

1.3.

Le CESE est favorable, pour des raisons économiques et culturelles, à l’exclusion des orgues à tuyaux du champ d’application de la directive, laquelle permettra d’éviter une perte pouvant aller, selon les estimations, jusqu’à 90 % des emplois dans ce secteur, ainsi qu’une perte annuelle pouvant atteindre 65 millions d’EUR d’ici 2025.

1.4.

Le CESE est également favorable à l’exclusion des engins mobiles non routiers avec commande de dispositif de déplacement du champ d’application de la directive. Elle permettra de soutenir le développement de l’industrie dans le secteur en éliminant des distorsions dans le traitement des engins.

1.5.

Le CESE est d’avis que, pour réaliser la première priorité dans la hiérarchie des déchets, à savoir la prévention des déchets, cette directive seule ne suffira pas. Il recommande l’utilisation combinée de la directive LdSD, de la directive relative à l’écoconception et de la directive relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (directive DEEE) pour atteindre les objectifs fixés.

2.   Observations générales

2.1.    Justification et objectifs de la proposition

2.1.1.

La directive 2011/65/UE (la directive LdSD 2) établit des règles concernant la limitation de l’utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques (EEE). Les dispositions de cette directive s’appliquent à tous les EEE mis sur le marché de l’Union, qu’ils soient produits dans l’Union européenne ou dans des pays tiers. La directive LdSD 2 concerne principalement les fabricants industriels, les importateurs et les distributeurs d’EEE, ainsi que les clients de ces équipements.

2.1.2.

La directive LdSD 2 porte sur la première priorité dans la hiérarchie des déchets, à savoir la prévention des déchets. Celle-ci comporte notamment des mesures visant à réduire la teneur en substances nocives des matières et produits. Le fait de réduire la quantité de substances dangereuses dans les déchets électriques et électroniques a des retombées positives sur la gestion de ces déchets. La réutilisation des produits et le recyclage des matériaux usagés sont favorisés, ce qui soutient l’économie circulaire.

2.1.3.

La directive LdSD 2 est nécessaire pour éviter les entraves aux échanges et les distorsions de la concurrence dans l’Union européenne qui pourraient se produire en cas de disparités entre les dispositions législatives ou administratives limitant l’utilisation de substances dangereuses dans les EEE dans différents États membres. Elle contribue aussi à la protection de la santé humaine et à la valorisation et à l’élimination écologiquement rationnelles des déchets d’équipements électriques et électroniques.

2.1.4.

La directive LdSD 2 est une refonte de la précédente directive LdSD (directive 2002/95/CE ou LdSD 1). Ces deux directives ont entraîné une réduction de l’utilisation de matières dangereuses partout dans le monde: plusieurs pays, parmi lesquels la Chine, la Corée et les États-Unis, ont élaboré une législation allant dans le sens des directives LdSD. La directive LdSD 2 a introduit de nouvelles définitions et étendu le champ d’application aux dispositifs médicaux et aux instruments de contrôle et de surveillance. L’incidence de ces dispositions a été évaluée au moment où la Commission a présenté sa proposition en 2008. La directive LdSD 2 a également introduit d’autres modifications, telles que l’élargissement du champ d’application à une nouvelle catégorie 11 «Autres EEE n’entrant pas dans les autres catégories». Ces modifications rendent la directive applicable à tous les EEE (à l’exception des équipements explicitement exclus de son champ d’application) et permettent une interprétation plus large de ces équipements, fondée sur une nouvelle définition de la dépendance à l’égard de l’électricité. Ces dispositions élargissant le champ d’application n’ont pas été spécifiquement évaluées lorsqu’elles ont été introduites par la directive LdSD 2.

2.1.5.

La Commission a pour mandat d’examiner la nécessité de modifier le champ d’application de la directive en vertu de l’élargissement du champ d’application introduit lors de la refonte de 2011. La Commission a procédé à cette évaluation et a recensé un certain nombre de problèmes liés au champ d’application de la directive LdSD 2 qui doivent être résolus afin d’éviter que la législation n’ait des effets non désirés. En l’absence d’une proposition de la Commission, les problèmes suivants se poseraient après le 22 juillet 2019:

interdiction des opérations sur le marché secondaire (par exemple, revente, marché de l’occasion) pour les EEE nouvellement intégrés dans le champ d’application. C’est ce que l’on appelle l’arrêt forcé,

arrêt de la possibilité d’utiliser des pièces détachées pour réparer un sous-élément d’un EEE nouvellement intégré dans le champ d’application, dès lors qu’il a été légalement mis sur le marché avant cette date,

différence de traitement (exerçant un effet de distorsion) entre engins mobiles non routiers connectés par câble et engins, identiques par ailleurs, alimentés par une pile ou un moteur (actuellement exclus du champ d’application de la directive LdSD),

interdiction de fait de la mise sur le marché de l’Union européenne d’orgues à tuyaux (non conformes à la directive LdSD en raison du plomb utilisé pour produire le son voulu).

Ces quatre problèmes pourraient affecter le marché de l’Union européenne, les fabricants et les citoyens, et avoir des retombées économiques, environnementales, sociales et culturelles négatives.

La proposition de la Commission traite donc des problèmes liés au champ d’application qui ne peuvent être résolus ni par le remplacement d’une substance ni par des exemptions et des orientations, par exemple, pour des groupes de produits spécifiques rencontrant des problèmes permanents de conformité ou lorsque les dispositions relatives au champ d’application génèrent des distorsions du marché, à savoir:

opérations sur le marché secondaire pour les EEE couverts par la directive LdSD 2 qui ne relevaient pas du champ d’application de la directive LdSD 1,

pièces détachées pour les EEE couverts par la directive LdSD 2 qui ne relevaient pas du champ d’application de la directive LdSD 1,

engins mobiles non routiers connectés par câble avec commande de dispositif de déplacement,

orgues à tuyaux.

La proposition tient également compte des enseignements tirés de la mise en œuvre de la directive LdSD 2, conformément à ses objectifs généraux et exigences de clarté juridique.

2.2.    Analyse d’impact

2.2.1.

Dans son rapport d’analyse d’impact, la Commission a indiqué que le rétablissement du marché secondaire et la disponibilité accrue de pièces détachées pour certains EEE auront les incidences positives suivantes:

réduction des coûts et de la charge administrative pour les entreprises, notamment les PME, et pour les pouvoirs publics,

débouchés supplémentaires offerts aux industries de réparation et à la vente sur le marché secondaire,

effets sociaux positifs, y compris pour les hôpitaux de l’Union, qui économiseraient environ 170 millions d’EUR après 2019 grâce à la possibilité de revendre et d’acheter des dispositifs médicaux usagés,

avantages environnementaux en termes de réduction de la production globale de déchets: la possibilité de prolonger l’utilisation des EEE reportera leur fin de vie et leur élimination, retardant ainsi la production de déchets dangereux (DEEE). Dans la plupart des cas, l’impact environnemental de la production de pièces détachées supplémentaires est négligeable par rapport à l’avantage que présente le maintien en service de l’équipement dans son ensemble. Cette mesure évitera la création de plus de 3 000 tonnes de déchets dangereux par an dans l’Union européenne, ce qui permettra de soutenir l’économie circulaire. La durée de vie plus longue des EEE entraînera également des économies supplémentaires d’énergie et de matières premières.

3.   Cohérence avec les dispositions en vigueur dans le domaine d’action

3.1.

En s’attaquant aux opérations sur le marché secondaire, la proposition vise à rétablir la parfaite cohérence de la directive LdSD 2 avec les principes généraux de l’Union en matière de législation sur les produits.

3.2.

La directive LdSD 2 prévoit qu’un EEE qui ne relevait pas du champ d’application de la directive LdSD 1 mais qui ne respecterait pas la directive LdSD 2 peut continuer à être mis à disposition sur le marché jusqu’au 22 juillet 2019. Après cette date, toutefois, aussi bien la première mise sur le marché que les opérations sur le marché secondaire (par exemple, la revente) des EEE non conformes seront interdites. Les EEE concernés par cet arrêt forcé des opérations sur le marché secondaire sont les dispositifs médicaux, les instruments de contrôle et de surveillance et d’autres EEE nouvellement intégrés dans le champ d’application. Cet obstacle aux opérations sur le marché secondaire va à l’encontre de l’harmonisation générale de la réglementation de l’Union européenne sur les produits. La Commission propose donc de supprimer l’arrêt forcé des opérations sur le marché secondaire.

3.3.

La directive LdSD 2 prévoit une exception (à la limitation générale des substances) pour les câbles et les pièces détachées destinées à la réparation, au réemploi, à la mise à jour des fonctionnalités ou au renforcement de la capacité des groupes d’EEE entrant progressivement dans son champ d’application. Toutefois, les EEE nouvellement intégrés dans le champ d’application, autres que les dispositifs médicaux et que les instruments de contrôle et de surveillance, ne sont pas énumérés. Il en résulte une impossibilité d’utiliser des pièces détachées après le 22 juillet 2019 et une différence de traitement injustifiée. La Commission propose par conséquent d’introduire une disposition spécifique visant à exclure les pièces détachées de la limitation applicable aux substances dangereuses, afin de permettre la réparation à tout moment de tous les EEE relevant du champ d’application de la directive LdSD 2 qui ont été mis sur le marché de l’Union.

3.4.

La directive LdSD 2 énumère dix types spécifiques d’équipement qui sont exclus des dispositions élargissant le champ d’application. Parmi ceux-ci, un type d’équipement («engins mobiles non routiers destinés exclusivement à un usage professionnel») comprend uniquement des engins disposant d’un bloc d’alimentation embarqué. Il résulte de cette disposition que des types d’engins qui sont pour le reste identiques sont soumis à deux régimes réglementaires différents pour la seule raison que leur source d’alimentation est différente (embarquée ou externe). La Commission propose de modifier la définition des «engins mobiles non routiers destinés exclusivement à un usage professionnel» pour tenir également compte des engins avec commande de dispositif de déplacement.

3.5.

La Commission propose aussi d’ajouter à la liste des équipements exclus les orgues à tuyaux du fait de l’absence de solutions de substitution.

3.6.

Au titre de la directive LdSD 2, les exemptions à la limitation des substances devraient avoir une durée limitée.

3.7.

Bien que l’article 5, paragraphe 5, ne prévoie pas de délai spécifique pour que la Commission se prononce sur des demandes concernant de nouvelles exemptions, celle-ci est tenue de se prononcer sur les demandes de renouvellement d’exemptions existantes au plus tard six mois avant l’expiration de l’exemption, ce qui s’est révélé irréalisable en pratique. Si l’on y ajoute l’exigence selon laquelle une demande de renouvellement doit être introduite au plus tard 18 mois avant l’expiration de l’exemption, cela signifie que la Commission doit se prononcer dans un délai de douze mois après le dépôt de la demande, sauf si des circonstances spécifiques justifient un autre délai. Le respect de ce délai est de fait impossible en raison des nombreuses étapes obligatoires de la procédure nécessaires à l’évaluation d’une demande de renouvellement. Par conséquent, la disposition fixant un délai pour que la Commission se prononce sur une demande de renouvellement d’exemption devrait être supprimée.

4.   Cohérence avec les autres politiques de l’Union européenne

4.1.

Les changements apportés dans la présente proposition ne modifient pas l’approche fondamentale de la directive LdSD 2 ni sa conformité aux autres législations. La directive LdSD 2 et le règlement REACH sont cohérents en termes d’interaction politique.

4.2.

La directive LdSD 2 va également dans le sens d’autres actes législatifs applicables aux produits, tels que la directive 2012/19/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques et la directive 2000/53/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux véhicules hors d’usage. D’autres actes législatifs de l’Union européenne peuvent contenir des obligations liées à la phase d’utilisation des EEE, mais celles-ci ne se superposent pas aux exigences de la directive LdSD 2.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/114


Avis du Comité économique et social européen «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — L’examen de la mise en œuvre de la politique environnementale de l’Union européenne: défis communs et comment conjuguer nos efforts pour produire de meilleurs résultats»

[COM(2017) 63 final]

(2017/C 345/19)

Rapporteur:

M. Mihai MANOLIU

Consultation

23 mars 2017

Base juridique

Articles 33 et 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision de l’assemblée plénière

24 janvier 2017

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

15 juin 2017

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

139/1/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

De l’avis du CESE, l’examen de la mise en œuvre de la politique environnementale de l’Union européenne (Environmental Implementation Review — EIR) révèle que, dans de nombreux États membres, l’application insuffisante, fragmentée et inégale de la législation environnementale européenne constitue un problème sérieux. Derrière les causes profondes de cette mise en œuvre lacunaire que l’EIR met en avant, il semblerait qu’il y ait, de la part de nombreux gouvernements des États membres, un manque de volonté politique de faire de l’amélioration notable de cette mise en œuvre une priorité et de fournir des ressources suffisantes à cette fin. Les rapports par pays relatifs à l’EIR montrent clairement l’étendue des efforts que l’Union européenne doit consentir pour atteindre les objectifs et les étapes fixés dans le cadre du septième programme d’action pour l’environnement (7e PAE), à savoir:

protéger, conserver et améliorer le capital naturel de l’Union,

faire de l’Union une économie efficace dans l’utilisation des ressources, verte, compétitive et à faibles émissions de CO2,

protéger les citoyens de l’Union contre les pressions et les risques pour la santé et le bien-être liés à l’environnement.

1.2.

Le CESE souligne que la mise en œuvre adéquate de l’acquis environnemental de l’Union européenne est dans l’intérêt des citoyens européens et présente de véritables avantages sur le plan économique et social. La santé des citoyens exige un environnement sain. Des écosystèmes qui fonctionnent sont une condition préalable pour les activités agricoles et nombre d’autres activités économiques. Une mise en œuvre homogène des normes environnementales dans l’ensemble des États membres garantit des conditions de concurrence équitables pour les entreprises. Convertir l’économie à des pratiques responsables sur le plan de l’environnement présente un potentiel important pour la modernisation et l’innovation économiques, les débouchés commerciaux et les possibilités d’emploi ainsi que de bonnes conditions de travail.

1.3.

La mise en œuvre relève principalement de la compétence des États membres, alors que la Commission joue un rôle important pour garantir que cette mise en œuvre s’opère d’une manière appropriée et homogène. La volonté politique, l’intégration des politiques environnementales et des autres politiques et la participation active de la société civile dans les processus de décision et de réexamen sont des conditions préalables essentielles à la mise en œuvre réussie de la législation environnementale au niveau des États membres.

1.4.

Les citoyens européens apprécient le fait que l’Union européenne soit dotée de normes environnementales élevées. Or, la mise en œuvre lacunaire de ces normes sape la crédibilité de l’Union européenne du point de vue de sa capacité à s’assurer qu’elles sont appliquées de manière uniforme par tous ses États membres.

1.5.

Le CESE accueille favorablement l’EIR en tant qu’il constitue une nouvelle approche et une étape importante d’un processus continu visant à faire en sorte que la Commission et les États membres s’engagent conjointement à améliorer la mise en œuvre des politiques et de la législation en matière d’environnement. Il convient de poursuivre ce processus en accordant l’attention requise aux synergies, à la globalité de l’approche, à la transparence et à l’inclusivité.

1.6.

Le CESE approuve l’approche stratégique intégrée de l’EIR et souligne qu’elle doit aussi s’appliquer à l’intégration des politiques environnementales et sociales. La mise en œuvre des objectifs environnementaux ne pourra être améliorée qu’à la condition de se pencher attentivement sur leurs incidences sociales — à savoir leurs conséquences pour le marché du travail et les consommateurs, notamment les groupes vulnérables — et de les prendre en compte de manière proactive. Les instruments fondés sur le marché, par exemple les réformes de la fiscalité environnementale, constituent des outils importants pour atteindre les objectifs établis dans les réglementations relatives à l’environnement. Dans ce contexte, le CESE souligne qu’il faut mettre à exécution les engagements pris en faveur de la suppression progressive des subventions préjudiciables à l’environnement.

1.7.

Il conviendra, dans les années à venir, de développer encore l’EIR en étendant son champ d’application à d’autres domaines de la législation pertinents du point de vue de l’environnement, tels que la réglementation relative au climat et aux produits chimiques.

1.8.

Il convient d’envisager la mise en œuvre de la politique environnementale conjointement avec celle d’autres domaines d’action, de manière intégrée. Afin de faciliter l’émergence de solutions transversales, il conviendrait d’organiser des discussions communes entre le Conseil «Environnement» et d’autres formations du Conseil. Il convient de clarifier plus avant la relation entre le semestre européen et l’EIR afin de garantir que le potentiel des différents instruments existants soit exploité de manière optimale.

1.9.

Le CESE salue les efforts déployés par la Commission pour instaurer des dialogues structurés avec les gouvernements des États membres sur la base des conclusions des rapports par pays. Pour être efficaces, ces dialogues doivent être transparents et déboucher sur des conclusions et un suivi clairs. Il conviendrait d’envisager et d’établir, à destination de toutes les parties associées, un ensemble de conditions préalables pour des processus de dialogue efficaces.

1.10.

Le CESE fait valoir que la mise en œuvre efficace des mesures de protection de l’environnement dépend en partie de l’octroi d’un rôle actif à la société civile — employeurs, salariés et autres représentants de la société — en permettant aux citoyens d’assumer des fonctions de contrôle de la bonne application de la législation en matière d’environnement par le libre accès à l’information environnementale, la participation à l’élaboration de la politique en la matière et l’accès à la justice. Les citoyens doivent avoir accès à des rapports exacts concernant la mise en œuvre de la législation environnementale à l’endroit où ils vivent ou travaillent. Toutes les évolutions positives en matière de protection de l’environnement ont eu lieu également grâce à la participation substantielle de la société civile, véritable gardienne de la démocratie.

1.11.

Le CESE regrette que l’EIR ne tienne pas suffisamment compte du rôle central joué par la société civile. Une participation plus forte de celle-ci serait de nature à renforcer le projet EIR. Les organisations de la société civile au niveau national doivent être mises en mesure de contribuer, par leurs connaissances et leurs compétences, aux rapports par pays ainsi qu’aux dialogues structurés nationaux et à leur suivi. Le CESE se dit prêt à faciliter le dialogue de la société civile au niveau de l’Union européenne.

2.   Introduction

2.1.

En mai 2016, la Commission a lancé l’examen de la mise en œuvre de la politique environnementale (Environmental Implementation Review — EIR) (1) afin d’améliorer la mise en œuvre de la législation environnementale dans les États membres de l’Union européenne. L’EIR est un instrument politique coopératif basé sur l’information qui n’introduit pas d’exigences légales ni d’obligation de déclaration. Il a été conçu pour être un processus continu comprenant des rapports par pays bisannuels réalisés par la Commission et des dialogues avec les États membres.

2.2.

En février 2017, la Commission a publié la première série de 28 rapports par État membre ainsi qu’une communication sur l’EIR comprenant un résumé des résultats et conclusions et la liste des mesures que la Commission entend adopter.

3.   Observations générales

3.1.

L’Union européenne dispose d’un acquis complet en matière de législation environnementale. Toutefois, sa mise en œuvre adéquate constitue un sérieux problème. Les rapports par pays relatifs à l’EIR montrent que l’application de la législation environnementale dans les États membres de l’Union est fragmentée et inégale. L’EIR décrit correctement les effets positifs d’une mise en œuvre adéquate de cette législation en termes de qualité de vie pour les citoyens européens, de conditions de concurrence équitables pour les entreprises et de création d’emplois (2). Les coûts de non-application sont estimés à 50 milliards d’EUR par an (3).

3.2.

Le septième programme d’action pour l’environnement (7e PAE), adopté par le Parlement européen et le Conseil en 2013 (4), a fait de l’amélioration de la mise en œuvre de la législation une de ses priorités essentielles. Le CESE se félicite que la Commission concrétise ce vœu à travers l’EIR.

3.3.

Les rapports par pays reprennent de manière synthétique des informations qui ne sont pas complètement nouvelles. Toutefois, ils présentent une valeur ajoutée manifeste en ce qu’ils abordent, pour la première fois, les lacunes de mise en œuvre de manière complète et transversale, en prenant en compte les principaux domaines de la législation environnementale et l’ensemble des États membres. Ce nouveau niveau d’évaluation permet d’analyser les causes profondes et les obstacles structurels communs à plusieurs pays, en vue de garantir une meilleure mise en œuvre et de mettre en place des remédiations et des outils de facilitation.

3.4.

L’approche adoptée par l’EIR permet en outre de passer d’une stratégie consistant à réagir à la mise en œuvre insuffisante de la législation par des procédures d’infraction à une stratégie fondée sur des mesures proactives visant à remédier aux causes profondes de cette application lacunaire. Toutefois, la mise en œuvre de la législation de l’Union européenne en matière d’environnement relève principalement de la compétence des États membres. Il faut reconnaître que dans bien des cas, derrière les causes profondes de la mise en œuvre lacunaire que l’EIR met en évidence, se cache le manque de volonté politique dont font preuve de nombreux gouvernements des États membres lorsqu’il s’agit de faire de l’amélioration notable de cette mise en œuvre une priorité et de fournir des ressources suffisantes à cette fin (5). Aussi le CESE apprécierait-il que l’EIR contribue à faire de la nécessité d’améliorer la mise en œuvre une des priorités de l’agenda politique des États membres de l’Union européenne et des réunions du Conseil.

3.5.

La Commission doit remédier à l’application insuffisante de la législation de l’Union européenne par les États membres en recourant à des mesures appropriées et strictes, y compris des procédures d’infraction. Le CESE se dit préoccupé par le fait que de telles mesures n’aient pas été, jusqu’à présent, efficaces. Une des raisons pour lesquelles les citoyens européens apprécient l’Union européenne est qu’elle est dotée de normes environnementales élevées. C’est pourquoi la mise en œuvre médiocre de ces normes sape la crédibilité de l’Union européenne vis-à-vis de ses citoyens.

3.6.

Les rapports par pays constituent une bonne base pour un instaurer un dialogue structuré entre la Commission et chaque État membre; ils donnent en outre aux États membres la possibilité d’apprendre les uns des autres, de recenser les problèmes communs et de tirer les leçons des meilleures pratiques, en vertu du principe suivant lequel le pouvoir réside dans le partage.

3.7.

Les citoyens, les communautés locales et les entreprises étant les véritables acteurs de la concrétisation des mesures environnementales, la société civile doit jouer un rôle actif dans l’EIR. Il est indispensable de faire de la société civile un partenaire dans le cadre de cet effort.

3.8.

Le CESE se félicite que la Commission considère la participation de la société civile comme un atout important pour le suivi de l’EIR. Toutefois, la communication relative à l’EIR est encore vague sur les modalités de cette participation. Il convient de garantir qu’elle ait lieu tout au long du processus de l’EIR, et pas seulement dans sa phase de suivi. C’est un aspect de l’EIR qu’il y aurait lieu de développer.

4.   Observations particulières

4.1.    Champ d’application de l’EIR

4.1.1.

Jusqu’à présent, l’EIR concerne les domaines suivants: économie circulaire et gestion des déchets, nature et biodiversité, qualité de l’air, bruit, qualité et gestion de l’eau — soit une large partie des domaines couverts par la législation environnementale. Pour le cycle suivant, il conviendra d’intégrer d’autres secteurs qui sont étroitement liés à ces domaines d’action. Cela concerne en particulier l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à celui-ci, thèmes clés pour de nombreuses politiques en matière d’environnement, notamment la protection de la nature et de la biodiversité et la gestion de l’eau. L’application de la réglementation sur les produits chimiques est essentielle pour un environnement sain, le bien-être et une économie circulaire propre.

4.2.    Rapports par pays

4.2.1.

Les rapports par pays donnent un excellent aperçu des défis environnementaux auxquels chaque État membre est confronté et des résultats qu’il obtient dans la mise en œuvre de la législation environnementale. Le CESE se félicite également que les rapports par pays fassent référence aux objectifs de développement durable liés à ces défis. Cela montre que l’amélioration des performances environnementales s’inscrit dans une approche plus large de développement durable, qui vise à atteindre un progrès économique, social et environnemental de manière intégrée, holistique et équilibrée.

4.2.2.

Par ailleurs, les rapports par pays ont une valeur ajoutée pour les citoyens et les organisations de la société civile des différents pays: ils ne se contentent pas de fournir aux parties prenantes non-gouvernementales une vision d’ensemble claire de la situation dans leur pays, mais leur permettent aussi de comparer les résultats de celui-ci avec ceux des autres États membres et de recenser tant les lacunes que les potentialités inexploitées. Les rapports par pays doivent être considérés comme un outil précieux qui permet à la société civile de chaque État membre de l’Union européenne de demander des comptes à son gouvernement pour ce qui est de garantir un environnement sain. Ils permettent à la société civile de faire pression pour une meilleure mise en œuvre de la législation environnementale.

4.2.3.

Ce potentiel pourrait toutefois être renforcé plus avant en associant encore davantage la société civile à l’élaboration des rapports par pays, aux dialogues structurels et au suivi, ainsi qu’à l’examen des rapports au cours du prochain cycle de deux ans. Les organisations de la société civile disposent de connaissances importantes susceptibles de contribuer au recensement des principaux défis environnementaux auxquels leurs pays respectifs sont confrontés. Il serait donc souhaitable qu’elles soient consultées dès le départ.

4.2.4.

Pour faire de l’EIR un processus continu, il importera de suivre les progrès réalisés dans la mise en œuvre des recommandations formulées lors des précédents cycles de rapports par pays et de synthétiser les résultats au cours du cycle EIR suivant.

4.3.    Causes profondes des lacunes de mise en œuvre et outils de facilitation en vue d’améliorations

4.3.1.

Le CESE se félicite que la Commission voie dans l’EIR une possibilité d’analyser les causes profondes communes des défaillances de mise en œuvre. L’évaluation initiale à laquelle procède la communication devrait se poursuivre avec les États membres, en tenant compte de l’expérience directe et des connaissances dont disposent les parties prenantes non-gouvernementales ainsi que des recherches réalisées par les universitaires, les groupes de réflexion et le réseau de l’Union européenne pour l’application et le respect du droit de l’environnement (IMPEL).

4.3.2.

La Commission a déjà recensé d’importantes causes profondes communes: coordination défaillante des autorités locales, régionales et nationales, manque de capacités administratives et financements insuffisants, connaissances et données insuffisantes, défaillance des mécanismes d’assurance de la conformité, et défaut d’intégration et de cohérence des politiques.

4.3.3.

La Commission donne quelques pistes pour améliorer la coordination et l’intégration des politiques, par exemple de recourir à une approche coordonnée pour les politiques en matière de qualité de l’air et de mobilité. Le CESE approuve cette approche stratégique intégrée et souligne qu’elle doit aussi s’appliquer à l’intégration des politiques environnementales et sociales. La mise en œuvre des objectifs environnementaux ne pourra être améliorée qu’à la condition de se pencher attentivement sur leurs incidences sociales — à savoir leurs conséquences pour le marché du travail et les consommateurs, notamment les groupes vulnérables — et de les prendre en compte de manière proactive.

4.3.4.

En dernière analyse, il apparaît que le manque de volonté politique est sous-jacent à nombre de ces problèmes (6). Il importera donc que l’EIR réalise son objectif de faire reconnaître la mise en œuvre de la législation environnementale en tant que problème politique et parvienne à en faire une priorité de l’agenda de l’Union européenne.

4.3.5.

Le CESE souligne aussi que pour une mise en œuvre adéquate, une condition préalable est que les autorités disposent des compétences et connaissances requises. En outre, la sensibilisation et la communication sont essentielles pour faciliter la participation de la société civile au processus de l’EIR.

4.3.6.

La Commission mentionne les instruments fondés sur le marché et les investissements comme des outils de facilitation qui permettent d’améliorer la réalisation des objectifs fixés dans les cadres juridiques en matière d’environnement. Le CESE a déjà souligné, dans un avis antérieur, le potentiel que représentent les réformes fiscales consistant à déplacer la charge fiscale du travail vers l’utilisation des ressources, pour parvenir à créer à la fois des emplois et de l’innovation économique, mais aussi réduire les effets néfastes sur l’environnement (7).

4.3.7.

Dans le même avis, le CESE déplorait que l’on continue de verser des subventions dommageables à l’environnement. Peu de progrès ont été réalisés sur ce point. Dans sa communication, la Commission fait référence à la réforme de la fiscalité et à la suppression progressive des subventions dommageables à l’environnement comme des outils de facilitation importants en vue d’améliorer la mise en œuvre. Toutefois, aucune approche n’est proposée pour débloquer la situation.

4.4.    Voie à suivre

4.4.1.

Comme le souligne la Commission, la mise en œuvre adéquate de l’acquis environnemental de l’Union européenne relève principalement de la compétence des États membres. Toutefois, il est certain qu’il existe également, au niveau de l’Union européenne, des éléments importants qui sont susceptibles d’entraver cette mise en œuvre adéquate, ou au contraire de la favoriser. L’intégration intelligente des objectifs environnementaux et de ceux des autres domaines politiques doit commencer au niveau de l’Union européenne par une réglementation qui soit intelligente et cohérente, avec l’affectation de moyens en conséquence. Le verdissement de la PAC est un bon exemple en la matière, et il y a des enseignements à en tirer. Davantage de cohérence politique au niveau de l’Union européenne en matière de développement durable pourrait également contribuer à améliorer les performances environnementales des États membres. Il conviendrait également d’utiliser l’EIR en tant que mécanisme permettant d’obtenir un retour d’informations sur la nécessité éventuelle de corriger ou de mettre à jour les politiques ou réglementations de l’Union européenne qui sont en cours de mise en œuvre.

4.4.2.

Sur la base des résultats du premier cycle de l’EIR, la Commission propose de faciliter les efforts déployés par les États membres en établissant un dialogue structuré relatif à la mise en œuvre avec chaque État membre, prévoyant un soutien ciblé aux experts des États membres fourni par leurs pairs des autres États membres et un examen des questions structurelles communes au sein du Conseil. Le CESE accueille favorablement ces mesures, bien qu’il doute qu’elles suffiront à améliorer la qualité globale des performances environnementales des États membres.

4.5.    Dialogues structurés

4.5.1.

L’établissement de dialogues structurés, à la manière de l’approche adoptée dans le processus du semestre européen, a déjà été envisagé dans le septième programme d’action pour l’environnement (8). La communication ne donne pas d’informations sur les modalités pratiques de ces dialogues, lesquelles ne devraient pas être laissées à la discrétion des gouvernements des États membres. Il conviendrait d’envisager et d’établir, à destination de toutes les parties associées, un ensemble de conditions préalables pour des processus de dialogue efficaces.

4.5.2.

Il convient de garantir une participation équilibrée d’un large éventail de parties prenantes non-gouvernementales, ainsi que de collectivités régionales et locales. Afin d’être en mesure de préparer leurs contributions, ces acteurs devront être invités largement à l’avance et recevoir les informations appropriées.

4.5.3.

Pour être efficaces, ces dialogues doivent être organisés de sorte à être axés sur les résultats. Il convient de fixer avec clarté les résultats obtenus et les étapes ultérieures, les engagements des participants ainsi que les calendriers, et d’en assurer le suivi. Le septième programme d’action pour l’environnement fait référence à des «accords de partenariat de mise en œuvre» entre la Commission et les États membres. C’est un instrument qu’il conviendrait de prendre également en compte dans le cadre de l’EIR. Des engagements peuvent également être proposés par des parties prenantes non-gouvernementales, par exemple issues de l’industrie, du secteur de la vente de détail ou de l’agriculture.

4.6.    Soutien entre pairs

4.6.1.

Le CESE se félicite de l’organisation d’un soutien aux experts des États membres fourni par leurs pairs des autres États membres. Il convient de tirer parti de la riche et longue expérience du réseau de l’Union européenne pour l’application et le respect du droit de l’environnement (IMPEL).

4.6.2.

Les échanges entre experts individuels devraient être complétés par des programmes plus larges de soutien mutuel entre États membres, à la manière des projets de jumelage des programmes «Phare», qui ont appuyé avec succès l’adaptation à l’acquis de l’Union européenne pendant le processus d’élargissement de l’Union européenne de 2004-2007. Il convient également d’envisager la mise en place de programmes d’examen par les pairs, sur le modèle des programmes de l’OCDE sur l’examen de la performance environnementale (9).

4.7.    Examen des questions structurelles communes au sein du Conseil

4.7.1.

La Commission a l’intention de porter au niveau du Conseil la discussion sur les obstacles structurels communs à la mise en œuvre adéquate de la législation environnementale, ce qui permettrait de faire figurer la question de la mise en œuvre dans les priorités de l’agenda politique. Toutefois, des informations manquent sur la manière dont ce processus aura lieu.

4.7.2.

Il a été tenté plusieurs fois ces dernières années, avec l’«écologisation» du semestre européen, d’utiliser ce mécanisme de coordination de la gouvernance au niveau central entre la Commission et les États membres, dans le but d’améliorer également les performances environnementales. Cela permettrait de porter les lacunes des performances environnementales directement à l’attention des chefs d’État ou de gouvernement et de faciliter l’émergence de solutions intégrées.

4.7.3.

Toutefois, l’écologisation du semestre européen ne s’est pas avérée très efficace à ce jour. La Commission européenne n’entend pas la remplacer par le processus de l’EIR. Toutefois, sur ce point, il convient de clarifier plus avant la relation entre le semestre européen et l’EIR afin de garantir que le potentiel de chacun de ces instruments est exploité de manière optimale.

4.7.4.

Il est probable qu’à elles seules, les discussions qui auront lieu dans le cadre du Conseil «Environnement» ne suffiront pas. Afin de faciliter l’émergence de solutions intégrées et transversales, il convient d’envisager des discussions conjointes avec d’autres formations du Conseil, par exemple avec les ministres des transports ou encore ceux de l’emploi et des affaires sociales.

4.8.    Instruments juridiques pour la mise en œuvre de la législation

4.8.1.

La Commission a exposé avec suffisamment de clarté qu’il ne convient pas que l’EIR se substitue à des actes juridiques pour améliorer la mise en œuvre de la législation environnementale; ce n’est pas un élément qui entre dans son champ d’application. Toutefois, l’approche plus coopérative de l’EIR ne sera couronnée de succès que si la possibilité de conséquences juridiques et de sanctions est appliquée de manière crédible et efficace. Cela vaut également pour les procédures d’infraction engagées par la Commission en cas de violation de la législation en matière d’environnement, ainsi que pour les moyens légaux par lesquels les citoyens et la société civile demandent aux gouvernements, au niveau des États membres et de l’Union européenne, de rendre des comptes.

4.8.2.

Le CESE aimerait rappeler à la Commission et aux États membres que certaines mesures destinées à améliorer l’application de la législation environnementale figurent dans le septième programme d’action pour l’environnement et n’ont pas été abordées jusqu’à présent:

étendre les critères contraignants garantissant l’efficacité des inspections et de la surveillance au niveau des États membres à l’ensemble de la législation de l’Union en matière d’environnement,

s’assurer que soient en place, au niveau national, des mécanismes cohérents et efficaces de traitement des plaintes relatives à la mise en œuvre de la législation de l’Union en matière d’environnement.

4.8.3.

Le CESE examinera dans un avis distinct la prochaine communication de la Commission sur l’accès des citoyens à la justice en matière d’environnement.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  COM(2016) 316 final

(2)  COM(2017) 63 final, p. 2

(3)  Parlement européen, note d’information «En bref» intitulée Environmental Implementation Review (Examen de la mise en œuvre de la politique environnementale).

(4)  JO L 354 du 28.12.2013, p. 171.

(5)  Avis du CESE sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à un programme d’action général de l’Union pour l’environnement à l’horizon 2020 «Bien vivre, dans les limites de notre planète» (JO C 161 du 6.6.2013, p. 77, paragraphe 1.2).

(6)  Avis du CESE sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à un programme d’action général de l’Union pour l’environnement à l’horizon 2020 «Bien vivre, dans les limites de notre planète», 7e programme d’action pour l’environnement (JO C 161 du 6.6.2013, p. 77).

(7)  Avis du CESE sur le thème «Instruments de marché destinés à favoriser le passage vers une économie à faibles émissions de carbone et efficace dans l’utilisation des ressources dans l’Union européenne» (avis d’initiative) (JO C 226 du 16.7.2014, p. 1).

(8)  7e programme d’action pour l’environnement, paragraphe 59.

(9)  https://www.oecd.org/fr/examenparlespairs/examensdesperformancesenvironnementales.htm


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/120


Avis du Comité économique et social européen sur le «Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Prix et coûts de l’énergie en Europe»

[COM(2016) 769 final]

(2017/C 345/20)

Rapporteure:

Laure BATUT

Consultation

Commission européenne, 17 février 2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

14 juin 2017

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

127/15/4

1.   Recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) souhaite rappeler que le paquet européen «Énergie» se propose de mettre le «consommateur au centre», et aimerait une définition et une mise en application de ce concept. Le consommateur ne pourra jouer son nouveau rôle que s’il peut s’appuyer sur des textes clairs qui lui donnent les moyens d’agir. Le CESE croit qu’une vision d’avenir sur ce que les citoyens et les entreprises européennes ont à gagner dans ce projet, comme plus d’égalité, est nécessaire pour le succès de l’«union de l‘énergie».

1.2.

Le CESE est d’avis que l’action sur la demande d’énergie par la sensibilisation des citoyens et des professionnels (éducation, formation), peut les rendre responsables de leurs choix et comportements énergétiques. L’efficacité énergétique peut être comptabilisée dans les bilans relatifs aux besoins en énergie, peut participer à la réduction de la consommation et, partant, avoir une influence sur les coûts, même lorsque les prix augmentent. Cependant, elle ne peut à elle seule résoudre les problèmes liés au changement climatique, à la sécurité de l’approvisionnement ou à la précarité (1). L’efficacité et la non-consommation énergétique ne constituent pas une source d’énergie.

1.3.

Le CESE préconise d’élargir l’examen des données dans les années qui viennent en y incluant l’étude de sources d’énergie plus nombreuses, et de s’intéresser à trois types de consommation: celle des ménages, celle des industries et celle des entreprises de services.

1.4.

Le rapport devrait aussi contenir une évaluation des réponses à la demande d’énergie pour connaître le taux de satisfaction des besoins réalisé à un prix soutenable (art. 14 du TFUE).

1.5.

Le CESE préconise que le rapport s’intéresse aux montants consentis par les entreprises et/ou les consommateurs, dans la R&D et dans la prise en compte des recherches sur le stockage de l’énergie, qui devraient se refléter dans le prix de l’énergie, dans les coûts du financement des réseaux.

1.6.

Le coût des dommages environnementaux devrait être évalué et facilement accessible à tous.

1.7.

Le CESE préconise qu’au début des rapports bisannuels de la Commission sur les prix et coûts de l’énergie figure un lexique donnant des clés de compréhension les mettant à la portée de tout consommateur.

1.8.

Dans le même objectif de transparence, le Comité demande à la Commission d’ajouter une fiche par État membre étudié comprenant cinq points de référence par source d’énergie:

l’écart de prix annuel entre marché de gros et marché de détail,

la part «matière première», la part «réseaux», la part «fiscale» dans le prix au consommateur,

le taux de profit réalisé annuellement par les entreprises de la chaîne de valeur mais surtout des fournisseurs nationaux,

le pourcentage et la ventilation des aides européennes à l’État et aux entreprises et

la part des tarifs réglementés et des tarifs sociaux dans le total des prix de détail.

2.   Introduction

2.1.

En 2014, la Commission européenne a établi un premier rapport sur les prix et coûts de l’énergie dans l’Union européenne (UE); l’imperfection des données récoltées l’a conduite à proposer un règlement (2) sur les statistiques européennes concernant les prix du gaz et de l’électricité.

2.2.

L’objectif est de vérifier l’état de développement du marché intérieur de l’énergie qui n’est pas achevé, et de contribuer à définir les mesures à prendre pour accroître l’efficacité énergétique et la sécurité d’approvisionnement, dans ce domaine de compétence partagée.

3.   Résumé du rapport de la Commission

3.1.

Le rapport de la Commission à l’étude est donc le deuxième. Il évalue la situation des prix de l’énergie dans les secteurs du gaz, de l’électricité et des produits pétroliers, et leurs conséquences pour les ménages et les industries, et souligne les politiques stratégiques de l’Union européenne pour réaliser l’union de l’énergie.

4.   Prix de l’électricité

4.1.

La Commission évoque des exigences pour jouer sur son prix: développer l’efficacité énergétique et recourir aux énergies alternatives dont l’Union veut être le leader mondial.

4.2.

En effet, les importations nettes par les États de l’Union d’électricité issue des combustibles fossiles ont augmenté, et leur dépendance aussi, ce qui a relancé des débats difficiles sur le gaz et le pétrole de schiste.

4.3.

Les prix de gros ont chuté régulièrement depuis 2008 et ont convergé dans le marché unique, ce qui a entraîné la baisse des prix du charbon et du gaz. Cependant, de nombreux facteurs nationaux empêchent la répercussion de cette baisse sur les prix de détail qui continuent de monter, puisque le prix moyen pour les ménages a augmenté de 3,2 % sur la même période:

le composant «énergie» a chuté de 15 % entre 2008 et 2015,

le composant «réseau» a augmenté annuellement de 3,3 %,

le composant «taxes et prélèvements», qui se décompose en 10 sous-composants (3) qui incluent la TVA, les tarifs sociaux, l’emploi, les compensations, la sécurité d’approvisionnement, les redevances de concessions, etc., a augmenté de 10 points, passant de 28 à 38 % du prix.

4.4.

Le prix de l’électricité destinée aux entreprises a augmenté en de moindres proportions: entre 0,8 et 3,1 % par an de 2008 à 2015, les «grands» consommateurs pouvant bénéficier de tarifs adaptés.

4.5.

La Commission indique qu’il existe de très grandes disparités entre les États membres, l’écart pouvant aller du simple au triple pour les ménages, en raison du facteur «taxes et prélèvements» (59 % au Danemark, 5 % à Malte).

4.6.

En moyenne, l’électricité européenne est plus chère qu’aux États-Unis, mais beaucoup moins qu’au Japon.

5.   Prix du gaz

5.1.

Le gaz représente 23 % de la consommation d’énergie primaire dans l’Union, dont 15 % dédiés à la production d’électricité; il représente «un tiers des besoins énergétiques des ménages et des entreprises».

5.2.

L’Union européenne est dépendante à 69 % pour ses importations de gaz et de peu de fournisseurs, elle se trouve contrainte de suivre les fluctuations des tendances mondiales du prix.

5.3.

Les prix de gros ont baissé de 50 % depuis 2013 en raison notamment de la faiblesse de la demande mondiale, de la production américaine de gaz de schiste et de l’indexation du prix du gaz sur celui du pétrole.

5.4.

Au détail, les prix ont augmenté de 2 % par an depuis 2008 pour les ménages. Là aussi, le composant «taxes et prélèvements» est important et a augmenté de 4,2 % par an et explique, avec les coûts de réseau, la forte disparité entre États membres, où le prix le plus élevé (en Suède) est de quatre fois le prix le plus bas (en Roumanie).

5.5.

Pour les industries et les «grands» consommateurs industriels, les prix ont baissé, et c’est le composant «énergie» qui est le plus important dans la formation du prix, d’où une répercussion des prix de gros sur les prix de détails permettant une plus grande convergence dans le marché unique.

5.6.

Sur le plan mondial, l’Europe est dans la moyenne des convergences avec une tendance baissière depuis 2013 bien que restant au-dessus des prix américain et russe.

6.   Prix du pétrole

6.1.

De mai 2014 à janvier 2016, en 19 mois, le cours du brut en dollars a baissé de 77 %, puis est remonté, tout en restant à la moitié des prix de 2014.

6.2.

Les prix de détail ont été affectés dans une moindre proportion car l’euro s’est déprécié face au dollar et les taxes et les prélèvements restent un composant important du prix.

L’Union a fixé des taux d’accises minimaux (4), mais les États membres choisissent généralement de les dépasser: en 2015, les taxes représentaient 63 % du prix moyen de détail de l’essence et 57 % du diesel, avec des disparités selon les États.

6.3.

En résumé, les prix des trois sources ont baissé depuis le précédent rapport et la baisse s’est répercutée sur les prix de gros. Elle s’est répercutée aussi sur le prix de détail des produits pétroliers, alors que ceux du gaz et de l’électricité ont augmenté en raison de la hausse des coûts de réseau et surtout des taxes et des prélèvements.

7.   Les dépenses énergétiques des ménages

7.1.

Pour les trois sources, la consommation des ménages est assez stable depuis 2008.

Leur dépense a augmenté en raison des hausses des prix de détail du gaz et de l’électricité (hors transport). De grandes disparités existent entre États membres dans la part des ressources consacrée à l’énergie, ce qui touche d’évidence plus fortement les ménages pauvres: 8,6 % en 2016 contre 6,2 % en 2004. La consommation des ménages a baissé de 4 % sur la période.

7.2.

La Commission souligne combien les mesures sociales destinées aux consommateurs vulnérables sont nécessaires pour combattre la pauvreté énergétique.

8.   Les coûts énergétiques des entreprises

8.1.

En regard, pour 14 secteurs industriels de consommation intensive, les coûts de l’énergie ont diminué pour les entreprises entre 2008 et 2013, et au cours des dernières années, la part du coût de l’énergie dans les coûts de production se situe en moyenne entre 5 et 10 %. Cela est dû à la baisse des prix pour les grands consommateurs, aux exonérations et aux réductions fiscales et pas spécialement aux mesures orientées vers l’efficacité énergétique.

8.2.

La Commission estime que l’Union, sur le plan international, n’est pas une économie à forte intensité énergétique et que la compétitivité et le bon fonctionnement du marché de l’énergie devraient permettre de fournir l’énergie nécessaire aux entreprises et aux ménages de la manière la plus rentable possible, en évitant tout effet inflationniste et en l’absence de subventions des pouvoirs publics qui entraînent des distorsions injustifiées du marché: 113 milliards d’euros versés en 2012, dont 17,2 de subventions directes, 263 milliards d’euros de taxes en 2014, soit 1,88 % du PIB de l’Union européenne.

9.   Observations générales

9.1.

L’énergie est un élément central pour les économies et les ménages. Sa consommation est responsable des émissions de CO2 nuisibles au climat et aux êtres vivants. L’Union a amorcé la transition vers une économie sobre en carbone. La compréhension des mécanismes de fixation des coûts et des prix de l’énergie devrait être un facteur de meilleure transition et de lutte contre la précarité énergétique (5).

9.2.

Le rapport de la Commission à l’examen le montre, il n’y a pas un prix de l’énergie dans l’Union, mais des prix pour les différents vecteurs énergétiques qui varient en fonction de la situation géographique, des pratiques nationales, du moment et des façons de consommer des usagers.

9.3.

Un «Baromètre des prix de l’énergie» (European Climate Foundation) pour les ménages est publié dans plusieurs pays européens, et la Commission, de son côté, publie ses rapports depuis deux ans.

10.   Les vecteurs

10.1.

Le pétrole, le charbon, le gaz, qui apportent encore l’essentiel de l’énergie mondiale consommée, avec la biomasse, le nucléaire, l’électricité, ne sont ni stockables ni transportables dans la même mesure:

le pétrole se transporte facilement: son prix peut être homogène dans de grandes zones géographiques,

le gaz doit être liquéfié: il demande de coûteuses infrastructures supportées par différentes entités,

l’électricité, produit «dérivé» provenant d’autres sources d’énergie, n’est pas stockable, requiert des infrastructures de production et de transport et a des coûts finaux différents pour les usagers et les industries.

10.2.

Le prix de l’énergie a un impact sur la compétitivité d’un secteur, selon le taux d’énergie directe consommée et d’énergie incorporée dans ses consommations intermédiaires pour la production d’un bien. Un coût faible de l’énergie peut influencer la compétitivité (voir les gaz de schiste américains) sans être pour autant facteur structurel de productivité.

10.3.

De nombreux États membres importent de l’énergie depuis leurs voisins de l’Union ou depuis les pays du voisinage: la situation géopolitique a des répercussions sur la sécurité d’approvisionnement et sur le prix.

10.4.

Le prix du baril de pétrole est toujours fixé en dollars: le cours des monnaies, et donc la situation de compétitivité globale de l’économie européenne, joue un rôle dans le jeu de la concurrence et dans la formation du prix pour le consommateur final.

10.5.

La répercussion du prix de l’énergie payé par les industries et les ménages se fait sentir sur la demande globale. Dans le commerce de l’Union européenne, les échanges des biens sont majoritairement intra-européens et constitués de biens transformés qui sont sensibles aux variations du prix de l’énergie.

11.   Prix et coûts

11.1.    *Prix

11.1.1.

Coût ou prix? Dans le langage courant, on emploie facilement l’un pour l’autre. Le rapport de la Commission [COM(2017) 769] aurait gagné en clarté en commençant par ce point.

11.1.2.

Le plus évident est le prix. Le prix est l’expression de la valeur d’échange d’une unité de bien ou de service énergétique. Dans un marché totalement «libre», il serait le point d’équilibre entre l’offre et la demande.

11.1.3.

Sur un marché mondial sophistiqué, il existe autant de prix que de marchés. Et à chaque stade des transactions, des éléments extérieurs viennent l’influencer (externalités). Puis les éléments de politique interne des États membres interviennent, comme la structure du secteur, la fiscalité, le climat, le pouvoir d’achat des ménages, la compétitivité des entreprises, etc.

11.1.4.

L’union de l’énergie pourrait, dans le respect du principe de subsidiarité, lisser ces éléments de différence et d’injustice entre européens.

11.2.    *Coûts

11.2.1.

Les coûts correspondent au prix des matières premières énergétiques nécessaires à la production d’un bien ou d’un service et de sa mise à la disposition des consommateurs («Les prix et les coûts des sources d’énergie», Jean-Marie Martin-Amouroux, 20.2.2017). Il peut y avoir des différences de coûts très importantes selon le choix de la filière de production de l’énergie consommée [SWD(2016) 420 final].

11.2.2.

Dans le cas des PME, qui composent 90 % du tissu économique européen, même si elles ne sont pas répertoriées comme grandes consommatrices d’énergie, le coût de l’énergie qu’elles acquièrent et celui de l’énergie incorporée dans les produits primaires qu’elles traitent peuvent avoir une forte répercussion sur le prix de revient des biens produits et sur leur vente.

11.2.3.

De plus, le coût de l’énergie n’est pas un facteur aisément modifiable, c’est une dépense contrainte; quand il est un facteur important du coût de production, il pèse sur le prix de vente des biens, le pouvoir d’achat des consommateurs est touché et la croissance de la demande peut s’en trouver ralentie (cas des automobiles). Pour l’entreprise, les sources d’énergie restent substituables: si le pétrole devient trop cher, on passe au gaz, etc.

11.2.4.

La question du coût de l’énergie renvoie aux questions de la diplomatie européenne, de la définition d’une politique industrielle européenne, et pas uniquement pour les industries des secteurs intensifs en consommation énergétique.

12.   Observations particulières

12.1.

Le document à l’examen fait partie du paquet «Une énergie propre pour tous les européens (6)», dans lequel la Commission fait le bilan des prix et coûts de l’énergie en Europe. Le CESE regrette que la perspective de la transition n’y soit pas plus affirmée. Les coûts différenciés selon les différentes sources de production de l’électricité seraient mieux compris. Le contenu en énergie d’un bien dépend de toute la chaîne de production et des coûts de l’énergie. La compétitivité des entreprises est en cause, et au-delà, leur capacité à créer de l’emploi durable et à préserver l’environnement.

12.2.

Les différents textes européens ont fait de l’Union européenne une référence commune dans la lutte des États contre les gaz à effet de serre (GES), pour l’efficacité énergétique et la promotion des énergies renouvelables. Mais le choix du «mix» appartient aux États membres. Des divergences existent entre eux, notamment sur la fiscalité, sur leurs orientations de lutte contre le changement climatique. C’est une situation responsable de dumping qui rend difficile la gouvernance de l’union de l’énergie (7).

12.3.

Une approche «tout-concurrence», selon le credo des années 80, ne tient pas compte de la réalité mondiale du secteur de l’énergie ni des nouvelles orientations de l’Union: le consommateur est «mis au centre du système», on ne peut plus regretter «l’imperfection du marché», ni le large éventail d’interventions publiques en faveur du secteur de l’énergie qui constituent autant de «subventions», ni l’assiette de rentrées fiscales importantes pour les recettes publiques. Cela peut s’appeler de la redistribution compensant le coût social de l’énergie qui est devenu insupportable pour nombre de citoyens.

12.4.

L’augmentation du prix de l’énergie et particulièrement de l’électricité, peut avoir un effet de délocalisation de l’emploi; la stabilité des politiques publiques est indispensable pour les salariés, les entreprises et les investisseurs.

12.5.

Les inégalités restent patentes entre personnes et entre États membres. Elles existent aussi entre entreprises, les grandes consommatrices et les autres, et entre particuliers et entreprises. La libéralisation du marché européen, qui a détruit les monopoles nationaux pour introduire de la concurrence devant bénéficier aux consommateurs, a vu l’augmentation des factures de consommation finale du gaz et de l’électricité et n’a pas empêché la création d’oligopoles non-concurrentiels. Le Comité est d’avis que la notion d’égalité entre «consommateurs», aussi appelée péréquation, pourrait être une notion européenne.

12.6.

Une communication de la Commission concerne l’accélération de l’innovation dans le domaine des énergies propres (8), «le système énergétique» ayant «atteint un point de non-retour en Europe» où «les énergies renouvelables y sont de plus en plus compétitives». Le Conseil européen a adopté des mesures sur la décarbonisation des économies et l’intégration du marché de l’énergie. Les renouvelables représentent une part croissante de la production d’électricité et les taux d’intensité énergétique — qui mesurent la consommation énergétique par rapport à la performance économique — sont en baisse, notamment dans les économies développées.

12.7.

La communication à l’examen présente un train de mesures législatives fondé sur trois objectifs majeurs:

donner la priorité à l’efficacité énergétique,

être leader mondial dans le secteur des énergies renouvelables,

prévoir un traitement équitable pour les consommateurs.

12.8.

L’approche des questions relatives aux prix et aux coûts par l’Union devrait changer radicalement, et considérer le cas des consommateurs vulnérables, dire jusqu’où les politiques publiques doivent financer les énergies renouvelables pour que les ménages ne soient pas trop frappés par la fiscalité induite. La Commission évoque une approche régionale plus intuitive et proche des consommateurs, pour progresser vers un marché unique.

12.9.

La Commission souligne combien les mesures sociales destinées aux consommateurs vulnérables sont nécessaires pour combattre la pauvreté énergétique. C’est bien, mais ce n’est pas sur les marges dégagées par les grandes entreprises des secteurs de l’énergie que sont financées ces mesures, c’est par les autres citoyens et leurs impôts, et les budgets des États membres.

12.10.

Le Comité relève que le rapport donne un grand nombre d’informations récoltées auprès de nombreux acteurs mais regrette que cette transparence tant sur les prix que sur les coûts ne descende pas jusqu’aux ménages: pour les renouvelables, le coût de réseau peut avoir une incidence de 50 % (Rapport du Centre d’analyse stratégique, 2012, France). De bonnes statistiques, comme se propose d’en rassembler la proposition de règlement de la Commission (voir note de bas de page 1), sont nécessaires pour les choix et les prises de décision par les consommateurs. Elles devraient inclure le coût des dommages environnementaux et être facilement accessibles à ceux pour qui sont prises ces mesures et qui veulent comprendre pourquoi et comment ils obtiennent et payent l’énergie.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis du CESE sur le thème «Train de mesures “Une énergie propre pour tous les européens”» (JO C 246 du 28.7.2017, p. 64).

(2)  JO L 311 du 17.11.2016, p. 1.

(3)  COM(2016) 769 final, p. 7, note de bas de page no 8.

(4)  JO L 283 du 31.10.2003, p. 51.

(5)  JO C 341 du 21.11.2013, p. 21.

(6)  COM(2015) 80 final.

(7)  Avis du CESE sur la «Gouvernance de l’union de l’énergie» (JO C 246 du 28.7.2017, p. 34).

(8)  Avis du CESE sur le thème «Accélérer l’innovation en matière d’énergie propre» (TEN/619), non encore paru au Journal officiel.


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/126


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1008/2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté»

[COM(2016) 818 final — 2016/0411 (COD)]

(2017/C 345/21)

Rapporteur:

Jacek KRAWCZYK

Consultation

Parlement européen, 16 février 2017

Conseil de l’Union européenne, 13 février 2017

Base juridique

Article 100, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

14 juin 2017

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

135/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La modification qu’il est proposé d’apporter au règlement (CE) no 1008/2008 (ci-après «la proposition») n’a qu’une portée limitée à l’article 13, paragraphe 3, point b). Si elle est adoptée, elle consisterait à ajouter, en tête de ce paragraphe, les mots «à moins qu’un accord international conclu par l’Union en dispose autrement, …».

1.2.

Le Comité appuie la Commission lorsqu’elle entend s’efforcer de résoudre le hiatus qui, dans la législation, existe entre l’article 13, paragraphe 3, point b), du règlement (CE) no 1008/2008 et l’accord de transport aérien (ATA) conclu entre l’Union européenne et les États-Unis pour ce qui concerne les contrats de location avec équipage. Éliminer les incohérences et les limitations en rapport avec les contrats de location avec équipage qui ne sont pas réciproques ou prévus par l’ATA et restent flous pourrait avoir pour effet de réduire les possibilités offertes aux compagnies aériennes de l’Union européenne et donner éventuellement lieu à des interprétations excessives et divergentes. Il conviendrait que la Commission prenne sérieusement en compte l’inquiétude face au risque qu’en adoptant une formulation inadéquate, l’on aboutisse, en pratique, à s’écarter des visées de la stratégie de l’aviation de l’Union européenne et à ouvrir la voie à des modèles économiques hybrides qui ne sont pas souhaités.

1.3.

Eu égard au caractère éminemment technique de la proposition et au champ restreint qui est le sien et dans la perspective des clarifications de plus large portée que l’on se propose d’introduire dans le règlement (CE) no 1008/2008 en ce qui concerne les obligations de service public (OSP) et les dispositions sur la propriété et le contrôle, il pourrait paraître contestable que la modification à l’examen bénéficie d’un traitement distinct. Toutefois, dans sa feuille de route concernant l’évaluation dudit règlement (1), la Commission avait déjà relevé que la question des limites de temps assignées aux contrats de location avec équipage devait être examinée séparément des autres questions. En outre, les aspects spécifiques de l’ATA et les longues discussions dont la question a fait l’objet au sein du comité mixte de cet accord (ci-après le «comité mixte») signifient qu’il avalise une solution particulière à lui donner. Enfin, la question est d’une telle singularité qu’elle ne devrait pas être traitée dans le même contexte que des thématiques à forte complexité politique, comme la propriété et le contrôle, pour ne prendre que ces exemples. Il est dès lors justifié que la modification envisagée soit traitée comme un cas d’espèce. On relèvera que la Commission a considéré qu’en l’occurrence, une évaluation d’impact n’était pas requise. Le CESE n’en reconnaît pas moins les préoccupations dont ont fait état les syndicats et d’autres organisations de la société civile.

1.4.

Le CESE dit s’alarmer de ce qu’en l’absence de clarifications supplémentaires dans la phrase introductive qui est proposée pour l’article 13, paragraphe 3, point b), les négociateurs et, le cas échéant, les parties prenantes, pourraient être amenés à interpréter la modification préconisée comme ouvrant la voie à un renoncement à l’approche politique actuelle, qui va dans un sens de restriction, n’autorisant les contrats de location avec équipage que dans «circonstances extraordinaires», si bien que les répercussions qui en résulteraient ne se limiteraient pas aux seules négociations d’un nouvel accord sur cette location avec les États-Unis, telles qu’envisagées, mais s’étendraient également à celles engagées avec n’importe quel autre pays tiers. Le CESE veut croire que dès lors qu’aura été dûment précisé le caractère hautement restrictif que la modification proposée présente, pour la portée comme pour le fond, une consultation généralisée avec la palette la plus large possible d’acteurs intéressés, issus des rangs du secteur comme de la société civile, apportera la garantie qu’il sera possible d’éviter tout effet non voulu qui résulterait de l’article 13, paragraphe 3, point b) du règlement (CE) no 1008/2008 et que les discussions seront limitées au seul accord entre l’Union européenne et les États-Unis sur les contrats de location avec équipage. Lors de la consultation des intervenants, il importe que la Commission veille à associer au processus toutes les parties prenantes, dont les partenaires sociaux officiellement reconnus et d’autres organisations de la société civile.

1.5.

Le CESE a hâte de prendre connaissance de l’évaluation plus étendue qui a été annoncée concernant le règlement (CE) no 1008/2008 et insiste sur la nécessité de mener des consultations ouvertes avec l’éventail le plus ouvert possible d’acteurs intéressés, venus tant du secteur que de la société civile. Il est prêt à encourager activement un tel débat.

1.6.

Vu que l’on ne dispose pas de données fiables, en provenance de chacune des deux parties, sur le recours qui est actuellement fait à la location avec équipage, il serait nécessaire qu’elles demandent l’une et l’autre, dès lors qu’elles négocient effectivement un accord sur ce sujet, que tous les contrats afférents soient enregistrés, à des fins statistiques, auprès du comité mixte. Un tel registre devrait éventuellement contenir des relevés des conditions sociales dans lesquelles elle est réalisée, afin non seulement de garantir des conditions de travail décentes pour les personnels mais également d’assurer les droits des voyageurs, cette situation étant susceptible de les affecter.

2.   Contexte réglementaire

2.1.

La modification qu’il est proposé d’apporter au règlement (CE) no 1008/2008 n’entend revêtir qu’une portée limitée à l’article 13, paragraphe 3, point b) et à l’ATA. Dans son libellé actuel, ce paragraphe dispose qu’en plus de devoir respecter toutes les normes de sécurité équivalentes à celles imposées par le droit communautaire (2), un transporteur aérien communautaire n’a le droit de louer avec équipage un aéronef immatriculé dans un pays tiers que pour satisfaire des besoins de capacités saisonniers (3) ou surmonter des difficultés d’exploitation (4), ou encore pour faire face à des situations de nécessité exceptionnelle, pour une période de sept mois, qui peut être prorogée de sept mois supplémentaires (5). Si elle est adoptée, la modification consisterait à ajouter, en tête de ce paragraphe, les mots «à moins qu’un accord international conclu par l’Union en dispose autrement, …». La formulation suggérée n’empiète donc pas sur les droits de l’autorité compétente pour l’octroi des licences, ni ne retranche quoi que ce soit à l’impératif capital du respect des normes de sécurité de l’Union européenne.

2.2.

Le seul accord international pertinent à cet égard que l’Union européenne ait passé avec un pays tiers est l’ATA, conclu avec les États-Unis. Il conviendrait de préciser, grâce à des orientations interprétatives, que la raison d’être de la modification proposée est de résoudre la contradiction de droit qui existe entre l’article 13, paragraphe 3, point b), et l’ATA. En conséquence, si la clarification est effectuée en ce sens, les modifications préconisées n’intéresseraient qu’un seul accord spécifique de services aériens internationaux et n’apporteraient pas de modification essentielle dans la politique et la réglementation portant sur les contrats de location avec équipage en général.

2.3.

Comme la Commission le souligne dans l’exposé des motifs de sa proposition, l’initiative présente une finalité très précise et revêt une portée limitée; en conséquence, elle ne propose pas qu’elle soit soumise à une analyse d’impact. Étant donné les inquiétudes touchant aux interprétations excessives auxquelles pourrait donner lieu la modification préconisée, ainsi que les discussions qui en résulteraient avec les États-Unis, voire d’autres pays tiers, à moyen terme, la Commission devrait envisager d’argumenter les raisons pour lesquelles elle propose de ne pas procéder à une analyse d’impact. Il doit être absolument clair que les répercussions qu’aurait le changement qu’il est prôné d’apporter au règlement (CE) no 1008/2008 résulteraient non pas de la modification législative ainsi proposée mais du contenu des contrats de location avec équipage conclus entre les parties concernées.

2.4.

La feuille de route de la Commission européenne pour l’instauration de contrats de location avec équipage sans restrictions entre l’Union européenne et les États-Unis grâce à un accord entre les parties sur ces contrats (6) donne l’éclairage voulu sur la proposition législative considérée, qui met en concordance les principes dont l’Union européenne et les États-Unis sont convenus pour la transférabilité transfrontière des aéronefs, permettant ainsi de sortir de l’ornière leurs discussions au sein du comité mixte.

2.5.

La proposition répond aux exigences de l’industrie européenne du transport aérien. Signé en 2007, l’ATA assure un régime ouvert de location avec équipage entre les deux parties. La terminologie employée fixe une limite pour les délais dans lesquels il convient de surmonter les difficultés opérationnelles et faire face aux difficultés d’exploitation à caractère saisonnier; cette restriction à deux périodes de sept mois, pour des «besoins exceptionnels», peut se replacer dans un contexte historique (7) mais elle apparaît arbitraire et compromet les possibilités commerciales d’un redéploiement efficace des appareils pour de nouveaux opérateurs. Dès lors que la durée courante d’un contrat de location avec équipage est de 36 mois, la limitation à une période de deux fois sept mois expose les transporteurs aériens de l’Union européenne à des incertitudes juridiques et commerciales.

2.6.

La Commission avance que la modification proposée n’aura pas d’incidence significative en ce qui concerne les conditions à respecter en matière de travail. Les accords sur les contrats de location avec équipage constituent une question particulièrement sensible aux yeux des organisations de travailleurs. En raison de la pression sur les coûts que font peser les transporteurs aériens de pays tiers établis dans des États où les normes sociales et, en conséquence, les structures de frais sont faibles, voire du fait des disparités de la législation sociale au sein de l’Union européenne, la location avec équipage est un domaine que les partenaires sociaux ont toujours suivi de près. Si par des interprétations involontaires et indues, la modification proposée devait ouvrir la boîte de Pandore, ce dossier de la location avec équipage pourrait bientôt se transformer en une problématique majeure, bien loin de la simple «correction technique» d’une contradiction réglementaire. Il convient donc que les prescriptions en matière de travail soient évaluées à la lumière des développements que connaîtront tant les négociations entre l’Union européenne et les États-Unis concernant un accord sur les contrats de locations avec équipage, dans le cadre de l’ATA, que les pratiques qui auront lieu ultérieurement sur le marché.

2.7.

En faisant référence à des accords internationaux, le libellé proposé pour la modification ouvre la voie à un accord spécifique sur la location d’aéronefs avec équipage entre l’Union européenne et les États-Unis sans qu’il soit nécessaire de rouvrir les négociations sur l’ensemble de l’ATA. L’option que la Commission a retenue est par conséquent de celles qui résoudront un conflit de dispositions d’une manière ciblée, efficace et prompte et qui réintroduiront de la stabilité dans les plans tracés par les acteurs commerciaux et éviteront d’éventuelles représailles de la part de parties prenantes américaines. Ces résultats ne peuvent toutefois être engrangés que si la Commission explique convenablement que la modification vise à permettre des négociations avec les États-Unis en apportant une solution à une contradiction entre dispositions législatives en rapport avec ce seul pays.

2.8.

Le CESE s’est déjà exprimé favorablement sur l’ATA et sur sa mise en œuvre. Comme il l’a expliqué dans son avis antérieur sur le sujet, «le concept d’espace aérien ouvert […] permet la location d’aéronefs avec équipage […] dans des conditions transparentes et non discriminatoires» (8).

3.   Évaluation de la proposition

3.1.

La Commission a proposé différentes options pour résoudre la question (9).

3.1.1.

Modifier l’accord de transport aérien qui existe aujourd’hui demanderait beaucoup de temps. L’expérience passée montre que si les parties à l’ATA étaient convenues de son application provisoire à dater de mars 2008, la décision du Conseil, après ratification par les Parlements des États membres, n’a été prise quant à elle qu’en 2016. Ce serait agir de manière disproportionnée et injustifiable, eu égard aux perspectives qui seraient ainsi perdues pour l’industrie, que de permettre, à la seule fin de modifier les dispositions sur la location avec équipage, qu’un processus aussi laborieux soit ainsi détricoté.

3.1.2.

D’un point de vue juridique, l’Union européenne ne peut, pour satisfaire à ses exigences et à celles des États-Unis en matière de contrats de location avec équipage, prévoir de dérogations aux dispositions du règlement (CE) no 1008/2008 qui ne concerneraient que ce pays. Les États membres de l’Union européenne sont liés par toutes les dispositions de ses réglementations.

3.1.3.

Un accord commun concernant des restrictions réciproques aurait certes le mérite de la clarté mais il entrerait en contradiction avec l’esprit de l’ATA et porterait atteinte aux intérêts commerciaux du secteur.

3.1.4.

La solution qui recueille la préférence, ainsi que les acteurs intéressés l’ont souligné à maintes reprises, consiste en un accord sur les contrats de location avec équipage qui, conclu entre l’Union européenne et les États-Unis, serait totalement conforme à l’ATA et n’entrerait pas en contradiction avec les dispositions de l’Union. Tous les aspects liés aux modalités d’une telle convention font l’objet de discussions depuis janvier 2014. Il est permis d’escompter qu’un consensus pourrait rapidement se dégager. Les parties prenantes s’accordent à considérer qu’un tel accord technique reposerait sur les droits de trafic actuels, tels que fixés par l’ATA, et qu’il n’en créerait pas de nouveaux, ni ne modifierait ceux qui existent aujourd’hui. La Commission devrait bien préciser que la modification proposée ne vise pas à apporter des changements, altérations ou adjonctions aux droits de trafic actuellement en vigueur entre l’Union européenne et les États-Unis. L’accord visé impliquerait toutefois d’amender l’article 13 du règlement (CE) no 1008/2008, qui a fixé une limite de sept mois, prorogeable une fois pour une durée identique, en ce qui concerne les locations avec équipage réalisées par des transporteurs aériens de l’Union européenne auprès de compagnies aériennes de pays tiers. Le libellé envisagé respecte totalement la demande de prendre en compte que l’article 13 ne devrait s’appliquer que pour autant qu’un accord international ne prévoie d’autres dispositions pour les conditions posées dans le point b) de cet article.

3.2.

Dans son évaluation, la Commission arrive à la conclusion que l’action proposée est appropriée, proportionnée et juridiquement réalisable et qu’elle sert les intérêts des États membres et de l’industrie de l’Union européenne, sans présenter d’inconvénients pour aucune des parties prenantes.

4.   Contexte

4.1.

La proposition de la Commission ne porte que sur la location d’aéronefs avec équipage. Cette pratique constitue généralement le moyen de ménager des capacités supplémentaires pour faire face aux périodes du calendrier marquées par des pics de trafic, aux gros entretiens de contrôle ou à des difficultés ponctuelles dans l’exploitation d’une flotte. Un contrat de location avec équipage est un accord de location par lequel une compagnie aérienne (le loueur) assure les vols concernés, en fournissant à une autre (le preneur) l’aéronef et son équipage. L’appareil est exploité avec le certificat de transporteur aérien du loueur et, donc, sous sa responsabilité opérationnelle.

4.2.

Tout le secteur considère que les contrats de location avec équipage sont bénéfiques du point de vue de la fluidité d’exploitation et qu’il convient par conséquent de ne pas leur imposer de restrictions arbitraires. Tout comme le secteur du transport aérien dans l’Union européenne et l’ensemble, ou en tout cas la plupart de ses États membres, les milieux de l’aviation aux États-Unis et les pouvoirs publics de ce pays attendent qu’une solution soit trouvée à la question, afin d’assurer, aujourd’hui comme demain, le bon fonctionnement de la location d’aéronefs dans le cadre de la relation entre les deux parties.

4.3.

La proposition de la Commission ne devrait pas apporter de modifications dans les politiques ou les principes touchant à la location d’aéronefs avec équipage. Elle devrait viser exclusivement à résoudre une incohérence réglementaire entre le règlement (CE) no 1008/2008 de l’Union européenne et l’ATA.

4.4.

Le CESE recommande vivement que le comité mixte récolte des statistiques concernant l’activité de location d’aéronefs avec équipage qui s’effectue dans le cadre de l’ATA. Un tel registre devrait éventuellement contenir des relevés des conditions sociales dans lesquelles elle est réalisée, afin non seulement de garantir des conditions de travail décentes pour les personnels mais également d’assurer les droits des voyageurs, cette situation pouvant les affecter.

5.   Observations particulières

5.1.

Le CESE accepte les motifs invoqués par la Commission pour modifier le règlement (CE) no 1008/2008 afin que les transporteurs de l’Union européenne et des États-Unis soient habilités, au titre de l’ATA, à conclure sans restrictions, sur une base de réciprocité, pour les vols internationaux, des accords de location avec équipage. Toutefois, il y a lieu que le nouveau libellé proposé n’autorise pas, que ce soit en vertu de l’ATA ou de tout autre futur accord de trafic aérien avec un pays tiers, à conclure de contrats de location avec équipage de longue durée pour des raisons autres que celles reprises dans l’article 13 du règlement. Le CESE convient que la proposition en rapport avec l’ATA constitue un dispositif plus souple — sur une base de réciprocité — pour la location d’aéronefs avec équipage sur des périodes d’une durée classique pouvant atteindre les 36 mois. De tels contrats n’auraient pas d’incidence sur les conditions sociales. Le CESE nourrirait toutefois les plus grandes inquiétudes si la modification qu’il est proposé d’apporter aux restrictions sur la location avec équipage devait être exploitée pour assurer des contrats de sous-traitance de plus longue durée qui viseraient à revoir à la baisse les conditions ou les droits des travailleurs et des consommateurs. En conséquence, il insiste auprès de la Commission pour que lorsqu’elle en fixera les dispositions, une formulation interdisant de telles pratiques soit incluse dans l’accord sur les contrats de location avec équipage qui est envisagé entre l’Union européenne et les États-Unis. La proposition ne peut être une porte ouverte grâce à laquelle des compagnies aériennes loueraient des appareils en contournant, de manière volontaire ou accidentelle, la législation sociale de leur pays sur le long terme.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Évaluation du règlement (CE) no 1008/2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté, en date du 21 novembre 2016 (direction générale MOVE, unité E4; voir le chapitre C1).

(2)  Article 13, paragraphe 3, point a), du règlement (CE) no 1008/2008.

(3)  Article 13, paragraphe 3, point b) ii), du règlement (CE) no 1008/2008.

(4)  Article 13, paragraphe 3, point b) iii), du règlement (CE) no 1008/2008.

(5)  Article 13, paragraphe 3, point b) i), du règlement (CE) no 1008/2008.

(6)  Feuille de route en date du 7 mars 2016, direction générale MOVE/E.1.

(7)  Cette restriction avait été introduite dans le règlement (CE) no 1008/2008 pour éviter l’ambiguïté qui affectait les règlements (CEE) no 2407/92, (CEE) 2408/92 et (CEE) 2409/92, remplacés par lui, concernant la signification exacte de l’expression «besoins exceptionnels».

(8)  JO C 306 du 16.12.2009, p. 1.

(9)  Feuille de route de la Commission européenne pour l’instauration de contrats de location avec équipage sans restrictions entre l’Union européenne et les États-Unis grâce à un accord entre les parties sur ces contrats (Roadmap on the establishment of unrestricted wet-lease agreements between the EU and the USA through a wet-lease agreement between the parties), p. 7.


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/130


Avis du Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Créer une économie européenne fondée sur les données»

[COM(2017) 9 final]

(2017/C 345/22)

Rapporteur:

Joost VAN IERSEL

Consultation

Commission européenne, 17 février 2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

14 juin 2017

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

148/0/7

1.   Conclusions et recommandations

Conclusion

1.1.

Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission «Créer une économie européenne fondée sur les données», qui porte sur le maintien des données en tant qu’élément central et essentiel de la nouvelle économie (1).

1.2.

La communication porte sur les données à caractère non personnel et/ou complètement anonymes. Lorsque les données peuvent être considérées comme des données à caractère personnel, le cadre en matière de protection des données, notamment le règlement général sur la protection des données (RGPD), s’applique.

1.3.

Il s’agit principalement de construire en Europe un écosystème de données, vecteur indispensable à la fois de progrès économique et social et d’une solide compétitivité européenne dans un monde en pleine transformation radicale, caractérisé par la présence de puissants concurrents aux États-Unis et en Asie. Afin de renforcer la connectivité et les possibilités de stockage, les investissements publics-privés dans les infrastructures sont absolument indispensables sur l’ensemble du continent.

1.4.

La mise en place d’un écosystème de données requiert avant tout des actions de sensibilisation dans les entreprises, les services publics, la société et les États membres. Il convient d’accroître la confiance et l’ouverture, et de susciter chez tous les acteurs une volonté de partager des données.

1.5.

Le CESE souligne que les enjeux dépassent de loin les dispositions juridiques et pratiques. Les compétences européennes essentielles doivent de toute urgence être adaptées dans le cadre du processus de transformation en cours. L’Europe est à la traîne dans ce domaine stratégique. Un esprit proactif doit impérativement voir le jour dans les entreprises afin que celles-ci s’ouvrent aux flux croissants de données et développent les capacités nécessaires pour traiter les mégadonnées. Il convient de mettre en place des modèles d’entreprise flexibles et plus adaptables.

1.6.

Parmi les instruments qui, à la fois, favorisent l’innovation et protègent les intérêts légitimes des entreprises et des citoyens, l’on peut notamment citer les plateformes et les ateliers organisés à l’échelle de l’Union européenne, les laboratoires de terrain, la création de pôles d’excellence, celle de communautés, les «Usines du futur», les terrains d’expérimentation, les échanges, les interfaces de programmation, le tutorat entre les sociétés, les modèles de contrats, l’interaction entre le monde scientifique et celui des affaires, et les initiatives technologiques conjointes, ainsi que les partenariats public-privé contractuels (PPPc) auxquels participent les secteurs public et privé, par exemple dans le cadre de projets de démonstration à grande échelle.

1.7.

Il est indispensable de disposer de fonds de capital-investissement et d’un marché européen du capital-risque plus mature.

Recommandations

1.8.

La Commission devrait procéder à une analyse précise de l’état de la situation et des attitudes défensives à l’égard de la libre circulation des données dans les États membres, de manière à supprimer les obstacles injustifiés en adoptant les dispositions juridiques et techniques adéquates. L’élimination des obstacles injustifiés à la libre circulation des données devrait faire partie intégrante d’une politique industrielle à l’échelle européenne. L’ouverture des marchés nationaux devrait également être couverte par le semestre européen.

1.9.

Les PME et l’innovation en particulier souffrent de la localisation des données. Le CESE apporte un large soutien à la proposition de la Commission selon laquelle tout stockage de données dans les États membres devrait être guidé par le principe de libre circulation. Le CESE demande qu’une feuille de route soit élaborée et des délais fixés pour l’ouverture des marchés nationaux. Le semestre européen devrait également aborder cette question.

1.10.

La recherche publique constitue une source très importante de données. La Commission devrait encourager une plus large diffusion dans toute l’Europe.

1.11.

En principe, la liberté contractuelle dans le secteur privé devrait être respectée. Si un cadre général de l’Union européenne en matière de normes est souhaitable, ces normes ne devraient en aucun cas entraver l’innovation. La portabilité devrait être encouragée.

1.12.

La responsabilité est une question délicate: il pourrait s’avérer nécessaire de procéder à une révision de la directive sur la responsabilité du fait des produits et d’envisager des dispositions juridiques particulières pour les communications de machine à machine (M2M).

1.13.

La Commission devrait être invitée à tenir dûment compte des aspects liés aux données exprimées dans différentes langues dans le cadre de la libre circulation des données et de l’accès à celles-ci.

1.14.

Le facteur humain est déterminant. Des programmes de l’Union européenne doivent être mis en place afin de préparer les salariés et les jeunes aux évolutions futures. L’éducation et la formation sur le lieu de travail revêtent une importance primordiale si l’on veut, par exemple, répondre à la pénurie criante d’analystes de données.

1.15.

Ces processus doivent faire l’objet d’un suivi approprié dans les entreprises ainsi que de la part de la Commission et au niveau national, de manière à garantir l’émergence au niveau européen de conditions de concurrence équitables.

2.   Contexte

2.1.

Il existe une distinction entre les données à caractère personnel et celles à caractère non personnel, entre l’information massive liée à la personne et celle qui est non spécifique. Les deux font partie du marché numérique mais ciblent des domaines distincts et sont couverts par différentes dispositions réglementaires européennes (2).

2.2.

La communication sur les mégadonnées (3), qui fait suite à la communication intitulée «Vers une économie de la donnée prospère» (4), porte sur les données à caractère non personnel ou anonymes.

2.3.

Les données à caractère personnel et non personnel se chevauchent dans certains cas particuliers, en raison de la possibilité d’interférences entre les deux domaines et de l’interaction entre les secteurs privé et public. C’est notamment le cas, par exemple, pour le secteur de la santé, lorsque les intérêts personnels des patients, les intérêts des entreprises et l’intérêt public se chevauchent partiellement.

2.4.

Les mutations sont pluridimensionnelles et imprévisibles. Les processus en cours liés aux ramifications verticales et horizontales des données génèrent de plus en plus de possibilités de collecte, d’analyse et de traitement des données. Les mégadonnées sont une composante essentielle d’une future «économie orientée vers le client».

2.5.

Les données ont des implications considérables pour les chaînes de production, l’interaction entre le secteur des services et l’industrie manufacturière, et les chaînes de valeur. Elles renforcent la fragmentation des chaînes de valeur.

2.6.

L’augmentation du nombre de jeunes pousses et d’entreprises en expansion est révélatrice du rôle essentiel des données. Les PME sont très dépendantes de l’existence d’un contexte international (européen) favorable et des financements.

2.7.

Une économie axée sur le client est le résultat des données massives, des communications de machine à machine (M2M) et de la libre circulation des données. Elle génère des produits et des services sophistiqués. Tous les secteurs et tous les niveaux au sein des entreprises sont en train de s’adapter à ces changements. Toutefois, il existe des différences considérables entre les secteurs, ainsi qu’entre grandes et petites entreprises, différentes positions occupées dans les chaînes de valeur, des dépendances différentes d’une entreprise à l’autre, des perspectives différentes dans l’industrie manufacturière et le secteur des services et, par conséquent, un large éventail de points de vue dans le monde de l’entreprise.

2.8.

Si l’Union européenne ne parvient pas à exploiter pleinement le potentiel de la numérisation, 605 milliards d’EUR de valeur ajoutée seront en grande partie en péril d’ici 2025. D’un autre côté, les retombées positives sont encore plus impressionnantes: une étude commandée par la Fédération allemande de l’industrie prévoit que 1 250 milliards d’EUR de valeur ajoutée pourraient être créés en Europe d’ici 2025.

2.9.

Des processus similaires sont en cours à l’échelle mondiale. Les études comparatives montrent que l’Union est à la traîne dans ce domaine, en dépit de ses performances économiques actuelles excellentes au niveau mondial dans divers secteurs.

2.10.

Il existe des différences culturelles considérables entre les entreprises américaines et européennes. En Europe, l’industrie des données s’appuie principalement sur une partie de l’industrie manufacturière (5). Aux États-Unis, en revanche, le secteur des mégadonnées est principalement régi par des entreprises de services dont l’activité repose sur des données, celles que l’on appelle les GAFA et, plus récemment, les NATU (6). Les États-Unis disposent d’un grand marché intérieur dynamique et d’excellentes conditions financières. Le monde entrepreneurial y est caractérisé par une mentalité favorable à la prise de risque. En outre, les entreprises américaines ont à leur disposition des réseaux rapides et d’énormes capacités de stockage. De même, le nombre de grandes plateformes chinoises est en progression constante.

2.11.

Alors que l’Europe est à la traîne, curieusement, la communication de la Commission européenne ne fait pas mention des principaux concurrents internationaux de l’Europe, même ceux-ci constituent la principale raison pour laquelle l’Europe doit de toute urgence développer sa production et la coordination des politiques. Aux États-Unis et en Chine, des objectifs nationaux ont été définis relativement récemment en vue d’acquérir et de conserver une position économique dominante dans le monde. Suivis par d’autres, ces deux pays soutiennent et promeuvent délibérément les mégadonnées en tant qu’outil permettant de consolider l’avantage compétitif des sociétés installées aux États-Unis et des entreprises chinoises. Aux États-Unis, le gouvernement Obama a approuvé une approche très claire concernant la troisième révolution industrielle américaine, soit l’équivalent d’Industrie 4.0 dans l’Union européenne, en tant que socle de renforcement de la compétitivité et de la domination économique américaines. La stratégie America first («l’Amérique d’abord») se traduira probablement par une intensification de cette politique. Il convient ici de considérer la poursuite du développement des données massives également comme un facteur géopolitique.

3.   Libre circulation des données entre États membres

3.1.

Parmi les raisons expliquant pourquoi «l’économie numérique européenne avait été lente à embrasser la révolution des données par rapport aux États-Unis et qu’elle ne disposait pas d’une capacité industrielle comparable» à celle des États-Unis (7), la Commission souligne à juste titre le lien existant entre les obstacles à la libre circulation des données et le retard de développement du marché européen.

3.2.

Alors qu’aux États-Unis la protection des données repose essentiellement sur le principe de la mise à disposition volontaire de celles-ci et relève, lorsqu’il s’agit de données à caractère privé, du cadre de la protection du consommateur, la plupart des pays européens ont mis en place des législations relatives à la protection des données et ont également fréquemment consacré la protection des données comme un droit constitutionnel. Si, d’une part, l’approche européenne dans ce domaine peut être perçue comme un avantage concurrentiel, de l’autre, l’utilisation et le traitement des mégadonnées semblent être si limités que cela entrave l’innovation.

3.3.

Il faut mettre un terme à la fragmentation du marché. La Commission doit être mandatée pour examiner de quelle manière et dans quelle mesure les divergences d’approche entre États membres doivent être supprimées afin de réduire les écarts de développement et d’approche.

3.4.

Compte tenu des volumes toujours plus importants de données liés à l’internet des objets, aux usines du futur et aux systèmes connectés autonomes, des mesures à l’échelle européenne sont particulièrement nécessaires et stratégiquement importantes. Les fondements juridiques et techniques de la libre circulation des données dans l’ensemble de l’Europe sont la pierre angulaire de la construction d’une vaste et solide économie numérique (8).

3.5.

Une politique industrielle européenne doit voir le jour. Les obstacles injustifiés à la libre circulation des données doivent disparaître. Un marché intérieur unique est incompatible avec la coexistence de 28 politiques industrielles différentes disposant chacune de ses outils et de ses objectifs. La situation n’est pas différente à l’ère numérique (9). La Commission et les gouvernements nationaux devraient dès lors agir en tant que modérateurs, avec une vision à long terme qui définit des conditions cadres et de concurrence équitable sur la base de partenariats publics-privés (10).

3.6.

La Commission souligne à juste titre les arguments utilisés par les autorités nationales pour restreindre les flux de données. Les mesures de localisation des données qui reviennent dans les faits à réintroduire des contrôles numériques aux frontières (11) doivent être remplacées par un cadre européen satisfaisant.

3.7.

Le CESE recommande que soit menée une analyse approfondie de la situation actuelle dans les États membres et des écarts colossaux qui existent en Europe. Le secteur manufacturier allemand de pointe est le plus avancé en matière de production de données, suivi par les clusters manufacturiers avancés d’autres pays, petits ou grands. D’autre part, les données massives fondées sur les services en France et au Royaume-Uni, et dans certaines économies plus petites, par exemple, connaissent également une forte croissance.

3.8.

La libre circulation des données est sérieusement entravée par l’attitude défensive des États membres. À ce jour au moins 50 obstacles juridiques et administratifs ont été recensés. Il existe également des différences substantielles entre les États membres dans les exigences en matière de passation de marchés publics. Différentes cultures et traditions prévalent. Les politiques industrielles nationales produisent des environnements législatifs différents; il n’existe pas de cadre industriel commun. Les approches différentes quant à la manière dont les données à caractère personnel doivent être juridiquement traitées pourraient également éveiller la méfiance concernant les données à caractère non personnel. Les attitudes défensives de la part des gouvernements et des entreprises dans les différents pays ont tendance à se renforcer mutuellement.

3.9.

En revanche, seule une confiance renforcée entre les États membres permettra de créer un marché unique capable de devenir une zone sûre refuge pour les données et un terrain fertile pour l’innovation.

3.10.

Des objectifs nationaux tels que la promotion de l’innovation et la création progressive de valeur ajoutée sont mieux servis par la mise en place d’un marché commun pour les mégadonnées, qui garantirait un stockage sécurisé des données au moyen d’une gestion des TIC de pointe déployée à grande échelle, et la mise en commun des potentialités.

3.11.

Outre son impact contre-productif sur la transparence et le fait qu’elle entrave l’innovation, la localisation des données a un impact négatif principalement pour les PME qui déploient des opérations transfrontalières. Par conséquent, le CESE soutient résolument la proposition de la Commission selon laquelle «toute action des États membres ayant une incidence sur le stockage ou le traitement de données doit s’inspirer d’un principe de libre circulation des données au sein de l’Union européenne» (12).

3.12.

Le CESE souligne que la question de l’ouverture des marchés nationaux à une diffusion des données à l’échelle européenne devrait également être couverte par le processus annuel du semestre européen, et notamment dans les recommandations par pays. L’accès ouvert aux données publiques dans l’ensemble de l’Europe permettra d’achever le marché unique et de créer des conditions de concurrence équitables. Le règlement général sur la protection des données contribue à créer une base commune (13).

3.13.

Les régions et les zones urbaines ont également des données dynamiques à leur disposition. Les plateformes régionales réunissant des acteurs publics et privés favoriseront les économies régionales et sont susceptibles de renforcer les pôles régionaux dans le contexte international. Il convient de convaincre les régions et les villes d’agir dans un esprit d’ouverture. Ici aussi, l’Union européenne peut jouer un rôle important en favorisant l’échange de bonnes pratiques et en apportant aux entités régionales un savoir-faire de pointe.

3.14.

La recherche publique constitue une source très importante de données. L’argent des contribuables étant en jeu, il est important de veiller à ce que ces données soient plus largement diffusées. Les PME en particulier pourraient tirer profit des réservoirs de données issues de la recherche.

3.15.

Cette catégorie de données publiques interfère souvent avec les opérations menées par des acteurs privés. Les arrangements contractuels avec le secteur commercial entraîne à l’évidence une différence de traitement des données. L’on citera, à titre d’exemple, les données à caractère non personnel produites dans les secteurs des transports et de l’énergie, par les satellites, ou encore dans les registres fonciers et d’autres services publics.

3.16.

Compte tenu des écarts malheureusement importants qui existent en Europe, le CESE insiste sur le fait qu’une circulation pleinement libre des données dans l’ensemble de l’Europe pourrait également contribuer à la convergence entre les économies nationales, ce qui présente un intérêt considérable tant pour les économies les plus avancées que pour celles qui sont à la traîne. Les administrations publiques pourraient être invitées à se soutenir et se conseiller mutuellement afin de mettre en place les mécanismes adéquats.

3.17.

La communication n’aborde pas les aspects concernant les données exprimées en différentes langues qui sont liés à la libre circulation des données ou à l’accès à celles-ci. Les données de ce type pouvant très bien n’être produites que par des machines, la Commission devrait, de l’avis du CESE, intensifier ses efforts pour soutenir la recherche et l’innovation, ainsi que le déploiement de la traduction automatique des données exprimées dans différentes langues dans l’ensemble des langues officielles de l’Union européenne.

3.18.

Le CESE souligne la nécessité d’adopter une approche globale et de favoriser l’émergence d’une vision commune au sein du Conseil «Compétitivité» et au-delà, de manière à créer un climat de confiance mutuelle. La confiance est capitale. L’ouverture du marché européen à la libre circulation de données à caractère non personnel a également une incidence politique profonde. Des questions de nature très diverse se posent ici, telles que le renforcement de la base du marché unique et de l’innovation dans les grandes et les petites entreprises, l’amélioration des perspectives de croissance économique et de création d’emplois, la promotion de la convergence économique entre les États membres et celle de la compétitivité.

4.   Accès aux données et transfert de données sur le marché

4.1.

La communication passe en revue un grand nombre d’interactions possibles entre entreprises de toutes tailles dans le domaine des données (commerce interentreprises ou B2B). Par ailleurs, il y a lieu de tenir compte des services publics. La diversité des données est infinie et leur évolution, dès lors, imprévisible.

4.2.

La Commission donne à juste titre la priorité à l’objectif de l’accès à de grands ensembles de données différents par les acteurs du marché quels qu’ils soient. Elle met en exergue de nombreux obstacles au libre accès et note que «les échanges de données restent, dans l’ensemble, très limités» (14).

4.3.

Les raisons pour lesquelles les entreprises veulent conserver les données pour leur seul usage sont évidentes. Les produits et les services sont élaborés sur la base de systèmes de production propres à l’entreprise ou, plus largement, de stratégies d’entreprise, qui ne sont pas partagés avec d’autres. La liberté contractuelle doit être respectée et assurée, par principe (15).

4.4.

Le tableau est très contrasté. Les grandes entreprises disposent souvent de leur propre département de recherche, et d’un large éventail d’applications possibles. Les petites entreprises ont par définition un champ d’action limité. Cependant, dans tous les cas, les arguments en faveur du partage des données avec d’autres entreprises, lequel présente des avantages directs pour toutes les sociétés concernées, sont plus que convaincants.

4.5.

En règle générale, les droits de propriété intellectuelle ne portent pas sur les données de type «machine à machine» (M2M). Cela étant, la législation de l’Union européenne s’applique aux applications spécifiques qui nécessitent une protection juridique. Dans d’autres cas, ces données et la manière dont elles sont gérées restent soumises à des solutions contractuelles, comme par exemple la propriété des données et les prix.

4.6.

Le cadre juridique en matière de données devrait assurer la protection des droits des entreprises dans la même mesure que la protection des biens physiques.

4.7.

Il n’est guère besoin de nouvelles mesures législatives. La réglementation en vigueur couvre la plupart des domaines et pourra, si nécessaire, être remaniée en fonction des exigences particulières de l’ère numérique.

4.8.

Compte tenu de la dynamique actuelle et de la nature imprévisible de l’évolution de la situation, le cadre général de normes éventuellement mis en place ne devrait en aucun cas entraver l’innovation. Les normes existantes limitent souvent les innovations et l’on peut difficilement envisager d’en adopter de nouvelles sans avoir une meilleure connaissance de l’évolution de la situation. Il est dès lors nécessaire de penser de nouveaux modes de réglementation. La portabilité devrait être encouragée.

4.9.

La responsabilité est une question épineuse (16). Le champ d’application des technologies s’élargissant, il pourrait s’avérer nécessaire de réviser certaines directives en vigueur, afin, par exemple, d’adapter la directive sur la responsabilité du fait des produits à l’internet des objets et l’intelligence artificielle. La communication de machine à machine (M2M) pourrait nécessiter des dispositions juridiques spécifiques en matière de responsabilité. Compte tenu de la grande variété et de l’évolution constante des relations entre entreprises qui concernent les données, le CESE pense que la réglementation actuelle est en grande partie satisfaisante. Tout nouveau règlement devrait favoriser l’innovation et certainement pas l’entraver.

4.10.

Un plus grand flux ou transfert de données est accessible par le biais de contrats passés entre les entreprises, en faisant usage des plateformes et des ateliers existants ou nouveaux, de préférence sur une base internationale, des interfaces de programmation (17), et en intensifiant les relations ciblées entre le monde scientifique et celui des entreprises. Le monde scientifique devrait également être représenté au sein des plateformes et dans les ateliers. Nombre de ceux-ci sont déjà en place dans le cadre d’Industrie 4.0, par exemple les laboratoires de terrain régionaux. La diffusion de données produites par les centres de recherche et financés par des fonds publics devrait être rendue obligatoire (18).

4.11.

Le CESE est favorable à des «bancs d’essai» ainsi qu’à des marchés ouverts pour l’échange de données, afin d’encourager les acteurs en faveur d’une plus grande ouverture. Des terrains d’entente peuvent être recensés et consolidés. Il y a lieu d’habiliter un organisme unique à recenser les besoins en champs d’essai et à faciliter une coopération fructueuse et de haute qualité entre les agences concernées.

4.12.

Le CESE attire l’attention sur une initiative très utile lancée en 2014 par la Commission et Big Data Value Association (19). Une déclaration récente des deux partenaires soulignait les quatre grands instruments à mettre en œuvre dans le cadre du PPP:

des projets de démonstration à grande échelle («projets phares») dans les secteurs industriels,

l’expérimentation et l’intégration des données («espaces d’innovation»),

des projets techniques dans des domaines clés,

la mise en réseau, la création de communautés et l’appui stratégique.

Il s’agit là d’une approche à valeur d’exemple pour d’autres initiatives européennes. Outre les PPP dans le domaine de la recherche, il existe aussi des initiatives technologiques conjointes consacrées à l’innovation.

4.13.

Des contrats types européens pour la coopération pourraient être envisageables.

5.   Sensibilisation et état d’esprit dans les entreprises

5.1.

Outre des dispositions réglementaires et pratiques, une économie numérique solide exige également un climat de plus grande ouverture au sein des entreprises européennes. Réagir de manière proactive au changement de paradigme est, avant tout, une question de sensibilisation et d’état d’esprit.

5.2.

L’économie mondiale dans son ensemble traverse une période de profonde transformation. Tous les secteurs — petits et grands — doivent être impliqués dans ce processus, dans le cadre duquel il ne doit pas y avoir d’opposition entre les industries existantes et les secteurs plus récents, entre «ancien» et «nouveau». Les compétences européennes essentielles doivent être transformées plus rapidement et plus efficacement, et tous les secteurs doivent être habilités à prendre part à ce processus.

5.3.

Le processus lui-même est largement un processus ascendant, qui concerne donc le secteur des affaires et les entreprises. En plus des outils précieux que la Commission présente (20) en vue de rendre les marchés plus sensibles à la réalisation d’ajustements proactifs, le CESE attire l’attention sur la nécessité d’un changement de mentalité dans une grande partie du monde européen des affaires.

5.4.

La question des données est une question sensible au sein des entreprises et le deviendra encore davantage à l’avenir. Seul un nombre limité d’entreprises sont favorables aux données ouvertes. Il sera utile de disposer d’une liste d’exemples dressée par la Commission. En outre, de nombreuses entreprises croient toujours à tort que leur niveau de fabrication sophistiqué actuel leur garantira une position sur le marché dans le futur.

5.5.

Les écarts entre les États-Unis et l’Europe sont frappants. Les traditions européennes en matière d’ingénierie ont tendance à favoriser une mentalité fermée. Une ingénierie avancée et un niveau élevé de sophistication dans le traitement des données sont des facteurs décisifs pour disposer d’un avantage compétitif. Les États-Unis sont très avancés dans le domaine des relations d’entreprises à consommateurs (B2C) et plus ouverts à l’idée de libre accès. L’Europe est très avancée dans la production de haute qualité et le B2B, et les entreprises veulent garder le contrôle de leurs propres données.

5.6.

Il y a lieu d’examiner avec attention la question de savoir si l’Europe a actuellement la capacité de traiter correctement les données massives. En d’autres termes, les entreprises de l’Union sont confrontées au défi suivant: c’est largement aux États-Unis que se trouve la capacité de traduire les données en opportunités commerciales, ce qui signifie que les données susceptibles d’être traitées sont stockées sur les serveurs de sociétés américaines, ainsi que les algorithmes permettant de générer de nouvelles idées (21).

5.7.

Un changement doit être amorcé sans tarder. La meilleure manière d’aller de l’avant serait d’adopter une stratégie à la fois de préservation des forces actuelles de l’industrie manufacturière et d’ouverture croissante aux flux de données. Le processus de changement ne peut avoir lieu du jour au lendemain mais seulement par étapes progressives. Les entreprises européennes doivent trouver la solution européenne la plus efficace: ne pas lutter contre le courant mais opter pour un changement acceptable (22).

5.8.

De nombreuses entreprises européennes doivent rattraper leur retard à la fois en veillant à renforcer leur aptitude à travailler avec des données et en améliorant l’industrie manufacturière. Aussi étrange que cela puisse paraître, dans un certain nombre d’entreprises, l’ouverture et la transparence dans le domaine des données massives passent, par une modification des procédures et des approches internes de l’entreprise.

5.9.

La création de modèles d’entreprise plus flexibles et plus faciles à adapter, appelés à renouveler progressivement le paysage traditionnel des entreprises verticalement intégrées du secteur de l’industrie manufacturière, constitue une question essentielle (23). Ces modèles devront permettre aux entreprises de fonctionner plus efficacement dans un environnement caractérisé par un nombre sans cesse croissant de produits et de services, et par la pleine intégration de l’industrie manufacturière et des services. Il arrive que des entreprises doivent accepter des inconvénients pour pouvoir bénéficier d’avantages accrus.

5.10.

Il y a lieu d’organiser des échanges afin de discuter de la tension entre la préservation de l’identité des données liée à une entreprise et le besoin impératif d’innovation dans un contexte international, et de se pencher sur les approches les plus efficaces pour favoriser l’ouverture des entreprises. La Commission peut jouer un rôle des plus utiles pour européaniser ces échanges.

5.11.

Les idées doivent voir le jour afin de créer des pôles d’excellence susceptibles de contrebalancer la Silicon Valley et les grandes universités américaines.

5.12.

À titre d’exemple, il est nécessaire d’approfondir le marché européen des capitaux, qui est sous-développé. Le traitement dynamique des données massives requiert non seulement des jeunes pousses florissantes, mais notamment aussi des entreprises en expansion, qui sont trop peu nombreuses. Un marché du capital-risque plus dynamique en Europe est donc indispensable. Il y a lieu d’étudier et d’adapter des mesures visant à renforcer et à favoriser son développement, en suivant des bonnes pratiques telles que l’exemple israélien.

5.13.

Le Royaume-Uni dispose d’une économie des données dynamique. Le CESE estime que les industries européenne et britannique devraient continuer à collaborer étroitement dans le domaine de la génération de données transparentes et ouvertes.

6.   La société et le marché du travail

6.1.

Les points de vue exprimés dans plusieurs avis antérieurs du CESE (24) concernant les retombées d’Industrie 4.0 sur la société et le marché du travail sont également pertinents à l’ère de la libre circulation des données. Certains aspects méritent d’être soulignés.

6.2.

La dynamique du développement et de la diffusion des données requiert d’être pleinement comprise par la société et, plus particulièrement, par les travailleurs dans l’ensemble des entreprises européennes. Une communication actualisée est nécessaire pour promouvoir une connaissance suffisante ainsi que l’acceptation par l’opinion du processus de profonde transformation. Les partenaires sociaux ont leur rôle à jouer.

6.3.

Le facteur humain est déterminant. Il y a lieu de mener un dialogue social à tous les niveaux en vue de procéder aux ajustements nécessaires et de mettre en place des programmes visant à préparer les travailleurs et les jeunes à la nouvelle réalité. Il faudra recruter un grand nombre de nouveaux analystes de données et de scientifiques actifs dans ce domaine.

6.4.

Cela souligne également l’enjeu que constitue le développement de nouvelles formes d’organisations pour la formation et la coopération des travailleurs dont le travail va diminuer dans toutes les couches de la société. Les systèmes sociaux actuels ne sont pas adaptés à ces défis, à quelques exceptions près, comme les sociétés «tampons» qui, par exemple en Finlande, permettent le passage d’anciens employés vers le travail participatif tout en maintenant leur assurance sociale. Tous doivent être conscients que nous travaillons désormais dans un contexte différent.

6.5.

L’évolution du marché du travail et l’insertion sociale s’inscrivent également dans un concept plus large de politique industrielle. Selon les études réalisées, les projections oscillent entre des pertes d’emploi pouvant aller jusqu’à 50 %, en particulier chez les employés, et une augmentation de 20 % des nouveaux emplois grâce à la numérisation et à la production de pointe. Toutes les parties concernées devraient se concentrer sur le processus de transition afin de lever les obstacles aux adaptations et de favoriser des résultats qui créent de nouvelles possibilités pour les citoyens, notamment dans le développement des services.

6.6.

L’éducation initiale et la formation continue de l’ensemble de la main-d’œuvre revêtent une grande importance dans tous les secteurs et dans tous les pays. Les sujets abordés dans ce cadre ne devraient pas seulement être de nature technique.

6.7.

Le CESE attire l’attention sur le rôle de soutien que la Commission pourrait jouer en indiquant la voie à suivre et en recensant les problèmes et les opportunités. Il convient d’organiser dans l’Union européenne des ateliers et des échanges portant notamment sur les meilleures pratiques et réunissant des entreprises, des partenaires sociaux et des représentants gouvernementaux. Un terrain d’entente et des approches communes doivent être trouvés et développés dans un contexte marqué par la diversité des cultures en Europe.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Communication «Créer une économie européenne fondée sur les données», COM(2017) 9 final, 10 janvier 2017. Voir également la lettre de motivation en date du 2 décembre 2016, signée par 14 chefs d’État ou de gouvernement sur la libre circulation des données intitulée «Non-paper on the Free Flow of Data initiative» [document officieux sur l’initiative relative à la libre circulation des données].

(2)  JO C 71 du 24.2.2016, p. 65.

(3)  Communication «Créer une économie européenne fondée sur les données», COM(2017) 9 final, 10 janvier 2017.

(4)  Communication COM(2014) 442 final du 2 juillet 2014 (JO C 242 du 23.7.2015, p. 61).

(5)  La transformation numérique de l’industrie, Fédération de l’industrie allemande, 1er février 2015.

(6)  GAFA est l’acronyme de Google, Apple, Facebook et Amazon, qui totalisent ensemble un chiffre d’affaires de 468 milliards de dollars. NATU est l’acronyme de Netflix, Airbnb, Tesla et Uber. La valeur de marché combinée de GAFA s’élève actuellement à 2 300 milliards de USD, ce qui correspond à peu de chose près à celle des 50 principales sociétés de l’EURO STOXX, à savoir 2 900 milliards d’EUR. Cela donne une idée précise de la puissance financière des entreprises et des plateformes actives dans l’exploitation des données massives et de leur énorme création de valeur.

(7)  COM (2017) 9 final, p. 2.

(8)  Voir également la lettre datée de 2016, signée par 14 gouvernements sur cette question Non-paper on the Free Flow of Data initiative. Doit-on considérer comme un mauvais signe le fait qu’aucun grand pays, à l’exception de la Grande-Bretagne, n’ait signé la lettre?

(9)  JO C 71 du 24.2.2016, p. 65 et JO C 389 du 21.10.2016, p. 50.

(10)  La FME-CWM, une association néerlandaise d’industries technologiques, recommande de créer une équipe ministérielle de haut niveau afin de coordonner la numérisation aux Pays-Bas, le 16 mars 2017.

(11)  COM (2017) 9 final, p. 5.

(12)  COM (2017) 9 final, p. 7.

(13)  Règlement général sur la protection des données, mai 2016 (JO C 229 du 31.7.2012, p. 90).

(14)  COM (2017) 9 final, p. 10.

(15)  Voir également «Orgalime’s comments on the upcoming European Commission initiative on “Building the EU Data Economy”» [Commentaires d’Orgalime sur la prochaine initiative de la Commission européenne sur le thème «Créer une économie européenne fondée sur les données»], 21 septembre 2016, et «DIGITALEUROPE’s Initial Views on Building the European Data Economy Communication» [Les premiers points de vue de DIGITALEUROPE sur la communication «Créer une économie européenne fondée sur les données»], 14 février 2017.

(16)  COM (2017) 9 final, p. 14 et 15.

(17)  COM (2017) 9 final, p. 12.

(18)  La Région wallonne envisage d’adopter un décret sur cette question.

(19)  Cette initiative réunit la Commission, l’industrie et les établissements de recherche dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) qui vise à favoriser la coopération en matière de recherche et d’innovation dans le domaine des données, à mettre en place une communauté autour des données, et à jeter les bases d’une économie des données prospère dans l’Union, comme l’ont expliqué dans une déclaration conjointe la Commission européenne et Big Data Value Association.

(20)  COM (2017) 9 final, p. 11 à 13.

(21)  L’industrie automobile, poumon de l’économie européenne, offre un bon exemple de cette évolution: contrairement aux entreprises de ce secteur, des concepts entièrement nouveaux comme Google ne vendront pas de voitures mais, en interface avec le client, de la mobilité et des programmes de mobilité.

(22)  Voir «WHITE PAPER DIGITAL PLATFORMS Digital regulatory policy for growth, innovation, competition and participation» [Livre blanc sur les plateformes numériques, politique réglementaire numérique pour la croissance, l’innovation, la concurrence et la participation], gouvernement allemand, ministère fédéral de l’économie et de l’énergie, mars 2017.

(23)  Les perspectives de développement de l’industrie automobile offrent un exemple éloquent: voir le rapport du CESE CCMI/148, 22 février 2017.

(24)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 161.


13.10.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 345/138


Avis du Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel dans les communications électroniques et abrogeant la directive 2002/58/CE (règlement “vie privée et communications électroniques”)»

[COM(2017) 10 final — 2017/0003 (COD)]

(2017/C 345/23)

Rapporteure:

Laure BATUT

Consultation

Parlement européen, 16 février 2017

Conseil de l’Union européenne, 9 mars 2017

Base juridique

Articles 16 et 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

14 juin 2017

Adoption en session plénière

5 juillet 2017

Session plénière no

527

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

155/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE déplore vivement que la superposition des textes sur la protection des données, leur volume et leur intrication, les va-et-vient de l’un à l’autre nécessaires à leur compréhension, rendent leur lecture et leur mise en œuvre improbables au-delà d’un cercle d’initiés, et que leur valeur ajoutée ne soit pas accessible pour le citoyen, notion qui fait défaut dans tout le projet de règlement. Il recommande la publication en ligne d’une brochure synthétique qui les décrive au public et les rende accessibles à tous.

1.2.

Le CESE souligne que parmi les options proposées dans l’analyse d’impact, la Commission a choisi celle qui renforcera «modérément» le respect de la vie privée. Est-ce pour garantir un équilibre avec les intérêts de l’industrie? La Commission ne précise pas quels éléments d’un renforcement «important» du respect de la vie privée auraient nui aux intérêts de l’industrie. Cette position tend à amoindrir le texte dès sa conception.

1.3.

Le CESE recommande à la Commission de:

1)

Considérer que désormais, tout peut devenir une donnée et faire l’objet d’une communication électronique impliquant des conséquences pour la vie privée des personnes physiques et morales.

2)

Clarifier l’application de la Charte européenne des droits fondamentaux, et des droits de l’Homme, dans la proposition (articles 5, 8 et 11) ainsi que les possibilités de restriction pouvant être apportées par les lois nationales (considérant 26).

3)

Revoir les articles 5 et 6 de la proposition. Permettant les communications électroniques, internet et la téléphonie mobile sont des services d’intérêt général dont l’accès doit être universel, disponible et abordable sans que les consommateurs ne soient contraints, pour en bénéficier, de consentir à des traitements de leurs données exigées par l’opérateur. Il faut donc prévoir l’obligation de proposer systématiquement à l’utilisateur une possibilité de refus fondée sur une information compréhensible (cookies, «mur de suivi», etc.).

4)

Établir clairement que la lex specialis proposée pour compléter le règlement général sur la protection des données (RGPD) respecte les principes généraux dudit texte et ne diminue pas les protections qu’il a établies, et que tout traitement, y compris la mesure des résultats d’audience sur le web (web audience measuring) est soumis aux principes du RGPD (article 8).

5)

Garantir une stabilité réglementaire aux citoyens et aux entreprises et, pour cela, clarifier le texte du règlement et le contenu des mesures d’application pour éviter un trop grand nombre d’actes délégués.

6)

Développer une stratégie capable d’informer tous les consommateurs du fait que l’Union reste fidèle à ses principes de respect des droits de l’Homme, que sa volonté est de faire respecter la vie privée non seulement par les opérateurs de communications électroniques, mais aussi par les services par contournement (OTT-Over The Top).

7)

Éviter que la santé ne soit une brèche grande ouverte sur l’exploitation de la vie privée et des données personnelles à des fins mercantiles par les communications électroniques.

8)

Se préoccuper de l’économie collaborative, des transferts et des utilisations de données au moyen de communications électroniques par le biais de plateformes, souvent situées hors de l’Union européenne.

9)

Prendre en considération l’IOT (internet des objets) qui est très intrusif et peut être vecteur d’atteintes à la vie privée lors des transmissions de données au moyen de communications électroniques.

10)

Tenir compte de ce qui suit le transfert des données et protéger les données stockées par les personnes car la plupart sont privées (quelle que soit l’interface, y compris l’informatique en nuage).

11)

Clarifier la protection des transferts de données de machine à machine (M2M) et y consacrer un article, pas seulement un considérant 12.

12)

Créer, pour aider les citoyens à s’orienter dans la jungle des textes et à exercer leurs droits, un portail européen (DG Justice) accessible à tous et compréhensible, donnant accès aux textes européens, nationaux, aux voies de recours, aux jurisprudences (exemple: éclairer les considérants 25 et les articles 12 et 13).

13)

Donner aux autorités de contrôle les moyens d’assumer leur tâches (Contrôleur européen de la protection des données, autorités nationales).

14)

Permettre aux consommateurs d’introduire des actions de groupe au niveau européen pour faire valoir leurs droits, en allant avec une nouvelle directive, plus loin que la recommandation C(2013)401&3539 (1).

2.   Éléments de contexte législatif

2.1.

Les réseaux de communications électroniques ont considérablement évolué depuis l’entrée en vigueurs des directives 95/46 et 2002/58  (2) CE sur le respect de la vie privée dans les communications électroniques.

2.2.

Le règlement général sur la protection des données (RGPD) adopté en 2016 [règlement (UE) 2016/679] est devenu la base des actions et a posé les grands principes, y compris pour les données judiciaires et pénales. En vertu de ce règlement, les données personnelles ne peuvent être collectées que dans de strictes conditions, à des fins légitimes et dans le respect de la confidentialité (article 5 du RGPD).

2.2.1.

La Commission a présenté, en octobre 2016, une proposition de directive établissant un code des communications électroniques européen (3) (qui contient 300 pages), qui n’a pas encore été adopté, mais auquel elle se réfère pour certaines définitions qui ne figurent ni dans le RGPD ni dans le texte à l’examen.

2.2.2.

Deux propositions datant de janvier 2017 précisent certains aspects en s’appuyant sur le RGPD; il s’agit de la proposition de règlement sur la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes de l’Union [COM(2017) 8 final, rapporteur: M. PEGADO LIZ], et du texte à l’examen [COM(2017) 10 final], sur le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel.

2.3.

Les trois textes précités seront applicables à la même date, à partir du 25 mai 2018, et visent une harmonisation des droits et des procédures de contrôle.

2.4.

Il est à noter que pour faciliter cette approche, il a été décidé de recourir, pour la protection de la vie privée, à un règlement européen et non plus à une directive.

3.   Introduction

3.1.

La société civile souhaite comprendre si, dans le monde du tout numérique qui se dessine, l’Union apporte une valeur ajoutée qui garantisse des espaces où la vie privée peut s’épanouir sans crainte.

3.2.

Les données générées de manière continue rendent tous les utilisateurs traçables et identifiables partout. Le traitement des données effectué dans des centres physiques, situés pour la plupart hors d’Europe, soulève des craintes.

3.3.

Les «Big Data» (mégadonnées) sont devenues une monnaie; elles permettent, par leur traitement intelligent, de «profiler», de «marchandiser» les personnes physiques et morales, de gagner de l’argent souvent à l’insu des utilisateurs.

3.4.

Mais surtout, l’apparition de nouveaux acteurs dans le secteur du traitement des données hors fournisseurs d’accès à internet doit conduire à une révision des textes.

4.   Résumé de la proposition

4.1.

Avec ce texte, la Commission voudrait instaurer un équilibre entre les consommateurs et l’industrie:

elle autorise l’utilisation des données par les opérateurs en permettant à l’utilisateur final de garder le contrôle en donnant expressément son accord,

elle exige des opérateurs qu’ils disent ce qu’ils vont faire avec ces données,

elle retient la troisième option de l’analyse d’impact qui privilégie un renforcement «modéré» du respect de la vie privée, et non la quatrième qui proposait un renforcement «important».

4.2.

La proposition vise le déploiement du RGPD, qui est d’application générale comme le sont la confidentialité des données privées et le droit à l’effacement, et concerne l’aspect particulier du respect de la vie privée et de la protection des données à caractère personnel dans les télécommunications; il propose d’instaurer des règles plus exigeantes en matière de protection de la vie privée, ainsi que des contrôles coordonnés et des sanctions.

4.3.

Elle n’édicte pas de mesures spécifiques portant sur les «brèches» dans les données personnelles venant des utilisateurs eux-mêmes, mais confirme dès les premiers articles (article 5) le principe de la confidentialité des communications électroniques.

4.4.

Les fournisseurs peuvent traiter le contenu de communications électroniques:

pour fournir un service à un utilisateur final qui a donné son consentement,

pour les utilisateurs finaux concernés [article 6, paragraphe 3, points(x) et (b)] qui ont donné leur consentement.

4.5.

Ils sont tenus d’effacer ou d’anonymiser les contenus après réception par leurs destinataires.

4.6.

Selon l’article 4, paragraphe 11 du RGPD, le «consentement» de la personne concernée correspond à toute manifestation de volonté, libre, spécifique, éclairée et univoque par laquelle elle accepte, par une déclaration ou par un acte positif clair, que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement.

4.7.

Le projet maintient l’exigence du consentement expressément exprimé, défini par le RGPD, la charge de la preuve incombant aux opérateurs.

4.8.

Le «traitement» repose sur ce consentement. Le responsable du traitement doit être «en mesure de démontrer que la personne concernée a donné son consentement au traitement de données à caractère personnel la concernant» (article 7, paragraphe 1 du RGPD).

4.9.

Certaines limitations (des obligations et des droits) à la confidentialité pourraient être apportées par le droit de l’Union européenne ou par le droit national pour garantir des intérêts publics ou une mission d’inspection.

4.10.

Les personnes physiques doivent avoir donné leur consentement pour figurer dans un annuaire électronique accessible au public, avec les moyens de vérifier et de corriger les données qui les concernent (article 15).

4.11.

Un droit d’opposition permettra à tout utilisateur de bloquer l’utilisation de ses données confiées à un tiers (par exemple un commerçant), puis lors de l’envoi de chaque message (article 16). Les nouvelles règles donneront aux utilisateurs une meilleure maîtrise de leurs paramètres (cookies, identifiants) et les communications «non sollicitées» (pourriels, messages, SMS, appels) pourront être bloquées en cas de défaut d’accord de l’utilisateur.

4.12.

Concernant l’identification des appels et les blocages d’appels indésirables (articles 12 et 14), le règlement souligne que ces droits sont aussi ceux des personnes morales.

4.13.

La structuration d’un système de contrôle est conforme au RGPD (chapitres VI sur les autorités de contrôle et VII sur la coopération entre les autorités de contrôle).

4.13.1.

Ce sont les États membres et leurs autorités nationales responsables de la protection des données qui devront veiller au respect des règles de confidentialité. Les autres autorités de contrôle pourront, dans le cadre d’une assistance mutuelle, rédiger des objections soumises éventuellement aux autorités de contrôle nationales. Elles coopèrent avec ces dernières et avec la Commission européenne dans le cadre d’un mécanisme de cohérence (article 63 du RGPD).

4.13.2.

Le comité européen de la protection des données (CEPD) est chargé pour sa part de veiller à l’application cohérente du règlement à l’examen (articles 68 et 70 du RGPD).

Il peut être amené à publier des lignes directrices, des recommandations et des bonnes pratiques afin de favoriser l’application du règlement.

4.14.

Des voies de recours sont ouvertes aux personnes physiques et morales utilisateurs finaux pour faire valoir leurs intérêts lésés par des violations; elles pourront obtenir une réparation du préjudice subi.

4.15.

Les montants prévus pour les amendes administratives se veulent dissuasifs, puisqu’ils peuvent s’élever, pour tout contrevenant, jusqu’à dix millions d’euros et, pour une entreprise, jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu (article 23); les États membres établissent les sanctions pour le cas où il n’y aurait pas d’amende administrative et en informent la Commission.

4.16.

Le nouveau texte sur le respect de la vie privée et l’utilisation des données à caractère personnel sera applicable à partir du 25 mai 2018, à la même date donc que le RGPD de 2016, que le règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions organes et organismes de l’Union, et que le projet de directive sur la refonte du code des communications électroniques européen [COM(2016) 590 final], s’ils sont adoptés.

4.17.

Champ d’application la lex specialis mettant en œuvre le RGPD:

ratione jure: base juridique

Elle est fondée sur les articles 16 (protection des données) et 114 (marché unique) du TFUE, mais aussi sur les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux. Le règlement veut compléter le règlement RGPD en ce qui concerne les données pouvant être considérées comme des données personnelles.

ratione personae: acteurs

Ce sont les utilisateurs finaux, personnes physiques et morales, tels que définis dans le projet de code des communications électroniques européen, face à l’ensemble des fournisseurs de services de communication, non seulement les fournisseurs traditionnels, mais surtout les nouveaux acteurs dont les nouveaux services n’offrent pas de garanties aux utilisateurs. Les techniques dites «de contournement» des OTT (messageries instantanées, SMS, techniques de parole sur IP, interfaces multiples, etc.) les extraient actuellement du champ d’application des textes existants.

ratione materiae: les données

La proposition ne comporte pas de disposition sur la conservation des données dans l’informatique en nuage et laisse aux États membres le soin d’agir, dans le respect de l’article 23 du RGPD relatif aux limitations du droit d’opposition et de la jurisprudence de la Cour de justice (voir le paragraphe 1.3 de l’exposé des motifs).

L’utilisateur devra donner son consentement à la conservation des données et métadonnées générées dans les systèmes (date, heure, localisation, etc.), faute de quoi ces données devront être anonymisées ou effacées.

ratione loci: où?

Les établissements effectuent les activités de traitement dans les États membres ou bien l’un de leurs établissements situé dans un État membre sera considéré comme «chef de file» pour le contrôle, les autorités nationales de contrôle joueront leur rôle et le contrôleur européen de la protection des données (CEPD) supervisera l’ensemble du processus.

4.18.

Les objectifs de l’Union européenne: le marché unique numérique

L’un des objectifs du marché unique numérique est de créer les conditions de services numériques sûrs et de susciter la confiance des utilisateurs afin de développer, entre autres, le commerce en ligne, les innovations, et par ricochet les emplois et la croissance (exposé des motifs, paragraphe 1.1).

Le projet de règlement à l’étude vise aussi une forme d’harmonisation entre les textes et de cohérence entre les États membres.

Tous les trois ans, la Commission procèdera à une évaluation de la mise en œuvre du règlement qu’elle présentera au Parlement européen, au Conseil et au CESE (article 28).

5.   Observations générales

5.1.

Le Comité salue la mise en place simultanée dans toute l’Union d’un ensemble cohérent de règles visant à protéger les droits des personnes physiques et morales liés à l’usage des données numériques au moyen de communications électroniques.

5.1.1.

Il se réjouit que l’Union joue son rôle de défenseur des droits des citoyens et des consommateurs.

5.1.2.

Il souligne qu’alors qu’on vise l’harmonisation, l’interprétation de nombreux concepts incombe aux États membres, ce qui transforme le règlement en une sorte de directive qui laisse une grande place à la marchandisation des données privées. En particulier, le domaine de la santé est une porte ouverte à la collecte de quantités énormes de données privées.

5.1.3.

Les articles 11-1, 13-2, 16-4 et 5, et 24 sont plutôt des dispositions qu’on pourrait qualifier de mesures de «transposition» qui conviendraient pour une directive mais non pour un règlement. Une trop grande latitude est laissée aux opérateurs dans le but d’améliorer la qualité des services (articles 5 et 6). Ce règlement devrait faire partie intégrante de la proposition de règlement dit «code des communications électroniques européen» [COM(2016) 590 final)].

5.1.4.

Le CESE déplore vivement que la superposition, le volume de ces textes et leur intrication rendent leur lecture improbable, au-delà d’un cercle d’initiés. En effet, de permanents allers-retours de l’un à l’autre texte sont nécessaires. De plus, leur valeur ajoutée n’est pas visible pour le citoyen. Cette difficulté de lecture et cette complexité de la proposition sont contraires à l’esprit du programme pour une réglementation affûtée et performante (REFIT) et de l’objectif «mieux légiférer», la rendront difficile à interpréter, et ouvriront des brèches dans la protection.

5.1.5.

À titre d’exemple, la proposition de règlement ne contient pas de définition de la notion d’«opérateur»; il faut se reporter au projet de code des communications électroniques européen (4), qui n’est pas encore entré en vigueur, qui modifiera les règles du secteur dans le cadre du marché unique numérique, à savoir la directive-cadre 2002/21/CE, la directive «autorisation» 2002/20/CE, la directive «service universel» 2002/22/CE et la directive «accès» 2002/19/CE telle qu’elles ont été modifiées; le règlement (CE) no 1211/2009 instituant l’ORECE, la décision «spectre radioélectrique» 676/2002/CE, la décision 2002/622/CE instituant un groupe pour la politique en matière de spectre radioélectrique et la décision 243/2012/UE établissant un programme pluriannuel en matière de politique du spectre radioélectrique (PPSR). La référence fondamentale reste bien sûr le RGPD (voir paragraphe 2.2) que la proposition à l’examen se propose de compléter et lui est donc subsidiaire.

5.2.

Le CESE souligne tout particulièrement le contenu de l’article 8 portant sur la protection des informations stockées dans les équipements terminaux et les exceptions potentielles, article fondamental car il laisse à la société de l’information des possibilités d’accéder aux données privées. Il souligne aussi celui de l’article 12 sur la restriction de l’identification des lignes appelante et connectée, articles peu accessibles pour un non-initié.

5.2.1.

La directive de 1995 (article 2) définissait les «données à caractère personnel» comme «toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable (personne concernée)». Le règlement à l’examen élargit la protection des données aux métadonnées et s’applique désormais aux personnes physiques comme aux personnes morales. Il convient de souligner à nouveau que le projet a un double objectif: d’une part protéger les données à caractère personnel et d’autre part assurer la libre circulation des données et des services de communications électroniques au sein de l’Union européenne (article 1).

5.2.2.

Le CESE souligne que la volonté de protéger les données des personnes morales (article 1, paragraphe 2) va se heurter à d’autres textes d’où elle est absente: il n’y est pas clairement dit qu’ils devront s’appliquer à leur cas (voir le RGPD, les données dans les institutions européennes).

5.3.

Le CESE se demande si le véritable objectif de cette proposition n’est pas de mettre plus l’accent sur son article 1, paragraphe 2 à savoir garantir «la libre circulation des données de communications électroniques et des services de communications électroniques au sein de l’Union», qu’il ne limite ni interdit pour des motifs liés au respect de la vie privée et des communications des personnes physiques, plutôt que de garantir réellement ce qu’il annonce dans son article 1, paragraphe 1, à savoir «le droit au respect de la vie privée et des communications et la protection des personnes physiques et morales à l’égard du traitement de données à caractère personnel».

5.4.

Tout repose sur l’expression du consentement de la personne, physique ou morale. En conséquence, pour le CESE, les utilisateurs doivent être informés, formés, et rester prudents, car une fois leur consentement donné, le fournisseur pourra traiter davantage les contenus et les métadonnées pour obtenir le plus d’actions et de gains possible. Combien savent, avant de l’accepter, qu’un cookie est un traceur? L’éducation des utilisateurs à faire usage de leurs droits, tout comme l’anonymisation ou le chiffrement, devraient être des priorités liées à ce règlement.

6.   Observations particulières

6.1.

Les données privées ne devraient être collationnées que par des organismes respectant eux-mêmes des conditions très strictes et visant des objectifs connus et légitimes (RGPD).

6.2.

Le Comité regrette à nouveau «les trop nombreuses exceptions et limitations qui affectent les principes affirmés du droit à la protection des données personnelles (5)». L’équilibre entre liberté et sécurité devrait rester la marque de l’Union européenne, plutôt que l’équilibre entre droits fondamentaux de la personne et industrie. Le groupe de travail «article 29» a sévèrement indiqué, dans son analyse du projet de règlement (WP247 du 4.4.2017, avis 1/2017, pt.17), qu’il diminue le niveau de protection défini dans le RGPD, notamment à propos de la localisation du terminal, du manque de limitation du champ des données collectables, et ne met pas en place une protection de la vie privée par défaut (pt.19).

6.3.

Les données sont comme un prolongement de la personne, une identité fantôme, une «Shadow-ID». Les données appartiennent à la personne qui les génère, mais après leur traitement, elles échappent à son influence. Pour la conservation et les transferts de données, chaque État reste responsable et il n’y a pas d’harmonisation en raison des limitations possibles des droits ouvertes par le projet de texte. Le Comité souligne le risque de disparités lié au fait que la limitation des droits soit laissée à l’appréciation des États membres.

6.4.

Une question se pose tout particulièrement pour les personnes travaillant dans des entreprises: à qui appartiennent les données qu’elles génèrent en travaillant? Et comment sont-elles protégées?

6.5.

L’architecture du contrôle n’est pas très claire (6); malgré la supervision par le CEPD, les garanties contre l’arbitraire ne semblent pas suffisantes et le temps nécessaire pour que les procédures aboutissent à une sanction n’a pas été évalué.

6.6.

Le CESE plaide pour la création d’un portail européen, où seraient rassemblés et mis à jour tous les textes européens et nationaux, tous les droits, les voies de recours, les cas de jurisprudence, des éléments pratiques, pour aider les citoyens et les consommateurs à s’orienter dans la jungle des textes et des mises en œuvre, afin de pouvoir exercer leurs droits. Ce portail devrait s’inspirer au moins des prescriptions de la directive (UE) 2016/2102 du 26 octobre 2016 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public, et des principes repris aux considérants 12, 15 et 21 de la proposition de directive dite European Accessibility Act 2015/0278(COD) et offrir des contenus accessibles et compréhensibles à tous les utilisateurs finaux. Le CESE serait prêt à participer aux phases de définition de ce portail.

6.7.

Il manque, dans l’article 22, une référence aux «actions de groupe» comme le CESE l’a déjà fait observer dans son avis sur le code des communications électroniques européen.

6.8.

La limitation du champ d’application matériel (article 2, paragraphe 2), l’extension du pouvoir de traitement des données sans le consentement du titulaire (article 6, paragraphes 1 et 2), et la notion improbable d’obtention du consentement de TOUS les utilisateurs concernés (point 3 alinéa b) et articles 8, paragraphes 1, 2 et 3), les limitations aux droits que peuvent apporter les États membres s’ils estiment qu’elles constituent des mesures «nécessaires, appropriées et proportionnées», sont autant de règles dont le contenu est susceptible de tant d’interprétations qu’il se révèle contraire à une vraie protection de la vie privée. Une attention particulière doit en outre être accordée à la protection des données relatives aux mineurs.

6.9.

Le CESE se réjouit du droit de regard évoqué à l’article 12, mais relève sa formulation particulièrement hermétique, semblant privilégier l’utilisation d’appels téléphoniques «inconnus» ou «cachés», comme si l’anonymat était recommandé, alors que le principe devrait être l’identification des appels.

6.10.

Les communications non sollicitées (article 16) et la prospection directe font déjà l’objet de la directive «pratiques commerciales déloyales (7)». Le régime par défaut devrait être l’opt-in (acceptation) et non l’opt-out (refus).

6.11.

L’évaluation par la Commission est prévue tous les trois ans, or, dans le domaine du numérique, ce délai est trop long. Après deux évaluations, le monde du numérique aura complètement changé. Cependant, la délégation (article 25), qui pourra être élargie, devrait avoir une durée déterminée, éventuellement renouvelable.

6.12.

La législation doit préserver les droits des utilisateurs (article 3 du TUE), tout en garantissant la stabilité juridique nécessaire à l’activité commerciale. Le CESE regrette que la circulation des données de machine à machine (M2M) ne figure pas dans la proposition: il faut se reporter au code des communications électroniques européen (proposition de directive, articles 2 et 4).

6.12.1.

L’internet des objets (IoT) (8) va conduire le «BigData» (mégadonnées) au «Huge Data» puis au «All Data». C’est une clé pour les futures vagues d’innovation. Et les machines, petites ou grandes, communiquent et véhiculent des données privées entre elles (votre montre enregistre les battements de votre cœur, qu’elle envoie à l’ordinateur de votre médecin, etc.). De nombreux acteurs du numérique ont lancé leur propre plateforme réservée aux objets connectés: Amazon, Microsoft, Intel ou, en France, Orange et La Poste.

6.12.2.

L’IoT du quotidien peut facilement faire l’objet d’intrusions malveillantes, la quantité d’informations personnelles qui peuvent être récoltées à distance est en augmentation (géolocalisation, données de santé, flux vidéos et audios). Les brèches dans la protection des données intéressent, entre autres, les compagnies d’assurance qui commencent à proposer à leurs clients de se doter d’objets connectés et de responsabiliser leur comportement.

6.13.

Nombre de géants de l’internet tentent de faire évoluer leur application d’origine vers une plateforme: ainsi convient-il de distinguer l’application Facebook de la plateforme Facebook, qui permet à des développeurs de concevoir des applications accessibles depuis les profils des utilisateurs. Amazon, de son côté, était une application web spécialisée dans la vente en ligne. Aujourd’hui, elle est devenue une plateforme, permettant ainsi à des tiers — des particuliers aux grands groupes — de commercialiser leurs produits en bénéficiant des ressources d’Amazon: la réputation, la logistique, etc. Tout ceci passe par des transferts de données personnelles.

6.14.

L’économie collaborative voit la prolifération des plateformes: «une plate-forme qui, notamment par des moyens électroniques, met en contact, d’une part, plusieurs acteurs disposant de biens ou de services et, d’autre part, une pluralité d’utilisateurs (9)». Alors qu’elles sont recherchées pour l’activité et les emplois qu’elles procurent, le CESE se demande comment les transferts de données qu’elles génèrent pourront être contrôlés, tant dans l’application du RGPD que dans celle de ce règlement.

Bruxelles, le 5 juillet 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  11.6.2013-IP/13/525 et Memo13/531-DG Justice.

(2)  La directive 2002/58/CE interdit notamment les courriels indésirables (spam) (article 13) en instaurant, à la suite de la modification de 2009, le principe dit de «l’opt-in», en vertu duquel un opérateur doit obtenir le consentement du destinataire avant de lui envoyer des «messages commerciaux».

(3)  COM(2016) 590 final, du 12.10.2016, proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant le code des communications électroniques européen (CCEE), p. 2 (JO C 125 du 21.4.2017, p. 56).

(4)  COM(2016) 590 et annexes 1 à 11 du 12.10.2016 (JO C 125 du 21.4.2017, p. 56).

(5)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 56, ainsi que JO C 110 du 9.5.2006, p. 83.

(6)  Chapitre IV-art.19 et 21 du projet de règlement qui renvoie au chapitre VIII art68,al3 & 6, du RGPD.

(7)  JO L 149 du 11.6.2005, p. 22, articles 8 et 9.

(8)  WP247/17-avis du 1.4.2017, pt.19; JO C 12 du 15.1.2015, p. 1.

(9)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 56.