ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

12 novembre 2015 ( * )

«Renvoi préjudiciel — Articles 34 TFUE et 110 TFUE — Directive 94/62/CE — Articles 1er, paragraphe 1, 7 et 15 — Vente à distance et transport de boissons alcooliques à partir d’un autre État membre — Droit d’accise sur certains emballages de boissons — Exonération en cas d’intégration des emballages dans un système de consignation et de reprise — Articles 34 TFUE, 36 TFUE et 37 TFUE — Exigence d’une autorisation de vente au détail de boissons alcooliques — Monopole de vente au détail de boissons alcooliques — Justification — Protection de la santé»

Dans l’affaire C‑198/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Helsingin hovioikeus (cour d’appel d’Helsinki, Finlande), par décision du 16 avril 2014, parvenue à la Cour le 22 avril 2014, dans la procédure

Valev Visnapuu

contre

Kihlakunnansyyttäjä,

Suomen valtio – Tullihallitus,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. D. Šváby, A. Rosas, E. Juhász et C. Vajda (rapporteur), juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 avril 2015,

considérant les observations présentées:

pour M. Visnapuu, par Me P. Snell, oikeustieteen kandidaatti,

pour le gouvernement finlandais, par M. S. Hartikainen, en qualité d’agent,

pour le gouvernement suédois, par Mmes A. Falk et U. Persson, en qualité d’agents,

pour le gouvernement norvégien, par Mmes T. Skjeie et K. Nordland Hansen, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. G. Wilms, Mme E. Sanfrutos Cano et M. I. Koskinen, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 juillet 2015,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 34 TFUE, 36 TFUE, 37 TFUE et 110 TFUE ainsi que des articles 1er, paragraphe 1, 7 et 15 de la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 1994, relative aux emballages et aux déchets d’emballages (JO L 365, p. 10).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Visnapuu, agissant pour le compte de European Investment Group Oü (ci‑après «EIG»), au Kihlakunnansyyttäjä (procureur de district) au sujet de la vente à distance et de la livraison de boissons alcooliques à des consommateurs finlandais en violation de réglementations finlandaises relatives, notamment, au droit d’accise sur certains emballages de boissons et à la vente au détail de boissons alcooliques.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Selon l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 94/62, celle‑ci a pour objet d’harmoniser les mesures nationales concernant la gestion des emballages et des déchets d’emballages afin, d’une part, de prévenir et de réduire leur incidence sur l’environnement des États membres et des pays tiers et d’assurer ainsi un niveau élevé de protection de l’environnement et, d’autre part, de garantir le fonctionnement du marché intérieur et de prévenir l’apparition d’entraves aux échanges ainsi que de distorsions et de restrictions de concurrence dans l’Union européenne.

4

L’article 2, paragraphe 1, de ladite directive énonce que celle‑ci s’applique à tous les emballages mis sur le marché dans l’Union et à tous les déchets d’emballages, qu’ils soient utilisés ou mis au rebut par les industries, les commerces, les bureaux, les ateliers, les services, les ménages ou à tout autre niveau, quels que soient les matériaux dont ils sont constitués.

5

L’article 3, point 1, de la directive 94/62 définit la notion d’«emballage». Son premier alinéa précise notamment que, aux fins de cette directive, on entend par «emballage» tout produit constitué de matériaux de toute nature, destiné à contenir et à protéger des marchandises données, allant des matières premières aux produits finis, à permettre leur manutention et leur acheminement du producteur au consommateur ou à l’utilisateur et à assurer leur présentation.

6

L’article 7 de la directive 94/62, intitulé «Systèmes de reprise, de collecte et de valorisation», dispose:

«1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que soient instaurés des systèmes assurant:

a)

la reprise et/ou la collecte des emballages utilisés et/ou des déchets d’emballages provenant du consommateur, de tout autre utilisateur final ou du flux de déchets, en vue de les diriger vers les solutions de gestion des déchets les plus appropriées;

b)

la réutilisation ou la valorisation, y compris le recyclage, des emballages et/ou des déchets d’emballages collectés, afin d’atteindre les objectifs de la présente directive.

Ces systèmes sont ouverts à la participation des acteurs économiques des secteurs concernés et à la participation des autorités publiques compétentes. Ils s’appliquent également aux produits importés, de manière non discriminatoire, y compris en ce qui concerne les modalités prévues et les tarifs éventuellement imposés pour l’accès aux systèmes, et doivent être conçus de manière à éviter des entraves aux échanges ou des distorsions de concurrence, conformément au traité [FUE].

2.   Les mesures visées au paragraphe 1 s’inscrivent dans le cadre d’une politique couvrant l’ensemble des emballages et des déchets d’emballages et tiennent compte notamment des exigences en matière de protection de l’environnement et de la santé des consommateurs, de sécurité et d’hygiène, en matière de protection de la qualité, de l’authenticité et des caractéristiques techniques des produits emballés et des matériaux utilisés ainsi qu’en matière de protection des droits de propriété industrielle et commerciale.»

7

L’article 15 de la directive 94/62, intitulé «Instruments économiques», est libellé comme suit:

«Le Conseil, statuant sur la base des dispositions pertinentes du traité, adopte des instruments économiques afin de promouvoir la réalisation des objectifs définis par la présente directive. En l’absence de telles mesures, les États membres peuvent adopter, conformément aux principes régissant la politique de [l’Union] dans le domaine de l’environnement, entre autres le principe du ‘pollueur‑payeur’, et dans le respect des obligations découlant du traité, des mesures visant la réalisation des mêmes objectifs.»

Le droit finlandais

La loi relative au droit d’accise sur certains emballages de boissons

8

D’après l’article 5 de la loi no 1037/2004 relative au droit d’accise sur certains emballages de boissons (eräiden juomapakkausten valmisteverosta annettu laki, ci‑après la «loi relative au droit d’accise sur certains emballages de boissons»), ce droit s’élève à 51 cents d’euros par litre de produit emballé.

9

Aux termes de l’article 4 de ladite loi, l’assujettissement au droit d’accise sur certains emballages de boissons est régi, notamment, par la loi no 1469/1994 sur les droits d’accise (valmisteverotuslaki, ci‑après la «loi sur les droits d’accise»).

10

L’article 6 de la loi relative au droit d’accise sur certains emballages de boissons exonère notamment les emballages de boissons intégrés dans un système de reprise opérationnel. Par «système de reprise opérationnel», il faut entendre un système de consignation dans le cadre duquel l’emballeur ou l’importateur de boissons, agissant seul ou de la manière indiquée dans la loi no 1072/1993 sur les déchets (jätelaki, ci‑après la «loi sur les déchets») ou dans les dispositions correspondantes applicables dans la province d’Ahvenanmaa (Finlande), veille à la réutilisation ou au recyclage des emballages de boissons en faisant en sorte que l’emballage en question soit rempli à nouveau ou recyclé.

La loi sur les droits d’accise

11

Selon l’article 2, premier alinéa, de la loi sur les droits d’accise en vigueur à l’époque des faits, cette loi régissait, sauf disposition contraire, la perception des droits d’accise notamment sur l’alcool et les boissons alcooliques.

12

Il résulte de l’article 3, premier alinéa, de la loi sur les droits d’accise que les produits soumis à accise sont ceux mentionnés à l’article 2 de cette loi qui sont fabriqués en Finlande ou introduits en Finlande depuis un autre État membre ainsi que les produits importés depuis un État tiers.

13

L’article 10, premier alinéa, de la loi sur les droits d’accise énonce que, si aucun représentant fiscal n’a été désigné dans le cadre d’une vente à distance, le vendeur est tenu de payer les droits d’accise pour les produits reçus en Finlande. Lorsqu’un particulier a recours à un moyen autre que la vente à distance pour acquérir des produits dans un autre État membre et que ces produits sont transportés en Finlande par un autre particulier ou par un professionnel, les droits d’accise sont dus par le particulier, par celui qui participe au transport ou par celui qui détient les produits en Finlande. Le cinquième alinéa du même article prévoit que, dans les autres cas que ceux évoqués à cet article, le droit d’accise est dû par toute personne qui, à des fins commerciales ou autres, reçoit ou détient des produits soumis à accise et savait ou aurait raisonnablement dû savoir, à la date de leur réception ou de leur acquisition, que ces produits n’avaient pas été dûment imposés en Finlande.

14

L’article 7, point 6, de la loi sur les droits d’accise définit la vente à distance comme étant une vente dans le cadre de laquelle une personne autre qu’un entrepositaire agréé ou un opérateur enregistré ou non enregistré achète dans un autre État membre des produits soumis à accise, que le vendeur à distance ou une personne agissant en son nom envoie ou transporte directement depuis un autre État membre. Le point 6, sous a), de cet article définit le vendeur à distance comme un vendeur vendant des produits en Finlande conformément audit point 6.

15

L’article 9 de la loi sur les droits d’accise dispose notamment que, avant l’exportation de produits en Finlande depuis un autre État membre, tout opérateur économique non enregistré et tout redevable au sens de l’article 10, quatrième alinéa, de cette loi ainsi que tout vendeur à distance n’ayant pas de représentant fiscal en Finlande doivent déclarer les produits en cause auprès de l’administration douanière visée à l’article 25 de ladite loi et doivent constituer une garantie pour le paiement des droits d’accise qui frapperont les produits en question.

16

Selon l’article 18, premier alinéa, de la loi sur les droits d’accise, les produits soumis à accise dans un autre État membre, transportés par un particulier en Finlande à partir d’un autre État membre, sont exonérés de droits d’accise à condition qu’ils soient destinés à l’usage personnel de ce particulier.

La loi sur les déchets

17

À la date des faits pertinents, l’établissement d’un système de reprise opérationnel relatif aux emballages de boissons et l’affiliation audit système étaient régis par la loi sur les déchets. Selon l’article 18 g, premier alinéa, de cette loi, un producteur, par exemple un conditionneur ou un importateur, peut mettre en œuvre ses obligations en s’associant avec d’autres producteurs et opérateurs, en constituant une association ou une fondation dotée de la capacité juridique telle qu’un groupement de producteurs, en s’affiliant à une telle association ou en passant une convention avec elle.

18

L’article 18 g, deuxième alinéa, de la loi sur les déchets dispose que les obligations au sein d’un groupement de producteurs font l’objet d’une répartition équitable entre les producteurs et d’éventuels autres opérateurs, compte tenu de la nature et de l’ampleur des activités, et de manière à ne pas créer d’entrave aux échanges ou de distorsion de la concurrence. Le groupement de producteurs accepte comme associé, sociétaire ou cocontractant, dans les mêmes conditions que les producteurs qui sont déjà intégrés dans le groupement, tout nouveau producteur pour lequel, en raison de sa production insignifiante ou pour tout autre motif, il serait économiquement déraisonnable d’assurer seul la réutilisation, la valorisation et toute autre forme de gestion des déchets.

La loi sur l’alcool

19

L’article 1er de la loi no 1143/1994 sur l’alcool (alkoholilaki, ci‑après la «loi sur l’alcool») énonce que l’objectif de cette loi est de prévenir les effets négatifs des substances alcooliques sur la société, sur la vie sociale et sur la santé en contrôlant la consommation de l’alcool.

20

Selon l’article 8 de la loi sur l’alcool, il est permis d’importer sans autorisation particulière des boissons alcooliques destinées à la consommation personnelle ou à des fins commerciales ou professionnelles, le régime de l’importation à des fins de consommation personnelle étant précisé à l’article 10 de cette loi. L’article 8 de ladite loi précise encore que celui qui utilise des boissons alcooliques à des fins commerciales ou professionnelles a besoin, pour son activité, de l’autorisation spéciale pour importer des boissons alcooliques prévue par la présente loi.

21

En ce qui concerne l’importation de boissons alcooliques à des fins de consommation personnelle, laquelle n’est pas soumise à une exigence d’autorisation, la juridiction de renvoi souligne que, dans diverses lignes directrices et communications, les autorités finlandaises ont précisé que, lorsqu’un particulier commande de telles boissons à l’étranger, la propriété sur ces boissons doit lui avoir été incontestablement transférée avant que lesdites boissons ne soient importées. À cet égard, il est exigé que l’auteur de la commande transporte les boissons alcooliques lui‑même ou confie leur transport à un tiers autre que le vendeur.

22

L’article 13, premier alinéa, de la loi sur l’alcool dispose que, à l’exclusion des exceptions prévues à l’article 14, de cette loi, la société étatique de vente d’alcools, dénommée Alko Oy (ci‑après «Alko»), détient le monopole de la vente au détail de boissons alcooliques.

23

Selon l’article 13, deuxième alinéa, de la loi sur l’alcool, Alko a le droit d’effectuer la vente au détail des boissons alcooliques visées au premier alinéa de cette disposition uniquement dans un magasin de boissons alcooliques agréé par les autorités, adéquat par son emplacement et permettant d’organiser efficacement la surveillance.

24

Aux termes de l’article 13, troisième alinéa, de la loi sur l’alcool, nonobstant les dispositions du deuxième alinéa de cet article, Alko peut effectuer la vente au détail des boissons alcooliques en l’envoyant au client ou à l’acheteur conformément aux dispositions arrêtées par décret.

25

L’article 14 de la loi sur l’alcool établit toutefois deux dérogations au monopole de la vente au détail de boissons alcooliques détenu par Alko.

26

L’article 14, premier alinéa, de la loi sur l’alcool dispose que les boissons alcooliques obtenues par fermentation et contenant au maximum 4,7 % en volume d’alcool éthylique peuvent être vendues au détail non seulement par Alko, mais également par toute personne ayant obtenu une autorisation de vente au détail de l’autorité compétente.

27

Selon le deuxième alinéa dudit article 14, le commerce de détail de boissons alcooliques obtenues par fermentation et n’excédant pas 13 % en volume d’alcool éthylique peut être exercé par Alko, mais également par toute personne à laquelle l’autorité compétente a permis de fabriquer le produit en question, suivant des conditions fixées par le ministère des Affaires sociales et de la Santé.

28

Le troisième alinéa de ce même article prévoit qu’une autorisation de vente au détail de boissons alcooliques peut être accordée à toute personne dont il est considéré qu’elle remplit les conditions nécessaires et possède la fiabilité requise.

29

L’article 14, quatrième alinéa, de la loi sur l’alcool précise que la vente au détail visée aux premier et deuxième alinéas de cet article peut être effectuée uniquement dans un point de vente agréé par les autorités qui remplit les conditions relatives à l’emplacement et à l’espace de vente ainsi qu’au fonctionnement et où la vente est organisée de telle sorte qu’une surveillance efficace reste possible.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

30

EIG, dont le siège se trouve en Estonie et qui est contrôlée par M. Visnapuu, a géré un site Internet dénommé «www.alkotaxi.eu», au moyen duquel des résidents finlandais pouvaient acheter différentes marques de boissons alcooliques à faible ou à fort titre alcoométrique. Après paiement des achats, EIG assurait, pour une partie de ses clients, la livraison à domicile à partir de l’Estonie vers la Finlande.

31

EIG n’a pas fait de déclaration auprès de l’administration douanière finlandaise concernant l’importation des boissons alcooliques, de sorte qu’aucun droit d’accise n’a été imposé. EIG n’a pas désigné de représentant fiscal au sens de l’article 7, septième alinéa, de la loi sur les droits d’accise, lequel aurait eu la possibilité de payer auprès de l’administration douanière finlandaise les droits d’accise sur les produits expédiés en Finlande. EIG n’a pas non plus déclaré en douane les produits à expédier, ni fourni de garantie concernant le paiement des droits d’accise avant l’expédition des produits en Finlande. En outre, EIG a également omis de payer les droits d’accise sur certains emballages de boissons pour les unités de conditionnement. Enfin, en ce qui concerne la livraison à l’acheteur après l’importation des boissons alcooliques, EIG ne disposait d’aucune autorisation de vente en gros ou au détail au sens de l’article 8 de la loi sur l’alcool.

32

S’appuyant sur les poursuites diligentées par le procureur de district, le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance de Helsinki) a considéré comme étant établi le fait que les activités d’EIG entre le 24 juin et le 18 août 2009 ont conduit à la non‑imposition de droits d’accise à l’importation en Finlande portant sur 4507,30 litres de bière, 1499,40 litres de cidre, 238,70 litres de vin et 3450,30 litres de spiritueux. Ainsi, au total, 23144,89 euros ont été éludés au titre des droits d’accise sur les boissons alcooliques et 5233,52 euros au titre des droits d’accise sur certains emballages de boissons, pour un montant cumulé de 28378,40 euros.

33

Ledit tribunal a en outre considéré que M. Visnapuu avait transporté les volumes de boissons alcooliques indiqués ci‑dessus d’Estonie en Finlande et qu’il les avait vendus en Finlande. Pour ce motif, il a condamné M. Visnapuu à huit mois de prison avec sursis pour fraude fiscale grave et pour délit d’infraction à la loi sur l’alcool. M. Visnapuu a également été condamné à verser à l’État finlandais un montant de 28378,40 euros représentant les taxes non payées, auquel s’ajoutaient les intérêts ainsi qu’une compensation pour les frais de procédure.

34

Dans le cadre de son appel devant la juridiction de renvoi, M. Visnapuu a demandé, d’une part, l’annulation des poursuites pénales et de sa condamnation à verser des dommages‑intérêts ainsi que, d’autre part, le remboursement de ses frais de procédure, majorés des intérêts. À titre subsidiaire, il a demandé que la juridiction de renvoi saisisse la Cour d’une demande de décision à titre préjudiciel.

35

La juridiction de renvoi souligne que le déroulement des faits n’est pas contesté en appel. Des clients finlandais ont commandé sur le site Internet d’EIG des boissons alcooliques et M. Visnapuu, en qualité de représentant d’EIG, a livré ces boissons à une partie des clients en les important d’Estonie à destination de la Finlande, alors qu’il ne disposait pas de l’autorisation prévue à l’article 8, premier alinéa, de la loi sur l’alcool. EIG, qui n’a pas établi de système de recyclage ou de réutilisation des emballages de boissons et qui ne s’est pas affiliée à un tel système, n’a pas effectué de déclaration auprès de l’administration douanière lorsque lesdites boissons alcooliques sont arrivées à destination, de sorte qu’aucun droit d’accise n’a été imposé. Dans le cadre de la procédure d’appel, il n’est pas non plus contesté que M. Visnapuu a importé les volumes de boissons alcooliques constatés par le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance de Helsinki) et qu’il a éludé les impositions mentionnées dans le jugement rendu par celui‑ci.

36

La juridiction de renvoi considère que l’application de la législation nationale dans l’affaire au principal soulève plusieurs questions au regard du droit de l’Union qui peuvent être distinguées selon qu’elles concernent, d’une part, la réglementation relative au droit d’accise sur certains emballages de boissons ou, d’autre part, l’exigence d’autorisation de vente au détail pour l’importation de boissons alcooliques en vue de leur vente au détail en Finlande.

37

Dans ces conditions, le Helsingin hovioikeus (cour d’appel d’Helsinki) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

La licéité de la réglementation finlandaise relative au droit d’accise sur certains emballages de boissons, selon laquelle ce droit est perçu lorsque l’emballage n’est pas intégré dans un système de reprise, doit‑elle être mesurée [au regard] de l’article 110 TFUE au lieu de l’article 34 TFUE? Le système de reprise doit être un système de consignation, dans le cadre duquel l’emballeur ou l’importateur de boissons – agissant seul ou de la façon indiquée dans la loi finlandaise sur les déchets ou dans les dispositions correspondantes applicables dans la province d’Ahvenanmaa [Finlande] – veille à la réutilisation ou au recyclage des emballages de boissons en faisant en sorte que l’emballage soit rempli à nouveau ou utilisé comme matière première.

2)

En cas de réponse affirmative à la première question, la réglementation précitée est‑elle conforme à l’article 1er, paragraphe 1, à l’article 7 et à l’article 15 de la directive 94/62, compte tenu également de l’article 110 TFUE?

3)

En cas de réponse négative à la première question, la réglementation précitée est‑elle conforme à l’article 1er, paragraphe 1, à l’article 7 et à l’article 15 de la directive 94/62, compte tenu également de l’article 34 TFUE?

4)

En cas de réponse négative à la troisième question, la réglementation [précitée] doit‑elle être considérée comme licite au titre de l’article 36 TFUE?

5)

Dans une situation où un acheteur finlandais a fait l’acquisition, par Internet ou par d’autres moyens de vente à distance, de boissons alcooliques auprès d’un vendeur opérant dans un autre État membre et qui assure la livraison en Finlande, l’exigence imposée à toute personne qui utilise des boissons alcooliques à des fins commerciales ou pour d’autres activités économiques de disposer dans son activité d’une autorisation spéciale de vente au détail pour ce qui concerne l’importation de boissons alcooliques peut‑elle être considérée comme relative à l’existence ou au fonctionnement d’un monopole, de sorte que l’article 34 TFUE ne s’y oppose pas et qu’elle doit au contraire être évaluée à la lumière de l’article 37 TFUE?

6)

En cas de réponse affirmative à la cinquième question, l’exigence d’autorisation est‑elle compatible avec les dispositions relatives aux monopoles nationaux présentant un caractère commercial de l’article 37 TFUE?

7)

En cas de réponse négative à la cinquième question et s’il faut appliquer en l’espèce l’article 34 TFUE, faut‑il considérer comme restriction quantitative ou mesure d’effet équivalent contraire à cet article la réglementation finlandaise selon laquelle, si des boissons alcooliques sont commandées à l’étranger par Internet ou par d’autres moyens de vente à distance, leur importation pour la consommation personnelle n’est autorisée que si l’auteur de la commande lui‑même ou un tiers différent du vendeur les a transportés dans le pays, tandis que les autres cas d’importation sont subordonnés à l’existence d’une autorisation au titre de la loi sur l’alcool?

8)

En cas de réponse affirmative à la question précédente, la réglementation en question peut‑elle être considérée comme justifiée et proportionnée au regard de la protection de la santé et de la vie des personnes?»

Sur les questions préjudicielles

38

Il convient d’examiner séparément les première à quatrième questions, qui concernent la réglementation relative au droit d’accise sur certains emballages de boissons, et les cinquième à huitième questions, lesquelles portent sur l’exigence d’autorisation de vente au détail pour l’importation de boissons alcooliques en vue de leur vente au détail en Finlande.

Sur les première à quatrième questions

39

Par ses première à quatrième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 34 TFUE et 110 TFUE ainsi que les articles 1er, paragraphe 1, 7 et 15 de la directive 94/62 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, qui instaure un droit d’accise sur certains emballages de boissons, mais prévoit une exonération en cas d’intégration de ces emballages dans un système de reprise opérationnel.

Sur l’applicabilité des dispositions du traité

40

Étant donné que les première à quatrième questions posées visent tant des dispositions de la directive 94/62 que des dispositions du traité, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, toute mesure nationale dans un domaine qui a fait l’objet d’une harmonisation exhaustive à l’échelle de l’Union doit être appréciée au regard des dispositions de cette mesure d’harmonisation, et non pas de celles du droit primaire (arrêt UNIC et Uni.co.pel, C‑95/14, EU:C:2015:492, point 33 et jurisprudence citée).

41

Par conséquent, il est nécessaire de déterminer à titre liminaire si l’harmonisation opérée par les articles 1er, paragraphe 1, 7 et 15 de la directive 94/62 revêt un tel caractère exhaustif.

42

À cette fin, il revient à la Cour d’interpréter ces dispositions en tenant compte non seulement des termes de celles‑ci, mais également de leur contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie (arrêt UNIC et Uni.co.pel, C‑95/14, EU:C:2015:492, point 35 et jurisprudence citée).

43

Selon son article 1er, paragraphe 1, la directive 94/62 a pour objet d’harmoniser les mesures nationales concernant la gestion des emballages et des déchets d’emballages afin, d’une part, de prévenir et de réduire leur incidence sur l’environnement des États membres et des pays tiers et d’assurer ainsi un niveau élevé de protection de l’environnement et, d’autre part, de garantir le fonctionnement du marché intérieur et de prévenir l’apparition d’entraves aux échanges et de distorsions et restrictions de concurrence dans l’Union.

44

La Cour a déjà eu l’opportunité de juger que l’article 5 de la directive 94/62 ne procède pas à une harmonisation exhaustive des systèmes nationaux destinés à favoriser la réutilisation des emballages (voir, en ce sens, arrêts Radlberger Getränkegesellschaft et S. Spitz, C‑309/02, EU:C:2004:799, point 56, ainsi que Commission/Allemagne, C‑463/01, EU:C:2004:797, point 44). À cet égard, la Cour a notamment relevé que ledit article 5 ne permet aux États membres de favoriser des systèmes de réutilisation des emballages que «conformément au traité» (voir arrêts Radlberger Getränkegesellschaft et S. Spitz, C‑309/02, EU:C:2004:799, point 58, ainsi que Commission/Allemagne, C‑463/01, EU:C:2004:797, point 46).

45

De la même façon, l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 94/62 dispose que les systèmes de reprise et/ou de collecte ainsi que les systèmes de réutilisation ou de valorisation s’appliquent également aux produits importés, de manière non discriminatoire, y compris en ce qui concerne les modalités prévues et les tarifs éventuellement imposés pour l’accès aux systèmes, et doivent être conçus de manière à éviter des entraves aux échanges ou des distorsions de concurrence, «conformément au traité».

46

Partant, et à l’instar de l’article 5 de la directive 94/62, l’article 7 de celle‑ci ne procède pas à une harmonisation exhaustive, mais renvoie aux dispositions pertinentes du traité.

47

En ce qui concerne l’article 15 de la directive 94/62, celui‑ci ne procède pas à une harmonisation, mais habilite le Conseil à adopter des instruments économiques afin de promouvoir la réalisation des objectifs définis par cette directive ou, à défaut, les États membres agissant «dans le respect des obligations découlant du traité». Ainsi, cette disposition exige également l’application des dispositions pertinentes du traité.

48

Il résulte de ce qui précède que l’harmonisation opérée par les articles 1er, paragraphe 1, 7 et 15 de la directive 94/62 ne revêt pas un caractère exhaustif, comme l’a souligné M. l’avocat général au point 75 de ses conclusions. Par conséquent, les mesures nationales mettant en œuvre ces articles doivent être appréciées au regard non seulement des dispositions de cette directive, mais également des dispositions pertinentes du droit primaire.

Sur l’applicabilité de l’article 34 TFUE ou de l’article 110 TFUE

49

Dès lors que les mesures nationales mettant en œuvre les articles 1er, paragraphe 1, 7 et 15 de la directive 94/62 doivent être appréciées au regard des dispositions pertinentes du droit primaire, il y a lieu de déterminer si une réglementation qui instaure un droit d’accise sur certains emballages de boissons telle que celle en cause dans l’affaire au principal doit être appréciée au regard de l’article 34 TFUE et/ou de l’article 110 TFUE. M. Visnapuu, le gouvernement finlandais et la Commission européenne estiment que cette réglementation doit être appréciée au regard de l’article 110 TFUE.

50

La Cour a itérativement jugé que les champs d’application des articles 34 TFUE et 110 TFUE sont mutuellement exclusifs. Il ressort, en effet, d’une jurisprudence constante que le champ d’application de l’article 34 TFUE ne comprend pas les entraves visées par d’autres dispositions spécifiques et que les entraves de nature fiscale visées à l’article 110 TFUE ne relèvent pas de l’interdiction prévue à l’article 34 TFUE (voir, notamment, arrêt Tatu, C‑402/09, EU:C:2011:219, point 33).

51

Une charge pécuniaire constitue une imposition intérieure au sens de l’article 110 TFUE si elle relève d’un régime général de redevances intérieures appréhendant systématiquement des catégories de produits selon des critères objectifs appliqués indépendamment de l’origine ou de la destination des produits (voir, notamment, arrêts Koornstra, C‑517/04, EU:C:2006:375, point 16, ainsi que Stadtgemeinde Frohnleiten et Gemeindebetriebe Frohnleiten, C‑221/06, EU:C:2007:657, point 31).

52

En l’espèce, il ressort des points 8 à 10 du présent arrêt que la réglementation en cause dans l’affaire au principal établit un droit d’accise sur certains emballages de boissons s’élevant à 51 cents d’euros par litre de produit emballé, mais que sont exonérés de ce droit d’accise les emballages de boissons intégrés dans un système de reprise opérationnel.

53

À la lumière de ces caractéristiques, il convient de constater, d’une part, que le droit d’accise en cause dans l’affaire au principal est une charge pécuniaire relevant d’un régime général de redevances intérieures appréhendant systématiquement une catégorie de produits, à savoir les emballages de boissons. À cet égard, la Cour a déjà eu l’opportunité de juger que des déchets destinés à être éliminés doivent être considérés comme des produits au sens de l’article 110 TFUE (arrêt Stadtgemeinde Frohnleiten et Gemeindebetriebe Frohnleiten, C‑221/06, EU:C:2007:657, points 36 à 38). Partant, un droit d’accise sur certains emballages de boissons doit être considéré comme frappant des produits au sens de cette disposition.

54

D’autre part, il ressort de la décision de renvoi que ce droit d’accise frappe les emballages de boissons selon des critères objectifs appliqués indépendamment de leur origine ou de leur destination. En effet, ce droit d’accise frappe tant les emballages de boissons d’origine nationale que les emballages de boissons importés, lorsque ces emballages n’ont pas été intégrés dans un système de reprise opérationnel.

55

Il résulte de ce qui précède qu’un droit d’accise sur certains emballages de boissons tel que celui en cause dans l’affaire au principal constitue une imposition intérieure au sens de l’article 110 TFUE. En application de la jurisprudence rappelée au point 50 du présent arrêt, un tel droit d’accise doit être apprécié au regard de l’article 110 TFUE, à l’exclusion de l’article 34 TFUE.

Sur l’interprétation de l’article 110 TFUE

56

Le gouvernement finlandais et la Commission estiment que la réglementation instaurant un droit d’accise sur certains emballages de boissons en cause dans l’affaire au principal est conforme à l’article 110 TFUE. À l’inverse, M. Visnapuu fait valoir que cette réglementation est discriminatoire et contraire à l’article 110 TFUE, dès lors qu’un vendeur opérant à partir d’un autre État membre ne peut, en pratique, s’affilier à un système de reprise opérationnel.

57

Selon l’article 110, premier alinéa, TFUE, aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d’impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires. Selon le second alinéa de cette disposition, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d’impositions intérieures de nature à protéger indirectement d’autres productions.

58

Dans l’affaire au principal, il ne ressort d’aucun élément du dossier soumis à la Cour que la loi relative au droit d’accise sur certains emballages de boissons, en cause dans l’affaire au principal, serait de nature à protéger indirectement des productions nationales autres que les emballages de boissons, au sens de l’article 110, second alinéa, TFUE. Partant, il y a lieu de limiter l’appréciation de la Cour au premier alinéa de cet article et d’examiner si l’imposition qui frappe les emballages de boissons importés au titre de ce droit d’accise est supérieure à celle qui frappe les emballages de boissons d’origine nationale.

59

Selon une jurisprudence bien établie, il y a violation de l’article 110, premier alinéa, TFUE lorsque l’imposition frappant le produit importé et celle frappant le produit national similaire sont calculées de façon différente et suivant des modalités différentes aboutissant, ne fût‑ce que dans certains cas, à une imposition supérieure du produit importé. Ainsi, en application de ladite disposition, un droit d’accise ne doit pas frapper les produits originaires d’autres États membres plus lourdement que les produits nationaux similaires (arrêt Brzeziński, C‑313/05, EU:C:2007:33, point 29 et jurisprudence citée).

60

Dans l’affaire au principal, le gouvernement finlandais et la Commission relèvent à juste titre que les modalités d’imposition du droit d’accise sur certains emballages de boissons, à savoir le montant, l’assiette et les conditions d’exonération, sont libellées de manière identique pour les emballages de boissons originaires d’autres États membres et pour les produits nationaux similaires. Partant, et comme l’a souligné M. l’avocat général aux points 79 et 80 de ses conclusions, aucune discrimination directe frappant les emballages de boissons originaires d’autres États membres, au sens de l’article 110, premier alinéa, TFUE, ne saurait être constatée en l’espèce.

61

M. Visnapuu fait cependant valoir que les conditions définies pour pouvoir bénéficier de l’exonération en raison de l’intégration des emballages de boissons dans un système de reprise opérationnel sont indirectement discriminatoires, dans la mesure où un vendeur à distance pratiquant le commerce en ligne depuis un autre État membre ne peut jamais en bénéficier.

62

À l’appui de cet argument, M. Visnapuu affirme que l’affiliation à un système de reprise opérationnel représente un coût prohibitif pour un vendeur à distance pratiquant le commerce en ligne depuis un autre État membre, en raison notamment de l’obligation de faire figurer certaines mentions sur les emballages de boissons et de l’obligation de constituer une garantie et d’acquitter un droit d’affiliation. M. Visnapuu ajoute que la création d’un système propre de reprise opérationnel n’est pas une option économiquement viable pour une petite entreprise de commerce en ligne, en raison des coûts fixes d’exploitation d’un tel système.

63

À cet égard, il y a lieu de relever que les difficultés alléguées par M. Visnapuu, même si elles étaient avérées, n’attesteraient pas d’une différence de traitement entre les emballages de boissons originaires d’autres États membres et les produits nationaux similaires, au sens de l’article 110, premier alinéa, TFUE. En effet, il ne saurait être déduit de telles difficultés, rencontrées par un petit opérateur pratiquant la vente à distance pour s’affilier à un système de reprise opérationnel ou pour créer un tel système, que les emballages de boissons originaires d’autres États membres sont moins susceptibles de bénéficier de l’exonération prévue en cas d’intégration à un tel système et, partant, sont sujets à une imposition plus lourde que les produits nationaux similaires.

64

Par ailleurs, comme l’a fait valoir le gouvernement finlandais lors de l’audience et ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 89 à 91 de ses conclusions, de telles difficultés sont identiques pour les petits opérateurs établis en Finlande et ceux établis dans un autre État membre.

65

Il résulte de ce qui précède que l’article 110 TFUE ne s’oppose pas à une réglementation nationale instaurant un droit d’accise sur certains emballages de boissons telle que celle en cause dans l’affaire au principal.

Sur l’interprétation des articles 1er, paragraphe 1, 7 et 15 de la directive 94/62

66

La juridiction de renvoi demande également à la Cour si les articles 1er, paragraphe 1, 7 et 15 de la directive 94/62 s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, instaurant un droit d’accise sur certains emballages de boissons. Le gouvernement finlandais et la Commission font valoir que cette réglementation est conforme aux dispositions de la directive 94/62.

67

À titre liminaire, il importe de relever que les emballages de boissons constituent des «emballages» au sens de l’article 3, point 1, de la directive 94/62, et tombent dès lors dans le champ d’application de cette directive en application de l’article 2, paragraphe 1, de celle‑ci.

68

Toutefois, la Cour constate qu’aucune des dispositions des articles 1er, paragraphe 1, 7 et 15 de la directive 94/62 ne s’oppose à une réglementation, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, instaurant un droit d’accise sur certains emballages de boissons.

69

En ce qui concerne plus particulièrement l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 94/62, cette disposition exige que les systèmes de reprise, de collecte, de réutilisation ou de valorisation des emballages utilisés et/ou des déchets d’emballages s’appliquent aux produits importés de manière non discriminatoire et soient conçus de manière à éviter des entraves aux échanges ou des distorsions de concurrence, conformément au traité.

70

Néanmoins, il convient de relever que cette obligation concerne le fonctionnement de tels systèmes et non celui d’un régime de droit d’accise sur certains emballages de boissons tel que celui en cause dans l’affaire au principal, dont il a été constaté en outre, au point 63 du présent arrêt, qu’il n’implique aucune discrimination contre les emballages de boissons originaires d’autres États membres.

71

Par ailleurs, le gouvernement finlandais a fait valoir à cet égard que, selon l’article 18 g, deuxième alinéa, de la loi sur les déchets, les obligations au sein d’un groupement de producteurs font l’objet d’une répartition équitable entre les producteurs et d’éventuels autres opérateurs, compte tenu de la nature et de l’ampleur des activités, et de manière à ne pas créer d’entrave aux échanges ou de distorsion de la concurrence. Cette disposition oblige également un groupement de producteurs à accepter comme associé, sociétaire ou cocontractant, dans les mêmes conditions que les producteurs qui sont déjà intégrés dans le groupement, tout nouveau producteur pour lequel, en raison de sa production insignifiante ou pour tout autre motif, il serait économiquement déraisonnable d’assurer seul la réutilisation, la valorisation et toute autre forme de gestion des déchets.

72

En ce qui concerne l’article 15 de la directive 94/62, celui‑ci permet au Conseil d’adopter des «instruments économiques afin de promouvoir la réalisation des objectifs définis par la présente directive». En l’absence de mesures adoptées par le Conseil, cette disposition autorise les États membres à adopter «conformément aux principes régissant la politique de [l’Union] dans le domaine de l’environnement, entre autres le principe du ‘pollueur‑payeur’, et dans le respect des obligations découlant du traité, des mesures visant la réalisation des mêmes objectifs».

73

Une réglementation instaurant un droit d’accise sur certains emballages de boissons, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, peut être qualifiée de mesure adoptée par un État membre et visant la réalisation des objectifs définis par la directive 94/62, au sens de l’article 15 de celle‑ci. En effet, comme l’a affirmé le gouvernement finlandais, cette réglementation incite les opérateurs à adhérer à un système de reprise des emballages de boissons ou à créer leur propre système de reprise, en vue d’échapper au paiement de ce droit d’accise.

74

En application de l’article 15 de la directive 94/62, une telle mesure doit être adoptée conformément aux principes régissant la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement, entre autres le principe du «pollueur‑payeur», et dans le respect des obligations découlant du traité. Or, c’est à juste titre que le gouvernement finlandais a précisé, lors de l’audience, que la réglementation en cause au principal met en œuvre le principe du pollueur‑payeur, étant donné que le droit d’accise doit être acquitté par les opérateurs qui n’adhèrent pas à un système de reprise des emballages de boissons. En outre, il a déjà été constaté qu’une telle réglementation est conforme aux obligations découlant de l’article 110 TFUE.

75

Il résulte de ce qui précède que les articles 1er, paragraphe 1, 7 et 15 de la directive 94/62 ne s’opposent pas à une réglementation instaurant un droit d’accise sur certains emballages de boissons telle que celle en cause dans l’affaire au principal.

76

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première à quatrième questions que l’article 110 TFUE ainsi que les articles 1er, paragraphe 1, 7 et 15 de la directive 94/62 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, qui instaure un droit d’accise sur certains emballages de boissons, mais prévoit une exonération en cas d’intégration de ces emballages dans un système de reprise opérationnel.

Sur les cinquième à huitième questions

77

Par ses cinquième à huitième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 34 TFUE, 36 TFUE et 37 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, en vertu de laquelle un vendeur établi dans un autre État membre est soumis à une exigence d’autorisation de vente au détail pour l’importation de boissons alcooliques en vue de leur vente au détail à des consommateurs résidant dans le premier État membre, lorsque ce vendeur assure le transport de ces boissons ou confie leur transport à un tiers.

Sur l’applicabilité de l’article 34 TFUE ou de l’article 37 TFUE

78

À titre liminaire, il y a lieu de déterminer si l’exigence d’autorisation en cause dans l’affaire au principal doit être appréciée au regard de l’article 34 TFUE ou de l’article 37 TFUE.

79

À cette fin, il importe de résumer le contexte réglementaire et factuel de l’affaire au principal.

80

L’article 13 de la loi sur l’alcool instaure un monopole à caractère commercial auquel a été conféré un droit d’exclusivité pour la vente au détail en Finlande de boissons alcooliques. Ce monopole a été confié à Alko.

81

L’article 14 de la loi sur l’alcool établit néanmoins deux dérogations au monopole confié à Alko. Aux termes du premier alinéa de cet article, les boissons alcooliques obtenues par fermentation et contenant au maximum 4,7 % en volume d’alcool éthylique peuvent être vendues au détail non seulement par Alko, mais également par toute personne ayant obtenu une autorisation de vente au détail de l’autorité compétente. Selon le deuxième alinéa dudit article, le commerce de détail de boissons alcooliques obtenues par fermentation et n’excédant pas 13 % en volume d’alcool éthylique peut être exercé, par Alko, mais également par toute personne à laquelle l’autorité compétente a permis de fabriquer le produit en question, suivant des conditions fixées par le ministère des Affaires sociales et de la Santé.

82

En vertu de l’article 8 de la loi sur l’alcool, toute personne qui utilise des boissons alcooliques à des fins commerciales ou professionnelles a besoin de l’autorisation spéciale prévue par cette loi pour l’importation de boissons alcooliques aux fins de l’activité en question. Selon les observations du gouvernement finlandais, l’autorisation spéciale visée à l’article 8 de la loi sur l’alcool peut notamment consister en une autorisation de vente au détail visée à l’article 14, premier alinéa, de cette loi.

83

En ce qui concerne l’affaire au principal, il n’est pas contesté que ni EIG ni M. Visnapuu ne disposaient de l’autorisation de vente au détail requise en vertu des articles 8 et 14 de la loi sur l’alcool pour importer des boissons alcooliques en vue de leur vente au détail à des consommateurs résidant en Finlande.

84

C’est à la lumière de ce contexte qu’il y a lieu de déterminer si l’exigence d’autorisation de vente au détail pour l’importation de boissons alcooliques en vue de leur vente au détail à des consommateurs résidant en Finlande, en cause dans l’affaire au principal, doit être appréciée au regard de l’article 34 TFUE ou de l’article 37 TFUE.

85

Selon les gouvernements finlandais et norvégien, le régime de monopole instauré à l’article 13 de la loi sur l’alcool doit être apprécié au regard de l’article 37 TFUE, tandis que les régimes d’autorisation prévus à l’article 14 de cette loi doivent être appréciés au regard de l’article 34 TFUE. Le gouvernement suédois et la Commission estiment que l’exigence d’autorisation de vente au détail en cause dans l’affaire au principal doit être appréciée au regard de l’article 37 TFUE, tandis que M. Visnapuu estime qu’elle doit l’être au regard de l’article 34 TFUE.

86

Selon une jurisprudence constante, il y a lieu d’examiner les règles relatives à l’existence et au fonctionnement d’un monopole au regard des dispositions de l’article 37 TFUE, spécifiquement applicables à l’exercice, par un monopole national de nature commerciale, de ses droits d’exclusivité (arrêts Rosengren e.a., C‑170/04, EU:C:2007:313, point 17 et jurisprudence citée, ainsi que ANETT, C‑456/10, EU:C:2012:241, point 22 et jurisprudence citée).

87

En revanche, l’incidence, sur les échanges au sein de l’Union, des autres dispositions de la législation nationale, qui sont détachables du fonctionnement du monopole bien qu’elles aient une incidence sur ce dernier, doit être examinée au regard de l’article 34 TFUE (arrêts Rosengren e.a., C‑170/04, EU:C:2007:313, point 18 et jurisprudence citée, ainsi que ANETT, C‑456/10, EU:C:2012:241, point 23 et jurisprudence citée).

88

Il est nécessaire, en application de cette jurisprudence, de vérifier si l’exigence d’autorisation de vente au détail pour l’importation de boissons alcooliques en vue de leur vente au détail à des consommateurs résidant en Finlande, qui fait l’objet des cinquième à huitième questions posées, constitue une règle relative à l’existence et au fonctionnement du monopole ou une règle détachable du fonctionnement du monopole.

89

La fonction spécifique assignée au monopole par l’article 13 de la loi sur l’alcool consiste à lui réserver l’exclusivité de la vente au détail en Finlande de boissons alcooliques. Est toutefois exclue des droits d’exclusivité d’Alko la vente au détail des deux catégories de boissons alcooliques visées par les dérogations établies à l’article 14 de la loi sur l’alcool, vente qui peut être pratiquée par toute personne dûment autorisée.

90

Il résulte de ce qui précède que le régime de monopole institué à l’article 13 de la loi sur l’alcool doit être examiné au regard de l’article 37 TFUE, dans la mesure où il édicte les règles relatives à l’existence et au fonctionnement d’un monopole national de nature commerciale.

91

En revanche, les deux régimes d’autorisation institués à l’article 14 de la loi sur l’alcool ne régissent pas le fonctionnement du monopole octroyé à Alko ou l’exercice de ses droits d’exclusivité au sens de la jurisprudence précitée, dès lors qu’ils prévoient le droit pour d’autres personnes qu’Alko, dûment autorisées, de vendre au détail certaines catégories de boissons alcooliques. Par conséquent, ces deux régimes d’autorisation sont détachables du fonctionnement du monopole confié à Alko et doivent être examinés au regard de l’article 34 TFUE, comme l’ont soutenu à juste titre les gouvernements finlandais et norvégien.

92

Or, les cinquième à huitième questions posées par la juridiction de renvoi visent expressément une exigence d’autorisation de vente au détail imposée, dans l’affaire en cause au principal, à M. Visnapuu. Une telle exigence d’autorisation relève nécessairement de l’article 14 de la loi sur l’alcool et, partant, doit être examinée au regard de l’article 34 TFUE et non au regard de l’article 37 TFUE.

93

Toutefois, sur la base des constats factuels réalisés dans la décision de renvoi et résumés au point 32 du présent arrêt, il apparaît que certaines des boissons alcooliques importées par M. Visnapuu, notamment des spiritueux, n’étaient pas visées par les deux régimes d’autorisation établis à l’article 14 de cette loi et, partant, relevaient du seul monopole de vente au détail confié à Alko en vertu de l’article 13 de cette loi.

94

À cet égard, il convient donc de rappeler que, sans exiger l’abolition totale des monopoles nationaux présentant un caractère commercial, l’article 37 TFUE prescrit leur aménagement de façon que soit assurée, dans les conditions d’approvisionnement et de débouchés, l’exclusion de toute discrimination entre les ressortissants des États membres (arrêts Franzén, C‑189/95, EU:C:1997:504, point 38 et jurisprudence citée, ainsi que Hanner, C‑438/02, EU:C:2005:332, point 34 et jurisprudence citée).

95

Ainsi, l’article 37 TFUE exige que l’organisation et le fonctionnement du monopole soient aménagés de manière à exclure toute discrimination entre les ressortissants des États membres dans les conditions d’approvisionnement et de débouchés, de sorte que le commerce de marchandises en provenance des autres États membres ne soit désavantagé, ni en droit ni en fait, par rapport à celui des marchandises nationales et que la concurrence entre les économies des États membres ne soit pas faussée (arrêt Franzén, C‑189/95, EU:C:1997:504, point 40).

96

Le dossier soumis à la Cour ne comportant pas d’informations suffisantes à cet égard, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si le monopole de la vente au détail de boissons alcooliques confié à Alko en vertu de l’article 13 de la loi sur l’alcool satisfait aux conditions rappelées ci‑dessus.

Sur l’existence d’une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation au sens de l’article 34 TFUE

97

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d’examiner si une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, en vertu de laquelle un vendeur établi dans un autre État membre est soumis à une exigence d’autorisation de vente au détail pour l’importation de boissons alcooliques en vue de leur vente au détail à des consommateurs résidant dans le premier État membre, lorsque ce vendeur assure le transport de ces boissons ou confie leur transport à un tiers, constitue une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation au sens de l’article 34 TFUE.

98

Selon une jurisprudence constante, l’interdiction des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives, édictée à l’article 34 TFUE, vise toute réglementation des États membres susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce entre les États membres (voir, notamment, arrêts Dassonville, 8/74, EU:C:1974:82, point 5, ainsi que Rosengren e.a., C‑170/04, EU:C:2007:313, point 32).

99

Au regard de cette jurisprudence, il faut constater qu’une exigence d’autorisation de vente au détail pour l’importation de boissons alcooliques, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, empêche les opérateurs établis dans d’autres États membres d’importer librement des boissons alcooliques en Finlande en vue de leur vente au détail.

100

En particulier, les dispositions pertinentes de la réglementation nationale imposent plusieurs conditions pour obtenir l’autorisation de vente au détail en cause dans l’affaire au principal. D’une part, l’article 14, troisième alinéa, de la loi sur l’alcool dispose qu’une autorisation de vente au détail de boissons alcooliques peut être accordée à toute personne dont il est considéré qu’elle remplit les conditions nécessaires et possède la fiabilité requise.

101

D’autre part, l’article 14, quatrième alinéa, de la loi sur l’alcool précise que la vente au détail visée aux premier et deuxième alinéas de cet article peut être effectuée uniquement dans un point de vente agréé par les autorités qui remplit les conditions relatives à l’emplacement et à l’espace de vente ainsi qu’au fonctionnement et où la vente est organisée de telle sorte qu’une surveillance efficace reste possible.

102

Dans ces conditions, l’exigence d’autorisation de vente au détail pour l’importation de boissons alcooliques en vue de leur vente au détail à des consommateurs finlandais, en cause dans l’affaire au principal, est susceptible d’entraver le commerce entre les États membres au sens de la jurisprudence précitée, en ce qu’elle empêche les opérateurs établis dans d’autres États membres d’importer librement des boissons alcooliques en Finlande en vue de leur vente au détail.

103

Certes, la Cour a jugé que des dispositions nationales limitant ou interdisant certaines modalités de vente qui, d’une part, s’appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national et, d’autre part, affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d’autres États membres ne sont pas de nature à entraver le commerce entre les États membres au sens de la jurisprudence inaugurée par l’arrêt Dassonville (8/74, EU:C:1974:82) (voir, notamment, arrêts Keck et Mithouard, C‑267/91 et C‑268/91, EU:C:1993:905, point 16, ainsi que Ahokainen et Leppik, C‑434/04, EU:C:2006:609, point 19).

104

Cependant, l’exigence d’autorisation de vente au détail en cause dans l’affaire au principal ne remplit pas la première condition établie par la Cour dans l’arrêt Keck et Mithouard (C‑267/91 et C‑268/91, EU:C:1993:905, point 16), selon laquelle les dispositions nationales en cause doivent s’appliquer à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national.

105

En ce qui concerne, d’une part, l’exigence d’autorisation de vente au détail visée à l’article 14, premier alinéa, de la loi sur l’alcool, la Cour constate que celle‑ci ne s’applique pas à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national. En effet, Alko détient le droit de vendre au détail tous types de boissons alcooliques, en ce compris celles visées à l’article 14 de la loi sur l’alcool, en vertu d’une disposition législative, à savoir l’article 13 de la loi sur l’alcool. Ainsi, Alko n’est pas tenue d’obtenir une autorisation de vente au détail auprès des autorités compétentes à des conditions analogues à celles établies à l’article 14, troisième alinéa, de la loi sur l’alcool.

106

D’autre part, l’autorisation de vente au détail visée à l’article 14, deuxième alinéa, de la loi sur l’alcool n’est ouverte qu’aux fabricants de boissons alcooliques établis en Finlande, à l’exclusion des fabricants établis dans d’autres États membres.

107

Par conséquent, l’exigence d’autorisation de vente au détail pour l’importation de boissons alcooliques en vue de leur vente au détail à des consommateurs finlandais, en cause dans l’affaire au principal, ne satisfait pas à la première condition établie dans l’arrêt Keck et Mithouard (C‑267/91 et C‑268/91, EU:C:1993:905, point 16), de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’examiner si cette exigence affecte, de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d’autres États membres.

108

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de juger qu’une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, en vertu de laquelle un vendeur établi dans un autre État membre est soumis à une exigence d’autorisation de vente au détail pour l’importation de boissons alcooliques en vue de leur vente au détail à des consommateurs résidant dans le premier État membre, lorsque ce vendeur assure le transport de ces boissons ou confie leur transport à un tiers, constitue une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation au sens de l’article 34 TFUE.

Sur l’existence d’une justification au sens de l’article 36 TFUE

109

Selon l’article 36 TFUE, les dispositions des articles 34 TFUE et 35 TFUE ne font pas obstacle aux interdictions ou aux restrictions d’importation, d’exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale. Toutefois, ces interdictions ou ces restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres.

110

Il ressort d’une jurisprudence constante qu’une entrave à la libre circulation des marchandises peut être justifiée par des raisons d’intérêt général énumérées à l’article 36 TFUE ou par des exigences impératives. Dans l’un ou l’autre cas, la mesure nationale doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au‑delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint (voir, notamment, arrêt Ker‑OptikaC‑108/09, EU:C:2010:725, point 57 et jurisprudence citée).

111

Les gouvernements finlandais, suédois et norvégien, contrairement à M. Visnapuu, considèrent qu’une exigence d’autorisation de vente au détail imposée à un vendeur établi dans un autre État membre pour l’importation de boissons alcooliques en vue de leur vente au détail à des consommateurs résidant sur le territoire national, lorsque ce vendeur assure le transport de ces boissons ou confie leur transport à un tiers, est justifiée par l’objectif de protection de la santé et de la vie des personnes énuméré à l’article 36 TFUE. Le gouvernement finlandais fait valoir notamment que l’objectif de la loi sur l’alcool, tel qu’il résulte de l’article 1er de celle‑ci, est d’orienter la consommation d’alcool de manière à prévenir les effets préjudiciables causés à la santé des personnes et à la société par les substances alcooliques, par l’instauration d’un régime de monopole et d’autorisation au stade de la vente au détail.

112

S’agissant plus particulièrement de l’article 14 de la loi sur l’alcool, il résulte de cette disposition qu’une autorisation de vente au détail ne peut être délivrée qu’à une personne remplissant les conditions nécessaires et possédant la fiabilité requise, en application du troisième alinéa de cet article, et que la vente au détail ne peut être pratiquée que dans un point de vente agréé par les autorités et où la vente est organisée de telle sorte qu’une surveillance efficace reste possible, en vertu du quatrième alinéa dudit article.

113

À cet égard, le gouvernement finlandais fait valoir que le régime d’autorisation de vente au détail mis en place permet de contrôler le respect par les vendeurs au détail des dispositions encadrant la vente de boissons alcooliques, notamment l’obligation de vendre uniquement entre 7 heures du matin et 9 heures du soir, l’interdiction de vendre à des personnes âgées de moins de 18 ans et l’interdiction de vendre à des personnes en état d’ébriété.

114

Ce gouvernement soutient, en outre, que le niveau de protection de la santé et de l’ordre publics que la politique finlandaise en matière d’alcool s’est donné pour objectif ne peut être atteint par des moyens moins contraignants que de soumettre la vente au détail à une autorisation préalable ou au droit exclusif du monopole. En effet, permettre aux vendeurs établis dans d’autres États membres de vendre et de transporter librement des boissons alcooliques aux résidents finlandais ferait naître un nouveau canal de distribution de ces boissons qui ne serait soumis à aucun contrôle de la part des autorités compétentes.

115

La Cour a déjà constaté qu’une réglementation qui a pour objectif d’orienter la consommation d’alcool de manière à prévenir les effets préjudiciables causés à la santé des personnes et à la société par les substances alcooliques et cherche ainsi à lutter contre l’abus d’alcool répond à des préoccupations de santé et d’ordre publics reconnues par l’article 36 TFUE (arrêts Ahokainen et Leppik, C‑434/04, EU:C:2006:609, point 28, ainsi que Rosengren e.a., C‑170/04, EU:C:2007:313, point 40).

116

Pour que des préoccupations de santé et d’ordre publics puissent justifier une entrave telle que celle qu’entraîne le système d’autorisation préalable en cause au principal, il est toutefois nécessaire que la mesure considérée soit proportionnée à l’objectif à atteindre et ne constitue ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres (arrêt Ahokainen et Leppik, C‑434/04, EU:C:2006:609, point 29; voir également, en ce sens, arrêt Rosengren e.a., C‑170/04, EU:C:2007:313, points 41 et 43).

117

En premier lieu, pour ce qui est du caractère proportionné de la mesure, s’agissant d’une exception au principe de la libre circulation des marchandises, il appartient aux autorités nationales de démontrer que leur réglementation est nécessaire pour réaliser l’objectif invoqué et que cet objectif ne pourrait pas être atteint par des interdictions ou des limitations de moins grande ampleur ou affectant de manière moindre le commerce intracommunautaire (voir, en ce sens, arrêts Ahokainen et Leppik, C‑434/04, EU:C:2006:609, point 31, ainsi que Rosengren e.a., C‑170/04, EU:C:2007:313, point 50 et jurisprudence citée).

118

Toutefois, lorsqu’une mesure nationale relève du domaine de la santé publique, il doit être tenu compte du fait que la santé et la vie des personnes occupent le premier rang parmi les biens et les intérêts protégés par le traité et qu’il appartient aux États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique ainsi que de la manière dont ce niveau doit être atteint. Celui‑ci pouvant varier d’un État membre à l’autre, il convient de reconnaître aux États membres une marge d’appréciation (arrêt Ker‑OptikaC‑108/09, EU:C:2010:725, point 58 et jurisprudence citée, ainsi que, en ce sens, arrêt Ahokainen et Leppik, C‑434/04, EU:C:2006:609, points 32 et 33).

119

En l’espèce, le contrôle de la proportionnalité et de la nécessité des mesures prises suppose une analyse des circonstances de droit et de fait caractérisant la situation en Finlande que la juridiction de renvoi est mieux à même d’effectuer que la Cour. En conséquence, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, en se fondant sur les éléments de droit et de fait dont elle dispose, si le système d’autorisation préalable en cause au principal est propre à garantir l’objectif de la protection de la santé et de l’ordre publics, et si cet objectif peut être atteint avec une effectivité d’un niveau au moins équivalent par des mesures moins restrictives (voir, en ce sens, arrêts Ahokainen et Leppik, C‑434/04, EU:C:2006:609, points 37 et 38 ainsi que jurisprudence citée, et Rosengren e.a., C‑170/04, EU:C:2007:313, point 55).

120

À cet égard, il convient de relever en particulier que l’article 14, quatrième alinéa, de la loi sur l’alcool établit une obligation d’effectuer la vente au détail dans un point de vente agréé. Comme l’a confirmé le gouvernement finlandais lors de l’audience, cette obligation interdit aux personnes autorisées en vertu de l’article 14, premier ou deuxième alinéa, de la loi sur l’alcool de pratiquer la vente à distance de boissons alcooliques, lorsqu’ils assurent le transport de ces boissons ou confient leur transport à un tiers.

121

Si Alko est, en principe, également tenue d’effectuer la vente au détail dans un point de vente agréé, en vertu de l’article 13, deuxième alinéa, de la loi sur l’alcool, il découle néanmoins de l’article 13, troisième alinéa, de cette loi, qu’Alko peut effectuer la vente au détail des boissons alcooliques en l’envoyant au client ou à l’acheteur conformément aux dispositions du décret. Interrogé à ce sujet lors de l’audience, le gouvernement finlandais a confirmé que, dans certains cas, Alko a effectivement le droit d’effectuer la vente de boissons alcooliques par correspondance.

122

Dans ces conditions, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier notamment si l’objectif de permettre aux autorités compétentes de contrôler le respect des dispositions encadrant la vente de boissons alcooliques, telles que l’obligation de vendre uniquement entre 7 heures du matin et 9 heures du soir, l’interdiction de vendre à des personnes âgées de moins de 18 ans et l’interdiction de vendre à des personnes en état d’ébriété, peut être atteint avec une effectivité d’un niveau au moins équivalent par un système d’autorisation qui n’exigerait pas que la vente au détail de boissons alcooliques puisse être effectuée uniquement dans un point de vente agréé par les autorités.

123

En second lieu, pour que des préoccupations de santé et d’ordre publics puissent justifier une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation au sens de l’article 34 TFUE, telle que l’exigence d’autorisation de vente au détail en cause au principal, il est encore nécessaire que cette exigence d’autorisation ne constitue ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres, comme l’exige l’article 36 TFUE (voir, en ce sens, arrêts Ahokainen et Leppik, C‑434/04, EU:C:2006:609, point 29, ainsi que Rosengren e.a., C‑170/04, EU:C:2007:313, point 41).

124

À cet égard, et en ce qui concerne le régime d’autorisation de vente au détail établi à l’article 14, premier alinéa, de la loi sur l’alcool, lequel couvre les boissons alcooliques obtenues par fermentation et contenant au maximum 4,7 % en volume d’alcool éthylique, aucun élément à la disposition de la Cour ne permet de penser que les motifs de santé et d’ordre publics invoqués par les autorités finlandaises auraient été détournés de leur fin et utilisés de manière à établir des discriminations à l’égard de marchandises originaires d’autres États membres ou à protéger indirectement certaines productions nationales (voir, en ce sens, arrêts Ahokainen et Leppik, C‑434/04, EU:C:2006:609, point 30, ainsi que Rosengren e.a., C‑170/04, EU:C:2007:313, point 42).

125

En ce qui concerne le régime d’autorisation de vente au détail établi à l’article 14, deuxième alinéa, de la loi sur l’alcool, lequel permet aux fabricants de boissons alcooliques de vendre leur production propre à la condition que celle‑ci soit obtenue par fermentation et n’excède pas 13 % en volume d’alcool éthylique, la Cour a déjà relevé que celui‑ci n’est ouvert qu’aux fabricants établis en Finlande, à l’exclusion des fabricants établis dans d’autres États membres.

126

En réservant le bénéfice de cette dérogation aux seuls fabricants établis en Finlande, cette disposition pourrait avoir pour effet de protéger la production nationale de boissons alcooliques obtenues par fermentation et n’excédant pas 13 % en volume d’alcool éthylique. L’existence d’un tel effet ne suffit cependant pas à établir que les motifs de santé et d’ordre publics invoqués par les autorités finlandaises ont été détournés de leur fin et utilisés de manière à établir des discriminations à l’égard de marchandises originaires d’autres États membres ou à protéger indirectement certaines productions nationales, au sens de l’article 36 TFUE et de la jurisprudence précitée.

127

Interrogé à ce sujet lors de l’audience, le gouvernement finlandais a précisé que ce régime d’autorisation poursuit, outre les motifs de santé et d’ordre publics évoqués précédemment, un objectif de promotion du tourisme, dans la mesure où il a vocation à permettre à un nombre limité de fabricants de boissons alcooliques établis en Finlande, utilisant des méthodes traditionnelles et artisanales, de vendre leur production sur le site même de production. Ce gouvernement a cité, à titre d’exemple, certains vins de baies fabriqués dans des fermes sises sur le territoire finlandais, que les consommateurs ont la possibilité d’acheter sur le site même de production. Ledit gouvernement a ajouté qu’il n’entrait pas dans ses compétences d’autoriser les fabricants de boissons alcooliques établis dans d’autres États membres de vendre leur production sur le site même de production, lequel se trouve par définition en dehors du territoire finlandais.

128

Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, sur la base de toutes les circonstances de fait ou de droit pertinentes, et notamment le caractère limité, traditionnel et artisanal de la production nationale bénéficiant de cette dérogation mis en avant par le gouvernement finlandais dans ses observations présentées à la Cour, si les motifs de santé et d’ordre publics invoqués par les autorités finlandaises ont été détournés de leur fin et utilisés de manière à établir des discriminations à l’égard de marchandises originaires d’autres États membres ou à protéger indirectement certaines productions nationales, au sens de l’article 36 TFUE.

129

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux cinquième à huitième questions que les articles 34 TFUE et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, en vertu de laquelle un vendeur établi dans un autre État membre est soumis à une exigence d’autorisation de vente au détail pour l’importation de boissons alcooliques en vue de leur vente au détail à des consommateurs résidant dans le premier État membre, lorsque ce vendeur assure le transport de ces boissons ou confie leur transport à un tiers, pour autant que cette réglementation soit propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi, en l’occurrence la protection de la santé et de l’ordre publics, que cet objectif ne puisse pas être atteint avec une effectivité d’un niveau au moins équivalent par des mesures moins restrictives et que cette réglementation ne constitue ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur les dépens

130

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

 

1)

L’article 110 TFUE ainsi que les articles 1er, paragraphe 1, 7 et 15 de la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 1994, relative aux emballages et aux déchets d’emballages, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, qui instaure un droit d’accise sur certains emballages de boissons, mais prévoit une exonération en cas d’intégration de ces emballages dans un système de reprise opérationnel.

 

2)

Les articles 34 TFUE et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, en vertu de laquelle un vendeur établi dans un autre État membre est soumis à une exigence d’autorisation de vente au détail pour l’importation de boissons alcooliques en vue de leur vente au détail à des consommateurs résidant dans le premier État membre, lorsque ce vendeur assure le transport de ces boissons ou confie leur transport à un tiers, pour autant que cette réglementation soit propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi, en l’occurrence la protection de la santé et de l’ordre publics, que cet objectif ne puisse pas être atteint avec une effectivité d’un niveau au moins équivalent par des mesures moins restrictives et que cette réglementation ne constitue ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

Signatures


( * )   Langue de procédure: le finnois.