ISSN 1977-0693

Journal officiel

de l'Union européenne

L 78

European flag  

Édition de langue française

Législation

62e année
20 mars 2019


Sommaire

 

II   Actes non législatifs

page

 

 

DÉCISIONS

 

*

Décision (UE) 2019/421 de la Commission du 20 juin 2018 concernant l'aide d'État SA.44888 (2016/C) (ex 2016/NN) mise à exécution par le Luxembourg en faveur d'Engie [notifiée sous le numéro C(2018) 3839]  ( 1 )

1

 

*

Décision (UE) 2019/422 de la Commission du 20 septembre 2018 concernant l'aide d'État SA 36112 (2016/C) (ex 2015/NN) mise à exécution par l'Italie en faveur de l'autorité portuaire de Naples et de Cantieri del Mediterraneo SpA [notifiée sous le numéro C(2018) 6037]  ( 1 )

63

 


 

(1)   Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE.

FR

Les actes dont les titres sont imprimés en caractères maigres sont des actes de gestion courante pris dans le cadre de la politique agricole et ayant généralement une durée de validité limitée.

Les actes dont les titres sont imprimés en caractères gras et précédés d'un astérisque sont tous les autres actes.


II Actes non législatifs

DÉCISIONS

20.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 78/1


DÉCISION (UE) 2019/421 DE LA COMMISSION

du 20 juin 2018

concernant l'aide d'État SA.44888 (2016/C) (ex 2016/NN) mise à exécution par le Luxembourg en faveur d'Engie

[notifiée sous le numéro C(2018) 3839]

(Le texte en langue française est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après le «traité»), et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations conformément auxdits articles (1) et vu ces observations,

considérant ce qui suit:

1.   PROCÉDURE

(1)

Par lettre du 23 mars 2015, la Commission a envoyé une demande de renseignements au Grand-Duché du Luxembourg (ci-après «le Luxembourg») (2) afin d'obtenir des informations concernant ses pratiques en matière de décision fiscale anticipative (ci-après les «DFA») à l'égard du groupe Engie (anciennement le groupe GDF Suez) (3). Dans cette lettre, la Commission demandait au Luxembourg de lui fournir l'ensemble des DFA accordées aux entités de ce groupe depuis 2004 et jusqu'à la date de la lettre, adressées à ce groupe ou à toute entité de ce groupe, qui étaient en vigueur à cette époque ou qui avaient été en vigueur au cours des dix années précédentes, ainsi que les comptes annuels de ce groupe et des entités juridiques de ce groupe pour 2011, 2012 et 2013, et une copie de leurs déclarations fiscales.

(2)

Le 25 juin 2015, le Luxembourg a répondu à cette demande en transmettant des informations sur les DFA émises par l'administration fiscale luxembourgeoise en faveur de plusieurs sociétés du groupe Engie résidant au Luxembourg, dont la société GDF Suez LNG Supply S.A. (ci-après «LNG Supply») (4) et la société GDF Suez Treasury Management S.à.r.l. (ci-après «GSTM») (5). En particulier, le Luxembourg a fourni deux demandes de DFA, et leurs approbations respectives, qui concernaient deux transactions intragroupe quasiment identiques consistant en un transfert d'actifs par des sociétés du groupe Engie à LNG Supply, d'une part, et à GSTM, d'autre part. Dans un cas comme dans l'autre, ce transfert a été financé par un emprunt sans intérêts obligatoirement convertible en actions dénommé «ZORA» (6) (ci-après respectivement le «ZORA LNG» et le «ZORA GSTM», collectivement les «ZORA»), et par un contrat de vente à terme prépayé (respectivement le «contrat à terme LNG» et le «contrat à terme GSTM», collectivement, les «contrats à terme»).

(3)

Par lettre du 1er avril 2016, la Commission a indiqué que, sur la base des informations fournies par le Luxembourg, elle ne pouvait pas exclure la possibilité que les DFA émises en faveur de ces sociétés du groupe Engie contiennent un élément d'aide d'État incompatible avec le marché intérieur. Par conséquent, elle demandait au Luxembourg d'indiquer les raisons pour lesquelles ces mesures ne seraient pas sélectives, ou en quoi elles pourraient, dans le cas contraire, être justifiées au regard du droit de l'Union en matière d'aides d'État, et de fournir des informations et des clarifications complémentaires.

(4)

Par lettre du 3 mai 2016, la Commission a rappelé au Luxembourg de fournir les informations indiquées au considérant 3.

(5)

Le 23 mai 2016, le Luxembourg a répondu à la demande de renseignements de la Commission datée du 1er avril 2016.

(6)

Le 19 septembre 2016, la Commission a décidé d'ouvrir une procédure formelle d'examen en vertu de l'article 108, paragraphe 2, du traité, au sujet du traitement fiscal accordé à Engie au moyen des DFA émises par le Luxembourg, au motif qu'il pourrait constituer une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du traité (ci-après la «décision d'ouverture») (7).

(7)

Le 21 novembre 2016, le Luxembourg a soumis par lettre ses observations sur la décision d'ouverture ainsi que les informations demandées.

(8)

Le 3 février 2017, la décision d'ouverture a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (8). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur la mesure en cause.

(9)

Le 27 février 2017, la Commission a reçu les observations d'Engie concernant la décision d'ouverture. Par lettre du 10 mars 2017, elle les a transmises aux autorités luxembourgeoises en leur donnant la possibilité d'y réagir.

(10)

Par lettre du 22 mars 2017, après examen des observations transmises par les autorités luxembourgeoises et par Engie, la Commission a demandé au Luxembourg de lui fournir des informations additionnelles.

(11)

Le 10 avril 2017, le Luxembourg a indiqué par courrier que les observations communiquées par Engie correspondaient à ses propres observations.

(12)

Le 12 mai 2017, le Luxembourg a présenté les informations demandées le 22 mars 2017.

(13)

Le 1er juin 2017, les services de la Commission ont tenu une réunion avec les autorités luxembourgeoises et Engie. La teneur de cette réunion a fait l'objet d'un procès-verbal convenu entre la Commission et le Luxembourg. À la suite de cette réunion, le Luxembourg a soumis des informations additionnelles le 16 juin 2017.

(14)

Par lettre du 11 décembre 2017 faisant suite aux observations soumises par les autorités luxembourgeoises et Engie au cours de la réunion du 1er juin 2017, la Commission a souhaité clarifier certains éléments de l'enquête (ci-après la «lettre du 11 décembre 2017») et a demandé des informations additionnelles. La Commission a invité le Luxembourg à transmettre une copie de cette lettre à Engie.

(15)

Le 31 janvier 2018, les autorités luxembourgeoises et Engie ont soumis leurs observations en réponse à la lettre du 11 décembre 2017. À cette même date, le Luxembourg a également transmis les informations demandées dans la lettre du 11 décembre 2017.

2.   CONTEXTE

2.1.   LE GROUPE ENGIE

(16)

Le groupe Engie se compose d'Engie S.A., société établie en France, et de l'ensemble des sociétés directement ou indirectement contrôlées par Engie S.A. (désignées collectivement «Engie»). Engie est le résultat de la fusion, en 2008, des groupes français GDF et Suez (anciennement Lyonnaise des Eaux) (9). Le siège d'Engie se trouve en France. Engie S.A. est cotée en bourse à Paris, à Bruxelles et à Luxembourg (10).

(17)

Engie est présente dans trois grands secteurs: production d'électricité, gaz naturel et gaz naturel liquéfié, et services d'efficacité énergétique. Engie exerce principalement des activités de production et de fourniture d'électricité (11) et de trading d'énergie, d'exploration-production, d'approvisionnement, de transport et de distribution de gaz naturel, de fourniture de services d'efficacité énergétique et d'installations énergétiques.

(18)

Engie emploie 153 090 personnes dans le monde dans 70 pays (12). En 2016, son chiffre d'affaires s'est élevé à 66,6 milliards d'EUR (13). Sur l'ensemble du chiffre d'affaires du groupe, 52,2 milliards d'EUR étaient réalisés en Europe (14). En 2016, 67,3 % du résultat avant intérêts, impôts et amortissements (EBITDA) a été généré en Europe (15).

(19)

Au Luxembourg, Engie est présente au travers de diverses entités juridiques, dont certaines sont concernées par les transactions visées dans les DFA en cause. Compagnie européenne de Financement C.E.F. S.A. (ci-après «CEF») (16) est une filiale d'Engie constituée au Luxembourg en 1933. L'objet de cette société consiste en l'acquisition de participations au Luxembourg et dans des entités étrangères et en la gestion, l'exploitation et le contrôle de ces participations (17). Elle est principalement chargée de fournir des garanties et d'accorder des prêts intragroupe pour les filiales du groupe. Les revenus de CEF proviennent des intérêts et frais prélevés pour la mise à disposition de ces prêts et de ces garanties (18).

(20)

GSTM est une société de droit luxembourgeois détenue à 100 % par CEF. Elle exerce des activités de gestion de trésorerie et de financement pour Engie depuis le Luxembourg. D'après la demande de décision fiscale anticipative du 15 juin 2012, «en général, GSTM accorde des prêts en diverses devises (généralement EUR et USD) à des sociétés liées et exerce une activité de centralisation de trésorerie […]. L'activité de centralisation de trésorerie de GSTM représente entre [2-7] et [7-12] milliards d'EUR» (19).

(21)

GDF Suez LNG Holding S.à.r.l. (ci-après «LNG Holding») (20) est une filiale d'Engie constituée au Luxembourg en 2009. L'objet de cette société consiste en l'acquisition de participations au Luxembourg et dans des entités étrangères et en la gestion de ces participations (21). LNG Holding est détenue à 100 % par CEF.

(22)

LNG Supply est détenue à 100 % par LNG Holding. Elle exerce des activités d'achat, de vente et de trading de gaz naturel liquéfié («GNL»), de gaz et de produits dérivés du gaz, ainsi que de transport de GNL, et a passé un nombre important de contrats avec des entreprises énergétiques internationales (22). En 2018, Engie a annoncé son intention de vendre certaines parties de son activité GNL, dont LNG Supply, à Total S.A (23).

2.2.   LES DFA EN CAUSE

2.2.1.   INTRODUCTION

(23)

La présente décision concerne deux séries de décisions fiscales anticipatives émises par l'administration fiscale luxembourgeoise en faveur de sociétés du groupe Engie (ci-après les «décisions fiscales anticipatives en cause» ou les «DFA en cause»). Les DFA en cause concernent deux transactions intragroupe analogues mises en œuvre par Engie entre différentes sociétés du groupe. Dans les deux cas, Engie transfère un ensemble d'actifs constituant une activité commerciale pleinement fonctionnelle à une filiale au Luxembourg, laquelle exerce ensuite cette activité commerciale.

(24)

Le paiement du prix par la filiale est financé au moyen d'un emprunt sans intérêts obligatoirement convertible en actions d'une durée de 15 ans (le ZORA) accordé par une société intermédiaire du groupe résidant au Luxembourg. Le ZORA ne porte pas d'intérêts périodiques mais, à la conversion de celui-ci, la filiale remboursera le créancier au moyen d'actions pour un montant représentant le montant nominal du ZORA majoré d'une «prime» constituée de l'ensemble des bénéfices réalisés par la filiale pendant la durée de vie du ZORA, déduction faite d'une marge limitée (24) convenue avec les autorités fiscales luxembourgeoises (le montant de cette «prime» étant appelé, dans les DFA en cause et dans les déclarations fiscales des sociétés, «accrétions sur ZORA») (25).

(25)

De son côté, l'entité intermédiaire finance simultanément ce prêt au moyen d'un contrat de vente à terme prépayé (ci-après, le «contrat à terme») conclu avec une société holding résidant, elle aussi, au Luxembourg, qui est l'actionnaire unique à la fois de la filiale et de l'entité intermédiaire. Selon les termes du contrat à terme, la société holding paie à la société intermédiaire un montant égal au montant nominal du ZORA en échange de l'acquisition des droits sur les actions que la filiale émettra à la conversion du ZORA. Ainsi, si la filiale réalise des bénéfices pendant la durée de vie du ZORA, la société holding recevra, à la conversion du ZORA, les actions intégrant la valeur des accrétions sur ZORA. Par conséquent, la société holding fournit à la filiale le financement nécessaire à l'acquisition des actifs au moyen du contrat à terme et du ZORA.

(26)

Les DFA en cause confirment le traitement fiscal suivant des sociétés concernées: la filiale déduira chaque année des provisions pour les accrétions sur ZORA dues à la conversion de ce dernier. Par conséquent, la filiale ne sera pas imposée, sauf sur la marge limitée convenue avec les autorités fiscales. Lorsque la société holding réalisera les accrétions sur ZORA (26), ce bénéfice sera exonéré en vertu de l'application du régime des sociétés mère et filiales au Luxembourg, qui permet l'exonération, dans certaines conditions, des revenus générés par les participations détenues dans le capital social d'autres sociétés. L'entité intermédiaire n'est pas imposée non plus, étant donné que les bénéfices réalisés à la conversion du ZORA (les accrétions sur ZORA) sont compensés par une perte du même montant résultant du contrat à terme (27). Au final, il en résulte que les accrétions sur ZORA sont déduites au niveau de la filiale et que le montant correspondant n'est pas non plus soumis à l'imposition au niveau de la société holding, étant donné qu'il est considéré comme un revenu exonéré d'impôt. Par conséquent, les accrétions sur ZORA, qui représentent pratiquement l'ensemble des bénéfices réalisés par la filiale pendant la durée de vie du ZORA, échappent à l'impôt au Luxembourg (28).

(27)

La structure décrite dans les considérants 23 à 26 est illustrée à la figure 1.

Figure 1

Illustration des structures mises en place dans les DFA en cause

Image 1

Actions (dont accrétions sur ZORA)

Actions (dont accrétions sur ZORA)

Bénéfices

ZORA

Contrat à terme

Actifs

Société intermédiaire

Filiale

Société holding

2.2.2.   PRÉSENTATION DES DFA EN CAUSE

(28)

Ce traitement fiscal a été validé dans deux ensembles de DFA concernant deux structures différentes mises en place par Engie.

(29)

Le premier ensemble de DFA concerne le transfert de l'activité d'achat, de vente et de trading de GNL et de produits dérivés du gaz (ci-après «activité GNL») (29) de la société luxembourgeoise Suez LNG Trading S.A. (ci-après «LNG Trading») à LNG Supply. Il comprend cinq DFA émises par l'administration fiscale luxembourgeoise en réponse à des demandes de DFA présentées par le conseiller fiscal d'Engie (ci-après le «conseiller fiscal») au nom de différentes sociétés d'Engie (collectivement désignées les «DFA LNG»).

(1)

La première décision fiscale anticipative a été émise le 9 septembre 2008 (ci-après la «DFA LNG de 2008»). Elle fait suite à une demande de décision fiscale anticipative introduite à la même date (ci-après la «demande de DFA LNG de 2008») concernant le traitement fiscal des contrats utilisés pour financer le transfert de l'activité GNL de LNG Trading à LNG Supply (le ZORA LNG et le contrat à terme LNG). La DFA LNG de 2008 est partiellement modifiée et/ou complétée par d'autres décisions anticipatives émises par l'administration fiscale luxembourgeoise.

(2)

Une demande de décision fiscale anticipative datée du 30 septembre 2008 concernant le transfert de la gestion effective de LNG Trading vers les Pays-Bas. Cette demande de décision fiscale anticipative a été approuvée par l'administration fiscale luxembourgeoise le même jour.

(3)

Une demande de décision fiscale anticipative datée du 3 mars 2009 (ci-après la «demande de DFA LNG de 2009»), modifiant partiellement la structure mise en place dans la demande de DFA LNG de 2008. Cette demande de décision fiscale anticipative a été approuvée par l'administration fiscale luxembourgeoise le même jour.

(4)

Une demande de décision fiscale anticipative datée du 9 mars 2012 (ci-après la «demande de DFA LNG de 2012»), qui clarifie certains termes comptables utilisés dans le calcul de la marge sur laquelle est imposée LNG Supply. Cette demande de décision fiscale anticipative a été approuvée par l'administration fiscale luxembourgeoise le même jour.

(5)

Enfin, une demande de décision fiscale anticipative datée du 20 septembre 2013 visant à clarifier le traitement fiscal d'une conversion partielle du ZORA LNG (ci-après la «demande de DFA LNG concernant la conversion»). Cette demande de décision fiscale anticipative a été acceptée par l'administration fiscale luxembourgeoise au moyen d'une lettre datée du 13 mars 2014 (ci-après la «DFA LNG concernant la conversion»).

(30)

Le second ensemble de décisions fiscales anticipatives concerne le transfert des activités de gestion de trésorerie et de financement (ci-après l'«activité de financement et de gestion de trésorerie») (30) de CEF vers GSTM. Il comprend deux décisions fiscales anticipatives émises par l'administration fiscale luxembourgeoise en réponse à des demandes de décisions fiscales anticipatives présentées par le conseiller fiscal au nom de différentes sociétés d'Engie (collectivement désignées les «décisions fiscales anticipatives GSTM» ou les «DFA GSTM»).

(1)

La première décision fiscale anticipative a été émise par l'administration fiscale luxembourgeoise le 9 février 2010 (ci-après la «DFA GSTM de 2010»). Elle fait suite à une demande de décision fiscale anticipative introduite à la même date (ci-après la «demande de DFA GSTM de 2010») concernant le traitement fiscal des contrats utilisés pour financer le transfert de l'activité de financement et de gestion de trésorerie de CEF à GSTM (le ZORA GSTM et le contrat à terme GSTM).

(2)

La DFA GSTM de 2010 a été complétée par une demande de décision fiscale anticipative datée du 15 juin 2012 concernant, entre autres, une augmentation potentielle du montant du ZORA GSTM (ci-après «demande de DFA GSTM de 2012»). Cette demande de décision fiscale anticipative a été approuvée par l'administration fiscale luxembourgeoise le même jour (ci-après la «DFA GSTM de 2012»).

(31)

Les sociétés holdings dans chacune des structures mises en place dans les DFA LNG et dans les DFA GSTM sont, respectivement, LNG Holding et CEF (collectivement désignées les «sociétés holdings»). Les entités intermédiaires qui accordent les ZORA sont, respectivement, GDF Suez LNG (Luxembourg) S.à.r.l. (ci-après «LNG Luxembourg») et Electrabel Invest Luxembourg SA (ci-après «EIL», collectivement, avec LNG Luxembourg, les «créanciers»). Enfin, les filiales qui acquièrent et exploitent l'activité GNL et l'activité de financement et de gestion de trésorerie sont, respectivement, LNG Supply et GSTM (collectivement désignées les «filiales»).

2.2.3.   DESCRIPTION DÉTAILLÉE DES DFA LNG

2.2.3.1.    Les transactions décrites dans les DFA LNG

(32)

D'après la demande de DFA LNG de 2008, LNG Trading intégrera deux nouvelles sociétés luxembourgeoises imposables: LNG Luxembourg et LNG Supply. La demande de DFA LNG de 2008 précisait que l'activité GNL serait vendue à LNG Luxembourg, qui la revendrait à son tour à LNG Supply (31). Cependant, des changements ont par la suite été apportés à cette structure: d'après la demande de DFA LNG de 2009, CEF a d'abord acquis les actions LNG Trading, avant d'intégrer LNG Luxembourg, LNG Supply et LNG Holding. LNG Holding a alors repris le rôle de LNG Trading (32) dans la structure (33).

(33)

La structure est mise en œuvre comme suit:

(1)

LNG Supply acquiert l'activité commerciale de LNG Trading (l'activité GNL) pour un prix estimé à 750 millions d'USD environ;

(2)

LNG Supply finance le prix d'achat au moyen d'un emprunt obligatoirement convertible sans intérêt d'une durée de 15 ans libellé en USD (le ZORA LNG) qui a été accordé par LNG Luxembourg. À la conversion de celui-ci (34), LNG Supply émet des actions (ci-après «actions LNG Supply») incorporant le montant nominal du ZORA majoré ou minoré des accrétions sur ZORA;

(3)

De son côté, LNG Luxembourg finance l'investissement dans le ZORA LNG au moyen du contrat à terme LNG conclu avec LNG Holding. En vertu de ce contrat, LNG Luxembourg s'engage à céder à LNG Holding les actions LNG Supply. Le prix des actions LNG Supply correspond au montant nominal du ZORA LNG (35).

2.2.3.2.    Les contrats signés entre les parties

(34)

Le Luxembourg a soumis la copie des contrats qui rendent compte de la mise en œuvre par Engie des transactions décrites dans les DFA LNG:

(1)

un contrat de transfert d'activité conclu entre LNG Trading et LNG Supply le 30 octobre 2009 (ci-après le «contrat de transfert LNG») (36) au titre duquel la première s'engage à transférer à la seconde l'activité GNL pour un prix de 657 millions d'USD (37) en échange de deux billets à ordre émis par LNG Supply (en tant qu'emprunteur) en faveur de LNG Trading (en tant que prêteur), dont les montants respectifs sont de 11 000 000 USD et de 646 000 000 USD (38);

(2)

un contrat d'emprunt obligatoirement convertible conclu entre LNG Luxembourg et LNG Supply le 30 octobre 2009 (ci-après le «contrat ZORA LNG») (39). En vertu de ce contrat, LNG Luxembourg accorde un prêt à LNG Supply (40), remboursable par l'émission d'actions LNG Supply (41). La durée maximale du prêt est de 15 ans. Il arrive donc à échéance le 30 octobre 2024 (42). À la fin de cette période, il sera converti en actions sauf s'il l'a déjà été anticipativement par l'une des parties avec l'accord écrit de l'autre (43). Le «prix d'émission» du prêt est de 646 millions d'USD (44). Le prix de conversion sera égal au «prix d'émission» majoré des accrétions sur ZORA cumulées à la date de la conversion (45). Comme expliqué au point 2.2.3.6, le ZORA LNG a été partiellement converti en 2014;

(3)

un contrat d'achat d'actions à terme prépayé conclu entre LNG Holding et LNG Luxembourg à la même date (46). En vertu de ce contrat, LNG Holding achète l'ensemble des droits de LNG Luxembourg sur les actions LNG Supply au prix de 646 millions d'USD (47), à savoir le même montant que celui du «prix d'émission» du ZORA LNG. Les actions LNG Supply seront cédées à LNG Holding à la date de leur émission (48).

2.2.3.3.    Le traitement fiscal de LNG Supply

(35)

D'après la demande de DFA LNG de 2008, telle qu'approuvée par l'administration fiscale luxembourgeoise, les bénéfices annuels générés par LNG Supply seront égaux à une marge convenue avec l'administration fiscale luxembourgeoise (ci-après la «marge LNG»). Par conséquent, LNG Supply sera imposée sur cette marge uniquement. La différence entre le bénéfice réellement réalisé chaque année par LNG Supply et la marge LNG (les accrétions sur ZORA) est considérée comme une charge déductible liée au ZORA LNG (49).

(36)

La marge LNG est fixée dans la demande de DFA LNG de 2008 à un montant correspondant à «une marge globale nette de [1/(50-100)%] de la valeur des actifs bruts telle qu'indiquée dans le bilan de [LNG Supply], cette marge nette n'étant toutefois pas inférieure à [0,0-0,50] % du chiffre d'affaires brut annuel de la société» (50). D'après la demande de DFA LNG de 2008, «la marge [LNG] sera considérée de pleine concurrence», car LNG Supply ne «supportera pas le risque de change ni le risque pour dettes irrécouvrables sur son activité» (51). La demande de DFA LNG de 2008 explique également que «le revenu brut de [LNG Supply] […], déduction faite de toutes les dépenses d'exploitation supportées et des charges sur le ZORA, équivaut approximativement à la marge [LNG]» (52).

(37)

En d'autres termes, avant la conversion du ZORA, le revenu annuel imposable de LNG Supply se limite à la marge LNG. La conversion n'a pas d'incidence sur le revenu annuel imposable de LNG Supply sachant que le montant des accrétions sur ZORA a été déduit par LNG Supply chaque année avant la conversion.

2.2.3.4.    Le traitement fiscal de LNG Luxembourg

(38)

La demande de DFA LNG de 2008, telle qu'approuvée par l'administration fiscale luxembourgeoise, permet à LNG Luxembourg, pendant la durée de vie du ZORA LNG, soit de conserver la valeur du ZORA dans ses comptes à sa valeur comptable (53), soit, à défaut, d'augmenter (ou de réduire) sa valeur, de son prix d'acquisition jusqu'au prix de remboursement anticipé (54). Par conséquent, pendant la durée de vie du ZORA LNG, LNG Luxembourg peut choisir de ne comptabiliser aucun revenu imposable ni aucune charge fiscalement déductible en rapport avec le ZORA. Comme il sera expliqué au considérant 52 ci-dessous, LNG Luxembourg a choisi de conserver la comptabilisation du ZORA à sa valeur comptable.

(39)

À la conversion, LNG Luxembourg recevra les actions LNG Supply, dont la valeur intégrera le prix d'émission du ZORA plus les accrétions sur ZORA cumulées à la date de la conversion. D'après la demande de DFA de 2008, la conversion est régie par le régime dérogatoire prévu par l'article 22 bis de la loi concernant l'impôt sur le revenu (loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, ci-après la «LIR»), à moins que LNG Supply choisisse de ne pas l'appliquer (55). Selon cette disposition, la conversion de l'emprunt en actions ne donnera pas lieu à une plus-value imposable (56). Par conséquent, les accrétions sur ZORA reçues à la conversion par LNG Luxembourg ne seront pas imposées à la conversion (57).

2.2.3.5.    Le traitement fiscal de LNG Holding

(40)

D'après la demande de DFA LNG de 2008, telle qu'approuvée par l'administration fiscale luxembourgeoise, LNG Holding comptabilisera le paiement reçu au titre du contrat à terme dans la rubrique «immobilisations financières» (58). La demande de DFA LNG de 2008 explique que ces actifs «seront et continueront d'être évalués au prix de revient» (59). Par conséquent, LNG Holding ne comptabilisera aucun revenu imposable ni aucune charge fiscalement déductible avant la conversion du ZORA et le transfert par LNG Luxembourg des actions LNG Supply nouvellement émises.

(41)

La demande de DFA LNG de 2008 sollicite également la confirmation qu'«aux fins de l'article 166 LIR […] la participation achetée par [LNG Holding] au titre du contrat à terme [LNG] sera traitée comme telle dès le moment où le contrat à terme [LNG] sera conclu» (60) et que «tout revenu (dividendes et plus-values) généré par et provenant des sociétés luxembourgeoises sera exonéré sur la base de l'article 166 LIR» (61). Comme expliqué à la section 2.3.2, l'article 166 LIR est la disposition de la loi concernant l'impôt sur le revenu qui régit l'exonération des revenus de participations au Luxembourg. Selon ce régime d'exonération des revenus de participations, les revenus provenant de participations détenues dans d'autres entités, telles que les actions, sont exonérés dès lors que certaines conditions sont remplies.

(42)

Par conséquent, les revenus imposables associés à la détention des actions LNG Supply émises dans le cadre de la conversion du ZORA LNG seront exonérés de l'impôt au niveau de LNG Holding, dès lors que les conditions de l'article 166 LIR seront remplies.

2.2.3.6.    La DFA LNG concernant la conversion

(43)

D'après la demande de DFA LNG concernant la conversion, telle qu'approuvée par l'administration fiscale luxembourgeoise, Engie procéderait à une première conversion partielle du ZORA LNG en actions à hauteur d'un montant estimé à cette date à [300-400] millions d'USD. Le jour de la conversion, une décision serait adoptée afin de réduire le capital nominal de LNG Supply d'un montant égal au montant de la conversion. D'après la demande de décision fiscale anticipative, «[p]our [LNG Luxembourg], la conversion partielle du ZORA n'a aucune incidence fiscale» (62). «En raison de la réduction du capital de [LNG Supply], [LNG Holding] comptabilisera un bénéfice équivalent à la différence entre le montant nominal des actions converties et le montant de la conversion. Ce bénéfice sera visible dans les livres comptables de [LNG Holding] et est couvert par l'exonération des revenus de participations» (63). Par conséquent, le bénéfice réalisé par LNG Holding au moment de l'annulation des actions en raison de la réduction de capital sera exonéré d'impôt. Ce bénéfice correspond aux accrétions sur ZORA intégrées dans les actions LNG Supply reçues par LNG Holding à la conversion.

2.2.3.7.    Mise en œuvre des DFA LNG

(44)

Les déclarations fiscales soumises par le Luxembourg reflètent le traitement fiscal accordé aux sociétés concernées par les transactions décrites dans les DFA LNG.

2.2.3.7.1.   LNG Supply

(45)

Les comptes sociaux de LNG Supply pour l'année 2010 indiquent qu'«un contrat d'emprunt obligatoirement convertible en actions entre LNG Luxembourg et LNG Supply» a été conclu en 2009 pour un montant de 646 millions d'USD et une durée de 15 ans à partir du 30 octobre 2009 (64).

(46)

Le ZORA LNG est inscrit au passif du bilan et inclus dans la déclaration fiscale de LNG Supply à hauteur d'un montant égal au montant nominal du ZORA (646 millions d'USD) de 2009 à 2013 (65). En 2014, le montant a été réduit de 193,8 millions d'USD pour atteindre [300-600] millions d'USD à la suite de la conversion partielle effectuée durant l'année (66).

(47)

Pour chaque année, un montant égal aux accrétions sur ZORA annuelles est inscrit au passif du bilan de LNG Supply (67) comme dette financière de LNG Supply (68) en contrepartie de la dépense correspondante inscrite au compte de résultat. Par conséquent, ce montant a ainsi été déduit des revenus imposables de LNG Supply. Les accrétions sur ZORA cumulées reprises dans les déclarations fiscales de LNG Supply sont présentées au Tableau 1. La réduction des accrétions sur ZORA cumulées de 193,8 millions d'USD en 2014 est due à l'incidence de la conversion partielle du ZORA LNG, qui est en outre partiellement compensée par les accrétions sur ZORA supplémentaires pour l'année (69).

Tableau 1

Accrétions sur ZORA cumulées inscrites dans les déclarations fiscales de LNG Supply

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Accrétions sur ZORA cumulées (en millions d'USD)

10,9

46,8

165,6

[350-400]

[650-700]

[450-550]

0

0

(48)

LNG Supply est imposée sur la marge LNG. Comme illustré dans la figure 2 pour l'année 2011 (70), la marge LNG est fixée à [1/(50-100)%] de la moyenne totale des actifs de la société avec un minimum de [0,0-0,50]% du chiffre d'affaires brut annuel, conformément à la DFA LNG de 2008. La valeur moyenne des actifs qui financent le ZORA s'élevait en 2011 à 752 703 699 USD. Par conséquent, la marge de [1/(50-100)%] s'est élevée à [100 000-150 000] USD. Le chiffre d'affaires enregistré était de 1 573 579 569 USD. Par conséquent, la marge de [0,0-0,50]% de ce montant s'est élevée à [3 500 000-4 000 000] USD. En conséquence, ce dernier montant a été considéré comme le revenu imposable de LNG Supply pour la période 2011 (71). LNG Supply a ainsi payé [500 000-1 500 000] EUR (72) au titre de l'impôt sur le revenu des sociétés pour l'exercice fiscal 2011.

Figure 2

Calcul du revenu imposable de LNG Supply, tel que détaillé à l'annexe 3 de la déclaration fiscale de 2011

Accrétion du Zora

Le montant de l'accrétion sur le Zora tel que indiqué dans les comptes annuels n'est pas conforme à aux accords préalables signé par les autorités fiscales le 9 septembre 2008 et mars 2012.

Par conséquent, un bilan fiscal a été dressé afin de tenir compte du montant correct. En effet, suivant cet accord préalable, la société n'est imposable sur la marge (voir ci-dessous).

Calcul de la marge

Marge nette [1/(50-100) %] sur la valeur des actifs bruts (càd le valeur moyenne des actifs finançant le Zora) avec un minimum de [0,0-0,5 %] du chiffre d'affaires brut dérivant des actifs qui ont été transférés à la Société (càd le revenu total de la Société)

Marge minimum

Produit total

Taux

Date début

Date fin

Marge minimum (USD)

1 573 579 569

[0,0-0,5 %]

1/1/11

31/12/11

[3 500 000 -4 000 000 ]

Marge nette de [1/(50-100) %] sur la valeur moyenne des actifs finançant le Zora.

Date

Zora

 

1/1/11

692 817 329

(Voir déclaration fiscale 2010)

31/12/2011

812 590 069

 

Total

1 505 407 398

 

Moyenne

752 703 699

 


Zora

Taux

Date début

Date fin

Marge (USD)

752 703 699

[1/(50-100) %]

1/1/11

31/12/11

[100 000 -150 000 ]

(49)

D'après les comptes sociaux de LNG Supply pour l'année 2014, la conversion partielle du ZORA LNG a été divisée «entre une partie du montant nominal et une partie d'accrétion» (73). Par conséquent, le montant nominal du ZORA et les accrétions sur ZORA cumulées ont tous deux été réduits en 2014 de 193,8 millions d'USD (74). En septembre 2014, LNG Supply a augmenté son capital de 699,9 millions d'USD (75) pour rembourser partiellement le ZORA LNG. Les actions LNG Supply ont été émises à la valeur nominale et ont ensuite été annulées par une réduction de capital à concurrence de leur montant nominal (76). Cette conversion n'a pas eu de conséquences fiscales pour LNG Supply.

(50)

En 2015, alors que LNG Supply se trouvait en situation déficitaire, les accrétions sur ZORA sont devenues négatives à concurrence de [650-850] millions d'USD, ce qui a par conséquent réduit, en premier lieu, les accrétions sur ZORA cumulées restantes (de [450-550] USD) à 0 USD et, en second lieu, la valeur nominale de l'encours du ZORA LNG à [200-250] millions d'USD (77).

(51)

En 2016, les accrétions sur ZORA étaient de nouveau négatives à concurrence de [100-200] millions d'USD, réduisant encore le montant de l'encours du ZORA LNG à [100-200] millions d'USD (78).

2.2.3.7.2.   LNG Luxembourg

(52)

D'après les déclarations fiscales de LNG Luxembourg, la valeur du ZORA LNG a été conservée à son montant nominal (de 646 millions d'USD) jusqu'à sa conversion partielle en 2014 (79), conformément à la DFA LNG de 2008 (80). Le contrat à terme LNG apparaît également dans la déclaration fiscale de LNG Luxembourg en tant qu'élément du passif pour le même montant (81).

(53)

En 2014, en conséquence de la conversion partielle, la valeur du ZORA LNG (actif) et du contrat à terme LNG (passif) a diminué de 193,8 millions d'USD, pour atteindre 452,2 millions d'USD, sans incidence sur le compte de résultat (82). LNG Luxembourg n'a pas opté pour l'application de l'article 22 bis LIR.

(54)

En 2015, comme expliqué au considérant 50, la valeur du ZORA LNG est tombée à [300-600] millions d'USD en raison d'accrétions sur ZORA négatives. LNG Luxembourg a par conséquent réduit la valeur du ZORA LNG de ce montant et, dans le même temps, a réduit la valeur du contrat à terme LNG au même montant (83).

(55)

En 2016, il a été procédé à des corrections similaires sur le ZORA LNG et sur le contrat à terme LNG, réduisant leur valeur à [100-200] millions d'USD (84).

2.2.3.7.3.   LNG Holding

(56)

Le ZORA est comptabilisé dans les comptes sociaux de LNG Holding en tant qu'actif financier (85). À compter de 2012, une participation dans LNG Supply d'un montant égal au nominal du ZORA LNG apparaît également dans la déclaration fiscale de LNG Holding dans la catégorie des participations admissibles à l'exonération des revenus de participations au titre de l'article 166 LIR (86).

(57)

D'après la déclaration fiscale et les comptes sociaux de LNG Holding pour 2014, l'annulation des actions LNG Supply reçues à la suite de la conversion partielle du ZORA LNG en 2014 a généré une plus-value de 506,2 millions d'USD (87), laquelle a entièrement échappé à l'impôt en application du régime d'exonération des revenus de participations (article 166 LIR).

(58)

En 2015 et en 2016, LNG Holding a comptabilisé une correction pour perte de valeur sur le contrat à terme LNG qui reflétait la baisse de valeur du ZORA LNG résultant des accrétions sur ZORA négatives, comme expliqué aux considérants 50 et 51 (88). Cette charge pour perte de valeur a été portée au compte de résultat de LNG Holding.

2.2.4.   DESCRIPTION DÉTAILLÉE DES DFA GSTM

2.2.4.1.    Les transactions décrites dans les DFA GSTM

(59)

D'après la demande de DFA GSTM de 2010, Engie entend mettre en œuvre une structure analogue à celle décrite dans les DFA LNG: GSTM acquiert l'activité de financement et de gestion de trésorerie et en finance l'acquisition au moyen du ZORA GSTM accordé par EIL. À la conversion (89), GSTM émet des actions (ci-après «actions GSTM») incorporant le montant nominal du ZORA majoré ou minoré des accrétions sur ZORA. De son côté, EIL finance l'investissement dans le ZORA GSTM au moyen du contrat à terme GSTM conclu avec CEF. En vertu de ce contrat, EIL s'engagera à céder les actions GSTM à CEF. Le prix de vente des actions GSTM correspond au montant nominal du ZORA GSTM (90)

(60)

La demande de DFA GSTM de 2012 contient une analyse fiscale sur un ZORA identique qui est analogue à celle de la demande de DFA LNG de 2008, hormis le fait que cette décision fiscale anticipative envisage, entre autres choses, une potentielle future augmentation du montant du ZORA GSTM (91).

2.2.4.2.    Les contrats signés entre les parties

(61)

Le Luxembourg a soumis les copies des documents et contrats qui rendent compte de la mise en œuvre par Engie des transactions décrites dans les DFA GSTM:

(1)

un document intitulé «Proposition de cession d'une branche d'activités», déposé au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg le 13 mai 2011 (ci-après la «proposition de cession à GSTM») (92). D'après ce document, CEF se propose de céder à GSTM l'activité de financement et de gestion de trésorerie pour un montant de 1 036 912 506,84 EUR. D'après la proposition de cession à GSTM, CEF transfère la branche d'activités en échange d'un billet à ordre de GSTM (93);

(2)

deux contrats d'emprunt obligatoirement convertibles conclus par EIL et GSTM, l'un daté du 17 juin 2011 et l'autre du 30 juin 2014 (ci-après les «contrats ZORA GSTM», ensemble ci-après avec le contrat ZORA LNG, les «contrats ZORA») (94), sensiblement de même contenu (95). En vertu des contrats ZORA GSTM, EIL accorde à GSTM un prêt (96) remboursable par émission d'actions GSTM (97). Ce prêt arrive à échéance le 17 juin 2026 (98). À la fin de cette période, il sera converti en actions, sauf s'il l'a déjà été anticipativement par l'une des parties avec l'accord écrit de l'autre (99). Le «prix d'émission» du prêt est de 1 036 912 507 EUR (100). Le prix de conversion sera égal au «prix d'émission» plus les accrétions sur ZORA cumulées à la date de la conversion (101);

(3)

un contrat d'achat d'actions à terme prépayé conclu entre CEF et EIL le 17 juin 2011 (le contrat à terme GSTM) (102). En vertu de ce contrat, CEF achète l'ensemble des droits d'EIL sur les actions GSTM à un prix égal au «prix d'émission» du ZORA GSTM (103). Les actions GSTM seront cédées à CEF à la date de leur émission (104).

2.2.4.3.    Le traitement fiscal de GSTM

(62)

D'après la demande de DFA GSTM de 2010, telle qu'approuvée par l'administration fiscale luxembourgeoise, le revenu annuel imposable de GSTM est égal à une marge convenue avec l'administration fiscale luxembourgeoise (ci-après la «marge GSTM»). Par conséquent, GSTM sera imposée sur cette marge uniquement. La différence entre le bénéfice réellement réalisé par GSTM et la marge GSTM (les accrétions sur ZORA) est considérée comme une charge déductible associée au ZORA GSTM (105).

(63)

La marge GSTM est fixée dans la demande de DFA GSTM de 2010 à un montant correspondant à «une marge globale nette de [1/(50-100)]% de la valeur principale de l'ensemble de ses actifs, y compris les actifs financés par des emprunts normaux» (106). Dans la demande de DFA GSTM de 2010, la marge GSTM est considérée comme conforme au principe de pleine concurrence (107).

(64)

Dans la demande de DFA GSTM de 2012, une modification de la marge GSTM est envisagée. Elle indique que son montant «sera déterminé dans une “APA letter” ultérieure, accompagnée d'un “TP [transfer pricing] report [rapport sur les prix de transfert]”» (108). D'après les comptes sociaux de GSTM pour 2011 (109), la modification de la marge GSTM à compter du 1er janvier 2012 était due à l'entrée en vigueur de la Circulaire administrative du 28 janvier 2011 concernant les transactions de financement intragroupe (ci-après la «circulaire 164/2») (110). Cette circulaire exigeait la transmission d'études de prix de transfert dans le cadre de toute demande visant à obtenir une décision fiscale anticipative approuvant les prix de transfert pour des transactions de financement intragroupe (telles que la marge GSTM) (111). Par conséquent, le conseiller fiscal a transmis, par lettres des 11 juillet 2012 et 11 novembre 2013, deux demandes de DFA accompagnées d'études de prix de transfert concernant l'établissement de la marge GSTM (112). D'après le Luxembourg, ces demandes de décision fiscales anticipatives n'ont pas été approuvées par son administration fiscale. En d'autres termes, l'administration fiscale luxembourgeoise n'a pas émis de décision fiscale anticipative confirmant le montant de la marge GSTM proposée par le conseiller fiscal d'Engie dans ses lettres des 11 juillet 2012 et 11 novembre 2013 (113).

(65)

La demande de DFA GSTM de 2010 indique également que «dans l'éventualité peu probable où le traitement comptable ne serait pas totalement conforme aux obligations en vertu du contrat ZORA, le bénéfice ou la perte en résultant indiqué dans les comptes annuels n'affectera pas la situation fiscale visée ci-dessus» (114).

(66)

En conclusion, avant la conversion du ZORA GSTM, le revenu imposable de GSTM se limite à la marge GSTM. La conversion du ZORA GSTM n'a aucune incidence sur le revenu imposable de GSTM.

2.2.4.4.    Le traitement fiscal d'EIL

(67)

Le traitement fiscal accordé à EIL est analogue à celui décrit pour LNG Luxembourg (115), et repose sur les mêmes arguments (116). Par conséquent, pendant la durée de vie du ZORA GSTM, EIL peut choisir de ne comptabiliser aucun revenu imposable ni aucune charge fiscalement déductible. À la conversion, si EIL choisit d'appliquer le régime dérogatoire prévu par l'article 22 bis LIR, elle ne comptabilisera aucun revenu (117) et, ainsi, ne sera redevable d'aucun impôt sur les sociétés (118). Comme il sera expliqué au considérant 76 ci-dessous, LNG a choisi de conserver la comptabilisation du ZORA GSTM à sa valeur comptable.

2.2.4.5.    Le traitement fiscal de CEF

(68)

Le traitement fiscal accordé à CEF est analogue à celui décrit pour LNG Holding (119). Par conséquent, CEF ne comptabilisera aucun revenu imposable ni aucune charge fiscalement déductible avant la conversion du ZORA (120).

(69)

La demande de DFA GSTM de 2010 demande également la confirmation que «la participation acquise par CEF en vertu du contrat à terme sera considérée comme une participation directe au capital de GSTM dès le moment où ce contrat à terme est conclu aux fins de l'article 166 LIR» (121). Par conséquent, les revenus imposables associés à la détention d'actions GSTM seront exonérés de l'impôt au niveau de CEF dès lors que les conditions de l'article 166 LIR seront remplies.

2.2.4.6.    Mise en œuvre des DFA GSTM

(70)

Les déclarations fiscales soumises par le Luxembourg reflètent le traitement fiscal accordé par le Luxembourg aux sociétés concernées par les transactions décrites dans les DFA GSTM.

2.2.4.6.1.   GSTM

(71)

Les comptes sociaux de GSTM pour 2012 indiquent qu'EIL «a accordé un emprunt obligatoirement convertible d'un montant de 1 036 912 506,84 EUR à [GSTM] d'une durée de 15 ans à compter du 17 juin 2011» (122).

(72)

Le ZORA GSTM est inscrit au passif du bilan inclus dans les déclarations fiscales de GSTM pour un montant égal au nominal du ZORA (1 036 912 506,84 EUR). Ce montant n'évolue pas dans le temps (123).

(73)

Pour chaque année, un montant égal aux accrétions sur ZORA annuelles a été inscrit au passif du bilan de GSTM comme dette financière de GSTM (124) en contrepartie de la dépense correspondante inscrite au compte de résultat (125). Par conséquent, ce montant a ainsi été déduit du revenu imposable de GSTM. Les accrétions sur ZORA cumulées reprises dans les déclarations fiscales de GSTM pour la période 2011 à 2015 sont présentées dans le Tableau 2 ci-dessous.

Tableau 2

Accrétions sur ZORA cumulées inscrites dans les déclarations fiscales de GSTM

 

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Accrétions sur ZORA cumulées (en millions d'EUR)

44,9

[100-150]

[300-350]

[450-500]

[600-650]

[600-900]

(74)

Conformément à la DFA GSTM de 2010, GSTM est imposée sur la marge GSTM. La figure 3 ci-dessous présente le calcul de la marge GSTM pour l'exercice 2011 (126). Le «revenu net avant impôt et avant accrétion du ZORA» s'élevait à 45 522 581,00 EUR. Le revenu imposable de GSTM est calculé sur la base de [1/(50-100)]% du total moyen des actifs de la société pour la période 2011, qui s'élevait à 3,7 milliards d'EUR. Le revenu imposable retenu pour GSTM sur cette base s'élève à [500 000 - 600 000] EUR (auquel est ajouté un montant désigné comme «rémunération sur le capital», de [6 000-11 000]EUR). La différence entre ce montant et le «revenu net avant impôt et avant accrétion du ZORA» est le montant de 44,9 millions d'euros inscrit dans la déclaration fiscale au titre de l'accrétion sur ZORA déductible.

Figure 3

Calcul du revenu imposable de GSTM pour l'année 2011, tel que détaillé à l'annexe 3 de la déclaration fiscale de GSTM pour 2011

Total actif

De

à

Nombre de jours

Moyenne (*1)

8 691 871 776

2.5.2011

31.12.2011

244

3 729 884 433

 

Total des dettes finançant les actifs

3 729 202 241

Revenu net avant impôt et avant accrétion du Zora

[45 000 000 -50 000 000 ]

Revenu net avant impôt et avant accrétion du Zora relatif au capital

8 326

Revenu net avant impôt et avant accrétion du Zora relatif à la dette finançant les actifs

[45 000 000 -50 000 000 ]

Total

[45 000 000 -50 000 000 ]

Marge de [1/(50-100) %]

[550 000 -600 000 ]

Rémunération sur le capital

 

Rémunération sur la dette finançant les actifs (marge de [1/(50-100) %])

[550 000 -600 000 ]

Marge nette total

[550 000 -600 000 ]

La marge à déjà été comptabilise dans les comptes annuels, aucun ajustement n'est à opérer

Calcul du montant imposable

EUR

Résultat de l'exercice

420 802

Ajouter: impôts

[150 000 -200 000 ]

Montant imposable

[550 000 -600 000 ]

Impôt sur le revenu des collectivités

[100 000 -150 000 ]

(75)

Les déclarations fiscales de GSTM montrent que, comme indiqué précédemment (127), la marge GSTM a changé après 2011. Comme illustré dans la figure 4 pour les années 2012 et 2013, la marge GSTM n'est pas fixée à [1/(50-100)%] de la valeur des actifs, ainsi qu'il avait été initialement envisagé dans la demande de DFA GSTM de 2010, mais à [0-1 %] de la valeur des dettes finançant les actifs (128). En 2014, la marge GSTM a été fixée à [0-1 %] du montant total des emprunts et des créances. Les déclarations fiscales indiquent que la marge GSTM pour ces années a été calculée par référence aux demandes de DFA des 11 juillet 2012 et 11 novembre 2013 (129) qui, comme indiqué au considérant 64, n'ont jamais été acceptées par l'administration fiscale luxembourgeoise.

Figure 4

Calcul du revenu imposable de GSTM par référence aux demandes de décisions anticipatives de 2010 et de 2012, jointes à l'annexe 3 de la déclaration fiscale de GSTM pour 2012

Annexes a la déclaration pour impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial communal de l'Anne 2012 et la déclaration de la fortune au 1er janvier 2013 au nom de:

GDF SUEZ Treasury Management S.à.r.l numéro fiscal 2011 2416 545

Annexe 3

STAW/NGOK

Notes explicatives

Généralités

Reference est faite aux lettres du conseiller fiscal du 9 février 2010 et 15 juin 2012.

Marge sur activité de financement

Reference et faite aux accords préalables en matière de prix de transfert du conseiller fiscal du 11 juillet 2012 et du 11 novembre 2013 (les APAs)

La marge sus activité de financement est calculée comme suit:

Montant moyen des dettes finançant les actifs (*)

du

au

jours

% (**)

marge

[9 000 000 000 -10 000 000 000 ]

1/1/2012

31/12/2012

366

4,2 bps

[3 000 000 -4 000 000 ]

Total

 

 

366

 

 

Rémunération du capital à risque

Capital moyen

du

au

jours

rémunération du capital a risque

[2 000 000 -3 000 000 ]

1/1/2012

31/12/2012

366

[20 000 -30 000 ]

Total

 

 

366

 

Calcul de l'accrétion sur Zora

Revenu net avant impôt et avant accrétion du Zora

[100 000 000 -150 000 000 ]

Moins: rémunération en capital

[20 000 -30 000 ]

Moins: marge minimum

[3 000 000 -4 000 000 ]

Accrétion sur Zora

[100 000 000 -150 000 000 ]

Le montant de l'accrétion sur le Zora tel qu'indiqué dans les comptes n'est pas conforme aux APAs (pas suffisant). Par conséquent, un ajustement de EUR [40 000 -50 000 ] a été opéré dans le bilan fiscal et le compte de profits et perles fiscal et cet ajustement sera reflété dans les comptes commerciaux d l'année 2013.

(*)

Calcule sur une base mensuelle

(**)

Nous nous referons a l'étude de prix de transfert comme prévu dans les APAs

2.2.4.6.2.   EIL

(76)

La valeur du ZORA GSTM dans les comptes d'EIL a été maintenue à hauteur du montant nominal, soit 1 036 912 507 EUR (130), conformément à l'option accordée par les DFA GSTM (131).

2.2.4.6.3.   CEF

(77)

Enfin, une participation dans GSTM d'un montant égal au nominal du ZORA GSTM apparaît également dans les déclarations fiscales de CEF dans la catégorie des participations admissibles à l'exonération des revenus de participations au titre de l'article 166 LIR (132).

2.3.   DESCRIPTION DU CADRE JURIDIQUE NATIONAL APPLICABLE

2.3.1.   DESCRIPTION DES PRINCIPES GÉNÉRAUX DU SYSTÈME LUXEMBOURGEOIS D'IMPOSITION DES SOCIÉTÉS

(78)

Les règles de droit commun applicables à l'imposition des sociétés au Luxembourg sont énoncées dans la LIR. Selon l'article 159 LIR, les sociétés ayant leur résidence fiscale au Luxembourg sont assujetties à l'impôt sur la totalité de leurs revenus (133). L'article 163 LIR prévoit que l'impôt luxembourgeois sur les sociétés s'applique au revenu imposable réalisé par un contribuable au cours d'une année donnée (134). Avant 2013, l'ensemble des sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg étaient imposées sur leur bénéfice imposable au taux standard de 28,80 % (135). Depuis 2013, le taux d'imposition standard est de 29,22 %.

(79)

L'article 18, alinéa 1er, LIR, prévoit la méthode permettant de déterminer le bénéfice annuel imposable d'une entreprise contribuable: «Le bénéfice est constitué par la différence entre l'actif net investi à la fin et l'actif net investi au début de l'exercice, augmentée des prélèvements personnels effectués pendant l'exercice et diminuée des suppléments d'apport effectués pendant l'exercice.»

(80)

L'article 23 LIR explique que l'évaluation des actifs nets doit répondre aux règles et principes comptables (136).

(81)

L'article 40 LIR établit le principe de l'accrochement du bilan fiscal au bilan commercial. Selon ce principe, le bilan fiscal — qui fixe le revenu annuel imposable — doit correspondre au bilan commercial, sauf en cas d'application d'une règle fiscale particulière, prescrivant le recours à des valeurs différentes (137).

2.3.2.   LE RÉGIME D'EXONÉRATION DES REVENUS DE PARTICIPATIONS ET L'IMPOSITION DES DISTRIBUTIONS DE BÉNÉFICES

(82)

Selon l'article 97, alinéa 1er, LIR, les revenus provenant de capitaux mobiliers comprennent les dividendes, les parts de bénéfice et autres produits alloués, en raison des actions ou autres participations détenues dans des sociétés (138).

(83)

S'agissant de l'imposition des dividendes et autres revenus provenant de participations, l'article 166 LIR introduit au Luxembourg le «régime d'exonération des revenus de participations». Ce régime prévoit une exonération de l'impôt sur les sociétés, de la retenue à la source et de l'impôt sur la fortune frappant l'actif net pour les revenus provenant des participations détenues par les entités qui répondent à certains critères. Dans son avis sur le projet de loi incorporant cette disposition dans la LIR, le Conseil d'État luxembourgeois a indiqué que ce régime était justifié afin d'éviter la triple imposition pour des raisons d'équité fiscale et d'ordre économique (139).

(84)

L'article 166, alinéa 2, LIR énumère les entités qui peuvent bénéficier de l'exonération des revenus de participations, lesquelles incluent les sociétés de capitaux imposables au Luxembourg (telles que les sociétés anonymes et les sociétés à responsabilité limitée) et les sociétés énumérées à l'article 2 de la directive 90/435/CEE du Conseil (140).

(85)

Pour pouvoir bénéficier de l'exonération, deux conditions cumulatives doivent être remplies. D'une part, les entités doivent détenir ou s'engager à détenir la participation pendant une période ininterrompue d'au moins douze mois. D'autre part, la participation ne doit pas descendre au-dessous du seuil de 10 % du capital de l'entité dans laquelle est détenue la participation ou le prix d'acquisition au-dessous de 1,2 million d'EUR (141).

(86)

À condition que ces deux conditions soient remplies, les revenus tirés de la participation (dividendes, plus-values ou autres revenus tirés de la participation) sont entièrement exonérés de l'impôt luxembourgeois sur les sociétés. En vertu de l'article 166, alinéa 9, LIR et du règlement grand-ducal du 21 décembre 2001 (le «règlement du 21 décembre 2001») (142), l'exonération des revenus de participations s'applique également aux plus-values («revenus dégagés par la cession de la participation») (143).

(87)

L'imposition des bénéfices distribués au niveau de l'entité distributrice est régie par l'article 164 LIR. L'article 164, alinéa 1er, LIR prévoit que pour déterminer le revenu imposable, il est indifférent que le revenu soit distribué ou non aux ayants droit (144). L'article 164, alinéa 2, LIR explique ce qu'il convient d'entendre par «distribution» aux fins de l'article 164, alinéa 1er, LIR, et inclut dans cette catégorie les distributions de quelque nature qu'elles soient, faites à des porteurs d'actions, de parts bénéficiaires ou de fondateurs, de parts de jouissance ou de tous autres titres, y compris les obligations à revenu variable (145).

2.3.3.   SURSIS D'IMPOSITION DES PLUS-VALUES RÉSULTANT D'UNE CONVERSION

(88)

Le principe général concernant la conversion d'actifs est établi à l'article 22, aliéna 5, LIR, selon lequel un échange de biens est à considérer comme cession à titre onéreux du bien donné en échange, suivie de l'acquisition à titre onéreux du bien reçu en échange à un prix correspondant à sa valeur estimée de réalisation (146), donnant ainsi potentiellement lieu à une plus-value imposable.

(89)

Par dérogation à cette règle générale, l'article 22 bis, alinéa 2, numéro 1, LIR, dispose que la conversion d'un emprunt en capital social du débiteur ne conduit pas à la réalisation de plus-values aux fins de l'impôt sur les sociétés. Cette même disposition prévoit que cette dérogation ne couvre pas l'intérêt capitalisé sur l'emprunt se rapportant à la période de l'exercice d'exploitation en cours précédant la conversion jusqu'à la date de l'échange (147).

2.3.4.   DISPOSITION ANTI-ABUS

(90)

L'article 6 de la loi d'adaptation fiscale luxembourgeoise, ou Steueranpassungsgesetz (ci-après la «StAnpG») interdit l'évasion fiscale ou la réduction de la charge de l'impôt par l'utilisation abusive de formes juridiques ou de montages qui sont légaux au regard du droit civil. Selon l'article 6 StAnpG, si la forme juridique ou le montage qui entoure une transaction n'est pas approprié à sa substance, l'impôt doit être évalué en accord avec la substance de la transaction comme si elle avait été conclue sous la forme juridique appropriée (148).

3.   MOTIFS JUSTIFIANT L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE

(91)

Dans sa décision d'ouverture, la Commission a estimé à titre provisoire que le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause paraissait constituer une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du traité, et a émis des doutes quant à la compatibilité de ces mesures avec le marché intérieur.

(92)

Plus particulièrement, dans la décision d'ouverture, la Commission a émis des doutes quant aux questions de savoir:

(1)

si les autorités fiscales luxembourgeoises avaient permis à raison la déduction des accrétions sur ZORA et si les ZORA étaient conformes au principe de pleine concurrence;

(2)

au cas où les autorités fiscales luxembourgeoises auraient eu raison de permettre la déduction des accrétions sur ZORA, premièrement si les autorités fiscales luxembourgeoises ont eu raison d'accepter l'application de l'article 22 bis LIR; et deuxièmement, si la méthode utilisée pour déterminer les revenus imposables de GSTM et de LNG Supply était conforme au principe de pleine concurrence;

(3)

si l'effet combiné de la déductibilité des dépenses (accrétions sur ZORA) au niveau de LNG Supply et de GSTM et de la non-imposition du revenu correspondant au niveau d'EIL et de LNG Luxembourg déroge à l'objectif général du système fiscal luxembourgeois, conférant ainsi un avantage sélectif aux sociétés holdings LNG Holding et CEF.

(93)

Le premier doute de la Commission concernait la déduction des accrétions sur ZORA (149). La Commission a remis en cause la qualification des accrétions sur ZORA en tant qu'intérêts au sens de l'article 109 LIR, et partant leur déductibilité. Plus précisément, la Commission a estimé que les accrétions sur ZORA devraient être considérées comme des distributions de bénéfices conformément à l'article 164, alinéas 1er et 2, LIR, et, par conséquent, que leur déduction n'aurait pas dû être permise. La Commission a également estimé qu'en permettant la déduction des accrétions sur ZORA, le Luxembourg avait potentiellement fait une mauvaise application de l'article 164, alinéa 3, LIR. Selon cette disposition, une société est tenue d'inclure dans son revenu imposable, comme distribution cachée de bénéfices, tout montant payé à ses actionnaires qui ne serait pas conforme au principe de pleine concurrence. Plus précisément, la Commission se demandait si une société indépendante négociant dans des conditions de pleine concurrence aurait accordé un prêt à LNG Supply et à GSTM aux mêmes conditions que celles prévues par les ZORA.

(94)

Au cas où les autorités fiscales luxembourgeoises auraient eu raison de permettre la déduction des accrétions sur ZORA, la Commission a émis un deuxième doute qui peut être exposé en deux parties:

(1)

premièrement, la Commission a remis en cause l'application de l'article 22 bis LIR, selon lequel aucun impôt sur le revenu des sociétés n'est dû sur la conversion du ZORA en actions (150). Si les accrétions sur ZORA étaient à considérer comme des intérêts débiteurs déductibles, ce que la Commission a contesté en émettant son premier doute, elles auraient dû être imposées comme des revenus au niveau d'EIL et de LNG Luxembourg, ou au niveau des sociétés holdings, et n'auraient pas dû bénéficier d'une exonération au titre de l'article 22 bis LIR;

(2)

deuxièmement, la Commission a émis des doutes quant à la méthode utilisée dans les DFA en cause pour déterminer les revenus imposables de LNG Supply et de GSTM — une marge imposable ne reposant sur aucune analyse économique — et quant à la conformité de cette méthode avec le principe de pleine concurrence (151).

(95)

Enfin, le troisième doute concernait l'effet combiné de la déductibilité des accrétions sur ZORA au niveau des filiales et de la non-imposition des revenus correspondants au niveau d'EIL et de LNG Luxembourg en raison de l'application de l'article 22 bis LIR (152). En combinant ces deux effets, le Luxembourg a validé la non-imposition, de facto, d'une partie non négligeable des bénéfices générés par les activités de GSTM et de LNG Supply au Luxembourg. La Commission a cherché à établir si ce résultat dérogeait à l'objectif du système luxembourgeois d'imposition des sociétés, qui, selon l'article 163 LIR, est d'imposer les bénéfices de toutes les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg (153).

(96)

Dans le cadre de ce troisième doute, la Commission examinait aussi si le traitement fiscal validé par les DFA pourrait constituer une mauvaise application de l'article 166 LIR, dont l'objectif est d'éliminer la double imposition économique d'un même bénéfice. Plus particulièrement, la Commission relevait que l'application de l'article 166 LIR semblait avoir été invoquée par CEF et par LNG Holding pour exonérer des bénéfices qui n'avaient pas été imposés au niveau de GSTM et de LNG Supply (154).

(97)

La Commission a indiqué que les DFA en cause conféraient de toute évidence un avantage sélectif non seulement aux sociétés holdings CEF et LNG Holding, mais aussi au groupe Engie dans son ensemble (155).

(98)

La Commission a aussi estimé à titre préliminaire que les DFA en cause pourraient avoir pour effet de déroger aux dispositions luxembourgeoises concernant l'abus de droit dans le domaine fiscal (articles 5 et 6 StAnpG) (156).

(99)

Lors d'une réunion du 1er juin 2017 et dans la lettre du 11 décembre 2017 faisant suite à la présentation d'informations additionnelles par le Luxembourg et par Engie, la Commission a explicité de façon plus détaillée certains éléments de son appréciation de l'affaire. La Commission a pris note de ce que l'article 109, alinéa 1er, LIR, ne s'applique pas aux sociétés de droit luxembourgeois ni aux sociétés résidentes fiscales au Luxembourg. La Commission a également noté que le régime prévu à l'article 22 bis LIR est optionnel et que les sociétés concernées en l'espèce n'ont toujours pas, à ce jour, opté pour son application. Enfin, la Commission a indiqué que, selon le Luxembourg, les DFA en cause «se fondent sur le régime général d'imposition sur les sociétés» (157), et tout particulièrement sur «le principe de l'accrochement du bilan fiscal au bilan commercial» (158). À cet égard, et comme indiqué dans la décision d'ouverture (159), le système de référence applicable pourrait être le système luxembourgeois d'imposition des sociétés, dont l'objectif est d'imposer le bénéfice des sociétés assujetties à l'impôt sur les sociétés au Luxembourg.

(100)

De plus, dans sa lettre du 11 décembre 2017, la Commission a expliqué, au sujet de l'avantage conféré au groupe Engie (160), qu'étant donné que l'objectif du système luxembourgeois d'imposition des sociétés est d'inclure en principe dans le revenu imposable l'ensemble des bénéfices enregistrés dans les comptes de la société, les transactions de financement intragroupe ayant lieu entre plusieurs entités résidentes fiscales au Luxembourg ne devraient pas avoir d'impact sur la somme des revenus imposables de ces entités ou, en d'autres termes, sur leur revenu imposable combiné. Or, en l'espèce, la Commission a relevé que les DFA en cause avaient donné lieu à une réduction du revenu imposable combiné d'Engie au Luxembourg (raisonnement au niveau du groupe).

4.   OBSERVATIONS FORMULÉES PAR LE LUXEMBOURG

(101)

Le Luxembourg rappelle en premier lieu que, conformément à l'article 114 du traité, les dispositions fiscales relèvent de la compétence des États membres. Ce n'est que dans les cas où une disposition fiscale enfreint l'article 107 du traité que la Commission peut l'examiner.

(102)

En second lieu, le Luxembourg conteste l'existence d'un avantage sélectif, pour les motifs exposés ci-après.

4.1.   LE SYSTÈME DE RÉFÉRENCE UTILISÉ PAR LA COMMISSION DANS LA DÉCISION D'OUVERTURE EST ERRONÉ

(103)

En premier lieu, selon le Luxembourg, l'article 109 LIR s'applique uniquement aux personnes physiques et ne s'applique donc pas aux sociétés.

(104)

En second lieu, le Luxembourg fait valoir que les ZORA sont, du point de vue fiscal luxembourgeois, des instruments de dette: par conséquent, ils ne peuvent être assimilés à des participations au capital (161). Cette classification est principalement justifiée par l'absence de droits de vote liés à la détention des ZORA, de droits de participation à la gestion, de dividendes ou de boni de liquidation, par l'obligation d'être remboursé à une date prédéterminée, par l'absence d'acte notarié constatant un apport de capital et par la forme juridique du contrat. Qui plus est, le Luxembourg soutient que les ZORA ne sont pas un titre donnant droit à une participation au bénéfice annuel ou au bénéfice de liquidation. Par conséquent, de l'avis du Luxembourg, l'article 164, alinéa 1er et 2, LIR ne s'applique pas.

(105)

En troisième lieu, en ce qui concerne le caractère de pleine concurrence des ZORA, le Luxembourg estime que la Commission a ignoré les différentes catégories d'investisseurs. Les ZORA ne sont pas des contrats de prêt standard, mais des instruments atypiques qui couvrent l'emprunteur contre les risques opérationnels éventuels, et permettent à l'investisseur de bénéficier d'un meilleur retour sur investissement. Étant donné la volatilité du marché et la dépendance aux financements, le recours à un ZORA est logique pour le prêteur, et des instruments similaires peuvent être observés sur les marchés financiers, comme, par exemple, les titres de créances répliquant la performance d'un sous-jacent donné. Par conséquent, les conditions du ZORA sont de pleine concurrence et l'article 164, alinéa 3, LIR, selon le Luxembourg, ne s'applique pas.

(106)

D'après le Luxembourg, le système de référence est constitué, d'une part, des articles 18, 40 et 23 LIR, qui consacrent la détermination du revenu imposable d'une société, le principe de l'accrochement du bilan commercial au bilan fiscal ainsi que le principe de prudence, et d'autre part, de l'article 22 bis LIR.

(107)

Le Luxembourg fait valoir que la détermination des bénéfices imposables, tels que définis à l'article 18 LIR, suit deux grands principes. Premièrement, le principe de l'accrochement du bilan commercial au bilan fiscal (article 40 LIR), et deuxièmement, le principe de prudence, selon lequel un bénéfice ne peut être imposé tant qu'il n'a pas été réalisé.

(108)

En ce qui concerne l'article 22 bis LIR, le Luxembourg déclare qu'il s'agit d'un régime optionnel applicable aux sociétés, conformément à l'article 162 LIR (162).

(109)

Le Luxembourg conteste l'interprétation selon laquelle l'article 163 LIR consacrerait un objectif, ou un principe, du système luxembourgeois d'imposition des sociétés selon lequel l'ensemble des bénéfices réalisés par les sociétés résidant au Luxembourg devraient être imposés. Le Luxembourg considère que cet objectif n'est ni consacré ni reflété dans une quelconque disposition de la loi. D'après le Luxembourg, la définition d'un système de référence doit se fonder sur un corpus de règles prévues par le législateur, et non au travers d'un hypothétique principe ou objectif dont l'interprétation risquerait d'aller au-delà des termes précis de la loi.

4.2.   LES DFA EN CAUSE NE DÉROGENT PAS AU SYSTÈME DE RÉFÉRENCE

(110)

Le Luxembourg fait valoir qu'en acceptant la déductibilité des charges associées aux ZORA, le traitement fiscal validé par les DFA en cause était pleinement conforme aux articles 14 à 60 LIR, et partant aux articles 18, 40 et 23 LIR. Le Luxembourg estime que la Commission a ignoré que les charges déductibles au niveau de GSTM et de LNG Supply ne sont ni des intérêts ni des dividendes. Le remboursement du ZORA peut se faire à un prix plus élevé que le montant nominal de l'instrument. Selon le principe de prudence, l'emprunteur doit prévoir une charge tenant compte de ce risque. Selon les articles 18, 40 et 23 LIR, cette charge est fiscalement déductible.

(111)

Le Luxembourg estime que le traitement fiscal validé par les DFA en cause était pleinement conforme aux articles 97 et 22 bis LIR Le Luxembourg soutient que la Commission a considéré, à tort, que tout intérêt capitalisé devrait être imposable. Plus fondamentalement, le Luxembourg maintient que la Commission n'a pas tenu compte du fait que, comme expliqué au considérant 110, les charges déductibles ne sont ni des intérêts ni des dividendes. Le principe de prudence suppose qu'une charge, qui est fiscalement déductible pour une partie, ne donne pas nécessairement lieu à un bénéfice imposable pour l'autre partie. Les ZORA doivent être évalués par le créancier au prix d'acquisition, et non au prix du marché. Par conséquent, le Luxembourg considère que les ZORA ne génèrent pas de revenus imposables au niveau du créancier avant la date de la conversion.

(112)

D'un point de vue fiscal, à la date de la conversion, un bénéfice, égal à la différence entre le prix d'acquisition et la valeur de marché des actions, est constaté. Cependant, le Luxembourg fait valoir qu'EIL et LNG Luxembourg peuvent choisir de recourir au mécanisme prévu à l'article 22 bis LIR Les actions reçues par le prêteur peuvent être considérées comme se substituant aux ZORA dans le chef du créancier. Dans ce cas, les actions peuvent être valorisées dans les comptes du créancier au montant nominal des ZORA.

(113)

Cependant, le Luxembourg explique qu'à la suite du remboursement partiel du ZORA par LNG Supply, intervenu en 2014, LNG Luxembourg n'a pas opté pour le régime optionnel prévu à l'article 22 bis LIR, et a enregistré un bénéfice imposable dans ses comptes.

(114)

Le Luxembourg considère que les DFA en cause ne dérogent pas au principe de pleine concurrence en acceptant une méthode de détermination des bénéfices de GSTM et de LNG Supply fondée sur les risques encourus, les fonctions exercées et les actifs utilisés par chaque entité.

(115)

Le Luxembourg conteste avoir erronément appliqué l'article 166 LIR, car les DFA en cause ne font qu'avaliser une lecture stricte et correcte des différentes dispositions fiscales applicables à toute entreprise assujettie à l'impôt sur les sociétés.

(116)

Le Luxembourg conteste que l'objectif de l'article 166 LIR est d'éviter la double imposition économique. Le Luxembourg estime que selon l'article 166 LIR, les revenus ne doivent pas avoir été imposés antérieurement pour bénéficier de l'exonération des revenus de participations. Les seules conditions pour bénéficier de l'exonération des revenus de participations sont la nature de l'instrument, le pourcentage détenu dans le capital de l'entité concernée ou le prix d'acquisition, et la durée de détention des participations. En l'espèce, l'article 166 LIR a été appliqué conformément à l'ensemble de ces conditions. Compte tenu de ce qui précède, le Luxembourg considère non seulement que le système luxembourgeois d'imposition des sociétés n'exige pas que tous les revenus soient imposés, mais également que selon l'article 166 LIR, les revenus admissibles à l'exonération des revenus de participations ne doivent pas nécessairement résulter de revenus préalablement imposés.

(117)

Le Luxembourg affirme également que si la Commission considère que l'article 166 LIR ne déroge pas au système de référence, elle doit démontrer que les DFA en cause approuvent une application dérogatoire de l'article 166 LIR à CEF et à LNG Holding. Le Luxembourg conteste tout particulièrement l'application combinée des articles 164 et 166 LIR, sachant que les dispositions de l'article 164 LIR ne constituent pas une condition sine qua non à l'application de l'article 166 LIR. L'article 164 LIR s'applique uniquement aux revenus distribués par des sociétés indigènes (sociétés résidentes au Luxembourg), alors que les dispositions de l'article 166 LIR couvrent un champ d'application plus large, le régime d'exonération des revenus de participations s'appliquant aux revenus générés par des participations tant des sociétés résidentes au Luxembourg que des sociétés étrangères. Ceci étant, le Luxembourg reconnaît explicitement que hormis l'exception faite aux participations étrangères, toutes les participations dont les revenus peuvent bénéficier de l'article 166 sont aussi couvertes par les dispositions de l'article 164 de la LIR (163).

(118)

En ce qui concerne le raisonnement appliqué au niveau du groupe (voir considérant 100), le Luxembourg réaffirme sa position selon laquelle le raisonnement de la Commission ne saurait se fonder sur un système de référence inadéquat et inexistant. Le Luxembourg souligne que le droit luxembourgeois ne précise pas que les transactions de financement intragroupe entre plusieurs entités résidentes fiscales au Luxembourg ne peuvent avoir d'impact à la hausse comme à la baisse sur la somme des revenus imposables de l'ensemble de ces entités au Luxembourg, ou, en d'autres termes, sur les revenus imposables combinés du groupe au Luxembourg. Qui plus est, le Luxembourg explique que pour établir la sélectivité d'une mesure, la Commission doit démontrer qu'elle déroge non pas à l'objectif du système de référence, mais au système de référence lui-même.

(119)

Le Luxembourg fait valoir que pour établir le caractère sélectif d'une mesure, la Commission doit prouver que les entreprises d'un secteur donné sont favorisées par rapport à d'autres, et renvoie à l'annulation de la décision de la Commission dans l'affaire Comunidad Autonoma de Galicia (164).

(120)

Le Luxembourg conteste également l'affirmation de la Commission selon laquelle toute charge fiscalement déductible enregistrée par l'émetteur d'un ZORA au titre des accrétions sur ZORA aurait été incluse dans les revenus imposables du créancier, n'ayant ainsi aucun impact sur les revenus imposables du groupe au Luxembourg. Le Luxembourg rappelle que l'article 22 bis LIR permet au créancier d'un prêt convertible de ne pas enregistrer une plus-value au moment de la conversion. Par conséquent, selon le Luxembourg, l'intervention d'EIL et de LNG Luxembourg n'a pas diminué les revenus imposables du groupe Engie qui aurait existé si le groupe avait eu directement recours à un ZORA.

(121)

Le Luxembourg conteste également tout abus de droit. En particulier, le Luxembourg dénonce l'insinuation de la Commission selon laquelle il aurait avalisé une transaction simulée au sens de l'article 5 StAnpG, et rappelle que les différentes parties ont une réelle existence juridique et qu'elles ont exécuté correctement leurs obligations contractuelles. Le Luxembourg rejette également l'argument selon lequel la forme juridique de la transaction ne serait pas appropriée à sa substance au sens de l'article 6 StAnpG, les transactions ayant été réalisées pour financer le transfert d'actifs au sein du groupe.

4.3.   ABSENCE DE RÉCUPÉRATION

(122)

Enfin, au cas où la Commission adopterait une décision négative, le Luxembourg considère qu'elle ne devrait prendre effet que pour l'avenir, et que la Commission ne devrait pas ordonner la récupération des aides d'État alléguées, conformément aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

5.   OBSERVATIONS FORMULÉES PAR ENGIE

(123)

Engie considère les ZORA comme des instruments de dette. Le montant total à rembourser est fonction de la performance de l'emprunteur. Par conséquent, Engie fait valoir que le créancier ne devrait pas recevoir de revenus avant la conversion. Qui plus est, jusqu'à sa conversion, le ZORA est un instrument de dette dans les comptes, et partant est traité comme tel d'un point de vue comptable et fiscal.

(124)

Engie fait valoir que la déductibilité des charges liées à un ZORA au niveau de l'emprunteur est conforme au droit fiscal applicable. Les charges liées au remboursement du ZORA qui sont constatées dans les comptes conformément aux règles comptables applicables sont fiscalement déductibles selon le principe fiscal fondamental de l'accrochement du bilan comptable au bilan fiscal. Selon le principe de prudence comptable, le créancier n'est pas en droit de comptabiliser un bénéfice dans ses comptes avant la conversion du ZORA en actions. Par conséquent, ce n'est qu'à la date de la conversion que le créancier comptabilise un bénéfice, qui est imposable. Cependant, selon Engie, l'article 22 bis LIR permet à une société de bénéficier d'un sursis d'imposition en cas de conversion d'un prêt convertible. Enfin, EIL et LNG Luxembourg ont couvert leurs risques en concluant les contrats à terme respectivement avec CEF et avec LNG Holding. Les revenus tirés par CEF et LNG Holding de leurs investissements sont imposables conformément au droit fiscal applicable, dont fait partie l'article 166 LIR.

(125)

Engie a expliqué plus en détail quelles étaient les activités transférées à LNG Supply et à GSTM, qui consistent, respectivement, en un contrat d'approvisionnement en gaz naturel liquéfié à long terme (environ 20 ans) (ci-après le «contrat GNL») au Yémen, et ses actifs accessoires (capacité de terminal et capacité de transport), d'une part, et les activités de centralisation de trésorerie (cash pooling) du groupe d'autre part (165).

(126)

Engie a également expliqué que seul le ZORA entre LNG Supply et LNG Luxembourg avait fait l'objet d'une conversion partielle en actions en 2014 en raison des bénéfices importants réalisés par LNG Supply. À la suite de la conversion partielle, LNG Luxembourg a comptabilisé des revenus imposables. LNG Luxembourg n'a pas opté pour le régime prévu par l'article 22 bis LIR. Au cours du même exercice fiscal, l'entité a enregistré une charge déductible de même montant dans ses comptes en raison du transfert des actions à LNG Holding dans le cadre du contrat à terme LNG.

(127)

Engie a également confirmé que l'application de l'article 22 bis LIR n'aurait en fait pas eu d'incidence sur les revenus imposables des créanciers des ZORA (LNG Luxembourg et EIL), étant donné que le prix de vente et la date de vente sont fixés à l'avance dans les contrats à terme. À cet égard, des échanges ont eu lieu au cours de la réunion du 1er juin 2017 quant au scénario dans lequel LNG Luxembourg ou EIL réaliseraient un bénéfice imposable ou une perte, étant donné que les ZORA et les contrats à terme se couvrent mutuellement. Engie a expliqué que tout revenu imposable généré par la conversion des ZORA se traduit par une perte correspondante fiscalement déductible sur les contrats à terme.

(128)

Enfin, en ce qui concerne le cadre juridique applicable au niveau des sociétés holdings (à savoir, CEF et LNG Holding), Engie a précisé qu'à la date de la cession des actions, et dans le cas où la valeur des actions est plus élevée que le prix d'acquisition fixé dans les contrats à terme, la société holding n'enregistre aucun bénéfice dans ses comptes. Un tel bénéfice ne peut être constaté que plus tard, si et quand les actions des émetteurs sont vendues ou annulées. D'après Engie, ce bénéfice potentiel peut être fiscalement exonéré en vertu du régime d'exonération des revenus de participations applicable à toutes les sociétés luxembourgeoises, comme le prévoit l'article 166 LIR.

(129)

Engie soutient que la mise en œuvre du ZORA GSTM et du ZORA LNG respecte les DFA adoptées conformément à la législation fiscale et qu'elle n'aboutit pas à une double non-imposition. Engie a aussi expliqué lors de la réunion de juin 2017 que dès lors que l'on suit un raisonnement économique plutôt qu'un raisonnement juridique, il importe de tenir compte de la longue maturité du ZORA et de ne pas se concentrer sur les années où des bénéfices ont été réalisés et durant lesquelles des impôts limités ont été payés. Engie a expliqué que si l'on suit un raisonnement entité par entité plutôt qu'une démarche économique ou globale, le régime est symétrique.

(130)

Engie a en outre expliqué que le ZORA GSTM n'avait pas encore fait l'objet d'une conversion. Aucun bénéfice n'a été constaté au niveau d'EIL à ce jour. Le ZORA LNG a été partiellement converti en actions en 2014, donnant lieu au constat d'un bénéfice à hauteur des accrétions sur ZORA cumulées dans les comptes de LNG Luxembourg. LNG Luxembourg n'a pas choisi de recourir au régime optionnel de sursis d'imposition prévu par l'article 22 bis LIR, et le bénéfice réalisé sur la conversion a été pris en compte dans le calcul de sa base imposable pour 2014.

(131)

Engie a en outre expliqué plus en détail les rôles précis d'EIL et de LNG Luxembourg. Ces rôles sont décrits dans les rapports concernant les prix de transfert établis par Engie pour justifier les ZORA et joints aux observations qu'elle a soumises à la Commission au sujet de la décision d'ouverture (les «rapports PT»). EIL et LNG Luxembourg sont décrites dans les rapports PT comme l'«investisseur» supportant tous les risques liés aux activités et assurant les fonctions clés découlant de ces activités tandis que, dans le même temps, ces entités sont pleinement couvertes du point de vue des risques par les contrats à terme (166). Engie a expliqué que, sous l'angle des prix de transfert, pour déterminer la rémunération de l'émetteur du ZORA, il est possible d'amalgamer le créancier du ZORA avec l'acheteur des actions converties au titre des contrats à terme.

(132)

Considérant que l'intervention d'EIL et de LNG Luxembourg est neutre d'un point de vue économique et commercial, la Commission a demandé, lors de la réunion du 1er juin 2017, que lui soit expliquée la nécessité d'avoir ces entités pour le financement du transfert d'actifs. Engie a confirmé qu'elle aurait pu structurer le financement du transfert d'activités différemment. Bien qu'il existe d'autres manières de structurer cette opération, la présente structure a été choisie car elle apportait plus de souplesse pour la gestion des sociétés et plus d'options pour les opérations futures, qui sont des critères importants pour l'organisation d'un groupe de sociétés.

5.1.   ENGIE RÉFUTE L'EXISTENCE D'UN QUELCONQUE AVANTAGE

(133)

Engie fait valoir que les sociétés concernées ne bénéficient d'aucun avantage puisqu'elles ne bénéficient d'aucune réduction injustifiée de l'impôt. Engie déclare que la déduction des accrétions sur ZORA ne constitue pas un avantage concurrentiel. Engie considère en outre qu'il ne peut naître d'avantage concurrentiel de la combinaison du régime appliqué aux émetteurs des ZORA avec celui appliqué aux créanciers, étant donné que cet avantage ne s'est pas matérialisé en raison de l'absence de conversion du ZORA GSTM et de la décision de ne pas opter pour le recours à l'article 22 bis LIR pour le ZORA LNG.

5.2.   ENGIE RÉFUTE LA SÉLECTIVITÉ DES MESURES EN CAUSE

(134)

En premier lieu, Engie considère que les DFA en cause ne constituent pas des mesures d'aide individuelles.

(135)

Engie conteste le système de référence utilisé par la Commission dans la décision d'ouverture. Engie considère que l'article 109, alinéa 1er, et l'article 164 LIR, sont inapplicables, le premier car il concerne uniquement les personnes physiques, et le second car il ne concerne pas les prêts. Le système de référence correct est celui constitué par les articles 18 à 45 LIR, qui consacrent les principes fondamentaux du droit fiscal luxembourgeois quant à la détermination des revenus imposables d'une société, par exemple le principe de prudence (article 23 LIR), l'accrochement du bilan fiscal au bilan commercial (article 40 LIR) et la déductibilité des dépenses d'exploitation (article 45 LIR).

(136)

Engie estime que les DFA en cause ne dérogent pas au système de référence applicable. L'augmentation de la valeur de remboursement de la dette constitue une charge financière pour les emprunteurs. Cette charge financière est inscrite dans les comptes annuels et est déductible en vertu du principe d'accrochement du bilan fiscal au bilan commercial et de la déductibilité des dépenses d'exploitation. Inversement, en cas d'accrétions sur ZORA négatives, la diminution de la dette entraîne la comptabilisation d'un revenu imposable. La conversion ultérieure du prêt en actions ne remet pas en cause la qualification initiale de l'instrument en tant que dette. S'agissant d'EIL et de LNG Luxembourg, l'article 22 bis LIR leur donne la possibilité d'opter, au moment de la conversion, pour un sursis d'imposition. LNG Luxembourg n'a pas opté pour ce régime à la suite de la conversion partielle du ZORA LNG en 2014, et a enregistré un bénéfice imposable dans ses comptes. Le ZORA GSTM et le reste du ZORA LNG n'ont fait l'objet d'aucune conversion à ce jour. Aucun revenu n'a été réalisé à ce jour et le régime optionnel de l'article 22 bis LIR n'a pas pu être invoqué. Par conséquent, Engie considère que tant dans leur contenu formel que dans leur mise en œuvre, les DFA en cause ne dérogent pas au système de référence.

(137)

Se fondant sur les rapports PT, Engie fait valoir que la méthode utilisée pour estimer la marge imposable au niveau des émetteurs (c'est-à-dire la rémunération des émetteurs) correspond à une approximation fiable d'un résultat basé sur le marché et conforme au principe de pleine concurrence. Les fonctions, les risques et les actifs des différentes entités juridiques ont été rémunérés conformément aux prix du marché. Les deux rapports PT fournis évaluent les fonctions et les risques assumés par les émetteurs (LNG Supply ou GSTM) et l'«investisseur» (qui n'est pas précisément identifié), et concluent que la plupart des risques sont supportés par l'«investisseur», alors que l'émetteur est associé à la gestion quotidienne des activités transférées. Selon les rapports PT, la méthode du prix comparable sur le marché libre (167) est la méthode appropriée pour évaluer le caractère de pleine concurrence du ZORA et la rémunération des «exchange-traded funds» (ETF) constitue une rémunération comparable. Enfin, les rapports PT concluent que la rémunération des émetteurs est conforme à celle des ETF, et qu'elle doit donc être considérée comme conforme au principe de pleine concurrence.

(138)

D'après Engie, la confirmation par les DFA en cause de l'application cumulative des dispositions concernées du droit luxembourgeois est conforme à l'objectif du système luxembourgeois d'imposition des sociétés, qui est l'imposition des bénéfices, après prise en compte de la rémunération des instruments de dette émis, de toutes les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg. Tout porteur d'un instrument de dette (emprunteur) se verrait appliquer le même traitement fiscal, à savoir la déductibilité des charges financières. De la même façon, tout prêteur qui serait créancier d'un prêt similaire se verrait appliquer le même traitement fiscal, à savoir l'imposition d'un bénéfice comptable lors du remboursement, sauf à opter pour le régime du sursis d'imposition.

(139)

Engie conteste également tout abus de droit. Les entités concernées par les transactions sont toutes des entités juridiques. Qui plus est, les transactions en cause ont une logique économique, qui est de financer le transfert d'activités. Par conséquent, Engie considère que le Luxembourg n'a pas exonéré les accrétions sur ZORA de l'impôt ni avalisé une quelconque évasion fiscale ni un quelconque abus au regard du droit national.

(140)

En second lieu, Engie considère qu'étant donné que les DFA en cause ne font que confirmer le droit national applicable, elles devraient être appréciées en tant que régime. À cet égard, Engie considère que ces régimes, tels qu'interprétés par les DFA en cause, ne sont pas sélectifs. Ils sont de nature générale puisqu'ils s'appliquent, isolément ou cumulativement, sans distinction à tous les opérateurs économiques et sans conditions. Leur applicabilité n'est pas soumise à l'émission de DFA, sollicitées en l'espèce pour des raisons de sécurité juridique. Toutes les entreprises se trouvant dans une situation juridique et factuelle comparable au regard de l'objectif du système fiscal, à savoir l'imposition des bénéfices, peuvent bénéficier de ces régimes. Par conséquent, d'après Engie, ils ne créent pas, par leurs effets concrets, de discrimination ou de différenciation entre entreprises.

(141)

En troisième lieu, Engie maintient que les mesures en cause résultent de principes directeurs du système fiscal luxembourgeois, notamment du principe de prudence.

(142)

Engie conteste que le système luxembourgeois d'imposition des sociétés puisse avoir pour objectif d'imposer les bénéfices enregistrés dans les comptes. Le système de référence est le système luxembourgeois d'imposition des sociétés, dont fait partie l'article 166 LIR, dont l'application a été approuvée dans les DFA en cause.

(143)

Engie indique aussi que les DFA en cause ne dérogent pas à l'article 166 LIR. Conformément au système luxembourgeois d'imposition des sociétés, les dividendes ou les plus-values enregistrés par un contribuable ne peuvent être imposés dès lors que les conditions de l'article 166 LIR sont remplies. Engie note que les conditions de l'article 166 LIR étaient remplies lorsque LNG Supply a réduit son capital par annulation des actions nouvellement émises. Par conséquent, Engie considère que les DFA en cause ne se sont pas écartées des règles fiscales applicables et n'ont pas eu pour effet de réduire l'impôt qui aurait été dû en leur absence.

(144)

Engie considère également, conformément aux articles 99 et 101 de la Constitution luxembourgeoise, que les autorités fiscales luxembourgeoises ne peuvent déroger aux conditions strictes définies dans l'article 166 LIR.

(145)

Engie fait observer que la décision d'ouverture fait référence à une potentielle mesure d'aide individuelle, et non à l'article 166 LIR, qui constituerait un régime. Si la Commission ne considère pas l'article 166 LIR comme dérogatoire en soi, mais remet en question son application dans les DFA en cause, la Commission reste en défaut de démontrer en quoi les DFA en cause dérogent à l'article 166 LIR.

(146)

Engie fait valoir que l'élargissement du champ d'application du régime d'exonération des revenus de participations — initialement introduit au Luxembourg en 1940 — répondait à l'objectif de construction du marché intérieur. D'après Engie, il s'agit précisément de l'objectif de la directive 90/435/CEE. Engie considère que cette directive n'exige pas que les bénéfices destinés à être distribués soient imposés.

(147)

En ce qui concerne le raisonnement au niveau du groupe, Engie indique que le critère de sélectivité doit être apprécié pour chaque entité juridique individuellement, et non au niveau du groupe. Engie comprend que, dans certaines décisions antérieures (168), la Commission a estimé qu'une analyse au niveau du groupe ne se justifiait pas.

(148)

D'après Engie, le système luxembourgeois d'imposition des sociétés ne prévoit pas de principe de symétrie de traitement entre sociétés fiscalement résidentes parties à une même transaction ni de «linking rules» (règles d'association) comme le recommande l'OCDE (169). Engie réaffirme que chaque entité du groupe a été imposée conformément aux règles applicables, comme l'ont confirmé les DFA en cause.

(149)

Engie explique que les transactions dont le traitement fiscal a été validé par les DFA en cause poursuivent un objectif économique, à savoir financer le transfert d'actifs. Par conséquent, selon Engie, les critères de l'article 6 StAnpG ne sont pas remplis en l'espèce.

(150)

Engie indique que les bénéficiaires des DFA en cause n'ont pas été traitées différemment d'autres sociétés qui ne bénéficieraient pas de telles décisions fiscales anticipatives, étant donné que les DFA en cause ne font que confirmer l'application correcte des règles fiscales applicables au Luxembourg. Par conséquent, les DFA en cause ne constituent ni de jure ni de facto une discrimination à l'égard d'autres entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable à celle d'Engie à la lumière des objectifs du système fiscal luxembourgeois.

5.3.   ABSENCE DE RÉCUPÉRATION

(151)

Enfin, Engie fait valoir que dans le cas où la Commission qualifierait les DFA en cause d'aides incompatibles avec le marché intérieur, elle ne pourrait ordonner leur récupération sans enfreindre un certain nombre de principes généraux du droit, à savoir les principes de sécurité juridique, de confiance légitime, de bonne administration et d'égalité de traitement.

(152)

Plus particulièrement, selon Engie, la Commission ne pourrait parvenir à démontrer l'existence d'un avantage sélectif qu'en imposant de façon rétroactive sa propre interprétation du droit fiscal luxembourgeois pour conclure que celui-ci aurait été mal appliqué dans le cas d'espèce. L'insécurité juridique qui en résulterait devrait nécessairement trouver sa limite dans la non-rétroactivité des effets de la décision.

6.   APPRÉCIATION DES MESURES D'AIDE

(153)

Comme indiqué au considérant 92, dans la décision d'ouverture, la Commission a émis trois doutes principaux. Dans la présente décision, la Commission concentrera son appréciation sur le troisième doute, qui concerne l'effet combiné de la déductibilité des accrétions sur ZORA et de l'exonération des revenus correspondants, et expliquera pourquoi les doutes exprimés dans la décision d'ouverture ne sont pas dissipés.

6.1.   EXISTENCE D'UNE AIDE

(154)

En vertu de l'article 107, paragraphe 1, du traité, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

(155)

La qualification d'«aide» au sens de l'article 107, paragraphe 1, du traité requiert que toutes les conditions visées à cette disposition soient remplies (170). En conséquence, premièrement, il doit s'agir d'une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État; deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d'affecter les échanges entre États membres; troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à une entreprise, et, quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (171).

(156)

En ce qui concerne la première condition nécessaire pour constater l'existence d'une aide, les DFA en cause ont été émises par l'administration fiscale luxembourgeoise, qui est un organe de l'État luxembourgeois. Par ces DFA, l'administration accepte un certain traitement fiscal. Sur le fondement de ces DFA, les sociétés LNG Supply, LNG Luxembourg, LNG Holding, GSTM, EIL et CEF appartenant au groupe Engie ont déterminé le montant de l'impôt sur les sociétés qu'elles devaient acquitter au Luxembourg chaque année. Ces DFA ont par la suite été utilisées par ces sociétés du groupe Engie aux fins de leurs déclarations annuelles pour l'impôt sur les sociétés, lesquelles ont été acceptées par l'administration fiscale luxembourgeoise comme établissant leur impôt sur les sociétés dû au Luxembourg. L'avantage fiscal accordé sur la base des DFA en cause est donc imputable au Luxembourg.

(157)

En ce qui concerne le financement des mesures au moyen de ressources d'État, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour de justice qu'une mesure par laquelle les autorités publiques accordent à certaines entreprises une exonération fiscale qui, bien que ne comportant pas un transfert positif de ressources d'État, place les personnes auxquelles elle s'applique dans une situation financière plus favorable que les autres contribuables constitue une aide d'État (172). En l'espèce, les DFA en cause confirment que les accrétions sur ZORA constituent des dépenses fiscalement déductibles au niveau de LNG Supply et de GSTM, alors que le revenu correspondant, une fois réalisé au niveau, respectivement, de LNG Holding et de CEF, serait exonéré d'impôt. En conséquence, les montants des accrétions sur ZORA, qui représentent une partie non négligeable des bénéfices générés par LNG Supply et GSTM échappent à l'imposition au Luxembourg. On peut donc affirmer que le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause a pour effet de réduire l'impôt sur les sociétés dû au Luxembourg par le groupe Engie et donne donc lieu à une perte de ressources d'État. Cela est dû au fait que toutes les dépenses des sociétés du groupe Engie qui sont déclarées comme fiscalement déductibles au Luxembourg, de même que tous les revenus des sociétés du groupe Engie qui sont déclarés comme exonérés de l'impôt au Luxembourg, se traduisent par une perte de recettes fiscales, recettes qui auraient, dans le cas contraire, été à la disposition du Luxembourg (173). Les mesures en cause sont donc financées au moyen de ressources d'État.

(158)

En ce qui concerne la deuxième condition nécessaire pour constater l'existence d'une aide, les entreprises qui bénéficient des DFA en cause appartiennent au groupe Engie, un groupe multinational exerçant ses activités sur divers marchés de l'énergie dans plusieurs États membres, de sorte que toute aide en leur faveur est de nature à affecter les échanges au sein de l'Union. Selon la même logique, en accordant un traitement fiscal favorable à Engie, le Luxembourg a potentiellement détourné des investissements d'États membres qui ne peuvent pas offrir un traitement fiscal aussi favorable ou qui ne le feront pas. Dès lors que les DFA en cause renforcent la position concurrentielle de leur bénéficiaire par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges à l'intérieur de l'Union, elles doivent être considérées comme de nature à affecter ces échanges (174).

(159)

De même, en ce qui concerne la quatrième condition nécessaire pour constater l'existence d'une aide, une mesure octroyée par l'État est considérée comme faussant ou menaçant de fausser la concurrence lorsqu'elle est de nature à renforcer la position concurrentielle du bénéficiaire par rapport à d'autres entreprises concurrentes (175).

(160)

En particulier, Engie exerce ses activités dans les secteurs de l'électricité, du gaz naturel et du GNL, des services d'efficacité énergétique et sur d'autres marchés connexes dans plusieurs États membres de l'Union européenne. Sur tous ces marchés, Engie est confrontée à la concurrence d'autres entreprises. Ainsi que cela sera démontré, le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause soulage Engie d'une charge d'impôt qu'elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de la gestion courante de ses activités normales. Il doit donc être considéré que l'aide accordée sur la base de ces DFA fausse ou menace de fausser la concurrence en renforçant la situation financière d'Engie sur les marchés sur lesquels le groupe exerce ses activités. En soulageant Engie d'une charge fiscale qu'elle aurait autrement dû supporter et que les entreprises concurrentes doivent supporter, le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause libère des ressources qu'Engie pourrait utiliser, par exemple, pour investir dans ses activités commerciales, effectuer des investissements supplémentaires ou accroître la rémunération des actionnaires, ce qui fausse la concurrence sur les marchés où elle exerce ses activités. En conséquence, la quatrième condition nécessaire pour constater l'existence d'une aide est également remplie en l'espèce.

(161)

En ce qui concerne la troisième condition nécessaire pour constater l'existence d'une aide, une décision fiscale anticipative a pour but de confirmer à l'avance l'application qui sera faite du régime fiscal commun à un cas particulier, compte tenu des faits et des circonstances qui lui sont propres. À l'instar de toute autre mesure fiscale, le traitement fiscal accordé sur la base d'une décision fiscale anticipative doit toutefois respecter les règles en matière d'aides d'État. Lorsqu'une décision fiscale anticipative avalise un traitement fiscal qui ne correspond pas à celui qui résulterait d'une application normale du régime fiscal de droit commun, sans justification, la mesure confère un avantage sélectif à son destinataire en ce que son traitement fiscal a pour effet d'améliorer la situation financière de cette entreprise dans l'État membre par rapport aux entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l'objectif du régime fiscal.

(162)

Dans le droit fil des doutes exprimés dans la décision d'ouverture (176), la Commission estime que le traitement fiscal avalisé par les DFA en cause constitue un avantage sélectif. L'existence de cet avantage sélectif peut être établie par l'analyse, sous différents angles, des effets du traitement fiscal accordé à Engie. À la section 6.2, la Commission établira l'existence d'un avantage sélectif en analysant les effets des DFA en cause au niveau individuel des sociétés holdings LNG Holding et CEF. À la section 6.3, elle établira l'existence d'un avantage sélectif en analysant les effets des DFA en cause au niveau du groupe. Enfin, à la section 6.4, la Commission démontrera qu'en n'appliquant pas ses règles fiscales anti-abus, le Luxembourg a accordé un avantage sélectif à Engie.

6.2.   EXISTENCE D'UN AVANTAGE SÉLECTIF ÉTABLIE PAR L'ANALYSE DES EFFETS DU TRAITEMENT FISCAL AU NIVEAU DE LNG HOLDING ET DE CEF

(163)

Dès lors qu'une mesure adoptée par l'État améliore la situation financière nette d'une entreprise, un avantage existe au sens de l'article 107, paragraphe 1, du traité (177). Lorsque l'existence d'un avantage est établie, il convient de renvoyer à l'effet de la mesure elle-même (178). En ce qui concerne les mesures fiscales, un avantage peut être conféré en réduisant de diverses manières la charge fiscale d'une entreprise et, en particulier, en réduisant le revenu imposable ou le montant de l'impôt dû (179).

(164)

Les DFA en cause avalisent un traitement fiscal sur la base duquel GSTM, EIL, CEF, LNG Supply, LNG Luxembourg et LNG Holding ont déterminé chaque année leur bénéfice imposable aux fins de l'impôt sur les sociétés. Ce traitement fiscal, détermine, quant à lui, l'impôt sur les sociétés qu'elles doivent acquitter au Luxembourg pendant la période couverte par les DFA en cause et est donc de nature à fournir un avantage sélectif.

(165)

En conséquence, en ce qui concerne l'argument d'Engie exposé au considérant 133 selon lequel il ne peut y avoir d'avantage étant donné que le traitement fiscal en question ne s'est pas matérialisé en raison de l'absence de conversion du ZORA GSTM, la Commission fait observer que l'existence de l'avantage ne dépend pas de la conversion des ZORA, même si, comme expliqué à la section 8, aux fins de la détermination du montant à récupérer, l'avantage est considéré ne se matérialiser qu'au moment où le revenu perçu par CEF et LNG Holding est exonéré (180).

(166)

De surcroît, répondant ainsi par la même occasion à certaines observations formulées par le Luxembourg (181) et par Engie (182), la Commission rappelle que la présente décision ne concerne pas le régime d'exonération des revenus de participations prévu à l'article 166 LIR en tant que tel, mais bien l'application qui est faite de ce régime dans les circonstances propres à l'espèce, telle que les autorités fiscales luxembourgeoises l'ont approuvée lorsqu'elles ont émis les DFA en cause. En réalité, le traitement fiscal faisant l'objet de l'appréciation de la Commission consiste en l'autorisation de l'application de l'exonération des revenus de participations aux revenus perçus par LNG Holding et CEF du fait de leur participation, respectivement, dans LNG Supply et dans GSTM, lesquels correspondent, d'un point de vue économique, à des montants déduits à titre de charges (les accrétions sur ZORA) au niveau de ces dernières entités. L'effet combiné de la déductibilité du montant des accrétions sur ZORA et de l'exonération des revenus correspondants est que la quasi-totalité des bénéfices réalisés par LNG Supply et GSTM a, dans les faits, échappé à toute imposition (183). Comme expliqué à la section 6.2.1, ce traitement fiscal déroge au cadre de référence, qui est le système luxembourgeois d'imposition des sociétés. Il constitue en outre une discrimination injustifiée à l'égard des autres entreprises soumises au même cadre de référence au Luxembourg, qui seraient imposées sur la totalité de leurs bénéfices.

(167)

L'article 107 du traité interdit uniquement les aides «favorisant certaines entreprises ou certaines productions», soit, en d'autres termes, les mesures qui confèrent un avantage sélectif (184). Pour pouvoir qualifier une mesure fiscale nationale de sélective au sens de cette disposition, il convient de réaliser une analyse en trois étapes pensée par la Cour de justice. La Commission doit tout d'abord identifier le système de référence. Elle doit ensuite démontrer que la mesure fiscale en cause constitue une dérogation à ce système de référence dans la mesure où elle introduit une différenciation entre des opérateurs se trouvant, au regard de l'objectif poursuivi par ce système, dans une situation factuelle et juridique comparable (sélectivité a priori) (185). Enfin, une mesure fiscale constituant une dérogation à l'application du système de référence peut malgré tout être justifiée si l'État membre concerné parvient à démontrer que cette mesure résulte directement des principes fondateurs ou directeurs de ce système fiscal (186). Si tel est le cas, la mesure fiscale n'est pas sélective. La charge de la preuve dans cette troisième étape incombe à l'État membre.

(168)

L'analyse de l'existence d'un avantage sélectif doit donc commencer par l'identification du système de référence applicable dans l'État membre concerné. C'est au regard de ce système de référence qu'il faut ensuite déterminer si la mesure constitue une dérogation donnant lieu à un traitement favorable par rapport aux autres entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable eu égard aux objectifs du système.

(169)

Un système de référence est composé d'un ensemble cohérent de règles qui s'appliquent sur la base de critères objectifs à toutes les entreprises relevant de son champ d'application tel que défini par son objectif. Ces règles définissent non seulement le champ d'application du système, mais aussi les conditions dans lesquelles le système s'applique, les droits et les obligations des entreprises qui y sont soumises et les aspects techniques du fonctionnement du système (187). Dans le cas d'impôts ou de taxes, le système de référence se fonde sur des éléments tels que la base d'imposition, les assujettis, le fait générateur et les taux d'imposition ou de taxation (188).

(170)

En l'espèce, la Commission établira à la section 6.2.1 que le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause constitue une dérogation au système général luxembourgeois d'imposition des sociétés. Elle démontrera à la section 6.2.2 que ce traitement fiscal s'écarte également d'un système de référence plus étroit, composé exclusivement des règles du système général luxembourgeois d'imposition des sociétés qui régissent l'exonération des revenus de participations et l'imposition des distributions de bénéfices.

6.2.1.   DÉROGATION AU SYSTÈME LUXEMBOURGEOIS D'IMPOSITION DES SOCIÉTÉS DONNANT LIEU À UNE DISCRIMINATION

6.2.1.1.    Cadre de référence: le système luxembourgeois d'imposition des sociétés

(171)

Les DFA en cause ont été émises en faveur de plusieurs sociétés du groupe Engie résidant au Luxembourg afin de déterminer l'impôt sur les sociétés dont elles sont redevables conformément au régime fiscal de droit commun applicable en matière d'imposition des sociétés au Luxembourg. Compte tenu de cet élément, la Commission estime qu'en l'espèce, le système de référence est constitué par ce régime, c'est-à-dire par le système général luxembourgeois d'imposition des sociétés.

(172)

En l'espèce, les dispositions législatives fondamentales (189) indiquent que le système d'imposition des sociétés s'applique à toutes les sociétés résidentes au Luxembourg afin de déterminer l'impôt sur les sociétés dont elles sont redevables.

(173)

L'article 159, alinéa 1er, LIR, prévoit que sont considérées comme des contribuables résidents au Luxembourg et sont passibles de l'impôt sur le revenu des collectivités toutes les sociétés ayant leur siège statutaire ou leur administration centrale sur le territoire du Luxembourg. En vertu de l'article 159, alinéa 2, LIR, les sociétés résidentes fiscales sont assujetties à l'impôt sur l'ensemble de leurs revenus («l'ensemble des revenus du contribuable»). L'article 163 LIR prévoit logiquement que «l'impôt sur le revenu des collectivités frappe le revenu imposable réalisé par le contribuable pendant l'année du calendrier».

(174)

Le bénéfice imposable (ou «revenu imposable») des sociétés assujetties à l'impôt est déterminé sur la base de leur résultat comptable. L'article 18 LIR (190) explique le mode de détermination du bénéfice annuel du contribuable. Aux termes de cette disposition, le bénéfice est constitué par la différence entre l'actif net investi à la fin et l'actif net investi au début de l'exercice, augmentée des prélèvements personnels effectués pendant l'exercice et diminuée des suppléments d'apport effectués pendant l'exercice.

(175)

En conséquence, pour déterminer le bénéfice qui sera soumis à l'imposition, il est d'abord nécessaire de déterminer la façon d'évaluer l'actif net investi de la société à prendre en compte aux fins de l'imposition. À cette fin, l'article 23 LIR (191) explique que l'évaluation des biens de l'actif net investi doit répondre aux règles et aux principes comptables et l'article 40 (192) établit le principe de l'accrochement du bilan fiscal au bilan commercial, selon lequel les valeurs à retenir au bilan fiscal doivent être celles du bilan commercial sauf dans le cas où une règle fiscale spécifique exige l'utilisation d'une valeur différente (193). Cela signifie que, conformément au système général luxembourgeois d'imposition des sociétés, le bénéfice comptable d'une société est inclus dans son revenu imposable, sauf si une disposition spécifique de la loi en dispose autrement.

(176)

En conclusion, le système luxembourgeois d'imposition des sociétés s'applique à toutes les sociétés ayant leur siège statutaire ou leur administration centrale sur le territoire du Luxembourg, et la base de calcul des bénéfices imposables est le bénéfice comptable. L'objectif du système luxembourgeois d'imposition des sociétés est donc l'imposition des bénéfices de toutes les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg, tels que constatés dans leurs comptes.

(177)

Cet élément n'est en principe contesté ni par le Luxembourg ni par Engie (194). D'après le Luxembourg (195), le système de référence est constitué, d'une part, des articles 18, 40 et 23 LIR, qui consacrent la détermination du revenu imposable d'une société, le principe de l'accrochement du bilan commercial au bilan fiscal ainsi que le principe de prudence (196), et d'autre part, de l'article 22 bis LIR. Selon Engie (197), le système de référence correct est celui constitué par les articles 18 à 45 LIR, qui consacrent les principes fondamentaux du droit fiscal luxembourgeois quant à la détermination du revenu imposable d'une société, par exemple le principe de prudence, l'accrochement du bilan fiscal au bilan commercial et la déductibilité des dépenses d'exploitation (198). Engie convient explicitement que l'objectif du système luxembourgeois d'imposition des sociétés consiste à imposer le bénéfice de toutes les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg (199).

(178)

La définition du système général luxembourgeois d'imposition des sociétés comme cadre de référence est conforme à la jurisprudence constante de la Cour de justice, qui a établi que dans le cas de mesures concernant la détermination de l'impôt sur les sociétés dû, le système de référence à prendre en considération est le système d'imposition des sociétés de l'État membre en question qui s'applique à toutes les entreprises, et non les dispositions spécifiques qui sont uniquement applicables à certains contribuables ou à certaines transactions. Dans l'arrêt World Duty Free Group, une affaire portant sur les règles régissant les investissements dans des prises de participations, la Cour a par exemple soutenu la position de la Commission selon laquelle le système de référence était le système espagnol d'imposition des sociétés, et non les règles spécifiques régissant le traitement fiscal de ces investissements (200).

(179)

La Commission estime que la limitation du cadre de référence à des dispositions spécifiques de la loi générale concernant l'impôt sur le revenu qui ciblent certaines transactions ou certaines entreprises signifierait que l'identification du système de référence dans un cas donné dépendrait entièrement de la question de savoir si l'État membre concerné a adopté des règles fiscales spécifiques, plutôt que de s'intéresser à l'objectif du système fiscal. En adoptant des règles spécifiques ne s'appliquant qu'à certaines entreprises ou transactions, l'État membre pourrait ainsi alléguer que le traitement fiscal de ces entreprises ou transactions ne déroge jamais au cadre de référence. Ce procédé reviendrait à préserver les mesures de ce type de l'application de l'article 107 du traité et rendrait ainsi le contrôle des aides d'État inopérant. En d'autres termes, l'acceptation d'un tel procédé impliquerait que la possibilité de qualifier une mesure de dérogation au système de référence dépendrait entièrement de la technique réglementaire employée par l'État membre. Ainsi que la Cour l'a déjà confirmé, ce serait incompatible avec le principe constant selon lequel l'article 107 du traité définit une mesure comme une aide d'État en fonction de ses effets, et donc indépendamment des techniques utilisées (201).

(180)

Le Luxembourg ne conteste pas explicitement que le cadre de référence est le système général d'imposition des sociétés. Il considère toutefois que l'objectif d'imposer les bénéfices réalisés par les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg n'est ni consacré ni reflété dans les dispositions de la loi concernant l'impôt sur le revenu et qu'aucune des dispositions de la loi ne saurait être interprétée de manière à exiger que tout revenu généré par une société résidente au Luxembourg soit imposable en toute circonstance, même contre le texte de la loi (202). Le Luxembourg et Engie invoquent à cet égard le principe de légalité de l'impôt, selon lequel les modalités des impôts doivent être établies par la loi, laquelle loi est d'interprétation stricte, et si une situation déterminée n'est pas expressément régie par la loi (silence du législateur), elle ne saurait être soumise à l'impôt (203).

(181)

La Commission n'est pas d'accord avec cette allégation.

(182)

Premièrement, la Commission ne comprend pas en quoi l'imposition des bénéfices de toutes les sociétés assujetties à l'impôt ne peut pas constituer un objectif d'un système d'imposition des sociétés. La Commission note plus particulièrement que le Luxembourg ne propose aucun autre objectif dans ses observations. Deuxièmement, la Commission note aussi qu'Engie admet que l'objectif du système luxembourgeois d'imposition des sociétés réside dans l'imposition des bénéfices de toutes les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg (204). Troisièmement, comme expliqué aux considérants 172 à 176, la simple lecture des dispositions concernées de la loi suffit à conclure que le système luxembourgeois d'imposition des sociétés a pour objet d'imposer les bénéfices de toutes les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg, tel que déterminés sur la base de leur comptabilité.

(183)

En invoquant le principe de légalité de l'impôt, le Luxembourg et Engie semblent faire référence à l'existence d'une exception, ou d'une lacune, dans le droit luxembourgeois, qui aurait conduit dans la pratique à la non-imposition de la quasi-totalité des bénéfices réalisés par LNG Supply et GSTM au Luxembourg. L'essence de cet argument est que dans ces cas, ces exceptions ou lacunes feraient partie intégrante du système de référence et qu'il ne pourrait donc exister aucune dérogation.

(184)

La Commission réfute cet argument. Étant donné que les structures imaginées par Engie dans les DFA en cause — ainsi que le Luxembourg et Engie l'admettent (205) — sont ouvertes à tous les opérateurs sur le marché, n'importe quelle entreprise pourrait transférer ses activités à une filiale, mettre en place une structure de financement similaire et finir par n'être imposée que sur une part marginale de ses bénéfices, comme Engie l'a été. En d'autres termes, cet argument implique que n'importe quel contribuable luxembourgeois peut choisir d'être imposé sur la totalité de ses bénéfices ou ne faire l'objet de pratiquement aucune imposition. La Commission ne peut accepter cette conclusion. Elle serait contraire non seulement au caractère général de tout système d'imposition, selon lequel le montant des impôts à payer ne peut être déterminé unilatéralement par le contribuable, mais aussi au principe fondamental — commun à tous les États membres — selon lequel les impôts sur le revenu doivent être perçus en fonction de la capacité contributive des contribuables. Elle mettrait de surcroît en péril la capacité de l'État à mobiliser les ressources nécessaires pour financer son budget, rendant par là même son système d'imposition inopérant.

(185)

Dans la pratique, le point de vue défendu par le Luxembourg et Engie rendrait le contrôle des aides d'État inopérant, étant donné que les États membres auraient le droit d'introduire dans leurs systèmes d'imposition — intentionnellement ou non — des exceptions injustifiées au principe général de l'imposition des bénéfices qui pourraient bénéficier à des catégories entières d'entreprises ou de transactions. Étant donné que ces exceptions feraient partie intégrante du cadre de référence, elles ne pourraient jamais constituer des aides d'État.

(186)

Comme argument connexe, le Luxembourg affirme aussi que le cadre de référence doit se définir au travers d'un corpus de règles expressément prévues par le législateur, et non au travers d'un prétendu «principe» ou «objectif» dont l'interprétation risquerait d'aller au-delà des termes clairs et précis de la loi (206).

(187)

La Commission réfute l'idée qu'un système de référence ne puisse pas se définir au travers de ses objectifs, tels que l'imposition des bénéfices de toutes les sociétés assujetties à l'impôt. C'est au contraire la façon habituelle dont la jurisprudence de la Cour de justice définit systématiquement le cadre de référence dans les affaires concernant des aides d'État dans le domaine de l'imposition des sociétés (207). La Commission a en effet l'obligation de définir l'objectif du système pour établir le caractère sélectif d'une mesure, puisque ce n'est qu'au regard de cet objectif qu'elle peut déterminer si les entreprises qui ne peuvent pas bénéficier de l'avantage se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable à celle des bénéficiaires de la mesure en cause (208). En tout état de cause, l'objectif du système luxembourgeois d'imposition des sociétés, qui s'applique à toutes les sociétés assujetties résidentes au Luxembourg, est défini dans la loi, comme expliqué aux considérants 172 à 176, et une fois encore, le Luxembourg n'a désigné aucun autre objectif. Par conséquent, cet argument doit être rejeté.

(188)

Compte tenu de ce qui précède, la Commission conclut que le système de référence applicable est le système luxembourgeois d'imposition des sociétés, dont l'objectif est l'imposition des bénéfices de toutes les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg (209). Le fait qu'il puisse exister certaines exceptions ou certains ajustements dans la manière dont le revenu imposable est déterminé, comme l'allèguent le Luxembourg (210) et Engie (211), ne saurait ébranler cette conclusion. C'est donc au regard de ce système qu'il faut déterminer si le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause constitue une dérogation qui donne lieu à un traitement favorable par rapport aux autres entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l'objectif du système (212).

(189)

On peut considérer que LNG Holding et CEF se trouvent dans une situation juridique et factuelle comparable à celle de toutes les sociétés assujetties à l'impôt sur le revenu des sociétés au Luxembourg eu égard à l'objectif du système général luxembourgeois d'imposition des sociétés, à savoir l'imposition des bénéfices de toutes les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg. Compte tenu de cet objectif, toutes les sociétés assujetties à l'impôt qui sont susceptibles de réaliser des bénéfices se trouvent, par principe, dans une situation factuelle et juridique comparable lorsqu'il s'agit de déterminer l'impôt sur le revenu des sociétés qu'elles doivent payer au Luxembourg.

(190)

Le fait que LNG Holding et CEF — à la différence d'autres contribuables — reçoivent des distributions de bénéfices d'entités dans lesquelles elles détiennent une participation et que ces revenus de participations puissent faire l'objet de l'exonération des revenus de participations prévue à l'article 166 LIR ne signifie pas pour autant que ces deux entités ne sont pas comparables aux contribuables qui ne bénéficient pas de cette exonération au regard de l'objectif du système. L'exonération prévue par cette disposition n'est accordée que pour certains types de revenus lorsque certaines conditions sont remplies. Cependant, la nature des revenus réalisés par la société (distribution de bénéfices concernée par l'article 166 LIR ou autre bénéfice commercial réalisé par la société), de même que le reste des conditions prévues à l'article 166 LIR (213), n'a pas d'incidence sur l'objectif du système, qui est l'imposition des bénéfices de toutes les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg (214). En effet, si le fait de bénéficier d'une exonération particulière dans le cadre de l'imposition des bénéfices des sociétés était suffisant pour rendre une entreprise non comparable à d'autres entreprises ne bénéficiant pas de cette exonération, les exonérations de l'impôt sur les bénéfices de sociétés ne seraient, par définition, jamais considérées comme sélectives.

6.2.1.2.    Dérogation au cadre de référence donnant lieu à une discrimination

(191)

Compte tenu du cadre de référence décrit à la section 6.2.1.1, l'assiette de l'impôt dû par les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg est le même pour toutes ces sociétés, à savoir qu'elle est constituée du montant du bénéfice net tel que constaté dans leurs comptes (215).

(192)

Le traitement fiscal avalisé par les DFA en cause permet l'exonération d'un revenu perçu par LNG Holding et CEF, à savoir le revenu généré par leur participation dans le capital, respectivement, de LNG Supply et de GSTM. Comme le montrent à la fois les DFA en cause et les contrats signés par les parties, et comme l'admet explicitement le Luxembourg (216), il existe un lien direct et évident entre ce revenu et les accrétions sur ZORA déduites du revenu imposable, respectivement de LNG Supply et de GSTM. En réalité, tout bénéfice réalisé par LNG Supply et GSTM excédant la marge LNG et la marge GSTM est déduit de leur revenu imposable sous la forme des accrétions sur ZORA (et échappe donc à l'imposition). Le bénéfice imposable des filiales se limite donc à la marge LNG, dans un cas, et à la marge GSTM, dans l'autre. Le bénéfice non imposé déduit sous la forme des accrétions sur ZORA est ensuite intégré dans les actions LNG et les actions GSTM qui, conformément aux ZORA et aux contrats à terme, sont obtenues à la conversion, respectivement, par LNG Holding et CEF. Cependant, lorsque le bénéfice intégré dans les actions LNG et les actions GSTM est constaté comme revenu réalisé au niveau de LNG Holding et de CEF, il peut bénéficier de l'exonération des revenus de participations (217), et échappe donc aussi à toute imposition au niveau de ces sociétés.

(193)

Il en résulte que la quasi-totalité des bénéfices réalisés par LNG Supply et GSTM ne sont pas imposés respectivement dans les mains de LNG Holding et de CEF. Ces bénéfices sont pourtant réalisés par des sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg et sont enregistrés dans les comptes, tout d'abord de LNG Supply et de GSTM, et ensuite de LNG Holding et de CEF. Par conséquent, en vertu du régime fiscal de droit commun, ils devraient être imposés au Luxembourg. Il en résulte que le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause constitue une dérogation au cadre de référence.

(194)

Le Luxembourg invoque à nouveau le principe de légalité de l'impôt. Il estime que le libellé des dispositions de la loi appliquées dans les DFA en cause est clair et qu'il ne se prête pas à une interprétation selon la ratio legis ni à une interprétation «téléologique». Selon le Luxembourg, étant donné que le texte des dispositions de la loi a été respecté, il ne saurait exister de dérogation et, par conséquent, il n'existe aucun avantage (218).

(195)

Cet argument du Luxembourg signifie essentiellement qu'une mesure ne peut pas constituer un avantage sélectif si elle est conforme au droit national, puisque dans un tel cas, elle ne constituerait pas une dérogation. La Commission estime que cet argument est inopérant. Ainsi que cela a déjà été expliqué, les mesures d'aides d'État sont appréciées en fonction de leurs effets. La qualification d'aide d'une mesure ne peut donc dépendre de sa légalité dans l'ordre juridique interne. Dans le cas contraire, pratiquement aucune mesure prise par un État ne pourrait être qualifiée d'aide d'État (219). À l'inverse, lorsque l'application d'une ou de plusieurs dispositions de droit à un cas spécifique donne naissance à une exception à la règle générale établie dans le système de référence (en l'espèce, l'imposition des bénéfices de toutes les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg), le traitement fiscal en cause doit être considéré comme constituant une dérogation. De plus, si une telle dérogation donne naissance à une discrimination à l'égard d'entreprises se trouvant dans une situation juridique et factuelle comparable au regard de l'objectif du système, la mesure en question doit être considérée comme a priori sélective, que le libellé des dispositions appliquées ait été respecté ou non.

(196)

En conséquence, le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause déroge au système général luxembourgeois d'imposition des sociétés et constitue dès lors un avantage économique en faveur de LNG Holding et de CEF. Le fait que la législation en matière d'impôt sur les sociétés prévoie un certain nombre d'autres dérogations ne remet pas en cause la nature dérogatoire du traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause (220).

(197)

De surcroît, ainsi que cela a été établi à la section 6.2.1.1, LNG Holding et CEF se trouvent dans une situation juridique et factuelle comparable à celle de toutes les sociétés assujetties à l'impôt sur les sociétés au Luxembourg. Par conséquent, le traitement fiscal accordé à LNG Holding et à CEF sur la base des DFA en cause confère un avantage à ces deux sociétés par rapport à toutes les sociétés assujetties à l'impôt se trouvant dans une situation juridique et factuelle comparable au regard de l'objectif poursuivi par l'impôt sur les sociétés au Luxembourg.

(198)

Compte tenu de ce qui précède, la Commission conclut que l'avantage accordé sur la base des DFA en cause est a priori sélectif.

(199)

En tout état de cause, même si seules les entreprises assujetties aux règles relatives à l'exonération des revenus de participations et à l'imposition des distributions de bénéfices étaient considérées comme se trouvant dans une situation juridique et factuelle comparable à celle de LNG Holding et de CEF, la Commission démontrera également à la section 6.2.2 que ces contribuables ne peuvent pas davantage bénéficier de l'avantage fiscal accordé à LNG Holding et à CEF.

6.2.2.   DÉROGATION AUX RÈGLES DU SYSTÈME LUXEMBOURGEOIS D'IMPOSITION DES SOCIÉTÉS RELATIVES À L'EXONÉRATION DES REVENUS DE PARTICIPATIONS ET À L'IMPOSITION DES DISTRIBUTIONS DE BÉNÉFICES

6.2.2.1.    Cadre de référence: règles du système luxembourgeois d'imposition des sociétés relatives à l'exonération des revenus de participations et à l'imposition des distributions de bénéfices

(200)

Engie affirme que les ajustements imposés par le droit fiscal aux bénéfices constatés dans le bilan commercial des contribuables, et en particulier le régime d'exonération des revenus de participations, font partie du cadre de référence (221). Au moyen de cette allégation, Engie s'efforce en pratique de limiter le cadre de référence aux dispositions spécifiques de la loi concernant l'impôt sur le revenu qui régissent l'exonération des revenus de participations et l'imposition des distributions de bénéfices. Dans ce cadre de référence plus étroit, l'identification des entreprises qui se trouvent dans une situation juridique et factuelle comparable à celle de LNG Holding et de CEF se limite nécessairement aux contribuables auxquels ces dispositions s'appliquent. Cependant, comme cela sera démontré dans la présente section, le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause constitue un avantage a priori sélectif également dans ce cadre de référence plus étroit.

(201)

L'article 164, alinéa 1er, LIR prévoit que pour déterminer le revenu imposable d'une société, il est indifférent que le revenu soit distribué ou non aux ayants droit. Cela signifie que le bénéfice distribué par une société ne réduit pas son revenu imposable, c'est-à-dire qu'il ne peut pas être déduit. En conséquence, un bénéfice ne peut être distribué qu'après impôt. Comme expliqué au considérant 87, l'article 164, alinéa 2, LIR s'applique aux distributions de quelque nature qu'elles soient.

(202)

À l'inverse, les bénéficiaires inscrivent les bénéfices distribués dans leurs comptes comme un revenu. Selon le principe de l'accrochement du bilan fiscal au bilan commercial, ce revenu, qui fait partie du bénéfice réalisé par ces sociétés et qui est donc constaté dans leurs comptes, sera en principe inclus dans leur revenu imposable. Il en résulte une double imposition économique, excepté si l'exonération des revenus de participations est appliquée conformément aux dispositions de l'article 166 LIR (222). L'exonération prévue par cette disposition s'applique aux revenus générés par des «participations», terme qui n'est pas défini dans la loi. Toutefois, comme le Luxembourg l'a clarifié, toutes les participations dont les revenus peuvent bénéficier de l'exonération prévue par l'article 166 LIR (y compris les actions) sont également couvertes par l'obligation établie à l'article 164 LIR (exception faite des participations détenues dans des entités étrangères) (223). En conséquence, dans le système luxembourgeois d'imposition des sociétés de droit commun, l'exonération des revenus de participations s'applique au bénéfice après impôt (ce qui signifie qu'elle ne peut être appliquée à des montants déduits du revenu imposable de l'entité distributrice). (224)

(203)

Selon le règlement du 21 décembre 2001, l'exonération des revenus de participations s'applique non seulement aux bénéfices distribués par l'entité distributrice, mais aussi aux plus-values prenant leur source dans des participations admissibles à ce régime (225). Une plus-value s'entend comme le revenu résultant de la différence entre la valeur de réalisation d'une participation (en cas de vente ou d'annulation) et sa valeur d'acquisition. Les plus-values résultant de participations correspondent soit à des bénéfices qui ont déjà été réalisés par la société distributrice mais qui n'ont pas encore été distribués, soit à des bénéfices qui doivent être réalisés dans le futur et qui, par conséquent, n'ont pas été distribués non plus. En vertu des articles 18 LIR et 40 LIR, tous les bénéfices doivent nécessairement être inclus dans le revenu imposable de l'entité distributrice. En outre, étant donné que ces bénéfices n'ont pas été distribués par l'entité distributrice, ces derniers ne peuvent pas, par définition, faire l'objet d'une quelconque déduction. Par voie de conséquence, dans le cas des plus-values également, l'exonération des revenus de participations est applicable à des revenus ne pouvant correspondre à des montants déduits du revenu imposable de l'entité distributrice (comme les accrétions sur ZORA).

(204)

En d'autres termes, dans un cadre de référence plus étroit constitué exclusivement des règles relatives à l'exonération des revenus de participations et à l'imposition des distributions de bénéfices, l'exonération des revenus de participations est applicable aux revenus qui ne correspondent pas à des montants déduits du revenu imposable de l'entité distributrice, et ce que ces revenus soient qualifiés de distributions de bénéfices ou de plus-values.

(205)

LNG Holding et CEF se trouvent dans une situation juridique et factuelle comparable à celle de toutes les sociétés assujetties à l'impôt qui perçoivent des revenus de participations et qui sont dès lors soumises aux règles relatives à l'exonération des revenus de participations et à l'imposition des distributions de bénéfices au Luxembourg. Ces sociétés détiennent le même type d'instruments que LNG Holding et CEF (participations) et les revenus qu'elles perçoivent de ces instruments sont de la même nature que les revenus perçus par LNG Holding et CEF, de sorte qu'elles sont théoriquement admissibles à l'application de l'exonération des revenus de participations.

6.2.2.2.    Dérogation au cadre de référence donnant lieu à une discrimination

(206)

Les DFA en cause permettent à LNG Holding et à CEF (entités résidentes fiscales au Luxembourg) d'appliquer l'exonération des revenus de participations à un revenu qui correspond, d'un point de vue économique, à des montants déduits à titre de charges (accrétions sur ZORA) au niveau, respectivement, de LNG Supply et de GSTM (également résidentes au Luxembourg).

(207)

Les DFA en cause confirment en fait que tout bénéfice réalisé par LNG Supply et GSTM excédant la marge LNG, dans un cas, et la marge GSTM, dans l'autre (et, par conséquent, déduit de leurs revenus imposables respectifs sous la forme d'accrétions sur ZORA) est intégré respectivement dans les actions LNG et les actions GSTM. Conformément aux ZORA et aux contrats à terme, ces actions sont ensuite reçues, au moment de la conversion, par LNG Holding and CEF. Ensuite, lorsque le bénéfice intégré dans les actions LNG et les actions GSTM est constaté comme revenu réalisé au niveau de LNG Holding et de CEF, il peut bénéficier de l'exonération des revenus de participations (226).

(208)

L'existence d'un lien direct et évident entre le revenu bénéficiant de l'exonération des revenus de participations au niveau des sociétés holdings et les montants déduits à titre de charges au niveau des filiales est apparente dans le cas de la conversion partielle du ZORA LNG. Dans ce cas, ainsi que les déclarations fiscales communiquées le montrent, le revenu réalisé par LNG Holding à la suite de la conversion partielle et de l'annulation des actions LNG Supply en 2014 correspond, d'un point de vue économique, aux accrétions sur ZORA déduites par LNG Supply entre 2009 et 2014, que LNG Holding a reçues par l'intermédiaire du ZORA LNG et du contrat à terme LNG (227). Le Luxembourg l'a également confirmé de façon explicite: «La plus-value comptable de 506,2 MUSD réalisée par LNG Holding correspond économiquement à l'accroissement de valeur de LNG Supply entre 2009 et 2014» (228).

(209)

L'application de l'exonération des revenus de participations à un revenu constaté au niveau des sociétés holdings qui correspond, d'un point de vue économique, à des montants déduits à titre de charges au niveau des filiales constitue une dérogation au cadre de référence décrit à la section 6.2.2.1 ci-dessus, selon lequel l'exonération des revenus de participations est applicable à des revenus ne correspondant pas à des montants déduits du revenu imposable de l'entité distributrice. Cette dérogation a pour effet que la quasi-totalité des bénéfices générés par LNG Supply et GSTM ne sont jamais soumis à l'imposition au Luxembourg. Par conséquent, le traitement fiscal avalisé par les DFA en cause améliore la situation financière de LNG Holding et de CEF. En fait, dans le régime fiscal de droit commun décrit à la section 6.2.2.1 ci-dessus, le revenu perçu par ces entités n'aurait pas été déduit (sous la forme d'accrétions sur ZORA) au niveau des filiales. Ce revenu aurait été inférieur, car le bénéfice correspondant aurait été préalablement imposé dans les mains des filiales.

(210)

Le Luxembourg et Engie contestent l'applicabilité de l'article 164, alinéa 2, LIR aux accrétions sur ZORA. En d'autres termes, le Luxembourg et Engie contestent que les accrétions sur ZORA puissent être assimilées à des distributions de bénéfices.

(211)

À cet égard, la Commission rappelle que LNG Holding qualifie explicitement les bénéfices résultant de l'annulation des actions LNG Supply de «dividendes exonérés», c'est-à-dire de distribution de bénéfices, dans ses déclarations fiscales relatives à l'exercice 2014 (229).

(212)

En outre, comme expliqué aux considérants 207 et 208, il existe un lien direct et évident entre le revenu qui peut être exonéré au niveau de LNG Holding et de CEF et les montants déduits par LNG Supply et GSTM à titre de charges (les accrétions sur ZORA). Par conséquent, d'un point de vue économique, le revenu perçu par LNG holding et CEF est équivalent à une distribution de bénéfices (230).

(213)

En tout état de cause, la Commission rappelle que le fait de considérer officiellement les bénéfices exonérés au niveau de LNG Holding et de CEF comme des «distributions de bénéfices» ou comme des «plus-values» n'entre pas en ligne de compte. En réalité, comme expliqué à la section 6.2.2.1, dans un cadre de référence plus étroit constitué exclusivement des règles relatives à l'exonération des revenus de participations et à l'imposition des distributions de bénéfices, l'exonération des revenus de participations est applicable aux revenus qui ne correspondent pas à des montants déduits du revenu imposable de l'entité distributrice, et ce que ces revenus soient qualifiés de distributions de bénéfices ou de plus-values (231).

(214)

En conclusion, le traitement fiscal accordé à LNG Holding et à CEF sur la base des DFA en cause déroge aux règles générales du système luxembourgeois d'imposition des sociétés régissant l'exonération des revenus de participations et l'imposition des distributions de bénéfices.

(215)

Cette dérogation donne en outre lieu à une discrimination à l'égard des autres entreprises qui se trouvent dans une situation juridique et factuelle comparable à celle de LNG Holding et de CEF au regard de l'objectif du système. En fait, les autres sociétés assujetties qui perçoivent des revenus de participations et sont dès lors soumises aux règles relatives à l'exonération des revenus de participations et à l'imposition des distributions de bénéfices au Luxembourg ne bénéficient pas de l'avantage fiscal accordé à LNG Holding et à CEF même si elles se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l'objectif du système. Il est exact que tous ces contribuables pourraient bénéficier de l'exonération prévue à l'article 166 LIR. Cependant, l'exonération des revenus de participations aurait été appliquée à un revenu relativement moins élevé (c'est-à-dire au bénéfice après impôt de l'entité distributrice), comme expliqué au considérant 209.

(216)

Le Luxembourg affirme que l'application de l'article 166 LIR n'exige pas que les revenus de participations soient préalablement imposés, et que les dispositions de l'article 164 LIR ne constituent pas une condition sine qua non à l'application de l'article 166 LIR (232). Dans le même esprit, Engie considère que les conditions d'application de l'article 166 LIR ont toutes été respectées, de sorte qu'il ne saurait être question d'une dérogation (233). Tant le Luxembourg qu'Engie contestent également que l'objectif de l'article 166 LIR consiste à éviter la double imposition et s'appuient sur divers arguments ayant trait, notamment, à la directive (UE) 2015/121 du Conseil (234).

(217)

La Commission doit réfuter cette argumentation.

(218)

Premièrement, le fait qu'il n'y ait aucun lien expressément établi entre l'article 166 LIR et l'article 164, alinéas 1er et 2, LIR est sans importance. Le Luxembourg a explicitement confirmé (235) que toutes les participations dont les revenus peuvent bénéficier de l'exonération au titre de l'article 166 LIR sont également couvertes par l'article 164, alinéas 1er et 2, LIR au niveau de l'entité distributrice (236). Il en résulte que dans le cadre de référence décrit à la section 6.2.2.1, l'exonération des revenus de participations est applicable à des revenus qui ne peuvent pas correspondre à des montants déduits du revenu imposable de l'entité distributrice. Dérogeant à cette règle, les DFA en cause autorisent l'application de l'exonération des revenus de participations, au niveau des sociétés holdings (entités résidentes fiscales au Luxembourg), à un revenu correspondant, d'un point de vue économique, aux montants déduits à titre de charges (les accrétions sur ZORA) au niveau des filiales (également résidentes fiscales au Luxembourg). En conséquence, le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause déroge au système de référence.

(219)

Deuxièmement, même en l'absence de lien explicite entre les deux dispositions, la complémentarité entre l'article 166 LIR et l'article 164, alinéas 1er et 2, LIR est indispensable pour assurer la cohérence logique du système fiscal. Si un même montant pouvait être déduit à titre de charge au niveau de l'entité distributrice et être exonéré comme revenu au niveau du bénéficiaire, ce bénéfice échapperait à toute imposition au Luxembourg. Une telle interprétation permettrait à n'importe quel groupe de sociétés de contourner aisément l'objectif du système luxembourgeois d'imposition des sociétés, qui est d'imposer le bénéfice de toutes les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg, en distribuant à ses actionnaires tous les bénéfices non préalablement imposés des filiales (237). Elle serait en outre en contradiction avec l'objectif consistant à éviter la double ou la triple imposition (238).

(220)

L'article 107 du traité définit les mesures d'aide par rapport à leurs effets économiques sur le marché, et non par rapport à leur légalité dans l'ordre juridique interne, aux techniques législatives employées ou à l'intention du législateur. En conséquence, dans la mesure où l'effet combiné de la déductibilité des accrétions sur ZORA et de l'exonération du revenu correspondant est que la quasi-totalité des bénéfices réalisés par les filiales échappe à toute imposition au niveau des sociétés holdings, donnant ainsi lieu à une discrimination à l'égard des sociétés se trouvant dans une situation juridique et factuelle comparable, la mesure de l'État avalisant un tel traitement fiscal doit être considérée comme conférant un avantage a priori sélectif. Cette conclusion s'impose indépendamment du respect ou non des articles 166 et 164 LIR, de l'existence éventuelle d'un lien explicite entre ces dispositions ou encore de l'objectif de la directive mères-filiales.

(221)

Engie renvoie à l'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire Service public fédéral Finances (239), qui interprète les dispositions de la directive mères-filiales qui étaient en vigueur au moment où les DFA en cause ont été adoptées (240). Selon Engie, la Cour a confirmé dans cet arrêt que la directive mères-filiales, qui est applicable aux situations transfrontalières, n'exige pas que les bénéfices jouissant de l'exonération des revenus de participations soient préalablement imposés. Engie estime qu'en appliquant le même régime d'exonération à des situations internes, le Luxembourg a fait en sorte d'assurer l'égalité de traitement entre les groupes de sociétés ayant des filiales au Luxembourg et les groupes de sociétés ayant des filiales dans d'autres États membres. Étant donné que les deux situations sont identiques dans les faits et que les mêmes dispositions sont applicables dans les deux cas, Engie estime qu'il ne peut être affirmé que l'exonération des revenus de participations s'applique uniquement dans le cas de figure transfrontalier et non dans le cas de figure purement interne.

(222)

À titre liminaire, la Commission précise que la présente décision concerne une situation purement interne, dans laquelle toutes les sociétés impliquées dans les différentes transactions visées par les DFA en cause sont des entités résidentes fiscales au Luxembourg. L'avantage sélectif découle d'une dérogation consistant dans le fait que les bénéfices réalisés par deux filiales du groupe Engie résidentes au Luxembourg n'ont pratiquement pas été imposés au niveau de leurs actionnaires, qui sont également résidents au Luxembourg. Par conséquent, l'enquête de la Commission n'a pas eu pour objet de déterminer si une mesure analogue, appliquée à une situation dans laquelle les entités distributrices ne seraient pas des entités résidentes fiscales au Luxembourg, constituerait également un avantage sélectif.

(223)

La Commission rejette l'argument selon lequel le Luxembourg doit nécessairement appliquer, dans une situation purement interne, le traitement plus favorable qui s'appliquerait à la même transaction réalisée à un niveau transfrontalier. Une discordance peut se produire en raison de différences dans la qualification juridique - et, par conséquent, dans le traitement fiscal - d'un instrument ou d'une transaction transfrontaliers en vertu de dispositions de deux pays ou territoires fiscaux différents, donnant lieu à une absence d'imposition. De telles discordances ne devraient toutefois en principe pas survenir dans une situation purement interne, dans laquelle la logique et la cohérence internes du système ont précisément pour but de prévenir ce type de lacunes. Comme chacun le sait, pour limiter l'évasion fiscale, l'Union, l'OCDE et la communauté fiscale internationale s'efforcent d'atténuer les disparités entre les législations fiscales et d'éliminer les discordances et les lacunes existantes. Prétendre, comme Engie semble le faire, que le Luxembourg devrait appliquer les discordances transfrontalières existantes aussi au niveau interne, même à l'encontre de la logique inhérente au système fiscal, est donc non seulement incohérent sur le plan juridique, mais aussi contraire à ces efforts.

(224)

La jurisprudence de la Cour de justice, et en particulier l'arrêt Service public fédéral Finances, ne dit rien d'autre. Cette affaire porte sur une loi belge qui étendait l'application de la directive mères-filiales aux situations purement internes. La juridiction belge avait saisi la Cour de justice d'une demande de décision préjudicielle sur l'interprétation à donner à cette directive (241). L'arrêt confirme que la directive vise à éliminer les situations de double imposition de bénéfices distribués par les filiales à leurs sociétés mères et à éliminer les désavantages pour la coopération transfrontalière résultant du fait que le traitement fiscal des relations transfrontalières entre sociétés mères et filiales est moins favorable que celui applicable aux relations purement internes (242). Compte tenu de cet objectif, et dans le droit fil de la jurisprudence relative aux libertés fondamentales, la Cour déclare que «les libertés de circulation garanties par le traité s'opposent à ce qu'un État membre traite de manière moins avantageuse les dividendes d'origine étrangère que les dividendes d'origine nationale, à moins que cette différence de traitement ne concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou qu'elle soit justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général» (243). En d'autres termes, cet arrêt applique simplement la jurisprudence constante selon laquelle les libertés fondamentales interdisent aux États membres de traiter des situations internes plus favorablement que des situations transfrontalières comparables. L'inverse n'est toutefois pas vrai: les États membres ne sont pas tenus, comme Engie semble le laisser entendre, d'étendre à des situations purement internes le traitement fiscal plus favorable applicable aux situations transfrontalières, en particulier si ce traitement plus favorable résulte de discordances ou de lacunes entraînant une non-imposition (244).

(225)

L'argument selon lequel l'avantage fiscal accordé à LNG Holding et à CEF sur la base des DFA en cause est d'application générale, étant donné que n'importe quelle autre entreprise pourrait en théorie accéder à un avantage similaire en adoptant la structure mise en œuvre par Engie, est également inopérant. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, la circonstance que le nombre d'entreprises pouvant prétendre au bénéfice d'une mesure nationale soit très significatif, ou que ces entreprises appartiennent à des secteurs d'activité divers, ne saurait suffire à remettre en cause le caractère sélectif de cette mesure (245). Le même principe peut être appliqué dans les cas où l'avantage résulte d'une décision fiscale anticipative appliquant une combinaison de dispositions législatives à une situation déterminée et que cette situation peut être reproduite par d'autres entreprises. La Cour a également établi qu'il ne saurait davantage être exigé, aux fins de l'établissement de la sélectivité d'une telle mesure, que la Commission identifie certaines caractéristiques propres et spécifiques, communes aux entreprises bénéficiaires de l'avantage fiscal, qui permettent de les distinguer de celles qui en sont exclues (246).

(226)

Compte tenu de ce qui précède, la Commission conclut que dans un cadre de référence plus étroit, composé exclusivement des règles du système général luxembourgeois d'imposition des sociétés qui régissent l'exonération des revenus de participations et l'imposition des distributions de bénéfices, l'avantage accordé sur la base des DFA en cause est a priori sélectif, car il favorise LNG Holding et CEF par rapport aux entreprises se trouvant dans une situation juridique et factuelle comparable.

6.2.3.   ABSENCE DE JUSTIFICATION

(227)

Il est de jurisprudence constante que la notion d'aide d'État ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre entreprises et, partant, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature et de l'économie du système, ce qu'il incombe à l'État membre concerné de démontrer (247).

(228)

Une mesure portant exception à l'application du système fiscal général peut être justifiée par la nature ou l'économie du système fiscal si l'État membre concerné peut démontrer que cette mesure résulte directement des principes fondateurs ou directeurs de son système fiscal ou qu'elle est le fruit de mécanismes inhérents au système fiscal lui-même qui sont nécessaires au fonctionnement et à l'efficacité du système (248). À cet égard, une distinction doit être établie entre, d'une part, les objectifs assignés à un régime fiscal particulier et qui lui sont extérieurs et, d'autre part, les mécanismes inhérents au système fiscal lui-même qui sont nécessaires à la réalisation de tels objectifs (249).

(229)

Ni le Luxembourg ni Engie n'ont avancé une quelconque justification possible pour le traitement favorable avalisé par les DFA en cause en faveur de LNG Holding et de CEF. À cet égard, la Commission rappelle que la charge de la preuve pour cette justification incombe aux États membres. En l'absence de toute justification avancée par le Luxembourg, la Commission doit donc conclure que l'avantage fiscal accordé à LNG Holding et à CEF ne peut être justifié par la nature ou l'économie générale du système luxembourgeois d'imposition des sociétés.

(230)

En tout état de cause, la Commission n'a réussi à déceler aucun motif qui permettrait de justifier le traitement préférentiel de LNG Holding et de CEF dont il pourrait être affirmé qu'il résulte directement des principes intrinsèques, fondateurs ou directeurs du système de référence ou qu'il est le fruit de mécanismes inhérents à ce système qui sont nécessaires à son fonctionnement et à son efficacité (250).

(231)

La Commission prend acte du fait que d'après le Conseil d'État luxembourgeois (251), le régime d'exonération des revenus de participations instauré par l'article 166 LIR a notamment pour objectif d'éviter une double ou une triple imposition pour des raisons d'équité fiscale (252). La double imposition désigne des situations dans lesquelles un même bénéfice est imposé deux fois dans le chef du même contribuable (double imposition juridique) ou de deux contribuables différents (double imposition économique). La Commission admet qu'une exonération de l'impôt destinée à éviter une double imposition économique peut être justifiée par la nature et la structure du système fiscal (253). L'application de l'exonération prévue à l'article 166 LIR pour éviter une double ou une triple imposition économique peut donc résulter directement de principes fondateurs ou directeurs du système fiscal.

(232)

L'avantage accordé sur la base des DFA en cause ne réside toutefois pas exclusivement dans l'application de l'exonération des revenus de participations, mais dans son application au niveau des sociétés holdings à un revenu qui correspond, d'un point de vue économique, à des montants déduits à titre de charges (les accrétions sur ZORA) par les filiales, entraînant ainsi une absence d'imposition dans les mains de LNG Holding et de CEF de la quasi-totalité des bénéfices réalisés par LNG Supply et GSTM. Dans ces circonstances, le traitement fiscal accordé à LNG Holding et à CEF sur la base des DFA en cause ne saurait servir l'objectif consistant à éviter une double imposition économique. L'application cumulative de l'exonération et de la déduction est confirmée dans les DFA en cause et l'administration fiscale luxembourgeoise était donc consciente qu'il n'aurait jamais pu se produire une quelconque double imposition économique. En conséquence, le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause n'a aucun lien avec l'objectif consistant à éviter une double ou une triple imposition économique (potentielle ou réelle) ni avec d'autres raisons éventuelles ayant trait à l'équité fiscale. De tels objectifs ne sauraient donc être valablement invoqués pour justifier la différence de traitement résultant des mesures contestées.

(233)

La Commission fait observer à ce sujet que, comme la Cour de justice l'a souligné par le passé, pour que des exonérations fiscales puissent être justifiées par la nature ou l'économie générale du système fiscal de l'État membre concerné, cet État membre doit veiller à ce qu'elles soient conformes au principe de proportionnalité et n'excèdent pas les limites de ce qui est nécessaire, en ce sens que l'objectif légitime poursuivi ne pourrait pas être atteint par des mesures de moindre ampleur (254). En l'espèce, l'application de l'exonération des revenus de participations à un revenu perçu par LNG Holding et CEF qui correspond, d'un point de vue économique, à des montants déduits à titre de charges (les accrétions sur ZORA) par LNG Supply et GSTM ne saurait en aucune manière être considérée comme proportionnée pour éviter une double imposition économique et ne contribue pas non plus au principe d'équité fiscale. C'est plutôt l'inverse: les mesures contestées permettent à LNG Holding et à CEF, ainsi qu'à Engie en tant que groupe, de bénéficier d'une double non-imposition. L'application de l'exonération fiscale excède donc en l'espèce les limites de ce qui est nécessaire et proportionné pour atteindre l'objectif poursuivi.

(234)

À cet égard, selon la Cour de justice, il convient de veiller au respect de l'exigence de cohérence d'un avantage donné non seulement avec les caractéristiques inhérentes au système fiscal en cause, mais aussi en ce qui concerne la mise en œuvre de ce système (255). En l'espèce, l'avantage fiscal accordé sur la base des DFA en cause est incohérent non seulement avec l'un des objectifs de l'exonération des revenus de participations, mais aussi avec la logique du système dans lequel ce régime s'intègre, qui consiste à imposer les bénéfices de toutes les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg (256).

(235)

En conclusion, l'avantage fiscal accordé à LNG Holding et à CEF ne peut être justifié par la nature et la logique du système.

6.2.4.   CONCLUSION EN CE QUI CONCERNE L'AVANTAGE SÉLECTIF AU NIVEAU DE LNG HOLDING ET DE CEF

(236)

Compte tenu de tout ce qui précède, la Commission conclut que l'avantage fiscal accordé à LNG Holding et à CEF sur la base des DFA en cause est de nature sélective.

6.3.   AVANTAGE SÉLECTIF ÉTABLI PAR L'ANALYSE DES EFFETS DU TRAITEMENT FISCAL AU NIVEAU DU GROUPE

(237)

Sans préjudice de la conclusion énoncée au considérant 236, une analyse des effets des DFA en cause au niveau du groupe, et pas seulement au niveau des entités juridiques distinctes, aboutit à la même conclusion: le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause confère un avantage sélectif à Engie.

(238)

Dans ce contexte, Engie soutient que la sélectivité de mesures fiscales ne peut être appréciée qu'au niveau des contribuables individuels et non au niveau d'un groupe et elle renvoie aux décisions de la Commission dans les affaires FIAT (257) et groepsrentebox (258).

(239)

À cet égard, la Commission note que d'après les déclarations fiscales communiquées par le Luxembourg, les entités GSTM, EIL, LNG Supply, LNG Luxembourg et LNG Holding ont formé, à partir de 2015, une unité fiscale avec CEF aux fins de la fiscalité luxembourgeoise et que CEF faisait fonction de société mère de cette unité (259). Conformément au droit fiscal luxembourgeois, ces sociétés n'ont donc pas été traitées, à partir de 2015, comme des entités distinctes, mais ont payé leurs impôts sur une base consolidée, c'est-à-dire comme si elles constituaient un contribuable unique (260). La Commission considère que cette circonstance suffirait à elle seule à justifier une appréciation combinée, à tout le moins à partir de 2015.

(240)

En tout état de cause, même si ces entités ne constituaient pas une unité fiscale, l'argument d'Engie ne saurait être accepté. Ainsi que cela sera à nouveau expliqué à la section 6.6, il ressort de la formulation même de l'article 107 du traité que les règles en matière d'aides d'État analysent les effets économiques des mesures étatiques par rapport à des «entreprises», et non par rapport à des entités juridiques distinctes. La notion d'entreprise doit être comprise comme désignant une unité économique même si cette unité est constituée de plusieurs personnes morales (261). Pour déterminer si plusieurs entités constituent une unité économique, la Cour cherche à savoir s'il existe une participation de contrôle ou des liens organiques, économiques ou fonctionnels (262). En l'espèce, GSTM, EIL, LNG Supply, LNG Luxembourg et LNG Holding sont entièrement contrôlées par CEF, elle-même contrôlée par Engie S.A. Il doit donc être considéré que toutes ces entités font partie d'une entreprise unique.

(241)

De surcroît, l'avantage accordé sur la base des DFA en cause réside dans l'application de l'exonération des revenus de participations, au niveau des sociétés holdings, à un revenu qui, d'un point de vue économique, correspond à des montants déduits à titre de charges (les accrétions sur ZORA) par les filiales. En conséquence, pour déterminer l'existence d'un avantage, il est logique d'examiner aussi les effets combinés des mesures fiscales aux deux niveaux. Le fait que la loi luxembourgeoise concernant l'impôt sur le revenu concerne des entités individuelles ne remet pas en cause cette conclusion. En fait, la Commission note que les demandes de DFA introduites par le conseiller fiscal portent sur le traitement fiscal de toutes les entités juridiques du groupe Engie impliquées dans les transactions et que ces entités sont toutes soumises à l'impôt au Luxembourg.

(242)

Cette circonstance a pour effet que la présente affaire se distingue des affaires groepsrentebox et FIAT. Dans l'affaire groepsrentebox, la Commission a décidé d'apprécier le régime au niveau individuel parce que la mesure en cause s'appliquait aux entités individuelles (263). De même, dans l'affaire FIAT, la mesure (décision fiscale anticipative) se rapportait uniquement au bénéfice imposable d'une entité juridique individuelle, tandis que les partenaires de l'opération résidaient dans un autre État membre. En conséquence, toute réduction des recettes fiscales, qui constituait la base de l'avantage dans cette affaire, se fondait nécessairement sur les résultats de l'entité résidente au Luxembourg et il ne devait pas être tenu compte de la possibilité que l'impact soit neutre au niveau d'autres sociétés du groupe FIAT du fait du traitement dont ils font l'objet dans d'autres États membres (264).

(243)

Au contraire, en l'espèce, l'effet de la mesure (la non-imposition d'une partie des bénéfices réalisés par certaines entités au Luxembourg) résulte de l'application combinée d'une exonération et d'une déduction au niveau de différentes entités du groupe qui sont toutes résidentes au Luxembourg aux fins de l'imposition. Une analyse de l'effet combiné des DFA au niveau du groupe Engie au Luxembourg est donc adéquate pour apprécier pleinement le résultat du traitement fiscal.

(244)

En tout état de cause, la Commission rappelle qu'elle n'est pas liée par sa pratique décisionnelle. Chaque mesure d'aide potentielle doit être appréciée sur la base de ses caractéristiques propres et au regard des critères objectifs énoncés à l'article 107, paragraphe 1, du traité, de sorte que même si l'existence d'une pratique décisionnelle contraire devait être établie, cela ne saurait affecter les conclusions de la présente décision (265).

6.3.1.   SYSTÈME DE RÉFÉRENCE

(245)

Comme établi à la section 6.2.1.1, en l'espèce, le système de référence est le système luxembourgeois d'imposition des sociétés, qui vise à imposer les bénéfices de toutes les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg. Les bénéfices imposables sont calculés sur la base des bénéfices comptables réalisés par le contribuable (principe de l'accrochement du bilan fiscal au bilan commercial). Cet objectif s'applique à toutes les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg.

(246)

Les transactions visées par les DFA en cause sont des transactions intragroupe consistant, premièrement, dans le transfert de certains actifs aux filiales d'Engie assujetties à l'impôt au Luxembourg et, deuxièmement, dans le financement de ces transferts par les sociétés holdings, qui sont également assujetties à l'impôt au Luxembourg (266).

(247)

Considérant que le traitement fiscal de ces transactions intragroupe doit être apprécié au regard du système luxembourgeois d'imposition des sociétés et afin d'établir si le traitement fiscal accordé à Engie sur la base des DFA en cause déroge au système de référence, la Commission limitera son analyse à une comparaison avec d'autres transactions de financement intragroupe du même type et, par conséquent, appréciera les règles du système luxembourgeois d'imposition des sociétés régissant les transactions de financement intragroupe entre les entités d'un groupe résidentes au Luxembourg.

(248)

La Commission établira qu'en vertu du système luxembourgeois d'imposition des sociétés, le versement d'une rémunération dans le cadre d'une transaction de financement (267) entre deux entités d'un groupe assujetties à l'impôt au Luxembourg ne peut donner lieu à une réduction du revenu imposable combiné du groupe au Luxembourg, et ce, quelle que soit la nature des moyens de financement utilisés ou le montant de la rémunération. Dans ce contexte, il faut entendre par «revenu imposable combiné» la somme des revenus imposables de toutes les entités du groupe impliquées dans une transaction de financement intragroupe soumises à l'impôt au Luxembourg.

(249)

En vertu du système luxembourgeois d'imposition des sociétés, les moyens de financement peuvent être classés en deux catégories: d'une part, les instruments de participation, tels que les actions, dont les revenus peuvent être exonérés au titre de l'article 166 LIR (ci-après les «participations») et, d'autre part, d'autres instruments et contrats dont les revenus ne peuvent pas bénéficier cette exonération (ci-après les «instruments ne constituant pas des participations»).

(250)

Dans le cas des instruments ne constituant pas des participations, conformément aux principes comptables tant luxembourgeois qu'internationaux (268), le versement de la rémunération (comme le paiement des intérêts d'un prêt) est inscrit dans la comptabilité de l'emprunteur comme une charge. Le même montant sera comptabilisé à un certain moment comme un revenu par le prêteur.

(251)

Pour ce qui est du traitement fiscal, selon le principe de l'accrochement du bilan fiscal au bilan commercial (269), les revenus comptabilisés par le prêteur sont en principe imposables, tandis que les charges comptabilisées par l'emprunteur sont en principe fiscalement déductibles. Par conséquent, le versement de la rémunération tirée d'un instrument ne constituant pas une participation ne donne pas lieu à une réduction du revenu imposable combiné du groupe au Luxembourg par rapport au revenu imposable combiné antérieur au versement (270).

(252)

Dans le cas des participations, telles que les actions, le versement de la rémunération prend la forme d'une distribution de bénéfices. D'un point de vue comptable, les montants distribués sont comptabilisés par le bénéficiaire (l'entité qui détient la participation) comme un revenu. Toutefois, les sommes distribuées auront, par définition, fait partie des bénéfices de l'entité distributrice, autrement dit, elles n'auront pas été comptabilisées comme une charge (271).

(253)

En ce qui concerne le traitement fiscal, comme expliqué aux considérants 201 et 202, en vertu de l'article 164, alinéas 1er et 2, LIR, l'entité distributrice ne peut déduire les bénéfices distribués de son revenu imposable. En outre, selon le principe de l'accrochement du bilan fiscal au bilan commercial, le bénéficiaire doit aussi inclure les bénéfices distribués dans son revenu imposable. Cela signifie que la distribution des bénéfices entraînera une double imposition économique, à moins qu'elle ne puisse bénéficier de l'exonération des revenus de participations au titre de l'article 166 LIR (272). Par conséquent, la distribution de bénéfices découlant d'une participation n'entraîne pas une réduction du revenu imposable combiné du groupe au Luxembourg par rapport à la situation telle qu'elle était avant la distribution.

(254)

En conclusion, en vertu du système luxembourgeois d'imposition des sociétés, le versement d'une rémunération dans le cadre d'une transaction de financement intragroupe entre entités résidentes fiscales au Luxembourg, que ce soit au moyen d'une participation ou d'un instrument ne constituant pas une participation, ne peut pas donner lieu à une réduction du revenu imposable combiné du groupe au Luxembourg.

(255)

Le Luxembourg soutient que, dans la définition du système de référence, la Commission doit nécessairement faire référence au texte de la loi. À cet égard, il prétend que le principe selon lequel le versement de la rémunération (ou la distribution des bénéfices) liée à une transaction de financement intragroupe entre entités résidentes au Luxembourg ne peut conduire à une réduction du revenu imposable combiné du groupe au Luxembourg n'est pas prévu par la loi.

(256)

La Commission rappelle premièrement que, contrairement à ce qu'affirme le Luxembourg, l'objectif du système fiscal luxembourgeois (l'imposition des bénéfices de toutes les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg) est énoncé dans la loi, comme il est expliqué aux considérants 171 à 176. Le principe selon lequel le versement d'une rémunération liée à une transaction de financement intragroupe entre des entités assujetties à l'impôt au Luxembourg ne peut pas donner lieu à une réduction du revenu imposable combiné du groupe peut être directement déduit de cet objectif. En effet, si le versement d'une rémunération pouvait entraîner une réduction du revenu imposable combiné du groupe au Luxembourg par rapport au revenu imposable antérieur au versement, une partie des bénéfices du prêteur et/ou de l'emprunteur échapperait à l'impôt, étant donné qu'elle ne serait incluse dans aucun revenu imposable. Cette situation serait clairement contraire à l'objectif du système. De plus, une telle possibilité rendrait le système fiscal luxembourgeois intrinsèquement discriminatoire, puisqu'il autoriserait les sociétés faisant partie d'un groupe à exclure une partie de leurs bénéfices de leur revenu imposable, possibilité qui n'est pas offerte aux sociétés indépendantes.

(257)

Deuxièmement, bien que la LIR ne mentionne pas explicitement les transactions de financement ou leur rémunération, elle expose de manière claire et dénuée d'ambiguïté la façon dont le versement de la rémunération devrait être imposé pour chaque catégorie d'instrument financier. La Commission a démontré, aux considérants 249 à 254, sur la base du droit fiscal luxembourgeois, que le versement d'une rémunération liée à une transaction de financement intragroupe entre des entités assujetties à l'impôt au Luxembourg ne peut pas donner lieu à une réduction du revenu imposable combiné.

6.3.2.   COMPARABILITÉ AVEC LES GROUPES D'ENTREPRISES EFFECTUANT DES TRANSACTIONS DE FINANCEMENT INTRAGROUPE ENTRE ENTITÉS RÉSIDENTES AU LUXEMBOURG

(258)

La Commission considère que tous les groupes d'entreprises effectuant des transactions de financement intragroupe entre entités résidentes fiscales au Luxembourg se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable à celle d'Engie, et ce, quelle que soit la nature de l'instrument de financement utilisé. Il a été expliqué à la section 6.3.1 que l'objectif du système fiscal consiste à imposer les bénéfices de toutes les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg.

(259)

Selon ce principe, tous les groupes d'entreprises effectuant des transactions de financement intragroupe entre entités du groupe résidentes au Luxembourg sont nécessairement comparables, étant donné que l'instrument de financement choisi et le montant de la rémunération du financement sont sans rapport avec ce principe (273).

(260)

Le type d'instrument choisi pour le financement pourrait avoir une incidence sur le type de rémunération, sur les dates et les modalités de versement de cette rémunération, ainsi que sur les droits conférés au «prêteur» ou au «porteur» de l'instrument. À titre d'exemple, dans le cas d'actions ordinaires, qui sont des instruments de participation, la rémunération prend la forme d'une distribution de bénéfices, dont le montant et les conditions sont généralement déterminés par les organes de direction de l'entité émettrice desdites actions. En outre, il n'existe aucune obligation de rembourser le montant du financement. Les actions ordinaires peuvent également conférer un droit de vote lors de l'assemblée générale et le droit d'être représenté au sein du conseil d'administration, du conseil de surveillance ou d'autres organes de l'entreprise. En revanche, dans le cas des instruments ne constituant pas des participations, comme les prêts, les conditions et le montant de la rémunération (intérêts) sont fixés par les deux parties dans le contrat, et le prêteur n'a en principe aucun droit de participer à la gestion de l'emprunteur ni de contrôler celui-ci de quelque manière que ce soit. En outre, il existe une obligation contractuelle de rembourser la valeur nominale du prêt.

(261)

La Commission considère qu'aucune de ces différences n'affecte de quelque manière que ce soit le principe fondamental selon lequel, d'après le système luxembourgeois d'imposition des sociétés, la totalité des bénéfices réalisés par les sociétés doit être soumise à l'impôt et, dès lors, le versement de la rémunération pour les transactions de financement intragroupe entre sociétés résidentes au Luxembourg ne peut conduire à une réduction du revenu imposable combiné du groupe au Luxembourg. En vertu de ce principe, le choix d'un instrument de financement plutôt qu'un autre ne rend pas la situation d'une entreprise moins comparable.

(262)

En fait, dans le cas des instruments de participation, tels que les actions, il a déjà été expliqué à la section 6.3.1 que, conformément à l'article 164, alinéas 1er et 2, LIR, les bénéfices distribués devraient être inclus, et donc soumis à l'impôt, à tout le moins dans le revenu imposable de l'entité distributrice. Dans le cas d'instruments ne constituant pas des participations, tels que les prêts, les intérêts versés par l'emprunteur sont déduits de son revenu imposable mais inclus en tant que revenu imposable dans le revenu imposable total du prêteur. Par conséquent, en dépit des différences au niveau des conditions et des modalités de la rémunération et du remboursement du financement, ainsi que des droits et obligations des parties, dans les deux cas, le versement de la rémunération n'entraîne pas une réduction du revenu imposable combiné des sociétés participant à la transaction.

(263)

La Commission considère que les arguments soulevés par le Luxembourg selon lesquels la structure mise en place par Engie apporte plus de flexibilité qu'une transaction directe entre les sociétés holdings et les filiales et permet à Engie de financer les activités acquises tout en limitant le profil de risque des filiales (274) sont inopérants, puisqu'aucune de ces raisons n'a un quelconque rapport avec le principe selon lequel, d'après le système luxembourgeois d'imposition des sociétés, le versement de la rémunération de transactions de financement intragroupe entre sociétés résidentes au Luxembourg ne peut entraîner une réduction du revenu imposable combiné du groupe au Luxembourg.

(264)

Par conséquent, on peut en conclure que tous les groupes d'entreprises effectuant des transactions de financement intragroupe entre sociétés résidentes fiscales au Luxembourg se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable à celle d'Engie. L'intervention des prêteurs dans les structures mises en place par Engie n'altère pas cette conclusion, étant donné que les prêteurs sont aussi résidents au Luxembourg et que l'objectif de ces structures reste de financer le transfert d'actifs, comme l'admettent le Luxembourg et Engie.

6.3.3.   DÉROGATION AU CADRE DE RÉFÉRENCE DONNANT LIEU À UNE DISCRIMINATION

(265)

La Commission considère que le traitement fiscal octroyé sur la base des DFA en cause déroge au traitement fiscal des transactions de financement intragroupe entre entités d'un groupe résidentes au Luxembourg prévu par le système luxembourgeois d'imposition des sociétés.

(266)

D'une part, les accrétions sur ZORA, lorsqu'elles sont positives, sont comptabilisées chaque année comme une charge fiscalement déductible par les filiales. D'autre part, lors de la conversion du ZORA LNG, les actions de LNG Supply — qui incluent les accrétions sur ZORA — sont immédiatement transférées à LNG Holding, conformément au contrat à terme LNG. En conséquence, LNG Holding reçoit la rémunération pour le financement fourni à LNG Supply (que LNG Supply a déduit de son revenu imposable). Cependant, LNG Holding comptabilise les actions de LNG Supply à la valeur nominale du ZORA, c'est-à-dire sans inclure les accrétions sur ZORA converties.

(267)

Par conséquent, les DFA en cause autorisent une situation dans laquelle la rémunération versée par LNG Supply pour le financement qu'elle a reçu, à savoir l'émission d'actions d'un montant égal à celui des accrétions sur ZORA, entraîne une diminution du revenu imposable de LNG Supply (à hauteur des accrétions sur ZORA) qui n'a pas été compensée (et ne sera pas compensée à l'avenir) par une augmentation du revenu imposable de LNG Holding (ou une augmentation effective du revenu imposable de LNG Luxembourg).

(268)

Le raisonnement qui précède doit être transposé mutatis mutandis à GSTM, à EIL et à CEF (275).

(269)

En résumé, les DFA avalisent un traitement fiscal de la rémunération versée par LNG Supply et GSTM pour le financement fourni respectivement par LNG Holding et par CEF qui autorise une réduction du revenu imposable combiné du groupe Engie au Luxembourg.

(270)

Compte tenu des éléments qui précèdent, la Commission estime que le traitement fiscal octroyé à Engie sur la base des DFA en cause déroge au système de référence et constitue, de ce fait, un avantage économique pour le groupe Engie.

(271)

Pour la Cour, l'appréciation de la sélectivité consiste «à rechercher si l'exclusion de certains opérateurs du bénéfice d'un avantage fiscal découlant d'une mesure dérogeant à un régime commun fiscal constitue un traitement discriminatoire à leur égard» (276).

(272)

Ainsi qu'établi à la section 6.3.2, tous les groupes participant à des transactions de financement intragroupe entre sociétés résidentes au Luxembourg se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable à celle d'Engie au regard des objectifs du système. Toutefois, ces groupes n'auraient pas accès à l'avantage octroyé à Engie puisque, comme il a été établi à la section 6.3.1, en vertu du système luxembourgeois d'imposition des sociétés, le versement d'une rémunération dans le cadre d'une transaction de financement entre deux entités résidentes fiscales au Luxembourg ne peut donner lieu à une réduction du revenu imposable combiné du groupe au Luxembourg, et ce quels que soient l'instrument de financement ou le contrat utilisés ou le montant de la rémunération. Les mesures en cause constituent dès lors une discrimination à l'égard de ces opérateurs.

(273)

Par conséquent, l'avantage octroyé à Engie sur la base des DFA en cause est a priori sélectif.

(274)

Le Luxembourg (277) et Engie (278) affirment que les groupes d'entreprises utilisant comme instrument de financement un ZORA direct entre deux entités du groupe résidentes au Luxembourg, c'est-à-dire sans entité intermédiaire et sans contrat à terme prépayé, auraient accès au même avantage que celui octroyé à Engie, à savoir une réduction du revenu imposable combiné du groupe au Luxembourg, et que, dès lors, il n'y aurait aucune dérogation au cadre de référence.

(275)

La Commission tient à rappeler à titre liminaire que, pour établir l'existence d'une sélectivité, il n'est pas nécessaire de démontrer que chaque entreprise se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable est exclue du bénéfice de l'avantage conféré au bénéficiaire de la mesure. Il suffit de démontrer, ainsi que la Commission l'a déjà fait au considérant 271, que «certains opérateurs» qui se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable eu égard à l'objectif du système sont exclus du bénéfice de l'avantage fiscal octroyé au bénéficiaire (279). Par conséquent, même si une catégorie donnée d'entreprises — les groupes d'entreprises utilisant un ZORA direct — pouvait également bénéficier du même traitement fiscal qu'Engie, cette circonstance ne serait pas, à elle seule, suffisante pour conclure que l'avantage octroyé à Engie n'est pas a priori sélectif.

(276)

En tout état de cause, la Commission considère que, contrairement à ce que le Luxembourg et Engie allèguent, un groupe utilisant un ZORA direct entre deux entités résidentes au Luxembourg ne bénéficierait pas du même traitement fiscal qu'Engie.

(277)

Cet état de fait est en réalité confirmé par les déclarations fiscales fournies par le Luxembourg, qui montrent que le traitement fiscal d'un ZORA suit le traitement fiscal de n'importe quel instrument ne constituant pas une participation (280): les filiales ont comptabilisé chaque année les provisions pour les paiements futurs d'accrétions sur ZORA comme des charges fiscalement déductibles (281) et lors de la conversion, LNG Luxembourg a comptabilisé les accrétions sur ZORA comme un revenu imposable (282).

(278)

En d'autres termes, comme dans le cas de tout autre instrument ne constituant pas une participation, le versement de la rémunération liée aux ZORA (à savoir la conversion des accrétions sur ZORA) ne donne pas lieu à une réduction du revenu imposable combiné du groupe au Luxembourg par rapport au revenu imposable antérieur audit versement (283).

(279)

Le Luxembourg soutient (284) qu'en cas de conversion d'un ZORA direct, les bénéfices résultant du versement de la rémunération, à savoir la conversion des accrétions sur ZORA, ne seraient pas imposés au niveau du prêteur si celui-ci choisit d'appliquer le régime spécial prévu par l'article 22 bis LIR. D'après cette disposition, la conversion d'un emprunt en participations au capital de la société ne conduira pas à la réalisation de plus-values et, par conséquent, aucun impôt sur les sociétés ne sera dû au moment de la conversion, tout comme c'est le cas dans les structures mises en place par Engie.

(280)

La Commission rejette cet argument. L'article 22 bis LIR ne conduirait pas à la non-imposition des accrétions sur ZORA converties en actions. Premièrement, parce que l'article 22 bis LIR ne serait pas applicable aux accrétions sur ZORA, et deuxièmement, parce que, même s'il était applicable, il n'aurait pas pour effet d'exonérer d'impôt de manière permanente les accrétions sur ZORA au niveau du bénéficiaire.

(281)

En fait, l'article 22 bis LIR ne serait pas applicable aux accrétions sur ZORA. Cette disposition opère clairement une distinction entre les plus-values résultant de la conversion de l'instrument de financement en actions et la rémunération de cet instrument avant sa conversion, et dispose explicitement que cette dernière ne peut bénéficier de l'exonération au titre de l'article 22 bis LIR: «[e]n cas de conversion d'un emprunt capitalisant convertible, l'intérêt capitalisé se rapportant à la période de l'exercice d'exploitation en cours précédant la conversion est imposable au moment de l'échange» (285). Les termes «emprunt capitalisant convertible» et «intérêt capitalisé» ne sont pas définis dans la loi. Cependant, d'après le Luxembourg, les ZORA sont des emprunts convertibles. De plus, les accrétions sur ZORA ne sont pas payées annuellement mais ne sont cumulées au prix d'émission du ZORA qu'au moment de la conversion afin de déterminer le montant à convertir en actions. Il n'existe aucune différence entre un «intérêt capitalisé» qui serait converti en actions au moment de la conversion d'un emprunt et les accrétions sur ZORA. En conséquence, lors de la conversion, la partie des actions nouvellement émises correspondant aux accrétions sur ZORA est imposable et devrait être incluse dans le revenu imposable du bénéficiaire.

(282)

Par conséquent, en l'espèce, l'exonération au titre de l'article 22 bis LIR ne pourrait en théorie s'appliquer qu'aux actions correspondant au montant nominal du ZORA, mais pas aux actions correspondant aux accrétions sur ZORA, lesquelles devraient être directement incluses dans le revenu imposable du bénéficiaire.

(283)

Par ailleurs, même si l'article 22 bis LIR était applicable aux accrétions sur ZORA, cette circonstance n'entraînerait pas l'exonération permanente de ces revenus. En effet, il ressort clairement du libellé de l'article 22 bis, alinéa 4, LIR que cette disposition permet seulement un «sursis d'imposition» (286). Le fait qu'il ne vise pas à faciliter la non-imposition, comme le Luxembourg et Engie le suggèrent, est explicitement confirmé par l'administration fiscale luxembourgeoise dans sa circulaire du 27 novembre 2002 concernant l'application de cette disposition (ci-après la «circulaire 22 bis») (287). Cette circulaire explique que les plus-values découlant de la conversion sont seulement transférées sur les actifs reçus en échange (en l'occurrence, les actions), mais restent en principe imposables lors de leur réalisation ultérieure (288).

(284)

En conclusion, la Commission a démontré que l'avantage octroyé à Engie sur la base des DFA en cause ne serait pas accessible à d'autres entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable à celle d'Engie au regard de l'objectif du système. Par conséquent, cet avantage doit être considéré comme étant a priori sélectif. Cette conclusion n'est pas altérée par le fait que la structure mise en place par Engie est en principe ouverte à n'importe quel groupe au Luxembourg. Selon une jurisprudence constante, le facteur déterminant pour apprécier la sélectivité est le fait que la mesure déroge au cadre de référence général, donnant ainsi lieu à une discrimination, et c'est ce que la Commission a établi dans la présente section (289).

6.3.4.   ABSENCE DE JUSTIFICATION

(285)

Ni le Luxembourg ni Engie n'ont avancé de justification possible pour le traitement favorable avalisé par les DFA en cause en faveur d'Engie. À cet égard, la Commission rappelle que c'est à l'État membre qu'il incombe d'établir cette justification.

(286)

Dès lors, le Luxembourg n'ayant donné aucune justification, la Commission doit conclure que l'avantage fiscal octroyé à Engie ne peut être justifié par la nature ou l'économie générale de ce système.

(287)

En ce qui concerne les éventuelles justifications que le Luxembourg pourrait hypothétiquement avancer — ce qu'il n'a pas fait — concernant la prévention de la double imposition économique, la Commission renvoie à l'appréciation qu'elle a effectuée à la section 6.2.3.

6.3.5.   CONCLUSION CONCERNANT L'AVANTAGE SÉLECTIF AU NIVEAU DU GROUPE

(288)

Compte tenu des éléments qui précèdent, et sans préjudice des conclusions tirées à la section 6.2.4, la Commission conclut que l'avantage fiscal octroyé à Engie sur la base des DFA en cause est de nature sélective.

6.4.   AVANTAGE SÉLECTIF RÉSULTANT DE LA NON-APPLICATION DES DISPOSITIONS FISCALES LUXEMBOURGEOISES SUR L'ABUS DE DROIT (ARTICLE 6 StAnpG)

(289)

À titre subsidiaire, la Commission considère également que les doutes qu'elle a exprimés au considérant 158 de la décision d'ouverture quant à savoir si, en n'imposant pas le groupe, le Luxembourg dérogeait à ses règles internes sur l'abus de droit dans le domaine fiscal n'ont pas non plus été dissipés.

(290)

Comme établi à la section 6.2.1.1, le système de référence est le système luxembourgeois d'imposition des sociétés, qui vise à imposer les bénéfices de toutes les sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg. Le revenu imposable est calculé sur la base des bénéfices constatés dans les comptes. Cet objectif s'applique à toutes les sociétés assujetties à l'impôt résidentes au Luxembourg.

(291)

Les dispositions fiscales visant à lutter contre l'abus sont constituées de l'ensemble des règles conçues pour éviter que les contribuables ne contournent l'objectif principal du système de référence, à savoir l'imposition des bénéfices des entreprises. Il y a donc lieu de considérer que ces règles font partie intégrante du système de référence, puisqu'elles assurent la cohérence interne de ce système et ont pour but de réaliser ses objectifs fondamentaux.

6.4.1.   CONDITIONS D'APPLICATION DES DISPOSITIONS FISCALES VISANT À LUTTER CONTRE L'ABUS

(292)

L'article 6 StAnpG interdit l'évasion fiscale et l'allégement fiscal par l'utilisation abusive de formes juridiques ou de montages qui sont légaux au regard du droit civil. Selon cette disposition, si la forme ou le montage juridique qui entoure une transaction n'est pas approprié à sa substance, l'impôt doit être évalué en accord avec la substance de la transaction comme si elle avait été conclue sous la forme juridique appropriée (290). Le Luxembourg estime que cette disposition permet à l'administration fiscale d'écarter les constructions juridiques ou opérations mues exclusivement par des fins fiscales, et non motivées par des considérations économiques, sans toutefois limiter le contribuable dans ses choix (291).

(293)

D'après la note de service du 21 août 1989 (ci-après la «note de service de 1989») (292), l'article 6 StAnpG est applicable à toute procédure fiscale, y compris aux DFA émanant de l'administration fiscale luxembourgeoise. Lorsqu'elle émet une telle décision, l'administration fiscale luxembourgeoise doit s'assurer que la structure et/ou les transactions telles que présentées par le contribuable dans la demande de décision fiscale anticipative ne constituent pas un abus de droit au sens de l'article 6 StAnpG. Cela signifie que les autorités fiscales luxembourgeoises ne devraient pas adopter des décisions contraignantes telles que des DFA lorsque la raison principale pour laquelle le contribuable demande une telle décision est l'obtention d'un avantage fiscal (293). La note de service de 1989 confirme également qu'il est impératif que l'administration fiscale luxembourgeoise exclue l'existence d'un abus de droit potentiel avant d'émettre une décision fiscale anticipative (294).

(294)

Selon le Luxembourg, sur la base de la jurisprudence pertinente, quatre critères doivent être remplis pour qu'une mesure constitue un abus de droit: i) l'utilisation de formes et d'institutions du droit privé par le contribuable; ii) le contournement, total ou partiel, de la charge d'impôt, de quelque type que ce soit, que le contribuable aurait normalement subie; iii) l'utilisation d'une voie juridique non appropriée par le contribuable; et iv) l'absence de motifs extra-fiscaux pouvant justifier la voie juridique choisie par le contribuable (295).

(295)

Le premier critère exige que la structure d'une transaction donnée, telle que conçue par le contribuable, utilise des formes ou des institutions du droit privé («Formen und Gestaltungsmöglichkeiten des bürgerlichen Rechts»). Ni l'article 6 StAnpG ni la jurisprudence ne définissent avec précision la substance des formes et institutions du droit privé, mais il est néanmoins entendu que celles-ci devraient être définies comme étant toute voie juridique non liée au droit public. Dès lors, la constitution d'une société et l'exécution de contrats de financement intragroupe doivent être considérées comme l'utilisation par le contribuable d'une forme ou d'une institution du droit privé (296).

(296)

Le deuxième critère exige que la structure abusive permette au contribuable de diminuer sa charge d'impôt («Minderung der Steuerpflicht») par une évasion fiscale, une exonération ou une réduction du revenu imposable (297).

(297)

Le troisième critère exige que le contribuable utilise une voie juridique «non appropriée» («unangemessene rechtliche Gestaltung») dans le cadre de la structure potentiellement abusive. D'après le Luxembourg (298), cela signifie que la voie choisie doit permettre au contribuable d'obtenir un effet fiscal qui ne saurait être conforme à l'intention du législateur (299). Selon le Luxembourg, pour que cette condition soit remplie, il faut que le résultat économique recherché puisse être atteint par au moins deux voies, dont l'une ne serait pas appropriée. L'emploi de la voie non appropriée doit permettre une économie d'impôt qui n'aurait pas été possible en utilisant une des voies appropriées.

(298)

Le quatrième critère est l'absence de motifs extra-fiscaux pouvant justifier la voie juridique choisie par le contribuable pour réaliser les objectifs économiques de la transaction ou de la structure. Selon le Luxembourg (300), la jurisprudence indique que les motifs extra-fiscaux, comme les motifs économiques, doivent être réels et procurer un avantage économique suffisant au contribuable (301). L'existence de tels motifs économiques est suffisante pour écarter l'application des dispositions visant à lutter contre l'abus.

6.4.2.   APPLICATION DES CONDITIONS À L'ESPÈCE

(299)

Sur la base des informations fournies par le Luxembourg, la Commission conclut que l'administration fiscale luxembourgeoise n'aurait pas dû émettre les DFA en cause, étant donné que les structures mises en place par Engie sont abusives au sens de l'article 6 StAnpG.

(300)

En fait, les transactions présentées par Engie dans les demandes de DFA remplissent les conditions décrites à la section 6.4.1 qui sont nécessaires pour appliquer l'article 6 StAnpG.

6.4.2.1.    Utilisation de formes ou d'institutions du droit privé

(301)

Il n'est pas contesté qu'Engie a utilisé des formes ou des institutions du droit privé pour mettre en œuvre les structures décrites dans les DFA en cause: les contrats à terme et des emprunts convertibles tels que les ZORA. Par conséquent, le premier critère pour l'application de l'article 6 StAnpG est rempli.

6.4.2.2.    Réduction de la charge d'impôt

(302)

Il est évident, ainsi qu'établi aux sections 6.2.1, 6.2.2 et 6.3.3, que les DFA en cause permettent à Engie de réduire significativement sa charge d'impôt au niveau du groupe au Luxembourg, étant donné que les bénéfices réalisés par les activités transférées aux filiales (l'activité GNL et l'activité de financement et de gestion de trésorerie) échappent presque totalement à l'impôt. Le deuxième critère permettant de constater un abus de droit est donc aussi rempli.

6.4.2.3.    Utilisation d'une voie juridique non appropriée

(303)

Le troisième critère exige, dans un premier temps, l'établissement de l'objectif économique poursuivi par la transaction en cause. Ce n'est qu'après cette étape qu'il est possible de déterminer si cet objectif peut être atteint par une voie autre que celle choisie par le contribuable. Dans un deuxième temps, il est nécessaire d'établir si la voie choisie par le contribuable est inappropriée, en ce sens qu'elle permet de bénéficier d'une réduction d'impôt qui ne saurait être conforme à l'intention du législateur et qui n'aurait pas été possible en employant une voie appropriée.

(304)

En l'espèce, il est évident, tout d'abord, que le résultat économique recherché par Engie au moyen des structures décrites dans les DFA en cause est le financement de l'acquisition, par les filiales, de l'activité GNL ainsi que de l'activité de financement et de gestion de trésorerie. Il n'est pas non plus contesté que ce même résultat économique pourrait être atteint par plusieurs autres moyens: des instruments de fonds propres ou de prêt entre les filiales et les sociétés holdings (302).

(305)

Ensuite, comme la Commission l'a expliqué aux sections 6.2 et 6.3, les structures mises en place par Engie ont pour effet une non-imposition presque totale des bénéfices réalisés par les filiales au Luxembourg. Ce résultat est incompatible avec l'objectif fondamental du système luxembourgeois d'imposition des sociétés, qui est l'imposition des bénéfices des sociétés assujetties à l'impôt au Luxembourg. Par conséquent, cet effet ne saurait être conforme à l'intention du législateur. De plus, il n'aurait pas été possible si le transfert des activités aux filiales avait été financé par des instruments de fonds propres ou de prêt. Dès lors, les structures mises en place par Engie ne constituent pas une voie juridique appropriée pour financer le transfert d'activités aux filiales.

6.4.2.4.    Absence de motifs extra-fiscaux

(306)

Enfin, la Commission n'a pas été en mesure de déceler le moindre motif économique réel et présentant un avantage économique suffisant pour justifier les structures complexes conçues par Engie, au-delà de la réalisation d'une économie d'impôt considérable.

(307)

Le Luxembourg prétend (303) que les structures mises en œuvre au moyen des contrats à terme et des ZORA seraient nécessaires pour financer l'acquisition des activités par les filiales. Cet argument est incorrect. En réalité, comme les DFA en cause le montrent, le financement est fourni par les sociétés holdings aux prêteurs, lesquels, le même jour, le mettent à la disposition des filiales. Autrement dit, ce sont les sociétés holdings qui fournissent le financement aux filiales pour l'acquisition des actifs.

(308)

La Commission fait remarquer que le contrat de transfert LNG et la proposition de transfert GSTM comprenaient déjà des dispositions relatives au financement du transfert d'activités. Le contrat de transfert LNG précise qu'en échange des actifs reçus, LNG Supply devait émettre en faveur de LNG Trading des billets à ordre d'un montant équivalent au montant nominal du ZORA (304). De même, la proposition de transfert GSTM indique que CEF transfère une branche d'activité en échange d'un billet à ordre de GSTM (305). Ces dispositions montrent que le transfert d'actifs avait déjà été financé par les sociétés holdings au moyen d'instruments de prêt. En d'autres termes, les contrats à terme et les ZORA étaient des structures purement redondantes, remplaçant des transactions de prêt directes existantes entre les sociétés holdings et les filiales (306). Le rôle des prêteurs en tant que simples entités intermédiaires n'ayant pas la possibilité d'engranger le moindre bénéfice confirme que leur intervention n'a d'autre motif économique que de permettre une économie d'impôt.

(309)

Le Luxembourg soutient également que les structures complexes mises en place par Engie apportent plus de flexibilité et lui permettent de financer les activités acquises tout en limitant le profil de risque des filiales. Cet argument est lui aussi incorrect. En fait, le même objectif aurait pu être atteint par l'émission directe d'actions des filiales en faveur des sociétés holdings. Une transaction sur fonds propres directe entre les sociétés holdings et les filiales conférerait aux filiales la même protection que la structure complexe imaginée par Engie. Les structures conçues par Engie peuvent absorber des pertes d'un montant équivalent au montant nominal des ZORA. Si les pertes excèdent le montant nominal des ZORA, le capital des filiales en subirait les conséquences. En cas d'apport en capital d'un montant égal au montant nominal du ZORA, les filiales disposeraient exactement du même coussin de fonds propres, avant que le capital initial ne soit touché par les pertes. En outre, la Commission rejette l'argument selon lequel l'ajout d'un niveau supplémentaire (les prêteurs) et l'utilisation de produits financiers complexes (le ZORA et les contrats à terme) à la place d'apports en capital directs peuvent améliorer la flexibilité. Au contraire, cela pourrait créer des risques opérationnels pour le groupe: le recours à des entités intermédiaires, au lieu d'apporter une flexibilité, crée une charge administrative, comporte un risque d'exécution pour les sociétés holdings et ajoute des coûts de transaction.

(310)

En conclusion, les structures complexes mises en place par Engie pourraient être considérées comme équivalentes, sur le plan économique, à des transactions de financement directes entre les sociétés holdings et les filiales, qu'elles prennent la forme d'instruments de fonds propres ou de prêt. Quelle que soit la forme considérée comme économiquement équivalente aux structures complexes mises en place par Engie, elle aurait conduit à l'imposition des bénéfices sous-jacents. Cela signifie qu'en tout état de cause, il n'existerait pas de motif économique réel et présentant un avantage économique suffisant pour Engie, autre que la réalisation d'une économie d'impôt considérable, pour que celle-ci opte pour les structures complexes mises en place dans les DFA en cause.

(311)

En conséquence, les critères de l'article 6 StAnpG sont remplis et les structures complexes mises en place par Engie auraient dû être considérées comme abusives par l'administration fiscale luxembourgeoise. Selon la note de service de 1989, l'administration fiscale ne devrait émettre une décision fiscale anticipative que lorsque la préoccupation d'obtenir un avantage fiscal n'est pas la raison principale. Par conséquent, en validant les demandes de DFA, l'administration fiscale luxembourgeoise a fait une mauvaise application du droit et a octroyé à Engie un avantage consistant à exclure de toute imposition la quasi-totalité des bénéfices réalisés par deux de ses filiales (LNG Supply et GSTM) au Luxembourg (307).

(312)

Étant donné que l'avantage octroyé à Engie sur la base des DFA en cause repose sur une mauvaise application du droit qui, par définition, n'est accessible à aucune autre entreprise, la Commission conclut, au terme du présent raisonnement, qu'il est de nature sélective.

6.5.   CONCLUSION SUR L'EXISTENCE D'UNE AIDE

(313)

Étant donné que le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause remplit toutes les conditions de l'article 107, paragraphe 1, du traité, il convient de considérer qu'il constitue une aide d'État au sens de cette disposition. Cette aide donne lieu à une réduction des charges qui devraient normalement être supportées par Engie dans le cadre de ses activités et devrait dès lors être considérée comme constituant une aide au fonctionnement octroyée à Engie.

6.6.   BÉNÉFICIAIRE DE L'AIDE

(314)

À la section 6.2, la Commission a conclu que le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause confère à LNG Holding et à CEF un avantage sélectif au sens de l'article 107, paragraphe 1, du traité, étant donné qu'il donne lieu à une diminution des bénéfices imposables de ces entités et donc de l'impôt sur les sociétés qu'elles doivent payer au Luxembourg. LNG Holding et CEF font partie du groupe Engie.

(315)

Les règles relatives à l'exonération des revenus de participations concernent les bénéfices distribués par une société du groupe à une autre. En l'espèce, la décision fiscale anticipative avalise l'exonération de revenus au niveau de LNG Holding et de CEF qui correspondent d'un point de vue économique à des montants déduits à titre de charges au niveau, respectivement, de LNG Supply et de GSTM, ce qui donne lieu à la non-imposition effective de la quasi-totalité des bénéfices réalisés par LNG Supply et GSTM, à l'exception d'une marge limitée. Il en résulte donc une situation de déduction et d'exonération qui, comme indiqué au considérant 243, a une incidence positive sur la charge d'impôt d'Engie au Luxembourg.

(316)

Dans le même ordre d'idées, des entités juridiques distinctes peuvent être considérées comme formant une seule unité économique aux fins de l'application des règles en matière d'aides d'État. Cette unité économique est alors considérée comme l'entreprise en cause bénéficiant de la mesure d'aide. Ainsi que la Cour l'a déjà jugé, «[l]a notion d'entreprise, placée dans un contexte de droit de la concurrence, doit être comprise comme désignant une unité économique […] même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes, physiques ou morales» (308). Pour déterminer si plusieurs entités constituent une unité économique, la Cour cherche à savoir s'il existe une participation de contrôle ou des liens organiques, économiques ou fonctionnels (309). En l'espèce, tant LNG Holding que CEF sont contrôlées à 100 % par Engie S.A., la société mère du groupe Engie.

(317)

Par conséquent, tout traitement fiscal favorable accordé à LNG Holding et à CEF par l'administration fiscale luxembourgeoise profite non seulement à ces entités, mais aussi à Engie dans son ensemble en ce qu'il procure des ressources financières supplémentaires au groupe tout entier. Dès lors, bien que le groupe soit organisé en différentes personnalités morales et que les DFA en cause concernent le traitement fiscal d'entités distinctes, ce groupe doit être considéré comme une unité économique unique bénéficiant de la mesure d'aide contestée (310).

(318)

En outre, la conclusion du considérant 317 est renforcée par les constatations des sections 6.3 et 6.4, dans lesquelles la Commission a établi que le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause confère un avantage sélectif au sens de l'article 107, paragraphe 1, du traité au groupe Engie au Luxembourg, étant donné qu'elles donnent lieu à une réduction du revenu imposable combiné du groupe dans cet État membre.

6.7.   COMPATIBILITÉ DE L'AIDE AVEC LE MARCHÉ INTÉRIEUR

(319)

Une aide d'État est considérée comme compatible avec le marché intérieur si elle relève de l'une des catégories énumérées à l'article 107, paragraphe 2, du traité et peut être considérée comme compatible avec le marché intérieur si la Commission estime qu'elle relève de l'une des catégories énumérées à l'article 107, paragraphe 3, du traité. Toutefois, la charge de la preuve de la compatibilité d'une aide d'État avec le marché intérieur en vertu de l'article 107, paragraphe 2 ou 3, du traité incombe à l'État membre qui octroie l'aide.

(320)

Le Luxembourg n'a invoqué aucun motif permettant de conclure à la compatibilité avec le marché intérieur, en vertu de l'une ou l'autre de ces dispositions, de l'aide d'État qu'il a octroyée sur la base des DFA en cause. Engie n'a pas non plus invoqué un tel motif.

(321)

De plus, comme le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause soulage Engie d'une charge d'impôt qu'elle aurait dû supporter dans le cas contraire, dans le cadre de la gestion courante de ses activités ordinaires, l'aide octroyée sur la base desdites décisions constitue une aide au fonctionnement. En règle générale, une telle aide ne peut normalement pas être considérée comme compatible avec le marché intérieur en vertu de l'article 107, paragraphe 3, du traité, dans la mesure où elle ne facilite pas le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques. Par ailleurs, les avantages fiscaux en cause ne sont pas limités dans le temps ni décroissants et ne sont pas proportionnés à ce qui est nécessaire pour remédier à une défaillance spécifique du marché ou atteindre un objectif d'intérêt général dans les régions concernées. Ils ne pourraient donc pas être considérés comme compatibles avec le marché intérieur.

(322)

Par conséquent, l'aide d'État octroyée au groupe Engie par le Luxembourg n'est pas compatible avec le marché intérieur.

6.8.   ILLÉGALITÉ DE L'AIDE

(323)

En vertu de l'article 108, paragraphe 3, du traité, les États membres sont tenus d'informer la Commission de tout projet tendant à instituer une aide (obligation de notification), et ils ne peuvent pas mettre à exécution les mesures d'aide projetées avant que la Commission n'ait adopté une décision finale sur les aides concernées (obligation de suspension).

(324)

La Commission constate que le Luxembourg ne lui a notifié aucun projet d'octroi de la mesure d'aide contestée, et qu'il n'a pas respecté l'obligation de suspension prévue à l'article 108, paragraphe 3, du traité. En conséquence, en vertu de l'article 1er, point f), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil (311), le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause constitue une aide illégale, mise à exécution en violation de l'article 108, paragraphe 3, du traité.

7.   VICES DE PROCÉDURE ALLÉGUÉS

(325)

Le Luxembourg prétend (312) que la Commission a violé son droit d'être entendu, étant donné que l'objet principal de l'enquête de la Commission aurait prétendument changé depuis l'adoption de la décision d'ouverture, comme le démontre la lettre du 11 décembre 2017. D'après le Luxembourg, la Commission aurait dû soit clore la procédure en cours et ouvrir une nouvelle procédure, soit adopter une décision visant à étendre la décision d'ouverture afin de donner au Luxembourg la possibilité de faire dûment connaître son avis sur le prétendu nouvel objet principal de l'enquête de la Commission.

(326)

En outre, Engie prétend (313) que ses droits de la défense ont été violés en ce qu'elle n'a pas eu la possibilité de présenter ses observations sur l'analyse, faite par la Commission, d'autres DFA luxembourgeoises prises entre 2009 et 2016 qui ont trait à l'existence de ZORA ou de «contrats d'emprunt obligatoirement convertibles» et à leur traitement fiscal et comptable respectif.

(327)

La Commission considère que les droits procéduraux du Luxembourg et d'Engie ont été pleinement respectés en l'espèce.

(328)

La Commission fait remarquer, avant tout, que la portée de son enquête relative à l'existence d'aides d'État est demeurée inchangée entre la décision d'ouverture et l'adoption de la présente décision. Les deux décisions concernent les mêmes DFA en cause, les mêmes bénéficiaires (LNG Holding, CEF et le groupe Engie) et les mêmes préoccupations en matière d'aides d'État (à savoir, si le traitement fiscal accordé à LNG Holding, à CEF et au groupe Engie sur la base desdites décisions est ou non conforme aux règles en matière d'aides d'État prévues à l'article 107, paragraphe 1, du traité).

(329)

Dans la décision d'ouverture, la Commission a exprimé ses doutes initiaux quant à la compatibilité avec les règles en matière d'aides d'État du traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause aux différentes entités du groupe Engie au Luxembourg. La finalité d'une phase d'enquête approfondie faisant suite à une décision d'ouverture est de porter des éléments de fait et de droit supplémentaires à la connaissance de la Commission. Ces éléments peuvent ensuite alimenter les doutes initiaux exprimés par la Commission dans sa décision d'ouverture ou les dissiper. Il s'ensuit qu'à l'issue de cette procédure, l'analyse de la Commission peut avoir évolué, et que la décision finale peut dès lors présenter certaines divergences avec la décision d'ouverture, sans que celles-ci n'affectent la légalité de la décision finale (314).

(330)

En l'espèce, l'analyse de la Commission a évolué à la suite des observations écrites présentées par le Luxembourg et par Engie au sujet des préoccupations en matière d'aides d'État soulevées par la Commission dans sa décision d'ouverture. Par exemple, le Luxembourg a précisé au cours de la procédure administrative (315) qu'à la suite du remboursement partiel du ZORA LNG qui a eu lieu en 2014, LNG Luxembourg n'avait pas fait usage du régime optionnel prévu à l'article 22 bis, alinéa 2, LIR, mais que tout bénéfice imposable généré par la conversion du ZORA se traduisait par une perte correspondante fiscalement déductible sur le contrat à terme LNG. Le texte des contrats à terme a été fourni par le Luxembourg après la décision d'ouverture, le 21 novembre 2016, et le rôle de LNG Luxembourg et d'EIL en tant qu'entités intermédiaires ainsi que le fonctionnement de l'article 22 bis, alinéa 2, ont été expliqués en détail à la Commission par le Luxembourg et par Engie lors de la réunion du 1er juin 2017.

(331)

L'objet de l'enquête de la Commission relative à l'existence d'aides d'État, à savoir le traitement fiscal de différentes entités du groupe Engie au Luxembourg en conséquence des DFA en cause, n'a toutefois jamais changé depuis l'adoption de la décision d'ouverture. Il en va de même pour les principaux doutes de la Commission quant à la conformité des mesures contestées avec les règles en matière d'aides d'État (316). Ce n'est que par pur souci de transparence que les services de la Commission ont envoyé la lettre du 11 décembre 2017 au Luxembourg, lequel l'a transmise à Engie.

(332)

En ce qui concerne Engie, la Commission rappelle qu'en tant que partie intéressée, elle a le droit de présenter des observations uniquement sur la décision d'ouverture, et non sur les informations fournies par le Luxembourg en réaction à la décision d'ouverture. Néanmoins, Engie a cependant eu la possibilité de soumettre ses observations à la Commission à plusieurs reprises, tant par écrit qu'oralement, et elle en a fait usage.

(333)

La Commission considère donc que les droits procéduraux du Luxembourg et d'Engie ont été respectés en l'espèce.

8.   RÉCUPÉRATION

(334)

L'article 16, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 fait obligation à la Commission d'ordonner la récupération des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur. Cette disposition prévoit aussi que l'État membre concerné doit prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide illégale déclarée incompatible. L'article 16, paragraphe 2, du règlement (UE) 2015/1589 dispose que l'aide à récupérer comprend des intérêts qui courent à compter de la date à laquelle l'aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu'à celle de sa récupération effective. Le règlement (CE) no 794/2004 (317) de la Commission expose dans le détail les méthodes à utiliser pour le calcul des intérêts de récupération. Enfin, l'article 16, paragraphe 3, du règlement (UE) 2015/1589 dispose que «la récupération s'effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l'État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l'exécution immédiate et effective de la décision de la Commission».

8.1.   AIDE NOUVELLE

(335)

L'article 1er, point c), du règlement (UE) 2015/1589 dispose qu'il faut entendre par «aide nouvelle» toute aide, c'est-à-dire tout régime d'aides ou toute aide individuelle, qui n'est pas une aide existante, y compris toute modification d'une aide existante.

(336)

Conformément à l'article 17 du règlement (UE) 2015/1589, les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l'aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans. Le délai de prescription commence le jour où l'aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d'aide individuelle ou dans le cadre d'un régime d'aide. Toute mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l'égard de l'aide illégale interrompt le délai de prescription. Chaque interruption fait courir de nouveau le délai. Le délai de prescription est suspendu aussi longtemps que la décision de la Commission fait l'objet d'une procédure devant la Cour de justice. Enfin, toute aide à l'égard de laquelle le délai de prescription a expiré est réputée être une aide existante.

(337)

En l'espèce, les DFA en cause ont été émises par l'administration fiscale luxembourgeoise et l'aide a été octroyée moins de dix ans avant la date à laquelle la Commission a présenté au Luxembourg sa première demande de renseignements au sujet des DFA en cause (le 23 mars 2015) (318). Par conséquent, toute aide octroyée à Engie sur la base des DFA en cause constitue une aide nouvelle.

8.2.   AUCUN PRINCIPE GÉNÉRAL DU DROIT N'EMPÊCHE LA RÉCUPÉRATION

(338)

L'article 16, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 dispose que la Commission n'exige pas la récupération de l'aide si, ce faisant, elle allait à l'encontre d'un principe général du droit de l'Union.

8.2.1.   SÉCURITÉ JURIDIQUE ET CONFIANCE LÉGITIME

8.2.1.1.    Arguments avancés par le Luxembourg et par Engie

(339)

Le Luxembourg et Engie invoquent les principes de sécurité juridique et de confiance légitime pour empêcher la récupération de l'aide illégale et incompatible avec le marché intérieur en s'appuyant sur des arguments similaires.

(340)

En ce qui concerne la sécurité juridique, le Luxembourg soutient que ce principe empêche la récupération en l'espèce en raison de la «complexité de l'analyse de mesures fiscales au regard des règles en matière d'aides d'État» et du fait que la Commission imposerait sa propre interprétation du droit luxembourgeois (319). Le Luxembourg invoque sa bonne foi en ce sens qu'il a appliqué les DFA en cause d'une manière rigoureusement conforme à leur application constante par le pays (320). Il renvoie ensuite (321) à la décision de la Commission du 17 juillet 2013 relative au régime espagnol de leasing fiscal (322) ainsi qu'à ses décisions Holdings 1929 (323) et Centres de coordination belges (324), et soutient que, compte tenu de ces affaires, toute décision négative ne devrait prendre effet que pour l'avenir, à l'expiration d'une période transitoire.

(341)

Engie prétend aussi que la Commission adopte une approche novatrice (325) et impose rétroactivement sa propre interprétation du droit fiscal luxembourgeois, s'écartant de certains principes de ce dernier (le principe de l'accrochement du bilan fiscal au bilan commercial) et faisant preuve d'incohérence par rapport au cadre de référence défini dans la décision de la Commission dans l'affaire Fiat (326). Elle renvoie également à la décision de la Commission relative au régime fiscal applicable aux groupements d'intérêt économique (327), dans laquelle la Commission aurait limité la récupération au motif que sa prétendue mauvaise gestion du dossier avait fait naître une insécurité juridique (328).

(342)

Enfin, le Luxembourg (329) et Engie (330) allèguent que la récupération créerait un risque de répercussions économiques graves ou de troubles graves tant pour le Luxembourg que pour Engie.

(343)

En ce qui concerne le principe de confiance légitime, Engie invoque des arguments et des précédents semblables à ceux invoqués par le Luxembourg en ce qui concerne la sécurité juridique (la bonne foi du Luxembourg lors de l'application des DFA et le renvoi aux décisions Holdings 1929 et Centres de coordination belges) (331). Elle affirme également que l'arrêt Unicredito (332), qui admettrait qu'une entreprise peut opter pour la voie la moins imposée au titre d'une opération, empêche la récupération (333).

8.2.1.2.    Appréciation

(344)

Bien que les principes généraux du droit de l'Union inspirent l'ensemble du cadre juridique de l'Union, la Cour de justice a donné une interprétation très restrictive de ces principes dans le contexte de la récupération. Le principe de sécurité juridique est un principe général du droit de l'Union qui suppose la prévisibilité des règles et de leurs effets juridiques. Selon la jurisprudence, ce principe s'oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l'exercice de ses pouvoirs (334). La Cour a aussi déclaré que ce principe ne peut être invoqué que dans des cas exceptionnels qui traduisent une carence manifeste de la Commission et une violation évidente de son obligation de diligence dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle (335).

(345)

En l'espèce, étant donné que les DFA en cause n'ont jamais été notifiées à la Commission par le Luxembourg ni rendues publiques d'une autre manière, la Commission n'a pu apprendre leur existence que le 25 juin 2015, lorsque le Luxembourg a répondu à sa demande de renseignements du 25 mars 2015. Par conséquent, il n'y a pas eu de retard injustifié ni de violation par la Commission de son obligation de diligence dans l'exercice de ses pouvoirs, susceptibles de justifier l'application de ce principe pour empêcher la récupération.

(346)

Le fait que le Luxembourg estime qu'il a appliqué son propre droit de bonne foi d'une manière qu'il considère correcte et conforme à sa pratique antérieure, ou le fait qu'il n'est pas d'accord avec l'interprétation du système de référence adoptée par la Commission n'est pas pertinent aux fins de son obligation de récupération. Accepter l'argument du Luxembourg aurait pour conséquence inacceptable qu'un État membre qui octroie constamment des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur ne serait obligé d'en récupérer aucune. Cela signifierait aussi que le simple fait qu'une mesure d'aide ait été mise à exécution conformément à l'interprétation que fait l'État membre de son propre droit national pourrait être invoqué pour empêcher la récupération. Pareille conclusion mettrait en péril l'application des règles en matière d'aides d'État dans le cas de toute mesure d'aide ayant été jugée illégale et incompatible avec le marché intérieur, puisque l'obligation de récupération ne peut pas reposer sur l'intention de l'État membre lorsque l'aide a été octroyée, mais sur les distorsions de concurrence créées par ladite aide. De plus, la prétendue «complexité» de l'analyse des mesures fiscales réalisée par la Commission ne constitue pas un argument acceptable en ce qui concerne l'obligation de récupération établie par le règlement (UE) 2015/1589.

(347)

Pour ce qui est de la prétendue «approche nouvelle» sur laquelle la présente décision serait fondée, la Commission rejette cette allégation. L'analyse menée par la Commission est cohérente avec ses décisions antérieures et avec la jurisprudence: l'existence d'un avantage sélectif a été appréciée au regard du régime fiscal de droit commun applicable aux revenus des sociétés au Luxembourg. À cet égard, bien que les États membres jouissent d'une autonomie fiscale dans le domaine de la fiscalité directe, toute mesure fiscale adoptée par un État membre doit être conforme aux règles de l'Union en matière d'aides d'État, qui lient les États membres et priment sur le droit national (336). Le fait que le Luxembourg ou Engie puissent ne pas être d'accord avec l'interprétation de certaines dispositions ou la circonstance que les faits sur lesquels la présente décision repose sont différents de ceux sous-tendant d'autres décisions antérieures ne rend pas l'approche de la Commission «novatrice». En outre, ainsi que cela a déjà été démontré, le cadre de référence défini par la Commission dans la présente décision est totalement cohérent avec ses décisions antérieures, non seulement dans l'affaire Fiat, mais aussi dans l'affaire Amazon et dans la jurisprudence de la Cour (337).

(348)

En ce qui concerne le principe de confiance légitime, il peut être invoqué par tout justiciable dans le chef duquel une institution de l'Union «a fait naître des espérances fondées» (338). D'importantes limitations s'appliquent à l'invocation de ce principe. Premièrement, la Cour a déclaré que nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l'absence «d'assurances précises que lui aurait fournies l'administration» (339). Ces assurances doivent avoir été fournies par les institutions de l'Union (340). Deuxièmement, les États membres ne peuvent pas invoquer ce principe lorsqu'ils n'ont pas notifié la mesure d'aide à la Commission (341). Troisièmement, la prétendue inaction de la Commission est dépourvue de signification lorsqu'une mesure d'aide ne lui a pas été notifiée (342) et, par conséquent, le silence de la Commission ne saurait être interprété comme une autorisation implicite de la mesure susceptible d'engendrer une confiance légitime (343). En l'espèce, le Luxembourg n'a pas notifié les DFA en cause à la Commission et la Commission n'a pas donné au Luxembourg d'assurances précises selon lesquelles les DFA en cause ne constituaient pas une aide. Par conséquent, le Luxembourg ne peut se prévaloir du principe de confiance légitime.

(349)

En ce qui concerne le fait que le Luxembourg et Engie font référence à la pratique décisionnelle antérieure de la Commission dans le contexte tant de la sécurité juridique que de la confiance légitime, la Commission rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas liée par sa pratique décisionnelle (344). De plus, les affaires mentionnées n'appuient pas les arguments du Luxembourg et d'Engie.

(350)

Dans la décision Centres de coordination belges, si la Commission n'a pas ordonné la récupération de l'aide, c'est parce qu'elle n'avait soulevé aucune objection dans une décision antérieure concernant un régime belge présentant des caractéristiques similaires. La Commission a donc considéré que sa décision antérieure relative à la mesure belge conférait une confiance légitime aux bénéficiaires du nouveau régime qu'elle analysait à l'époque. De même, dans sa décision relative au régime fiscal applicable aux groupements d'intérêt économique, la Commission a estimé que deux circonstances exceptionnelles justifiaient la non-récupération de l'aide octroyée: premièrement, la Commission avait accusé un retard dans l'exercice de ses pouvoirs quant à l'examen du régime du fait qu'elle n'avait pas donné suite à plusieurs courriers des autorités françaises et, deuxièmement, les bénéficiaires dudit régime avaient été induits en erreur quant à la régularité de celui-ci en raison d'une décision antérieure de la Commission considérant qu'une mesure similaire ne constituait pas une aide. C'est précisément l'incertitude créée par cette décision antérieure qui justifiait la décision prise par la Commission dans l'affaire relative au régime espagnol de leasing fiscal de ne pas récupérer l'aide octroyée avant la publication de la décision relative au régime fiscal applicable aux groupements d'intérêt économique. Aucune de ces circonstances n'est présente en l'espèce. La Commission n'a pris aucun retard exceptionnel et le Luxembourg et Engie n'ont nullement été induits en erreur par une décision antérieure de la Commission concernant un régime fiscal similaire.

(351)

Le renvoi à l'affaire Holdings 1929 est tout aussi inopérant. Dans cette affaire, la Commission a considéré qu'aucune aide ne serait récupérée compte tenu du caractère d'aide existante du régime, qui avait été adopté en 1929, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur du traité. Elle a ensuite décidé d'accorder une période transitoire pour mettre un terme au régime eu égard à certaines circonstances exceptionnelles caractérisant cette affaire, à savoir la durée exceptionnellement longue de mise en œuvre du régime (76 ans) et le fait qu'une suppression immédiate de la mesure aurait pu avoir des répercussions relativement graves pour l'emploi et la croissance économique au Luxembourg, où 13 000 sociétés holdings exonérées étaient actives dans un pays dont la population active ne dépassait pas 110 000 travailleurs. À nouveau, aucune de ces circonstances exceptionnelles ne caractérise la présente affaire: l'aide octroyée en l'espèce ne peut pas être considérée comme une aide existante et aucune répercussion économique grave pour le Luxembourg ne peut découler de la récupération de l'aide auprès d'Engie. La Commission rejette également les arguments concernant les répercussions économiques graves de la récupération pour Engie. Ainsi que la Cour l'a déjà déclaré, la récupération ne peut être influencée par des circonstances liées à la situation économique du bénéficiaire (345).

(352)

La jurisprudence Unicredito de la Cour n'empêche pas non plus la récupération. Tout ce qui est affirmé dans cet arrêt, c'est qu'au stade de la récupération, les autorités nationales peuvent tenir compte d'un traitement fiscal plus favorable que celui de droit commun qui aurait été accordé au bénéficiaire «en l'absence de l'aide illégale et en vertu de règles internes compatibles avec le droit communautaire» (346). Par conséquent, le fait qu'une entreprise puisse choisir la «voie la moins imposée» au titre d'une opération ou un «traitement fiscal plus favorable que celui de droit commun» n'empêche en rien la récupération lorsque cette voie ou ce traitement constitue précisément la mesure d'aide illégale sur laquelle porte la décision de la Commission.

8.2.2.   LE PRINCIPE DE BONNE ADMINISTRATION

(353)

Engie allègue que la décision d'ouverture n'est pas suffisamment motivée. En particulier, d'après elle, la Commission se contente d'un seul paragraphe pour appliquer une présomption de sélectivité des mesures individuelles aux DFA en cause ou pour invoquer une prétendue dérogation des règles sur l'abus de droit en droit fiscal luxembourgeois. Ce défaut de motivation entraînerait une violation du principe de bonne administration, qui empêcherait également la récupération (347).

(354)

La Commission ne peut admettre qu'il y ait eu violation du principe de bonne administration. Elle n'a appris l'existence des mesures d'aide que le 25 juin 2015, lorsque le Luxembourg a répondu à sa demande de renseignements du 25 mars 2015. Par conséquent, il n'y a pas eu de retards injustifiés dans la procédure.

(355)

En ce qui concerne le défaut de motivation, la Commission rappelle que la décision d'ouverture doit seulement «récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, […] inclure une évaluation provisoire de la mesure étatique en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d'une aide et […] exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun» (348). Compte tenu de la nature provisoire de l'appréciation, la récupération ne peut être empêchée par ce qui est perçu comme un défaut de motivation de la décision d'ouverture. En toute hypothèse, la Commission rappelle que le prétendu défaut de motivation de la présomption de sélectivité des mesures individuelles est un argument inopérant, puisque la Commission ne fonde pas la présente décision sur cette présomption.

8.2.3.   LE PRINCIPE D'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT

(356)

Enfin, Engie invoque une violation du principe d'égalité de traitement, affirmant qu'une décision de récupération n'aurait des conséquences que pour Engie et ne toucherait pas les autres contribuables qui ont bénéficié du même traitement fiscal (349). Or la Cour a déjà considéré que la circonstance que d'autres entreprises bénéficient d'aides d'État, fussent-elles des concurrentes, est sans incidence sur la qualification d'une mesure particulière d'aide d'État (350). Étant donné que la récupération est la conséquence logique de l'existence d'une aide illégale, ce raisonnement doit à plus forte raison s'appliquer à la restitution de l'aide d'État illégale.

(357)

En conclusion, aucun principe général du droit n'empêche la récupération en l'espèce.

8.3.   MÉTHODE DE RÉCUPÉRATION

(358)

L'obligation pour l'État membre de supprimer une aide illégale considérée par la Commission comme incompatible avec le marché intérieur vise à rétablir la situation de concurrence préexistante sur le marché. La Cour de justice a déclaré à ce sujet que cet objectif est atteint dès lors que le bénéficiaire a remboursé les montants octroyés au moyen d'aides illégales, perdant ainsi l'avantage dont il a bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents, et que la situation antérieure au versement de l'aide est rétablie.

(359)

Aucune disposition du droit de l'Union n'exige que la Commission, lorsqu'elle ordonne la récupération d'une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, fixe le montant exact de l'aide à récupérer (351). Il suffit au contraire que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer ce montant sans difficulté (352). Le droit de l'Union exige simplement que la récupération de l'aide illégale rétablisse la situation antérieure et que la restitution soit effectuée selon les modalités prévues par le droit national (353). La Commission peut ainsi se limiter à constater l'obligation de restitution de l'aide en question et laisser aux autorités nationales le soin de calculer le montant précis de l'aide à restituer (354).

(360)

Dans le cas d'une aide d'État illégale prenant la forme d'une mesure fiscale, le montant à récupérer doit être calculé sur la base d'une comparaison entre l'impôt effectivement payé et le montant qui aurait dû être payé en l'absence des DFA en cause. La différence entre les deux valeurs représente l'aide octroyée au bénéficiaire, qui doit être entièrement récupérée.

(361)

Comme expliqué à la section 6, l'aide octroyée sur la base des DFA en cause consiste, essentiellement, en l'application de l'exonération des revenus de participations au niveau de LNG Holding et de CEF à des revenus qui correspondent d'un point de vue économique à des montants déduits à titre de charges au niveau, respectivement, de LNG Supply et de GSTM (355). Cette application combinée de l'exonération et de la déduction aux mêmes montants a eu pour effet que pratiquement tous les bénéfices réalisés par LNG Supply et GSTM ont échappé à l'imposition. Par conséquent, l'avantage se matérialise effectivement au moment où l'exonération des revenus de participations est appliquée, au niveau de LNG Holding et de CEF, aux revenus correspondant aux accrétions sur ZORA qui ont été auparavant déduites au niveau, respectivement, de LNG Supply et de GSTM. À cet égard, la Commission fait remarquer qu'au 31 décembre 2016 (356), le ZORA GSTM n'avait pas encore été converti en actions GSTM, ce qui signifie qu'en ce qui concerne cette transaction, l'exonération des revenus de participations n'avait pas encore été appliquée. Par conséquent, l'aide accordée sur la base des DFA GSTM ne s'est pas encore matérialisée, et partant il n'y a aucun montant à récupérer (sauf si le ZORA GSTM a été converti en actions GSTM, que ces actions ont été annulés ou vendus et que l'exonération des revenus de participations a été appliqué aux revenus correspondants entre le 31 décembre 2016 et la date de la présente décision).

(362)

En revanche, le ZORA LNG a été partiellement converti en 2014 et les actions de LNG Supply que LNG Holding a reçues lors de la conversion ont été annulées la même année, ce qui a généré un revenu de 506,2 millions d'USD pour LNG Holding. Ce revenu n'a pas été imposé du fait de l'application de l'exonération des revenus de participations. Ce montant correspond aux charges déduites, en tant qu'accrétions sur ZORA, au niveau de LNG Supply.

(363)

Compte tenu des éléments qui précèdent, le montant à récupérer devrait être déterminé: premièrement, en tenant compte de tout revenu mentionné dans les déclarations fiscales de LNG Holding correspondant aux accrétions sur ZORA converties qui ont auparavant été déduites au niveau de LNG Supply (357); et, deuxièmement, en appliquant au montant ainsi obtenu le régime fiscal de droit commun applicable aux bénéfices des sociétés au Luxembourg, y compris l'impôt normal sur les sociétés, l'impôt communal, les surtaxes et l'impôt sur la fortune. La somme ainsi calculée constitue le montant d'aide à récupérer pour éliminer l'avantage sélectif octroyé par le Luxembourg sur la base des DFA en cause. La Commission prend note du fait que, jusqu'à l'exercice fiscal 2016 inclus, le montant des revenus mentionnés dans les déclarations fiscales de LNG Holding correspondant aux accrétions sur ZORA converties qui ont été déduites au niveau de LNG Supply s'élevait à 506,2 millions d'USD, octroyés au cours de l'exercice fiscal 2014 (358).

(364)

La méthode décrite au considérant 363 devrait s'appliquer à CEF dans le cas où un montant d'aide se serait matérialisé du fait de la conversion (totale ou partielle) du ZORA GSTM en actions GSTM, par l'annulation ou la vente de celles-ci, et par l'application subséquente de l'exonération des revenus de participations dans les déclarations fiscales de CEF à la date d'adoption de la présente décision. Il en va de même pour toute aide supplémentaire accordée à LNG Holding à la date d'adoption de la présente décision par suite de conversions ultérieures éventuelles du ZORA LNG, de l'annulation ou de la vente des actions correspondantes de LNG Supply, et de l'application de l'exonération des revenus de participations dans les déclarations fiscales de LNG Holding.

8.4.   ENTITÉ AUPRÈS DE LAQUELLE L'AIDE DOIT ÊTRE RÉCUPÉRÉE

(365)

Eu égard aux observations exposées aux sections 6.6 et 8.3, la Commission considère que le Luxembourg devrait d'abord récupérer l'aide illégale et incompatible qui s'est déjà matérialisée auprès de LNG Holding (359). Si LNG Holding n'était pas en mesure de restituer le montant intégral de l'aide obtenue au moyen des DFA en cause, le Luxembourg devrait récupérer tout montant restant dû auprès d'Engie S.A., et/ou de l'un de ses successeurs, ou des sociétés du groupe, étant donné que c'est cette entité qui contrôle le groupe Engie, lequel est l'unité économique unique qui bénéfice de l'aide. Ainsi, l'avantage indu octroyé sur la base des DFA en cause est éliminé, et la situation qui prévalait antérieurement sur le marché est rétablie grâce à la récupération.

9.   CONTRÔLE DE L'APPLICATION DE LA DÉCISION

(366)

Comme expliqué à la section 6.2, c'est l'application de l'exonération des revenus de participations au niveau de LNG Holding et de CEF à des revenus correspondant d'un point de vue économique à des montants déduits à titre de charges au niveau de LNG Supply et de GSTM (les accrétions sur ZORA) qui génère un avantage indu et qui constitue matériellement l'aide octroyée par le Luxembourg sur la base des DFA en cause. La Commission ne met pas en cause, en tant que telle, la légalité, en vertu du droit fiscal luxembourgeois, de l'ensemble de la structure mise en place par Engie pour le transfert des deux activités. Elle conteste simplement les effets concrets de cette structure sur l'impôt total dû par le groupe Engie, à savoir le fait que la quasi-totalité des bénéfices réalisés par LNG Supply et par GSTM au Luxembourg ne sont en réalité pas imposés. En particulier, la Commission exige notamment que le Luxembourg n'applique pas l'exonération des revenus de participations au niveau des sociétés holdings à tout revenu correspondant à des montants précédemment déduits du revenu imposable des filiales.

(367)

Étant donné que les contrats ZORA doivent expirer en 2024 et en 2026 (360), une grande partie de l'avantage conféré à Engie par les DFA en cause se concrétisera effectivement à l'avenir, en fonction des choix d'Engie concernant le moment de la conversion des ZORA en actions de LNG Supply et de GSTM, et de l'annulation ou de la vente subséquente de celles-ci. C'est pourquoi la Commission considère qu'outre l'obligation de récupérer l'aide qui s'est déjà matérialisée comme décrit à la section 8, le Luxembourg ne doit pas accepter l'application de l'exonération des revenus de participations, au niveau de LNG Holding et de CEF, aux revenus correspondant aux accrétions sur ZORA déjà déduites respectivement par LNG Supply et GSTM, que ce soit à la date d'expiration des contrats ZORA en 2024 et en 2026, plus tôt, ou même après 2026 (361).

(368)

Étant donné qu'une grande partie de l'aide octroyée à Engie ne s'est pas encore matérialisée, et afin de vérifier que cela ne se produise pas à l'avenir, il sera nécessaire que le Luxembourg transmette notamment à la Commission les déclarations fiscales, les comptes sociaux et les avis d'imposition définitifs des entités suivantes du groupe Engie: Engie LNG Supply, S.A., Engie Treasury Management S.à.r.l., Engie LNG Holding S.à.r.l., Engie Invest International S.A. (y compris les déclarations fiscales et les avis d'imposition dans le cadre du régime d'intégration fiscale) (362), Engie LNG (Luxembourg) S.à.r.l. et Electrabel Invest Luxembourg S.A. La Commission devra aussi recevoir toute nouvelle décision fiscale anticipative, adoptée par le Luxembourg en faveur des entités énumérées ci-dessus ou de toute autre entité du groupe Engie, concernant le traitement fiscal des structures mises en place par Engie dans les DFA en cause. Ces informations sont nécessaires pour assurer la mise en œuvre continue de la présente décision au fil du temps. En effet, la Commission vérifiera notamment, pour chaque exercice, qu'aucune exonération des revenus de participations n'est appliquée, au niveau d'Engie LNG Holding S.à.r.l. et d'Engie Invest International S.A, aux revenus correspondant aux accrétions sur ZORA déduites au niveau, respectivement, d'Engie LNG Supply, S.A. et d'Engie Treasury Management S.à.r.l. Cette obligation de contrôle s'applique, que l'opération projetée décrite au considérant 22 soit ou non menée à son terme, c'est-à-dire que la société mère d'Engie LNG Supply, S.A. appartienne au groupe Engie ou au groupe Total. De plus, si Engie décide de revoir les structures mises en place dans les DFA en cause, le Luxembourg doit informer la Commission des modifications correspondantes et de leur effet sur l'impôt total dû par le groupe Engie au Luxembourg. Les obligations mentionnées dans le présent considérant restent d'application tant que les actions de LNG Supply et de GSTM ne sont pas entièrement converties puis annulées ou vendues.

10.   CONCLUSION

(369)

En conclusion, la Commission constate que le Luxembourg a, en violation de l'article 107, paragraphe 1, et de l'article 108, paragraphe 3, du traité, octroyé illégalement à Engie une aide d'État sur la base des DFA en cause. Le Luxembourg est tenu de récupérer cette aide d'État en vertu de l'article 16 du règlement (UE) 2015/1589 auprès de LNG Holding ou, si cette dernière ne restitue pas l'intégralité du montant de l'aide, auprès d'Engie S.A. ou de l'un de ses successeurs ou des sociétés du groupe pour le montant restant de l'aide. Le Luxembourg doit également veiller à ce qu'aucune aide supplémentaire ne soit accordée à l'avenir à Engie ou à l'une des sociétés de son groupe en conséquence du traitement fiscal exposé dans les DFA en cause. Par conséquent, la Commission,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L'aide d'État octroyée en faveur d'Engie S.A. et de toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par Engie S.A. sur la base de la décision fiscale anticipative émise par l'administration fiscale luxembourgeoise le 9 septembre 2008, telle que modifiée et complétée par les décisions fiscales anticipatives du 30 septembre 2008, du 3 mars 2009, du 9 mars 2012 et du 13 mars 2014, ainsi que sur la base de la décision fiscale anticipative émise par l'administration fiscale luxembourgeoise le 9 février 2010, complétée par la décision fiscale anticipative du 15 juin 2012, mise à exécution illégalement par le Luxembourg en violation de l'article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, est incompatible avec le marché intérieur.

Article 2

1.   Le Luxembourg récupère l'aide incompatible et illégale mentionnée à l'article 1er auprès d'Engie LNG Holding S.à.r.l.

2.   Toute somme ne pouvant être récupérée auprès d'Engie LNG Holding S.à.r.l. à la suite de la récupération mentionnée au paragraphe 1 est récupérée auprès d'Engie S.A. et/ou de l'un de ses successeurs ou de l'une des sociétés du groupe.

3.   Les sommes à récupérer produisent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu'à leur récupération effective.

4.   Les intérêts sont calculés sur une base composée conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004.

5.   Le Luxembourg cesse d'accorder la mesure d'aide mentionnée à l'article 1er à partir de la date d'adoption de la présente décision.

Article 3

1.   La récupération de l'aide octroyée en vertu des mesures mentionnées à l'article 1er est immédiate et effective.

2.   Le Luxembourg veille à ce que la présente décision soit mise en œuvre dans un délai de quatre mois suivant la date de sa notification.

Article 4

1.   Dans un délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, le Luxembourg fournit les informations relatives à la méthode utilisée pour calculer le montant exact de l'aide.

2.   Le Luxembourg tient la Commission informée de l'état d'avancement des mesures nationales prises afin de mettre en œuvre la présente décision jusqu'à la récupération intégrale de l'aide octroyée en vertu des mesures mentionnées à l'article 1er. Il communique immédiatement, sur simple demande de la Commission, les informations sur les mesures déjà prises et les mesures prévues pour se conformer à la présente décision.

Article 5

Le Grand-Duché de Luxembourg est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 20.6.2018

Par la Commission

Margrethe VESTAGER

Membre de la Commission


(1)  JO C 36 du 3.2.2017, p. 13.

(2)  Cette lettre a été envoyée sous la référence SA.37267 (2013/CP) — Pratiques en matière de ruling fiscal — Luxembourg.

(3)  En 2015, le groupe GDF Suez a été renommé Engie; voir site web d'Engie (https://www.engie.com/groupe/histoire-groupe-engie/).

(4)  Renommée LNG Supply S.A. en 2015 Engie. «LNG» est l'acronyme de «liquefied natural gas» (gaz naturel liquéfié).

(5)  Renommée Engie Treasury Management S.à.r.l. en 2015.

(6)  Bien que la signification précise de l'acronyme ZORA ne figure pas dans le dossier et qu'elle n'ait pas non plus été clarifiée par le Luxembourg, la Commission suppose qu'il correspond à «Zéro-intérêts Obligation Remboursable en Actions».

(7)  Décision de la Commission du 19 septembre 2016 dans l'affaire SA.44888 (2016/NN) (ex 2016/EO), «Possible aide d'État en faveur de GDF Suez» (JO C 36 du 3.2.2017, p. 13).

(8)  Voir note de bas de page 1.

(9)  Voir site web d'Engie (http://www.engie.com/groupe/histoire-groupe-engie/).

(10)  Voir site web d'Engie (http://www.engie.com/journalistes/communiques-de-presse/gdf-suez-devient-engie/).

(11)  En 2014, elle exploitait près de 650 centrales dans le monde (Engie, Chiffres clés, https://library.engie.com/uid_3b0d9abd-abf7-404d-913f-0c30f10eb8d0#app=3d20&9557-source=xmlConfs/init.xml&l=fr&p=0&v=Version1).

(12)  Au 31 décembre 2016 (http://www.engie.com/wp-content/uploads/2017/03/chifres-cles-2016-v1_va.jpg).

(13)  Engie, Chiffres clés (http://www.engie.com/wp-content/uploads/2017/03/chifres-cles-2016-v1_va.jpg).

(14)  Engie, Résultats annuels 2016, Annexes FY 2016 (https://www.engie.com/investisseurs/resultats-3/resultats-2016/). 3,8 milliards d'EUR ont été générés en Amérique latine, 4,7 milliards d'EUR en Amérique du Nord, 5,5 milliards d'EUR en Asie, au Moyen-Orient et en Océanie, et 0,3 milliard d'EUR en Afrique.

(15)  Ibid. 15,1 % en Amérique latine, 5,9 % en Amérique du Nord et 11,6 % dans le reste du monde.

(16)  Renommée Engie Invest International S.A. en 2015.

(17)  Voir comptes sociaux non audités de CEF au 31 décembre 2014.

(18)  Voir https://www.engie.com/wp-content/uploads/2015/06/gsii-co.pdf.

(19)  Voir demande de décision fiscale anticipative du 15 juin 2012, page 2.

(20)  Renommée Engie LNG Holding S.à.r.l. en 2015.

(21)  Voir comptes sociaux de LNG Holding au 31 décembre 2013.

(22)  D'après la demande de décision fiscale anticipative du 9 septembre 2008, les principaux actifs à l'époque étaient les suivants: un accord de capacité pour le terminal de GNL et un accord swap concernant ce terminal, un contrat d'achat et de vente de GNL avec Yémen LNG LLC, divers contrats d'affrètement et contrats de stockage à long terme. La liste complète des actifs transférés est reprise à l'annexe 1 de l'accord de transfert d'activité du 30 octobre 2009 entre GDF Suez LNG Trading S.A et LNG Supply.

(23)  Le 11 avril 2018, la Commission a décidé, en vertu de l'article 6, paragraphe 1, point b), du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises («le règlement CE sur les concentrations») (JO L 24 du 29.1.2004, p. 1) de ne pas s'opposer à l'acquisition par Total S.A. du contrôle exclusif de certaines parties de l'activité GNL d'Engie, dont LNG Supply.

(24)  Moins de 1 % du bénéfice effectivement réalisé par la filiale sur ses activités commerciales.

(25)  Dans le cas où la filiale enregistre des pertes pendant la durée de vie du ZORA, les accrétions sur ZORA seront négatives et réduiront le montant nominal du ZORA.

(26)  Par exemple, si elle annule les actions qu'elle a reçues au titre du contrat à terme.

(27)  Bien que les DFA en cause aient prévu que l'entité intermédiaire ne serait pas imposée en application d'une disposition particulière du droit fiscal luxembourgeois (article 22 bis), qui permet de différer l'imposition de plus-values résultant de la conversion d'emprunts en participations, le Luxembourg a ensuite indiqué que, lors de la seule conversion ayant eu lieu à la date de la présente décision, les sociétés n'avaient pas fait usage de cette disposition. En tout état de cause, indépendamment de l'application de cette disposition particulière, l'entité intermédiaire ne réalisera aucun bénéfice lors de la conversion.

(28)  En réalité, la filiale n'est imposée que sur moins de 1 % du bénéfice effectivement réalisé sur ses activités commerciales.

(29)  Voir considérant 22.

(30)  Voir considérant 20.

(31)  Voir demande de DFA LNG de 2008, section 1.

(32)  La gestion effective de LNG Trading a été transférée vers les Pays-Bas (voir demande de décision fiscale anticipative du 30 septembre 2008). La société a ensuite été liquidée le 1er octobre 2012 [voir lettre envoyée par le Luxembourg le 25 juin 2015 sous la référence SA 37.267 (2013/CP) — Pratiques en matière de ruling fiscal — Luxembourg].

(33)  Ces changements apportés à la structuration du transfert d'actifs n'ont toutefois pas d'incidence sur le traitement fiscal des différentes sociétés.

(34)  Qui intervient, au plus tard, à l'échéance du ZORA, voir considérant 34(2).

(35)  Dans le détail, la structure a été mise en œuvre comme suit: l'activité GNL a été acquise par LNG Supply en contrepartie de deux créances, l'une de [7-12] millions d'USD, et l'autre représentant la juste valeur de marché de l'activité GNL déduction faite de [7-12] millions d'USD. La seconde créance a été cédée par LNG Trading à LNG Holding, qui, à son tour, l'a cédée à LNG Luxembourg en contrepartie du contrat à terme LNG. LNG Luxembourg a cédé la créance à LNG Supply en contrepartie du ZORA LNG (voir demande de décision fiscale anticipative de 2009, section 1).

(36)  Soumis par le Luxembourg le 16 juin 2017.

(37)  Voir contrat de transfert LNG, clause 2.1.

(38)  Voir contrat de transfert LNG, clauses 2.1, 3, et 4.3.

(39)  Soumis par le Luxembourg le 21 novembre 2016.

(40)  Voir contrat ZORA LNG, clause 2.

(41)  Voir contrat ZORA LNG, clause 5.

(42)  Voir contrat ZORA LNG, clause 4.

(43)  Voir contrat ZORA LNG, clauses 4 et 5.

(44)  Voir contrat ZORA LNG, clause 2.

(45)  Voir contrat ZORA LNG, clause 5.2, et définitions à la clause 1.

(46)  Soumis par le Luxembourg le 21 novembre 2016.

(47)  Voir contrat à terme LNG, clause 2. La différence entre le prix du transfert des actifs de GNL au titre du contrat de transfert d'activité (657 millions d'USD) et le «prix d'émission» du ZORA LNG et le prix fixé au titre du contrat à terme LNG (646 millions d'USD) correspond au billet à ordre de 11 millions d'USD émis par LNG Supply et qui n'est pas inclus dans la structure de financement (voir note de bas de page 36).

(48)  Voir contrat à terme LNG, clause 3.

(49)  La demande de DFA LNG 2008 indique que «le ZORA s'accumulera jusqu'à hauteur du bénéfice avant impôt de [LNG Supply] déduction faite d'une marge nette […]. L'augmentation en valeur de l'obligation en vertu du ZORA entraînera une charge déductible équivalente pour [LNG Supply]» (demande de DFA LNG de 2008, page 2). Cette augmentation de l'obligation est mentionnée dans la demande de DFA LNG de 2008 par la dénomination «accrétion sur ZORA» ou «charge sur ZORA».

(50)  La demande de DFA LNG de 2012 précise que «la marge nette de [1/(50-100)]% de la valeur des actifs bruts» doit être considérée comme renvoyant à la valeur moyenne des actifs financés par le ZORA, alors que le «chiffre d'affaires brut» devrait être considéré comme le revenu total de LNG Supply, tel qu'indiqué dans ses comptes, y compris les recettes et les charges résultant des intérêts débiteurs supportés et des différences de change associées aux diverses activités de LNG Supply.

(51)  Voir demande de DFA LNG de 2008, page 5, paragraphe 6, et, pour l'explication, page 3.

(52)  Voir demande de DFA LNG de 2008, page 2. Cela signifie que les accrétions sur ZORA auraient également pu être négatives dès lors que LNG Supply enregistrait des pertes.

(53)  Voir demande de DFA LNG de 2008, page 3.

(54)  La demande de DFA LNG de 2008 reconnaît (note de bas de page 4) que, «en l'absence d'exigences spécifiques en vertu de la législation du Luxembourg et en vue de refléter la substance de la rémunération du ZORA, il peut être recommandé que [LNG Luxembourg] comptabilise les recettes sur toute la durée de vie du ZORA. Cela entraînerait une augmentation de la valeur du ZORA dans les comptes de [LNG Luxembourg], excepté si la valeur réelle du ZORA est inférieure».

(55)  L'article 22 bis, alinéa 2, LIR, est ainsi libellé: «Par dérogation à l'article 22, alinéa 5, les opérations d'échange visées aux numéros 1 à 4 ci-dessous ne conduisent pas à la réalisation des plus-values inhérentes aux biens échangés, à moins que, dans les cas visés aux numéros 1, 3 et 4, soit le créancier, soit l'associé ne renoncent à l'application de la présente disposition: 1. lors de la conversion d'un emprunt: l'attribution au créancier de titres représentatifs du capital social du débiteur. En cas de conversion d'un emprunt capitalisant convertible, l'intérêt capitalisé se rapportant à la période de l'exercice d'exploitation en cours précédant la conversion est imposable au moment de l'échange». En pratique, cela signifie qu'aux fins du régime fiscal luxembourgeois, le prix d'acquisition historique et la date d'acquisition historique du ZORA seront utilisés pour les actions émises à ce moment-là.

(56)  Voir demande de DFA LNG de 2008, paragraphe 7, page 5.

(57)  Voir demande de DFA LNG de 2008, paragraphe 7, page 5.

(58)  Voir demande de DFA LNG de 2008, page 3.

(59)  Voir demande de DFA LNG de 2008, page 3.

(60)  Voir demande de DFA LNG de 2008, page 4 (soulignement ajouté par la Commission).

(61)  Voir demande de DFA LNG de 2008, page 9.

(62)  Voir demande de DFA LNG de 2008, section 3.1.

(63)  Voir demande de DFA LNG de 2008, section 3.2.

(64)  Voir comptes sociaux de LNG Supply 2010, note 9.

(65)  Voir, pour chaque année, Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial, annexe 1.

(66)  Voir Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial pour 2014, annexe 1.

(67)  Voir, pour chaque année, Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial, annexe 1.

(68)  Voir, pour chaque année, Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial, annexe 2.

(69)  D'après la Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial pour 2014, annexe 2, les accrétions sur ZORA correspondant à 2014 s'élevaient [250-350] millions d'USD. Cela signifie que le montant à hauteur duquel les accrétions sur ZORA cumulées ont été réellement réduites en 2017 était de [450-550]millions d'USD (correspondant à la somme de [250-350] millions d'USD et de 193,8 millions d'USD).

(70)  Ce chiffre correspond au calcul de la marge LNG, tel que repris dans l'annexe 3 de la Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial pour 2011. Un calcul analogue se retrouve dans les déclarations fiscales d'autres années.

(71)  D'après la Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial pour 2011, ce montant a été converti en [2 500 000-3 500 000] EUR.

(72)  À savoir [100 000-300 000] EUR au titre de l'impôt commercial communal et [550 000-750 000] EUR au titre de l'impôt sur le revenu des collectivités.

(73)  Voir comptes sociaux de LNG Supply pour 2014, note 8.

(74)  Voir considérants 46 et 47. Toutefois, comme indiqué dans la note de bas de page 69, le montant à hauteur duquel les accrétions sur ZORA cumulées ont réellement été réduites était de [450-550] millions d'USD.

(75)  Le montant de 699,9 millions d'USD inclut également les accrétions sur ZORA correspondant à 2014 (voir notes de bas de page 70 et 75).

(76)  Voir comptes sociaux de LNG Supply pour 2014, note 7.

(77)  Voir comptes sociaux de LNG Supply pour 2015, note 8.

(78)  Voir comptes sociaux de LNG Supply pour 2016, note 8.

(79)  Voir Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial de l'année 2013, annexe 1.

(80)  Voir considérant 38.

(81)  Voir Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial de l'année 2013, annexe 1.

(82)  Voir Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial de l'année 2014, annexes 1 et 2.

(83)  Voir comptes sociaux de LNG Luxembourg pour 2015, notes 4 et 5.

(84)  Voir comptes sociaux de LNG Luxembourg pour 2016, notes 3 et 6.

(85)  Voir, par exemple, comptes sociaux de LNG Supply pour 2013, note 3.

(86)  Voir, pour chaque année à compter de 2012, Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial, Détails concernant les participations visées à l'article 166 LIR.

(87)  Voir comptes sociaux de LNG Holding pour 2014, note 3. Le montant de la plus-value correspond approximativement au montant des accrétions sur ZORA cumulées converties (voir note de bas de page 75).

(88)  Voir comptes sociaux de LNG Holding pour 2015 et 2016, note 3.

(89)  Qui intervient, au plus tard, à l'échéance du ZORA, voir considérant 61(2).

(90)  Dans le détail, la structure a été mise en œuvre comme suit: CEF transfère l'activité de financement et de gestion de trésorerie à GSTM en échange d'un billet à ordre de GSTM. CEF cédera le billet à ordre à EIL en échange d'un second billet à ordre de même montant émis par EIL à l'intention de CEF. GSTM émettra ensuite le ZORA GSTM en faveur d'EIL en contrepartie du premier billet à ordre. EIL financera l'investissement dans le ZORA GSTM au moyen du contrat à terme GSTM conclu avec CEF. En contrepartie du contrat à terme GSTM, CEF paiera un montant égal au second billet à ordre qui sera compensé (voir demande de DFA GSTM 2010, section I).

(91)  D'après le paragraphe 5 de la demande de DFA GSTM de 2012, «le ZORA émis par GSTM pourra être augmenté. Il est prévu que le montant total émis au titre du ZORA sera compris entre [7-12] et [37-42] milliards d'EUR». D'après les comptes et les déclarations fiscales de GSTM, au 31 décembre 2016 le montant du ZORA GSTM n'avait pas été augmenté.

(92)  «Proposition de cession d'une branche d'activités déposée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg», présentée par le Luxembourg le 16 juin 2017.

(93)  Voir Proposition de cession d'une branche d'activités — Mémorial C — 13 mai 2011 — Section 1: «En considération de cette cession de Branche d'Activités, la Société Bénéficiaire émettra un billet à ordre dont le montant s'élève à: 1 036 912 506,84 EUR».

(94)  Soumis par le Luxembourg le 21 novembre 2016.

(95)  Le contrat de 2014 a été signé à la suite d'une demande de financement complémentaire et il recouvre tout montant tiré précédemment.

(96)  Voir contrats ZORA GSTM, clause 2.

(97)  Voir contrats ZORA GSTM, clause 5.

(98)  Voir contrats ZORA GSTM, clause 4.

(99)  Voir contrats ZORA GSTM, clauses 4 et 5.

(100)  Voir contrats ZORA GSTM, clause 2.

(101)  Voir contrats ZORA GSTM, clause 5.2, et définitions à la clause 1.

(102)  Soumis par le Luxembourg le 21 novembre 2016.

(103)  Voir contrat à terme GSTM, clause 2.

(104)  Voir contrat à terme GSTM, clause 3.

(105)  Voir demande de DFA GSTM de 2010, page 2.

(106)  Voir demande de DFA GSTM de 2010, page 2.

(107)  Voir demande de DFA GSTM de 2010, page 5, paragraphe 5.

(108)  Voir demande de DFA GSTM de 2012, page 2. «APA» est l'abréviation d'«accord préalable en matière de prix de transfert».

(109)  Voir Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial de l'année 2011, annexe 3.

(110)  Circulaire du directeur des contributions no 164/2 du 28 janvier 2011.

(111)  Voir circulaire 164/2, paragraphe 4.2.

(112)  Voir Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial de l'année 2012, annexe 3.

(113)  Voir lettre du Luxembourg du 23 mai 2016.

(114)  Voir demande de DFA GSTM de 2010, page 2. Dans la même veine, la demande de DFA GSTM de 2012 indique ceci: «dans l'éventualité où le traitement comptable serait différent de l'accrétion annuelle en vertu du contrat ZORA, à des fins fiscales, GSTM continuera de déclarer uniquement la marge».

(115)  Voir section 2.2.3.4.

(116)  Voir demande de DFA GSTM de 2010, page 3, et notes de bas de page 3 et 4, qui contient des arguments identiques à ceux utilisés dans la demande de DFA LNG de 2008 [voir considérant 38].

(117)  Voir demande de DFA GSTM de 2010, page 3.

(118)  Voir demande de DFA GSTM de 2010, paragraphe 6, page 6.

(119)  Voir section 2.2.3.5.

(120)  Voir demande de DFA GSTM de 2010, page 3.

(121)  Voir demande de DFA GSTM de 2010, page 5, paragraphe 2 (soulignement ajouté par la Commission).

(122)  Voir également notes explicatives du bilan de GSTM au 31 décembre 2011, Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial de l'année 2011 de GSTM, annexe 3.

(123)  Voir, pour chaque année, Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial, annexe 1.

(124)  Voir, pour chaque année, Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial, annexe 1.

(125)  Voir, pour chaque année, Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial, annexe 2.

(126)  Cette figure correspond à la Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial pour 2011, annexe 3.

(*1)  calculé sur une base mensuelle

(127)  Voir considérant 64.

(128)  Voir Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial pour 2012, annexe 3.

(129)  Voir Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial pour 2012, annexe 3.

(130)  Voir, pour chaque année, bilan de EIL dans la Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial, annexe 1.

(131)  Voir considérant 67.

(132)  Voir, pour chaque année, Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial, Détails concernant les participations visées à l'article 166 LIR

(133)  Article 159, alinéa 1er, LIR: «Sont considérés comme contribuables résidents passibles de l'impôt sur le revenu des collectivités, les organismes à caractère collectif énumérés ci-après, pour autant que leur siège statutaire ou leur administration centrale se trouve sur le territoire du Grand-Duché.» Article 159, alinéa 2, LIR: «L'impôt sur le revenu des collectivités porte sur l'ensemble des revenus du contribuable».

(134)  Article 163, alinéa 1er, LIR: «L'impôt sur le revenu des collectivités frappe le revenu imposable réalisé par le contribuable pendant l'année du calendrier.»

(135)  L'impôt luxembourgeois sur les sociétés se compose d'un impôt frappant les bénéfices (l'«impôt sur le revenu des collectivités» ou «IRC»), dont le taux est fixé à 21 %, et, pour les sociétés établies dans la ville de Luxembourg, d'un impôt commercial sur les bénéfices (l'«impôt commercial»), dont le taux est fixé à 6,75 %. Une majoration de 5 % est en outre appliquée à l'IRC de 21 % afin d'alimenter un fonds pour l'emploi. En 2012, la majoration de solidarité est passée de 5 % à 7 % avec effet à compter de l'exercice fiscal 2013. Avec les changements introduits à compter de l'exercice fiscal 2013, le taux d'imposition cumulé est passé de 28,80 % à 29,22 % pour le revenu des sociétés établies dans la ville de Luxembourg. En outre, les sociétés du Luxembourg sont assujetties à un impôt annuel sur la fortune frappant leur actif net, qui consiste en un prélèvement de 0,5 % sur la valeur nette du patrimoine qu'elles détiennent dans le monde au 1er janvier de chaque année.

(136)  Article 23, alinéa 1er, LIR: «[…] l'évaluation des biens de l'actif net investi doit répondre aux règles prévues aux alinéas suivants et, en ce qui concerne les exploitants obligés à la tenue d'une comptabilité régulière, aux principes d'une compatibilité pareille».

(137)  Article 40, alinéa 1er, LIR: «Lorsque les prescriptions régissant l'évaluation au point de vue fiscal n'exigent pas une évaluation à un montant déterminé, les valeurs à retenir au bilan fiscal doivent être celles du bilan commercial ou s'en rapprocher le plus possible dans le cadre des prescriptions prévisées, selon que les valeurs du bilan commercial répondent ou ne répondent pas aux mêmes prescriptions».

(138)  Article 97, alinéa 1er, LIR: «Sont considérés comme revenus provenant de capitaux mobiliers: 1. les dividendes, parts de bénéfice et autres produits alloués, sous quelque forme que ce soit, en raison des actions, parts de capital, parts bénéficiaires ou autres participations de toute nature dans les collectivités visées aux articles 159 et 160.»

(139)  Avis du Conseil d'État du 2 avril 1965 concernant l'article 242 du projet de loi sur l'impôt sur le revenu: «La considération que les bénéfices sociaux produits par une société filiale et traversant une société mère avant d'être distribués aux actionnaires de celle-ci, sont exposés à une triple imposition qu'il faut éviter pour des raisons d'équité fiscale et d'ordre économique» (soulignement ajouté par la Commission).

(140)  Directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents (JO L 225 du 20.8.1990, p. 6).

(141)  Article 166, alinéa 1er, LIR: «les revenus d'une participation […] sont exonérés lorsque, à la date de la mise à disposition des revenus, le bénéficiaire détient ou s'engage à détenir ladite participation pendant une période ininterrompue d'au moins douze mois et que pendant toute cette période le taux de participation ne descend pas au-dessous du seuil de 10 pour cent ou le prix d'acquisition au-dessous de 1 200 000 EUR».

(142)  Règlement grand-ducal du 21 décembre 2001 portant exécution de l'article 166, alinéa 9, numéro 1 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu.

(143)  Article 166, alinéa 9, LIR: «Un règlement grand-ducal pourra: 1. étendre l'exonération, sous les conditions et modalités à déterminer, aux revenus dégagés par la cession de la participation, 2. prévoir, dans les conditions à spécifier, que les pertes de cession ne sont pas déductibles». Article 1er, alinéa 1er, du règlement du 21 décembre 2001: «Lorsqu'un contribuable visé à l'article 166, alinéa 1er, numéros 1 à 4, cède des titres d'une participation directe détenue dans le capital social d'une société visée à l'alinéa 2, numéros 1 à 3 du même article, le revenu dégagé par la cession est exonéré, lorsqu'à la date de l'aliénation des titres le cédant détient ou s'engage à détenir ladite participation pendant une période ininterrompue d'au moins 12 mois et que pendant toute cette période le taux de participation ne descend pas au-dessous du seuil de 10 % ou le prix d'acquisition au-dessous de 6 000 000 d'euros».

(144)  Article 164, alinéa 1, LIR: «Pour déterminer le revenu imposable, il est indifférent que le revenu soit distribué ou non aux ayants droit».

(145)  Article 164, alinéa 2, LIR: «Sont à considérer comme distribution dans le sens de l'alinéa qui précède, les distributions de quelque nature qu'elles soient, faites à des porteurs d'actions, de part bénéficiaires ou de fondateurs, de parts de jouissance ou de tous autres titres, y compris les obligations à revenu variable donnant droit à une participation au bénéfice annuel ou au bénéfice de liquidation.»

(146)  Article 22, alinéa 5, LIR: «L'échange de biens est à considérer comme cession à titre onéreux du bien donné en échange, suivie de l'acquisition à titre onéreux du bien reçu en échange. Le prix de cession du bien donné en échange correspond à sa valeur estimée de réalisation».

(147)  L'article 22 bis, alinéa 2, numéro 1, LIR, est ainsi libellé: «Par dérogation à l'article 22, alinéa 5, les opérations d'échange visées aux numéros 1 à 4 ci-dessous ne conduisent pas à la réalisation des plus-values inhérentes aux biens échangés, à moins que, dans les cas visés aux numéros 1, 3 et 4, soit le créancier, soit l'associé ne renoncent à l'application de la présente disposition: 1. lors de la conversion d'un emprunt: l'attribution au créancier de titres représentatifs du capital social du débiteur. En cas de conversion d'un emprunt capitalisant convertible, l'intérêt capitalisé se rapportant à la période de l'exercice d'exploitation en cours précédant la conversion est imposable au moment de l'échange». En outre, l'article 22 bis, alinéa 4, dispose ce qui suit: «Dans le chef de l'associé, le prix et la date d'acquisition des titres reçus en échange correspondent au prix et à la date d'acquisition des titres donnés en échange. En cas de paiement d'une soulte à l'associé, le prix d'acquisition des titres reçus en échange est à diminuer du montant de ladite soulte.»

(148)  L'article 6 StAnpG dispose ce qui suit: «Durch Missbrauch von Formen und Gestaltungsmöglichkeiten des bürgerlichen Rechts kann die Steuerpflicht nicht umgangen oder gemindert werden. Liegt ein Missbrauch vor, so sind die Steuern so zu erheben, wie sie bei einer den wirtschaftlichen Vorgängen, Tatsachen und Verhältnissen angemessenen rechtlichen Gestaltung zu erheben wären.»

(149)  Voir section 4.2.1 de la décision d'ouverture.

(150)  Voir section 4.2.2.1 de la décision d'ouverture.

(151)  Voir section 4.2.2.2 de la décision d'ouverture.

(152)  Voir section 4.2.3 de la décision d'ouverture.

(153)  Voir considérants 151 à 155 de la décision d'ouverture.

(154)  Voir considérant 156 de la décision d'ouverture.

(155)  Voir considérant 152 de la décision d'ouverture.

(156)  Voir considérant 158 de la décision d'ouverture.

(157)  Voir observations du Luxembourg concernant la décision d'ouverture, point 168.

(158)  Voir observations du Luxembourg concernant la décision d'ouverture, point 170.

(159)  Voir considérant 152 de la décision d'ouverture.

(160)  Voir considérant 97.

(161)  Voir observations du Luxembourg concernant la décision d'ouverture, page 8: «Un ZORA constitue un contrat qui documente une dette ainsi que son remboursement, de sorte qu'on ne voit pas la pertinence de l'article 164 LIR en l'espèce». «Les ZORAs ont, d'un point de vue fiscal luxembourgeois, les caractéristiques essentielles d'une dette et non d'une participation au capital.»

(162)  Article 162 LIR: «1. Les dispositions du titre 1er de la présente loi sont applicables pour la détermination du revenu imposable et des revenus nets qui le composent, pour la détermination du bénéfice de cession ou de liquidation et pour la déclaration, l'établissement et la perception de l'impôt, à moins qu'il n'en soit autrement disposé ci-après ou que l'application de ces dispositions ne se justifie pas eu égard à la nature spéciale des organismes à caractère collectif. 2. En exécution de l'alinéa qui précède, un règlement grand-ducal spécifiera les dispositions applicables aux organismes à caractère collectif».

(163)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, réponse à la question 1.b: «Hormis l'exception faite aux sociétés étrangères […], toutes les participations dont les revenus peuvent bénéficier du régime d'exonération au titre de l'article 166 LIR sont aussi couvertes par les dispositions de l'article 164 de la LIR».

(164)  Arrêt dans l'affaire C-70/16 P, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission, ECLI:EU:C:2017:1002.

(165)  Engie a également déclaré que LNG Supply employait environ [1-40] salariés à plein temps, et GSTM environ [1-10] salariés à plein temps. Engie a aussi confirmé que LNG Luxembourg n'avait pas d'activité autre que celle qui consistait à détenir le ZORA LNG et le contrat à terme LNG.

(166)  Voir rapport PT, sections 6.1.2 et 6.1.3.

(167)  La méthode du prix comparable sur le marché libre est une des cinq méthodes de fixation des prix de transfert reconnues par l'OCDE dans les Principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales — édition 2010.

(168)  Décision 2009/809/CE de la Commission du 8 juillet 2009 concernant le régime du groepsrentebox C 4/07 (ex N 465/06) que les Pays-Bas ont l'intention de mettre à exécution (JO L 288 du 4.11.2009, p. 26). Décision (UE) 2016/2326 de la Commission du 21 octobre 2015 concernant l'aide d'État SA.38375 (2014/C ex 2014/NN) mise à exécution par le Luxembourg en faveur de FIAT (JO L 351 du 22.12.2016, p. 1).

(169)  Action 2 du projet BEPS (érosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices).

(170)  Voir arrêt dans l'affaire C-399/08 P, Commission/Deutsche Post, ECLI:EU:C:2010:481, point 38, et jurisprudence citée.

(171)  Arrêt dans les affaires jointes C-20/15 P, Commission/World Duty Free Group, ECLI:EU:C:2016:981, point 53, et jurisprudence citée.

(172)  Voir arrêt dans les affaires jointes C-106/09 P et C-107/09 P, Commission/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, ECLI:EU:C:2011:732, point 72, et jurisprudence citée.

(173)  Voir arrêt dans les affaires jointes C-106/09 P et C-107/09 P, Commission/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, ECLI:EU:C:2011:732, point 72, et jurisprudence citée.

(174)  Arrêt dans l'affaire C-126/01, GEMO SA, ECLI:EU:C:2003:622, point 41, et jurisprudence citée.

(175)  Arrêt dans l'affaire 730/79, Philip Morris, ECLI:EU:C:1980:209, point 11; et arrêt dans les affaires jointes T-298/97, T-312/97, etc., Alzetta, ECLI:EU:T:2000:151, point 80.

(176)  Voir considérant 152 de la décision d'ouverture.

(177)  Voir Communication de la Commission relative à la notion d'«aide d'État» visée à l'article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après la «communication sur la notion d'aide») (JO C 262 du 19.7.2016, p. 1), point 67 et la jurisprudence citée.

(178)  Voir arrêt dans l'affaire C-173/73, Italie/Commission, ECLI:EU:C:1974:71, point 13.

(179)  Voir arrêt dans l'affaire C-66/02, Italie/Commission, ECLI:EU:C:2005:768, point 78; arrêt dans l'affaire C-222/04, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., ECLI:EU:C:2006:8, point 132; et arrêt dans l'affaire C-522/13, Ministerio de Defensa et Navantia, ECLI:EU:C:2014:2262, points 21 à 31.

(180)  Le ZORA LNG a, par ailleurs, fait l'objet d'une conversion partielle.

(181)  Observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, page 5.

(182)  Observations soumises par Engie sur la lettre du 11 décembre 2017, point 33.

(183)  Plus précisément, la totalité des bénéfices réalisés par ces deux entités, déduction faite de la marge LNG et de la marge GSTM (toutes deux fixées initialement à [1/(50-100)%] de la valeur de leurs actifs).

(184)  Voir arrêt dans l'affaire C-6/12, P Oy, ECLI:EU:C:2013:525, point 17; et arrêt dans l'affaire C-522/13, Ministerio de Defensa et Navantia, ECLI:EU:C:2014:2262, point 32.

(185)  Voir arrêt dans les affaires jointes C-20/15 P et C-21/15 P, Commission/World Duty Free Group, ECLI:EU:C:2016:981, point 57, et jurisprudence citée.

(186)  Voir arrêt dans les affaires jointes C-78/08 à C-80/08, Paint Graphos, ECLI:EU:C:2011:550, point 65.

(187)  Voir communication sur la notion d'aide, point 133.

(188)  Communication sur la notion d'aide, point 134.

(189)  Voir section 2.3.1.

(190)  Bien qu'elle soit en principe applicable aux personnes physiques, en vertu de l'article 162 LIR, cette disposition s'applique aussi aux personnes morales assujetties à l'impôt.

(191)  Bien qu'elle soit en principe applicable aux personnes physiques, en vertu de l'article 162 LIR, cette disposition s'applique aussi aux personnes morales assujetties à l'impôt.

(192)  Bien qu'elle soit en principe applicable aux personnes physiques, en vertu de l'article 162 LIR, cette disposition s'applique aussi aux personnes morales assujetties à l'impôt.

(193)  En tant que tels, tous les principes comptables, ce qui inclut le principe de prudence, doivent être considérés comme faisant partie du système de référence. En l'espèce, le principe de prudence explique qu'il puisse exister un écart temporaire entre le moment où les filiales inscrivent les accrétions sur ZORA comme des charges dans leur comptabilité et le moment où les prêteurs (souscripteurs des ZORA) constatent le revenu correspondant dans leurs comptes.

(194)  Voir cependant le considérant 180.

(195)  Voir considérants 106 à 108.

(196)  Voir note de bas de page 194.

(197)  Voir considérant 135.

(198)  La déductibilité des dépenses d'exploitation ne fait que refléter le fait que la base de calcul du bénéfice imposable des sociétés est le bénéfice constaté dans leurs comptes, étant donné que ce bénéfice correspond au revenu réalisé, déduction faite des dépenses d'exploitation et des autres charges supportées.

(199)  «La confirmation de l'application cumulative des articles visés par les décisions fiscales anticipatives est conforme à l'objectif du système luxembourgeois, d'imposer sur le bénéfice toute société assujettie à l'impôt au Luxembourg après prise en compte de la rémunération des instruments de dette émis par le contribuable» [Observations d'Engie concernant la décision d'ouverture, Executive Summary, section III B) a) iv). Soulignement ajouté par la Commission].

(200)  Arrêt dans les affaires jointes C-20/15 P et C-21/15 P, Commission/World Duty Free Group, ECLI:EU:C:2016:981, point 92: «[D]ans les décisions litigieuses, la Commission, aux fins de qualifier la mesure litigieuse de mesure sélective, s'est prévalue du fait que l'avantage fiscal conféré par cette mesure ne bénéficiait pas sans distinction à tous les opérateurs économiques se trouvant objectivement dans une situation comparable, au regard de l'objectif poursuivi par le régime fiscal commun espagnol, dès lors que les entreprises résidentes effectuant des prises de participations du même type dans des sociétés fiscalement domiciliées en Espagne ne pouvaient obtenir cet avantage.» (soulignement ajouté par la Commission); dans le même esprit, voir également points 22 et 68. De manière analogue, voir arrêt dans l'affaire C-217/03, Belgique et Forum 187/Commission, ECLI:EU:C:2005:266, point 95; arrêt dans l'affaire C-88/03, Portugal/Commission, ECLI:EU:C:2006:511, point 56; arrêt dans l'affaire C-519/07 P, Commission/Koninklijke Friesland/Campina, ECLI:EU:C:2009:556, points 2 à 7; et arrêt dans les affaires jointes C-78/08 à C-80/08, Paint Graphos, ECLI:EU:C:2011:550, point 50. Voir aussi la communication sur la notion d'aide, point 134.

(201)  Arrêt dans les affaires jointes C-106/09 P et C-107/09 P, Commission/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, EU:C:2011:732, points 92 à 95. Au sujet de l'appréciation des mesures en fonction de leurs effets, voir également arrêt dans l'affaire British Aggregates/Commission, points 85 et 89 et jurisprudence citée, et arrêt dans l'affaire C-279/08 P, Commission/Pays-Bas, ECLI:EU:C:2011:551, point 51.

(202)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, page 2.

(203)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, page 2. Observations soumises par Engie sur la lettre du 11 décembre 2017, point 30.

(204)  Voir note de bas de page 200.

(205)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, page 8; et observations soumises par Engie sur la décision d'ouverture, points 125 et 126.

(206)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, page 2.

(207)  Voir, par exemple, arrêt dans l'affaire C-217/03, Belgique et Forum 187/Commission, ECLI:EU:C:2005:266, où comme dans la présente décision, la Cour définit le cadre de référence en renvoyant au principe selon lequel les sociétés sont imposées sur leur bénéfice commercial: «Pour examiner si la détermination des revenus imposables, telle que prévue dans le régime des centres de coordination, procure un avantage à ces derniers, il y a lieu, comme le suggère la Commission au point 95 de la décision attaquée, de comparer ledit régime à celui de droit commun fondé sur la différence entre produits et charges pour une entreprise exerçant ses activités dans des conditions de libre concurrence.» (point 95). Dans le même sens, voir arrêt dans les affaires jointes C-78/08 à C-80/08, Paint Graphos, ECLI:EU:C:2011:550, point 50: «À cet égard, il ressort des éléments dont dispose la Cour, d'une part, que, pour les besoins du calcul de l'impôt sur le revenu des sociétés, la base imposable des sociétés coopératives de production et de travail concernées est déterminée de la même manière que celle des autres types de sociétés, c'est-à-dire en fonction du montant du bénéfice net résultant de l'exercice de l'activité de l'entreprise au terme de l'année d'imposition. Il convient dès lors de considérer que l'impôt sur les sociétés constitue le régime juridique de référence aux fins d'apprécier l'éventuel caractère sélectif de la mesure en cause.» (soulignement ajouté par la Commission). Voir également arrêt dans les affaires jointes C-106/09 P et C-107/09 P, Commission/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, ECLI:EU:C:2011:732, point 95: «En effet, il y a lieu de relever, à ce titre, que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au regard des points 143, 144 et 150 de la décision litigieuse, il ressort de ces points que la Commission a examiné l'existence des avantages sélectifs au profit des sociétés «offshore» au regard du régime fiscal en cause qui s'applique formellement à toutes les entreprises. Il apparaît ainsi que la décision litigieuse identifie ce régime en tant que cadre de référence au regard duquel les sociétés «offshore» seraient, en fait, favorisées.» Plus récemment, arrêt dans les affaires C-236/16 et C-237/16, ANGED/Generalitat de Catalunya, ECLI:EU:C:2018:280, points 42 à 45.

(208)  Voir arrêt dans les affaires jointes C-20/15 P et C-21/15 P, Commission/World Duty Free Group, ECLI:EU:C:2016:981, point 54, et jurisprudence citée, ainsi que point 86.

(209)  Voir également affaires jointes C-78/08 à C-80/08, Paint Graphos, EU:C:2011:550, point 54, où la Cour a confirmé que l'objectif poursuivi par le régime de l'impôt sur les sociétés était l'imposition des bénéfices des sociétés.

(210)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, page 2.

(211)  Voir Observations soumises par Engie sur la lettre du 11 décembre 2017, points 22 et 23.

(212)  En tout état de cause, à la section 6.2.2, la Commission démontrera que si un cadre de référence plus étroit devait être retenu, lequel serait limité aux dispositions relatives à l'exonération des revenus de participations et à l'imposition des distributions de bénéfices, le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause constituerait également une dérogation donnant lieu à un traitement favorable par rapport aux autres entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable.

(213)  Obligation de détenir la participation pendant une période ininterrompue de douze mois; taux de participation ne descendant pas au-dessous du seuil de 10 pour cent du capital social de l'entreprise concernée; ou prix d'acquisition ne descendant pas au-dessous de 1,2 million d'EUR.

(214)  De fait, les entreprises qui perçoivent des revenus de la même nature mais qui ne remplissent pas les conditions de l'article 166 LIR (par exemple, parce que leur participation est inférieure à 5 % ou qu'elles la détiennent depuis moins de 12 mois), ne bénéficient pas de la même exonération.

(215)  Le Luxembourg l'a confirmé lors de la réunion du 1er juin 2017. En particulier, lorsque la Commission a demandé, au cours de cette réunion, s'il pouvait être considéré que l'ajustement fiscal prévu à l'article 164, alinéa 3, LIR était une des dérogations au principe de l'«accrochement» établi à l'article 40 LIR, le Luxembourg a précisé que «toute disposition fiscale qui prévoit un ajustement du bilan commercial serait à considérer comme une exception».

(216)  Voir lettre du Luxembourg du 12 mai 2017, réponse à la question 2.ii: «La plus-value comptable de 506,2 MUSD réalisée par LNG Holding correspond économiquement à l'accroissement de valeur de LNG Supply entre 2009 et 2014».

(217)  Voir sections 2.2.3.3, 2.2.3.4, 2.2.3.5, 2.2.4.3, 2.2.4.4 et 2.2.4.5.

(218)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, page 4.

(219)  Excepté en cas de mauvaise application du droit interne.

(220)  Arrêt dans l'affaire C-217/03, Belgique et Forum 187/Commission, ECLI:EU:C:2005:266, point 120.

(221)  Voir Observations soumises par Engie sur la lettre du 11 décembre 2017, points 22 et 24.

(222)  Voir considérant 85.

(223)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, réponse à la question 1.b: «Hormis l'exception faite aux sociétés étrangères tel que précédemment développé, toutes les participations dont les revenus peuvent bénéficier du régime d'exonération au titre de l'article 166 LIR sont aussi couvertes par les dispositions de l'article 164 de la LIR» (soulignement ajouté par la Commission).

(224)  Voir, à ce sujet, Steichen Alain, Manuel de Droit fiscal. Droit fiscal général, Les cours de l'Université du Luxembourg, 2015, page 644: «L'article 166 LIR visant à éliminer la double imposition économique, la philosophie sous-jacente à cet article est qu'il s'applique aux revenus après impôts distribués par les sociétés. L'article 166 LIR doit donc être lu ensemble avec l'article 164 al. 2 LIR qui définit les distributions qui ne sont pas déductibles de la base imposable de la société opérant le paiement […]. Outre la cohérence logique entre l'article 166 LIR et 164 al. 2 LIR (peut n'être exonéré chez le bénéficiaire ce qui n'est pas déductible chez le débiteur du revenu; tout ce qui n'est pas déductible chez le débiteur du revenu doit pouvoir être exonéré chez le créancier du revenu) […]».

(225)  Voir considérant 86. L'exonération fiscale des plus-values générées par des participations obéit à la même logique que l'exonération fiscale des distributions de bénéfices. En l'absence d'exonération des revenus de participations, les mêmes bénéfices seraient inclus à la fois dans le revenu imposable de l'entité émettrice et dans celui de l'entité détenant la participation, entraînant ainsi une double imposition économique.

(226)  Voir sections 2.2.3.3, 2.2.3.4, 2.2.3.5, 2.2.4.3, 2.2.4.4 et 2.2.4.5.

(227)  Voir considérants 49, 53 et 57.

(228)  Voir lettre du Luxembourg du 12 mai 2017, réponse à la question 2.ii.

(229)  Déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial de LNG Holding pour l'exercice 2014, formulaire modèle 506 A, «Détails concernant les participations visées à l'Article 166 LIR» concernant LNG Supply, section 3), ligne 19: «dividendes exonérés».

(230)  Le fait que LNG Supply n'ait pas organisé officiellement d'assemblée des actionnaires approuvant une distribution de dividendes n'a aucune importance. LNG Holding est le seul actionnaire à la fois de LNG Supply et de l'entité qui a accordé le ZORA LNG (LNG Luxembourg). Elle peut donc à tout moment décider unilatéralement de la date de conversion du ZORA, tout comme elle peut décider du moment auquel approuver la distribution des bénéfices de LNG Supply à l'occasion d'une assemblée des actionnaires.

(231)  Voir considérant 204.

(232)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, pages 4 et 6 et réponses aux questions 1.b et 1.c.

(233)  Voir Observations soumises par Engie sur la lettre du 11 décembre 2017, points 26 à 31.

(234)  Directive (UE) 2015/121 du Conseil du 27 janvier 2015 modifiant la directive 2011/96/UE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et aux filiales d'États membres différents (JO L 21 du 28.1.2015, p. 1).

Dans ses observations en réponse à la lettre du 11 décembre 2017, le Luxembourg explique que la récente modification introduite dans la directive mères-filiales en 2015 - selon laquelle l'application de l'exonération des revenus de participations aux bénéfices distribués est subordonnée à la non-déductibilité de ces bénéfices par la filiale - n'aurait pas été nécessaire si l'objectif de l'exonération des revenus de participations était d'éviter la double imposition (page 4). Engie renvoie aussi à d'autres objectifs poursuivis par cette directive (voir ses observations sur la lettre du 11 décembre 2017, points 35-43).

(235)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, réponse à la question 1.b: «Hormis l'exception faite aux sociétés étrangères tel que précédemment développé, toutes les participations dont les revenus peuvent bénéficier du régime d'exonération au titre de l'article 166 LIR sont aussi couvertes par les dispositions de l'article 164 de la LIR» (soulignement ajouté par la Commission).

(236)  Excepté dans le cas où l'entité distributrice n'est pas une entité résidente fiscale au Luxembourg, auquel cas l'article 164 LIR n'est pas applicable.

(237)  Voir, à cet égard, Steichen, Alain à la note de bas de page 224.

(238)  Voir avis du Conseil d'État concernant l'article 166 LIR [considérant 83]. Voir également décision 2006/940/CE de la Commission du 19 juillet 2006 concernant le régime d'aide C 3/2006 mis en œuvre par le Luxembourg en faveur des sociétés holdings 1929 et des holdings milliardaires (JO L 366 du 21.12.2006, p. 47), considérant 63.

(239)  Voir arrêt dans l'affaire C-48/07, État belge — Service public fédéral Finances, ECLI:EU:C:2008:758, points 37 et 45.

(240)  L'arrêt renvoie à la directive 90/435/CEE.

(241)  Dans son arrêt, la Cour affirme explicitement que bien que la juridiction de renvoi ne puisse s'écarter de son interprétation de la directive, la mesure dans laquelle cette interprétation s'applique à une situation interne «relève du droit interne et, par conséquent, de la compétence exclusive des juridictions de l'État membre concerné» (point 27).

(242)  Ibidem, point 37.

(243)  Ibidem, points 46 et 47 (soulignement ajouté par la Commission).

(244)  Les libertés fondamentales concernent des situations transfrontalières. Les situations purement internes ne sont pas couvertes et, en principe, une discrimination à rebours est autorisée du point de vue du droit de l'Union européenne (voir arrêts dans l'affaire C-60/91, Batista Morais, ECLI:EU:C:1992:140, point 7; l'affaire C-29/94 à C-35/94, Jean-Louis Aubertin, ECLI:EU:C:1995:39, points 9 à 11; l'affaire C-332/90, Steen/Deutsche Bundespost, ECLI:EU:C:1992:40; l'affaire C-139/12, Caixa d'Estalvis i Pensions de Barcelona/Generalidad de Cataluña, ECLI:EU:C:2014:174, points 42 et 45; et l'affaire C-591/15, The Gibraltar Betting and Gaming Association Limited/Commissioners for Her Majesty's Revenue and Customs, ECLI:EU:C:2017:449, point 33.

Étant donné que les situations internes ne peuvent pas bénéficier d'un traitement plus favorable que les situations transfrontalières comparables, c'est à plus forte raison que LNG Holding et CEF ne devraient pas recevoir des avantages qui ne seraient pas accordés pour des situations transfrontalières. À cet égard, il convient de rappeler qu'en vertu de l'article 166, alinéa 2 bis, LIR — introduit dans la LIR en 2016 par suite de la transposition de la directive 2014/86/UE, l'exonération des revenus de participations ne serait pas applicable dans les situations transfrontalières lorsque le revenu perçu par le bénéficiaire peut être déduit dans l'État membre de l'entité distributrice: «[…] l'exonération ne s'applique pas aux revenus visés par la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents, qui proviennent d'une participation détenue directement dans le capital social d'un organisme à caractère collectif qui est un résident d'un autre État membre de l'Union européenne et visé par l'article 2 de la directive 2011/96/UE, dans la mesure où ils sont déductibles dans cet État membre ou lorsqu'ils sont alloués dans le cadre d'un montage ou d'une série de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre d'objectif principal ou au titre d'un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l'encontre de l'objet ou de la finalité de cette directive, n'est pas authentique compte tenu de l'ensemble des faits et circonstances pertinents. Au sens de la présente disposition, un montage, qui peut comprendre plusieurs étapes ou parties, ou une série de montages est considéré comme non authentique dans la mesure où ce montage ou cette série de montages n'est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique».

(245)  Arrêt dans les affaires jointes C-20/15 P et C-21/15 P, World Duty Free Group, ECLI:EU:C:2016:981, point 80; arrêt dans l'affaire C-409/00, Espagne/Commission, point 48; arrêt dans l'affaire C-279/08 P, Commission/Pays-Bas, ECLI:EU:C:2011:551, point 50.

(246)  Arrêt dans les affaires jointes C-20/15 P et C-21/15 P, World Duty Free Group, ECLI:EU:C:2016:981, point 78.

(247)  Arrêt dans l'affaire C-88/03, Portugal/Commission, ECLI:EU:C:2006:511, points 52 et 80, et jurisprudence citée.

(248)  Arrêt dans les affaires jointes C-78/08 à C-80/08, Paint Graphos, ECLI:EU:C:2011:550, point 69.

(249)  Arrêt dans l'affaire C-88/03, Portugal/Commission, ECLI:EU:C:2006:511, point 81.

(250)  Arrêt dans les affaires jointes C-78/08 à C-80/08, Paint Graphos, ECLI:EU:C:2011:550, point 69.

(251)  Voir considérant 83.

(252)  Voir avis du Conseil d'État concernant l'article 166 LIR (considérant 83). Voir également décision 2006/940/CE, considérant 63. Cet objectif est confirmé par le fait que les sociétés non résidentes fiscales ne peuvent bénéficier de l'exonération accordée par l'article 166 LIR que si elles sont soumises à un impôt correspondant à l'impôt sur les sociétés luxembourgeois. En d'autres termes, l'exonération ne s'applique pas en l'absence d'imposition préalable des bénéfices, c'est-à-dire s'il n'y a pas de double imposition.

(253)  Voir, par analogie, arrêt dans les affaires jointes C-78/08 à C-80/08, Paint Graphos, ECLI:EU:C:2011:550, point 71, dans lequel la Cour mentionne la possibilité d'invoquer la nature ou l'économie générale du système fiscal national pour justifier que des sociétés coopératives qui distribuent l'ensemble de leurs profits à leurs membres ne soient pas imposées au niveau de la coopérative, pour autant que l'impôt soit perçu au niveau de leurs membres.

(254)  Arrêt dans les affaires jointes C-78/08 à C-80/08, Paint Graphos, ECLI:EU:C:2011:550, point 75. Voir également arrêt dans l'affaire T-287/11, Heitkamp BauHolding/Commission, ECLI:EU:T:2016:60, point 160; et arrêt dans l'affaire T-620/11, GFKL Financial Services AG, ECLI:EU:T:2016:59, point 154.

(255)  Arrêt dans les affaires jointes C-78/08 à C-80/08, Paint Graphos, ECLI:EU:C:2011:550, point 73. Voir également arrêt dans l'affaire T-287/11, Heitkamp BauHolding/Commission, EU:T:2016:60, point 160; et arrêt dans l'affaire T-620/11, GFKL Financial Services AG, ECLI:EU:T:2016:59, point 154.

(256)  En effet, selon la logique du système, les bénéfices générés par une société peuvent être soumis à l'impôt plus d'une fois (par exemple, dans le cas de distributions de bénéfices qui ne remplissent pas les conditions pour bénéficier de l'exonération prévue à l'article 166 LIR), mais ils ne peuvent en aucun cas n'être soumis à aucune imposition.

(257)  Décision (UE) 2016/2326 (JO L 351 du 22.12.2016, p. 1).

(258)  Décision 2009/809/CE (JO L 288 du 4.11.2009, p. 26).

(259)  Voir déclaration fiscale de LNG Luxembourg pour l'exercice 2015, annexe 3.

(260)  Dans une unité fiscale (régime d'intégration fiscale), une société mère peut être imposée comme un groupe conjointement avec une ou plusieurs de ses filiales. Aux fins de l'impôt des sociétés, cela signifie qu'il est considéré que les filiales ont été absorbées par la société mère.

(261)  Arrêt dans l'affaire C-170/83, Hydrotherm, ECLI:EU:C:1984:271, point 11. Voir aussi arrêt dans l'affaire T-137/02, Pollmeier Malchow/Commission, ECLI:EU:T:2004:304, point 50.

(262)  Arrêt dans l'affaire C-480/09 P, Acea Electrabel Produzione SpA/Commission, ECLI:EU:C:2010:787, points 47 à 55; arrêt dans l'affaire C-222/04, Cassa di Risparmio di Firenze SpA e.a., ECLI:EU:C:2006:8, point 112.

(263)  Voir décision groeprentebox, considérant 80.

(264)  Voir décision FIAT, considérant 198: «En outre, même si l'on peut estimer que les décisions de financement sont prises dans l'intérêt supérieur du groupe dans son ensemble, l'impôt sur les sociétés luxembourgeois est prélevé sur des entités individuelles et non sur des groupes, et le ruling fiscal contesté concerne exclusivement les bénéfices imposables de FFT, de sorte que toute réduction des recettes fiscales se fonde individuellement sur les résultats de cette société.» (soulignement ajouté par la Commission). Voir aussi, dans la même décision, considérant 314.

(265)  Voir arrêt dans l'affaire C-138/09, Todaro Nunziatina & C., ECLI:EU:C:2010:291, point 21.

(266)  Le financement par les sociétés holdings est octroyé par l'intermédiaire de contrats à terme conclus entre ces dernières et les prêteurs, et de contrats ZORA signés entre les prêteurs et les filiales. Ce point n'est contesté ni par le Luxembourg ni par Engie (voir description des transactions fournie par le Luxembourg dans ses observations concernant la décision d'ouverture, sections 2.1 et 2.2). Les DFA en cause indiquaient également que les sociétés holdings «devraient être considérées comme les détentrices des actions […] à partir du moment où [elles] concluent le contrat à terme» (voir demande de DFA LNG de 2008, p. 4; et demande de DFA GSTM de 2010, p. 4), ce qui montre que les sociétés holdings sont considérées comme apportant le financement.

(267)  Le versement d'une rémunération dans le cadre d'une transaction de financement doit être entendu comme désignant tout versement effectué par l'emprunteur au prêteur, en espèces ou sous la forme de tout autre actif financier, y compris les fonds propres de l'emprunteur, qui ne vise pas à amortir/rembourser le financement ou, en cas d'amortissement/de remboursement, qui excède le montant initialement financé.

(268)  Voir norme IAS 32 et loi du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises.

(269)  Article 40 LIR. Voir considérant 81.

(270)  Le fait qu'il puisse exister, dans certains cas, un écart temporaire entre le moment auquel l'emprunteur comptabilise la dépense et celui auquel le prêteur comptabilise le revenu correspondant n'altère en rien cette conclusion. D'un point de vue comptable, cet écart temporaire se justifie par le principe de prudence, selon lequel un revenu est comptabilisé lorsqu'il est réalisé, c'est-à-dire lorsqu'il est certain, tandis qu'une dépense doit être prise en compte dès le moment où sa réalisation est probable, voire éventuelle.

(271)  Voir norme IAS 32, paragraphe 35: «L'entité doit imputer directement au débit des capitaux propres, nettes de tout avantage d'impôt sur le résultat y afférent, les distributions aux porteurs d'instruments de capitaux propres», et paragraphe 36: «les remboursements ou les refinancements d'instruments de capitaux propres sont comptabilisés en variations de capitaux propres».

(272)  Cela signifie que, du point de vue du groupe, l'exonération des revenus de participations a seulement pour effet d'éliminer un désavantage causé par la double imposition économique.

(273)  En fait, le revenu imposable combiné du groupe au Luxembourg doit rester inchangé après le versement de la rémunération. Comme expliqué à la section 6.3.1, à titre d'exception à cette règle, le revenu imposable combiné peut, dans certaines situations exceptionnelles, augmenter et donner lieu à une double imposition, à savoir dans le cas d'une distribution de bénéfices lorsque la participation ne peut bénéficier de l'exonération des revenus de participations au titre de l'article 166 LIR.

(274)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017.

(275)  Dès que les actions de GSTM seront converties et annulées, puisque cela est également permis par les DFA en cause.

(276)  Voir arrêt dans les affaires jointes C-20/15 P et C-21/15 P, World Duty Free Group, ECLI:EU:C:2016:981, point 71.

(277)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, page 8.

(278)  Voir observations soumises par Engie sur la lettre du 11 décembre 2017, points 89, 93 et 94.

(279)  Arrêt dans les affaires jointes C-20/15 P et C-21/15 P, World Duty Free Group, ECLI:EU:C:2016:981, point 71.

(280)  Cette pratique est cohérente avec la position du Luxembourg selon laquelle les ZORA doivent être considérés comme des instruments ne constituant pas des participations (voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, réponse à la question 1 d).

(281)  Voir sections 2.2.3.7.1. et 2.2.4.6.1.

(282)  Voir section 2.2.3.7.2.

(283)  En cas de réduction de la valeur du ZORA due à des accrétions sur ZORA cumulées négatives, la charge comptabilisée par les prêteurs à la suite de la diminution de la valeur de leur créance devrait correspondre à un revenu comptabilisé par les filiales à la suite d'une réduction de leur passif.

(284)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, p. 8.

(285)  Article 22 bis, alinéa 2, point 1, LIR (soulignement ajouté par la Commission).

(286)  Article 22 bis, alinéa 4, LIR: «Dans le chef de l'associé, le prix et la date d'acquisition des titres reçus en échange correspondent au prix et à la date d'acquisition des titres donnés en échange.»

(287)  Circulaire du directeur des contributions directes LIR no 22 bis/1 du 27 novembre 2002.

(288)  Voir circulaire 22 bis: «la plus-value inhérente aux titres donnés en échange est transférée sur les titres nouvellement acquis et devient en principe imposable lors de la réalisation ultérieure de ces derniers» (soulignement ajouté par la Commission).

D'aucuns pourraient soutenir qu'une fois réalisés, les revenus seraient exonérés en application de l'exonération des revenus de participations au titre de l'article 166 LIR. Cet argument serait également incorrect. En fait, la circulaire 22 bis précise que, justement pour éviter le recours à l'article 22 bis LIR afin de contourner l'obligation de soumettre tous les revenus à l'impôt, ce régime ne peut être utilisé pour exonérer de manière permanente les plus-values qui à défaut de cette mesure auraient été imposables [voir circulaire 22 bis: «L'objectif de l'article 22 bis L.I.R consiste à déterminer les opérations d'échange de titres qui peuvent être réalisées dans la neutralité fiscale. L'article 22 bis L.I.R ne vise cependant pas à exempter de manière définitive des plus-values, qui à défaut de cette mesure auraient été imposables dans le chef du cédant, mais à reporter leur imposition dans le temps» (soulignement ajouté par la Commission)].

En tout état de cause, l'application de l'article 166 LIR à des recettes temporairement reportées grâce à l'application de l'article 22 bis LIR et correspondant à des montants déduits du revenu imposable de l'emprunteur constituerait un avantage sélectif selon le raisonnement développé par la Commission dans la section 6.2.

(289)  Arrêt dans les affaires jointes C-20/15 P et C-21/15 P, World Duty Free Group, ECLI:EU:C:2016:981, point 80.

(290)  Voir section 2.3.4.

(291)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, réponse à la question 2.a.

(292)  Note de service du directeur des contributions L.G./N.S. no 3 du 21 août 1989.

(293)  Voir note de service de 1989: «5. Des renseignements à l'effet de lier l'administration ne sont pas fournis dans les cas où la préoccupation d'obtenir un avantage fiscal est le souci primordial (p.ex. l'examen des schémas aux fins d'épargner des impôts dits «Steuersparmodelle», la fixation des limites pour échapper aux éléments constitutifs de la simulation ou de l'abus de droit)».

(294)  Étant donné que seul l'article 6 StAnpG définit l'abus de droit en droit luxembourgeois, cette disposition doit être appliquée dans le cadre de la note de service de 1989.

(295)  Les observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017 contiennent une description de ces quatre critères ainsi qu'une explication de la manière dont ils devraient être appliqués.

(296)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, réponse à la question 2.a.

(297)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, réponse à la question 2.a.

(298)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, réponse à la question 2.a.

(299)  Dans sa réponse à la lettre du 11 décembre 2017, le Luxembourg cite la décision du 1er août 2017 de la Cour administrative du Grand-Duché de Luxembourg, no 39009C du rôle: soit une voie permettant au contribuable «d'atteindre un objectif économique d'une manière telle que cette voie permet l'obtention d'un effet fiscal que le législateur ne peut pas être considéré comme ayant voulu accorder dans le cadre d'une application de la loi fiscale conforme à son intention».

(300)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, réponse à la question 2.a.

(301)  Le Luxembourg cite, dans sa lettre du 16 février 2016, la décision de la Cour administrative du Grand-Duché de Luxembourg no 35979C et no 35978C du rôle: «[i]l ne suffit pas que le contribuable fasse simplement état de motifs économiques pour que ceux-ci doivent nécessairement être admis comme valables, mais il faut que ces motifs puissent être considérés comme réels et présentent par eux-mêmes un avantage économique suffisant au-delà du seul bénéfice fiscal obtenu».

(302)  La Commission rappelle que, dans le cas d'un ZORA direct, les bénéfices sous-jacents devraient être soumis à l'impôt, ainsi qu'il est établi aux considérants 278 à 283.

(303)  Voir observations du Luxembourg concernant la décision d'ouverture, p. 16.

(304)  Voir considérant 34(1).

(305)  Voir considérant 61(1).

(306)  De même, la mise en œuvre précise des structures (voir notes de bas de page 35 et 90) montre que, dans les deux cas, les activités ont été transférées contre des billets à ordre adressés par les filiales aux sociétés holdings. Dès lors, les contrats à terme et les ZORA remplacent simplement le financement par les sociétés holdings qui étaient déjà en place.

(307)  Voir aussi communication sur la notion d'aide, point 174 c).

(308)  Arrêt dans l'affaire C-170/83, Hydrotherm, ECLI:EU:C:1984:271, point 11. Voir également arrêt dans l'affaire T-137/02, Pollmeier Malchow/Commission, ECLI:EU:T:2004:304, point 50.

(309)  Arrêt dans l'affaire C-480/09 P, Acea Electrabel Produzione SpA/Commission, ECLI:EU:C:2010:787, points 47 à 55; arrêt dans l'affaire C-222/04, Cassa di Risparmio di Firenze SpA e.a., EU:C:2006:8, point 112.

(310)  Voir, par analogie, arrêt dans l'affaire 323/82, Intermills, EU:C:1984:345, point 11. Voir aussi arrêt dans les affaires jointes C-182/03 et C-217/03, Belgique et Forum 187/Commission, ECLI:EU:C:2005:266, point 102: «c'est donc à bon droit que la Commission a estimé que les règles relatives à la détermination des revenus imposables constituaient un avantage pour les centres de coordination et les groupes auxquels ils appartiennent».

(311)  Règlement (UE) 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 portant modalités d'application de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (JO L 248 du 24.9.2015, p. 9).

(312)  Voir observations du Luxembourg concernant la lettre du 11 décembre 2017, page 3.

(313)  Voir observations soumises par Engie sur la lettre du 11 décembre 2017, points 98 à 102.

(314)  Arrêts dans l'affaire T-424/05, Italie/Commission, ECLI:EU:T:2009:49, point 69; et dans les affaires jointes T-231/06 et T-237/06, Pays-Bas et NOS/Commission, ECLI:EU:T:2010:525, point 50. Voir aussi arrêt dans l'affaire T-242/12, SNCF/Commission, ECLI:EU:T:2015:1003, points 345 à 367.

(315)  Voir considérant 113.

(316)  Voir décision d'ouverture, considérants 152, 156, 158 et 160.

(317)  Règlement (CE) no 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil portant modalités d'application de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (JO L 140 du 30.4.2004, p. 1)

(318)  Voir section 1 pour la procédure et section 2 pour les dates des décisions anticipatives et de l'octroi de l'aide.

(319)  Observations du Luxembourg concernant la décision d'ouverture, page 20.

(320)  Observations du Luxembourg concernant la décision d'ouverture, page 21.

(321)  Observations du Luxembourg concernant la décision d'ouverture, page 20.

(322)  Décision 2014/200/UE de la Commission du 17 juillet 2013 concernant l'aide d'État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l'Espagne — Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé «régime espagnol de leasing fiscal» (JO L 114 du 16.4.2014, p. 1).

(323)  Décision 2006/940/CE, considérants 102 à 113.

(324)  Décision 2003/755/CE du 17 février 2003 concernant le régime d'aides mis en œuvre par la Belgique en faveur des centres de coordination établis en Belgique (JO L 282 du 30.10.2003, p. 25), considérants 117 à 120.

(325)  Observations soumises par Engie sur la décision d'ouverture, point 336 à 339.

(326)  Observations soumises par Engie sur la décision d'ouverture, point 346 et 349.

(327)  Décision de la Commission 2007/256/CE du 20 décembre 2006 concernant le régime d'aide mis à exécution par la France au titre de l'article 39 CA du code général des impôts — Aide d'État C 46/2004 (ex NN 65/2004) (JO L 112 du 30.4.2007, p. 41).

(328)  Observations soumises par Engie sur la décision d'ouverture, point 354.

(329)  Observations du Luxembourg concernant la décision d'ouverture, page 21.

(330)  Observations soumises par Engie sur la décision d'ouverture, point 356.

(331)  Observations soumises par Engie sur la décision d'ouverture, point 323 à 333.

(332)  Voir arrêt dans l'affaire C-148/04, Unicredito Italiano SpA/Agenzia delle Entrate, ECLI:EU:C:2005:774, point 119.

(333)  Observations soumises par Engie sur la décision d'ouverture, point 334.

(334)  Arrêt dans l'affaire C-74/00, Falck et A. di Bolzano/Commission, ECLI:EU:C:2002:524, point 140.

(335)  Arrêt dans l'affaire C-408/04 P, Commission/Salzgitter, ECLI:EU:C:2008:236, points 100 à 107.

(336)  Voir arrêts dans les affaires jointes C-182/03 et C-217/03, Belgique et Forum 187 ASBL/Commission, ECLI:EU:C:2006:416, point 81; dans les affaires jointes C-106/09 P et C-107/09 P, Commission/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, EU:C:2011:732; et dans l'affaire C-417/10, 3M Italia, ECLI:EU:C:2012:184, point 25; et ordonnance dans l'affaire C-529/10, Safilo, EU:C:2012:188, point 18. Voir aussi arrêt dans l'affaire T-538/11, Belgique/Commission, ECLI:EU:T:2015:188, point 66.

(337)  Voir considérant 174.

(338)  Voir arrêts dans les affaires jointes C-182/03 et C-217/03, Belgique et Forum 187/Commission, ECLI:EU:C:2005:266, point 147; et dans l'affaire 265/85, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products Lopik/Commission, Rec. 1987, p. 1155, point 44.

(339)  Ibidem.

(340)  Voir, par exemple, arrêt dans l'affaire T-243/09, FEDECOM/Commission, ECLI:EU:T:2012:497, point 91 et la jurisprudence citée.

(341)  Voir arrêt dans les affaires jointes C-471/09 P à C-473/09 P, Territorio Histórico de Vizcaya — Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, ECLI:EU:C:2011:521, point 64: «Sur ce point, il convient de rappeler qu'un État membre, dont les autorités ont octroyé une aide en violation des règles de procédure prévues à l'article 88 CE, ne saurait, en principe, invoquer la confiance légitime des bénéficiaires pour se soustraire à l'obligation de prendre les mesures nécessaires en vue de l'exécution d'une décision de la Commission lui ordonnant de récupérer l'aide. Admettre une telle possibilité reviendrait, en effet, à priver les dispositions des articles 87 CE et 88 CE de tout effet utile, dans la mesure où les autorités nationales pourraient ainsi se fonder sur leur propre comportement illégal pour mettre en échec l'efficacité des décisions prises par la Commission en vertu de ces dispositions du traité CE». Pour un raisonnement similaire, voir aussi arrêts dans les affaires jointes C-465/09 à C-470/09, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, ECLI:EU:C:2011:372, point 150; et dans l'affaire C-372/97, Italie/Commission, ECLI:EU:C:2003:275, point 112.

(342)  Voir arrêt dans les affaires jointes C-471/09 P à C-473/09 P, Territorio Histórico de Vizcaya — Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, ECLI:EU:C:2011:521, point 68. Voir aussi arrêt dans l'affaire C-183/02 P, Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission, EU:C:2004:701, point 52.

(343)  Voir arrêt dans les affaires jointes C-471/09 P à C-473/09 P, Territorio Histórico de Vizcaya — Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, ECLI:EU:C:2011:521, point 76.

(344)  Voir arrêt dans l'affaire C-138/09, Todaro Nunziatina & C., ECLI:EU:C:2010:291, point 21.

(345)  Arrêt dans l'affaire 52/84, Commission/Belgique, ECLI:EU:C:1986:3, point 14. La jurisprudence mentionnée par Engie dans ses observations à l'appui de cet argument (notes de bas de page 168 à 170) est dépourvue de pertinence. Non seulement ces arrêts n'ont aucun lien avec des décisions de récupération d'aides d'État (ils portent sur la limitation des effets des arrêts de la Cour dans les demandes de décision préjudicielle) mais en outre, s'ils confirment une chose, c'est la position de la Commission selon laquelle la possibilité de limiter les effets d'un acte de l'Union est «tout à fait exceptionnelle» (voir arrêt dans les affaires jointes C-367/93 à C-377/93, Roders BV, ECLI:EU:C:1995:261, point 43).

(346)  Voir arrêt dans l'affaire C-148/04, Unicredito Italiano SpA/Agenzia delle Entrate, ECLI:EU:C:2005:774, point 119.

(347)  Observations soumises par Engie sur la décision d'ouverture, points 358 à 367.

(348)  Arrêt dans l'affaire C-194/09 P, Alcoa Trasformazioni/Commission, ECLI:EU:C:2011:497, point 102.

(349)  Observations soumises par Engie sur la décision d'ouverture, points 368 à 372.

(350)  Arrêt dans l'affaire T-214/95, Het Vlaamse Gewest (Région flamande)/Commission, ECLI:EU:T:1998:77, point 54.

(351)  Même si le contexte est celui d'une «impossibilité de récupérer» et non d'une «difficulté à fixer le montant de l'aide».

(352)  Voir arrêt dans l'affaire C-441/06, Commission/France, ECLI:EU:C:2007:616, point 29 et la jurisprudence citée.

(353)  Voir arrêt dans les affaires jointes T-427/04 et T-17/05, France et France Télécom/Commission, ECLI:EU:T:2009:474, point 297.

(354)  Voir arrêt dans les affaires jointes T-427/04 et T-17/05, France et France Télécom/Commission, ECLI:EU:T:2009:474, point 299.

(355)  Voir, en particulier, considérants 157, 192 et 241.

(356)  La date des états financiers de GSTM les plus récents soumis par le Luxembourg.

(357)  À cet égard, la qualification de ces revenus dans les comptes sociaux ou dans les déclarations fiscales de LNG Holding en tant que «plus-values», «dividendes» ou autre n'est pas pertinente.

(358)  Voir considérant 57.

(359)  Également auprès de GSTM si un montant d'aide s'était matérialisé à la date de publication de la présente décision.

(360)  Voir considérants 34 et 61.

(361)  Cela signifie, en pratique, que le Luxembourg ne doit émettre aucun avis d'imposition pour LNG Holding et CEF dans lequel il accepte l'exonération des revenus de participations dans ces conditions.

(362)  Il s'agit des nouveaux noms des sociétés concernées: voir notes de bas de page 4, 5, 16 et 20.


20.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 78/63


DÉCISION (UE) 2019/422 DE LA COMMISSION

du 20 septembre 2018

concernant l'aide d'État SA 36112 (2016/C) (ex 2015/NN) mise à exécution par l'Italie en faveur de l'autorité portuaire de Naples et de Cantieri del Mediterraneo SpA

[notifiée sous le numéro C(2018) 6037]

(Le texte en langue italienne est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations conformément aux dispositions précitées (1), et vu ces observations,

considérant ce qui suit:

1.   PROCÉDURE

(1)

En mars 2006, la Commission a transmis aux autorités italiennes une demande de renseignements sur une aide d'État présumée en faveur de Cantieri del Mediterraneo SpA (CAMED) octroyée pour des travaux de rénovation programmés sur une cale sèche (cale sèche no 3) située dans le port de Naples. Les autorités italiennes ont répondu le 3 avril 2006. La Commission n'a pas agi et n'a pas ouvert d'enquête à la suite des commentaires de l'Italie et les services de la Commission ont clos le dossier en interne, considérant que le financement ne constituait pas une aide d'État. L'Italie n'a jamais notifié formellement les mesures en question à la Commission.

(2)

Le 21 janvier 2013, une entreprise de réparation navale active dans le port de Naples s'est dite préoccupée par le fait que les autorités italiennes avaient accordé des fonds à trois projets d'investissement, qui auraient été réalisés entre 2006 et 2014, concernant des travaux de rénovation sur les trois cales sèches gérées par CAMED dans le cadre d'une concession. L'affaire a été enregistrée sous le numéro SA.36112 (2013/CP) — Aide présumée en faveur de Cantieri del Mediterraneo. Le 27 juin 2013, le plaignant a transmis à la Commission des renseignements complémentaires.

(3)

Entre le 28 février 2013 et le 12 juin 2013, la Commission a demandé des renseignements aux autorités italiennes à la lumière des affirmations du plaignant.

(4)

Le 21 octobre 2013, les services de la Commission ont transmis au plaignant leurs conclusions préliminaires sur l'aide d'État présumée accordée à CAMED et l'ont informé que, d'après les informations disponibles à cette date, les mesures contestées ne semblaient pas constituer des aides au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE, puisqu'il n'apparaissait pas que CAMED aurait bénéficié d'avantages. Les services de la Commission ont expliqué qu'à ce stade, aucun élément ne permettait de conclure que des aides au fonctionnement auraient été accordées à l'opérateur, dans la mesure où il n'apparaissait pas que CAMED aurait été libérée des coûts qu'elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales.

(5)

Entre le 19 novembre 2013 et le 10 février 2015, le plaignant a transmis des renseignements complémentaires et a exprimé en particulier sa crainte que les mesures ne constituent des aides illégales à l'investissement en faveur de l'autorité portuaire de Naples et des aides illégales au fonctionnement en faveur de CAMED. Les 17 juin 2014, 14 novembre 2014 et 12 mars 2015, les services de la Commission ont demandé aux autorités italiennes des renseignements complémentaires. Ces dernières ont répondu les 1er août 2014, 3 et 29 septembre 2014, 11 février 2015 et 10 juin 2015. Étant donné que, d'après les informations disponibles, les fonds publics avaient déjà été accordés, le 4 juin 2015, les services de la Commission ont fait savoir aux autorités italiennes que les mesures allaient être enregistrées en tant qu'aides illégales (2015/NN) — Aides à l'investissement en faveur de l'autorité portuaire de Naples et de Cantieri del Mediterraneo SpA et que les règles de procédure applicables étaient celles définies au chapitre III du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil (2).

(6)

Le 21 septembre 2015, les services de la Commission ont rencontré les autorités italiennes et, le 7 octobre 2015, ils ont présenté une demande de renseignements complémentaires à laquelle les autorités italiennes ont répondu le 9 novembre 2015. Le 11 novembre 2015, les services de la Commission ont rencontré le plaignant.

(7)

Par lettre du 28 juin 2016, la Commission a notifié aux autorités italiennes sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 108, paragraphe 2, du TFUE concernant les mesures d'aide.

(8)

La décision de la Commission d'ouvrir la procédure (ci-après la «décision d'ouvrir la procédure») a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (3) le 7 octobre 2016. La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations au sujet de cette mesure d'aide.

(9)

La Commission a reçu les observations de deux parties intéressées: CAMED et le plaignant. Elle a transmis ces observations aux autorités italiennes et a donné à ces dernières la possibilité de faire connaître leur point de vue sur la question, ce qu'elles ont fait en envoyant quelques observations par courrier le 12 janvier 2017.

(10)

La Commission a demandé aux autorités italiennes des compléments d'information les 9 et 16 novembre 2017 et lesdites autorités ont répondu le 24 novembre 2017.

2.   DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L'AIDE

2.1.   Contexte et bénéficiaires de l'aide

(11)

Le port de Naples est situé dans la région de Campanie et est géré par l'autorité portuaire de Naples.

(12)

Il existe dans le port de Naples trois cales sèches appartenant à l'État (cales sèches nos 1, 2 et 3) et deux docks flottants appartenant à deux opérateurs privés (cales nos 5 et 6).

(13)

Les cales nos 1, 2 et 3 sont utilisées par CAMED pour exercer des activités de réparation navale et, en principe, par toute autre entreprise de réparation navale, conformément au «règlement relatif à l'exploitation des cales sèches dans le port de Naples» (4), adopté en 2002 et modifié ultérieurement (ci-après le «règlement de 2002») (5). Selon les autorités italiennes, tous les utilisateurs concernés (d'autres entreprises de réparation navale, par exemple) doivent avoir accès à toutes les cales sèches du port de Naples sur la base de certaines règles objectives et prédéfinies.

(14)

Les autorités italiennes ont expliqué que, depuis que le groupe Fincantieri — l'un des plus grands opérateurs du secteur de la construction navale, à l'époque — avait décidé de quitter le port de Naples, à la fin du siècle passé, les cales se trouvaient dans un état de délabrement important. À cette époque, CAMED (6) exerçait des activités de réparation navale dans le port dans le cadre d'une concession domaniale dont la validité allait de 1909 à 2008. Selon les autorités italiennes, CAMED a accepté d'investir dans la zone à condition que l'autorité portuaire de Naples entreprenne une série d'investissements structurels dans les cales sèches nos 1, 2 et 3. À la suite d'une demande présentée par CAMED à l'autorité portuaire de Naples en 1999, cette dernière a accepté d'effectuer des travaux de modernisation sur la cale sèche no 3 pour l'adapter à l'utilisation prévue (ci-après l'«accord de 2001») (7).

(15)

En 2001, CAMED a demandé à l'autorité portuaire de Naples l'autorisation d'effectuer une série de travaux sur les cales en échange du renouvellement de la concession domaniale existante pour 40 ans. En réponse à la demande de CAMED, l'autorité portuaire de Naples a lancé la procédure administrative prévue par la loi italienne pour l'attribution d'un contrat de concession domaniale (8) en publiant dans le registre communal et dans son propre registre, pour une durée de 20 jours (du 18 janvier 2002 au 6 février 2002), la demande de CAMED relative à la concession domaniale accompagnée du plan industriel. Les parties intéressées ont été invitées à présenter leurs observations ou contrepropositions. La procédure prévoit que, en cas d'opposition ou de plainte, la décision relative à l'attribution de la concession incombe au ministre compétent.

(16)

La publication de la demande de CAMED n'ayant donné lieu à aucune observation, l'autorité portuaire de Naples a délivré à CAMED l'acte de concession domaniale no 125 du 29 juillet 2004 (ci-après la «concession de 2004») pour la gestion et l'utilisation des trois cales sèches, assorti de l'obligation d'en autoriser l'accès à tous les utilisateurs concernés (les autres entreprises de réparation navale), conformément au règlement de 2002. CAMED a accepté de résilier la concession domaniale précédente datant de 1909. En vertu de la concession de 2004, CAMED est autorisée à gérer et à utiliser les cales sèches pendant 30 ans, au lieu des 40 demandés, à compter du 28 juillet 2003 moyennant le paiement d'une redevance domaniale annuelle calculée sur la base de paramètres légaux fixes (EUR/m2) et indexée chaque année sur l'inflation, en application du décret ministériel du 15 novembre 1995. Le tableau 1 montre la redevance domaniale payée entre 2004 et 2017.

Tableau 1

Redevance de concession

(en EUR)

Année

Redevance de concession annuelle

2004

124 117

2005

103 300

2006

139 900

2007

147 800

2008

146 341

2009

154 392

2010

149 148

2011

153 321

2012

159 071

2013

143 671

2014

142 178

2015

132 664

2016

133 658

2017

133 257

(17)

En vertu de l'article 1er de la concession de 2004, la durée de la concession permet d'amortir les investissements déjà réalisés ainsi que les investissements à venir dans le cadre des travaux prévus dans le nouveau programme d'investissement de CAMED, d'un montant total de 24 millions d'EUR (47,662 milliards de lires italiennes) (9). Conformément à la concession de 2004, CAMED a également versé une caution de 275 000 EUR en garantie du respect des obligations qui sont les siennes en vertu de l'acte de concession.

(18)

Conformément à l'article 3 de la concession de 2004, l'autorité portuaire de Naples s'est engagée à effectuer, pour 2006 au plus tard, certains travaux structurels dans la zone gérée par CAMED au titre de la concession, en particulier: i) l'adaptation de la station de pompage des cales sèches nos 1 et 2; ii) la construction de nouvelles portes flottantes agréées pour les cales sèches nos 1, 2 et 3; iii) la rénovation des revêtements et de la platée de la cale sèche no 2; iv) la rénovation structurelle des quais et des revêtements des quais adjacents à la cale sèche no 2 et du quai no 33/b.

(19)

Après la décision d'ouvrir la procédure, les autorités italiennes ont expliqué que CAMED avait procédé à des investissements pour un montant de 24 610 420 EUR au titre de la concession de 2004 et à des investissements supplémentaires de 17 931 075 EUR jusqu'en 2016.

2.2.   Plainte déposée par le plaignant contre une aide d'État

(20)

Dans le premier document qu'il a présenté, le plaignant a affirmé que CAMED avait bénéficié d'une aide de deux manières: i) en tant que gestionnaire des cales sèches, grâce à la réduction des coûts de rénovation (aides au fonctionnement); et ii) en tant qu'utilisateur final de l'infrastructure (autrement dit, en tant qu'opérateur dans le cadre de la réparation navale), dans la mesure où cette infrastructure, qui devrait, en principe, être accessible à tous les utilisateurs commerciaux sans discrimination, n'a en fait été utilisée que par CAMED. La plainte faisait également état de comportements abusifs qui n'entrent toutefois pas en ligne de compte aux fins de la présente décision et à propos desquels le plaignant est le destinataire d'une décision distincte adoptée le 24 juillet 2014.

(21)

Selon le plaignant, CAMED aurait tiré un avantage de l'exécution des travaux suivants (ci-après les «travaux»):

1)

lot de travaux no 1: rénovation structurelle de certaines parties de la cale sèche no 3 (montant de l'aide: 12 928 537 EUR);

2)

lot de travaux no 2: adaptation de la station de pompage des cales sèches nos 1 et 2 et renouvellement des revêtements des quais adjacents à la cale sèche no 2 (montant de l'aide: 23 170 000 EUR);

3)

lot de travaux no 3: réparation et renforcement du quai intérieur de la cale sèche no 3 (jetée Cesario Console) (montant de l'aide: 13 000 000 EUR).

(22)

Par le mémoire complémentaire du 19 novembre 2013, le plaignant a élargi l'objet de sa plainte en soutenant que les travaux comportaient une aide d'État en faveur de l'autorité portuaire de Naples, suivant ainsi la pratique établie par la Commission (10). D'après lui, même le concessionnaire (CAMED) aurait bénéficié de l'aide dans la mesure où la concession n'a pas été octroyée au moyen d'un appel d'offres ouvert, transparent et non discriminatoire. Le plaignant a également souligné qu'aucun élément de preuve n'indique que la redevance de concession payée par CAMED serait de nature à exclure d'éventuels avantages. Selon lui, la méthode prévue dans la législation nationale pour fixer la redevance de concession (voir considérant 16) ne permet pas de refléter la hausse de la valeur de l'infrastructure après d'éventuels travaux, puisqu'il s'agit d'un montant fixe en EUR/m2.

(23)

Le 1er octobre 2015, le plaignant a également présenté une liste de décisions prises par l'autorité portuaire de Naples (décisions nos 308/2015, 181/2015, 233/2015, 277/2015, 279/2015, 281/2015, 293/2015, 302/2015) concernant des travaux à effectuer sur les cales sèches, pour démontrer la violation de l'obligation de suspension de l'aide.

2.3.   Observations de l'Italie sur la mesure d'aide d'État présumée/financement du projet d'investissement et base juridique

(24)

Avant que la décision d'ouvrir la procédure soit adoptée, les autorités italiennes ont expliqué que seule une partie des travaux prévus de réparation et de renforcement de la cale sèche no 3 avait été achevée en 2006, au terme d'une procédure de marché public (lot de travaux no 1), tandis que les travaux prévus dans le cadre des lots nos 2 et 3 n'avaient pas été achevés. Seule une partie du projet qui avait été convenu avec CAMED en vertu de l'accord de 2001 et de la concession de 2004 a été exécutée intégralement.

(25)

Selon les autorités italiennes, l'autorité portuaire de Naples avait obtenu le droit légal de recevoir des financements dès 1998, en application de l'article 9 de la loi no 413/1998 qui prévoit que le ministère des infrastructures et des transports (Ministero delle Infrastrutture e dei trasporti, ci-après le «ministère») adopte un programme d'investissements pour les ports à la demande des autorités portuaires (11). Le programme d'investissements a été adopté au moyen de deux décrets promulgués par le ministère et a subi des modifications ultérieures. Le premier décret du 27 octobre 1999 (12) (le «décret ministériel du 27 octobre 1999») répertorie 20 ports bénéficiaires d'un financement national, tandis que le deuxième décret (13) (le «décret ministériel du 2 mai 2001») porte ce nombre à 25. En vertu de ces décrets, les autorités portuaires ont le droit d'emprunter ou d'effectuer d'autres opérations financières pour un montant total de 100 milliards de lires italiennes (environ 51 millions d'EUR). Le ministère se charge de rembourser directement les établissements financiers chaque année (14). L'Italie affirme donc que les mesures en faveur de l'autorité portuaire de Naples ont été prises en 1998 en application de la loi no 413/1998.

(26)

Après l'adoption de la décision d'ouvrir la procédure, les autorités italiennes ont apporté d'autres précisions sur les montants des investissements de l'État italien et de l'autorité portuaire de Naples.

Lot de travaux no 1

(27)

Les autorités italiennes ont indiqué que les travaux relatifs au lot no 1 avaient débuté le 21 octobre 2002 et s'étaient achevés le 24 janvier 2006. Au moment de l'adoption de la présente décision, les dépenses engagées pour ces travaux s'élevaient à 12 859 854,50 EUR.

Lot de travaux no 2

(28)

Le lot de travaux no 2 a reçu un cofinancement du ministère d'un montant de 14 971 621,41 EUR. Le montant de 5 498 378,59 EUR, qui doit être en partie avancé par l'autorité portuaire de Naples et ensuite remboursé au moyen de subventions en espèces du ministère, n'a toutefois pas encore été décaissé par le ministère.

(29)

Pour le lot no 2, l'autorité portuaire de Naples a fourni des montants de 2 700 000 EUR (décision 89/2016 du 22 mars 2016) et de 5 830 000 EUR (décision 175/2017 du 31 mai 2017) sur ses ressources propres.

(30)

Les travaux relatifs au lot no 2 ont débuté le 5 novembre 2012 et ne sont pas encore achevés. Les dépenses engagées au moment de l'adoption de la présente décision s'élèvent à 11 192 515,79 EUR. Les dépenses globales relatives à ce lot sont estimées à 29 000 000 EUR.

Lot de travaux no 3

(31)

Enfin, le troisième lot de travaux est financé en partie sur les ressources propres de l'autorité portuaire de Naples (5 091 000 EUR, décision 356/2014 du 24 décembre 2014).

(32)

En décembre 2017, les travaux relatifs au lot no 3 n'avaient pas encore débuté (les travaux ont été attribués le 19 juillet 2017) et les dépenses engagées s'élevaient à 6 880,50 EUR. Les dépenses globales relatives à ce lot sont estimées à 15 900 000 EUR.

(33)

Le coût total du projet d'investissement (c'est-à-dire, des trois lots de travaux) s'élève à 57 759 874,5 EUR et est divisé en trois parties, comme le montre le tableau 2.

Tableau 2

Investissements publics programmés

Lot de travaux

Montants

Décaissement

Date de paiement

Coût de l'investissement programmé

1.

Rénovation structurelle de certaines parties de la cale sèche no 3

9 760 629,57

Oui

8.1.2003

21.12.2004

14.7.2005

26.10.2005

12.12.2011

12 859 854,50

3 099 224,93

Oui

31.12.2002

26.4.2004

19.4.2005

6.10.2005

24.4.2006

2.

Adaptation de la station de pompage des cales sèches nos 1 et 2 et renouvellement des murs de la jetée adjacents à la cale sèche no 2

8 300 000,00

Oui

4.8.2006

27.12.2006

29.12.2006

29 000 000,00

6 671 621,41

Oui

1.9.2011

22.3.2013

17.12.2014

2 700 000,00 (contribution de l'autorité portuaire de Naples)

Oui

23.3.2016

5 498 378,59 (montant qui doit être avancé par l'autorité portuaire de Naples et remboursé par l'État italien)

Non

s.o.

5 830 000,00

(contribution de l'autorité portuaire de Naples)

Oui

31.5.2017

3.

Réparation et renforcement de la jetée intérieure de la cale sèche no 3

10 809 000,00

Oui

18.11.2014

15 900 000

5 091 000,00 (contribution de l'autorité portuaire de Naples)

Oui

24.12.2014

Financement global de l'autorité portuaire de Naples

13 621 000,00

Financement global de l'État italien

44 138 854,50

Total

57 759 854,50

(34)

Compte tenu de ce qui précède, les fonds déjà accordés ou engagés par l'État italien pour ce projet s'élèvent à 44 138 854,50 EUR sous la forme essentiellement d'un remboursement direct des emprunts contractés par l'autorité portuaire de Naples par le ministère aux établissements financiers et de subventions directes à de l'autorité portuaire de Naples, à prélever sur le budget national italien. Les autorités italiennes ont expliqué que le montant restant de 13 621 000 EUR (dont 2 700 000 EUR et 5 830 000 EUR pour le lot de travaux no 2 et 5 091 000 EUR pour le lot de travaux no 3) a été fourni par l'autorité portuaire de Naples sur ses ressources propres provenant de l'exercice de son activité économique de gestion du port.

2.4.   Raisons ayant conduit à l'ouverture de la procédure formelle d'examen

(35)

Le 28 juin 2016, la Commission a adopté la décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen concernant les mesures en cause afin de lever les doutes sur la nature de ces mesures, à savoir si elles constituent une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE, et sur leur compatibilité avec le marché intérieur.

2.4.1.   Doutes sur l'existence d'une aide en faveur de l'autorité portuaire de Naples

(36)

Dans la décision d'ouvrir la procédure, la Commission a estimé, à titre préliminaire, que la mesure constituait une aide au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE, étant donné que l'autorité portuaire de Naples a reçu des ressources d'État pour moderniser les infrastructures de réparation navale dont elle assure la gestion. L'autorité portuaire de Naples peut être considérée comme une entreprise, puisqu'elle exerce une activité économique pour le compte du propriétaire, en l'occurrence l'État italien. Par conséquent, le transfert pourrait être assimilé à un transfert de ressources d'État et est imputable à l'État.

(37)

En outre, conformément à la décision d'ouvrir la procédure, les fonds publics semblent procurer un avantage sélectif à l'autorité portuaire de Naples. La Commission soulève des doutes quant au fait que l'autorité portuaire de Naples soit chargée d'exécuter des obligations de service public (OSP), obligations qui doivent être définies de manière claire et respecter les quatre conditions cumulatives de l'arrêt Altmark. Le service fourni par l'autorité portuaire de Naples (la location d'infrastructures de réparation navale contre rémunération) ne présente aucun caractère spécifique par rapport aux autres activités économiques. La Commission a soulevé des doutes quant au fait que: i) l'autorité portuaire de Naples a effectivement été chargée d'exécuter des OSP et que ces obligations ont été clairement définies; ii) les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation ont été préalablement établis de façon objective et transparente; iii) la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l'exécution des OSP, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations, iv) l'opérateur a été sélectionné dans le cadre d'une procédure de marché public et que les coûts des OSP sont limités à ceux d'une entreprise moyenne (bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises).

(38)

La Commission a estimé, à titre préliminaire, que le projet d'investissement permettait à l'autorité portuaire de Naples de poursuivre l'activité économique de location des cales sèches, un secteur économique ouvert à la concurrence et aux échanges commerciaux dans l'Union européenne, et que la mesure pouvait fausser la concurrence et affecter les échanges au sein de l'Union.

(39)

Dans la décision d'ouvrir la procédure, la Commission a estimé que le fait de considérer les mesures comme une aide d'État ne constituait pas une violation de l'article 345 du TFUE, qui consacre le principe de neutralité à l'égard des autorités publiques et des personnes privées. La Commission a estimé, à titre préliminaire, que le fait de considérer les mesures comme des aides d'État ne semblait pas entraîner de discrimination à l'égard des propriétaires publics, puisque les propriétaires privés actifs dans le même secteur doivent eux aussi préparer un plan d'affaires ex ante et réaliser l'investissement seulement s'il ressort de ce plan que l'opération est rentable. Dans le cas contraire, les propriétaires tant publics que privés seraient susceptibles de recevoir une aide compatible avec le marché intérieur si toutes les conditions visées dans les règles applicables aux aides d'État dans le secteur de la construction navale sont remplies.

(40)

En outre, dans la décision d'ouvrir la procédure, la Commission a considéré, à titre préliminaire, que les mesures en cause ne pouvaient constituer une aide existante au sens de l'article 1er, point b), du règlement (UE) 2015/1589 (ci-après le «règlement de procédure»), étant donné que le soutien de l'État aux infrastructures de construction et de réparation de navires a toujours été considéré comme une aide d'État, même avant l'arrêt Leipzig Halle.

2.4.2.   Doutes sur l'existence d'une aide en faveur de CAMED

(41)

En ce qui concerne l'aide éventuelle en faveur de CAMED, la Commission a fait observer dans la décision d'ouvrir la procédure que les aides publiques octroyées à l'autorité portuaire de Naples avaient en partie libéré cette dernière des coûts d'investissement que tout autre propriétaire privé d'infrastructures de réparation navale sur le marché aurait dû supporter intégralement et ont donc permis d'imposer des redevances réduites à CAMED.

(42)

Les mesures en cause sont imputables à l'État (puisqu'elles sont octroyées par l'autorité portuaire de Naples, un organisme du secteur public qui appartient à l'administration publique même s'il est doté de l'autonomie juridique dont jouissent d'autres autorités publiques). En outre, dans la décision d'ouvrir la procédure, la Commission a souligné que, en mettant les cales sèches à disposition de CAMED à un prix susceptible d'être inférieur au taux du marché, l'autorité portuaire de Naples pourrait avoir renoncé à des ressources d'État.

(43)

En l'absence d'appel d'offres et dans la mesure où la redevance domaniale payée par CAMED à l'autorité portuaire est calculée sur la base de paramètres juridiques fixes, la Commission a estimé, à titre préliminaire, que les dispositions contractuelles entre l'autorité portuaire de Naples et CAMED étaient susceptibles de conférer à cette dernière un avantage économique éventuel supérieur aux conditions normales du marché en fournissant des cales sèches rénovées à un prix potentiellement inférieur au taux du marché. En outre, même s'il pouvait être admis que CAMED a effectué certains investissements en échange de l'achèvement des travaux, rien n'indique que le montant des investissements effectués par CAMED pour l'autorité portuaire de Naples, en même temps que la redevance domaniale, corresponde à la valeur des travaux effectués par l'autorité portuaire de Naples pour CAMED. Pour cette raison, la Commission a invité les autorités italiennes et les autres parties intéressées à présenter leurs observations sur ces conclusions préliminaires.

(44)

Dans la décision d'ouvrir la procédure, la Commission a soulevé des doutes quant au fait que les mesures en faveur de CAMED respectent les quatre conditions cumulatives de l'arrêt Altmark.

(45)

La Commission a également fait observer que les mesures étaient susceptibles de fausser la concurrence et d'affecter les échanges au sein de l'Union.

2.4.3.   Doutes sur la compatibilité de l'aide avec le marché intérieur

(46)

En ce qui concerne la compatibilité de la mesure avec le marché intérieur, la Commission a considéré, à titre préliminaire, que les cales sèches ne sont pas des infrastructures de transport, mais des moyens de production pour les chantiers navals, dès lors qu'elles sont utilisées pour les activités de construction et de réparation de navires et non à des fins de transport. Par conséquent, l'aide n'a pas pu être appréciée directement au regard de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE en tant qu'aide à l'investissement en faveur d'infrastructures de transport.

2.4.3.1.   Compatibilité de l'aide en faveur de l'autorité portuaire de Naples

(47)

La Commission a soulevé des doutes quant à la compatibilité de l'aide en faveur de l'autorité portuaire de Naples au sens de l'encadrement SIEG de 2011 et des règles applicables en matière d'aides d'État dans le secteur de la construction navale en vigueur au moment de l'octroi de chaque mesure. Dans la décision d'ouvrir la procédure, la Commission a considéré, à titre préliminaire, que l'octroi des différentes mesures était intervenu au moment où l'investissement avait été ajouté au programme d'investissements à préparer à la demande des autorités portuaires. La Commission a estimé que les informations à ce sujet étaient insuffisantes et a invité l'Italie à transmettre les dates d'octroi pertinentes pour chaque mesure/lot de travaux.

(48)

La Commission a toutefois soulevé des doutes quant à la pleine conformité des mesures, étant donné que les intensités d'aide semblent dépasser les intensités d'aide maximales autorisées pour les aides à l'investissement à finalité régionale en faveur d'infrastructures de réparation navale en vertu des trois encadrements successifs des aides d'État à la construction navale, indépendamment de la date précise d'octroi de chaque mesure et selon les bases de compatibilité suivantes applicables aux aides à la construction navale:

le règlement (CE) no 1540/98 du Conseil (15),

l'encadrement des aides d'État à la construction navale de 2004, initialement applicable du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, puis prorogé une première fois jusqu'au 31 décembre 2008 et une deuxième fois jusqu'au 31 décembre 2011 (16),

l'encadrement des aides d'État à la construction navale (17) de 2011 applicable aux aides non notifiées accordées après le 31 décembre 2011. L'application de cet encadrement a été prorogée jusqu'au 30 juin 2014 (18),

les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale pour la période 2014-2020 applicables à compter du 1er juillet 2014 (19).

(49)

Étant donné que les autorités italiennes n'ont pas fourni les informations nécessaires pour déterminer une date d'octroi claire et à défaut d'avoir pu reconnaître la base juridique correcte, la Commission n'a pas été en mesure de procéder à une évaluation complète de la compatibilité avec le marché intérieur. Dans la décision d'ouvrir la procédure, la Commission a fait observer qu'il ne pouvait être exclu qu'une partie au moins des mesures pouvait être déclarée compatible avec le marché intérieur au titre des règles applicables en matière d'aides d'État et a invité les autorités italiennes à fournir une analyse de la compatibilité de chaque mesure.

2.4.3.2.   Compatibilité de l'aide en faveur de CAMED

(50)

La Commission a soulevé des doutes quant à la compatibilité des mesures au regard de l'encadrement SIEG de 2011 en ce qui concerne l'aide présumée en faveur de CAMED.

(51)

Toutefois, la Commission n'ayant pu tout à fait exclure qu'une partie au moins des mesures en faveur de l'autorité portuaire de Naples pouvait être déclarée compatible avec le marché intérieur, au moins en partie, au titre des règles applicables en matière d'aides d'État en vigueur dans le secteur de la construction navale au moment de l'octroi des mesures, il n'est pas impossible que cette évaluation puisse également influencer l'évaluation de la compatibilité de l'aide en faveur de CAMED. La Commission a invité les autorités italiennes à fournir une analyse de la compatibilité de chaque mesure (concernant CAMED) au titre de la loi applicable, en fonction des dates d'octroi de chaque mesure.

3.   OBSERVATIONS DES AUTORITÉS ITALIENNES

3.1.   Observations concernant la décision d'ouvrir la procédure

(52)

Selon les autorités italiennes, la décision d'ouvrir la procédure est une violation manifeste des sources primaires du droit de l'Union et des principes généraux de bonne administration, de sécurité juridique, de confiance légitime et de protection juridictionnelle effective. L'Italie affirme que, quelle que soit la décision de la Commission, elle révoquerait une décision de classement précédente adoptée par la Commission en 2006 (20).

(53)

L'Italie affirme également que la clôture d'une procédure dans un délai raisonnable constitue un principe général du droit de l'Union (21), qui exclut toute possibilité pour la Commission de prolonger, à sa discrétion, la durée de la phase d'enquête préliminaire ouverte après réception d'une plainte relative à des aides non notifiées présumées, à moins que cette mesure soit illégale (22). Selon les autorités italiennes, ce n'est pas le cas de l'affaire en cause.

(54)

Les autorités italiennes renvoient à l'article 16, paragraphe 1, du règlement de procédure, qui dispose que la Commission n'exige pas la récupération de l'aide si, ce faisant, elle allait à l'encontre d'un principe général du droit de l'Union.

3.1.1.   Sur l'existence d'une aide en faveur de l'autorité portuaire de Naples

(55)

En ce qui concerne l'existence d'une aide en faveur de l'autorité portuaire de Naples, l'Italie a expliqué que les autorités portuaires ne sont pas des entreprises, mais des organismes publics non économiques de droit public (voir, par exemple, la loi no 84/1994 qui est la loi-cadre italienne relative aux ports) (23). Les autorités portuaires nationales ne jouissent d'aucune autonomie administrative, organisationnelle, réglementaire, budgétaire et financière. L'État italien a confié aux autorités portuaires la mission institutionnelle de remplir, en son nom et dans le seul intérêt public, les fonctions d'administrateur, de régulateur et de contrôleur des ports italiens. Les autorités portuaires n'exploitent donc pas commercialement les biens domaniaux qui sont la propriété de l'État, mais se contentent de les administrer, conformément à la mission qui est la leur.

(56)

Les autorités italiennes affirment que les autorités portuaires n'offrent ni biens ni services sur les marchés et n'exercent donc aucune activité économique. En effet, l'article 6 de la loi no 84/1994 interdit aux autorités portuaires d'exercer, directement ou indirectement, une activité économique quelle qu'elle soit (24). En outre, l'administration des ports italiens est une activité légalement réservée aux autorités portuaires compétentes territorialement. Dès lors, selon les autorités italiennes, lorsqu'elles remplissent leur mission institutionnelle d'administration des ports italiens, les autorités portuaires n'agissent sur aucun marché concurrentiel, étant donné: i) que nul autre ne peut exercer cette activité et ii) qu'il leur est interdit d'exercer des activités économiques dans des secteurs ouverts à la concurrence.

(57)

Selon les autorités italiennes, la redevance domaniale ne représente pas la rémunération due pour la prestation de services économiques, mais la contrepartie pour l'occupation d'espaces relevant exclusivement du domaine public. L'encaissement de la redevance au nom de l'État relève du mandat institutionnel confié aux autorités portuaires.

(58)

Selon les autorités italiennes, seules des redevances commerciales, qui peuvent être fixées en toute autonomie par les autorités portuaires et calculées selon les taux du marché, permettraient de prêter un caractère économique à l'activité (25). Or, dans l'affaire en cause, la redevance est fixée par le décret ministériel no 595/1995 sur la base de paramètres juridiques fixes liés à la superficie de l'espace domanial donné en concession et appliqués par toutes les autorités portuaires italiennes à toutes les concessions et à tous les concessionnaires, quelle que soit l'utilisation que ces derniers veulent faire de l'espace et indépendamment des pertes et profits éventuels. La redevance fait donc partie de la charge fiscale globale supportée par les entreprises actives dans les zones domaniales qui sont la propriété de l'État, pas seulement dans le secteur de la construction navale. En outre, les autorités italiennes font observer que la redevance ne peut être fixée en fonction des prix du marché, puisqu'il n'existe aucun marché relatif à la propriété et/ou à l'administration de biens publics.

(59)

L'Italie a également précisé que la mesure n'était pas sélective, puisque les travaux effectués sur les cales sèches du port de Naples représentent un des innombrables investissements de l'État italien en faveur de biens lui appartenant, pas seulement dans les ports. L'État italien finance l'entretien extraordinaire d'une grande variété de biens du domaine public, parmi lesquels (conformément au code de la navigation et au code civil) les ports italiens et leurs infrastructures (donc, les cales en maçonnerie).

(60)

En outre, les fonds publics pour des travaux d'agrandissement, de modernisation et de rénovation des ports, affectés en vertu de la loi no 413/1998 (et refinancés en application des lois no 388/2000 et no 166/2002) ont été mis à la disposition de toutes les autorités portuaires italiennes (26). L'entretien extraordinaire des cales sèches nos 1, 2 et 3 ne résulte pas d'une décision d'investissement ad hoc, mais constitue plutôt un transfert de fonds internes de l'administration publique, conformément à la réglementation italienne qui dispose que l'État est propriétaire des ports et responsable de leur administration. Les autorités italiennes soutiennent que la Commission ne peut mettre en cause, au sens de l'article 107 du TFUE, des mesures qui ne sont pas sélectives, mais générales et qui résultent des choix de politique économique et industrielle opérés par les différents États membres.

(61)

En ce qui concerne l'éventuel avantage économique conféré à l'autorité portuaire de Naples, les autorités italiennes estiment que, au sens de la loi no 84/1994 et de la loi no 112/1998 (27), le propriétaire — en l'occurrence, l'État italien — supporte seul la charge économique attachée à la réalisation de travaux de rénovation extraordinaires. Par conséquent, les fonds publics accordés pour couvrir les coûts de l'entretien extraordinaire ne dispensent l'autorité portuaire d'aucune charge et ne lui confèrent aucun avantage.

(62)

En outre, selon les autorités italiennes, l'autorité portuaire de Naples ne garde aucun avantage économique, puisque la mesure est nécessaire aux fins de l'exécution des SIEG, autrement dit pour la gestion des cales sèches (en application du mandat conféré et des interdictions imposées à l'autorité portuaire dans la loi no 84/1994). Selon l'Italie, une activité telle que celle-là, comme en exercent toutes les autorités portuaires italiennes, constitue expressément aux yeux du législateur national une activité de prestation de SIEG. Dès lors, la mesure ne confère aucun avantage sélectif à l'autorité portuaire de Naples par rapport aux autres autorités portuaires italiennes.

(63)

Les autorités italiennes font référence au protocole no 26 du TFUE, qui reconnaît un large pouvoir discrétionnaire aux autorités nationales en matière de SIEG, et estiment que le rôle de la Commission doit se limiter au contrôle des erreurs manifestes. Selon les autorités italiennes, l'activité de gestion exercée comme un SIEG ne consiste pas en la location de structures contre rémunération, encore moins en l'utilisation directe de l'infrastructure par l'autorité portuaire de Naples aux fins d'une activité de construction navale. Il s'agit, en fait, de l'obligation imposée aux autorités portuaires par la loi no 84/1994 d'administrer, pour le compte de l'État italien, les cales sèches et, en particulier, du devoir des autorités portuaires d'exécuter l'entretien extraordinaire de ces biens qui sont la propriété de l'État et de s'en occuper, conformément à l'intérêt public.

(64)

Par conséquent, les fonds publics décaissés par l'État aux fins de la rénovation des cales sèches nos 1, 2 et 3 n'ont conféré aucun avantage à l'autorité portuaire de Naples et ne sont rien d'autre qu'un transfert de ressources internes de l'administration publique destiné à l'exercice des fonctions spécifiques confiées par l'État aux autorités portuaires et, à titre subsidiaire, à la compensation des charges supportées par l'autorité portuaire de Naples pour remplir les obligations imposées par la loi no 84/1994 à chaque autorité portuaire italienne.

(65)

En ce qui concerne les travaux de rénovation, les autorités italiennes ont expliqué que les fonds publics décaissés ne dépassent pas ce qui est strictement nécessaire pour compenser les charges supportées par l'autorité portuaire de Naples. Les marchés relatifs aux travaux ont été adjugés au terme d'une procédure d'appel d'offres (qui a permis de réduire les coûts par rapport aux coûts prévus initialement). En outre, CAMED a procédé à des investissements considérables en plus des investissements effectués par l'autorité portuaire de Naples, pour un montant supérieur à 40 millions d'EUR.

(66)

En ce qui concerne la mission institutionnelle d'administration des ports pour le compte de l'État, les autorités italiennes ont déclaré que, en vertu des articles 28 et 29 du code de la navigation et des articles 822 et 823 du code civil, cette fonction ne pouvait être confiée à nul autre que les autorités portuaires, encore moins via une procédure d'appel d'offres. En revanche, l'autorité portuaire de Naples a lancé une procédure sélective ouverte, publique et transparente pour l'attribution à CAMED de la concession temporaire des biens domaniaux, dans le respect du droit italien (28) et des principes de l'Union.

(67)

Les autorités italiennes soutiennent que les mesures n'étaient pas de nature à fausser la concurrence ni à affecter les échanges entre États membres. Dès lors que le secteur portuaire n'est pas libéralisé en Italie, les autorités portuaires italiennes n'exercent pas leurs activités dans un secteur ouvert à la concurrence. Selon les autorités italiennes, la Commission a commis une erreur dans la décision d'ouvrir la procédure en considérant l'activité comme une activité de «location» et non comme une «concession domaniale». Contrairement au locataire d'un bien loué, le concessionnaire d'espaces domaniaux est soumis à de nombreuses obligations, parmi lesquelles, par exemple, celle de respecter l'intérêt public et de se soumettre au contrôle de l'autorité portuaire en vertu du droit public.

(68)

En outre, l'Italie affirme que la Commission n'aurait pas tenu compte des différences qui séparent les États membres dans leur gestion des ports. À défaut d'une approche uniforme au niveau de l'Union, l'Italie a opté pour un modèle de gestion du secteur portuaire très nettement public. Ainsi, dès lors que le secteur portuaire n'est pas libéralisé en Italie et que les autorités portuaires n'opèrent pas dans un secteur ouvert à la concurrence, les autorités italiennes estiment que les mesures ne faussent pas la concurrence et n'affectent pas les échanges commerciaux entre États membres au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE.

(69)

Les autorités italiennes estiment que le fait de considérer les mesures comme une aide d'État reviendrait à enfreindre l'article 345 du TFUE, qui consacre le principe de neutralité à l'égard des autorités publiques et des personnes privées. Un propriétaire privé est libre d'investir autant qu'il le souhaite dans les biens qui lui appartiennent alors que les investissements de l'État dans ses propres infrastructures constitueraient en toutes circonstances une aide d'État. Les autorités italiennes ne souscrivent pas à l'observation préliminaire de la Commission selon laquelle, d'habitude, les propriétaires privés n'effectuent que des investissements rentables (pour améliorer leur image, par exemple).

(70)

L'Italie soutient en outre que, en vertu de l'article 345 du TFUE, le droit de l'Union ne peut imposer aux États membres ni privatisation ni vente de biens que ceux-ci destinaient à la propriété publique, a fortiori en l'absence de mesures communes de libéralisation du secteur. Toute interprétation différente violerait le principe général d'égalité de traitement, qui interdit de traiter de manière égale des cas clairement différents.

(71)

La Commission ne peut non plus interdire aux États membres d'entretenir ces biens. Le droit de chacun de préserver le fonctionnement et l'efficacité des biens qui sont les siens constitue en effet le fondement du droit de propriété, désormais consacré dans la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, source primaire du droit que même les institutions de l'Union sont tenues de respecter.

(72)

Quant au fait que la mesure constitue une aide existante, l'Italie souligne que la Commission a déclaré, dans les conclusions préliminaires qu'elle a envoyées au plaignant en 2013, que les cales en question appartenaient au domaine maritime national. Les autorités italiennes soulignent que, avant l'arrêt Leipzig-Halle, la Commission considérait les investissements dans les infrastructures, même portuaires, comme des activités ne relevant pas du champ d'application de l'article 107 du TFUE. Au moment où il a été décidé d'entreprendre des travaux sur les cales nos 1, 2 et 3 du port de Naples (avant 2001), les mesures publiques en faveur des infrastructures ne constituaient en principe pas des aides, mais bien des dispositions d'ordre général trouvant leur justification dans la souveraineté de l'État sur la politique économique et sur l'aménagement et la planification du territoire.

(73)

Les autorités italiennes renvoient également à la communication relative à la notion d'«aide d'État» (29), selon laquelle, en raison de l'incertitude qui prévalait avant que l'arrêt Aéroports de Paris soit rendu, les pouvoirs publics pouvaient légitimement considérer que tout financement public d'une infrastructure octroyé avant cet arrêt ne constituait pas une aide d'État et qu'une telle mesure ne devait donc pas être notifiée à la Commission. L'Italie estime donc que de telles mesures ne peuvent être mises en cause sur la base des règles relatives aux aides d'État, si l'on tient compte des principes de sécurité juridique et de confiance légitime (30).

(74)

En ce qui concerne la conclusion préliminaire de la Commission dans la décision d'ouvrir la procédure, selon laquelle le soutien de l'État aux infrastructures de construction et de réparation de navires a toujours été considéré comme une aide d'État, même avant l'arrêt Leipzig Halle, les autorités italiennes ont formulé les observations suivantes. Selon l'Italie, dans la décision d'ouvrir la procédure, la Commission renvoie à tort à sa décision 94/374/CE (31). L'Italie affirme qu'en vertu de cette décision, certaines mesures d'aide publique «en faveur d'installations de réparation navale pour [un] bassin de radoub» pouvaient relever du champ d'application de l'article 107 du TFUE. La décision portait donc sur les «installations», autrement dit les superstructures portuaires (les structures mobiles, les grues, etc.) appartenant aux différents concessionnaires, et non sur les infrastructures portuaires domaniales appartenant à l'État. Dans la décision, la Commission reconnaît expressément que i) le financement public en faveur de l'organisme de gestion d'un port italien «relève de la gestion des infrastructures du domaine de la région et ne peut de ce fait être qualifiée d'aide d'État» et que ii) les mesures de «financement d'infrastructures à réaliser par un organisme public […] ne peuvent pas être considérées comme des aides au sens de l'article» 107, paragraphe 1, du TFUE, ce qui confirme que, avant l'arrêt Leipzig Halle, la Commission elle-même considérait les investissements infrastructurels, même dans le secteur portuaire, comme des activités ne relevant pas du champ d'application de l'article 107 du TFUE.

(75)

L'Italie confirme l'argument selon lequel les autorités portuaires italiennes n'exercent pas d'activités sur un marché ouvert à la concurrence. Selon une jurisprudence constante, les régimes d'aides mis en place sur des marchés non libéralisés constituent des aides existantes qui peuvent seulement donner lieu à une déclaration d'incompatibilité avec effet ex nunc et, en tant que tels, ne sont pas l'objet d'une obligation de restitution.

3.1.2.   Existence d'une aide en faveur de CAMED

(76)

En ce qui concerne l'aide présumée en faveur de CAMED, les autorités italiennes ont expliqué que, en vertu de la législation italienne, les travaux de rénovation extraordinaires sur les cales sèches incombaient au propriétaire (l'État, donc) et non au gestionnaire des infrastructures. Comme dans tout contrat de location, le gestionnaire est responsable des travaux ordinaires, tandis que le propriétaire doit veiller à ce que l'infrastructure reste adaptée à l'usage auquel le gestionnaire la destine en vertu du contrat de concession, et ce pour toute la durée de la concession. À la fin de la période de concession, l'infrastructure reste la propriété de l'État. Selon les autorités italiennes, ce principe vaut non seulement pour la concession accordée à CAMED en 2004, mais pour toutes les concessions accordées pour l'exploitation et la gestion de biens appartenant à l'État (32).

(77)

L'Italie affirme donc que les mesures ont une portée générale et transversale dès lors que, conformément au modèle public que le législateur italien a mis en place pour le secteur portuaire, chaque autorité portuaire italienne (et pas seulement l'autorité portuaire de Naples) a toujours reçu et continue de recevoir des fonds publics aux fins du financement des travaux d'infrastructure sur des biens appartenant à l'État. Il en découle que toutes les entreprises (pas seulement CAMED) qui opèrent dans la zone portuaire, dans tous les ports italiens (pas seulement celui de Naples) et dans tous les secteurs économiques (pas seulement la construction navale) ont «bénéficié» d'«aides» comparables à celles dont aurait bénéficié CAMED. Les autorités italiennes soutiennent que tous les opérateurs économiques qui ont obtenu une concession sur les biens publics: i) ont participé à une adjudication ouverte et compétitive, ii) ont été en mesure d'utiliser les espaces, les biens et les infrastructures construites et réparées grâce à des fonds publics et iii) ont payé une redevance domaniale en application du droit national. Dès lors, CAMED n'a pas obtenu le moindre avantage sélectif par rapport à d'autres entreprises se trouvant dans une situation similaire, de fait et de droit, par rapport à d'autres constructeurs de navires, aux opérateurs de terminaux, aux compagnies maritimes, etc (33). En outre, CAMED est tenue, en vertu du règlement de 2002, de donner accès aux infrastructures de l'État à d'autres opérateurs, aux mêmes conditions et sur la base de critères de priorité transparents et non discriminatoires, en appliquant les tarifs publiés — preuve supplémentaire, selon les autorités italiennes, du caractère non sélectif de la mesure.

(78)

La redevance domaniale payée par CAMED pour l'utilisation de biens appartenant à l'État est fixée par la législation nationale, en particulier le décret ministériel no 595/1995. L'autorité portuaire de Naples n'aurait pas pu appliquer une redevance inférieure à CAMED, puisqu'il ne s'agit pas d'une redevance commerciale négociée par les parties en fonction des taux du marché. Les redevances sont fixées en toute objectivité et sont les mêmes pour toutes les concessions portuaires liées à ce type d'activité. Elles ne sont donc pas déterminées de manière sélective. Par conséquent, la mesure n'a pas réduit les coûts supportés par l'autorité portuaire de Naples, pas plus qu'elle n'a permis à cette dernière d'appliquer des redevances réduites à CAMED.

(79)

En outre, les autorités italiennes estiment qu'il n'est pas nécessaire, pendant la durée d'une concession, que le concessionnaire d'un bien domanial effectue des investissements pour un montant qui, ajouté à la redevance payée, égalerait celui de l'éventuel entretien extraordinaire réalisé par l'État en sa qualité de propriétaire exclusif du bien. Il n'est pas nécessaire, aux fins d'une simple utilisation temporaire du bien, que le concessionnaire soit obligé de supporter les mêmes charges économiques que le propriétaire pour maintenir ledit bien en état de fonctionnement, augmentant ainsi sa valeur future.

(80)

Les autorités italiennes affirment également que la décision d'ouvrir la procédure ne tient pas compte du fait que, même si cela n'était pas nécessaire, CAMED a mis en œuvre un plan d'investissement remarquable de plus de 40 millions d'EUR pour compléter les investissements effectués par l'autorité portuaire de Naples.

(81)

Les autorités italiennes considèrent que le projet d'investissement n'a conféré aucun avantage à CAMED, puisque la concession de 2004 a été attribuée à cette dernière au terme d'une procédure ouverte et publique (voir le considérant 15) et que CAMED a le droit de gérer une infrastructure adaptée à l'utilisation qui a été convenue. En outre, selon les autorités italiennes, la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil (34) sur l'attribution de contrats de concession ne s'applique pas aux adjudications pour des concessions de zones portuaires. L'autorité portuaire de Naples n'était donc pas tenue d'organiser un appel d'offres pour attribuer la concession relative aux cales en question, encore moins pour une concession attribuée dix ans avant l'entrée en vigueur de la directive.

(82)

L'Italie soutient en outre que les mesures ne sont pas susceptibles de causer la moindre distorsion de la concurrence ou le moindre préjudice aux échanges entre les États membres, puisqu'elles ne renforcent pas la position d'une entreprise vis-à-vis des autres entreprises actives dans le même secteur. Aux conditions visées dans le règlement de 2002, toute entreprise peut demander d'utiliser les cales, peu importe le lieu où elle est établie. Selon les autorités italiennes, les mesures n'ont donc aucun effet sur les conditions d'investissement et/ou sur l'établissement transfrontalier.

(83)

D'après l'Italie, la Commission ne peut contester une mesure publique générale applicable sur tout le territoire national et à toutes les entreprises qui y sont actives au motif que celle-ci confèrerait un avantage à ces opérateurs par rapport aux conditions dont bénéficient les entreprises établies et actives dans d'autres États membres. L'octroi d'un avantage sélectif devrait en effet être déterminé exclusivement à l'échelle nationale, dès lors qu'à défaut de règles communes au niveau de l'Union, la comparaison entre les conditions proposées aux entreprises dans différents États membres reviendrait à comparer les différentes situations de droit et de fait résultant des divergences normatives et réglementaires entre les États membres, ce qui aurait pour effet de dénaturer la finalité et le fonctionnement des dispositions sur le contrôle des aides d'État.

(84)

Les autorités italiennes réitèrent les arguments relatifs à la qualification de la mesure en tant qu'aide existante (voir considérant 75).

3.1.3.   Compatibilité de l'aide présumée accordée à l'autorité portuaire de Naples et à CAMED

(85)

L'Italie ne partage pas l'évaluation de la Commission selon laquelle l'octroi des différentes mesures est intervenu au moment où l'investissement a été ajouté au programme d'investissement à préparer à la demande des autorités portuaires. Elle rappelle que la date d'octroi d'un régime d'aides d'État doit correspondre à la date d'entrée en vigueur de la base juridique qui confère au bénéficiaire présumé le droit d'obtenir la mesure d'aide, et non à la date d'adoption des mesures d'application ultérieures (et parfois nombreuses). Elle fait observer que toutes les mesures d'application pointées par la Commission renvoient expressément aux mesures de refinancement de la loi no 413/1998, qui constitue de ce fait la seule et unique base juridique dans le cas d'espèce, ainsi qu'aux différentes décisions de l'autorité portuaire de Naples de 2001 et à l'acte de concession en faveur de CAMED de 2004.

(86)

Selon l'Italie, les mesures ne devraient pas être appréciées sur la base des lignes directrices relatives à la construction navale (voir considérant 48), car celles-ci ne concernent que l'entretien extraordinaire réalisé sur des biens domaniaux appartenant à l'État. Selon les autorités italiennes, l'aide présumée ne vise pas à soutenir une augmentation de la productivité des installations existantes sur un chantier naval, autrement dit des superstructures portuaires (les structures mobiles, les grues, etc.). Elle vise plutôt à réaliser un entretien extraordinaire sur certaines infrastructures portuaires appartenant exclusivement à l'État, dans le but de mettre fin à leur obsolescence, surtout du point de vue de la sécurité, considérant que ces structures sont accessibles à tous les utilisateurs du port de manière égale et non discriminatoire. Par conséquent, la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur ne peut être appréciée au regard de l'encadrement des aides d'État à la construction navale.

(87)

Selon l'Italie, les mesures sont compatibles avec le marché intérieur aussi bien en vertu de l'article 107, paragraphe 2, point b), qu'en vertu de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE, car elles visent à rénover des biens domaniaux appartenant à l'État qui ont été endommagés lors des bombardements de la Seconde Guerre mondiale et du tremblement de terre qui a secoué la ville de Naples en 1980. Du reste, les mesures d'aide présumées sont proportionnelles, puisque les fonds publics n'ont pas dépassé ce qui était strictement nécessaire et que les travaux d'entretien extraordinaire ont été adjugés via des procédures d'appel d'offres ouvertes et compétitives qui ont permis de réduire les coûts par rapport aux montants prévus initialement. Les autorités italiennes font encore remarquer que les investissements considérables réalisés par CAMED ont réduit la part de la contribution publique à 40 % environ des coûts totaux de l'investissement. Les mesures sont également proportionnelles eu égard au fait que, en vertu du régime juridique applicable aux concessions domaniales, lorsque la concession expire, les travaux réalisés par le concessionnaire restent la propriété de l'État et n'ouvrent droit à aucune compensation ni aucun remboursement en faveur de CAMED. L'Italie confirme que les mesures d'aide présumées favorisent l'économie d'une région défavorisée bénéficiaire d'une aide au sens de l'article 107, paragraphe 3, point a), du TFUE.

(88)

Les autorités italiennes ont fourni des renseignements complémentaires en novembre 2017 pour confirmer que, selon elles, les règles relatives aux aides d'État applicables à la construction navale ne constituent pas la base juridique adéquate pour évaluer la compatibilité de l'aide avec le marché intérieur. Les autorités italiennes ont toutefois formulé les observations suivantes.

(89)

En ce qui concerne la compatibilité de l'aide accordée à l'autorité portuaire de Naples avec le marché intérieur, les autorités italiennes ont confirmé que cette dernière n'avait pas introduit de demande d'aide (invoquant les règles pertinentes en matière de construction navale) avant le début des travaux visés par chaque investissement. Elles ont également réaffirmé leur position selon laquelle les fonds ont servi à maintenir les infrastructures portuaires existantes en état de fonctionnement et ne représentent pas des aides en faveur d'infrastructures de construction navale.

(90)

Pour finir, l'Italie affirme que, en tout état de cause, les montants en cause ne sauraient faire l'objet d'une récupération, le délai de prescription défini à l'article 17 du règlement de procédure ayant expiré.

4.   OBSERVATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES

4.1.   Observations de CAMED

(91)

CAMED soutient que la légitimité de la mesure en cause a déjà été examinée et constatée en 2006, lorsque la Commission a classé l'affaire après avoir demandé des renseignements aux autorités italiennes. La décision d'ouvrir la procédure revient donc à révoquer de manière illégitime cette décision de classement plus de 10 ans après la première mesure et à enfreindre les principes généraux du droit de l'Union (bonne administration, sécurité juridique et protection juridictionnelle effective).

(92)

En outre, CAMED estime que les mesures en cause ne constituent pas des aides d'État, ni en faveur de l'autorité portuaire de Naples ni, encore moins, en sa faveur, puisqu'il s'agit des modalités habituelles par lesquelles l'État italien gère et administre non pas une activité économique donnée, mais une catégorie de biens, en l'occurrence les biens du domaine public. Effectivement, aucune des conditions prévues à l'article 107, paragraphe 1, du TFUE ne semble remplie.

(93)

CAMED confirme les arguments soulevés par les autorités italiennes selon lesquels les autorités portuaires sont des organismes publics non économiques qui, en vertu de la loi no 84/1994, ne peuvent exercer d'activité économique quelle qu'elle soit ni fournir des services portuaires. Les autorités portuaires italiennes ne sont donc pas, selon CAMED, des entreprises en mesure de fixer en toute autonomie le montant des redevances domaniales perçues par les entreprises concessionnaires pour le compte de l'État, puisque ce montant est fixé par le législateur national dans le décret ministériel no 595/1995.

(94)

CAMED estime que la mesure ne confère aucun avantage économique, ni en faveur de l'autorité portuaire de Naples ni en sa faveur. La loi prévoit que l'entretien extraordinaire des biens domaniaux en cause incombe à l'État et à lui seul, en sa qualité de propriétaire des biens. En plus, pareil entretien est fonctionnel et nécessaire à l'exécution des obligations de service public. À ce titre, les mesures ne libèrent CAMED d'aucune charge et ne lui confèrent aucun avantage.

(95)

CAMED souligne également que, lorsque les travaux publics ont été envisagés et décidés, la société n'était pas encore concessionnaire des zones domaniales concernées, puisque la procédure d'adjudication, ouverte et compétitive, devait encore avoir lieu. L'autorité portuaire de Naples s'était engagée à investir quelle que soit l'identité du futur concessionnaire. N'importe quelle entreprise concurrente aurait pu effectivement demander la concession et l'obtenir. Par conséquent, la procédure respecte le critère de l'opérateur en économie de marché et ne confère aucun avantage à l'entreprise adjudicataire.

(96)

CAMED affirme encore que la mesure n'est pas sélective puisqu'il s'agit d'une mesure ordinaire de l'État qui, de manière générale et pas seulement dans le domaine portuaire ou de la construction navale, veille au maintien d'une grande quantité et variété de biens et d'infrastructures publiques dans un bon état de fonctionnement et de sécurité. Ce constat est particulièrement vrai pour les biens que l'État a décidé de placer dans le domaine public, un choix qui échappe aux possibilités de contrôle que le TFUE confère à la Commission au sens de l'article 345. Dans le cas d'espèce, la mesure a d'ailleurs été programmée et décidée en application d'un programme de financement lancé en 1998 par le législateur national et portant sur la réalisation de travaux d'infrastructure pour l'agrandissement, la modernisation et la rénovation de tous les ports italiens.

(97)

Selon CAMED, ce constat démontre le caractère non sélectif des mesures au regard de i) la position de l'autorité portuaire de Naples vis-à-vis de toutes les autres autorités portuaires, qui ont bénéficié des mêmes fonds publics pour intervenir sur les biens et sur les infrastructures domaniaux situés en milieu portuaire et relevant de leur compétence territoriale, et de ii) la position de CAMED vis-à-vis des autres entreprises actives, entre autres, dans le secteur de la construction navale, aussi bien dans le port de Naples que dans n'importe quel autre port italien.

(98)

En outre, CAMED avance que, selon les règles qui s'appliquent à l'utilisation des infrastructures domaniales qui sont l'objet des travaux d'entretien, toute entreprise qui en fait la demande a le droit d'accéder aux cales confiées à CAMED, et ce en application de critères transparents et non discriminatoires et à un tarif public. L'accès aux infrastructures intervient dans les mêmes conditions pour tous les utilisateurs potentiels, qu'il s'agisse des autres entreprises de réparation navale ou de quiconque ayant besoin d'utiliser les infrastructures, par exemple les compagnies maritimes, les gestionnaires de services portuaires, les agents maritimes, les sociétés d'exploitation de navires. CAMED estime que ce constat démontre encore une fois le caractère non sélectif des mesures de rénovation des cales sèches, qui ne favorisent pas «certaines entreprises ou certaines productions».

(99)

CAMED souscrit également aux arguments de l'Italie selon lesquels la mesure ne cause ni distorsion de la concurrence ni effet sur les échanges entre États membres.

(100)

CAMED soutient que les mesures seraient en tout état de cause compatibles avec le marché intérieur, tant au sens de l'article 107, paragraphe 2, du TFUE en ce qu'elles sont «destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires», en l'occurrence les bombardements de la Seconde Guerre mondiale et le tremblement de terre de 1980, qu'au sens de l'article 107, paragraphe 3, du TFUE en ce qu'elles promeuvent la réalisation d'un projet d'intérêt commun. En outre, les mesures semblent proportionnelles compte tenu des investissements réalisés par CAMED (pour un montant de 42 541 495 EUR), qui ont réduit la part de l'intervention de l'État à environ 40 % des coûts totaux. Selon les informations communiquées, CAMED a investi 11,1 millions d'EUR dans les cales sèches et les montants restants dans d'autres postes de dépenses couvrant, par exemple, les biens et les zones sur lesquels porte la redevance de concession, les entrepôts et les immeubles, les coûts de transport et les équipements informatiques et bureautiques.

(101)

Enfin, CAMED affirme que si les mesures devaient être considérées comme des aides, il s'agirait d'aides existantes dans la mesure où le délai de prescription fixé à l'article 17 du règlement de procédure a expiré.

4.2.   Observations du plaignant

(102)

Le plaignant souscrit à l'évaluation préliminaire de la Commission selon laquelle l'autorité portuaire de Naples devrait être considérée comme une entreprise exerçant des activités économiques. Le plaignant estime qu'il est un fait incontestable, à la lumière des éclaircissements apportés par la Commission dans sa pratique décisionnelle, que les ports nationaux exercent des activités économiques en concurrence les uns avec les autres de même qu'avec les autres ports européens et méditerranéens. Dans sa décision de 2012 (35), par exemple, la Commission a expliqué que l'autorité portuaire d'Augusta agissait comme une entreprise lorsqu'elle exerçait l'activité économique consistant à exploiter l'infrastructure portuaire appartenant à l'État et donnée en concession à des opérateurs portuaires. Ce précédent est particulièrement pertinent pour l'autorité portuaire de Naples, car l'autorité portuaire d'Augusta exerçait ses activités en application de la même réglementation nationale (36).

(103)

En ce qui concerne la redevance de concession, le plaignant considère qu'elle a été fixée en vertu de la réglementation nationale (37), jugée à tort applicable puisque la concession ne porte pas exclusivement sur l'utilisation des cales sèches aux fins de la réparation de navires, mais également sur la gestion des cales sèches par CAMED. Le plaignant soutient donc que, en attribuant directement la concession à CAMED sans organiser d'appel d'offres, l'autorité portuaire de Naples a renoncé à percevoir une redevance pour la gestion des cales sèches, se contentant d'exiger une redevance domaniale. Le plaignant précise encore que l'article 6 du contrat de concession dispose explicitement que CAMED verse une redevance à l'autorité portuaire de Naples «en contrepartie de la présente concession», et non comme un impôt.

(104)

Le plaignant souscrit à l'évaluation préliminaire de la Commission pour ce qui est de la nature publique des ressources transférées à l'autorité portuaire de Naples et du caractère sélectif des mesures dont celle-ci a bénéficié, affirmant en particulier que les mesures d'aide ne peuvent représenter un simple transfert de ressources entre organismes publics. En effet, en vertu de la loi no 84/1994, les autorités portuaires, bien qu'elles soient des organismes publics non économiques dotés de la personnalité juridique de droit public, jouissent d'une large autonomie administrative et financière grâce à laquelle les concessions qui leur sont accordées pour, entre autres, la gestion des cales sèches échappent au contrôle ministériel.

(105)

Le plaignant partage l'évaluation préliminaire de la Commission selon laquelle les mesures ne remplissent pas les quatre conditions de la jurisprudence Altmark et, partant, la gestion des cales sèches par l'autorité portuaire de Naples ne peut pas être considérée comme un service d'intérêt économique général et représente un avantage économique.

(106)

Le plaignant partage l'évaluation préliminaire de la Commission selon laquelle les mesures sont susceptibles de fausser la concurrence entre les ports européens et d'affecter les échanges entre États membres. En particulier, il confirme que les ports italiens opèrent dans un régime de concurrence avec différents ports européens au sein d'un marché concurrentiel et que, partant, l'argument des autorités italiennes selon lequel la demande de rénovation des infrastructures de réparation navale serait locale doit être rejeté.

(107)

Le plaignant partage l'évaluation préliminaire de la Commission pour ce qui est de l'existence d'une aide d'État en faveur de CAMED dans la mesure où l'autorité portuaire de Naples, en accordant à cette dernière la concession des cales sèches pour un prix inférieur à celui du marché, pourrait avoir renoncé à percevoir des ressources d'État. Le plaignant partage également l'évaluation préliminaire de la Commission selon laquelle CAMED a bénéficié d'un avantage économique, d'une part parce que la concession n'a pas été accordée comme il se devait via un appel d'offres, mais via une procédure différente (dont la publicité n'a pas dépassé le cadre local), d'autre part parce que la redevance domaniale a été calculée sur la base de paramètres fixes (sans tenir compte des infrastructures dont la zone est équipée) et non sur la base du prix du marché. Le plaignant explique à nouveau que la concession prévoit non seulement le droit d'utiliser les infrastructures domaniales aux fins de la réparation de navires, mais également la gestion des cales sèches. En effet, la manière dont la redevance de concession est calculée reflète les deux activités exercées par CAMED ainsi que la valeur économique réelle de la concession.

(108)

Le plaignant soutient en outre que la gestion des cales sèches est un service d'une valeur économique considérable. Selon les estimations, le chiffre d'affaires annuel de CAMED se situerait entre 6 millions d'EUR et 9 millions d'EUR (pour une redevance annuelle égale à 137 409,68 EUR). La valeur de la concession pour la gestion des cales sèches publiques est comprise, compte tenu de sa durée totale, entre 180 millions d'EUR et 270 millions d'EUR. CAMED perçoit en particulier des recettes tarifaires en contrepartie de: i) l'utilisation des cales sèches et ii) la prestation d'autres services annexes (liés à l'entrée, à la sortie et à la présence de navires dans les cales et à la fourniture d'électricité, par exemple). Le plaignant souligne le fait que CAMED est libre de fixer ses tarifs sans aucun contrôle de l'autorité portuaire de Naples et que les tarifs qu'elle pratique sont excessifs, de loin supérieurs à ceux pratiqués par les gestionnaires d'infrastructures similaires situées dans d'autres ports (en novembre 2012, CAMED a augmenté ses tarifs de plus de 300 %).

(109)

Le plaignant partage l'évaluation préliminaire de la Commission selon laquelle, puisque CAMED ne remplit pas les conditions cumulatives de l'arrêt Altmark, on ne peut considérer qu'elle exerce ses activités pour exécuter une obligation de service public. Le plaignant estime que, éventuellement, seul le service de gestion de la cale sèche no 3 pourrait constituer une obligation de service public, puisqu'il s'agit de la plus grande cale du port de Naples. En outre, en réalité, les cales sèches gérées par CAMED ne sont effectivement pas accessibles aux opérateurs tiers. CAMED, en tant qu'utilisateur privilégié, empêche les autres opérateurs portuaires d'avoir accès à l'infrastructure dans des conditions non discriminatoires. En outre, les tarifs que CAMED applique pour donner accès à l'infrastructure aux opérateurs tiers seraient supérieurs au prix du marché.

(110)

Selon le plaignant, les mesures faussent la concurrence de deux manières. Premièrement, CAMED, en tant que gestionnaire de l'infrastructure, est avantagée par rapport à ses concurrents potentiels parce que i) elle a obtenu la concession pour gérer les cales sèches sans avoir participé à une procédure d'appel d'offres et ii) elle verse à l'autorité portuaire de Naples une redevance inexplicablement basse, alors qu'elle impose des tarifs excessifs aux autres opérateurs qui souhaitent utiliser les cales. Deuxièmement, CAMED, en tant qu'entreprise de réparation navale, est avantagée en ce qu'elle utilise les cales domaniales de manière indûment privilégiée.

(111)

En ce qui concerne les effets sur les échanges, le plaignant souligne que la demande d'infrastructures de réparation navale provient principalement d'opérateurs internationaux souvent associés à de grands groupes multinationaux.

(112)

En ce qui concerne la compatibilité des mesures d'aide avec le marché intérieur, le plaignant partage l'évaluation préliminaire de la Commission selon laquelle les cales sèches ne sont pas des infrastructures de transport et, à ce titre, ne relèvent pas du champ d'application de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE. En outre, le plaignant estime que les mesures ne remplissent pas les critères de compatibilité visés i) à l'article 107, paragraphe 3, points a) ou c), relatifs aux aides à finalité régionale, ou ii) dans l'encadrement SIEG de 2011, ou iii) dans les règles sectorielles en matière d'aides d'État dans le secteur de la construction navale.

(113)

Enfin, le plaignant rejoint l'avis de la Commission selon lequel les mesures d'aide ont été accordées au moment où les différents lots de travaux ont été ajoutés dans le programme d'investissement préparé à la demande de l'autorité portuaire de Naples, et non en 1998 (comme l'affirment les autorités italiennes), en application de l'article 9 de la loi no 413/1998.

5.   APPRÉCIATION

(114)

L'article 107, paragraphe 1, du TFUE, dispose que «sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions».

(115)

Pour qu'une mesure constitue une aide au sens de la disposition précitée, les conditions cumulatives suivantes doivent donc être réunies: i) la mesure doit être imputable à l'État et financée par des ressources d'État; ii) elle doit conférer un avantage à son bénéficiaire; iii) cet avantage doit être sélectif; iv) la mesure en cause doit fausser ou menacer de fausser la concurrence et être susceptible d'affecter les échanges entre États membres.

5.1.   Existence d'une aide en faveur de l'autorité portuaire de Naples

5.1.1.   Notion d'entreprise

(116)

Selon la législation italienne, les autorités portuaires sont des organismes publics non économiques dont la mission consiste à veiller à l'entretien et au développement de l'infrastructure portuaire. À cette fin, une autorité portuaire ne peut utiliser les ressources financières dont elle dispose que pour administrer le port et remplir les fonctions attribuées légalement à celui-ci (voir le considérant 55).

(117)

La Cour de justice de l'Union européenne (38) (ci-après la «Cour») a toujours défini une entreprise comme une entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Elle a toujours soutenu que toute activité consistant à offrir des biens et des services sur le marché constituait une activité économique (39).

(118)

La question de savoir si une entité particulière constitue une entreprise ou non dépend donc entièrement de la nature de ses activités. Ce principe général emporte les trois conséquences suivantes: i) premièrement, le statut d'une entité en droit interne n'est pas déterminant; ii) deuxièmement, la question de savoir si l'entité a été créée à des fins lucratives ou non ne conditionne pas l'application des règles en matière d'aides d'État; iii) troisièmement, la qualification d'entreprise est toujours liée à une activité bien précise.

(119)

Les mesures en cause portent sur le financement des travaux de rénovation des infrastructures de réparation navale (cales sèches) situées dans un port appartenant à l'État italien, lequel exerce ses droits de propriété par l'intermédiaire de l'autorité portuaire de Naples, gestionnaire de l'infrastructure. La Commission considère que les cales sèches ne sont pas des infrastructures portuaires, mais des moyens de production pour les chantiers navals, dès lors qu'elles sont utilisées pour les activités de construction et de réparation de navires. Ainsi qu'il ressort de la pratique décisionnelle consolidée de la Commission, la construction navale est une activité économique qui implique des échanges entre les États membres (40).

(120)

Les cales sèches sont exploitées commercialement par l'autorité portuaire de Naples qui impose une redevance pour leur utilisation. À cet égard, contrairement à ce que les autorités italiennes affirment (voir considérants 57 et 58), ces redevances constituent une compensation pour la prestation de services économiques (la location des infrastructures de réparation navale contre rémunération, par exemple). La redevance constitue l'une des sources de revenus de l'autorité portuaire de Naples et permet à cette dernière de financer ses activités, entre autres les investissements visant à maintenir les cales sèches en état de fonctionnement. Le maintien des cales sèches en état de fonctionnement pour y accueillir des activités de réparation navale permet à l'autorité portuaire de Naples de ne pas devoir ralentir ses activités de gestion du port et d'attirer des entreprises de réparation navale. En effet, sans ces travaux, les cales sèches n'auraient pas pu fonctionner correctement et, à long terme, l'autorité portuaire de Naples n'aurait plus été en mesure de poursuivre son activité économique de location contre rémunération. À cet égard, la concession de 2004 prévoit, à l'article 1er, que «la concession est accordée aux fins d'un chantier de transformation et de réparation de navires et/ou de bateaux de plaisance ainsi qu'aux fins de la gestion des cales sèches en maçonnerie (41)»; ainsi, l'utilisation précise des terrains publics en question est d'emblée définie.

(121)

S'il ne peut être exclu que, compte tenu de ses fonctions publiques, l'autorité portuaire de Naples puisse exercer elle aussi des activités relevant de la compétence des pouvoirs publics, la présente décision porte exclusivement sur la gestion des cales sèches subventionnées et leur location contre rémunération. Selon une jurisprudence constante, la qualification d'entreprise peut seulement être liée à une activité bien précise. Une entité qui exerce à la fois des activités économiques et des activités qui ne le sont pas doit être considérée comme une entreprise uniquement en ce qui concerne les premières. Dès lors, la Commission n'est pas tenue de déterminer si les autres activités de l'autorité portuaire de Naples (autres que la location des infrastructures de réparation navale contre rémunération) constituent des activités économiques.

5.1.2.   Imputabilité et ressources d'État

(122)

Les ressources allouées aux projets d'investissement en faveur de l'autorité portuaire de Naples ont été prélevées sur le budget de l'État. Comme indiqué à la section 5.1.1, l'autorité portuaire de Naples peut être considérée comme une entreprise aux fins de la présente décision, puisqu'elle exerce une activité économique pour le compte du propriétaire, en l'occurrence l'État italien. Par conséquent, le transfert correspond à un transfert de ressources d'État et est imputable à l'État.

5.1.3.   Sélectivité

(123)

Une mesure est réputée constituer une aide d'État uniquement lorsqu'elle est de nature individuelle ou sélective, c'est-à-dire qu'elle favorise certaines entreprises et/ou certaines productions.

(124)

Comme le cas d'espèce concerne des mesures d'aide accordées individuellement à l'autorité portuaire de Naples, l'identification de l'avantage économique permet de présumer de leur sélectivité (42).

(125)

En tout état de cause, la Commission fait observer que la mesure en question favorise l'autorité portuaire de Naples par rapport à d'autres entreprises qui se trouvent dans une situation de fait et de droit comparable à celle de l'autorité portuaire de Naples. En vertu de la loi no 413/1998, le ministère adopte un programme d'investissement à la demande des autorités portuaires. À la demande de l'autorité portuaire de Naples, il a adopté le programme d'investissement au moyen de deux décrets ministériels (du 27 octobre 1999 et du 2 mai 2001) (voir considérant 25). Même si plusieurs autres autorités portuaires citées dans le programme d'investissement (43) ont également pu utiliser ces fonds publics pour investir dans d'autres ports italiens, la Commission fait observer que les mesures favorisent de manière sélective l'infrastructure de construction navale de l'autorité portuaire de Naples. En effet, l'autorité portuaire de Naples a reçu des fonds publics pour agrandir, moderniser et mettre à niveau l'infrastructure de construction navale dont elle assure la gestion, ce qui n'est pas le cas d'autres gestionnaires d'infrastructures de construction navale non cités dans le programme d'investissement, parce qu'ils ne sont pas des autorités portuaires par exemple. Ces gestionnaires d'infrastructures de construction navale non cités dans le programme d'investissement se trouvent dans une situation de fait et de droit comparable à celle de l'autorité portuaire de Naples, si ce n'est qu'ils ont dû agrandir et moderniser les infrastructures de construction navale sans recevoir de fonds publics. Selon la Cour, ni le nombre élevé d'entreprises bénéficiaires (pouvant aller jusqu'à comprendre toutes les entreprises d'un secteur donné) ni la diversité et l'importance des secteurs auxquels ces entreprises appartiennent ne permettent de considérer qu'une mesure publique donnée constitue une mesure générale de politique économique (44). Enfin, la Commission fait observer que les mesures sont également sélectives en ce qu'elles favorisent un gestionnaire d'infrastructures de construction et de réparation de navires par rapport aux gestionnaires d'infrastructures de fabrication ou de réparation dans d'autres secteurs de l'économie. Ces derniers se trouvent dans une situation de fait et de droit similaire, puisqu'ils exercent eux aussi leur activité économique en profitant des infrastructures de production ou de réparation dont ils assurent la gestion, à ceci près qu'ils doivent exercer leur activité économique sans bénéficier de l'aide à l'investissement dont profite l'autorité portuaire de Naples.

5.1.4.   Avantage économique

(126)

Les fonds publics (44 138 854,50 EUR) ont été accordés sous la forme de subventions ou de remboursements d'emprunts contractés par l'autorité portuaire de Naples auprès d'établissements de crédit, comme le montre le tableau 2 ci-dessus. La subvention est un instrument de financement non remboursable qui n'implique aucun coût de financement. De même, le remboursement par l'État d'emprunts contractés par une entreprise qui, en tant que bénéficiaire d'une aide, n'en supporte pas les coûts financiers n'est pas un instrument disponible dans les conditions normales du marché, dans la mesure où il dispense l'entreprise des charges économiques qu'elle aurait normalement dû supporter. Sur un marché libre, le bénéficiaire n'aurait pas eu accès à ces instruments de financement. Les fonds publics accordés confèrent donc un avantage économique à l'autorité portuaire de Naples.

(127)

Cela étant, il est admis depuis l'arrêt Altmark que la compensation octroyée par l'État ou au moyen de ressources d'État représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public n'a pas pour effet de conférer un avantage à ces entreprises et ne constitue donc pas une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE si les quatre conditions cumulatives suivantes sont réunies (45):

premièrement, l'entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l'exécution d'obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies. Comme la définition d'un SIEG est une compétence des États membres, les pouvoirs de la Commission se limitent, en principe, au contrôle des éventuelles erreurs manifestes commises par les États membres dans la définition d'un service bien précis en tant que SIEG,

deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente. L'obligation d'établir les paramètres de la compensation au préalable ne signifie pas que cette dernière doit être calculée au moyen d'une formule spécifique. L'important est plutôt que la manière dont la compensation est déterminée soit indiquée clairement dès le début. En principe, l'acte pertinent portant attribution de l'obligation de service public doit au moins préciser l'objet et la durée de l'obligation, l'entreprise et le territoire concernés, les paramètres de calcul, de contrôle et de révision de la compensation, ainsi que les modalités prévues pour éviter et récupérer toute surcompensation éventuelle,

troisièmement, la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations,

quatrièmement, lorsque le choix de l'entreprise à charger de l'exécution d'obligations de service public n'est pas effectué dans le cadre d'une procédure de marché public, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations.

(128)

Dans le cas d'espèce (voir considérant 62), l'Italie a affirmé qu'en vertu de l'article 1er, point g), du décret ministériel du 14 novembre 1994 toutes les autorités portuaires italiennes sont chargées d'une obligation de service public. La Commission va donc évaluer si les quatre conditions de l'arrêt Altmark sont réunies.

(129)

Selon la jurisprudence (46), puisque la première condition Altmark poursuit un objectif de transparence et de sécurité juridique, deux critères minimaux doivent être réunis: i) l'entreprise doit effectivement avoir été chargée de l'exécution d'obligations de service public, et ii) la nature, la durée et la portée de ces obligations doivent être clairement définies. En l'absence de définition claire de tels critères objectifs, il n'est pas possible de contrôler si une activité particulière est susceptible de relever de la notion de service d'intérêt économique général. Ces deux critères minimaux sont de stricte application et ne sont pas couverts par le large pouvoir d'appréciation reconnu aux États membres. Dès lors, la Commission contrôle strictement leur application et ne s'intéresse pas, à ce stade, à l'existence d'une erreur manifeste. Cet aspect intervient seulement à un stade ultérieur, pour contrôler si les services et les obligations dont l'entreprise est effectivement chargée et qui sont clairement définis sont aptes à être désignés comme un service d'intérêt économique général. C'est seulement à ce stade ultime que l'existence d'une défaillance du marché peut être pertinente.

(130)

Dans le cas d'espèce, la nature, la durée et la portée de l'obligation de service public dont aurait été chargée l'autorité portuaire de Naples ne sont pas clairement définies. Contrairement à ce que les autorités italiennes affirment (voir considérant 63), le droit national [article 1er, point g), du décret ministériel du 14 novembre 1994] décrit seulement en des termes très généraux l'obligation imposée à toutes les autorités portuaires, qui consiste en la «gestion des […] cales sèches pour le secteur industriel», et ne donne aucune autre précision. L'article 1er, point g), ne définit pas du tout la durée de l'obligation de service public présumée. Cette disposition formulée en des termes génériques ne définit pas non plus clairement la nature et la portée de l'obligation.

(131)

En tout état de cause, en ce qui concerne le point de savoir si les obligations de service public présumées sont aptes à être considérées comme un service d'intérêt économique général, la Commission estime que les autorités italiennes ont commis une erreur manifeste. Les autorités italiennes n'ont fourni aucun élément de preuve montrant que l'autorité portuaire de Naples, en louant des structures pour la réparation navale contre rémunération, exerce une activité qui n'est pas disponible sur le marché aux mêmes conditions de prix, de qualité, de continuité et d'accès au service. La Commission considère que la présence (ou la possibilité de construire) d'autres cales sèches et docks flottants de même taille dans le port de Naples et dans les ports voisins a pour effet que la gestion d'une cale sèche en particulier par l'autorité portuaire ne peut être considérée comme un service d'intérêt économique général. En outre, les installations subventionnées ne fournissent pas un service dont pourrait bénéficier la société dans son ensemble, mais un simple service de réparation navale dans la région de Naples (47). Dans l'arrêt Enirisorse (48), la Cour a confirmé que l'exploitation de tout port de commerce ne relève pas automatiquement de la gestion d'un service d'intérêt économique général. Par conséquent, la Commission estime que les services qui revêtent un caractère économique fournis par l'autorité portuaire de Naples ne présentent pas de caractères spécifiques par rapport à la location d'infrastructures de réparation navale sur le marché (49) et ne corrigent pas une éventuelle défaillance du marché.

(132)

En ce qui concerne les deuxième et troisième conditions Altmark, la Commission formule les observations suivantes. Le décret ministériel du 14 novembre 1994 ne fournit ni quantification ni paramètre objectif et transparent pour le calcul préalable de la compensation octroyée en contrepartie des obligations de service public prétendument exécutées par l'autorité portuaire de Naples. Les actes de concession (voir considérant 125) ne définissent pas non plus ultérieurement la compensation présumée en contrepartie des obligations de service public.

(133)

Il est dès lors impossible de savoir si la compensation octroyée dépasse ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts imputables à l'exécution des obligations de service public présumées, compte tenu d'un bénéfice raisonnable.

(134)

En ce qui concerne la quatrième condition Altmark, la Commission fait observer que, selon l'Italie, le droit italien ne prévoyait pas et ne prévoit toujours pas que l'autorité portuaire de Naples soit chargée de l'obligation de service public via une procédure de marché public (voir considérant 66).

(135)

Il ressort de l'arrêt Altmark que, lorsque le choix de l'entreprise à charger de l'exécution d'obligations de service public n'est pas effectué dans le cadre d'une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation doit être déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations.

(136)

Les autorités italiennes n'ont présenté aucune analyse globale des coûts qu'une entreprise adéquatement équipée aurait encourus pour exécuter ces obligations de service public présumées. Elles n'ont même pas dit si une telle analyse avait été réalisée pour déterminer la méthode de calcul de la compensation.

(137)

Compte tenu de ce qui précède, la Commission estime que les quatre conditions cumulatives ne sont pas respectées; par conséquent, les mesures en cause constituent un avantage économique.

5.1.5.   Distorsions de concurrence et effets sur les échanges

(138)

Selon une jurisprudence constante, lorsqu'une aide financière accordée par un État membre renforce la position d'une entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges au sein de l'Union, il y a affectation, ne fût-ce que potentielle, des échanges entre États membres et de la concurrence (50).

(139)

La Commission prend acte des arguments de l'Italie selon lesquels, en vertu du droit national, l'exploitation des ports relève du domaine de compétence des pouvoirs publics et les autorités portuaires n'opèrent pas dans un secteur libéralisé et ouvert à la concurrence et aux échanges entre États membres.

(140)

Comme indiqué aux considérants 118 et 119, le projet d'investissement qui prévoit la rénovation des cales sèches pour recréer des conditions d'utilisation adéquates permettra à l'autorité portuaire de Naples de poursuivre l'activité économique de location des cales sèches et, ainsi, d'améliorer sa position concurrentielle. Bien que l'autorité portuaire de Naples soit active sur un marché en amont de la location d'infrastructures de construction/réparation navale, le fait que cette infrastructure reçoive des subventions et serve à fournir des services de réparation et de construction de navires en aval fausse la concurrence et affecte les échanges au sein de l'Union. La raison en est que le secteur de la construction/réparation navale est ouvert à la concurrence et aux échanges au sein de l'Union. C'est pourquoi les règles particulières applicables au secteur de la construction navale définissent un cadre pour toute intervention publique éventuelle dans ces structures (51). En outre, l'autorité portuaire de Naples entre en concurrence avec les autres gestionnaires qui peuvent louer des infrastructures de construction/réparation navale dans l'Union; à ce titre, elle opère sur un marché ouvert à la concurrence et aux échanges au sein de l'Union.

(141)

Par conséquent, la Commission conclut que les mesures en cause sont susceptibles de fausser la concurrence et d'affecter les échanges au sein de l'Union.

5.1.6.   Violation présumée de l'article 345 du TFUE

(142)

Selon les autorités italiennes, le fait de considérer les mesures comme une aide d'État reviendrait à enfreindre l'article 345 du TFUE, qui consacre le principe de neutralité à l'égard des autorités publiques et des personnes privées. Un propriétaire privé pourrait investir autant qu'il le souhaite dans des infrastructures de réparation navale alors que les investissements effectués par l'État dans ses propres infrastructures constitueraient de toute façon toujours une aide d'État.

(143)

La Commission fait observer que l'ordre juridique de l'Union est neutre en ce qui concerne le régime de la propriété et ne préjuge en rien le droit des États membres d'agir comme des opérateurs économiques. Lorsque des autorités publiques effectuent, directement ou indirectement, des opérations économiques sous quelque forme que ce soit (52), elles sont soumises aux règles de l'Union en matière d'aides d'État. Les opérations économiques effectuées par des organismes publics (y compris des entreprises publiques) ne confèrent pas d'avantage à leur destinataire et, de ce fait, ne constituent pas des aides d'État lorsqu'elles sont réalisées dans les conditions normales du marché (53).

(144)

La Commission fait remarquer que, en investissant des fonds publics en faveur de l'autorité portuaire de Naples, l'État italien n'a pas respecté le «principe de l'investisseur en économie de marché». D'abord, ce principe n'est pas applicable lorsqu'une autorité publique se présente comme autorité organisatrice et délégante du service public. L'applicabilité dudit critère serait par là même écartée puisque l'État membre agit par définition en tant que puissance publique pour organiser et déléguer les prétendues obligations de service public (54). Ensuite, même si le principe de l'investisseur en économie de marché était applicable, la Commission estime qu'un opérateur privé du même secteur aurait préparé un plan d'affaires ex ante et n'aurait réalisé l'investissement que s'il ressortait de ce plan que l'opération était rentable. D'autres éléments (des raisons d'image, pour citer l'exemple donné par les autorités italiennes — voir considérant 69) pourraient exceptionnellement entrer en ligne de compte dans l'analyse de la rentabilité, mais devraient alors être étayés de preuves objectives; or, les autorités italiennes n'en ont pas fourni.

(145)

Comme indiqué dans la décision d'ouvrir la procédure, les autorités italiennes ont présenté une analyse financière fondée sur le déficit de financement calculé comme la différence entre la valeur actualisée du bénéfice courant attendu de l'investissement et les coûts d'investissement actualisés du projet. Les résultats de ce calcul montrent que, sur une période de référence de 25 ans, la valeur financière actuelle nette du projet est négative (– 44 274 286,68 EUR).

(146)

Par conséquent, la Commission estime que le fait de considérer les mesures comme une aide d'État ne constitue pas une violation de l'article 345 du TFUE.

5.1.7.   Qualification des mesures en tant qu'aides existantes

(147)

L'Italie affirme que les mesures en cause constituent une aide d'État existante au sens de l'article 1er, point b), du règlement de procédure, dès lors que «toute aide […] est réputée existante parce qu'il peut être établi qu'elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais […] est devenue une aide par la suite en raison de l'évolution du marché intérieur et sans avoir été modifiée par l'État membre». L'article 1er, point b) v), dispose en outre que «[l]es mesures qui deviennent une aide à la suite de la libéralisation d'une activité par le droit de l'Union ne sont pas considérées comme une aide existante après la date fixée pour la libéralisation».

(148)

La Commission est d'avis que l'aide ne peut être qualifiée d'aide existante, étant donné que le soutien de l'État aux infrastructures de construction et de réparation de navires a toujours été considéré comme une aide d'État, même avant l'arrêt rendu dans l'affaire Leipzig/Halle (55).

(149)

La Commission prend note des arguments de l'Italie selon lesquels la décision 94/374/CE relative à la loi régionale de la région de Sicile (citée dans la décision d'ouvrir la procédure, voir considérant 74) ne permet pas de conclure que les mesures d'aide publique en faveur des infrastructures de réparation navale sur une cale sèche relèvent toujours du champ d'application de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE. La Commission estime toutefois que la décision citée fait nettement la distinction entre les aides publiques octroyées à l'organisme compétent pour l'exploitation du port (qui ne sont pas des aides d'État) et les aides publiques octroyées à ce même organisme public pour des travaux d'entretien de la cale sèche (qui sont, elles, des aides d'État). En tout état de cause, la notion d'aide d'État est une notion objective qui est fonction de la seule question de savoir si une mesure étatique confère ou non un avantage à une ou à certaines entreprises, et cette notion objective n'est pas influencée par la pratique décisionnelle de la Commission (56).

(150)

Par conséquent, la Commission confirme sa conclusion selon laquelle les mesures en cause constituaient déjà une aide d'État avant l'arrêt rendu dans l'affaire Leipzig/Halle.

5.2.   Existence d'une aide en faveur de CAMED

(151)

Comme l'autorité portuaire de Naples a reçu et continuera de recevoir des aides publiques pour financer les travaux qui ont été convenus avec CAMED, cette dernière n'a pas dû supporter la totalité des coûts d'investissement comme n'importe quel autre opérateur privé d'infrastructures de réparation navale existant sur le marché. La Commission estime que, en mettant les cales sèches à disposition de CAMED à des prix inférieurs aux taux du marché, l'Italie a accordé un avantage économique sélectif à CAMED.

5.2.1.   Imputabilité et ressources d'État

(152)

L'autorité portuaire de Naples étant un organisme public rattaché à l'administration de l'État (même si elle est réputée agir comme un organisme privé, voir considérant 118), la Commission conclut que la mesure est imputable à l'État. Lorsqu'une autorité publique octroie une aide à un bénéficiaire, le transfert est imputable à l'État, même si l'organisme en question jouit d'une autonomie juridique à l'égard d'autres autorités publiques.

(153)

Les ressources d'État comprennent toutes les ressources du secteur public, y compris les ressources des entités intra-étatiques (décentralisées, fédérées, régionales ou autres). En outre, la renonciation à des recettes qui auraient normalement été versées à l'État constitue un transfert de ressources d'État. Lorsque les autorités publiques fournissent des biens ou des services à des prix inférieurs à ceux du marché, elles renoncent à des ressources d'État (et concèdent un avantage).

(154)

Par conséquent, la Commission conclut que, en mettant des cales sèches à disposition de CAMED à des prix inférieurs à ceux du marché, l'autorité portuaire de Naples renonce à percevoir des ressources d'État.

5.2.2.   Sélectivité

(155)

La mesure est réputée constituer une aide d'État uniquement lorsqu'elle est de nature individuelle ou sélective, c'est-à-dire qu'elle favorise seulement certaines entreprises et/ou certaines productions. L'Italie affirme que les mesures ont une portée générale et transversale dès lors que, conformément au modèle public que le législateur italien a mis en place pour le secteur portuaire, toutes les entreprises (pas seulement CAMED) qui opèrent dans la zone portuaire, dans tous les ports italiens (pas seulement celui de Naples) et dans tous les secteurs économiques (pas seulement la construction navale) ont «bénéficié» d'«aides» comparables à celles dont aurait bénéficié CAMED. La Commission ne souscrit pas à cette appréciation pour les raisons suivantes.

(156)

Premièrement, dès lors que le contrat de concession a été signé avec CAMED, il y a lieu de présumer que l'avantage a été octroyé à CAMED de manière sélective. Dans le cas d'une aide individuelle, l'identification de l'avantage économique permet, en principe, de présumer de sa sélectivité (57). Deuxièmement, et en tout état de cause, les mesures sont sélectives en ce qu'elles favorisent CAMED par rapport à d'autres entreprises qui se trouvent dans une situation de fait et de droit similaire. Comme il ressort de la section 5.2.3 de la présente décision, CAMED peut exercer des activités de construction et de réparation de navires dans le port de Naples en ne s'acquittant que d'une infirme partie de leurs coûts. En revanche, les autres chantiers navals (dans d'autres ports ou en dehors de la zone portuaire), qui utilisent des infrastructures non publiques et, à ce titre, ne relèvent pas du champ d'application du décret ministériel no 595/1995, doivent en principe supporter directement le coût total des aménagements qu'ils souhaitent apporter aux infrastructures de construction et de réparation de navires qu'ils utilisent pour fournir de tels services. Enfin, la Commission fait observer que les mesures sont également sélectives en ce qu'elles favorisent un gestionnaire d'infrastructures de construction et de réparation de navires par rapport aux gestionnaires d'infrastructures de fabrication ou de réparation dans d'autres secteurs de l'économie. Ces derniers se trouvent dans une situation de fait et de droit similaire, puisqu'ils exercent eux aussi leur activité économique en profitant des infrastructures de production ou de réparation qu'ils utilisent. Toutefois, contrairement à CAMED, ils doivent exercer leur activité économique sans bénéficier de prix de location des installations inférieurs aux coûts.

5.2.3.   Avantage économique

(157)

En ce qui concerne CAMED, la Commission fait remarquer que le contrat de concession n'a pas été attribué via une procédure d'appel d'offres ouverte, mais via une procédure d'un autre genre en vertu de laquelle les autres opérateurs peuvent présenter des observations ou faire des contrepropositions sur une demande de concession bien précise (une sorte de «procédure d'opposition», voir considérant 15).

(158)

En outre, la Commission fait observer que la redevance payée par CAMED en vertu de la concession de 2004 ne correspond pas à une redevance conforme aux conditions du marché. La redevance domaniale payée par CAMED à l'autorité portuaire de Naples a été calculée sur la base de paramètres et de montants légaux fixes et s'élève, en moyenne, à 140 201,29 EUR par an, soit environ 4,2 millions d'EUR pour une période de concession de 30 ans (58). Cette redevance est fixée sur la base du décret ministériel no 595 du 15 novembre 1995 et tient compte du nombre de mètres carrés de l'espace public sur lequel porte la concession, multiplié par un montant unitaire en euros et augmenté annuellement selon un coefficient exprimé en pourcentage. Le montant unitaire en euros varie en fonction des activités couvertes dans la concession. Parmi les activités visées par le décret figure «l'activité de construction, d'entretien, de réparation et de démolition de moyens de transport aériens et navals». L'activité de gestion des cales sèches, elle aussi confiée à CAMED en vertu de la concession, n'est toutefois pas mentionnée dans le décret.

(159)

La Commission estime que la rémunération fixée suivant la méthode précitée est une simple contrepartie pour l'occupation d'espaces domaniaux et ne tient pas compte de l'objet ni de la valeur économique réelle des activités sur lesquelles porte la concession. En particulier, la redevance n'intègre pas le fait que la concession permet à CAMED non seulement d'exercer des activités de réparation de navires, mais aussi de gérer à titre exclusif les cales sèches appartenant à l'État. De cette manière, CAMED peut appliquer une redevance aux opérateurs portuaires qui souhaitent effectuer des travaux de réparation sur ces cales sèches (59).

(160)

La Commission fait encore observer que, en vertu de la concession de 2004, CAMED a investi 24 610 420 EUR. Selon les autorités italiennes et CAMED, le programme d'investissement de CAMED s'élevait en réalité à 42 541 495 EUR (voir considérants 80 et 100).

(161)

La Commission conclut que CAMED, en tant que gestionnaire et opérateur des cales sèches (ou fournisseur de services de réparation navale), aurait dû supporter tous les coûts des travaux de rénovation. Le cas échéant, si elle avait eu à sa disposition des infrastructures rénovées, CAMED aurait dû payer une redevance (de concession) au moins égale à la valeur de l'investissement de la rénovation effectuée par l'État italien et par l'autorité portuaire de Naples. En effet, CAMED utilise l'infrastructure subventionnée pendant son cycle de vie; autrement dit, à la fin de la période de concession, l'État n'obtiendra qu'une valeur résiduelle limitée.

(162)

La Commission fait observer que seule une partie des investissements de CAMED porte sur la rénovation des cales sèches (voir considérant 100). La partie restante (la plus grande) porte directement sur le fonctionnement quotidien et la gestion des installations, des dépenses qui incomberaient en tout état de cause à CAMED.

(163)

Dès lors, les investissements de 42 millions d'EUR effectués par CAMED en sa propre faveur (c'est-à-dire pour couvrir des coûts qu'elle aurait dû supporter dans tous les cas) représentent un investissement privé supplémentaire qui s'ajoute à tous les investissements publics visés dans le tableau 2 et ne sauraient être considérés comme une contribution relative à une redevance de concession aux conditions du marché. Le montant (11,1 millions d'EUR) investi par CAMED dans les cales sèches (voir considérant 15) ne peut pas non plus être considéré comme une contribution propre, puisqu'à l'échéance du contrat de concession l'autorité portuaire de Naples n'obtiendra aucune valeur (ou alors minime) en raison de la dévalorisation de toutes les activités.

(164)

À cela s'ajoute que, comme indiqué dans la décision d'ouvrir la procédure, la Commission a soulevé des doutes quant au fait que CAMED ait été chargée d'une obligation de service public dans le cadre de l'accord de concession. L'Italie avait affirmé, avant la décision d'ouvrir la procédure, que, puisque CAMED utilise les cales sèches pour exécuter une obligation de service public, tout investissement nécessaire à l'exécution de ce service représente une compensation dudit service.

(165)

Bien que, après la décision d'ouvrir la procédure, l'Italie n'ait plus défendu l'idée qu'une obligation de service public avait été imposée à CAMED, par souci d'exhaustivité, la Commission examinera aux points suivants si les mesures en faveur de CAMED remplissent les quatre conditions cumulatives Altmark.

(166)

En ce qui concerne la première condition Altmark, les critères minimaux visés au considérant 129 ne sont pas réunis. En particulier, la nature et la portée de l'obligation de service public dont aurait été chargée CAMED ne sont pas clairement définies. L'acte de concession définit l'obligation en renvoyant simplement aux dispositions formulées en des termes génériques à l'article 1er, point g), du décret ministériel du 14 novembre 1994. Par conséquent, même si l'argument selon lequel la durée de l'obligation est définie comme la durée de la concession (30 ans) l'emportait, la nature et la portée de l'obligation de service public présumée ne sont pas clairement définies pour les raisons visées au considérant 130 de la présente décision.

(167)

En tout état de cause, en ce qui concerne le point de savoir si les obligations de service public présumées sont susceptibles d'être considérées comme un service d'intérêt économique général, la Commission n'estime pas que CAMED doive exécuter des obligations pouvant être définies comme des obligations de service public. En effet, le service en cause (gestion des cales sèches) est déjà fourni et peut être fourni de manière satisfaisante par d'autres entreprises opérant dans les conditions normales du marché. Le service ne présente aucun caractère spécifique par rapport aux propriétaires privés de services de réparation et aux gestionnaires de ces infrastructures et ne corrige aucune défaillance du marché. Les autorités italiennes n'ont fourni aucun élément de preuve montrant que CAMED exerce une activité qui n'est pas disponible sur le marché aux mêmes conditions de prix, de qualité, de continuité et d'accès au service. En outre, les infrastructures subventionnées ne fournissent pas un service dont pourrait bénéficier la société dans son ensemble, mais un simple service aux propriétaires de navires dans la zone de Naples (60).

(168)

En ce qui concerne la deuxième condition Altmark, la concession de 2004 ne donne aucune quantification explicite ni aucun paramètre défini au préalable de manière objective et transparente pour calculer le montant de la compensation que l'autorité portuaire de Naples doit payer à CAMED en échange de l'obligation d'autoriser les autres réparateurs à accéder librement aux cales sèches. La concession de 2004 ne fait aucun lien explicite entre cette obligation et l'engagement de l'autorité portuaire de Naples à effectuer les travaux en question. Elle ne mentionne pas non plus clairement le préjudice prétendument causé à CAMED ni le montant relatif aux travaux.

(169)

La Commission fait encore observer que le financement des travaux en faveur de CAMED, à titre de compensation pour l'obligation de donner librement accès aux cales sèches, ne permet pas d'exclure le risque de compensation excessive, ce qui fait l'objet du troisième critère Altmark. En effet, en l'absence de calcul ou d'estimation de la perte prétendument subie pour l'exécution des obligations de service public, il paraît impossible de vérifier le montant des investissements effectués pour les travaux correspondant à ces pertes d'exploitation, compte tenu d'un bénéfice raisonnable.

(170)

En ce qui concerne la quatrième condition Altmark, CAMED a obtenu la concession des terrains sans aucune procédure de marché public et l'Italie n'a jamais transmis les renseignements nécessaires pour évaluer si le montant des investissements pour les travaux correspondait au niveau des coûts d'une entreprise moyenne bien gérée qui autorise d'autres réparateurs à accéder librement aux cales sèches.

(171)

Par conséquent, la Commission conclut que les quatre conditions cumulatives ne sont pas réunies et que les mesures en cause constituent un avantage économique en faveur de CAMED.

5.2.4.   Distorsions de concurrence et effets sur les échanges

(172)

La réparation navale représente une activité économique dans un secteur ouvert à la concurrence et aux échanges au sein de l'Union. Tout avantage conféré à CAMED est ainsi susceptible de fausser la concurrence et d'affecter les échanges au sein de l'Union.

5.2.5.   Qualification des mesures en tant qu'aides existantes

(173)

Pour les raisons examinées à la section 5.1.7 de la présente décision au sujet de l'autorité portuaire de Naples, la Commission estime également que les mesures en faveur de CAMED ne peuvent être considérées comme des aides existantes.

5.3.   Compatibilité

(174)

La Commission signale que les cales sèches ne sont pas des infrastructures de transport, mais des installations de production pour les chantiers navals, dès lors qu'elles sont utilisées pour la construction ou la réparation de navires et non à des fins de transport. Selon elle, les mesures en cause ne peuvent être appréciées directement au regard de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE en tant qu'aide à l'investissement en faveur d'infrastructures de transport, comme le veulent les autorités italiennes (voir considérant 86).

(175)

La Commission souligne également que l'aide ne peut être appréciée sur la base de l'article 107, paragraphe 2, point b), du TFUE relatif aux aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires. La Commission fait observer que les aides d'État sont jugées compatibles avec le marché intérieur au sens de l'article précité seulement si des conditions très strictes sont réunies, notamment que l'aide ne compense que les dommages directement causés par les événements en question et ne constitue pas une surcompensation, des conditions qui ne sont pas réunies dans le cas d'espèce (61).

(176)

La Commission considère donc que l'examen de la compatibilité des mesures en faveur de l'autorité portuaire de Naples et de CAMED doit se fonder, d'abord, sur la communication de la Commission — Encadrement de l'Union européenne applicable aux aides d'État sous forme de compensations de service public (l'«encadrement SIEG de 2011») (62).

(177)

Si les conditions de compatibilité avec le marché intérieur visées dans l'encadrement SIEG de 2011 ne sont pas réunies, la Commission estime que l'examen de la compatibilité des mesures octroyées à l'autorité portuaire de Naples et à CAMED peut également se fonder sur les règles applicables en matière d'aides d'État en vigueur dans le secteur de la construction navale au moment de l'octroi des mesures.

(178)

La Commission signale que la date d'octroi des aides individuelles à l'autorité portuaire de Naples ne correspond pas à la date d'entrée en vigueur de la loi no 413/1998, comme l'affirme l'Italie (voir considérant 85). Cette loi, trop générale, n'est pas apte à conférer au bénéficiaire le droit légal de recevoir l'aide, en ce qu'elle ne recense pas les bénéficiaires effectifs ni le montant des aides (63). La Commission estime, elle, que le droit de recevoir les aides en cause découle du décret ministériel du 27 décembre 1999, adopté dans le cadre général de la loi no 413/1998, en liaison avec le décret ministériel du 2 mai 2001, qui sont donc les véritables dispositions d'application des mesures en vertu de la loi no 413/1998.

(179)

En vertu de l'article 9 de la loi no 413/1998, l'article 1er du décret ministériel du 27 octobre 1999 prévoit, à la demande de l'autorité portuaire concernée, l'adoption d'un programme de travaux d'infrastructure pour l'expansion, la modernisation et la rénovation des ports ainsi que pour l'affectation des ressources, conformément à son annexe. En vertu de cette annexe, le ministère devait mettre à la disposition de l'autorité portuaire de Naples 51,403 millions d'EUR (99,53 milliards de lires italiennes) pour des projets d'investissement sur les cales sèches du port de Naples. Les montants devant être libérés pour tous les projets d'investissement portuaires entre 2001 et 2017 ont été fixés dans l'annexe au décret ministériel du 2 mai 2001, également adopté sur la base de la loi no 413/1998. Pour l'autorité portuaire de Naples, ce décret fixe un plafond global maximal de financement à 102 millions d'EUR (197,5 milliards de lires italiennes). Ces décrets donnent à l'autorité portuaire de Naples, entre autres, le droit d'obtenir du ministère le remboursement de l'emprunt contracté pour les projets d'infrastructure portuaires prévus à l'annexe des décrets ministériels, y compris les projets pour les cales sèches en cause. Ces investissements ont été déjà prévus au moment de l'octroi de la concession de 2004 à CAMED, laquelle renvoie d'ailleurs à ces investissements, déjà prévus dans la convention de 2001. Par conséquent, les bases de compatibilité suivantes pourraient être applicables aux aides à la construction navale (aides à l'investissement à finalité régionale destinées à améliorer ou moderniser les chantiers existants dans le but d'augmenter la productivité des infrastructures existantes) en faveur de l'autorité portuaire de Naples et de CAMED:

1)

le règlement (CE) no 1540/98;

2)

l'encadrement des aides d'État à la construction navale de 2004, initialement applicable du 1er janvier 2004 jusqu'au 31 décembre 2006, puis prorogé à deux reprises, jusqu'au 31 décembre 2008 et jusqu'au 31 décembre 2011 respectivement;

3)

l'encadrement des aides d'État à la construction navale de 2011, qui s'appliquait aux aides d'État non notifiées accordées après le 31 décembre 2011. L'application de cet encadrement a été prorogée jusqu'au 30 juin 2014;

4)

les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale pour la période 2014-2020 applicables à compter du 1er juillet 2014.

(180)

L'Italie a affirmé que la base de compatibilité précitée pour les aides à la construction navale ne devait pas s'appliquer en tant que quelle et que la compatibilité avec le marché intérieur devait au contraire être appréciée directement sur la base de l'article 107 du TFUE ainsi qu'à la lumière des autres dispositions du droit dérivé adoptées dans le secteur des aides d'État (64). L'Italie a mentionné les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, les tremblements de terre, le développement économique d'une région bénéficiaire d'une aide ainsi que la modernisation et le développement des infrastructures portuaires.

(181)

Selon la jurisprudence, il incombe à l'État membre de démontrer que les circonstances d'une mesure nationale se distinguent de celles visées dans les lignes directrices en la matière. La Commission devrait donc apprécier la mesure directement au regard de l'article 107, paragraphe 3, du TFUE (65). Dans la mesure où l'Italie affirme que les bombardements de la Seconde Guerre mondiale et les tremblements de terre donnent une raison de s'écarter des lignes directrices précitées, la Commission a déjà expliqué au considérant 175 pourquoi les conditions visées à l'article 107, paragraphe 2, point b), du TFUE ne sont en tout état de cause pas réunies dans le cas des mesures en cause. En ce qui concerne l'argument selon lequel la modernisation et le développement des infrastructures portuaires seraient des raisons pour apprécier la mesure directement au regard du traité, la Commission a expliqué au considérant 174 que les cales sèches ne sont pas des infrastructures de transport et ne peuvent, à ce titre, être appréciées directement au regard de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE. Enfin, en ce qui concerne l'argument de l'Italie concernant le développement économique de la région concernée, bénéficiaire d'une aide, la Commission fait observer que cette aide n'aurait pas été appréciée au regard des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale applicables au moment de l'octroi des mesures, puisque les aides à la construction navale étaient régies par des règles sectorielles, comme indiqué au considérant 176, une circonstance clairement reconnue dans toutes les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale applicables au moment de l'octroi de l'aide (66). Elle estime également que les aides au secteur de la construction navale sont appréciées à la lumière des règles sectorielles spécifiques relatives à la construction navale plutôt qu'au regard des règles plus générales concernant les aides d'État à finalité régionale, puisque seules les lignes directrices sectorielles sont aptes à couvrir les particularités du secteur et, donc, à poursuivre de la meilleure manière qui soit l'objectif commun visé par l'aide.

5.3.1.   Appréciation de la compatibilité des aides en faveur de l'autorité portuaire de Naples

(182)

Une des conditions pour que des aides soient jugées compatibles avec le marché intérieur au sens de l'encadrement SIEG de 2011 est que celles-ci concernent un véritable service d'intérêt économique général, au sens de l'article 106, paragraphe 2, du TFUE, auquel il convient de donner une définition correcte. En outre, les SIEG devraient être confiés au moyen d'un acte précisant les obligations de service public et les méthodes de calcul de la compensation, tandis que le montant de la compensation ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir le coût net de l'exécution des obligations de service public, compte tenu d'un bénéfice raisonnable.

(183)

Ainsi qu'il ressort du raisonnement présenté à la section 5.1.4, la Commission souligne que l'Italie a commis une erreur manifeste d'appréciation dans la définition du service public confié à l'autorité portuaire de Naples. En outre, les actes pertinents ne donnent aucune indication quant au montant de la compensation à octroyer à l'autorité portuaire de Naples pour la gestion des cales sèches ni quant à la manière de calculer cette compensation et ne permettent donc pas de vérifier si la compensation octroyée correspond au montant nécessaire pour couvrir les coûts de l'exécution des obligations de service public présumées. Du reste, comme expliqué au considérant 167, la nature, la durée et la portée de l'obligation de service public dont aurait été chargée l'autorité portuaire de Naples n'ont pas été clairement définies.

(184)

La Commission considère donc que les mesures ne respectent pas toutes les conditions de compatibilité et que, par conséquent, elles ne peuvent être jugées compatibles au sens de l'encadrement SIEG de 2011 pour ce qui est de l'aide accordée à l'autorité portuaire de Naples.

(185)

La Commission a également apprécié si les mesures pouvaient être considérées comme compatibles avec le marché intérieur sur la base des règles applicables en matière de construction navale.

(186)

La Commission fait observer que, vu les actes de concession des aides (voir considérants 25 et 179), les bases juridiques applicables à ces aides sont le règlement (CE) no 1540/98 et l'encadrement des aides d'État à la construction navale, comme indiqué au considérant 179, points i) et ii) (67). La Commission a vérifié si les conditions visées dans chacune de ces bases juridiques étaient respectées.

(187)

Pour être admises au sens des règles en matière de construction navale, les aides aux investissements doivent être accordées pour permettre, hors de toute restructuration financière du chantier naval, de mettre à niveau ou de moderniser les installations dans le but d'accroître leur productivité (sans se limiter à remplacer l'actif déjà amorti) (68).

(188)

Les autorités italiennes ont déclaré (considérant 86) que l'aide présumée n'avait pas pour but d'accroître la productivité des installations existantes d'un chantier, mais plutôt de soutenir des activités d'entretien bien précises sur certains éléments de l'infrastructure portuaire dont l'État italien est le propriétaire exclusif et d'éviter leur obsolescence. Les aides aux investissements ne sont donc pas admises au sens des règles en matière de construction navale.

(189)

En outre, l'Italie n'a pas démontré que l'aide a eu un effet incitatif, autrement dit qu'une demande d'aide ait été introduite avant le début des travaux et que les aides aient été limitées au soutien des dépenses admissibles, telles que définies dans les lignes directrices applicables concernant les aides d'État à finalité régionale (voir considérant 89).

(190)

Les fonds publics déjà accordés pour le projet (44 138 854,50 EUR, soit 76,42 % des coûts totaux de l'investissement) dépassent l'intensité maximale autorisée pour les aides à l'investissement à finalité régionale dans le secteur de la construction navale en vertu des trois encadrements successifs en matière de construction navale (intensité maximale comprise entre 12,5 % et 22,5 % des coûts totaux de l'investissement en fonction du statut de l'aide à finalité régionale dans la région concernée).

(191)

Compte tenu du fait que les conditions de compatibilité précitées ne sont pas respectées, la Commission conclut que les mesures d'aide en faveur de l'autorité portuaire de Naples ne sont pas compatibles avec le marché intérieur.

5.3.2.   Appréciation de la compatibilité des aides en faveur de CAMED

(192)

Comme expliqué à la section 5.2.3, l'Italie a commis une erreur manifeste d'appréciation en qualifiant les services de réparation navale confiés à CAMED d'obligations de service public. En outre, les actes pertinents ne donnent aucune indication quant au montant de la compensation à octroyer à CAMED en échange de l'obligation de garantir l'accès aux cales sèches et ne permettent donc pas de vérifier si la compensation éventuelle octroyée ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts de l'exécution des obligations de service public. La Commission fait observer que le financement des travaux (pour un montant de 44 138 854,50 EUR décaissé par l'État italien et par des ressources propres de l'autorité portuaire de Naples à hauteur de 13 621 000 EUR) à titre de compensation pour l'exécution de l'obligation faite à CAMED de garantir l'accès aux cales sèches ne peut exclure le risque de compensation excessive (voir considérant 169). Du reste, comme expliqué au considérant 162, la nature, la durée et la portée de l'obligation de service public ne sont pas clairement définies.

(193)

La Commission conclut dès lors que les mesures ne peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur au sens de l'encadrement SIEG de 2011 pour ce qui est de l'aide présumée en faveur de CAMED.

(194)

En ce qui concerne la compatibilité de l'aide accordée à CAMED en vertu des règles en matière de construction navale, la Commission fait observer que CAMED — en tant que gestionnaire et opérateur des services subventionnés — a bénéficié d'aides au fonctionnement (sous la forme de redevances de concession) destinées à réduire la charge que celle-ci aurait dû supporter. Les règles en matière d'aides d'État applicables au secteur de la construction navale au moment de l'octroi de la mesure (voir considérant 179) ne prévoient pas d'aides au fonctionnement pour les gestionnaires ou les utilisateurs d'infrastructures de construction navale. Par conséquent, la Commission conclut que l'aide accordée à CAMED ne peut être jugée compatible avec le marché intérieur.

6.   CONCLUSION

(195)

La Commission fait remarquer que l'Italie a mis à exécution illégalement des aides à l'investissement en faveur de l'autorité portuaire de Naples en violation de l'article 108, paragraphe 3, du TFUE.

(196)

La Commission fait encore remarquer que l'Italie a mis à exécution illégalement des aides au fonctionnement en faveur de l'autorité portuaire de Naples en violation de l'article 108, paragraphe 3, du TFUE.

(197)

Étant donné qu'aucun motif de compatibilité ne peut être déterminé pour les mesures en cause, ces dernières se révèlent incompatibles avec le marché intérieur.

7.   RÉCUPÉRATION

7.1.   Prescription

(198)

La Commission fait observer que, selon les autorités italiennes, l'aide publique en cause ne peut être récupérée, étant donné que le délai de prescription visé à l'article 17 du règlement de procédure a expiré.

(199)

Conformément à l'article 17, paragraphe 1, dudit règlement, «les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l'aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans». Or, l'article 17, paragraphe 2, dit ceci: «Le délai de prescription commence le jour où l'aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d'aide individuelle ou dans le cadre d'un régime d'aide. Toute mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l'égard de l'aide illégale interrompt le délai de prescription. Chaque interruption fait courir de nouveau le délai. Le délai de prescription est suspendu aussi longtemps que la décision de la Commission fait l'objet d'une procédure devant la Cour de justice de l'Union européenne.»

(200)

La Commission considère que les arguments soulevés par les autorités italiennes ne peuvent être accueillis. Les mesures prises par la Commission, à savoir l'envoi d'une demande de renseignements en mars 2006, de deux lettres d'évaluation préliminaire au plaignant en 2013 et en 2014 et des demandes de renseignements complémentaires aux autorités italiennes (voir considérants 3, 5 et 6), ont en réalité interrompu le délai de prescription, avec pour conséquence que le délai de prescription de dix ans n'a pas expiré.

7.2.   Confiance légitime et sécurité juridique

(201)

Conformément à l'article 16, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute aide jugée incompatible avec le marché intérieur doit être récupérée.

(202)

Cependant, aux termes de l'article 16, paragraphe 1, «la Commission n'exige pas la récupération de l'aide si, ce faisant, elle allait à l'encontre d'un principe général du droit de l'Union». À cet égard, la Cour de justice a considéré que la Commission était tenue de prendre d'office en considération les circonstances exceptionnelles qui justifient, conformément audit article 16, paragraphe 1, qu'elle renonce à ordonner la récupération des aides accordées illégalement lorsque cette récupération est contraire à un principe général du droit de l'Union (69).

(203)

La Commission fait observer que l'Italie et CAMED, dans leurs observations en réponse à la décision d'ouvrir la procédure, ont avancé l'argument selon lequel la décision de la Commission était illégitime et constituait une violation des principaux généraux de bonne administration, de sécurité juridique et de confiance légitime (voir considérants 52 à 54 et 91).

(204)

Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, ont été fournies à l'intéressé par les autorités compétentes de l'Union (70). Selon la jurisprudence, ces assurances peuvent être explicites (sous la forme d'une communication directe à un État membre de la validité d'une mesure donnée, par exemple) (71) ou implicites (un retard indu dans la procédure ou l'approbation de régimes similaires dans le passé, par exemple) (72). Une confiance légitime dans la régularité de l'aide accordée ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être invoquée si cette aide n'a pas été accordée conformément aux obligations de notification prévues à l'article 108 du TFUE (73).

(205)

La Commission estime que le cas d'espèce n'enfreint pas le principe de confiance légitime. En effet, comme expliqué aux considérants 147 à 150, les autorités italiennes n'ont jamais notifié l'aide à la Commission. D'ailleurs, la Commission n'a fourni aucune assurance précise, inconditionnelle et concordante concernant la mesure d'aide ou une aide compatible avec le marché intérieur (74).

(206)

L'exigence fondamentale de la sécurité juridique, prévue également à l'article 16 du règlement de procédure, vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l'Union et s'oppose donc à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l'exercice de ses pouvoirs (75).

(207)

Compte tenu des circonstances très particulières du cas d'espèce, la Commission estime que le principe de sécurité juridique n'a pas été dûment pris en considération vis-à-vis des autorités italiennes.

(208)

La Commission fait observer que certains éléments de preuve font penser que i) la Commission a retardé l'exercice de ses pouvoirs au moment d'examiner les mesures en cause et ii) l'indication implicite transmise par la Commission aux autorités italiennes avant la réouverture du dossier en 2013 peut avoir induit en erreur ces dernières quant à la régularité des mesures (76).

(209)

Premièrement, la Commission a retardé l'exercice de ses pouvoirs au moment d'examiner les mesures en cause: la Commission a envoyé une demande de renseignements en mars 2006 à laquelle l'Italie a répondu le 3 avril 2006 pour apporter des informations exhaustives qui auraient dû pousser la Commission à conclure que la mesure en cause était en réalité une aide publique. Or, les services de la Commission n'ont pas donné suite à cette lettre et ont même clos le dossier. Ils ne l'ont rouvert que sept années plus tard, à la suite d'une plainte formelle introduite en février 2013. Finalement, la décision d'ouvrir la procédure a été publiée en juin 2016.

(210)

Deuxièmement, l'indication implicite transmise par la Commission aux autorités italiennes avant la réouverture du dossier en 2013 peut avoir induit en erreur ces dernières quant à la régularité du dossier. Par lettre du 3 avril 2006, les autorités italiennes ont affirmé que les cales sèches en cause étaient des infrastructures publiques et que, en tant que telles, elles ne relevaient pas des lignes directrices relatives à la construction navale. Cependant, les informations fournies à la Commission par les autorités italiennes auraient dû conduire la première à conclure que la mesure en cause était en réalité une aide publique à la construction et à la réparation de navires, qu'elle constituait une aide d'État et qu'elle aurait dû être notifiée à la Commission. Par conséquent, même si la Commission a été informée de la nature du projet d'investissement subventionné, elle n'a pas pris d'autres mesures et n'a pas ouvert de nouvelle procédure d'examen au cours de la période 2006-2013, envoyant à l'Italie le signal implicite qu'il était correct qu'elle qualifie les cales sèches d'infrastructure portuaire.

(211)

Les sept années qui se sont écoulées entre la réponse des autorités italiennes à la lettre de la Commission et la nouvelle demande de renseignements envoyée par la Commission à l'Italie pourraient avoir porté cette dernière, dans ce cas précis, à interpréter le silence de la Commission comme une approbation implicite de sa position initiale, selon laquelle la mesure ne relevait pas du champ d'application du contrôle sur les aides d'État et, partant, ne nécessitait aucune notification. S'il est vrai que, en principe, l'absence de réaction de la Commission à la réponse d'un État membre ne peut, en soi, constituer une violation du principe de sécurité juridique, il est toutefois évident que dans ce cas particulier il n'est pas simplement question de l'inaction de la Commission, mais d'une indication implicite fournie à l'Italie par les services de la Commission et qui se traduit par une combinaison de circonstances exceptionnelles. Par conséquent, i) le retard de sept ans dans le processus décisionnel initial de la Commission (qui n'a pas donné suite à la première lettre des autorités italiennes du 3 avril 2006) auquel s'ajoute ii) l'inactivité de la Commission qui, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, peut avoir été interprétée comme si elle donnait tacitement son aval à la position des autorités italiennes sur la détermination et l'interprétation du cadre juridique relatif à l'appréciation de la mesure, peuvent avoir laissé place au doute quant à la légalité des mesures et empêché les autorités italiennes d'adopter rapidement des mesures pour rendre les mesures en cause conformes aux règles en matière d'aides d'État.

(212)

Dès lors, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce et des éléments qui précèdent examinés dans leur ensemble, à l'effet de garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l'Union, la Commission conclut que les circonstances particulières de l'espèce sont telles que l'Italie n'est pas tenue de récupérer les aides incompatibles avec le marché intérieur visées à la section 5 en faveur de l'autorité portuaire de Naples ou de CAMED qui ont été accordées avant la demande de renseignements envoyée par la Commission à l'Italie le 28 février 2013, qui a donné lieu à la réouverture du dossier.

(213)

En ce qui concerne les aides accordées après le 28 février 2013, toute aide incompatible avec le marché intérieur doit être récupérée auprès des bénéficiaires. La Commission fait en effet observer qu'après le 28 février 2013, date de l'envoi de la demande de renseignements détaillée, les autorités italiennes ont été tout à fait informées du fait que la Commission nourrissait des doutes quant à la légitimité et la compatibilité de l'aide.

(214)

Cela étant, comme indiqué au considérant 178, la Commission signale que toutes les mesures en cause ont été accordées à l'autorité portuaire de Naples avant le 28 février 2013, date de la demande de renseignements transmise par la Commission à l'Italie à la suite de la plainte formelle de 2013. Pour CAMED également, toutes les mesures en cause ont été accordées avant le 28 février 2013, puisque celle-ci a obtenu le droit légal de recevoir l'aide en vertu du contrat de concession de 2004. Par conséquent, aucune des mesures d'aide en cause n'a été accordée après le 28 février 2013.

7.3.   Aide à récupérer auprès de l'autorité portuaire de Naples et de CAMED

(215)

Compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, présentées aux considérants 207 à 211, et de la conclusion visée au considérant 214, l'Italie ne doit récupérer aucun montant auprès de l'autorité portuaire de Naples et de CAMED. Pour les mêmes raisons, la présente décision ne fait pas obstacle aux paiements futurs correspondant aux montants de l'aide déjà accordés à l'autorité portuaire de Naples (en vertu du décret ministériel du 27 octobre 1999 adopté dans le cadre général de la loi no 413/1998, en liaison avec le décret ministériel du 2 mai 2001) et à CAMED (en vertu du contrat de concession de 2004) avant le 28 février 2013.

(216)

Cependant, si l'Italie prévoyait d'accorder d'autres mesures d'aide au port de Naples, elle serait alors naturellement tenue, en vertu de l'article 108, paragraphe 3, du TFUE, de notifier ces mesures à la Commission aux fins de l'appréciation relative de la compatibilité avec le marché intérieur (sauf, évidemment, si ces mesures bénéficient de l'exemption par catégorie de l'obligation de notification).

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

1.   Les aides d'État sous la forme d'aides à l'investissement accordées par l'Italie à l'autorité portuaire de Naples par décret ministériel du 27 octobre 1999 adopté dans le cadre général de la loi no 413/1998, en liaison avec le décret ministériel du 2 mai 2001, que l'Italie a illégalement mises à exécution en violation de l'article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, sont incompatibles avec le marché intérieur.

2.   Les aides d'État sous la forme de redevances de concession indûment basses accordées par l'autorité portuaire de Naples à CAMED, que l'Italie a illégalement mises à exécution via le contrat de concession de 2004 conclu par CAMED et par l'autorité portuaire de Naples le 29 juillet 2004, en violation de l'article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, sont incompatibles avec le marché intérieur.

Article 2

L'Italie n'est pas tenue de récupérer l'aide visée à l'article 1er.

Article 3

La République italienne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 20 septembre 2018.

Par la Commission

Margrethe VESTAGER

Membre de la Commission


(1)  JO C 369 du 7.10.2016, p. 78.

(2)  Règlement (CE) no 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (JO L 83 du 27.3.1999, p. 1). Ce règlement a été remplacé par le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 portant modalités d'application de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (JO L 248 du 24.9.2015, p. 9).

(3)  Voir note 1 de bas de page.

(4)  Règlement relatif à l'exploitation des cales sèches, http://porto.napoli.it/wp-content/uploads/2015/05/RegolamentoBacini.pdf

(5)  La dernière modification du règlement date de 2012, http://porto.napoli.it/wp-content/uploads/2015/06/Ordinanza_N.6_03-04-2012.pdf

(6)  Les autorités italiennes ont expliqué que l'entreprise avait connu une série de transformations sociales et avait plusieurs fois changé de nom. Dans un souci de simplicité, l'entreprise est désignée «CAMED» dans la présente décision, même si elle portait autrefois un autre nom (Bacini Napoletani SpA).

(7)  Convention entre l'autorité portuaire de Naples et Bacini Napoletani SpA (CAMED) du 12 juin 2001. En vertu de la convention de 2001, CAMED gère la cale sèche no 3 depuis 1959 au moins.

(8)  Article 36 du code naval et article 18 du règlement portant exécution du code de la navigation maritime.

(9)  Le montant de l'investissement indiqué dans la concession de 2004 s'élève en effet à 24 millions d'EUR et non à 24 000 EUR, comme indiqué dans la décision d'ouvrir la procédure.

(10)  Le plaignant a fait référence, entre autres, à la décision de la Commission relative à l'aide d'État SA. 34940 (N/2012) — Italie — Port d'Augusta du 19 décembre 2012 (JO C 77 du 15.3.2013, p. 1).

(11)  «Aux fins de la réalisation de travaux d'infrastructure pour l'agrandissement, la modernisation et la rénovation des ports, le ministère des transports et de la navigation adopte un programme à la demande des autorités portuaires ou, le cas échéant, des autorités maritimes, après avoir consulté les régions concernées».

(12)  Décret du 27 octobre 1999 portant adoption du programme de travaux d'infrastructure pour l'agrandissement, la modernisation et la rénovation des ports [Journal officiel de la République italienne (GURI), série générale no 10 du 14.1.2000].

(13)  Décret du 2 mai 2001 sur la répartition des ressources visée à l'article 9 de la loi no 413 de 1998, selon le refinancement prévu à l'article 54, paragraphe 1, de la loi no 488 de 1999 et à l'article 144, paragraphe 1, de la loi no 388 de 2000 pour la réalisation de travaux d'infrastructure pour l'agrandissement, la modernisation et la rénovation des ports (GURI, série générale no 199 du 28.8.2001).

(14)  Des fonds supplémentaires ont été accordés également en vertu de l'article 54, paragraphe 1, de la loi no 488/1999, de l'article 144, paragraphe 1, de la loi no 388/2000 et de l'article 36 de la loi no 166/2002.

(15)  Règlement (CE) no 1540/98 du Conseil du 29 juin 1998 concernant les aides à la construction navale (JO L 202 du 18.7.1998, p. 1), en vigueur du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2003.

(16)  JO C 317 du 30.12.2003, p. 11. Voir également la communication de la Commission concernant la prorogation de l'encadrement des aides d'État à la construction navale (JO C 260 du 28.10.2006, p. 7) et la communication de la Commission concernant la prorogation de l'encadrement des aides d'État à la construction navale (JO C 173 du 8.7.2008, p. 3).

(17)  JO C 364 du 14.12.2011, p. 9.

(18)  Voir la communication de la Commission prorogation de l'application de l'encadrement des aides d'État à la construction navale (JO C 357 du 6.12.2013, p. 1).

(19)  JO C 209 du 23.7.2013, p. 1.

(20)  Voir l'arrêt SFEI, C-222/92, ECLI:EU:C:1994:396.

(21)  Voir l'arrêt Aristrain/Commission, T-156/94, ECLI:EU:T:1999:53.

(22)  Voir l'arrêt Athinaïki Techniki/Commission, C-362/09 P, ECLI:EU:C:2010:783.

(23)  Voir la loi no 84 du 28 janvier 1994 relative à l'adaptation de la législation applicable en matière portuaire (Riordino della legislazione in materia portuale) (GURI no 28 du 4.2.1994, supplément ordinaire no 21).

(24)  En vertu de cette loi, les principales fonctions des autorités portuaires italiennes sont les suivantes: a) la programmation, la coordination et la promotion des activités industrielles et commerciales menées dans les ports; b) le maintien d'un accès libre aux infrastructures et aux espaces; c) la délégation à des tiers et le contrôle des activités portuaires dont la finalité consiste à fournir des services d'intérêt général aux utilisateurs en échange d'une rémunération.

(25)  Les autorités italiennes font référence à l'arrêt Aéroports de Paris/Commission, T-128/98, ECLI: EU:T:2000:290. Selon les autorités italiennes, la possibilité pour le gestionnaire d'une infrastructure de fixer librement le montant de la redevance qu'il demande aux utilisateurs potentiels représente une condition nécessaire et impérative pour considérer cette redevance comme une «redevance commerciale» et, par voie de conséquence, l'activité du gestionnaire d'infrastructure comme une «activité économique».

(26)  Selon les autorités italiennes, dans le cadre du plan national de rénovation des ports italiens et par l'adoption de la loi no 413/1998, les autorités nationales ont affecté des fonds à la réalisation de travaux d'infrastructure destinés à agrandir, à moderniser et à rénover les ports et ont autorisé les autorités portuaires à investir un montant total d'environ 50 millions d'EUR par an dans des travaux d'infrastructure.

(27)  En vertu de l'article 5 de la loi no 84/1994 et de l'article 104 du décret législatif no 112/1998, l'État italien supporte la charge économique liée à la réalisation des travaux de rénovation extraordinaires des infrastructures domaniales dont il est le propriétaire exclusif.

(28)  La concession a été attribuée conformément à l'article 36 du code naval et à l'article 18 du règlement portant exécution du code de la navigation maritime.

(29)  Communication de la Commission relative à la notion d'«aide d'État» visée à l'article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (JO C 262 du 19.7.2016, p. 1).

(30)  L'Italie signale que, dans l'arrêt Aéroports de Paris, c'est la gestion des aéroports qui a été décrite comme une activité économique, et non la construction des infrastructures. Il convient donc de faire au moins référence à l'arrêt rendu dans l'affaire Leipzig/Halle. Les autorités italiennes continuent de contester la transposition de l'arrêt en cause au secteur portuaire, craignant effectivement que son application ne soumette aux règles relatives aux aides d'État toute la politique économique et industrielle des États membres dans le secteur portuaire, modifiant les domaines de compétence de l'Union et des États membres au détriment de ces derniers.

(31)  Décision de la Commission du 2 février 1994 relative à la loi régionale no 23/1991 de la région de Sicile concernant des interventions extraordinaires en faveur de l'industrie et à l'article 5 de la loi régionale no 8/1991 de la région de Sicile concernant, notamment, des financements en faveur de la société SITAS (JO L 170 du 5.7.1994, p. 36).

(32)  Les autorités italiennes ont également donné des exemples de situations similaires dans lesquelles d'autres concessionnaires actifs dans le port de Naples ont signé des accords analogues en vertu desquels c'est l'autorité portuaire qui a financé différents travaux d'infrastructure. Les autorités italiennes ont fait référence, en particulier, à un contrat de concession passé entre l'autorité portuaire et le plaignant portant sur l'exercice d'activités de construction navale dans le port de Naples, en vertu duquel les travaux d'entretien (ordinaire) relèvent de la responsabilité du concessionnaire tandis que l'autorité portuaire accepte de financer la construction d'un nouveau quai (travaux extraordinaires).

(33)  Ces dernières ont expliqué que l'autorité portuaire de Naples avait mis en œuvre une série de mesures faisant intervenir des fonds publics pour moderniser un grand nombre de biens appartenant à l'État et d'infrastructures, utilisés par des entreprises actives dans tous les secteurs économiques, et pas seulement par des entreprises de construction navale, et ce surtout au niveau local en application de la loi no 413/1998. Elles ont donné des exemples spécifiques.

(34)  Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession (JO L 94 du 28.3.2014, p. 1).

(35)  Décision de la Commission du 19 décembre 2012, SA.34940 — Port d'Augusta (JO C 77 du 15.3.2013, p. 1).

(36)  Loi no 84/1994 (loi-cadre sur les ports italiens).

(37)  Décret no 595 du ministre des transports et de la navigation, du ministre du trésor et du ministre des finances du 15 novembre 1995, «Regolamento recante norme per la determinazione dei canoni per le concessioni demaniali marittime» (règlement établissant les règles de calcul des redevances pour les concessions domaniales maritimes) (GURI, série générale no 158 du 8.7.1996).

(38)  Voir les arrêts Höfner et Elser/Macrotron, C-41/90, ECLI:EU:C:1991:161, point 21; Poucet et Pistre/AGF et Cancava, C-160/91, ECLI:EU:C:1993:63, point 17; et Commission/Italie, C-35/96, ECLI:EU:C:1998:303.

(39)  Voir l'arrêt Commission/Italie, 118/85, ECLI:EU:C:1987:283, point 7; l'arrêt Commission/Italie, C-35/96, ECLI:EU:C:1998:303, point 36; et l'arrêt dans les affaires jointes Pavlov e.a., C-180/98 à C-184/08, ECLI:EU:C:2000:428, point 75.

(40)  Voir, par exemple, la décision de la Commission du 12 mai 2004 concernant l'aide d'État mise à exécution par l'Espagne à titre de nouvelle aide à la restructuration des chantiers navals publics — Aide d'État C 40/00 (ex NN 61/00) (2005/173/CE).

(41)  «[L]a concessione è assentita allo scopo di esercitarvi un cantiere di trasformazioni e riparazioni di navi e/o imbarcazioni da diporto nonché per la gestione dei bacini di carenaggio in muratura».

(42)  Voir l'arrêt Grèce/Commission, T-314/15, ECLI:EU:T:2017:903, point 79.

(43)  Le programme du 27 octobre 1999 répertorie 20 ports bénéficiaires d'un financement national et le programme du 2 mai 2001 complète la liste (portant le nombre à 25).

(44)  Voir, par exemple, les arrêts Belgique/Commission, C-75/97, ECLI:EU:C:1999:311, point 32; et Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, C-143/99, ECLI:EU:C:2001:598, point 48.

(45)  Voir l'arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C-280/00, ECLI:EU:C:2003:415, points 87 et 88.

(46)  Voir l'arrêt Comunidad Autónoma del País Vasco et Itelazpi/Commission, affaires jointes C-66/16 P et C-69/16 P, ECLI:EU:C:2017:999, points 72, 73 et 75. Voir également les conclusions de l'avocat général Wathelet, Comunidad Autónoma del País Vasco et Itelazpi/Commission, affaires jointes C-66/16 P à C-69/16 P, ECLI:EU:C:2017:654, points 112, 114 à 117, 121 et 122.

(47)  Voir la Communication de la Commission relative à l'application des règles de l'Union européenne en matière d'aides d'État aux compensations octroyées pour la prestation de services d'intérêt économique général de 2011, point 50.

(48)  Voir l'arrêt Enirisorse, affaires jointes C-34/01 et C-38/01, ECLI:EU:C:2003:640, point 33.

(49)  Voir la communication de la Commission C(2001) 9404 final du 20 décembre 2011 relative à l'application des règles de l'Union européenne en matière d'aides d'État aux compensations octroyées pour la prestation de services d'intérêt économique général (la communication SIEG de 2011), point 45.

(50)  Voir, par exemple, l'arrêt Philip Morris/Commission, 730/79, ECLI:EU:C:1980:209, point 11, et l'arrêt Italie/Commission, C-372/97, ECLI:EU:C:2004:234, point 44.

(51)  Voir la décision de la Commission du 12 mai 2004 concernant l'aide d'État mise à exécution par l'Espagne à titre de nouvelle aide à la restructuration des chantiers navals publics — Aide d'État C 40/00 (ex NN 61/00) (2005/173/CE).

(52)  Voir, par exemple, l'arrêt Belgique/Commission, 40/85, ECLI:EU:C:1986:305, point 12.

(53)  Voir l'arrêt SFEI et al., C-39/94, ECLI:EU:C:1996:285, points 60 et 61.

(54)  Voir l'arrêt SNCM/Commission, T-454/13, ECLI:EU:T:2017:134, point 233.

(55)  Voir, par exemple, décision 94/374/CE.

(56)  Voir l'arrêt Associazione italiana del risparmio gestito et Fineco Asset Management/Commission, T-445/05, ECLI:EU:T:2009:50, point 145.

(57)  Voir l'arrêt Grèce/Commission, T-314/15, ECLI:EU:T:2017:903, point 79.

(58)  Ce chiffre est le résultat d'une extrapolation, sur une période de 30 ans, de la redevance de concession moyenne déjà versée par CAMED pour la période 2004-2017.

(59)  Les redevances versées par d'autres opérateurs portuaires à CAMED portent en particulier sur: i) l'utilisation des cales sèches et ii) la mise à disposition par CAMED des «services annexes», comme l'entrée, la sortie et l'entretien des navires dans les cales sèches, la fourniture d'électricité, d'air comprimé, de grues portuaires, la surveillance et la sécurité environnementale.

(60)  Voir communication SIEG de 2011, point 50.

(61)  Décision de la Commission SA.39622 (2014/N), République de Slovénie — Aides destinées à remédier aux dommages causés par le gel en Slovénie aux mois de janvier et de février 2014 (pour tous les secteurs, hors agriculture, sylviculture, pêche et aquaculture).

(62)  JO C 8 du 11.1.2012, p. 15.

(63)  Voir l'arrêt Nerea, C-245/16, ECLI:EU:C:2017:521, point 32.

(64)  En l'occurrence, l'Italie fait référence à la communication 2003/C 317/06 (JO C 317 du 30.12.2003, p. 11), en particulier son paragraphe 12 qui dispose que «les aides à la construction navale peuvent être accordées conformément aux articles [107 et 108 du TFUE], ainsi qu'à tous les actes législatifs et toutes les mesures arrêtés sur la base de ces articles».

(65)  Arrêt Grèce/Commission, C-431/14 P, ECLI:EU:C:2016:145, points 70 à 72.

(66)  Voir le point 8 (et la note 9) des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale pour la période 2007-2013 (JO C 54 du 4.3.2006, p. 13): «En outre, certains autres secteurs [les transports et la construction navale] sont […] régis par des règles spécifiques qui tiennent compte de leur situation particulière et qui peuvent s'écarter en tout ou en partie des présentes lignes directrices.» Voir le point 2 des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale pour la période 2000-2006 (JO C 74 du 10.3.1998, p. 9): «À certains des secteurs couverts par les lignes directrices s'appliquent en outre des règles spécifiques aux secteurs en question.»

(67)  Voir i) le règlement (CE) no 1540/98, resté en vigueur du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2003, ii) l'encadrement des aides d'État à la construction navale de 2004, initialement applicable du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, puis prorogé jusqu'au 31 décembre 2008 et jusqu'au 31 décembre 2011.

(68)  Voir article 7 du règlement (CE) no 1540/98; point 26 de l'encadrement des aides d'État à la construction navale de 2003; point 13 de l'encadrement des aides d'État à la construction navale de 2011; et décision de la Commission concernant l'aide d'État C 21/2006 (ex N 635/2005) que la République slovaque envisage de mettre à exécution en faveur de l'entreprise Slovenské lodenice Komárno (2007/529/CE).

(69)  Voir arrêt RSV/Commission, 223/85, ECLI:EU:C:1987:502.

(70)  Voir arrêt Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C-537/08 P, ECLI:EU:C:2010:769, point 63 et jurisprudence citée.

(71)  Voir arrêt Van den Bergh en Jurgens/Commission, 265/85, ECLI:EU:C:1987:121, point 44.

(72)  Voir arrêt RSV/Commission, 223/85, ECLI:EU:C:1987:502.

(73)  Voir arrêt HGA e.a/Commission. dans les affaires jointes C-630/11 P à C-63E/11 P, ECLI:EU:C:2013:387, point 134.

(74)  Pour la définition du principe de confiance légitime, voir les arrêts dans les affaires Van den Bergh en Jurgens/Commission, 265/85 (ECLI:EU:C:1987:121, point 44), et Sofrimport/Commission, 152/88 (ECLI:EU:C:1990:259, point 26); et les arrêts du Tribunal de première instance dans les affaires Mehibas Dordtselaan/Commission, T-290/97 (ECLI:EU:T:2000:8, point 59), et Kyowa Hakko Kogyo/Commission, T-223/00 (ECLI:EU:T:2003:194, point 51); pour l'absence de confiance légitime des bénéficiaires d'une aide mise à exécution de manière illégitime, voir l'arrêt dans les affaires jointes Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission, C-183/02 P et C-187/02 P (ECLI:EU:C:2004:701, points 44 et 45 et jurisprudence citée).

(75)  Voir arrêt Falck et Acciaierie di Bolzano/Commissione, affaires jointes C-74/00 P et C-75/00 P (ECLI:EU:C:2002:524, point 140).

(76)  Voir la décision 2007/256/CE de la Commission du 20 décembre 2006 concernant le régime d'aide mis à exécution par la France au titre de l'article 39 CA du code général des impôts — Aide d'État C 46/04 (ex NN 65/04) (JO L 112 du 30.4.2007, p. 41) et l'arrêt Commission/Salzgitter, C-408/04 P, ECLI:EU:C:2008:236, point 106.