8.2.2016   

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Journal officiel de l'Union européenne

C 48/14


Demande de décision préjudicielle présentée par le Spetsializiran nakazatelen sad (Bulgarie) le 18 novembre 2015 — procédure pénale contre Kolev e.a.

(Affaire C-612/15)

(2016/C 048/22)

Langue de procédure: le bulgare

Juridiction de renvoi

Spetsializiran nakazatelen sad (Bulgarie)

Parties dans la procédure au principal

Kolev e.a.

Questions préjudicielles

1)

Une loi nationale est-elle conforme à l’obligation d’un État membre de prévoir une poursuite pénale effective pour des infractions commises par des agents de douane, lorsqu’elle prévoit que la procédure pénale menée contre des agents de douane pour une participation à une organisation criminelle, dans le but de commettre des infractions relevant de la corruption dans l’exercice de leur fonction (de recevoir des sommes d’argent pour qu’ils n’effectuent pas de contrôle douanier), et pour des pots-de-vin concrets, ainsi que pour le recel de pots-de-vin recueillis, est clôturée sans que le tribunal examine sur le fond les accusations établies, dans les circonstances suivantes: a) le délai de deux ans à compter de l’accusation est expiré; b) le prévenu a présenté une demande de clôture de la procédure préliminaire; c) le tribunal a imparti au procureur un délai de trois mois pour clôturer la procédure préliminaire; d) le procureur a commis des «violations des formes substantielles» dans ce délai (à savoir, une communication irrégulière de l’accusation précisée, un défaut de communication des éléments de l’enquête et un réquisitoire contradictoire); e) le tribunal a imparti au procureur un nouveau délai d’un mois afin de remédier à ces «violations des formes substantielles»; [f)] le procureur n’a pas remédié à ces «violations des formes substantielles» dans ce délai, la commission de ces violations dans le premier délai de trois mois et le défaut d’y remédier dans le dernier délai d’un mois étant imputable tant au procureur (le fait de ne pas remédier aux contradictions dans le réquisitoire et le fait de n’entreprendre aucun acte réel durant la majeure partie de ces délais) qu’à la défense (le fait de ne pas collaborer, alors que cela est requis, à la communication de l’accusation et des éléments de l’enquête, s’agissant des prévenus, en raison d’une hospitalisation et, s’agissant des avocats, en raison d’autres engagements professionnels); [g)] est né dans le chef du prévenu un droit subjectif à ce que la procédure pénale soit clôturée, du fait qu’il n’a pas été remédié à la «violation des formes substantielles» dans les délais fixés?

2)

En cas de réponse négative, quelle partie de la réglementation précitée la juridiction nationale doit-elle laisser inappliquée afin de garantir une application effective du droit de l’Union: 2.1. la clôture de la procédure pénale à l’expiration du délai d’un mois, 2.2. la qualification des vices indiqués ci-dessus comme des «violations des formes substantielles», ou 2.3. la protection du droit subjectif né, visé sous [g)], s’il existe une possibilité de remédier de manière effective à cette violation dans le cadre de la procédure juridictionnelle?

2.1.

La décision de ne pas appliquer une norme juridique nationale tendant à la clôture de la procédure pénale, doit-elle être soumise à la condition que:

A)

soit accordé au procureur, pour remédier à la «violation des formes substantielles», un délai supplémentaire égal au délai pendant lequel il n’a objectivement pas été en mesure de le faire en raison d’obstacles provenant de la défense?

B)

dans le cas visé sous A), la juridiction constate que ces obstacles résultent d’un «abus de droit»?

C)

en cas de réponse négative à la question sous A), la juridiction constate qu’il reste dans le droit national suffisamment de garanties pour que la procédure préliminaire soit clôturée dans un délai raisonnable?

2.2.

La décision de laisser inappliquée la qualification nationale des vices précités comme des «violations des formes substantielles» est-elle conforme au droit de l’Union et, plus particulièrement,

A)

le droit prévu à l’article 6, paragraphe 3, de la directive 2012/13/UE (1) est-il dûment protégé:

1)

lorsque ces informations sont fournies après le dépôt réel du réquisitoire devant le tribunal, mais avant son examen par le tribunal et lorsque précédemment, avant le dépôt du réquisitoire devant le tribunal, des informations complètes sur les éléments principaux de l’accusation ont été fournies à la défense (s’agissant de M. Hristov)?

2)

en cas de réponse affirmative à la question 2.2.A)1), lorsque ces informations sont fournies après le dépôt réel du réquisitoire devant le tribunal, mais avant son examen par le tribunal et lorsque précédemment, avant le dépôt du réquisitoire devant le tribunal, des informations partielles sur les éléments principaux de l’accusation ont été fournies à la défense, le caractère lacunaire des informations fournies étant dû à des obstacles érigés par la défense (s’agissant de MM. Kolev et Kostadinov)?

3)

lorsque ces informations contiennent des contradictions quant à la déclaration concrète caractérisant la corruption (à savoir qu’il est indiqué une première fois qu’un autre prévenu a expressément demandé le pot-de-vin et que M. Hristov a exprimé sa déception par des grimaces lorsque la personne faisant l’objet du contrôle douanier a proposé une somme d’argent trop faible puis, par la suite, il est indiqué que M. Hristov a prononcé des mots concrets pour demander un pot-de-vin)?

B)

le droit consacré à l’article 7, paragraphe 3, de la directive no 2012/13 concernant l’accès aux pièces du dossier accordé à la défense «au plus tard, lorsqu’une juridiction est appelée à se prononcer sur le bien-fondé de l’accusation» est-il dûment protégé si la défense a précédemment eu accès à la partie principale des pièces et qu’elle a eu la possibilité de prendre connaissance des pièces mais qu’elle n’a pas fait usage de cette possibilité en raison d’empêchements (maladie, engagements professionnels) et parce qu’elle a invoqué une loi nationale en vertu de laquelle elle doit être convoquée aux fins de l’accès aux pièces au moins trois jours auparavant? Est-il nécessaire de lui donner une deuxième possibilité après que les empêchements ont disparu et avec un préavis d’au moins trois jours? Est-il nécessaire d’examiner si ces empêchements existent objectivement ou s’ils représentent un abus de droit?

C)

la condition légale «au plus tard, lorsqu’une juridiction est appelée à se prononcer sur le bien-fondé de l’accusation» prévue aux articles 6, paragraphe 3, et 7, paragraphe 3, de la directive no 2012/13, a-t-elle la même signification dans ces deux dispositions? Quelle est sa signification: avant le dépôt réel du réquisitoire devant le tribunal, ou au plus tard simultanément au dépôt de ce dernier devant le tribunal ou encore après son dépôt devant le tribunal, mais avant que celui-ci ne prenne des mesures pour examiner l’accusation?

D)

l’exigence légale de fournir des informations sur l’accusation et un accès aux pièces du dossier de manière à garantir «l’exercice effectif des droits de la défense» et «le caractère équitable de la procédure», conformément aux articles 6, paragraphe 1, et 7, paragraphes 2 et 3, de la directive no 2012/13, a-t-elle une même signification dans ces deux dispositions? Cette exigence sera-t-elle respectée:

1)

si les informations détaillées sur l’accusation sont fournies à la défense après le dépôt du réquisitoire devant le tribunal mais avant que des mesures ne soient prises aux fins de l’examen sur le fond de l’accusation et qu’un délai suffisant est donné pour la préparation de la défense, lorsque les informations sur l’accusation ont précédemment été fournies de manière incomplète et partielle?

2)

si l’accès à toutes les pièces est donné à la défense après le dépôt du réquisitoire devant le tribunal mais avant que des mesures ne soient prises pour l’examen sur le fond de l’accusation et si un délai suffisant est donné pour la préparation de la défense, lorsqu’un accès à la majeure partie des pièces de l’affaire a précédemment été donné à la défense?

3)

si le tribunal prend des mesures pour garantir à la défense que toutes les déclarations qu’elle fera après avoir pris connaissance de l’accusation détaillée et de toutes les pièces du dossier, auront le même effet que si ces déclarations avaient été faites devant le procureur avant le dépôt du réquisitoire devant le tribunal?

E)

«le caractère équitable de la procédure» consacré à l’article 6, paragraphes 1 et 4, et «l’exercice effectif des droits de la défense» visé à l’article 6, paragraphe 1, de la directive no 2012/13, seront-ils garantis si le tribunal accepte d’ouvrir une procédure juridictionnelle sur le fondement d’une accusation finale comportant une contradiction concernant l’expression orale caractérisant la corruption, mais permet ensuite au procureur de corriger cette contradiction et permet aux parties de pleinement exercer les droits dont celles-ci disposeraient si le réquisitoire avait été porté devant le tribunal sans cette contradiction?

F)

le droit d’accès à un avocat, visé à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2013/48/UE (2) est-il dûment protégé si, dans la phase préliminaire, l’avocat a eu la possibilité de se présenter pour recevoir communication d’une accusation intermédiaire et un accès complet à toutes les pièces du dossier, mais qu’il ne s’est pas présenté en raison d’engagements professionnels et parce qu’il a invoqué une loi nationale qui prévoit la convocation au moins trois jours auparavant? Est-il nécessaire de lui accorder un nouveau délai après que ces engagements ont disparu et avec un préavis d’au moins trois jours? Est-il nécessaire d’examiner si la raison de ce défaut de se présenter est valable ou non et si l’on est en présence d’un abus de droit?

G)

la violation du droit d’accès à un avocat, visé à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2013/48, dans la phase préliminaire aura-t-elle une incidence sur «l’exercice réel et effectif des droits de la défense» si, après le dépôt du réquisitoire devant le tribunal, celui-ci fournit à l’avocat un accès complet à l’accusation finale et détaillée et à toutes les pièces du dossier et prend ensuite des mesures afin de garantir à l’avocat que toutes les déclarations que celui-ci fait après avoir pris connaissance de l’accusation détaillée et de toutes les pièces du dossier auront le même effet que si ces déclarations avaient été faites devant le procureur avant le dépôt du réquisitoire devant le tribunal?

2.3.

Le droit subjectif né dans le chef du prévenu à ce que la procédure pénale soit clôturée (dans les conditions mentionnées ci-dessus) est-il conforme au droit de l’Union, indépendamment du fait que l’effet préjudiciable du défaut par le procureur de remédier à une «violation des formes substantielles» puisse être complètement corrigé par des mesures prises par le tribunal dans la procédure juridictionnelle, de telle sorte que la situation juridique du prévenu soit finalement identique à celle dans laquelle il se trouverait s’il avait été remédié à cette violation en temps voulu?

3)

Y a-t-il lieu d’appliquer le régime national plus favorable concernant le droit du prévenu de voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, le droit d’être informé et le droit d’accès à un avocat, dans l’hypothèse où, combinés à d’autres circonstances (la procédure décrite dans la première question), ces droits mèneraient à la clôture de la procédure pénale?

4)

Convient-il d’interpréter l’article 3, paragraphe 1, de la directive no 2013/48 en ce sens qu’il autorise la juridiction nationale à écarter de la procédure juridictionnelle un avocat qui a représenté deux prévenus, dont l’un a donné des explications concernant des faits qui affectent les intérêts de l’autre prévenu, lequel ne fournit aucune explication?

En cas de réponse affirmative, le droit d’accès à un avocat consacré à l’article 3, paragraphe 1, de la directive no 2013/48 sera-t-il garanti par la juridiction qui, après avoir autorisé à participer à la procédure juridictionnelle un avocat qui a défendu deux prévenus ayant des intérêts opposés, désigne pour chacun de ces prévenus de nouveaux avocats remplaçants commis d’office distincts?


(1)  Directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, concernant la fourniture à la défense d’informations détaillées sur l’accusation, JO L 142, p. 1.

(2)  Directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires, JO L 294, p. 1.