ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

7 septembre 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Concurrence – Concentration d’entreprises – Règlement (CE) no 139/2004 – Article 3, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 4 – Champ d’application – Notion de “concentration” –Changement de nature du contrôle d’une entreprise existante, qui d’exclusif devient conjoint – Création d’une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome »

Dans l’affaire C‑248/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), par décision du 31 mars 2016, parvenue à la Cour le 2 mai 2016, dans la procédure

Austria Asphalt GmbH & Co. OG

contre

Bundeskartellanwalt,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, M. A. Tizzano (rapporteur), vice‑président de la Cour, MM. A. Borg Barthet, E. Levits et F. Biltgen, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 mars 2017,

considérant les observations présentées :

pour Austria Asphalt GmbH & Co. OG, par Mes B. Kofler-Senoner, S. Huber, M. Mayer et H. Kristoferitsch, Rechtsanwälte,

pour le Bundeskartellanwalt, par MM. A. Mair, H. L. Majer et G. Stifter, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. T. Christoforou, H. Leupold et M. Farley, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 avril 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3 du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations ») (JO 2004, L 24, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Austria Asphalt GmbH & Co. OG (ci-après « Austria Asphalt ») au Bundeskartellanwalt (Agent fédéral des ententes) au sujet d’une prétendue opération de concentration.

Le cadre juridique

3

Les considérants 5, 6, 8 et 20 du règlement no 139/2004 sont rédigés comme suit :

« (5)

Il convient [...] de s’assurer que le processus de restructuration n’entraîne pas de préjudice durable pour la concurrence. Par conséquent, le droit communautaire doit comporter des dispositions applicables aux concentrations susceptibles d’entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci.

(6)

Un instrument juridique spécifique est donc nécessaire sous la forme d’un règlement qui permette un contrôle effectif de toutes les concentrations en fonction de leur effet sur la structure de concurrence dans la Communauté et qui soit le seul applicable à de telles concentrations. Le règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil a permis de développer une politique communautaire dans ce domaine. Il convient toutefois aujourd’hui, à la lumière de l’expérience acquise, de refondre ce règlement par des dispositions législatives adaptées aux défis d’un marché plus intégré et de l’élargissement futur de l’Union européenne. Conformément aux principes de subsidiarité et de proportionnalité énoncés à l’article 5 du traité, le présent règlement n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif, qui est de faire en sorte que la concurrence ne soit pas faussée dans le marché commun, conformément au principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre.

[...]

(8)

Les dispositions à arrêter dans le présent règlement devraient s’appliquer aux modifications structurelles importantes dont l’effet sur le marché s’étend au-delà des frontières nationales d’un État membre. Ces concentrations devraient, en règle générale, être examinées exclusivement au niveau de la Communauté, en application du système du “guichet unique” et conformément au principe de subsidiarité.

[...]

(20)

Il est utile de définir la notion de concentration de telle sorte qu’elle couvre les opérations entraînant un changement durable du contrôle des entreprises concernées et donc de la structure du marché. Il convient par conséquent d’inclure dans le champ d’application du présent règlement toutes les entreprises communes accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome. Il convient en outre de traiter comme une concentration unique des opérations qui sont étroitement liées en ce qu’elles font l’objet d’un lien conditionnel ou prennent la forme d’une série de transactions sur titres effectuées dans un délai raisonnablement bref. »

4

L’article 2, paragraphes 1 et 4, du règlement no 139/2004 prévoit :

« 1.   Les concentrations visées par le présent règlement sont appréciées en fonction des objectifs du présent règlement et des dispositions qui suivent en vue d’établir si elles sont ou non compatibles avec le marché commun.

Dans cette appréciation, la Commission tient compte :

a)

de la nécessité de préserver et de développer une concurrence effective dans le marché commun au vu notamment de la structure de tous les marchés en cause et de la concurrence réelle ou potentielle d’entreprises situées à l’intérieur ou à l’extérieur de la Communauté ;

[...]

4.   Pour autant que la création d’une entreprise commune constituant une concentration au sens de l’article 3 ait pour objet ou pour effet la coordination du comportement concurrentiel d’entreprises qui restent indépendantes, cette coordination est appréciée selon les critères de l’article [101], paragraphes 1 et 3, [TFUE] en vue d’établir si la concentration est compatible ou non avec le marché commun. »

5

L’article 3 dudit règlement, intitulé « Définition de la concentration », dispose, à ses paragraphes 1 et 4 :

« 1.   Une concentration est réputée réalisée lorsqu’un changement durable du contrôle résulte :

[...]

b)

de l’acquisition, par une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins ou par une ou plusieurs entreprises, du contrôle direct ou indirect de l’ensemble ou de parties d’une ou de plusieurs autres entreprises, que ce soit par prise de participations au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen.

[...]

4.   La création d’une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome constitue une concentration au sens du paragraphe 1, point b). »

6

L’article 21 du règlement no 139/2004, intitulé « Application du règlement et compétence », énonce, à son paragraphe 1 :

« Le présent règlement est seul applicable aux concentrations telles que définies à l’article 3, et les règlements du Conseil (CE) no 1/2003 [du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1)], (CEE) no 1017/68 [...], (CEE) no 4056/86 [...] et (CEE) no 3975/87 [...] ne sont pas applicables, sauf aux entreprises communes qui n’ont pas de dimension communautaire et qui ont pour objet ou pour effet la coordination du comportement concurrentiel d’entreprises qui restent indépendantes. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

7

Austria Asphalt est une filiale de Strabag SE qui la contrôle indirectement. Le groupe Strabag auquel ces sociétés appartiennent est un groupe international d’entreprises de construction exerçant leur activité notamment dans le domaine de la voirie.

8

Porr AG, qui fait également partie d’un groupe international d’entreprises de construction qui réalise des routes, détient la totalité du capital de Teerag Asdag AG. Cette dernière est l’unique propriétaire de la centrale de mixage d’asphalte de Mürzzuschlag (ci-après l’« entreprise cible »), laquelle produit l’asphalte nécessaire à la construction de routes. Il ressort de la décision de renvoi que la majeure partie de la production de cette entreprise est destinée au groupe Porr de sorte que ladite entreprise ne pourrait être qualifiée d’entreprise de plein exercice.

9

Austria Asphalt et Teerag Asdag envisagent de créer une société de droit autrichien qui achètera l’entreprise cible. Ainsi, il est prévu qu’Austria Asphalt détienne 50 % du capital de cette société et exerce, en commun avec Teerag Asdag, le contrôle de l’entreprise cible. Par conséquent, à compter de la date de cette opération, Teerag Asdag exercera un contrôle non plus exclusif de l’entreprise cible, mais conjoint avec Austria Asphalt. Selon la juridiction de renvoi, l’entreprise commune résultant de ladite opération ne pourrait pas non plus être qualifiée d’entreprise commune de plein exercice, étant donné que la majeure partie de sa production serait destinée aux entreprises des deux groupes qui la contrôlent.

10

Austria Asphalt a notifié le projet de concentration à l’Autorité fédérale de la concurrence, le 3 août 2015.

11

En vertu de dispositions procédurales nationales, l’Agent fédéral des ententes a demandé au Kartellgericht (tribunal de la concurrence, Autriche) d’examiner ce projet. Cette juridiction a estimé, en substance, que l’opération envisagée constituait une concentration au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004 et que, les autres conditions requises par ce règlement étant remplies, cette opération ne pouvait pas être examinée au regard du droit autrichien. Elle s’est dès lors déclarée incompétente et a, par décision du 6 octobre 2015, rejeté la demande d’examen.

12

Austria Asphalt a attaqué cette décision devant l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), en faisant valoir que, en application de l’article 3, paragraphe 4, dudit règlement, la création d’une entreprise commune ne donne lieu à une opération de concentration que lorsque cette entreprise accomplit de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome, c’est-à-dire dans la mesure où il s’agit d’une entreprise commune de plein exercice. Or, tel ne serait pas le cas en l’occurrence, de sorte que le règlement no 139/2004 ne trouverait pas à s’appliquer.

13

La juridiction de renvoi a constaté, tout d’abord, qu’il n’existe aucune jurisprudence qui précise la portée de la notion de « création d’une entreprise commune », visée à l’article 3, paragraphe 4, du règlement no 139/2004, ou clarifie les rapports entre cette disposition et l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement définissant de manière générale les critères en présence desquels une concentration est réputée être réalisée en dehors du cas de la fusion de deux ou de plusieurs entreprises ou de parties de telles entreprises. Ensuite, ni la communication juridictionnelle codifiée de la Commission concernant le règlement no 139/2004 (JO 2008, C 95, p. 1, et rectificatif JO 2009, C 43, p. 10) ni la pratique décisionnelle de la Commission ne permettraient d’interpréter avec clarté ces dispositions. Enfin, la doctrine elle-même serait divisée.

14

Dans ces conditions, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 3, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 4, du [règlement no 139/2004] doit-il être interprété en ce sens que le passage d’un contrôle unique à un contrôle commun sur une entreprise déterminée, à l’occasion duquel l’entreprise exerçant auparavant seule le contrôle conserve une participation en exerçant conjointement un contrôle, n’entraîne une concentration que si l’entreprise [dont le contrôle est modifié] présente de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome ? »

Sur la question préjudicielle

15

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 4, du règlement no 139/2004 doit être interprété en ce sens qu’une concentration n’est réputée réalisée à l’issue du changement de la nature du contrôle exercé sur une entreprise existante, qui, antérieurement exclusif, devient conjoint, qu’à la condition que l’entreprise commune issue d’une telle opération accomplisse de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome.

16

Afin de répondre à cette question, il convient de relever que, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, une concentration est réputée réalisée notamment lorsqu’un changement durable du contrôle résulte de l’acquisition, par une ou plusieurs entreprises, du contrôle direct ou indirect de l’ensemble ou de parties d’une ou de plusieurs autres entreprises.

17

Cependant, selon l’article 3, paragraphe 4, dudit règlement, la création d’une entreprise commune ne constitue une concentration au sens du paragraphe 1, sous b), de cet article que lorsque cette entreprise accomplit de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome.

18

Dès lors, il convient de constater que le libellé de l’article 3 du même règlement ne permet pas, à lui seul, de déterminer si une concentration, au sens de ce dernier, est réputée réalisée à l’issue d’une opération par laquelle le contrôle d’une entreprise existante d’exclusif devient conjoint lorsque l’entreprise commune résultant d’une telle opération n’accomplit pas toutes les fonctions d’une entité économique autonome.

19

En effet, une telle opération, d’une part, implique un changement durable du contrôle de l’entreprise qui en est l’objet, répondant, ainsi, à l’un des critères prévus à l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, et, d’autre part, peut être considérée comme créant une entreprise commune et relever ainsi de cet article 3, paragraphe 4, de sorte qu’une concentration ne serait réputée réalisée que si cette entreprise accomplissait de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome.

20

Or, lorsque l’interprétation littérale d’une disposition de droit de l’Union ne permet pas d’en apprécier la portée exacte, il y a lieu d’interpréter la réglementation en cause en se fondant tant sur sa finalité que sur son économie générale (voir, en ce sens, arrêts du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, EU:C:1998:148, point 168, ainsi que du 7 avril 2016, Marchon Germany, C‑315/14, EU:C:2016:211, points 28 et 29).

21

S’agissant des objectifs poursuivis par le règlement no 139/2004, il ressort de ses considérants 5, 6 et 8 que celui-ci vise à s’assurer que les restructurations des entreprises n’entraînent pas de préjudice durable pour la concurrence. Par conséquent, selon ces considérants, le droit de l’Union doit comporter des dispositions applicables aux concentrations qui seraient susceptibles d’entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci et permettant un contrôle effectif de toutes les concentrations en fonction de leur effet sur la structure de la concurrence dans l’Union. Dès lors, ce règlement devrait s’appliquer aux modifications structurelles importantes dont l’effet sur le marché s’étend au-delà des frontières nationales d’un État membre.

22

Ainsi, comme il ressort du considérant 20 dudit règlement, la notion de concentration doit être définie de telle sorte qu’elle couvre les opérations entraînant un changement durable du contrôle des entreprises concernées et donc de la structure du marché. Aussi, s’agissant des entreprises communes, celles-ci doivent être incluses dans le champ d’application du même règlement si elles accomplissent de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome.

23

À cet égard, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 28 de ses conclusions, le règlement no 139/2004 n’opère, dans ses considérants, aucune distinction selon que l’entreprise en cause ait été nouvellement créée à l’issue de l’opération considérée ou que, déjà existante et jusqu’alors soumise au contrôle unique d’un groupe, ladite entreprise passe sous le contrôle conjoint de plusieurs entreprises.

24

Cette absence de distinction se justifie pleinement en raison du fait que, si la création d’une entreprise commune doit être contrôlée par la Commission au regard de ses effets sur la structure du marché, la survenance de tels effets dépend de l’apparition effective d’une telle entreprise commune sur le marché, c’est-à-dire d’une entreprise qui accomplit de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome.

25

L’article 3 dudit règlement ne vise dès lors les entreprises communes que dans la mesure où leur création produit un effet durable sur la structure du marché.

26

Une telle interprétation est corroborée par l’article 3, paragraphe 1, sous b), du même règlement qui retient comme élément constitutif de la notion de concentration non pas celui de la création d’une entreprise, mais celui de la modification du contrôle d’une entreprise.

27

Retenir une interprétation inverse de l’article 3 du règlement no 139/2004, telle que celle prônée notamment par la Commission, aboutirait à une différence de traitement injustifiée entre, d’une part, les entreprises nouvellement créées à l’issue de l’opération en cause, qui ne relèveraient de la notion de concentration que si elles accomplissent de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome, et les entreprises préexistantes à une telle opération, qui relèveraient de cette notion indépendamment de la circonstance que, une fois l’opération réalisée, elles accomplissent de manière durable lesdites fonctions.

28

Il s’ensuit que, au regard des objectifs poursuivis par le règlement no 139/2004, l’article 3, paragraphe 4, de celui-ci doit être interprété comme se référant à la création d’une entreprise commune, c’est-à-dire à une opération à l’issue de laquelle une entreprise contrôlée en commun par au moins deux autres entreprises apparaît sur le marché, sans qu’il importe que cette entreprise nouvellement contrôlée en commun ait existé avant l’opération en cause.

29

Une telle interprétation de cet article 3 s’inscrit également dans l’économie générale du règlement no 139/2004.

30

S’il est certes vrai que, selon le considérant 6 de ce règlement, le contrôle préventif des opérations de concentrations instauré par celui-ci porte sur les opérations de concentration ayant un effet sur la structure de concurrence dans l’Union, il n’en découle aucunement que tout comportement des entreprises ne produisant pas de tels effets échappe au contrôle de la Commission ou des autorités nationales compétentes en matière de concurrence.

31

Or, ledit règlement, tout comme, en particulier, le règlement (CE) no 1/2003 fait partie d’un ensemble législatif visant à mettre en œuvre les articles 101 et 102 TFUE ainsi qu’à établir un système de contrôle garantissant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur de l’Union.

32

Comme il résulte de l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, ce dernier est seul applicable aux concentrations telles que définies à l’article 3 de ce règlement, pour lesquelles le règlement no 1/2003 ne trouve, en principe, pas à s’appliquer.

33

En revanche, ce dernier règlement demeure applicable aux comportements des entreprises qui, sans constituer une opération de concentration au sens du règlement no 139/2004, sont néanmoins susceptibles d’aboutir à une coordination entre elles contraire à l’article 101 TFUE et qui, pour ce motif, sont soumis au contrôle de la Commission ou des autorités de concurrence nationales.

34

N’est dès lors pas conforme à l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 l’interprétation faite par la Commission de l’article 3 de celui-ci selon laquelle le changement du contrôle d’une entreprise qui d’exclusif devient commun relève de la notion de concentration même lorsque cette entreprise commune n’accomplit pas de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome. En effet, retenir une telle interprétation conduirait à étendre le contrôle préventif prévu par ce règlement à des opérations n’étant pas susceptibles d’avoir un effet sur la structure du marché concerné et à réduire, de manière correspondante, le champ d’application du règlement no 1/2003, lequel ne serait alors plus applicable à de telles opérations, alors même que celles-ci peuvent donner lieu à une coordination entre entreprises au sens de l’article 101 TFUE.

35

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question que l’article 3 du règlement no 139/2004 doit être interprété en ce sens qu’une concentration n’est réputée réalisée à l’issue du changement de la nature du contrôle exercé sur entreprise existante, qui, antérieurement exclusif, devient conjoint, qu’à la condition que l’entreprise commune issue d’une telle opération accomplisse de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome.

Sur les dépens

36

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

 

L’article 3 du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations »), doit être interprété en ce sens qu’une concentration n’est réputée réalisée à l’issue du changement de la nature du contrôle exercé sur une entreprise existante, qui, antérieurement exclusif, devient conjoint, qu’à la condition que l’entreprise commune issue d’une telle opération accomplisse de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.