ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

18 mars 2010 (*)

«Article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure – Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information – Directive 2001/29/CE – Article 3 – Notion de ‘communication au public’ – Œuvres communiquées au moyen d’appareils de télévision installés dans des chambres d’hôtel»

Dans l’affaire C‑136/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par l’Areios Pagos (Grèce), par décision du 19 janvier 2009, parvenue à la Cour le 10 avril 2009, dans la procédure

Organismos Sillogikis Diacheirisis Dimiourgon Theatrikon kai Optikoakoustikon Ergon

contre

Divani Akropolis Anonimi Xenodocheiaki kai Touristiki Etaireia,

en présence de:

Xenodocheiako Epimelitirio tis Ellados,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. E. Juhász et J. Malenovský (rapporteur), juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. R. Grass,

la Cour se proposant de statuer par voie d’ordonnance motivée conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO L 167, p. 10).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Organismos Sillogikis Diacheirisis Dimiourgon Theatrikon kai Optikoakoustikon Ergon (organisme de gestion collective des auteurs d’œuvres théâtrales et audiovisuelles, ci-après l’«OSDD») à Divani Akropolis Anonimi Xenodocheiaki kai Touristiki Etaireia (ci-après «Divani Akropolis») au sujet de la prétendue violation, par cette dernière, des droits de propriété intellectuelle dont l’OSDD assure la gestion.

 Le cadre juridique

 La réglementation internationale

3        L’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, figurant à l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, signé à Marrakech le 15 avril 1994, a été approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1).

4        L’article 9, paragraphe 1, de cet accord dispose:

«Les Membres se conformeront aux articles premier à 21 de la Convention de Berne (1971) et à l’Annexe de ladite Convention. Toutefois, les Membres n’auront pas de droits ni d’obligations au titre du présent accord en ce qui concerne les droits conférés par l’article 6 bis de ladite Convention ou les droits qui en sont dérivés.»

5        Aux termes de l’article 11 de la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (acte de Paris du 24 juillet 1971), dans sa version résultant de la modification du 28 septembre 1979 (ci-après la «convention de Berne»):

«1.      Les auteurs d’œuvres dramatiques, dramatico-musicales et musicales jouissent du droit exclusif d’autoriser:

i)      la représentation et l’exécution publiques de leurs œuvres, y compris la représentation et l’exécution publiques par tous moyens ou procédés;

ii)      la transmission publique par tous moyens de la représentation et de l’exécution de leurs œuvres.

2.      Les mêmes droits sont accordés aux auteurs d’œuvres dramatiques ou dramatico-musicales pendant toute la durée de leurs droits sur l’œuvre originale, en ce qui concerne la traduction de leurs œuvres.»

6        L’article 11 bis, point 1, de la convention de Berne dispose:

«Les auteurs d’œuvres littéraires et artistiques jouissent du droit exclusif d’autoriser:

i)      la radiodiffusion de leurs œuvres ou la communication publique de ces œuvres par tout autre moyen servant à diffuser sans fil les signes, les sons ou les images;

ii)      toute communication publique, soit par fil, soit sans fil, de l’œuvre radiodiffusée, lorsque cette communication est faite par un autre organisme que celui d’origine;

iii)      la communication publique, par haut–parleur ou par tout autre instrument analogue transmetteur de signes, de sons ou d’images, de l’œuvre radiodiffusée.»

7        L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a adopté à Genève, le 20 décembre 1996, le traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et sur les phonogrammes ainsi que le traité de l’OMPI sur le droit d’auteur. Ces deux traités ont été approuvés au nom de la Communauté par la décision 2000/278/CE du Conseil, du 16 mars 2000 (JO L 89, p. 6).

8        L’article 8 du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur dispose:

«Sans préjudice des dispositions des articles 11.1)ii), 11bis.1)i) et ii), 11ter.1)ii), 14.1)ii) et 14bis.1) de la convention de Berne, les auteurs d’œuvres littéraires et artistiques jouissent du droit exclusif d’autoriser toute communication au public de leurs œuvres par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit de manière individualisée.»

9        Des déclarations communes concernant le traité de l’OMPI sur le droit d’auteur ont été adoptées par la conférence diplomatique le 20 décembre 1996.

10      La déclaration commune concernant l’article 8 dudit traité est libellée comme suit:

«Il est entendu que la simple fourniture d’installations destinées à permettre ou à réaliser une communication ne constitue pas une communication au public au sens du présent traité ou de la convention de Berne. Il est entendu en outre que rien, dans l’article 8, n’interdit à une Partie contractante d’appliquer l’article 11bis.2).»

 La réglementation de l’Union

11      Aux termes du neuvième considérant de la directive 2001/29:

«Toute harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins doit se fonder sur un niveau de protection élevé, car ces droits sont essentiels à la création intellectuelle. Leur protection contribue au maintien et au développement de la créativité dans l’intérêt des auteurs, des interprètes ou exécutants, des producteurs, des consommateurs, de la culture, des entreprises et du public en général. La propriété intellectuelle a donc été reconnue comme faisant partie intégrante de la propriété.»

12      Le dixième considérant de cette directive est libellé comme suit:

«Les auteurs ou les interprètes ou exécutants, pour pouvoir poursuivre leur travail créatif et artistique, doivent obtenir une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs œuvres, de même que les producteurs pour pouvoir financer ce travail. L’investissement nécessaire pour créer des produits, tels que des phonogrammes, des films ou des produits multimédias, et des services tels que les services à la demande, est considérable. Une protection juridique appropriée des droits de propriété intellectuelle est nécessaire pour garantir une telle rémunération et permettre un rendement satisfaisant de l’investissement.»

13      Selon le quinzième considérant de ladite directive:

«La Conférence diplomatique qui s’est tenue en décembre 1996, sous les auspices de l’[OMPI], a abouti à l’adoption de deux nouveaux traités, à savoir le traité de l’OMPI sur le droit d’auteur et le traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, qui portent respectivement sur la protection des auteurs et sur celle des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes. Ces traités constituent une mise à jour importante de la protection internationale du droit d’auteur et des droits voisins, notamment en ce qui concerne ce que l’on appelle ‘l’agenda numérique’, et améliorent les moyens de lutte contre la piraterie à l’échelle planétaire. La Communauté et une majorité d’États membres ont déjà signé lesdits traités et les procédures de ratification sont en cours dans la Communauté et les États membres. La présente directive vise aussi à mettre en œuvre certaines de ces nouvelles obligations internationales.»

14      Aux termes du vingt-troisième considérant de la même directive:

«La présente directive doit harmoniser davantage le droit d’auteur de communication au public. Ce droit doit s’entendre au sens large, comme couvrant toute communication au public non présent au lieu d’origine de la communication. Ce droit couvre toute transmission ou retransmission, de cette nature, d’une œuvre au public, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion. Il ne couvre aucun autre acte.»

15      Le vingt-septième considérant de la directive 2001/29 énonce:

«La simple fourniture d’installations destinées à permettre ou à réaliser une communication ne constitue pas en soi une communication au sens de la présente directive.»

16      L’article 3 de cette directive dispose:

«1.      Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.

2.      Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la mise à la disposition du public, par fil ou sans fil, de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement:

a)      pour les artistes interprètes ou exécutants, des fixations de leurs exécutions;

b)      pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes;

c)      pour les producteurs des premières fixations de films, de l’original et de copies de leurs films;

d)      pour les organismes de radiodiffusion, des fixations de leurs émissions, qu’elles soient diffusées par fil ou sans fil, y compris par câble ou par satellite.

3.      Les droits visés aux paragraphes 1 et 2 ne sont pas épuisés par un acte de communication au public, ou de mise à la disposition du public, au sens du présent article.»

 La réglementation nationale

17      L’article 3, paragraphe 1, de la loi 2121/1993, relative au droit d’auteur, droits voisins et questions culturelles (FEK A’ 25/4.3.1993), visant à transposer plusieurs directives communautaires, dispose:

«Le droit de propriété donne notamment aux auteurs le droit d’autoriser ou d’interdire:

[...]

h)      la communication de leurs œuvres au public, avec ou sans câble ou par tout autre moyen, ainsi que la mise à disposition de leurs œuvres au public d’une façon telle que toute personne puisse y avoir accès, où et quand elle le désire. Ces droits ne sont pas remis en cause par un quelconque acte de communication au public, au sens de la présente disposition.»

18      Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, de la loi 2121/1993:

«Est considérée comme publique toute utilisation, exécution ou communication de l’œuvre qui la rend accessible à un cercle d’individus plus large que le cercle de famille restreint et l’entourage social direct, nonobstant le fait que ce cercle plus large se trouve ou non au même endroit.»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

19      Le 9 décembre 2003, l’OSDD a formé un recours devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance à juge unique d’Athènes), dirigé contre Divani Akropolis, pour violation des droits de propriété intellectuelle dont l’OSDD assure la gestion.

20      Divani Akropolis est légalement responsable du fonctionnement de l’hôtel de luxe Divani Palace Akropolis disposant de 253 chambres dans lesquelles elle a installé des postes de télévision reliés à l’antenne centrale de l’hôtel par laquelle sont reçus les signaux des stations de télévision. Les clients ont ainsi la possibilité, durant leur séjour, de suivre les émissions télévisées de leur choix. Les chaînes de télévision incluent dans leurs programmes la diffusion, indirecte, au moyen de supports matériels, d’œuvres audiovisuelles dont, pour certaines, les droits d’auteur appartiennent aux membres de l’OSDD.

21      Par jugement 2571/2004, le Monomeles Protodikeio Athinon a fait droit au recours formé par l’OSDD. Ce jugement a cependant été annulé par l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) par arrêt 7594/2005.

22      Par cet arrêt, l’Efeteio Athinon a considéré que la mise à disposition des appareils par Divani Akropolis ainsi que leur utilisation par les résidents temporaires des chambres de l’hôtel ne constituent pas une communication de l’œuvre au public, dans la mesure où la chambre d’hôtel est non pas un espace public, mais au contraire un domicile provisoire de son usager, dans lequel celui-ci suit les émissions en privé à sa guise et non selon le choix effectué par les responsables de ladite société hôtelière. Toujours selon l’Efeteio Athinon, cette dernière n’a, en dehors de l’installation de l’antenne et des appareils dans les chambres de l’hôtel, aucun autre rôle dans leur utilisation. En outre, les clients de l’hôtel constituent non pas un nouveau public, mais un public qui avait déjà la possibilité de suivre les programmes télévisés depuis son domicile principal. Enfin, la réception par chaque usager de l’œuvre diffusée ne serait pas une atteinte au pouvoir de diffusion de l’auteur, puisque la possibilité de capter le programme serait une conséquence naturelle du procédé d’émission.

23      Le 10 novembre 2005, l’OSDD a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu par l’Efeteio Athinon devant l’Areios Pagos (Cour de cassation).

24      A été admise à intervenir dans la procédure au principal, au soutien de Divani Akropolis, la NPDD Xenodocheiko Epimelitirio tis Ellados (chambre professionnelle de l’hôtellerie de la Grèce, ci-après la «Xenodocheiko»).

25      Ultérieurement, le 7 décembre 2006, dans le cadre d’une procédure préjudicielle, la Cour a rendu l’arrêt SGAE (C‑306/05, Rec. p. I‑11519) selon lequel constitue un acte de communication au public, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, la distribution d’un signal au moyen d’appareils de télévision par un établissement hôtelier aux clients installés dans les chambres de cet établissement, quelle que soit la technique de transmission du signal utilisée.

26      L’Areios Pagos émet des doutes sur la question de savoir si, par son arrêt SGAE, précité, la Cour a également répondu à la question de droit qui se pose dans l’affaire dont il est saisi, et ce, notamment pour les raisons suivantes.

27      Contrairement à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt SGAE, précité, il ne serait question, dans l’affaire dont est saisi l’Areios Pagos, que d’une installation par l’hôtelier de téléviseurs dans les chambres et d’une antenne centrale unique dans les locaux de l’hôtel, c’est-à-dire d’une simple mise à disposition des moyens matériels en vue de faciliter et de permettre la présentation de l’œuvre aux clients de l’hôtel. Par ailleurs, dans cet arrêt, la Cour n’aurait pas expliqué en quoi la «simple fourniture d’installations destinées à permettre ou à réaliser une communication» diffère de la «distribution du signal aux clients de l’hôtel à travers des téléviseurs». La Cour ne préciserait pas non plus le sens de la notion de «distribution de l’œuvre radiodiffusée à cette clientèle au moyen d’appareils de télévision» ni pourquoi, s’agissant uniquement de l’installation d’une antenne centrale et de téléviseurs dans les chambres, elle constituerait non pas un «simple moyen technique pour garantir ou améliorer la réception de l’émission d’origine dans sa zone de couverture», mais au contraire une intervention dans le rôle d’intermédiaire technique que l’hôtelier assume pour donner à ses clients accès à l’œuvre protégée.

28      Dans ces conditions, l’Areios Pagos a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La seule installation par l’hôtelier, dans les chambres de l’hôtel, d’appareils de télévision et la connexion de ceux-ci à l’antenne centrale installée dans l’hôtel, en l’absence de toute autre action, médiation ou intervention de l’hôtelier, constituent-elles une communication de l’œuvre au public, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 [...]? Plus précisément, y a-t-il en l’espèce, au regard de l’arrêt [...] SGAE, [précité], une distribution d’un signal aux clients résidant dans les chambres d’hôtel, au moyen des appareils de télévision qui y sont installés, grâce à l’intervention technique de l’hôtelier?»

 Sur la question préjudicielle

29      En vertu de l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut statuer par voie d’ordonnance motivée.

30      La Cour estime que tel est le cas dans la présente affaire.

31      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, en installant les téléviseurs dans les chambres et en les connectant à l’antenne centrale de l’établissement, l’hôtelier se livre, de ce seul fait, à un acte de communication au public au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 et, plus précisément, si une telle intervention technique constitue une distribution d’un signal au moyen desdits appareils au sens de l’arrêt SGAE, précité.

32      L’OSDD, les gouvernements français et polonais ainsi que la Commission des Communautés européennes estiment que l’installation, par l’hôtelier, d’appareils de télévision et la connexion de ceux-ci à l’antenne centrale constituent un acte de communication au public. Divani Akropolis et la Xenodocheiko soutiennent, quant à elles, la thèse selon laquelle l’acte de l’hôtelier constitue une simple fourniture d’installations et ne rend pas l’œuvre accessible à un public nouveau, de sorte qu’il n’y a pas en l’espèce de distribution d’un signal aux clients résidant dans les chambres de l’hôtel.

33      La Cour a notamment considéré, au point 46 de l’arrêt SGAE, précité, que la simple fourniture d’installations physiques, impliquant, outre l’établissement hôtelier, habituellement des entreprises spécialisées dans la vente ou la location d’appareils de télévision, ne constitue pas, en tant que telle, une communication au sens de la directive 2001/29.

34      La Cour poursuit, audit point 46, en précisant toutefois que, si cette simple fourniture d’installations ne constitue pas, en tant que telle, une communication au public, il n’en reste pas moins que cette installation peut rendre techniquement possible l’accès du public aux œuvres radiodiffusées. Dès lors, si, au moyen des appareils de télévision ainsi installés, l’établissement hôtelier distribue le signal à ses clients logés dans les chambres de cet établissement, il s’agit d’une communication au public, sans qu’il importe de savoir quelle est la technique de transmission du signal utilisée.

35      Les doutes de la juridiction de renvoi concernent principalement, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, la distinction entre la simple fourniture d’installations destinées à permettre ou à réaliser une communication au public et la distribution d’un signal aux clients de l’hôtel au moyen des appareils de télévision.

36      Cette distinction se comprend à la lumière des considérations développées par la Cour aux points 41 et 42 de l’arrêt SGAE, précité.

37      La Cour a estimé, au point 41 de cet arrêt, que l’auteur, en autorisant la radiodiffusion de son œuvre, ne prend en considération que les usagers directs, c’est-à-dire les détenteurs d’appareils de réception qui, individuellement ou dans leur sphère privée ou familiale, captent les émissions.

38      Or, selon la Cour, la clientèle d’un établissement hôtelier forme un public nouveau par rapport à celui que l’auteur a pris en compte en autorisant la radiodiffusion de son œuvre. En effet, la distribution de l’œuvre radiodiffusée à cette clientèle au moyen d’appareils de télévision ne constitue pas un simple moyen technique pour garantir ou améliorer la réception de l’émission d’origine dans sa zone de couverture. Au contraire, l’établissement hôtelier est l’organisme qui intervient, en pleine connaissance des conséquences de son comportement, pour donner accès à l’œuvre protégée à ses clients. En effet, en l’absence de cette intervention, ces clients, tout en se trouvant à l’intérieur de ladite zone, ne pourraient, en principe, jouir de l’œuvre diffusée (arrêt SGAE, précité, point 42).

39      Il résulte des considérations qui précèdent, et en particulier des termes «distribution de l’œuvre radiodiffusée […] au moyen d’appareils de télévision», qu’un hôtelier qui installe, dans les chambres de son établissement, des appareils de télévision aptes à capter les émissions radiodiffusées se livre à un acte de communication au public au sens de la directive 2001/29, puisqu’il rend délibérément accessible l’œuvre protégée au public nouveau que constitue sa clientèle.

40      Ainsi, la simple fourniture d’installations physiques, telle que visée au point 46 de l’arrêt SGAE, précité, doit s’entendre comme la seule activité de vente ou de location d’appareils de télévision exercée par des entreprises spécialisées. De telles entreprises ne sauraient, en effet, de ce seul fait, être considérées comme réalisant un acte de communication au public.

41      En revanche, la distribution d’un signal «au moyen d’appareils de télévision», telle que visée au point 46 de l’arrêt SGAE, précité, doit s’entendre, au sens large, comme toute intervention technique de l’hôtelier, sans considération de la configuration concrète de l’équipement installé dans son établissement, permettant au client de capter le signal dans sa chambre et d’accéder ainsi à l’œuvre radiodiffusée.

42      S’avèrent, dès lors, non fondés les arguments de Divani Akropolis et de la Xenodocheiko selon lesquels, dans l’affaire au principal, l’hôtelier ne réaliserait pas un acte de communication au public, car il se contenterait uniquement, en connectant les appareils de télévision à l’antenne centrale, de faciliter la réception et d’améliorer la qualité du signal et non pas de le distribuer, celui-ci étant directement capté par les téléviseurs installés dans les chambres.

43      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que l’hôtelier, en installant les téléviseurs dans les chambres de son établissement et en les connectant à l’antenne centrale dudit établissement, se livre, de ce seul fait, à un acte de communication au public au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29.

 Sur les dépens

44      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit:

L’hôtelier, en installant les téléviseurs dans les chambres de son établissement et en les connectant à l’antenne centrale dudit établissement, se livre, de ce seul fait, à un acte de communication au public au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.