CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 13 juillet 2016 ( 1 )

Affaires jointes C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15

Francisco Gutiérrez Naranjo

contre

Cajasur Banco S.A.U. (C‑154/15),

et

Ana María Palacios Martínez

contre

Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA (C‑307/15),

et

Banco Popular Español SA

contre

Emilio Irles López,

Teresa Torres Andreu (C‑308/15)

[demandes de décision préjudicielle formées par le Juzgado de lo Mercantil no 1 de Granada (tribunal de commerce no 1 de Grenade, Espagne) (affaire C‑154/15) et par l’Audiencia Provincial de Alicante (cour provinciale d’Alicante, Espagne) (affaires C‑307/15 et C‑308/15)]

«Renvoi préjudiciel — Contrats conclus avec les consommateurs — Clauses abusives — Pouvoirs du juge national — Déclaration de nullité — Effets — Obligation de restitution des sommes perçues sur le fondement d’une clause déclarée abusive — Non-rétroactivité — Conformité à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE»

Table des matières

 

I – Le cadre juridique

 

A – La directive 93/13

 

B – Le droit espagnol

 

1. Les dispositions normatives

 

2. La jurisprudence du Tribunal Supremo (cour suprême)

 

a) L’arrêt du 9 mai 2013

 

b) Les arrêts du 25 mars 2015 et du 29 avril 2015

 

II – Les faits, les litiges au principal et les questions préjudicielles

 

A – L’affaire C‑154/15

 

B – Les affaires C‑307/15 et C‑308/15

 

1. L’affaire C‑307/15

 

2. L’affaire C‑308/15

 

3. Les questions préjudicielles dans les affaires C‑307/15 et C‑308/15

 

III – La procédure devant la Cour

 

A – Sur la demande de traitement accéléré des affaires C‑307/15 et C‑308/15

 

B – Sur le déroulement de la procédure écrite et de la procédure orale

 

IV – Analyse juridique

 

A – Sur les questions préjudicielles, envisagées conjointement, de l’affaire C‑154/15 et sur la première question commune aux affaires C‑307/15 et C‑308/15

 

1. Sur le niveau de protection offert aux consommateurs par la jurisprudence du Tribunal Supremo (cour suprême) par rapport à celui offert par la directive 93/13

 

2. Sur la portée de l’obligation faite aux États membres par l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13

 

a) Une interprétation littérale peu éclairante

 

b) Retour sur la jurisprudence

 

c) Application aux cas d’espèce

 

B – Sur les autres questions préjudicielles

 

V – Conclusion

1. 

Les juridictions espagnoles ont contribué de manière significative au développement de la jurisprudence relative à la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ( 2 ) en saisissant la Cour, à de nombreuses reprises, de questions préjudicielles amenant cette dernière à en préciser l’interprétation. C’est aujourd’hui le contentieux relatif aux clauses « plancher » insérées dans les contrats de prêts conclus avec les consommateurs qui occupent les prétoires espagnols et, incidemment, celui de la Cour ( 3 ). Ces clauses prévoient que l’établissement bancaire qui octroie un prêt hypothécaire à taux variable applique une limite inférieure à la variation du taux d’intérêt de telle sorte que, même si le taux d’intérêt applicable est inférieur à un certain seuil (ou « plancher »), le consommateur continue de payer des intérêts minimaux, équivalents à ce seuil.

2. 

Les présentes affaires soulèvent une question de principe qui ne porte pas tant sur les clauses « plancher » en elles-mêmes que sur les effets qui doivent accompagner la constatation du caractère abusif de telles clauses. Le contexte dans lequel se pose cette question est particulier en ce qu’il met en présence une série d’arrêts rendus par le Tribunal Supremo (cour suprême) par lesquels ce dernier a jugé que les consommateurs ne peuvent obtenir le remboursement des sommes qu’ils ont versées aux organismes financiers sur le fondement des clauses « plancher » qu’à compter de la date de son premier arrêt rendu ayant constaté la nullité desdites clauses en raison de leur caractère abusif, à savoir le 9 mai 2013.

I – Le cadre juridique

A – La directive 93/13

3.

Il ressort du quatrième considérant de la directive 93/13 « qu’il incombe aux États membres de veiller à ce que des clauses abusives ne soient pas incluses dans les contrats conclus avec les consommateurs ».

4.

Le douzième considérant de la directive 93/13 énonce que, « en l’état actuel des législations nationales, seule une harmonisation partielle est envisageable ; […] qu’il importe de laisser la possibilité aux États membres, dans le respect du traité, d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de la présente directive ».

5.

Au seizième considérant de la directive 93/13, le législateur de l’Union a précisé que « l’appréciation, selon les critères généraux fixés, du caractère abusif des clauses […] nécessite d’être complétée par un moyen d’évaluation globale des différents intérêts impliqués ; que ceci constitue l’exigence de bonne foi, que, dans l’appréciation de la bonne foi ; il faut prêter une attention particulière à la force des positions respectives de négociation des parties […] ; l’exigence de bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l’autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes ».

6.

Le dix-huitième considérant de la directive 93/13 affirme que « la nature des biens ou services doit avoir une influence sur l’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles ».

7.

Le vingtième considérant de la directive 93/13 exige que « les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles ; […] le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses, et […] en cas de doute, doit prévaloir l’interprétation la plus favorable au consommateur ».

8.

Le vingt-et-unième considérant de la directive 93/13 prévoit que « les États membres doivent prendre les mesures nécessaires afin d’éviter la présence de clauses abusives dans des contrats conclus avec des consommateurs par un professionnel ; […] si, malgré tout, de telles clauses venaient à y figurer, elles ne lieront pas le consommateur, et le contrat continuera à lier les parties selon les mêmes termes s’il peut subsister sans les clauses abusives ».

9.

Le vingt-quatrième considérant de la directive 93/13 énonce que « les autorités judiciaires […] doivent disposer de moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’application de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ».

10.

Selon l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 93/13 :

« 1.   Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat.

2.   Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion ».

11.

L’article 4 de la directive 93/13 est libellé comme suit :

« 1.   Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2.   L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ».

12.

L’article 5 de la directive 93/13 affirme que, « [d]ans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut ».

13.

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose que « [l]es États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives ».

14.

L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 énonce que « [l]es États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel ».

15.

L’article 8 de la directive 93/13 prévoit que « [l]es États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur ».

B – Le droit espagnol

1. Les dispositions normatives

16.

Selon l’article 1303 du code civil, qui définit les conséquences qui découlent de la constatation de nullité, « [l]orsqu’une obligation est déclarée nulle, les contractants doivent se restituer réciproquement les choses et le prix assorti d’intérêts ».

17.

Conformément à l’article 83 de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios y otras leyes complementarias (loi générale pour la défense des consommateurs et des utilisateurs et d’autres lois complémentaires, ci-après la « LGDCU ») ( 4 ), « [l]es clauses abusives sont nulles de plein droit et sont réputées non écrites. À cette fin, après avoir entendu les parties, le juge constate la nullité des clauses abusives figurant dans le contrat, celui-ci restant néanmoins contraignant pour les parties selon les mêmes termes s’il peut subsister sans les clauses abusives ».

2. La jurisprudence du Tribunal Supremo (cour suprême)

a) L’arrêt du 9 mai 2013

18.

Dans son arrêt du 9 mai 2013 ( 5 ), le Tribunal Supremo (cour suprême) s’est penché, dans le contexte d’une action collective intentée par une association de consommateurs contre trois établissements bancaires, sur le caractère abusif des clauses « plancher ».

19.

Le Tribunal Supremo (cour suprême) a constaté que, dès lors qu’elles étaient indissociables du prix ou de la contrepartie, les clauses « plancher » relevaient de l’objet principal du contrat, de telle sorte qu’il n’était, en principe, pas possible de contrôler le caractère abusif de leur contenu. Néanmoins, dans la mesure où la Cour avait permis d’exercer un contrôle juridictionnel des clauses définissant l’objet principal du contrat, afin d’assurer au consommateur un niveau de protection plus élevé, le Tribunal Supremo (cour suprême) a considéré qu’il pouvait procéder à l’analyse de l’éventuel caractère abusif des clauses « plancher » en faisant valoir que l’arrêt du 3 juin 2010, Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid ( 6 ) l’habilitait à exercer un contrôle ne se limitant pas à simplement vérifier si les clauses étaient clairement rédigées. Le Tribunal Supremo (cour suprême) a reconnu que le libellé de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 visait seulement un contrôle de transparence formel des clauses définissant l’objet principal du contrat. Toutefois, conformément à la façon dont il a interprété l’arrêt de la Cour du 3 juin 2010, Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid ( 7 ), il a jugé que, outre ce premier filtre de transparence, les juridictions espagnoles pouvaient soumettre ces clauses à un deuxième contrôle, plus exigeant que celui prévu par la directive 93/13, fondé sur l’article 80, paragraphe 1, de la LGDCU ( 8 ). Selon le Tribunal Supremo (cour suprême), cette disposition établit un second filtre de transparence consistant à examiner si le consommateur connaissait ou pouvait aisément connaître la charge économique et juridique que le contrat faisait peser sur lui. Si le Tribunal Supremo (cour suprême) a jugé que les clauses « plancher » étaient licites, en ce qu’elles répondaient aux exigences légales de transparence, et conformes au premier contrôle de transparence, il en a décidé autrement en ce qui concerne le second contrôle ( 9 ). Par conséquent, il a qualifié d’« abusives » les clauses « plancher », constaté leur nullité tout en maintenant la validité des contrats dans lesquels elles sont incluses et a enjoint aux trois établissements bancaires parties à la procédure devant lui de supprimer ces clauses des contrats existants et de cesser de les utiliser.

20.

En raison du fait qu’il considérait avoir appliqué ex novo un contrôle renforcé de la transparence des clauses litigieuses, le Tribunal Supremo (cour suprême) a, à la demande du ministère public, limité les effets dans le temps de son arrêt. Il a ainsi jugé que la rétroactivité pouvait être limitée en application des principes de sécurité juridique, d’équité et d’interdiction de l’enrichissement sans cause et a vérifié la présence des deux critères exigés par la Cour lorsqu’elle est invitée à limiter les effets dans le temps de ses propres arrêts, à savoir la bonne foi des milieux intéressés et le risque de troubles économiques graves ( 10 ). En conséquence de cette analyse ( 11 ), il a décidé que la constatation de nullité n’affecte ni les situations définitivement tranchées par des décisions judiciaires revêtues de la force de chose jugée ni les paiements effectués avant la date de publication de l’arrêt du 9 mai 2013.

b) Les arrêts du 25 mars 2015 et du 29 avril 2015

21.

Le 25 mars 2015 et le 29 avril 2015 ( 12 ), alors qu’il statuait dans le contexte de deux actions individuelles introduites à l’encontre d’un des établissements de crédit défendeurs de la procédure collective ayant donné lieu à l’arrêt du 9 mai 2013, le Tribunal Supremo (cour suprême) a considéré que les circonstances de fait étaient identiques à celles à l’origine de sa décision du 9 mai 2013. Il a donc confirmé le caractère abusif des clauses « plancher ». Il a, en outre, estimé être en présence des mêmes considérations relatives à la sécurité juridique, à la bonne foi et aux risques de troubles économiques graves. Dans ces conditions, il a restreint les effets dans le temps de ses arrêts du 25 mars 2015 et du 29 avril 2015, en limitant l’obligation de restituer les sommes versées en application des clauses « plancher » à celles versées après la publication de l’arrêt du 9 mai 2013, date à partir de laquelle la bonne foi des milieux intéressés a cessé d’exister.

II – Les faits, les litiges au principal et les questions préjudicielles

A – L’affaire C‑154/15

22.

M. Francisco Gutiérrez Naranjo a conclu avec la banque Cajasur Banco S.A.U. un contrat de prêt hypothécaire dans lequel est insérée une clause « plancher ». M. Gutiérrez Naranjo a saisi le Juzgado de lo Mercantil no 1 de Granada (tribunal de commerce no 1 de Grenade), d’une part, d’une action en cessation visant cette clause contractuelle au motif qu’il s’agirait d’une clause abusive et, d’autre part, d’une action en restitution des sommes versées, depuis la signature du contrat de prêt, en vertu de la clause prétendument abusive.

23.

Le Juzgado de lo Mercantil no 1 de Granada (tribunal de commerce no 1 de Grenade) rappelle le sens de l’arrêt rendu par le Tribunal Supremo (cour suprême) en date du 9 mai 2013 et fait état d’une application divergente, par les juridictions ordinaires espagnoles, de cet arrêt, notamment quant à sa possible transposition dans le contexte d’une action non plus collective mais individuelle. En outre, s’il devait être considéré possible de ne pas autoriser la restitution des sommes perçues en vertu d’une clause déclarée abusive à compter de la conclusion du contrat contenant ladite clause, le Juzgado de lo Mercantil no 1 de Granada (tribunal de commerce no 1 de Grenade) s’interroge sur le moment à partir duquel faire commencer la restitution en question. Il s’interroge également sur la compatibilité d’une telle limitation des effets restitutoires de la déclaration de nullité pour caractère abusif avec la jurisprudence de la Cour ( 13 ), bien qu’il incline à considérer que la limitation des effets de la nullité ne soit pas comparable à un éventuel pouvoir du juge national de moduler le contenu de clauses jugées abusives.

24.

Ainsi confronté à une difficulté liée à l’interprétation du droit de l’Union, le Juzgado de lo Mercantil no 1 de Granada (tribunal de commerce no 1 de Grenade) a décidé de surseoir à statuer et, par décision parvenue au greffe de la Cour le 1er avril 2015, de saisir cette dernière des questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Telle qu’elle est interprétée à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, l’absence de caractère contraignant est-elle compatible dans ces hypothèses avec une interprétation selon laquelle la déclaration de nullité de la clause en question produit néanmoins des effets jusqu’au prononcé de cette déclaration et, partant, avec l’interprétation selon laquelle, même si la nullité est déclarée, on considèrera que les effets pendant l’application de la clause ne sont pas invalides ou privés d’effet ?

2)

Lorsqu’une clause est déclarée nulle dans le cadre d’une action individuelle exercée par un consommateur, la cessation de l’usage qui pourrait être déterminée pour une clause particulière (en vertu de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13) est-elle compatible avec une limitation des effets de cette nullité ? Les juridictions peuvent-elles modérer le remboursement des sommes versées par le consommateur – auquel le professionnel est tenu – en application de la clause, ultérieurement déclarée nulle depuis le départ, en raison d’un défaut d’information et/ou de transparence ? »

B – Les affaires C‑307/15 et C‑308/15

1. L’affaire C‑307/15

25.

Mme Ana María Palacios Martínez a conclu le 28 juillet 2006 un contrat de prêt hypothécaire avec la banque Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA (ci-après « BBVA ») dans lequel était incluse une clause « plancher ». Le 6 mars 2014, Mme Palacios Martínez a introduit un recours contre BBVA visant à faire constater la nullité de cette clause en raison de son caractère abusif. Le 3 novembre 2014, le Juzgado de lo Mercantil no 1 de Alicante (tribunal de commerce no 1 d’Alicante) a jugé que le recours introduit était devenu sans objet ( 14 ), sans préjudice de la restitution à Mme Palacios Martínez des sommes que BBVA a perçues en vertu de ladite clause à partir du 9 mai 2013, conformément à ce qui a été jugé par le Tribunal Supremo (cour suprême) dans son arrêt du 9 mai 2013.

26.

Mme Palacios Martínez a interjeté appel de ce jugement devant l’Audiencia Provincial de Alicante (cour provinciale d’Alicante). Selon elle, les conditions de la restitution jugées en première instance ne seraient conformes ni à l’article 1303 du code civil ni au principe, consacré par la directive 93/13, selon lequel les clauses abusives ne lient pas les consommateurs. Puisque les sommes perçues par BBVA depuis la date de la conclusion du contrat avec Mme Palacios Martínez jusqu’à la date de l’arrêt du Tribunal Supremo (cour suprême) l’ont été sur le fondement d’une clause contractuelle jugée abusive, et parce que la restitution desdites sommes n’est exigée qu’à compter de la date dudit arrêt, la clause abusive aurait alors partiellement lié le consommateur, alors que la directive 93/13 exige une absence de caractère contraignant absolue et inconditionnelle afin de garantir une protection intégrale du consommateur. À supposer même que les critères de bonne foi et de risques de troubles économiques graves soient pertinents afin de limiter, devant le juge national, les effets de la restitution de sommes versées en vertu d’une clause jugée abusive, Mme Palacios Martínez conteste que la bonne foi puisse être retenue au bénéfice de BBVA. En outre, aucun risque grave ne serait encouru par BBVA si cette dernière devait être condamnée à restituer les sommes que Mme Palacios Martínez lui a versées sur le fondement de la clause « plancher » jugée abusive. Si un risque économique existe, ce serait bien davantage celui encouru par l’économie familiale de cette consommatrice.

2. L’affaire C‑308/15

27.

Le 1er juin 2001, M. Emilio Irles López et Mme Teresa Torres Andreu ont conclu avec la banque Banco Popular Español SA ( 15 ) un contrat de prêt hypothécaire contenant une clause « plancher ». En mai et en juin 2007, Banco Popular Español a consenti à une augmentation de capital et chaque augmentation a donné lieu à une révision de cette clause « plancher ».

28.

M. Irles López et Mme Torres Andreu ont saisi le Juzgado de lo Mercantil no 3 de Alicante (tribunal de commerce no 3 d’Alicante) afin de faire constater la nullité de la clause « plancher » contenue dans le contrat de 2001 et dans les actes de novation ultérieurs. En raison de son manque de transparence, cette clause devrait être, selon eux, considérée comme abusive. En outre, M. Irles López et Mme Torres Andreu demandaient à ce que leurs échéances soient recalculées sans appliquer la clause litigieuse et que la banque soit condamnée à leur restituer la différence à compter de la date de la conclusion du contrat.

29.

Le 10 novembre 2014, le Juzgado de lo Mercantil no 3 de Alicante (tribunal de commerce no 3 d’Alicante) a constaté la nullité de plein droit, en raison de son caractère abusif, de la clause « plancher » contenue dans les actes litigieux. Il a également condamné Banco Popular Español à restituer à M. Irles López et à Mme Torres Andreu les montants jugés indûment perçus sur la base de cette clause, augmentés des intérêts, à compter de la date de la conclusion du contrat.

30.

Banco Popular Español a interjeté appel de ce jugement devant l’Audiencia Provincial de Alicante (cour provinciale d’Alicante). Devant cette juridiction d’appel, Banco Popular Español conteste le caractère abusif de la clause « plancher » insérée dans le contrat de 2001 et modifiée à deux reprises en 2007 et soutient qu’elle a fourni des informations suffisantes à ses cocontractants. En tout état de cause, Banco Popular Español argue du fait que le juge de première instance, en la condamnant au remboursement rétroactif des sommes prétendument indûment perçues, s’est écarté de la jurisprudence établie par le Tribunal Supremo (cour suprême) dans son arrêt du 9 mai 2013. En conséquence, le jugement en date du 10 novembre 2014 devrait être annulé.

3. Les questions préjudicielles dans les affaires C‑307/15 et C‑308/15

31.

L’Audiencia Provincial de Alicante (cour provinciale d’Alicante) nourrit des doutes quant à la portée de la sanction des clauses abusives. L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 se borne à exiger que de telles clauses ne lient pas le consommateur, dans les conditions fixées par les droits nationaux. La question de la restitution des sommes versées sur le fondement de clauses déclarées abusives n’est pas harmonisée, a priori, par cette directive. Néanmoins, la juridiction de renvoi dans ces deux affaires se demande s’il serait contraire à l’effet utile, à la finalité dissuasive et à la protection intégrale du consommateur, que la directive 93/13 promeut, d’interpréter l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 comme n’obligeant pas aussi les États membres à organiser les conditions d’une réparation pour les consommateurs auxquels ont été appliquées de telles clauses. Ladite juridiction se demande, en outre, si la limitation de la restitution telle que décidée par le Tribunal Supremo (cour suprême) ne serait pas contraire à l’interdiction faite au juge national, par la Cour, de réviser ou de modérer le contenu des clauses jugées abusives. La jurisprudence de la Cour faisant notamment obligation aux juges nationaux de tirer toutes les conséquences qui découlent, selon leur droit national, de la qualification d’une clause comme « abusive» ( 16 ), la question est de savoir si l’absence de caractère contraignant des clauses abusives prescrit par la directive doit être entendue de manière absolue ou inconditionnelle ou si elle est, au contraire, modulable. Enfin, à supposer que les critères posés par la Cour pour décider de limiter les effets rétroactifs de ses propres arrêts soient pertinents dans une situation comme celle rencontrée par le Tribunal Supremo (cour suprême), l’Audiencia Provincial de Alicante (cour provinciale d’Alicante) doute que la bonne foi des banques, qui se trouvaient clairement dans une position de supériorité par rapport aux consommateurs, puisse être retenue. Quant au risque de troubles économiques graves, la juridiction de renvoi doute que le Tribunal Supremo (cour suprême) ait vraiment été en présence d’un tel risque, étant donné qu’il ne s’est fondé que sur son caractère « notoire » sans établir de circonstances qualitatives ou quantitatives précises.

32.

Ainsi confrontée à une difficulté liée à l’interprétation du droit de l’Union, l’Audiencia Provincial de Alicante (cour provinciale d’Alicante) a décidé de surseoir à statuer et, par décisions parvenues au greffe de la Cour le 25 juin 2015, de saisir cette dernière des questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Est-il conforme au principe de l’absence de caractère contraignant [des clauses abusives] consacré à l’article 6, paragraphe 1, de la directive [93/13] que les effets restitutoires découlant de la constatation de la nullité, en raison de son caractère abusif, d’une clause “plancher” figurant dans un contrat de prêt ne rétroagissent pas à compter de la date de conclusion du contrat mais à compter d’une date ultérieure ?

2)

Le critère de bonne foi des milieux intéressés qui fonde la limitation de l’effet rétroactif [de l’annulation] d’une clause abusive est-il une notion autonome du droit de l’Union devant être interprétée de manière uniforme par l’ensemble des États membres ?

3)

En cas de réponse affirmative, quels éléments doivent être pris en considération pour apprécier l’existence de la bonne foi des milieux intéressés ?

4)

En tout état de cause, le comportement du professionnel ayant conduit, lors de l’élaboration du contrat, au manque de transparence à l’origine du caractère abusif de la clause est-il conforme à la bonne foi des milieux intéressés ?

5)

Le risque de troubles graves qui fonde la limitation de l’effet rétroactif [de l’annulation] d’une clause abusive est-il une notion autonome du droit de l’Union devant être interprétée de manière uniforme par l’ensemble des États membres ?

6)

En cas de réponse affirmative, quels critères doivent être pris en considération ?

7)

Le risque de troubles graves doit-il être apprécié en ne tenant compte que du risque que le professionnel est susceptible de courir ou en prenant également en considération le préjudice causé aux consommateurs par l’absence de restitution intégrale des sommes versées au titre de cette clause “plancher” ?

[et, uniquement pour l’affaire C‑308/15,]

8)

L’extension automatique de la limitation des effets restitutoires découlant de la nullité d’une clause “plancher”, limitation prononcée dans le cadre d’une procédure engagée par une association de consommateurs contre [trois] établissements financiers, aux actions individuelles en nullité intentées contre une clause “plancher” en raison de son caractère abusif par des clients consommateurs ayant conclu un contrat de prêt hypothécaire avec d’autres établissements financiers est‑elle compatible avec le principe d’absence de caractère contraignant envers le consommateur consacré à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 et avec le droit à une protection juridictionnelle effective consacré à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ? »

III – La procédure devant la Cour

A – Sur la demande de traitement accéléré des affaires C‑307/15 et C‑308/15

33.

Dans les affaires C‑307/15 et C‑308/15, la juridiction de renvoi a demandé à la Cour de soumettre lesdites affaires à une procédure accélérée, en application de l’article 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour. Cette demande a été rejetée par ordonnance du président de la Cour adoptée le 14 août 2015.

B – Sur le déroulement de la procédure écrite et de la procédure orale

34.

Par décision du président de la Cour en date du 10 juillet 2015, les affaires C‑307/15 et C‑308/15 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt. Dans ces affaires, des observations écrites ont été déposées par M. Irles López, BBVA, Banco Popular Español, les gouvernements espagnol, polonais et du Royaume‑Uni ainsi que la Commission européenne.

35.

Dans l’affaire C‑154/15, des observations écrites ont été déposées par M. Gutiérrez Naranjo, Cajasur Banco, les gouvernements tchèque, espagnol et du Royaume-Uni ainsi que la Commission.

36.

Par décision du président de la Cour en date du 21 octobre 2015, les affaires C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

37.

Au cours de l’audience commune aux trois affaires désormais jointes, qui s’est tenue le 26 avril 2016, des observations orales ont été présentées par M. Gutiérrez Naranjo, Mme Palacios Martínez, M. Irles López, Cajasur Banco, Banco Popular Español, BBVA, les gouvernements espagnol et du Royaume-Uni ainsi que la Commission.

IV – Analyse juridique

38.

Les questions posées par les juridictions de renvoi s’articulent, en substance, autour de trois problématiques. Il s’agit d’abord de déterminer s’il est conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 de limiter les effets restitutoires de la nullité découlant de la qualification des clauses « plancher » comme étant abusives. Puis l’Audiencia Provincial de Alicante (cour provinciale d’Alicante) demande à la Cour d’une part, si le Tribunal Supremo (cour suprême) a fait une correcte application des critères de bonne foi et de risques de troubles graves au sens de l’arrêt du 21 mars 2013, RWE Vertrieb ( 17 ) et si, d’autre part, l’articulation, telle qu’elle découle de la jurisprudence du Tribunal Supremo (cour suprême), entre les solutions adoptées dans le cadre d’actions collectives et celles adoptées dans le cadre d’actions individuelles est conforme au droit de l’Union.

39.

L’analyse que je m’apprête à mener de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 devrait, toutefois, suffire pour que la Cour adresse une réponse utile aux juridictions de renvoi. L’essentiel des présentes conclusions sera donc consacré aux questions posées dans l’affaire C‑154/15 et à la première question commune aux affaires C‑307/15 et C‑308/15.

A – Sur les questions préjudicielles, envisagées conjointement, de l’affaire C‑154/15 et sur la première question commune aux affaires C‑307/15 et C‑308/15

40.

La question de principe que j’annonçais en préambule est, en substance, celle de savoir s’il est conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, de reconnaître à une juridiction suprême d’un État membre, après avoir qualifié d’« abusive » une clause contractuelle contenue dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel et après avoir constaté la nullité de cette clause, le pouvoir de limiter les effets de cette déclaration en ne faisant naître le droit à la restitution des sommes indûment versées par le consommateur sur le fondement de la clause abusive qu’à compter de la date de la décision rendue par ladite juridiction confirmant le caractère abusif de la clause concernée.

41.

Pour répondre à cette question, un certain nombre d’analyses préliminaires doivent être menées. En effet, l’une des premières étapes du raisonnement est de déterminer sur quel terrain s’est situé le Tribunal Supremo (cour suprême) lorsqu’il a rendu son arrêt du 9 mai 2013. Il prétend être allé au-delà du niveau de protection offert au consommateur par la directive 93/13, laquelle, en ne procédant qu’à une harmonisation minimale de la matière, autorise effectivement les États membres à prévoir des dispositions plus strictes ( 18 ). Or, si tel devait être le cas, la limitation des effets de la nullité ne saurait être examinée à l’aune de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, les mesures plus protectrices relevant, par nature, d’un champ qui n’est pas harmonisé par la directive.

42.

Ainsi, pour répondre à la question de principe qui porte, une nouvelle fois, sur ce que doit ou peut faire le juge en présence de clauses abusives, il faut néanmoins revenir préalablement à des considérations plus substantielles relatives à l’opération de qualification, par le Tribunal Supremo (cour suprême), des clauses « plancher » en clauses « abusives ». C’est un point d’autant plus délicat que l’interlocuteur, dans ces trois affaires jointes, premièrement, n’est pas la juridiction qui a procédé à cette qualification et, deuxièmement, ne remet pas en question le caractère abusif des clauses « plancher» ( 19 ). À cet égard, je précise donc, à toutes fins utiles, que le règlement de cette question préliminaire ne doit pas être perçu comme une tentative d’élargissement du débat préjudiciel mais, au contraire, comme le nécessaire et inévitable préalable afin d’apporter une réponse utile aux juridictions de renvoi.

43.

Après avoir établi que le Tribunal Supremo (cour suprême) n’a pas agi au-delà du niveau de protection offert au consommateur par la directive 93/13 et, ainsi, avoir vérifié la pertinence de l’interprétation demandée, il me restera à déterminer la portée de l’obligation faite aux États membres par l’article 6, paragraphe 1, de cette directive.

1. Sur le niveau de protection offert aux consommateurs par la jurisprudence du Tribunal Supremo (cour suprême) par rapport à celui offert par la directive 93/13

44.

À l’origine de ces trois affaires se trouve une série d’arrêts rendus par le Tribunal Supremo (cour suprême). En résumé, et pour autant que ma compréhension desdits arrêts soit correcte, le Tribunal Supremo (cour suprême) a jugé que les clauses « plancher » contenues dans les contrats de prêt étaient des clauses relatives à l’objet principal du contrat dont le contrôle du caractère abusif sur le fondement de la directive 93/13 est en principe exclu, à condition que ces clauses soient rédigées de manière claire et compréhensible. Le Tribunal Supremo (cour suprême) a estimé que les clauses « plancher » étaient grammaticalement intelligibles et qu’elles satisfaisaient donc le contrôle de transparence formelle. En revanche, il a considéré que les professionnels qui avaient introduit ces clauses dans les contrats litigieux n’avaient pas fourni d’informations suffisantes pour en éclairer le sens réel et que l’exigence de transparence matérielle n’était pas satisfaite. Il a conclu au caractère abusif desdites clauses. Puis, alors que le principe, dans l’ordre juridique espagnol, aurait été la nullité ab initio des clauses abusives, le Tribunal Supremo (cour suprême), en raison des circonstances particulières dont il estimait être en présence, a décidé de ne donner effet à la déclaration du caractère abusif des clauses « plancher » qu’à compter de la date de publication du premier arrêt rendu en ce sens, c’est-à-dire à compter du 9 mai 2013.

45.

Si je comprends bien l’arrêt du Tribunal Supremo (cour suprême), il semble que ce dernier a estimé, en enrichissant le contrôle de la transparence des clauses d’une exigence de transparence matérielle, être allé au-delà du niveau de protection offert par la directive 93/13. Il a notamment justifié la limitation des effets restitutoires de la déclaration de nullité des clauses « plancher » par le caractère novateur de son arrêt. Je dois avouer ne pas être totalement convaincu qu’il en soit ainsi, comme le démontre un examen attentif de la jurisprudence de la Cour.

46.

Ainsi, dans l’arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai ( 20 ), la Cour était interrogée sur le fait de savoir si l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 devait être interprété en ce sens que l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible doit s’entendre comme imposant non seulement que la clause concernée soit grammaticalement claire et compréhensible pour le consommateur, mais également que les raisons économiques qui sous-tendent l’application de la clause contractuelle soient claires et compréhensibles pour ce même consommateur. La Cour a constaté que cette exigence de rédaction claire et compréhensible figurait également à l’article 5 de la directive 93/13 et à son vingtième considérant aux termes duquel le consommateur doit avoir effectivement l’opportunité de prendre connaissance de toutes les clauses du contrat ( 21 ). Ladite exigence, selon la Cour, « s’applique en tout état de cause, y compris lorsque une clause relève de l’article 4, paragraphe 2, de la directive [93/13] et échappe donc à l’appréciation de son caractère abusif visée à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive» ( 22 ). La Cour a également jugé que l’exigence de transparence figurant à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 « a la même portée que celle visée à l’article 5» ( 23 ). Or, relativement à cet article 5, la Cour rappelle la portée de son arrêt du 21 mars 2013, RWE Vertrieb ( 24 ) dans lequel elle a dit pour droit que l’information avant la conclusion d’un contrat sur les conditions contractuelles et les conséquences de ladite conclusion est, pour un consommateur, d’une importance fondamentale puisque c’est notamment sur cette base que le consommateur décide de se lier contractuellement à un professionnel ( 25 ). Dès lors, « l’exigence de transparence ne saurait donc être réduite au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical de celles-ci» ( 26 ) et doit être entendue de manière extensive, eu égard au système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 reposant sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne, notamment, le niveau d’information ( 27 ).

47.

La Cour a conclu que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que « l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible doit s’entendre comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur le plan grammatical, mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme […] de sorte que le consommateur soit en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui» ( 28 ). Partant, la Cour a jugé que, dans le cas concret qui lui était alors soumis, « il appartient au juge de renvoi de déterminer si, au regard de l’ensemble des éléments de fait pertinents, dont la publicité et l’information fournies par le prêteur dans le cadre de la négociation d’un contrat de prêt, un consommateur moyen […] pouvait non seulement connaître l’existence de la différence, généralement observée sur le marché des valeurs mobilières, entre le taux de change de vente et le taux de change d’achat d’une devise étrangère, mais également évaluer les conséquences économiques potentiellement significatives pour lui de l’application [de la clause litigieuse] pour le calcul des remboursements dont il sera en définitive redevable et, partant, le coût total de son emprunt» ( 29 ).

48.

Dans l’arrêt du 9 juillet 2015, Bucura ( 30 ) rendu postérieurement, la Cour était invitée à préciser dans quelle mesure la manière dont certaines clauses d’un contrat de crédit ont été rédigées et l’absence de mention de certaines informations, tant au moment de la conclusion du contrat qu’en cours d’exécution, pouvait amener le juge de renvoi à conclure au caractère abusif de certaines clauses dudit contrat. Après avoir rappelé le contenu du vingt-et-unième considérant et de l’article 5 de la directive 93/13, la Cour a précisé que « [c]ette obligation de formulation [claire et compréhensible] est d’autant plus importante qu’une juridiction nationale est tenue d’apprécier le caractère abusif d’une clause rédigée en violation de celle-ci, quand bien même cette clause pourrait être analysée comme relevant de l’exclusion prévue à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13. En effet, il convient de rappeler que les clauses visées par cette disposition, tout en relevant du domaine régi par cette directive, n’échappent à l’appréciation de leur caractère abusif que dans la mesure où la juridiction nationale estime, à la suite d’un examen au cas par cas, qu’elles ont été rédigées par le professionnel de façon claire et compréhensible» ( 31 ). Or, il ressort d’une jurisprudence itérative de la Cour ( 32 ) qu’une importance fondamentale est donnée à l’information fournie au consommateur avant la conclusion du contrat. Partant, « il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si un consommateur moyen […] peut évaluer à partir des modalités de calcul des intérêts annuels qui lui sont communiquées, les conséquences économiques de leur application pour le calcul des échéances dont ce consommateur sera en définitive redevable et, partant, le coût total de son emprunt» ( 33 ). Selon la Cour, « l’absence de mention des informations relatives aux conditions de remboursement du crédit en cause ainsi que des modalités de modification de ces conditions en cours de crédit sont des éléments décisifs dans le cadre de l’analyse par une juridiction nationale du point de savoir si une clause d’un contrat de prêt relative au coût de celui-ci dans laquelle ne figure pas une telle mention est rédigée de façon claire et compréhensible au sens de l’article 4 de la directive [93/13]» ( 34 ). Si la juridiction nationale estime que ce n’est pas le cas, elle est tenue d’en apprécier le caractère abusif ( 35 ).

49.

Certes, les arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai ( 36 ) et du 9 juillet 2015, Bucura ( 37 ) ont été rendus après l’arrêt du Tribunal Supremo (cour suprême) en date du 9 mai 2013. Toutefois, ils ne constituent rien d’autre que la suite logique de toute une série d’arrêts antérieurs, au nombre desquels l’arrêt du 21 mars 2013, RWE Vertrieb ( 38 ) auquel le Tribunal Supremo (cour suprême) a fait abondamment référence dans son arrêt du 9 mai 2013 et qui mettait déjà en exergue le rapport entre l’exigence de transparence visée à l’article 5 de la directive 93/13 et l’importance fondamentale de l’information préalable à la conclusion du contrat pour assurer le consentement éclairé du consommateur ( 39 ).

50.

En outre, toujours dans l’arrêt RWE Vertrieb ( 40 ), il est rappelé que, « conformément à un jurisprudence constante, l’interprétation que la Cour donne d’une règle du droit de l’Union, dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 267 TFUE, éclaire et précise la signification et la portée de cette règle, telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur. Il s’ensuit que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge à des rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt statuant sur la demande d’interprétation si, par ailleurs, les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l’application de ladite règle se trouvent réunies» ( 41 ). À lui seul, l’arrêt RWE Vertrieb ( 42 ) portait déjà en lui les germes des arrêts Kásler et Káslerné Rábai ( 43 ) et Bucura ( 44 ). Partant, en qualifiant les clauses « plancher » de clauses abusives en raison, notamment, de l’absence d’information préalable suffisante, le Tribunal Supremo (cour suprême) a non pas agi au-delà du droit de l’Union, en offrant un niveau de protection plus élevé au consommateur par rapport à celui offert par la directive 93/13 mais a, au contraire, fait application des prescriptions contenues dans cette dernière ( 45 ).

51.

Cela étant établi, il me faut maintenant procéder à l’analyse de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13.

2. Sur la portée de l’obligation faite aux États membres par l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13

52.

Après avoir constaté que le libellé de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 n’est pas dépourvu d’une certaine ambiguïté, je me tournerai vers la jurisprudence de la Cour pour identifier les grands principes qui guident son interprétation de la directive 93/13 en général et de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive en particulier. Enfin, je ferai application des conclusions intermédiaires que j’en aurai tirées aux présents cas d’espèce.

a) Une interprétation littérale peu éclairante

53.

En présence de clauses abusives, la directive 93/13 impose aux États membres, d’une part, de prévoir que celles-ci « ne lient pas les consommateurs dans les conditions fixées par leurs droits nationaux » (article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13) et, d’autre part, « [de veiller] à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel » (article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13).

54.

Force est de constater que le législateur de l’Union n’est pas allé plus loin dans la définition de la sanction des clauses abusives et, notamment, des conditions dans lesquelles leur absence d’effet contraignant, exigée aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, doit être organisée par les États membres. L’utilisation du présent de l’indicatif (« ne lient pas ») ne laisse rien transparaître quant à l’éventuelle intention dudit législateur de doter l’absence d’effet contraignant d’une dimension rétroactive ( 46 ). Ce même législateur a clairement choisi de ne pas utiliser un vocable juridique plus précis comme l’aurait été, par exemple, une référence expresse à la nullité, à l’annulation ou à la résolution. L’expression employée est tout à fait neutre ( 47 ), comme le relevait déjà l’avocat général Trstenjak dans ses conclusions rendues dans l’affaire Invitel ( 48 ).

55.

Cette neutralité s’explique naturellement par le renvoi exprès qui est fait aux droits nationaux ( 49 ). Est-ce suffisant pour laisser aux États membres toute latitude pour préciser, dans les conditions qu’ils souhaitent, l’absence de caractère contraignant des clauses abusives ? Afin d’éclairer la portée de cet article et puisque son seul texte s’avère insuffisant à cette fin, il est nécessaire de revenir sur la jurisprudence de la Cour relative à la directive 93/13 en général et à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive en particulier.

b) Retour sur la jurisprudence

56.

La Cour est venue mettre en relief, à de nombreuses reprises, la fonction qu’occupe la directive 93/13 dans l’ordre juridique de l’Union.

57.

Je me bornerai à rappeler que le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci ( 50 ). Eu égard à une telle situation d’infériorité, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 est une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers ( 51 ). C’est ainsi que la Cour a jugé de manière itérative que le juge national est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle relevant du champ d’application de cette directive et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel ( 52 ). Ainsi, afin d’assurer la protection voulue par la directive 93/13, la situation d’inégalité existant entre le consommateur et le professionnel ne peut être compensée que par une intervention positive extérieure aux seules parties au contrat ( 53 ).

58.

En outre, la Cour n’a eu de cesse de rappeler que la directive 93/13 constitue, dans son intégralité, une mesure indispensable à l’accomplissement des missions confiées à l’Union, et en particulier au relèvement du niveau et de la qualité de vie dans l’ensemble de cette dernière ( 54 ). C’est en raison de la nature et de l’importance de l’intérêt public sur lequel repose la protection assurée aux consommateurs que la directive 93/13 impose aux États membres de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de « faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel» ( 55 ).

59.

Afin de déterminer plus précisément les conséquences à tirer de la déclaration du caractère abusif d’une clause contractuelle, la Cour a jugé qu’il convient de se référer tant à la lettre de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 qu’aux finalités et à l’économie générale de cette dernière ( 56 ). En ce qui concerne le libellé de cet article 6, la Cour a constaté, « d’une part, que le premier membre de phrase de cette disposition, tout en reconnaissant aux États membres une certaine marge d’autonomie en ce qui concerne la définition des régimes juridiques applicables aux clauses abusives, impose néanmoins expressément de prévoir que lesdites clauses “ne lient pas”» ( 57 ). Les juridictions nationales doivent donc « tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin que le consommateur ne soit pas lié» ( 58 ). Selon les propres termes de la Cour, « il découle ainsi du libellé du paragraphe 1 [de l’]article 6 [de la directive 93/13] que les juges nationaux sont tenus uniquement d’écarter l’application d’une clause contractuelle abusive afin qu’elle ne produise pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur» ( 59 ).

60.

Les clauses abusives « ne lient pas », au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lorsque le juge national en écarte l’application ( 60 ) en raison du caractère dissuasif de la « pure et simple non-application» ( 61 ). La Cour considère, à cet effet, qu’une clause abusive ne peut pas être révisée par le juge national mais doit, au contraire, ne pas être appliquée ( 62 ). L’efficacité de la sanction des clauses abusives est ainsi appréciée par rapport à l’objectif d’en faire cesser l’utilisation ( 63 ). Toutefois, la poursuite de cet objectif peut être abandonnée en présence de la volonté expresse du consommateur de rester lié par une clause contractuelle en dépit de son caractère abusif ( 64 ).

61.

La Cour n’est pas allée plus loin dans la précision quant à la façon dont l’absence de caractère contraignant doit être pensée dans les ordres juridiques nationaux. Il ne lui appartient probablement pas de le faire, puisque, précisément, les modalités de cette organisation doivent être décidées par les États membres eux-mêmes. C’est donc logiquement que, dans sa jurisprudence, la Cour semble avoir envisagé la nullité des clauses abusives non pas comme la voie unique pour répondre à l’exigence posée par l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 mais comme une possibilité parmi d’autres. C’est ce qui ressort notamment de son arrêt du 26 avril 2012, Invitel ( 65 ) aux termes duquel elle a jugé qu’une législation nationale qui prévoit que la déclaration, par une juridiction, de la nullité d’une clause abusive s’applique à tout consommateur ayant conclu un contrat avec un professionnel utilisant cette clause satisfait aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive 93/13 ( 66 ) et que « l’application d’une sanction de nullité d’une clause abusive […] garantit que ces consommateurs ne sont pas liés par ladite clause, sans pour autant exclure d’autres types de sanctions adéquates et efficaces prévues par les législations nationales» ( 67 ). La Cour a de nouveau jugé, quelques temps plus tard, que, une législation nationale « prévoyant que les clauses déclarées abusives sont nulles, satisfait aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13» ( 68 ).

c) Application aux cas d’espèce

62.

Quels enseignements tirer de cette abondante jurisprudence ?

63.

Selon la lecture que j’en fais, il ne m’apparaît pas qu’elle ait établi un rapport systématique ou automatique entre l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive et la nullité des clauses abusives. Autrement dit, la nullité ne semble pas représenter, pour la Cour, la réponse juridique unique à l’exigence d’absence de caractère contraignant des clauses abusives. C’est ce qui découle d’une autre formule que l’on trouve, par exemple, dans son arrêt du 21 janvier 2015, Unicaja Banco et Caixabank où elle indique que « le juge national [doit pouvoir] tirer toutes les conséquences de l’éventuel caractère abusif au regard de la directive 93/13 de la clause […], en procédant, le cas échéant, à son annulation» ( 69 ).

64.

La Cour n’est donc pas venue combler, de manière péremptoire, l’imprécision de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13. Elle n’est pas allée plus loin que cette neutralité de façade – et peut-être ne pouvait-elle pas le faire. En effet, si la Cour devait aujourd’hui juger que cet article doit être interprété en ce sens que, en présence d’une clause abusive, le juge national doit constater la nullité desdites clauses et ouvrir un droit corrélatif à restitution in integrum, c’est‑à‑dire dès le moment de la conclusion du contrat, elle viderait de tout effet utile le renvoi exprès opéré par cette disposition aux droits nationaux et échapperait alors difficilement au reproche de l’harmonisation prétorienne ( 70 ).

65.

Ensuite, je relève que l’état du droit national est tout à fait conforme à ce que la directive 93/13 exige. En effet, il ressort clairement du dossier que la sanction de principe, dans l’ordre juridique espagnol, des clauses abusives, est la nullité, laquelle ouvre un droit à restitution intégrale ( 71 ). Il s’agit là du niveau maximal de la sanction civile qui élimine tous les effets de la clause abusive. Toutefois, ce qui pose problème dans nos trois affaires est le fait que la juridiction suprême a eu recours à une modalité procédurale qui lui permet de limiter les effets dans le temps de ses arrêts. L’utilisation d’une telle possibilité a eu pour résultat, au regard de la sanction des clauses « plancher », la situation suivante.

66.

À compter du 9 mai 2013, les clauses « plancher » doivent disparaître de l’ordre juridique espagnol. Elles doivent être éliminées des contrats existants et les professionnels ne peuvent plus les insérer dans de nouveaux contrats puisque tout professionnel qui introduit de telles clauses à partir de cette date serait condamné tant à l’élimination desdites clauses qu’au remboursement des sommes versées sur leur fondement. Autrement dit, les pleins effets de la nullité – la sanction de principe – sont garantis à partir du 9 mai 2013.

67.

Pour ce qui concerne la période antérieure, bien que les clauses « plancher » soient jugées abusives, et donc nulles, les professionnels ne sont pas tenus à une obligation de restitution des sommes versées sur leur fondement en raison des circonstances exceptionnelles dont la juridiction suprême estime être en présence, essentiellement liées à la dimension endémique du problème.

68.

Le droit de l’Union n’harmonisant ni les sanctions applicables dans l’hypothèse de la reconnaissance du caractère abusif d’une clause ( 72 ) ni les conditions dans lesquelles une juridiction suprême décide de limiter les effets de ses arrêts, la présente situation relève de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale. Cependant, ces modalités ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) ni être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) ( 73 ).

69.

En ce qui concerne, en premier lieu, le principe d’équivalence, il requiert que la règle nationale en cause s’applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit de l’Union et à ceux fondés sur la méconnaissance du droit interne ayant un objet et une cause semblable ( 74 ). Sous réserve d’éventuelles vérifications ultérieures par les juridictions de renvoi, il ressort du dossier, et notamment des observations écrites du gouvernement espagnol, que le Tribunal Supremo (cour suprême) ne réserve pas la possibilité de limiter les effets dans le temps de ses arrêts aux seuls litiges mettant en présence le droit de l’Union et qu’il a déjà fait usage d’une telle possibilité dans des controverses purement internes ( 75 ). Envisagée d’un point de vue objectif, la possibilité pour le Tribunal Supremo (cour suprême) de limiter les effets dans le temps de ses arrêts ne m’apparaît pas de nature à susciter un doute quant à sa conformité avec le principe d’équivalence.

70.

En ce qui concerne, en second lieu, le principe d’effectivité, la Cour a jugé de manière itérative que chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition ( 76 ) dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités devant les diverses instances nationales et que, dans cette perspective, il y a lieu de prendre en considération, s’il échet, les principes qui sont à la base du système juridique national, tels que, notamment, le principe de sécurité juridique ( 77 ). Partant, l’incidence de la limitation dans le temps des effets de l’arrêt du Tribunal Supremo (cour suprême) sur l’effectivité de la directive 93/13 doit être, d’une part, appréciée, au regard de l’objectif qu’elle poursuit tout en tenant compte, d’autre part, des principes de l’ordre juridique national qui ont commandé la décision de limiter lesdits effets.

71.

Eu égard à l’objectif poursuivi par la directive 93/13, comme il a été rappelé à l’occasion de l’analyse de la jurisprudence de la Cour, la sanction des clauses abusives au titre des articles 6 et 7 de la directive 93/13 doit avoir un effet dissuasif à l’égard du professionnel et viser à restaurer un équilibre réel entre ce dernier et le consommateur. Comme je le rappelais plus haut, à compter du 9 mai 2013, les professionnels sont tenus de ne plus utiliser les clauses « plancher» ( 78 ) et ces clauses doivent disparaître des contrats existants. L’effet dissuasif est pleinement assuré puisque tout professionnel qui, après le 9 mai 2013, introduit de telles clauses dans ses contrats sera condamné à l’élimination desdites clauses ainsi qu’à la restitution des sommes versées sur leur fondement. Le comportement des professionnels se trouvera donc nécessairement modifié à compter du 9 mai 2013 et l’effectivité de la directive est, pro futuro, pleinement assurée.

72.

Reste à examiner la situation avant le 9 mai 2013. Les clauses « plancher » sont toujours considérées comme abusives et frappées de nullité mais cette nullité ne déploiera ses pleins effets qu’à compter de la date de l’arrêt de la juridiction suprême la constatant. Pour justifier un tel report dans le temps, le Tribunal Supremo (cour suprême) s’est fondé sur une série d’arguments ( 79 ), parmi lesquels la préservation de la sécurité juridique en raison du caractère novateur de sa décision – appréciation à laquelle je ne souscris cependant pas ( 80 ) – et les circonstances exceptionnelles en présence. Sur ce point, le Tribunal Supremo (cour suprême) a notamment insisté sur la dimension endémique du recours aux clauses « plancher » puis a mis en balance, d’une part, la protection due aux consommateurs notamment en vertu de la directive 93/13 et, d’autre part, les enjeux macroéconomiques pour le système bancaire d’un État membre déjà fragilisé.

73.

À condition qu’elle reste tout à fait exceptionnelle, une telle démarche apparaît également admissible au regard du principe d’effectivité. La Cour a déjà admis que la protection du consommateur n’est pas absolue ( 81 ). Surtout, il n’apparaît pas évident que, afin de rétablir l’équilibre entre le consommateur et le professionnel, il ait été nécessaire, ou même possible ( 82 ), dans chaque cas, de restituer toutes les sommes versées sur le fondement d’une clause « plancher ». Atteindre l’équilibre tant recherché par la directive, ce n’est pas favoriser le consommateur. En fonction de la date de conclusion des contrats de prêt, l’absence d’effet complètement rétroactif n’a pas nécessairement eu pour résultat de ne pas restaurer l’équilibre. Ce constat est, à mon sens, conforté par deux considérations essentielles dans l’appréciation menée par le Tribunal Supremo (cour suprême), à savoir que, premièrement, le consommateur lié par un contrat de prêt contenant une clause « plancher » pouvait facilement faire racheter son contrat et changer d’établissement bancaire et, deuxièmement, l’application de la clause « plancher » n’aurait pas eu pour conséquence une modification substantielle du montant des mensualités dues par les consommateurs.

74.

Eu égard à la nécessaire prise en compte des principes de l’ordre juridique national ayant commandé la décision de limiter les effets dans le temps de l’arrêt du Tribunal Supremo (cour suprême), la sécurité juridique que ce dernier invoque – moins en raison du caractère novateur de sa décision, je le rappelle, qu’en raison de la multitude des situations juridiques potentiellement affectées susceptibles de remettre en cause la stabilité d’un secteur économique – est une préoccupation partagée par l’ordre juridique de l’Union.

75.

Ainsi, dans ces conditions, ni l’effectivité des droits reconnus par la directive 93/13 ni les objectifs poursuivis par cette dernière ne m’apparaissent affectés par la décision du Tribunal Supremo (cour suprême) de limiter les effets dans le temps de la déclaration de nullité des clauses abusives.

76.

Il résulte de ce qui précède que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu à la lumière des principes d’équivalence et d’effectivité, doit être interprété en ce sens que, dans les circonstances propres aux litiges au principal, il ne s’oppose pas à une décision d’une juridiction suprême par laquelle cette dernière constate le caractère abusif des clauses « plancher », ordonne la cessation de leur usage et leur élimination des contrats existants et déclare leur nullité tout en limitant, en raison de circonstances exceptionnelles, les effets, notamment restitutoires, de cette nullité à la date de son premier arrêt rendu en ce sens.

B – Sur les autres questions préjudicielles

77.

Je considère que la réponse que je suggère à la Cour d’apporter aux questions posées dans l’affaire C‑154/15 et à la première question commune aux affaires C‑307/15 et C‑308/15 est suffisante pour que les juridictions de renvoi puissent trancher les litiges au principal. Partant, il ne m’apparaît pas utile de répondre aux autres questions soulevées.

78.

Je souhaite néanmoins formuler un certain nombre de remarques conclusives afin de lever toute ambiguïté, compte tenu des enjeux systémiques de ces affaires.

79.

Je réitère que la solution proposée est circonscrite aux circonstances particulières desdites affaires et qu’une telle limitation, émanant d’une juridiction suprême, doit rester exceptionnelle.

80.

En outre, la solution que je propose ne doit, en aucune manière, apparaître comme une validation de la thèse selon laquelle les juridictions nationales peuvent ou doivent appliquer les critères utilisés par la Cour elle-même lorsqu’il lui est demandé de limiter les effets de ses propres arrêts. Les modalités qui organisent les conditions dans lesquelles une juridiction suprême d’un État membre peut limiter les effets de ses propres arrêts relèvent, à première vue, de l’autonomie procédurale des États membres dans la limite des principes d’équivalence et d’effectivité du droit de l’Union. C’est la raison pour laquelle une analyse plus poussée des critères de bonne foi et de risques de troubles graves, au sens de la jurisprudence RWE Vertrieb ( 83 ) à laquelle le Tribunal Supremo (cour suprême) s’est plusieurs fois référé, ne m’apparaîtrait, en tout état de cause, pas opérante. En revanche, il est important de rappeler que la Cour demeure fondamentalement compétente, au nom de la primauté et de l’application uniforme du droit de l’Union, pour apprécier la conformité au droit de l’Union des conditions nationalement définies relatives à la limitation des effets dans le temps des arrêts des juridictions suprêmes rendus dans leur fonction de juge de droit commun du droit de l’Union.

81.

Enfin, il ressort du libellé de la huitième question préjudicielle posée dans l’affaire C‑308/15 que la juridiction de renvoi part du postulat qu’il y aurait une obligation d’étendre la limitation des effets restitutoires découlant de la nullité d’une clause « plancher », telle que décidée dans le cadre d’une action collective devant le Tribunal Supremo (cour suprême) aux actions individuelles engagées à l’encontre de professionnels qui n’étaient pas attraits devant le Tribunal Supremo (cour suprême) à l’occasion de cette action collective. Le gouvernement espagnol, tant dans ses observations écrites que lors de l’audience, a affirmé qu’une telle règle prônant une extension automatique était inconnue de l’ordre juridique espagnol ( 84 ). S’il est vrai que la jurisprudence du Tribunal Supremo (cour suprême) opère comme un complément de l’ordre juridique espagnol ( 85 ), cela est sans préjudice de la faculté pour toute juridiction saisie d’une action visant à la constatation du caractère abusif d’une clause plancher de mener sa propre analyse des circonstances et d’apprécier si, dans le cas concret qui lui est soumis, ces circonstances sont identiques, ce qui devrait la conduire, le cas échéant, à appliquer la jurisprudence du Tribunal Supremo (cour suprême). Dans ces conditions, la huitième question préjudicielle soulevée dans le cadre de l’affaire C‑308/15 n’appelle pas de développements supplémentaires de la part de la Cour. En tout état de cause, puisque la solution retenue par le Tribunal Supremo (cour suprême) ne m’apparaît pas incompatible avec le droit de l’Union, son application, par les juridictions ordinaires, est de nature à préserver le principe d’égalité ainsi que celui de l’économie des procédures.

V – Conclusion

82.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Juzgado de lo Mercantil no 1 de Grenade (tribunal de commerce no 1 de Grenade) et par l’Audiencia Provincial de Alicante (cour provinciale d’Alicante) :

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lu à la lumière des principes d’équivalence et d’effectivité, doit être interprété en ce sens que, dans les circonstances propres aux litiges au principal, il ne s’oppose pas à une décision d’une juridiction suprême par laquelle cette dernière constate le caractère abusif des clauses « plancher », ordonne la cessation de leur usage et leur élimination des contrats existants et déclare leur nullité tout en limitant, en raison de circonstances exceptionnelles, les effets, notamment restitutoires, de cette nullité à la date de son premier arrêt rendu en ce sens.


( 1 )   Langue originale : le français.

( 2 )   JO 1993, L 95, p. 29.

( 3 )   Comme en témoigne le flot de renvois préjudiciels sur ce thème dont a été saisie la Cour dernièrement. Voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2016, Sales Sinués et Drame Ba (C‑381/14 et C‑385/14, EU:C:2016:252) ainsi que les affaires pendantes C‑349/15, C‑381/15, C‑431/15, C‑525/15, C‑554/14, C‑1/16 et C‑34/16.

( 4 )   Dont le texte consolidé a été approuvé par le Real Decreto Legislativo 1/2007 por el que se aprueba el texto refundido de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios y otras leyes complementarias (décret royal législatif 1/2007, portant approbation du texte de refonte de la loi générale pour la défense des consommateurs et des utilisateurs et d’autres lois complémentaires), du 26 novembre 2007, (BOE no 287, du 30 novembre 2007).

( 5 )   Arrêt no 241/12 (ES:TS:2013:1916).

( 6 )   C‑484/08, EU:C:2010:309.

( 7 )   C‑484/08, EU:C:2010:309.

( 8 )   Lequel précise les qualités que doit revêtir une clause pour être jugée transparente.

( 9 )   Il ressort du dossier que ce second contrôle est présenté comme étant une exigence nouvelle de la part du Tribunal Supremo (cour suprême). Ce dernier a considéré que, pour que les clauses « plancher » eussent satisfait ce contrôle renforcé, il aurait été nécessaire, au moment de la conclusion du contrat, que le consommateur ait pris connaissance de simulations de divers scénarios liés à l’évolution raisonnablement prévisible du taux d’intérêt ou d’informations au sujet du coût par rapport à d’autres modalités de prêts proposés par le même établissement. Je reviendrai plus tard dans mon analyse sur le caractère prétendument novateur de la position du Tribunal Supremo (cour suprême).

( 10 )   Sur ces deux critères, le Tribunal Supremo (cour suprême) s’est référé à l’arrêt du 21 mars 2013, RWE Vertrieb (C‑92/11, EU:C:2013:180).

( 11 )   Le Tribunal Supremo (cour suprême) a estimé que i) les clauses « plancher » étaient licites, ii) leur incorporation dans les contrats à intérêt variable répondait à des raisons objectives, iii) il ne s’agissait pas de clauses inhabituelles ou extravagantes, iv) leur utilisation avait été longtemps tolérée par le marché, v) leur caractère abusif a été constaté non pas en raison du caractère intrinsèquement illicite de leurs effets mais en raison de leur manque de transparence, vi) le défaut de transparence résultait d’une insuffisance d’information, vii) la réglementation nationale a été respectée, viii) la finalité de la détermination du taux d’intérêt minimal répond au besoin de maintenir un rendement minimal des actifs des prêts hypothécaires et les clauses étaient calculées de telle sorte qu’elles ne devaient pas entraîner de changements significatifs sur les sommes à payer, ix) la subrogation de créancier est rendue possible par la loi, de sorte qu’un consommateur insatisfait aurait facilement pu changer d’établissement de crédit et x) il était notoire que la restitutio in integrum à compter de la date de conclusion du contrat aurait engendré de graves bouleversements économiques.

( 12 )   Respectivement arrêts no 139/2015 (ES:TS:2015:1280) et no 222/2015 (ES:TS:2015:2207).

( 13 )   Voir, notamment, arrêt du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito (C‑618/10, EU:C:2012:349).

( 14 )   Le Juzgado de lo Mercantil no 1 de Alicante (tribunal de commerce no 1 d’Alicante) a jugé que, le Tribunal Supremo (cour suprême) ayant déclaré la nullité d’une clause identique dans son arrêt du 9 mai 2013, la constatation de la nullité de la clause en question dans le litige pendant devant lui était inutile eu égard au fait que BBVA était l’un des trois établissements financiers parties à la procédure devant le Tribunal Supremo (cour suprême).

( 15 )   Banco Popular Español n’était pas parmi les trois organismes de crédit parties à la procédure devant le Tribunal Supremo (cour suprême) ayant donné lieu à l’arrêt du 9 mai 2013.

( 16 )   L’Audiencia Provincial de Alicante (cour provinciale d’Alicante) se fonde ici notamment sur les arrêts du 26 avril 2012, Invitel (C 472/10, EU:C:2012:242) et du 30 mai 2013, Jőrös (C 397/11, EU:C:2013:340).

( 17 )   C‑92/11, EU:C:2013:180.

( 18 )   Voir article 8 de la directive 93/13. Je note toutefois que cet article fait référence à la possibilité pour les États membres de maintenir ou de prévoir des « dispositions » plus strictes et me demande dans quelle mesure l’arrêt d’une juridiction nationale, fût-elle suprême, peut être considéré comme une « disposition » au sens de l’article 8 de la directive 93/13. Je relève également que la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs (JO 2011, L 304, p. 64) a introduit un nouvel article 8 bis dans la directive 93/13 qui oblige les États membres, lorsqu’ils adoptent des dispositions conformément à l’article 8 de cette dernière, à en informer la Commission.

( 19 )   La Cour n’a eu de cesse de rappeler que sa compétence « porte sur l’interprétation de la notion de clauses abusives […] ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de la directive [93/13], étant entendu qu’il appartient audit juge de se prononcer en tenant compte desdits critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce » [arrêts du 26 avril 2012, Invitel (C‑472/10, EU:C:2012:242, point 22 et jurisprudence citée) ainsi que du 21 mars 2013, RWE Vertrieb (C‑92/11, EU:C:2013:180, point 48). Voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai (C‑26/13, EU:C:2014:282, point 45), du 23 avril 2015, Van Hove (C‑96/14, EU:C:2015:262, point 28) ainsi que du 9 juillet 2015, Bucura (C‑348/14, non publié, EU:C:2015:447, point 46)]. Le Tribunal Supremo (cour suprême) ayant notamment fondé son raisonnement sur l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, il aurait été souhaitable, au nom de la coopération juridictionnelle caractéristique de l’ordre juridique européen, qu’il saisisse la Cour non seulement de la problématique relative au contrôle de transparence des clauses fixant l’objet essentiel des contrats mais également de la conformité au droit de l’Union de la possibilité de limiter les effets dans le temps de son arrêt fondateur en la matière.

( 20 )   C‑26/13, EU:C:2014:282.

( 21 )   Arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai (C‑26/13, EU:C:2014:282, point 67).

( 22 )   Arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai (C‑26/13, EU:C:2014:282, point 68).

( 23 )   Arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai (C‑26/13, EU:C:2014:282, point 69).

( 24 )   C‑92/11, EU:C:2013:180, point 44.

( 25 )   Arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai (C‑26/13, EU:C:2014:282, point 70).

( 26 )   Arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai (C 26/13, EU:C:2014:282, point 71).

( 27 )   Arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai (C 26/13, EU:C:2014:282, point 72).

( 28 )   Arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai (C 26/13, EU:C:2014:282, point 75).

( 29 )   Arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai (C‑26/13, EU:C:2014:282, point 74).

( 30 )   C‑348/14, non publié, EU:C:2015:447.

( 31 )   Arrêt du 9 juillet 2015, Bucura (C‑348/14, non publié, EU:C:2015:447, point 50).

( 32 )   Arrêt du 9 juillet 2015, Bucura (C‑348/14,non publié, EU:C:2015:447, point 51).

( 33 )   Arrêt du 9 juillet 2015, Bucura (C‑348/14, non publié, EU:C:2015:447, point 56).

( 34 )   Arrêt du 9 juillet 2015, Bucura (C‑348/14, non publié, EU:C:2015:447, point 61).

( 35 )   Arrêt du 9 juillet 2015, Bucura (C‑348/14, non publié, EU:C:2015:447, point 62).

( 36 )   C‑26/13, EU:C:2014:282.

( 37 )   C‑348/14, non publié, EU:C:2015:447.

( 38 )   C‑92/11, EU:C:2013:180.

( 39 )   Arrêt du 21 mars 2013, RWE Vertrieb (C‑92/11, EU:C:2013:180, points 43 et 44). La Cour a depuis toujours porté une attention particulière au niveau d’information du consommateur. Voir en ce sens, notamment, arrêt du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C‑240/98 à C‑244/98, EU:C:2000:346, point 25). En outre, l’on ne saurait affirmer qu’une quelconque ambiguïté découlait de l’arrêt du 3 juin 2010, Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid (C‑484/08, EU:C:2010:309). Dans ce dernier, certes, la Cour a reconnu que la réglementation espagnole en cause au principal, autorisant le contrôle juridictionnel du caractère abusif des clauses contractuelles portant sur la définition de l’objet principal du contrat ou sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, permettait d’assurer un niveau de protection plus élevé que celui établi par la directive 93/13. Cela étant, cette réglementation autorisait un tel contrôle y compris lorsque ces clauses étaient rédigées de manière claire et compréhensible [voir arrêt du 3 juin 2010, Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid (C‑484/08, EU:C:2010:309, points 24 et 42)].

( 40 )   Arrêt du 21 mars 2013 (C‑92/11, EU:C:2013:180).

( 41 )   Arrêt du 21 mars 2013, RWE Vertrieb (C‑92/11, EU:C:2013:180, point 58 et jurisprudence citée).

( 42 )   Arrêt du 21 mars 2013 (C‑92/11, EU:C:2013:180).

( 43 )   Arrêt du 30 avril 2014 (C‑26/13, EU:C:2014:282).

( 44 )   Arrêt du 9 juillet 2015 (C‑348/14, EU:C:2015:447).

( 45 )   Il ressort clairement du libellé de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 qu’une clause portant sur l’objet principal du contrat, lorsqu’elle ne répond pas aux exigences de clarté et de compréhensibilité, pourra faire l’objet d’une appréciation de son caractère abusif dans les conditions fixées par l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13.

( 46 )   Le vingt-et-unième considérant de la directive 93/13 semble même placer cette absence d’effet contraignant dans le futur (« ne liera pas »).

( 47 )   Une comparaison rapide de différentes versions linguistiques disponibles n’apparaît guère plus éclairante. Ainsi, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit que les clauses abusives, en langue espagnole, « no vincularán », en langue allemande, « unverbindlich sind », en langue anglaise, « shall […] not be binding »,, en langue italienne, « non vincolano » et, en langue portugaise, « não vinculem ».

( 48 )   C‑472/10, EU:C:2011:806, point 48.

( 49 )   Voir, également, note en bas de page 70 des présentes conclusions.

( 50 )   Voir, parmi une jurisprudence abondante, arrêts du 21 mars 2013, RWE Vertrieb (C‑92/11, EU:C:2013:180, point 41 et jurisprudence citée) ainsi que du 14 avril 2016, Sales Sinués et Drame Ba (C‑381/14 et C‑385/14, EU:C:2016:252, point 22) et ordonnance du 16 juillet 2015, Sánchez Morcillo et Abril García (C‑539/14, EU:C:2015:508, point 24). Voir, également, conclusions de l’avocat général Szpunar dans les affaires jointes Sales Sinués et Drame Ba (C‑381/14 et C‑385/14, EU:C:2016:15, note en bas de page 21).

( 51 )   Voir, parmi une jurisprudence abondante, arrêt du 26 avril 2012, Invitel (C‑472/10, EU:C:2012:242, point 34) et ordonnance du 16 juillet 2015, Sánchez Morcillo et Abril García (C‑539/14, EU:C:2015:508, point 25 et jurisprudence citée).

( 52 )   Voir ordonnance du 16 juillet 2015, Sánchez Morcillo et Abril García (C 539/14, EU:C:2015:508, point 27).

( 53 )   Voir, parmi une jurisprudence abondante, arrêts du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones (C‑40/08, EU:C:2009:615, point 31 et jurisprudence citée) ainsi que du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito (C‑618/10, EU:C:2012:349, point 41 et jurisprudence citée).

( 54 )   Voir, notamment, arrêt du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito (C‑618/10, EU:C:2012:349, point 67 et jurisprudence citée).

( 55 )   Voir, notamment, arrêt du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito (C‑618/10, EU:C:2012:349, point 68 citant l’article 7 de la directive 93/13).

( 56 )   Voir, notamment, arrêt du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito (C‑618/10, EU:C:2012:349, point 61 et jurisprudence citée).

( 57 )   Voir arrêt du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito (C‑618/10, EU:C:2012:349, point 62).

( 58 )   Voir arrêts du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito (C‑618/10, EU:C:2012:349, point 63) ainsi que du 30 mai 2013, Jőrös (C‑397/11, EU:C:2013:340, point 41) et Asbeek Brusse et de Man Garabito (C‑488/11, EU:C:2013:341, point 49). Voir, également, ordonnances du 3 avril 2014, Sebestyén (C‑342/13, EU:C:2014:1857, point 35) ainsi que du 17 mars 2016, Ibercaja Banco (C‑613/15, EU:C:2016:195, point 35).

( 59 )   Arrêt du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito (C‑618/10, EU:C:2012:349, point 65). Italique ajouté par mes soins.

( 60 )   Voir arrêts du 30 mai 2013, Jőrös (C‑397/11, EU:C:2013:340, point 41) et Asbeek Brusse et de Man Garabito (C‑488/11, EU:C:2013:341, points 49 et 57) ainsi que du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová (C‑377/14, EU:C:2016:283, point 98).

( 61 )   Voir arrêts du 30 mai 2013, Asbeek Brusse et de Man Garabito (C‑488/11, EU:C:2013:341, point 58) ainsi que du 21 janvier 2015, Unicaja Banco et Caixabank (C‑482/13, C 484/13, C‑485/13 et C‑487/13, EU:C:2015:21, point 31).

( 62 )   Voir arrêt du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito (C‑618/10, EU:C:2012:349, points 69 et 70).

( 63 )   Voir arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai (C‑26/13, EU:C:2014:282, point 78) ainsi que du 14 avril 2016, Sales Sinués et Drame Ba (C‑381/14 et C‑385/14, EU:C:2016:252, points 21 et 39).

( 64 )   Voir arrêts du 3 décembre 2015, Banif Plus Bank (C‑312/14, EU:C:2015:794, point 27) ainsi que du 14 avril 2016, Sales Sinués et Drame Ba (C‑381/14 et C‑385/14, EU:C:2016:252, point 25).

( 65 )   C‑472/10, EU:C:2012:242.

( 66 )   Voir arrêt du 26 avril 2012, Invitel (C‑472/10, EU:C:2012:242, point 39).

( 67 )   Arrêt du 26 avril 2012, Invitel (C‑472/10, EU:C:2012:242, point 40).

( 68 )   Arrêt du 30 mai 2013, Jőrös (C‑397/11, EU:C:2013:340, point 43).

( 69 )   (C‑482/13, C‑484/13, C‑485/13 et C‑487/13, EU:C:2015:21, point 41). Italique ajouté par mes soins. Voir, également, ordonnance du 17 mars 2016, Ibercaja Banco (C‑613/15, EU:C:2016:195, point 37).

( 70 )   Il faut également rappeler que le rapport de la Commission sur l’application de la directive 93/13 [COM(2000) 248 final du 27 avril 2000] notait déjà que, « [en] raison de la diversité des traditions légales existantes, [l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13] a été intégr[é] de façon différente (les sanctions civiles varient entre l’inexistence, la nullité, l’annulabilité, l’inefficacité ou l’inapplicabilité de telles clauses abusives). […] En outre la décision judiciaire qui considère une clause comme abusive doit faire courir ses effets à partir de la conclusion du contrat (ex tunc). […] Il est assez difficile d’apprécier dans quelle mesure les différents systèmes nationaux aboutissent à de tels résultats, mais il est à craindre que tel ne soit pas toujours le cas » (p. 19 et 20). L’attention du législateur de l’Union était déjà attirée sur ce problème. Or, je remarque que la directive 93/13 a été modifiée en dernier lieu par la directive 2011/83 et qu’aucune des modifications intervenues n’a concerné l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13.

( 71 )   Voir la lecture combinée de l’article 1303 du code civil et l’article 83 de la LGDCU.

( 72 )   Voir, dernièrement, arrêt du 14 avril 2016, Sales Sinués et Drame Ba (C‑381/14 et C‑385/14, EU:C:2016:252, point 31).

( 73 )   Voir, par analogie, arrêts du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones (C‑40/08, EU:C:2009:615, point 38), du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito (C‑618/10, EU:C:2012:349, point 46), du 21 février 2013, Banif Plus Bank (C‑472/11, EU:C:2013:88, point 26), du 14 mars 2013, Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, point 50), du 30 mai 2013, Jőrös (C‑397/11, EU:C:2013:340, point 29) et Asbeek Brusse et de Man Garabito (C‑488/11, EU:C:2013:341, point 42), du 5 décembre 2013, Asociación de Consumidores Independientes de Castilla y León (C‑413/12, EU:C:2013:800, point 30), du 27 février 2014, Pohotovosť (C‑470/12, EU:C:2014:101, point 46), du 10 septembre 2014, Kušionová (C‑34/13, EU:C:2014:2189, point 50), du 18 février 2016, Finanmadrid EFC (C 49/14, EU:C:2016:98, point 40), du 14 avril 2016, Sales Sinués et Drame Ba (C‑381/14 et C‑385/14, EU:C:2016:252, point 32) ainsi que du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová (C‑377/14, EU:C:2016:283, point 48).

( 74 )   Voir, notamment, arrêt Pohotovosť (C‑470/12, EU:C:2014:101, point 47).

( 75 )   Voir point 95 des observations écrites du gouvernement espagnol dans les affaires C307/15 et C308/15.

( 76 )   Ici, moins qu’une disposition, il s’agit davantage d’une pratique juridictionnelle qui n’est pas vraiment codifiée. En effet, en réponse à une question de la Cour posée lors de l’audience, le représentant du gouvernement espagnol a affirmé que le Tribunal Supremo (cour suprême) fonde la prérogative de limiter les effets restitutoires de la nullité sur l’interprétation qu’il retient de l’article 1303 du code civil.

( 77 )   Voir arrêts du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones (C‑40/08, EU:C:2009:615, point 39 et jurisprudence citée), du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito (C‑618/10, EU:C:2012:349, point 49), du 21 février 2013, Banif Plus Bank (C‑472/11, EU:C:2013:88, point 33), du 14 mars 2013, Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, point 53), du 30 mai 2013, Jőrös (C‑397/11, EU:C:2013:340, point 32), du 5 décembre 2013, Asociación de Consumidores Independientes de Castilla y León (C 413/12, EU:C:2013:800, point 34), du 27 février 2014, Pohotovosť (C‑470/12, EU:C:2014:101, point 51), du 10 septembre 2014, Kušionová (C‑34/13, EU:C:2014:2189, point 52), du 18 février 2016, Finanmadrid EFC (C‑49/14, EU:C:2016:98, points 43 et 44), du 14 avril 2016, Sales Sinués et Drame Ba (C‑381/14 et C‑385/14, EU:C:2016:252, point 34) ainsi que du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová (C‑377/14, EU:C:2016:283, point 50).

( 78 )   À moins, bien sûr, de s’assurer qu’une information suffisante est fournie au consommateur.

( 79 )   Voir note en bas de page 11 des présentes conclusions.

( 80 )   Voir points 53 et suiv. des présentes conclusions.

( 81 )   Voir arrêt Asturcom Telecomunicaciones (C‑40/08, EU:C:2009:615).

( 82 )   En effet, le principe de la restitutio in integrum peut, au moment de sa mise en œuvre, se heurter aux règles relatives à la prescription des créances.

( 83 )   Arrêt du 21 mars 2013 (C‑92/11, EU:C:2013:180).

( 84 )   L’absence d’une règle clairement identifiable ne rend donc pas possible une analyse du type de celle que la Cour a menée dans le cadre de l’arrêt du 14 avril 2016, Sales Sinués et Drame Ba (C‑381/14 et C‑385/14, EU:C:2016:252, points 32 et suiv.).

( 85 )   Aux termes de l’article 1, paragraphe 6, du code civil.