ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

26 mai 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Système commun de la taxe sur la valeur ajoutée — Directive 2006/112/CE — Autoliquidation — Article 198, paragraphe 2 — Or sous forme de matière première ou de produits semi-ouvrés — Notion — Article 199, paragraphe 1, sous d), et annexe VI — Matériaux usagés, déchets et débris — Lingots résultant de la fonte d’objets et de débris divers, destinés à permettre l’extraction de l’or et d’une pureté en or supérieure à 325 millièmes»

Dans l’affaire C‑550/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est, Danemark), par décision du 26 novembre 2014, parvenue à la Cour le 28 novembre 2014, dans la procédure

Envirotec Denmark ApS

contre

Skatteministeriet,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, Mme C. Toader, M. A. Rosas, Mme A. Prechal et M. E. Jarašiūnas (rapporteur), juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour le gouvernement danois, par M. C. Thorning, en qualité d’agent, assisté de Mme B. Søes Petersen, advokat,

pour le gouvernement estonien, par Mme K. Kraavi-Käerdi, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mmes M. Owsiany-Hornung et M. Clausen, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 décembre 2015,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 198, paragraphe 2, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Envirotec Denmark ApS (ci-après « Envirotec ») au Skatteministeriet (ministère des Impôts) au sujet d’une décision de l’administration fiscale refusant la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) payée en amont par Envirotec au cours du quatrième trimestre de l’année 2011.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Aux termes du huitième considérant de la directive 98/80/CE du Conseil, du 12 octobre 1998, complétant le système de taxe sur la valeur ajoutée et modifiant la directive 77/388/CEE – Régime particulier applicable à l’or d’investissement (JO 1998, L 281, p. 31) :

« considérant que l’expérience a montré que, en ce qui concerne la plupart des livraisons d’or dont la pureté est supérieure à un certain degré, l’application d’un mécanisme [d’autoliquidation] peut contribuer à empêcher la fraude fiscale tout en allégeant les frais financiers afférents à l’opération ; qu’il est justifié d’autoriser les États membres à recourir à un tel mécanisme ; [...] »

4

Intitulé « Régime particulier applicable à l’or d’investissement », l’article 26 ter de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 98/80, prévoit :

« [...]

F. Procédure [d’autoliquidation]

Par dérogation à l’article 21, paragraphe 1, point a), tel que modifié par l’article 28 octies, dans le cas de livraisons d’or sous forme de matière première ou de produits semi-ouvrés d’une pureté égale ou supérieure à 325 millièmes, ou de fournitures d’or d’investissement lorsqu’il a été fait usage d’une option prévue au point C du présent article, les États membres peuvent désigner l’acheteur comme étant la personne redevable de la taxe, conformément aux procédures et conditions qu’ils fixent. Lorsqu’ils font usage de cette faculté, les États membres prennent les mesures nécessaires pour s’assurer que la personne désignée comme étant redevable de la taxe due remplit les obligations de déclaration et de paiement de la taxe conformément à l’article 22.

[...] »

5

Les considérants 42 et 55 de la directive TVA énoncent :

« (42)

Les États membres devraient, dans des cas précis, être en mesure de désigner le destinataire des livraisons de biens ou des prestations de services comme redevable de la taxe. Cette mesure leur permettrait de simplifier les règles et de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales enregistrées dans certains secteurs ou à l’occasion de certains types d’opérations.

[...]

(55)

En vue d’empêcher la fraude fiscale tout en allégeant les frais financiers afférents à la livraison d’or dont la pureté est supérieure à un certain degré, il est justifié d’autoriser les États membres à désigner l’acheteur comme redevable de la taxe. »

6

Aux termes de l’article 193 de cette directive :

« La TVA est due par l’assujetti effectuant une livraison de biens ou une prestation de services imposable, sauf dans les cas où la taxe est due par une autre personne en application des articles 194 à 199 [...] »

7

L’article 198, paragraphe 2, de ladite directive prévoit :

« Lorsqu’une livraison d’or sous forme de matière première ou de produits semi-ouvrés d’une pureté égale ou supérieure à 325 millièmes, ou qu’une livraison d’or d’investissement [...] est effectuée par un assujetti [...], les États membres peuvent désigner l’acquéreur comme redevable de la taxe. »

8

L’article 199, paragraphe 1, de la même directive dispose :

« Les États membres peuvent prévoir que le redevable de la taxe est l’assujetti destinataire des opérations suivantes :

[...]

d)

les livraisons de matériaux usagés, de matériaux usagés ne pouvant pas être réutilisés en l’état, de déchets industriels et non industriels, de déchets de récupération, de déchets en partie transformés, de débris et les livraisons de certains biens et les prestations de certains services spécifiques, figurant à l’annexe VI ;

[...] » 

9

L’annexe VI de la directive TVA, intitulée « Liste des livraisons de biens et des prestations de services visées à l’article 199, paragraphe 1, point d) », est libellée dans les termes suivants :

« 1)

Les livraisons de déchets, débris et matériaux usagés ferreux ou non ferreux, notamment ceux de produits semi-finis résultant de la transformation, de l’élaboration ou de la fonte de métaux ferreux ou non ferreux ou de leurs alliages ;

2)

les livraisons de produits semi-finis ferreux ou non ferreux et les prestations de certains services associés ;

3)

les livraisons de résidus et autres matériaux de récupération constitués de métaux ferreux ou non ferreux ou de leurs alliages, de scories, laitiers, cendres, écailles et résidus industriels contenant des métaux ou des alliages de métaux [...] ;

4)

les livraisons de déchets ferreux et de ferrailles, ainsi que de rognures, débris et déchets [...] ;

5)

les livraisons de matériaux visés à la présente annexe après transformation sous la forme d’une opération de nettoyage, polissage, sélection, coupe, fragmentation, compression ou fonte en lingots ;

[...] »

Le droit danois

10

Le législateur danois a fait usage de la faculté offerte par l’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA de prévoir un mécanisme d’autoliquidation pour certaines livraisons d’or. À cet effet, l’article 46, paragraphe 1, point 4, de la momsloven (loi relative à la TVA) prévoit :

« Le paiement de la taxe incombe à l’assujetti effectuant une livraison de biens ou une prestation de services imposable au Danemark. La taxe est toutefois due par le destinataire des biens ou des services si :

[...]

4)

le destinataire est une société enregistrée au Danemark qui reçoit de l’or d’investissement soumis à la taxe [...] ou de l’or sous forme de matière première ou de produits semi-ouvrés d’une pureté égale ou supérieure à 325 millièmes. »

11

En revanche, à la date des faits au principal, le législateur danois n’avait pas fait usage de la faculté offerte par l’article 199, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA de prévoir un mécanisme d’autoliquidation pour certaines livraisons de matériaux usagés, de déchets et de débris ainsi que certaines prestations de services associées.

Le litige au principal et la question préjudicielle

12

Envirotec est une société active dans le commerce de métaux précieux. Au quatrième trimestre de l’année 2011, elle a acheté, lors de 24 opérations distinctes, 24 lingots composés de divers matériaux fondus ensemble et ayant une teneur moyenne en or, selon le lingot, de 500 ou 600 millièmes de leur poids.

13

Envirotec a acheté ces lingots auprès d’une autre société danoise, Dansk Metalopkøb ApS, qui les avait fondus. Ils étaient composés, entre autres choses, de vieux bijoux, de couverts et de montres ainsi que de résidus industriels.

14

Avant leur achat par Envirotec, ces lingots ont été expédiés à Remondis Argentia BV, partenaire d’Envirotec établi aux Pays-Bas, qui devait ultérieurement les acheter à Envirotec aux fins de récupérer l’or qu’ils contenaient et qui a calculé la teneur en or de chaque lingot.

15

Envirotec a payé, pour l’ensemble de ces opérations, 1099695 couronnes danoises (DKK) (environ 147000 euros) de TVA à Dansk Metalopkøb, a indiqué ce montant dans sa déclaration de TVA pour le quatrième trimestre de l’année 2011 et a demandé à le déduire en tant que TVA payée en amont. Dansk Metalopkøb n’a pas versé la TVA à l’administration fiscale et a ensuite été placée en liquidation pour défaut de ressources financières.

16

Le 7 mars 2012, l’administration fiscale a décidé que la TVA versée par Envirotec à Dansk Metalopkøb ne pouvait pas être déduite au motif que les lingots en cause relevaient du régime d’autoliquidation prévu à l’article 46, paragraphe 1, point 4, de la loi relative à la TVA en tant qu’« or sous forme de matière première ou de produits semi-ouvrés d’une pureté égale ou supérieure à 325 millièmes ».

17

Envirotec a contesté cette décision devant le Landsskatteretten (commission fiscale nationale, Danemark), qui l’a confirmée par une ordonnance du 24 mai 2012. Envirotec a introduit un recours contre cette ordonnance devant le Helsingør Ret (tribunal de Helsingør, Danemark), qui l’a confirmée par un jugement du 25 février 2014.

18

Le 10 mars 2014, Envirotec a fait appel de ce jugement devant l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est, Danemark). Devant ce dernier, elle conclut à ce que le ministère des Impôts soit condamné à lui payer la somme de 1099695 DKK (environ 147000 euros), majorée d’intérêts. À l’appui de sa demande, elle fait valoir que les lingots en cause au principal ne relèvent pas de l’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA, puisqu’il ne s’agit ni de produits finis relevant de la catégorie d’or d’investissement ni d’or se présentant sous forme de matière première ou de produit semi-ouvré. En revanche, lesdits lingots relèveraient de l’article 199, paragraphe 1, sous d), de cette directive, qui est applicable aux débris, en ce compris les débris d’or.

19

Le ministère des Impôts conclut au rejet de ce recours, au motif que ces lingots relèvent du champ d’application de l’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA. À cet égard, seraient déterminants le fait qu’il ne s’agit pas de produits finis et le fait que cette disposition est, selon ce ministère, une lex specialis applicable au commerce de l’or, alors que l’article 199 de la même directive est une disposition relative aux débris métalliques. Cette interprétation serait étayée par l’objectif de cette première disposition, qui serait de lutter contre la fraude fiscale. Les lingots en cause devraient donc être considérés comme de l’or ou des produits en or, puisque c’est leur teneur en or qui leur conférerait leur valeur marchande et dès lors qu’ils seraient fabriqués pour la revente de l’or qu’ils contiennent.

20

La juridiction de renvoi fait observer que ni le libellé de l’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA, ni la disposition qui l’a précédé, ni le préambule de la directive 98/80 ou les différentes versions linguistiques de cette première disposition n’indiquent clairement si celle-ci s’applique aux produits avec une teneur en or élevée, tels que les lingots en cause au principal, qui ne sont pas directement en cours d’élaboration en vue d’obtenir des produits finis.

21

Le fait que l’objectif de cet article est de prévenir la fraude fiscale plaiderait en faveur d’une interprétation large, selon laquelle, outre l’or d’investissement et l’or brut, cet article s’applique également à l’or soumis à toute transformation et à n’importe quel stade du processus de fabrication si la teneur en or du bien concerné est égale ou supérieure à 325 millièmes et si sa valeur est fixée uniquement sur la base de la valeur de l’or qu’il contient. Toutefois, il serait aussi possible de retenir une interprétation stricte, selon laquelle ladite disposition ne serait applicable qu’à l’or qui se trouve à un stade situé entre l’or brut et le produit fini. Une telle interprétation pourrait être corroborée notamment par le fait que les résidus métalliques relèvent de l’article 199, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA.

22

C’est dans ces circonstances que l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Des lingots constitués d’un alliage grossier et aléatoire de débris de divers objets métalliques contenant de l’or relèvent-ils de la notion d’“or sous forme de matière première ou de produits semi-ouvrés” aux fins de l’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA ?

On peut partir du principe que les lingots en cause sont constitués d’un alliage grossier et aléatoire de débris de divers objets métalliques contenant de l’or et que ces lingots peuvent également contenir, en outre, des matériaux organiques, par exemple des dents, du caoutchouc, du PVC, et des métaux/matériaux tels que, par exemple, du cuivre, de l’étain, du nickel, de l’amalgame, des résidus de piles avec du mercure et du plomb ainsi que diverses substances toxiques, etc. Il n’était donc pas question d’un produit contenant de l’or directement en cours de transformation en produit fini. D’autre part, le lingot était un produit transformé (un alliage), qui – en tant que stade intermédiaire – a été fabriqué dans le but d’extraire l’or qu’il contient. Les lingots présentent une forte teneur en or, en moyenne de 500 ou 600 millièmes et donc nettement supérieure à 325 millièmes d’or. Après extraction, la teneur en or sera utilisée pour la fabrication de produits (en or/contenant de l’or).

Dans sa réponse, la Cour peut également partir du principe que les lingots ne peuvent pas être directement intégrés à d’autres produits puisqu’ils doivent être soumis au préalable à un traitement au cours duquel les métaux sont séparés et où les éléments non métalliques, les substances nocives pour la santé et autres sont enlevés par la fonte/en sont extraits. »

Sur la question préjudicielle

23

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à une livraison de lingots, tels que ceux en cause au principal, constitués d’un alliage grossier et aléatoire obtenu à partir de la fusion de débris et de divers objets métalliques contenant de l’or, ainsi que d’autres métaux, matériaux et substances, et présentant, selon le lingot, une teneur en or d’environ 500 ou 600 millièmes.

24

L’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA prévoit que, lorsqu’une livraison d’or sous forme de matière première ou de produits semi-ouvrés d’une pureté égale ou supérieure à 325 millièmes ou une livraison d’or d’investissement est effectuée par un assujetti, les États membres peuvent désigner l’acquéreur comme redevable de la taxe, faculté dont le législateur danois a, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, fait usage.

25

En l’occurrence, il convient de relever d’emblée qu’il ressort du libellé de cette disposition qu’elle n’est pas applicable aux produits finis, hormis l’« or d’investissement ». Toutefois, il est constant que cette dernière notion ne saurait viser des biens tels que les lingots en cause au principal.

26

En outre, ni l’article 198 de la directive TVA, ni d’autres dispositions de la directive TVA, ni la directive 98/80 qui se trouve à l’origine du contenu de cet article 198, paragraphe 2, ne précisent ce qu’il faut entendre par la notion d’« or sous forme de matière première ou de produits semi-ouvrés d’une pureté égale ou supérieure à 325 millièmes ».

27

Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, lors de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il importe de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et de l’objectif poursuivi par la réglementation dont elle fait partie (arrêts du 26 janvier 2012, ADV Allround, C‑218/10, EU:C:2012:35, point 26, et du 19 juillet 2012, A, C‑33/11, EU:C:2012:482, point 27 ainsi que jurisprudence citée). De même, la détermination de la signification et de la portée des termes pour lesquels le droit de l’Union ne fournit aucune définition doit être établie conformément à leur sens habituel dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation en cause (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, BLV Wohn- und Gewerbebau, C‑395/11, EU:C:2012:799, point 25 et jurisprudence citée).

28

En outre, en cas de divergences entre les versions linguistiques, la portée de la disposition concernée ne saurait être appréciée sur la base d’une interprétation exclusivement textuelle, mais doit l’être en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir, en ce sens, arrêts du 3 mars 2005, Fonden Marselisborg Lystbådehavn, C‑428/02, EU:C:2005:126, point 42 et jurisprudence citée, ainsi que du 13 juin 2013, Promociones y Construcciones BJ 200, C‑125/12, EU:C:2013:392, point 22 et jurisprudence citée).

29

S’agissant, en premier lieu, du libellé de la notion d’« or sous forme de matière première ou de produits semi-ouvrés d’une pureté égale ou supérieure à 325 millièmes », comme l’a relevé, en substance, Mme l’avocat général aux points 20 à 23 ainsi que 26 à 30, 57 et 63 de ses conclusions, il convient de constater, tout d’abord, que, selon les versions linguistiques de l’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA, les termes « or sous forme de matière première » sont susceptibles de viser l’or à l’état brut, l’or en tant que métal pur ou encore tout matériau pour partie constitué d’or.

30

Ensuite, si les termes « produits semi-ouvrés » visent, en langage courant, des biens ayant déjà été travaillés ou transformés, mais devant encore faire l’objet d’une transformation ultérieure, le sens habituel de ces termes ne permet pas de déterminer, de manière uniforme dans les diverses versions linguistiques, quel stade précis de transformation des produits en cause est visé, hormis qu’il ne s’agit ni de produits qui n’ont jamais fait l’objet d’un travail ou d’une transformation antérieurs, ni de produits finis.

31

Enfin, l’exigence de pureté minimale de 325 millièmes d’or, mentionnée à l’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA, peut, prise littéralement, à tout le moins dans certaines versions linguistiques, se rapporter soit à l’« or sous forme de matière première ou de produits semi-ouvrés », soit aux seuls « produits semi-ouvrés », visés à cette disposition.

32

Il ressort de ce qui précède que le seul libellé de l’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA ne permet pas de déterminer si et, le cas échéant, à quelles conditions, des biens tels que les lingots en cause au principal relèvent de son champ d’application.

33

S’agissant, en deuxième lieu, du contexte dans lequel l’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA s’inscrit, il convient de rappeler que cette disposition permet aux États membres de prévoir, dans les situations qu’il vise, un mécanisme d’autoliquidation en vertu duquel le redevable de la TVA est l’assujetti destinataire de l’opération soumise à cette taxe. Cette disposition constitue ainsi une exception au principe figurant à l’article 193 de cette directive, selon lequel la TVA est due par l’assujetti effectuant une livraison de biens ou une prestation de services imposable. Elle doit, dès lors, faire l’objet d’une interprétation stricte, qui ne saurait toutefois conduire à la priver d’effets (voir, par analogie, arrêt du 13 juin 2013, Promociones y Construcciones BJ 200, C‑125/12, EU:C:2013:392, points 23 et 31 ainsi que jurisprudence citée).

34

À l’instar de l’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA, l’article 199, paragraphe 1, sous d), de cette directive offre aux États membres la faculté d’instaurer un mécanisme d’autoliquidation également pour les livraisons de matériaux usagés, de déchets et de débris énumérées à l’annexe VI de ladite directive. Parmi ces livraisons figurent notamment, au point 5 de cette annexe, « les livraisons de matériaux visés à la présente annexe après transformation sous la forme d’une opération de [...] fonte en lingots ». Cette annexe vise, en particulier, à son point 1, « [l]es livraisons de déchets, débris et matériaux usagés ferreux ou non ferreux », à son point 2, « les livraisons de produits semi-finis ferreux ou non ferreux », à son point 3, « les livraisons de résidus et autres matériaux de récupération constitués de métaux ferreux ou non ferreux ou de leurs alliages » et, à son point 4, « les livraisons de déchets ferreux et de ferrailles, ainsi que de rognures, débris et déchets ». Or, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, le législateur danois, au moment des faits relatifs à l’affaire au principal, n’avait pas fait usage de la faculté, prévue à cette dernière disposition, d’instaurer un mécanisme d’autoliquidation pour les livraisons de matériaux usagés, de déchets et de débris énumérées à l’annexe VI de ladite directive.

35

Il ressort également de la décision de renvoi que les lingots en cause au principal, bien qu’ils aient une teneur en or d’environ, selon le cas, 500 ou 600 millièmes, sont fondus à partir de divers vieux objets ainsi que de débris et de résidus industriels, contiennent des métaux et matériaux divers et ne peuvent pas être utilisés en l’état, mais doivent, avant toute utilisation de leurs composants, être soumis à un traitement qui permet de séparer les métaux des éléments non métalliques et d’en extraire certaines substances.

36

Envirotec se prévaut de ces éléments pour conclure à l’inapplicabilité de l’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA auxdits lingots et, partant, à l’inapplicabilité du mécanisme d’autoliquidation aux livraisons de ces biens, puisqu’il s’agirait de déchets relevant de l’article 199, paragraphe 1, sous d), de cette directive.

37

Il y a lieu de constater que, au vu du seul libellé desdites dispositions, il ne saurait être exclu que des biens, tels que les lingots en cause au principal, puissent relever de l’article 199, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA en tant que lingots résultant de la fonte de divers déchets, débris et métaux usagés non ferreux ainsi que de matériaux de récupération constitués de tels métaux.

38

Cependant, rien n’indique dans la directive TVA que le mécanisme d’autoliquidation prévu à l’article 199, paragraphe 1, sous d), de celle-ci est nécessairement exclusif de celui prévu à son article 198, paragraphe 2, cette dernière disposition pouvant à cet égard être conçue comme étant une lex specialis ayant trait aux produits spécifiques visés par ses termes.

39

Force est donc de constater que le contexte dans lequel l’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA s’inscrit ne permet pas de déterminer avec certitude le champ d’application de cette disposition. Il convient donc, en troisième lieu, de se pencher sur l’objectif qu’elle poursuit.

40

À cet égard, il ressort du considérant 42 de la directive TVA que les régimes d’autoliquidation que les États membres peuvent choisir de mettre en place dans certains secteurs ou à l’occasion de certains types d’opérations visent à simplifier les règles ainsi qu’à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Ce même objectif trouve son expression au considérant 55 de la directive TVA, qui fait à cet égard écho au huitième considérant de la directive 98/80 et selon lequel, « [e]n vue d’empêcher la fraude fiscale tout en allégeant les frais financiers afférents à la livraison d’or dont la pureté est supérieure à un certain degré, il est justifié d’autoriser les États membres à désigner l’acheteur comme redevable de la taxe ».

41

Or, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 49 et 50 de ses conclusions, ce qui augmente le risque de fraude fiscale et, partant, justifie l’application d’un mécanisme d’autoliquidation pour la livraison de certains biens, dont l’or, est leur valeur marchande élevée par rapport à leur taille, qui les rend facilement transportables. S’agissant du commerce de l’or, et dès lors qu’il ne s’agit pas d’un produit fini, tel qu’un bijou, c’est la teneur en or du bien concerné qui détermine sa valeur. Par suite, le risque de fraude fiscale est d’autant plus important que la teneur en or de ce bien est élevée.

42

Il en découle que, au regard de l’objectif principal poursuivi par le législateur de l’Union, le degré de pureté en or du bien concerné est décisif aux fins de déterminer si une livraison d’or sous forme de matière première ou de produits semi-ouvrés, qui ne constitue pas un produit fini, relève ou non de l’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA.

43

Par ailleurs, il convient de constater que retenir une interprétation de l’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA selon laquelle cette disposition, une fois mise en œuvre par un État membre, ne serait néanmoins pas applicable à des lingots présentant une pureté en or supérieure ou égale à 325 millièmes pourrait porter atteinte à la pleine réalisation de cet objectif de lutte contre la fraude fiscale spécifiquement poursuivi par le législateur de l’Union au regard des particularités d’un tel métal précieux. En revanche, ce qui précède ne préjuge pas du point de savoir si des lingots composés de « déchets » ou de « matériaux usagés », lorsqu’ils présentent une pureté en or inférieure à 325 millièmes, peuvent relever du mécanisme d’autoliquidation prévu à l’article 199, paragraphe 1, sous d), de la même directive, pourvu que ce mécanisme soit mis en place par un État membre.

44

Enfin, il n’est pas nécessaire, aux fins d’apporter la réponse à la question posée, de déterminer si des biens, tels que les lingots en cause au principal, relèvent de la notion d’« or sous forme de matière première » ou de celle de « produits semi-ouvrés », au sens de l’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA.

45

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 198, paragraphe 2, de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à une livraison de lingots, tels que ceux en cause au principal, constitués d’un alliage grossier et aléatoire obtenu à partir de la fusion de débris et de divers objets métalliques contenant de l’or, ainsi que d’autres métaux, matériaux et substances, et présentant, selon le lingot, une teneur en or d’environ 500 ou 600 millièmes.

Sur les dépens

46

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

 

L’article 198, paragraphe 2, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à une livraison de lingots, tels que ceux en cause au principal, constitués d’un alliage grossier et aléatoire obtenu à partir de la fusion de débris et de divers objets métalliques contenant de l’or, ainsi que d’autres métaux, matériaux et substances, et présentant, selon le lingot, une teneur en or d’environ 500 ou 600 millièmes.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le danois.