Améliorer l'exécution des créances pécuniaires: la saisie des avoirs bancaires

La Commission européenne lance une consultation publique visant à améliorer l'exécution des créances pécuniaires, notamment par la saisie des avoirs bancaires.

ACTES

Livre vert sur l'amélioration de l'exécution des décisions de justice au sein de l'Union européenne: la saisie des avoirs bancaires [COM(2006) 618 final - Non publié au Journal officiel].

SYNTHÈSE

La Commission européenne décrit dans le présent livre vert les problèmes inhérents à la situation actuelle concernant l'exécution des créances pécuniaires. Elle envisage de créer une saisie européenne des avoirs bancaires. À cette fin, la Commission lance par ce livre vert une consultation des parties intéressées dont les observations doivent être envoyées avant le 31 mars 2007.

Le créancier se heurte à la diversité des règles nationales

Au niveau communautaire, plusieurs instruments juridiques prévoient la compétence des juridictions, la procédure à suivre pour faire reconnaître les décisions et les rendre exécutoires ainsi que les mécanismes de coopération entre les tribunaux dans les procédures civiles. Par contre, l'exécution même d'une décision judiciaire, après avoir été déclarée exécutoire, relève exclusivement du droit national. En plus, dans le cadre de la législation communautaire, il n'est pas possible d'obtenir une saisie bancaire qui soit exécutoire dans l'ensemble de l'Union européenne. En particulier, le règlement (CE) n° 44/2001 (Bruxelles I) ne garantit pas la reconnaissance et l'exécution d'une mesure conservatoire telle qu'une saisie bancaire, obtenue d'une manière non contradictoire dans un État membre autre que celui où elle a été ordonnée.

Or, des disparités existent dans les législations nationales des États membres quant à l'exécution d'une décision judiciaire. Les obstacles pour le créancier d'une somme se traduisent par une diversité des régimes juridiques, diverses exigences procédurales, des barrières linguistiques entraînant des coûts supplémentaires et des retards dans l'application de la procédure.

Bloquer les mouvements de fonds et saisir les avoirs bancaires

La saisie des avoirs bancaires de son débiteur est un moyen très efficace pour un créancier afin de recouvrir des sommes d'argent dues. La plupart des États membres connaissent la saisie des avoirs bancaires dans leurs législations nationales. Cependant, les débiteurs peuvent transférer très rapidement des sommes d'argent sur d'autres comptes, peut-être non connues par le créancier. Ce dernier n'est souvent pas en mesure de bloquer ces mouvements de fonds aussi rapidement, et perd donc une « arme » puissante contre les débiteurs récalcitrants.

La Commission considère que les problèmes liés au recouvrement transfrontalier de créances constituent des obstacles à la libre circulation des injonctions de payer au sein de l'Union européenne et au bon fonctionnement du marché intérieur. Les paiements tardifs ou impayés sont un risque pour les entreprises et les consommateurs. Pour ces raisons, la Commission envisage une action au niveau communautaire: elle propose une saisie européenne des avoirs bancaires.

Établir une saisie européenne des avoirs bancaires

L'établissement d'une ordonnance européenne de saisie des avoirs bancaires permettrait au créancier de pouvoir saisir des sommes dues avant qu'elles soient transférées par le débiteur sur d'autres comptes ouverts sur le territoire de l'Union européenne (UE). L'ordonnance serait strictement conservatoire, c'est-à-dire qu'elle bloque uniquement les fonds sur le compte du débiteur sans entraîner leur transfert sur le compte du créancier.

La Commission envisage soit la mise en place d'une nouvelle procédure européenne autonome qui compléterait les mesures de droit national, soit l'harmonisation par une directive des législations nationales des États membres en ce qui concerne la saisie des avoirs bancaires. En cas d'harmonisation, la Commission estime nécessaire d'arrêter des dispositions complémentaires pour garantir la reconnaissance et l'exécution dans l'ensemble de l'UE d'une ordonnance de saisie délivrée dans un État membre.

Consulter le public sur la nécessité d'une saisie européenne des avoirs bancaires

Avec le présent livre vert, la Commission européenne consulte les parties intéressées sur la nécessité d'établissement d'une saisie européenne des avoirs bancaires, d'une part, et si cet instrument devrait se limiter à des ordonnances conservatoires empêchant le retrait et le transfert de sommes détenues sur des comptes bancaires, d'autre part. Elle s'interroge sur la procédure d'obtention d'une ordonnance de saisie, les montants et limites de l'ordonnance, ainsi que sur les effets d'une telle ordonnance.

La procédure d'obtention d'une ordonnance de saisie. La Commission s'interroge sur les stades auxquels le créancier, au cours du recouvrement d'une créance pécuniaire, devrait être en mesure de solliciter une ordonnance de saisie dans le cadre de l'instrument européen proposé. Il s'agit de quatre stades:

En plus, la Commission s'interroge sur les conditions de délivrance de l'ordonnance de saisie. Cette dernière pourrait être délivrée par un tribunal siégeant en référé, sur requête du créancier, au moyen d'un formulaire disponible dans toutes les langues communautaires. Néanmoins, le créancier devrait d'abord convaincre le tribunal que la créance à l'encontre du débiteur est fondée (« fumus boni iuris »). La Commission est d'avis qu'un titre exécutoire tel qu'une décision de justice ou un acte authentique sont suffisants à établir la créance. Quand un titre exécutoire n'est pas encore rendu, le créancier doit produire des preuves à l'appui de sa créance. En plus, le créancier doit établir l'existence d'une urgence telle que le recouvrement de la créance est réellement menacé si la mesure n'est pas accordée (« periculum in mora »). Enfin, le tribunal devrait être en mesure de demander au créancier de constituer une garantie ou une caution, afin de protéger le débiteur contre des pertes et dommages éventuels dans l'hypothèse où la mesure serait annulée à l'issue du recours principal.

La Commission consulte le public pour savoir si le débiteur devrait être entendu ou recevoir une notification avant la délivrance d'une ordonnance de saisie et quelles informations minimales le créancier devrait fournir lorsqu'il sollicite une telle ordonnance. En plus, elle soulève la question de la compétence des juridictions chargées de rendre l'ordonnance, à savoir le tribunal qui juge sur le fond de l'affaire ou le tribunal du lieu où se trouve le compte.

Les montants et limites de l'ordonnance de saisie européenne. Limiter la saisie à une somme spécifique - contrairement à la saisie de l'intégralité des sommes déposées sur le compte -serait une mesure évitant les abus et qui garde la proportionnalité.

La Commission s'interroge sur la nécessité d'accorder une rémunération aux banques pour l'exécution d'une ordonnance de saisie et sur le taux applicable. Elle se demande également si le créancier doit payer la banque à l'avance ou si le montant serait déduit du compte du débiteur.

Dans le livre vert, la Commission soulève la question concernant le traitement des montants saisis sur plusieurs comptes du débiteur: les sommes à saisir sur chaque compte devraient-elles être limitées afin d'éviter la saisie d'un montant égal à deux ou trois fois la somme due?

Comme certains États membres le connaissent déjà, il se peut qu'une ordonnance de saisie soit notifiée au siège central d'une banque qui bloque ensuite tous les comptes détenus dans les succursales de celle-ci. La Commission estime qu'une solution possible à ce problème consisterait à prévoir le virement de la somme due sur un compte distinct et à débloquer ensuite les comptes saisis. Il reste à analyser le fonctionnement de ce système avec les comptes de deux titulaires tels que des époux et en présence des banques différentes et entre différents États membres.

Afin de protéger la dignité et la vie de famille du débiteur, il est nécessaire d'exempter certaines sommes de la saisie. Il s'agit des sommes qui sont nécessaires pour couvrir les besoins alimentaires du débiteur et ceux de sa famille, etc.

Les effets d'une ordonnance de saisie. La Commission propose qu'une ordonnance de saisie prenne effet immédiat dans toute l'UE sans devoir passer par une procédure intermédiaire - comme une déclaration lui reconnaissant force exécutoire - afin que la nature conservatoire de l'ordonnance puisse fonctionner efficacement.

La Commission s'interroge également sur la manière dont l'ordonnance devrait être transmise entre le tribunal qui l'a délivrée et la banque gérant le compte, sur le délai que la banque doit respecter pour exécuter la saisie et sur l'effet que l'ordonnance devrait avoir sur les opérations en cours. En plus, le public est consulté sur l'obligation pour les banques de révéler aux autorités d'exécution si et dans quelle mesure la saisie a permis de mettre en sûreté des sommes dues.

Le débiteur, quant à lui, doit avoir le droit de contester l'ordonnance de saisie. Cependant, il reste à déterminer si cette compétence relève du tribunal qui a prononcé l'ordonnance ou du tribunal du lieu où est ouvert le compte. La Commission considère que les motifs d'opposition tels que l'acquittement de la dette ou la prescription de la créance devraient être éventuellement harmonisés au niveau communautaire. Il faut également préciser le délai et l'instance prévus pour informer le débiteur qu'une ordonnance de saisie a été rendue et exécutée. En outre, il convient de définir si la saisie devrait être révocable ou devenir automatiquement caduque si le créancier n'intente pas l'action principale dans un certain délai. Si un débiteur a plusieurs créanciers, on pourrait imaginer un ordre de priorité des créanciers en concurrence.

Enfin, la Commission s'interroge sur la possibilité de « conversion » d'une ordonnance de saisie en mesure exécutoire. Il est possible qu'un créancier bloque le compte de son débiteur d'abord par une ordonnance de saisie. Ensuite, il obtient dans le recours principal une décision qui sera exécutoire dans l'État membre où est ouvert le compte soit sur la base d'une déclaration lui reconnaissant force exécutoire en vertu du règlement (CE) n° 44/2001, soit sur la base d'un certificat émis selon les règles des nouvelles procédures européennes pour les créances de faible importance ou incontestées. Il conviendra de déterminer comment, dans ce cas, l'ordonnance de saisie peut être convertie en mesure exécutoire pour permettre le versement du montant saisi au créancier.

Dernière modification le: 07.12.2006