Reconnaissance des décisions en matière pénale: renforcer la confiance mutuelle
La reconnaissance mutuelle des décisions en matière pénale entre les États membres est le fondement de l'espace judiciaire européen. En pratique, la Commission constate que les États sont encore réticents à reconnaître les décisions pénales issues d'un autre État membre de l'Union. La présente communication appelle au renforcement de la confiance mutuelle, une nécessité absolue afin de réaliser l'espace judiciaire européen.
ACTE
Communication de la Commission au Parlement européen: Communication sur la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en matière pénale et le renforcement de la confiance mutuelle entre les États membres [COM (2005) 195 final - Non publié au Journal officiel]
SYNTHÈSE
La Commission se penche sur les aspects non encore mis en œuvre concernant la reconnaissance mutuelle. Elle redessine les priorités des années à venir qui s'intègrent dans le programme de La Haye et analyse les progrès réalisés.
La phase préalable au procès
La collecte des preuves est une phase importante avant l'ouverture d'un procès. Les preuves permettent de déterminer le coupable d'une infraction ou peuvent, au contraire, confirmer l'innocence d'une personne. La Commission fait dans la présente communication le point sur plusieurs aspects de la phase préalable au procès, à savoir:
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la reconnaissance mutuelle en matière de preuves. Au niveau européen, une proposition de décision-cadre relative au mandat d'obtention de preuves [COM(2003) 688] devrait être adoptée avant la fin 2005, selon le programme de La Haye. Néanmoins, celle-ci ne couvre pas toute la gamme des preuves nécessaires. Par ailleurs, la Commission souhaite que puissent être mutuellement reconnues des mesures d'investigation telles que l'interrogation de suspects, témoins, experts ou la mise en place de surveillance de comptes bancaires ou de lignes téléphoniques. Elle souhaite proposer à terme un instrument législatif unique facilitant la recherche sur le territoire de l'Union de la preuve pénale, quelle qu'elle soit. Selon la Commission, l'application du principe de la reconnaissance mutuelle à la collecte des preuves a pour conséquence que l'État d'émission (celui qui demande l'obtention de la preuve à un autre État membre) maîtrise les investigations. L'État d'exécution (celui qui fournit la preuve) ne peut pas remettre en cause la décision d'obtenir tel ou tel élément de preuve;
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les mesures de surveillance. En ce qui concerne la reconnaissance mutuelle des mesures de surveillance sans privation de liberté dans la procédure d'enquête, la Commission mentionne son livre vert en la matière, publié en août 2004 [COM(2004) 562 final]. Elle constate que le recours excessif à la détention provisoire est une des causes du surpeuplement carcéral, et que d'autres solutions alternatives existant dans le droit national sont souvent impossibles à mettre en œuvre lorsque la personne réside dans un autre État membre.
La reconnaissance mutuelle des décisions définitives
La reconnaissance d'une décision définitive issue d'un État membre implique un tissus de conséquences dans les autres États membres de l'Union. La Commission examine dans la présente communication plusieurs aspects fondamentaux importants pour une reconnaissance mutuelle effective, à savoir:
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l'information mutuelle sur les condamnations. La condition préalable de la reconnaissance mutuelle est l'information sur les condamnations. Dans le cadre du programme de La Haye, la Commission a présenté en janvier 2005 un livre blanc qui analyse les principales difficultés de l'échange d'informations relatives aux condamnations pénales;
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le principe de
« non bis in idem »
signifie que nul ne peut être légalement poursuivi ou puni pénalement pour une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif. Ce principe se retrouve dans l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE. La charte élargit l'application de ce principe à tout le territoire de l'Union, ce qui constitue un progrès considérable par rapport au protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). De plus, la Cour de justice des Communautés s'est penchée sur la portée de ce principe, et a rendu d'importants arrêts en cette matière dans le cadre des accords de Schengen (C-385/01 Gozütok et Brugge ; C-469/03 Miraglia);
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la prise en compte des condamnations des autres États membres dans les procédures pénales. La Commission plaide pour une prise en compte des condamnations pénales prononcées dans les autres États membres. À cette fin, elle a déposé une proposition de décision-cadre selon laquelle les États membres seraient tenus d'accorder les mêmes effets à une condamnation pénale étrangère qu'à une condamnation nationale antérieure. En effet, des condamnations antérieures peuvent influencer le cours d'un procès: le juge peut évaluer le risque de récidivisme, ce qui influence aussi la nature et le quantum de la peine;
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l'exécution d'une décision de condamnation prononcée par un des États membres doit pouvoir être exécutée sur tout le territoire de l'Union. En avril 2004, la Commission a lancé une consultation sur le rapprochement, la reconnaissance mutuelle et l'exécution des sanctions pénales sur la base d'un livre vert [COM(2004) 334]. Plus particulièrement, une initiative de l'Autriche, de la Suède et de la Finlande vise à permettre l'exécution d'une condamnation non dans l'État qui a prononcé la peine, mais dans l'État de nationalité ou de résidence. Ce texte facilitera l'application de certaines dispositions du mandat d'arrêt européen. Néanmoins, la Commission souhaite également aborder la question de l'exécution des mesures non privatives de liberté et celle du sursis et des conditions éventuelles de sa révocation par une peine prononcée dans un autre État membre. La Commission présentera des propositions législatives en 2007;
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la reconnaissance mutuelle des déchéances. Les condamnations pénales entraînent souvent une déchéance de droits, telles que la perte du droit de travailler avec des enfants, de participer à des marchés publics, de conduire, etc. Les déchéances sont de nature très diverse, mais les difficultés pour échanger des informations à leur sujet sont encore plus importantes. La Commission estime que des progrès peuvent être réalisés à l'aide d'un système informatisé d'échange d'informations sur les condamnations pénales. La Commission préconise d'adopter dans ce domaine une approche sectorielle, par type d'infraction pénale.
Le renforcement de la confiance mutuelle
La Commission souligne que la confiance mutuelle est la clef du bon fonctionnement de la reconnaissance mutuelle. Ceci comprend des actions législatives assurant un niveau élevé de protection des droits des personnes dans l'UE et des mesures pratiques envers les professionnels de la justice renforçant le sentiment d'une « culture judiciaire commune ». La Commission vise à renforcer la confiance mutuelle entre États membres aussi bien par des mesures législatives que par des mesures d'accompagnement pratiques.
En ce qui concerne le renforcement de la confiance mutuelle par les mesures législatives, la Commission souhaite harmoniser certaines dispositions législatives pénales. Elle vise notamment l'harmonisation du droit pénal procédural au niveau communautaire pour que les décisions de justice, objet de la reconnaissance mutuelle répondent à des standards élevés en termes de garantie des droits des personnes, tels que la présomption d'innocence, l'encadrement des décisions in absentia, les règles minimales pour le recueil de la preuve, etc. La réflexion sur les mesures de rapprochement des législations en ce qui concerne le droit pénal matériel (définition de la responsabilité, des infractions et des peines correspondantes) est à poursuivre.
En ce qui concerne le renforcement de la confiance mutuelle par des mesures d'accompagnement pratiques, la Commission souhaite renforcer les mécanismes d'évaluation pour apprécier effectivement les besoins concrets de la justice, notamment pour identifier quels sont les obstacles potentiels, préalablement à l'adoption de nouveaux instruments. Elle souhaite également évaluer les conditions pratiques spécifiques à la mise en œuvre des instruments adoptés par l'UE, en particulier la meilleure pratique (« best practice ») et notamment la façon dont ils répondent aux besoins précités. Il s'avère particulièrement important d'améliorer la compréhension mutuelle entre les autorités judiciaires, et à cette fin, la Commission préconise la poursuite de la mise en réseau des professionnels de la justice tels que le réseau européen des Cours de cassation ou le réseau des Conseils supérieurs de la magistrature. De plus, la Commission juge cruciale le développement de la formation judiciaire: celle-ci, dans le respect de la compétence des États membres, doit donner toute sa place à la dimension européenne et internationale de la fonction judiciaire, ce qui doit se refléter pleinement dans le cursus de formation.
En annexe, la communication contient un document de travail de la Commission qui reprend sous forme de tableaux les différents objectifs, la méthode d'application et un calendrier des mesures envisagées.
See also
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Dernière modification le: 28.10.2005