Affaire C-173/09

Georgi Ivanov Elchinov

contre

Natsionalna zdravnoosiguritelna kasa

(demande de décision préjudicielle, introduite par

l'Administrativen sad Sofia-grad)

«Sécurité sociale — Libre prestation des services — Assurance maladie — Soins hospitaliers dispensés dans un autre État membre — Autorisation préalable — Conditions d’application de l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement (CEE) nº 1408/71 — Modalités de remboursement à l’assuré social des frais hospitaliers engagés dans un autre État membre — Obligation pour une juridiction inférieure de se conformer à des instructions d’une juridiction supérieure»

Sommaire de l'arrêt

1.        Droit de l'Union — Primauté — Droit national contraire — Inapplicabilité de plein droit des normes existantes — Obligation de respecter les instructions d'une juridiction supérieure non conformes au droit de l'Union — Inadmissibilité

(Art. 267 TFUE)

2.        Sécurité sociale des travailleurs migrants — Assurance maladie — Prestations en nature servies dans un autre État membre

(Art. 49 CE; règlement du Conseil nº 1408/71, art. 22, § 2, al. 2)

3.        Sécurité sociale des travailleurs migrants — Assurance maladie — Prestations en nature servies dans un autre État membre

(Règlement du Conseil nº 1408/71, art. 22, § 1, c), i), et 2, al. 2)

4.        Sécurité sociale des travailleurs migrants — Assurance maladie — Prestations en nature servies dans un autre État membre

(Règlement du Conseil nº 1408/71, art. 22, § 1, c), i))

1.        Le droit de l’Union s’oppose à ce qu’une juridiction nationale, à laquelle il incombe de statuer à la suite du renvoi qui lui a été fait par une juridiction supérieure saisie sur pourvoi, soit liée, conformément au droit procédural national, par des appréciations portées en droit par la juridiction supérieure, si la juridiction de renvoi estime, eu égard à l’interprétation qu’elle a sollicitée de la Cour, que lesdites appréciations ne sont pas conformes au droit de l’Union.

En effet, premièrement, l’existence d’une règle de procédure nationale, en vertu de laquelle les juridictions ne statuant pas en dernière instance sont liées par des appréciations portées par la juridiction supérieure, ne saurait remettre en cause la faculté qu’ont les juridictions nationales ne statuant pas en dernière instance de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle lorsqu’elles ont des doutes sur l’interprétation du droit de l’Union.

Deuxièmement, un arrêt rendu à titre préjudiciel par la Cour lie le juge national, quant à l’interprétation ou à la validité des actes des institutions de l’Union en cause, pour la solution du litige au principal.

En outre, le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’assurer le plein effet de ces dispositions en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition nationale contraire, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de cette disposition nationale par la voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel.

(cf. points 25, 29, 31-32, disp. 1)

2.        Les articles 49 CE et 22 du règlement nº 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement nº 118/97, tel que modifié par le règlement nº 1992/2006, s’opposent à une réglementation d’un État membre interprétée en ce sens qu’elle exclut, dans tous les cas, la prise en charge des soins hospitaliers dispensés sans autorisation préalable dans un autre État membre.

En effet, si le droit de l’Union ne s’oppose pas en principe à un système d’autorisation préalable, il est néanmoins nécessaire, d'une part, que les conditions mises à l’octroi d’une telle autorisation soient justifiées au regard de l'objectif de garantir, sur le territoire de l’État membre concerné, une accessibilité suffisante et permanente à une gamme équilibrée de soins hospitaliers de qualité, d’assurer une maîtrise des coûts et d’éviter, dans la mesure du possible, tout gaspillage de ressources financières, techniques et humaines. D'autre part, il faut que ces conditions n’excèdent pas ce qui est objectivement nécessaire à ces fins et que le même résultat ne puisse pas être obtenu par des règles moins contraignantes. Un tel système doit en outre être fondé sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, de manière à encadrer l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités nationales afin que celui-ci ne soit pas exercé de manière arbitraire.

Une réglementation nationale qui exclut dans tous les cas la prise en charge des soins hospitaliers dispensés sans autorisation préalable prive l’assuré social, qui, pour des raisons liées à son état de santé ou à la nécessité de recevoir des soins en urgence dans un établissement hospitalier, a été empêché de solliciter une telle autorisation ou n’a pu attendre la réponse de l’institution compétente, de la prise en charge, par cette institution, de tels soins, quand bien même les conditions d’une telle prise en charge seraient par ailleurs réunies. Or, la prise en charge de tels soins n’est pas de nature à compromettre la réalisation des objectifs de planification hospitalière ni à porter gravement atteinte à l’équilibre financier du système de sécurité sociale. Elle n’affecte pas le maintien d’un service hospitalier équilibré et accessible à tous non plus que celui d’une capacité de soins et d’une compétence médicale sur le territoire national. Par conséquent, une telle réglementation n’est pas justifiée par lesdits impératifs et, en tout état de cause, ne satisfait pas à l’exigence de proportionnalité. Partant, elle comporte une restriction injustifiée à la libre prestation des services.

(cf. points 43-47, 51, disp. 2)

3.        S’agissant de soins médicaux ne pouvant être dispensés dans l’État membre sur le territoire duquel réside l’assuré social, l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement nº 118/97, tel que modifié par le règlement nº 1992/2006, doit être interprété en ce sens qu'une autorisation requise au titre du paragraphe 1, sous c), i), du même article ne peut être refusée :

- si, lorsque les prestations prévues par la législation nationale font l’objet d’une liste ne mentionnant pas expressément et précisément la méthode de traitement appliquée mais définissant des types de traitements pris en charge par l’institution compétente, il est établi, en application des principes d’interprétation usuels et à la suite d’un examen fondé sur des critères objectifs et non discriminatoires, prenant en considération tous les éléments médicaux pertinents et les données scientifiques disponibles, que cette méthode de traitement correspond à des types de traitements mentionnés dans cette liste, et

- si un traitement alternatif présentant le même degré d’efficacité ne peut être prodigué en temps opportun dans l’État membre sur le territoire duquel réside l’assuré social.

Le même article s’oppose à ce que les organes nationaux appelés à se prononcer sur une demande d’autorisation préalable présument, lors de l’application de cette disposition, que les soins hospitaliers ne pouvant être dispensés dans l’État membre sur le territoire duquel réside l’assuré social ne figurent pas parmi les prestations dont la prise en charge est prévue par la législation de cet État et, inversement, que les soins hospitaliers figurant parmi ces prestations peuvent être prodigués dans ledit État membre.

En effet, s'agissant de la première condition énoncée à l'article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 1408/71, il n’est en principe pas incompatible avec le droit de l’Union qu’un État membre procède à l’établissement de listes limitatives des prestations médicales prises en charge par son système de sécurité sociale et ce droit ne saurait en principe avoir pour effet de contraindre un État membre à étendre de telles listes de prestations. Il incombe aux seuls organes nationaux appelés à se prononcer sur une demande d’autorisation en vue de recevoir des soins dispensés dans un État membre autre que celui sur le territoire duquel réside l’assuré social de déterminer si ces soins entrent dans les prévisions d’une telle liste. Il demeure toutefois que, les États membres étant tenus de ne pas méconnaître le droit de l’Union dans l’exercice de leur compétence, il doit être veillé à ce que l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 1408/71 soit appliqué conformément audit droit. Si la méthode de traitement appliquée correspond à des prestations prévues par la législation de l'État membre de résidence, l'autorisation préalable ne saurait être refusée au motif que cette méthode n'est pas pratiquée dans cet État membre.

En outre, s'agissant de la seconde condition énoncée à l'article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 1408/71, si le fait que le traitement envisagé dans un autre État membre n'est pas pratiqué dans l'État membre de résidence de l'intéressé n'implique pas, per se, que cette seconde condition est remplie, force est de constater que tel est le cas lorsqu'un traitement présentant le même degré d'efficacité ne peut y être prodigué en temps opportun.

Il résulte enfin de cette interprétation qu’une décision relative à une demande d’autorisation requise au titre du paragraphe 1, sous c), i), de l'article 22 du règlement nº 1408/71 ne saurait être fondée sur une présomption selon laquelle, si les soins hospitaliers considérés ne peuvent être dispensés dans l'État membre compétent, il convient de présumer que lesdits soins n'entrent pas dans les prestations prises en charge par le système national de couverture sociale et, inversement, si lesdits soins figurent parmi les prestations prises en charge par ce dernier, il y a lieu de présumer qu’ils peuvent être dispensés dans cet État membre.

(cf. points 58, 60-62, 64, 68-69, 73, disp. 3)

4.        Lorsqu’il est établi que le refus de délivrance d’une autorisation requise au titre de l’article 22, paragraphe 1, sous c), i), du règlement nº 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement nº 118/97, tel que modifié par le règlement nº 1992/2006, n’était pas fondé, alors que les soins hospitaliers sont achevés et que les frais y afférents ont été exposés par l’assuré social, la juridiction nationale doit obliger l’institution compétente, selon les règles de procédure nationales, à rembourser audit assuré social le montant qui aurait normalement été acquitté par cette dernière si l’autorisation avait été dûment délivrée.

Ledit montant est égal à celui déterminé selon les dispositions de la législation à laquelle est soumise l’institution de l’État membre sur le territoire duquel ont été dispensés les soins hospitaliers. Si ce montant est inférieur à celui qui aurait résulté de l’application de la législation en vigueur dans l’État membre de résidence en cas d’hospitalisation dans ce dernier, il doit en outre être accordé à l’assuré social un remboursement complémentaire, à charge de l’institution compétente, correspondant à la différence entre ces ceux montants, dans la limite des frais réellement exposés.

(cf. points 77-78, 81, disp. 4)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

5 octobre 2010 (*)

«Sécurité sociale – Libre prestation des services – Assurance maladie – Soins hospitaliers dispensés dans un autre État membre – Autorisation préalable – Conditions d’application de l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement (CEE) n° 1408/71 – Modalités de remboursement à l’assuré social des frais hospitaliers engagés dans un autre État membre – Obligation pour une juridiction inférieure de se conformer à des instructions d’une juridiction supérieure»

Dans l’affaire C‑173/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par l’Administrativen sad Sofia-grad (Bulgarie), par décision du 28 avril 2009, parvenue à la Cour le 14 mai 2009, dans la procédure

Georgi Ivanov Elchinov

contre

Natsionalna zdravnoosiguritelna kasa,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot et Mme R. Silva de Lapuerta, présidents de chambre, MM. A. Rosas, K. Schiemann, P. Kūris (rapporteur), J.-J. Kasel, M. Safjan, D. Šváby et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. R. Grass,

considérant les observations présentées:

–        pour M. Elchinov, par Me L. Panayotova, advokat,

–        pour le gouvernement bulgare, par M. T. Ivanov et Mme E. Petranova, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement grec, par MM. K. Georgiadis et I. Bakopoulos ainsi que par Mme S. Vodina, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. J. M. Rodríguez Cárcamo, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement polonais, par M. M. Dowgielewicz, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement finlandais, par Mme A. Guimaraes-Purokoski, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Ossowski, en qualité d’agent,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par Mme S. Petrova, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 juin 2010,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 49 CE et 22 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006 (JO L 392, p. 1, ci-après le «règlement n° 1408/71»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Elchinov à la Natsionalna zdravnoosiguritelna kasa (caisse nationale d’assurance maladie, ci-après la «NZOK») au sujet du refus de cette dernière de lui délivrer une autorisation de recevoir des soins hospitaliers en Allemagne.

 Le cadre juridique

 La réglementation de l’Union

3        Le règlement n° 1408/71 dispose à son article 22, intitulé «Séjour hors de l’État compétent – Retour ou transfert de résidence dans un autre État membre au cours d’une maladie ou d’une maternité – Nécessité de se rendre dans un autre État membre pour recevoir des soins appropriés»:

«1.      Le travailleur salarié ou non salarié qui satisfait aux conditions requises par la législation de l’État compétent pour avoir droit aux prestations, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l’article 18 et:

[…]

c)      qui est autorisé par l’institution compétente à se rendre sur le territoire d’un autre État membre pour y recevoir des soins appropriés à son état,

a droit:

i)      aux prestations en nature servies, pour le compte de l’institution compétente, par l’institution du lieu de séjour […], selon les dispositions de la législation qu’elle applique, comme s’il y était affilié, la durée de service des prestations étant toutefois régie par la législation de l’État compétent;

[…]

2.      […]

L’autorisation requise au titre du paragraphe 1 point c) ne peut pas être refusée lorsque les soins dont il s’agit figurent parmi les prestations prévues par la législation de l’État membre sur le territoire duquel réside l’intéressé et si ces soins ne peuvent, compte tenu de son état actuel de santé et de l’évolution probable de la maladie, lui être dispensés dans le délai normalement nécessaire pour obtenir le traitement dont il s’agit dans l’État membre de résidence.

[…]»

4        L’article 36, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 prévoit:

«Les prestations en nature servies par l’institution d’un État membre pour le compte de l’institution d’un autre État membre, en vertu des dispositions du présent chapitre, donnent lieu à remboursement intégral.»

5        Sur la base de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement n° 1408/71 (JO L 74, p. 1), la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants visée à l’article 80 du règlement n° 1408/71 a adopté un modèle pour le certificat nécessaire à l’application de l’article 22, paragraphe 1, sous c), i), de ce dernier règlement, à savoir le formulaire «E 112».

 La réglementation nationale

6        Aux termes de l’article 224 du code de procédure administrative bulgare:

«Les instructions de la Cour suprême administrative relatives à l’interprétation et à l’application de la loi sont obligatoires lors de l’examen ultérieur de l’affaire.»

7        Aux termes de l’article 81, paragraphe 1, de la loi relative à la santé (DV n° 70, du 10 août 2004):

«Tout ressortissant bulgare a le droit d’accéder à des soins de santé dans les conditions et selon les modalités prévues par la présente loi et par la loi relative à l’assurance maladie.»

8        En vertu de l’article 33 de la loi relative à l’assurance maladie (DV n° 70, du 19 juin 1998), tous les ressortissants bulgares qui ne sont pas simultanément ressortissants d’un autre État sont obligatoirement assurés auprès de la NZOK.

9        L’article 35 de ladite loi prévoit que les assurés ont droit à l’obtention d’un document nécessaire à l’exercice de leurs droits en matière d’assurance maladie conformément aux règles relatives à la coordination des régimes de sécurité sociale.

10      L’article 36, paragraphe 1, de la même loi dispose:

«Les assurés obligatoires ont le droit d’obtenir le remboursement de la valeur partielle ou totale des dépenses engagées pour une aide médicale à l’étranger uniquement s’ils ont obtenu une autorisation préalable à cet effet de la NZOK.»

11      Les types de prestations de santé prises en charge par la NZOK sont énumérés à l’article 45 de la loi relative à l’assurance maladie, dont le paragraphe 2 prévoit que les prestations de santé de base sont déterminées par décret du ministère de la Santé. Sur ce fondement, ledit ministère a adopté le décret n° 40, du 24 novembre 2004, relatif à la détermination de l’ensemble des prestations de santé de base, garanti par le budget de la NZOK (DV n° 88 de 2006), dont l’article unique énonce que l’ensemble desdites prestations de santé de base comporte celles dont le type et le montant sont déterminés conformément aux annexes 1 à 10 dudit décret. L’annexe 5 de celui-ci, intitulée «Liste des parcours de traitement clinique», vise, sous le numéro 136, les «autres opérations du globe oculaire» ainsi que, sous le numéro n° 258, le «traitement hautement technologique par irradiation de maladies oncologiques et non oncologiques».

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12      M. Elchinov, ressortissant bulgare affilié à la NZOK, est atteint d’une grave maladie, en raison de laquelle il a, le 9 mars 2007, sollicité de cette caisse la délivrance d’un formulaire E 112 en vue de subir un traitement de pointe dans une clinique spécialisée à Berlin (Allemagne), ce traitement n’étant pas pratiqué en Bulgarie.

13      Compte tenu de son état de santé, M. Elchinov est cependant entré en clinique en Allemagne le 15 mars 2007 et y a reçu des soins avant d’obtenir la réponse de la NZOK.

14      Par décision du 18 avril 2007, prise après avis du ministère de la Santé, le directeur de la NZOK a refusé d’accorder à M. Elchinov l’autorisation sollicitée, au motif, notamment, que les conditions d’octroi d’une telle autorisation prévues à l’article 22 du règlement n° 1408/71 n’étaient pas remplies, ledit traitement ne figurant pas, selon ce directeur, parmi les prestations prévues par la législation bulgare et prises en charge par la NZOK.

15      M. Elchinov a introduit un recours contre cette décision devant l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de Sofia). Une expertise médico-légale réalisée en cours de procédure a confirmé que le traitement en cause constituait une thérapie de pointe qui n’était pas encore pratiquée en Bulgarie.

16      Par jugement du 13 août 2007, l’Administrativen sad Sofia-grad a annulé ladite décision, en considérant que les conditions d’octroi d’une autorisation prévues à l’article 22, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71 étaient remplies en l’espèce. Cette juridiction a relevé, notamment, que le traitement en cause n’existait pas en Bulgarie, mais correspondait aux prestations numérotées 136 et 258 figurant dans la liste des parcours de traitement clinique.

17      La NZOK s’est pourvue en cassation contre ce jugement devant le Varhoven administrativen sad (Cour suprême administrative) qui, par arrêt du 4 avril 2008, l’a annulé et a renvoyé l’affaire devant une autre chambre de la juridiction de renvoi. Le Varhoven administrativen sad a en effet jugé qu’était erronée la constatation des juges du premier degré selon laquelle les soins reçus par M. Elchinov entraient dans les prestations numérotées 136 et 258 des parcours de traitement clinique. Il a relevé en outre que, si des soins concrets pour lesquels la délivrance du formulaire E 112 est demandée sont pris en charge par la NZOK, il convient de présumer que ceux-ci peuvent être dispensés dans un établissement de soins bulgare, de sorte que les premiers juges auraient dû se prononcer sur la question de savoir si ces soins pouvaient être fournis dans un tel établissement dans un délai ne présentant aucun danger pour la santé de l’intéressé.

18      Dans le cadre du nouvel examen de l’affaire par l’Administrativen sad Sofia-grad, une nouvelle expertise a confirmé qu’un traitement tel que celui administré à M. Elchinov en Allemagne n’était pas pratiqué en Bulgarie.

19      C’est dans ces conditions que l’Administrativen sad Sofia-grad a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Convient-il d’interpréter l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement […] n° 1408/71 […] en ce sens que, lorsque le traitement concret, pour lequel la délivrance du formulaire E 112 est demandée, ne peut pas être dispensé dans un établissement de soins bulgare, il faut supposer que ce traitement n’est pas financé par le budget de la [NZOK] ou du ministère de la Santé et, inversement, que, lorsque ce traitement est financé par le budget de la NZOK ou du ministère de la Santé, il faut supposer que ce traitement peut être dispensé dans un établissement de soins bulgare?

2)      Convient-il d’interpréter l’expression ‘les soins dont il s’agit ne peuvent pas être dispensés à l’intéressé sur le territoire de l’État membre où il réside’, figurant à l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement […] n° 1408/71, en ce sens qu’elle inclut les cas dans lesquels le traitement dispensé sur le territoire de l’État membre dans lequel réside l’assuré est, en tant que type de traitement, de loin plus inefficace et radical que celui qui est dispensé dans un autre État membre ou qu’elle inclut uniquement les cas dans lesquels l’intéressé ne peut pas être traité en temps opportun?

3)      Faut-il, compte tenu du principe de l’autonomie procédurale, que la juridiction nationale se conforme aux indications contraignantes données par l’instance juridictionnelle supérieure dans le cadre de l’annulation de sa décision et du renvoi de l’affaire en vue d’un nouvel examen, lorsqu’il y a des raisons de supposer que ces indications sont contraires au droit communautaire?

4)      Lorsque les soins dont il s’agit ne peuvent pas être dispensés sur le territoire de l’État membre de résidence de l’assuré, suffit-il, pour que cet État membre soit tenu de délivrer une autorisation en vue de soins dans un autre État membre au titre de l’article 22, paragraphe 1, sous c), du règlement […] n° 1408/71, que le type de traitement en cause fasse partie des prestations prévues par la réglementation de l’État membre de résidence, même si cette réglementation n’indique pas expressément la méthode de traitement concrète?

5)      L’article 49 CE et l’article 22 du règlement […] n° 1408/71 s’opposent-ils à des dispositions nationales comme celles de l’article 36, paragraphe 1, de la loi relative à l’assurance maladie, selon lesquelles les assurés obligatoires ont le droit d’obtenir [le remboursement de] la valeur partielle ou totale des dépenses effectuées pour une aide médicale à l’étranger uniquement s’ils ont obtenu une autorisation préalable en ce sens?

6)      La juridiction nationale doit-elle contraindre l’institution compétente de l’État dans lequel l’intéressé est assuré à délivrer le document en vue de soins à l’étranger (formulaire E 112) si elle considère que le refus de délivrer un tel document est illégal, dans l’hypothèse où la demande de délivrance du document a été introduite avant la réalisation du traitement à l’étranger et alors que le traitement était achevé au moment du prononcé de la décision juridictionnelle?

7)      S’il est répondu de manière affirmative à la question précédente et si la juridiction considère que le refus de délivrer une autorisation en vue d’un traitement à l’étranger est illégal, de quelle manière les dépenses effectuées par l’assuré en vue de son traitement doivent-elles être remboursées:

a)      directement par l’État dans lequel il est assuré ou par l’État dans lequel le traitement est intervenu, après la présentation de l’autorisation en vue de soins à l’étranger?

b)      jusqu’à quel montant, dans l’hypothèse où le montant des prestations prévues par la législation de l’État membre de résidence se distingue du montant des prestations prévues par la législation de l’État membre dans lequel le traitement a été dispensé, compte tenu des dispositions de l’article 49 CE instituant une interdiction des restrictions à la libre prestation des services?»

 Sur les questions préjudicielles

20      Il convient de répondre en premier lieu à la troisième question avant de procéder à l’examen des six autres questions, lesquelles portent sur l’interprétation des articles 49 CE et 22 du règlement n° 1408/71.

 Sur la troisième question

21      Il ressort de la décision de renvoi que l’Administrativen sad Sofia-grad éprouve des doutes quant à l’interprétation des articles 49 CE et 22 du règlement n° 1408/71 et, en particulier, en ce qui concerne l’interprétation de cet article 22 donnée par le Varhoven administrativen sad dans son arrêt du 4 avril 2008. Tout en saisissant la Cour d’une demande de décision préjudicielle visant à l’interprétation des dispositions susmentionnées, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si le juge du fond est lié par les appréciations portées en droit par la juridiction supérieure, lorsqu’il a des raisons de supposer que ces appréciations ne sont pas conformes au droit de l’Union.

22      La juridiction de renvoi expose, en effet, que, selon l’article 224 du code de procédure administrative bulgare, les instructions du Varhoven administrativen sad relatives à l’interprétation et à l’application de la loi ont, lors de l’examen ultérieur de l’affaire par l’Administrativen sad Sofia-grad, un caractère contraignant à l’égard de ce dernier. Elle relève, en outre, que le droit de l’Union consacre le principe de l’autonomie procédurale des États membres.

23      Bien que la question qu’elle soumet à la Cour ne semble pas exclure l’hypothèse où une juridiction nationale envisagerait de statuer sans renvoi préjudiciel en s’écartant des appréciations en droit portées dans la même affaire par la juridiction nationale supérieure, qu’elle jugerait non conformes au droit de l’Union, il doit être constaté que tel n’est pas le cas en l’espèce, la juridiction de renvoi ayant saisi la Cour d’une demande de décision préjudicielle visant à clarifier les doutes qu’elle éprouve quant à la correcte interprétation du droit de l’Union.

24      Dès lors, par sa troisième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si le droit de l’Union s’oppose à ce qu’une juridiction nationale, à laquelle il incombe de statuer à la suite du renvoi qui lui a été fait par une juridiction supérieure saisie sur pourvoi, soit liée, conformément au droit procédural national, par des appréciations portées en droit par la juridiction supérieure, si elle estime, eu égard à l’interprétation qu’elle a sollicitée de la Cour, que lesdites appréciations ne sont pas conformes au droit de l’Union.

25      À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que l’existence d’une règle de procédure nationale telle que celle applicable dans l’affaire au principal ne saurait remettre en cause la faculté qu’ont les juridictions nationales ne statuant pas en dernière instance de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle lorsqu’elles ont des doutes, comme en l’espèce, sur l’interprétation du droit de l’Union.

26      En effet, il est de jurisprudence constante que l’article 267 TFUE confère aux juridictions nationales la faculté la plus étendue de saisir la Cour si elles considèrent qu’une affaire pendante devant elles soulève des questions exigeant une interprétation ou une appréciation en validité des dispositions du droit de l’Union nécessaires au règlement du litige qui leur est soumis (voir, en ce sens, arrêts du 16 janvier 1974, Rheinmühlen-Düsseldorf, 166/73, Rec. p. 33, point 3; du 27 juin 1991, Mecanarte, C‑348/89, Rec. p. I‑3277, point 44; du 10 juillet 1997, Palmisani, C‑261/95, Rec. p. I‑4025, point 20; du 16 décembre 2008, Cartesio, C‑210/06, Rec. p. I‑9641, point 88, ainsi que du 22 juin 2010, Melki et Abdeli, C‑188/10 et C‑189/10, non encore publié au Recueil, point 41). Les juridictions nationales sont d’ailleurs libres d’exercer cette faculté à tout moment de la procédure qu’elles jugent approprié (voir, en ce sens, arrêt Melki et Abdeli, précité, points 52 et 57).

27      La Cour en a conclu qu’une règle de droit national, en vertu de laquelle les juridictions ne statuant pas en dernière instance sont liées par des appréciations portées par la juridiction supérieure, ne saurait enlever à ces juridictions la faculté de la saisir de questions d’interprétation du droit de l’Union concerné par de telles appréciations en droit. La Cour a en effet considéré que la juridiction qui ne statue pas en dernière instance doit être libre, si elle considère que l’appréciation en droit faite au degré supérieur pourrait l’amener à rendre un jugement contraire au droit de l’Union, de la saisir des questions qui la préoccupent (voir, en ce sens, arrêts Rheinmühlen-Düsseldorf, précité, points 4 et 5; Cartesio, précité, point 94; du 9 mars 2010, ERG e.a., C‑378/08, non encore publié au Recueil, point 32, ainsi que Melki et Abdeli, précité, point 42).

28      Au demeurant, il convient de souligner que la faculté reconnue au juge national par l’article 267, deuxième alinéa, TFUE de solliciter une interprétation préjudicielle de la Cour avant de laisser, le cas échéant, inappliquées des instructions d’une juridiction supérieure qui s’avéreraient contraires au droit de l’Union ne saurait se transformer en une obligation (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2010, Kücükdeveci, C‑555/07, non encore publié au Recueil, points 54 et 55).

29      Il importe de rappeler, en second lieu, qu’il résulte d’une jurisprudence constante qu’un arrêt rendu à titre préjudiciel par la Cour lie le juge national, quant à l’interprétation ou à la validité des actes des institutions de l’Union en cause, pour la solution du litige au principal (voir, notamment, arrêts du 24 juin 1969, Milch-, Fett- und Eierkontor, 29/68, Rec. p. 165, point 3; du 3 février 1977, Benedetti, 52/76, Rec. p. 163, point 26; ordonnance du 5 mars 1986, Wünsche, 69/85, Rec. p. 947, point 13, et arrêt du 14 décembre 2000, Fazenda Pública, C‑446/98, Rec. p. I‑11435, point 49).

30      Il découle de ces considérations que le juge national, ayant exercé la faculté que lui confère l’article 267, deuxième alinéa, TFUE, est lié, pour la solution du litige au principal, par l’interprétation des dispositions en cause donnée par la Cour et doit, le cas échéant, écarter les appréciations de la juridiction supérieure s’il estime, eu égard à cette interprétation, que celles-ci ne sont pas conformes au droit de l’Union.

31      Il y a lieu en outre de souligner que, en vertu d’une jurisprudence bien établie, le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’assurer le plein effet de ces dispositions en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition nationale contraire, à savoir, en l’occurrence, la règle de procédure nationale énoncée au point 22 du présent arrêt, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de cette disposition nationale par la voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel (voir, en ce sens, arrêts du 9 mars 1978, Simmenthal, 106/77, Rec. p. 629, point 24, ainsi que du 19 novembre 2009, Filipiak, C‑314/08, non encore publié au Recueil, point 81).

32      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la troisième question que le droit de l’Union s’oppose à ce qu’une juridiction nationale, à laquelle il incombe de statuer à la suite du renvoi qui lui a été fait par une juridiction supérieure saisie sur pourvoi, soit liée, conformément au droit procédural national, par des appréciations portées en droit par la juridiction supérieure, si elle estime, eu égard à l’interprétation qu’elle a sollicitée de la Cour, que lesdites appréciations ne sont pas conformes au droit de l’Union.

 Sur les questions relatives à l’interprétation des articles 49 CE et 22 du règlement n° 1408/71

33      Il convient d’examiner, tout d’abord, la cinquième question, relative à l’étendue du pouvoir des États membres de subordonner à une autorisation préalable la prise en charge de soins hospitaliers dispensés dans un autre État membre, ensuite, les première, deuxième et quatrième questions, portant sur les conditions énoncées à l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1408/71, et, enfin, ensemble, les sixième et septième questions, concernant les modalités de remboursement à l’assuré social desdits soins.

 Sur la cinquième question, relative à l’étendue du pouvoir des États membres de subordonner à une autorisation préalable la prise en charge de soins hospitaliers dispensés dans un autre État membre

34      Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 49 CE et 22 du règlement n° 1408/71 s’opposent à une réglementation d’un État membre qui exclut, dans tous les cas, la prise en charge des soins hospitaliers dispensés dans un autre État membre sans autorisation préalable.

35      La juridiction de renvoi, rappelant que M. Elchinov s’est fait soigner en Allemagne avant d’avoir reçu la réponse de la NZOK à sa demande d’autorisation, se demande si un assuré social peut solliciter la prise en charge des soins hospitaliers dispensés dans un État membre autre que celui sur le territoire duquel il réside sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de l’institution compétente, lorsque son état de santé l’exigeait, ou bien si la réalisation des soins, en l’absence de cette autorisation préalable, entraîne l’extinction du droit de l’assuré social de solliciter la prise en charge de ceux-ci. Relevant que l’article 36 de la loi relative à l’assurance maladie permet la prise en charge de soins dispensés dans un autre État membre uniquement si l’assuré a obtenu une autorisation préalable à cet effet, elle s’interroge sur la conformité d’une telle disposition avec les articles 49 CE et 22 du règlement n° 1408/71.

36      À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les prestations médicales fournies contre rémunération relèvent du champ d’application des dispositions relatives à la libre prestation des services, y compris lorsque les soins sont dispensés dans un cadre hospitalier (voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 2006, Watts, C‑372/04, Rec. p. I‑4325, point 86 et jurisprudence citée, ainsi que du 15 juin 2010, Commission/Espagne, C‑211/08, non encore publié au Recueil, point 47 et jurisprudence citée).

37      Il a aussi été jugé que la libre prestation des services inclut la liberté des destinataires des services, notamment des personnes devant recevoir des soins médicaux, de se rendre dans un autre État membre pour y bénéficier de ces services (voir arrêts précités Watts, point 87 et jurisprudence citée, ainsi que Commission/Espagne, points 48 à 50 et jurisprudence citée).

38      L’applicabilité de l’article 22 du règlement n° 1408/71 à la situation en cause n’exclut pas que celle-ci entre dans le champ d’application des dispositions relatives à la libre prestation des services et, en l’occurrence, de l’article 49 CE. En effet, d’une part, le fait qu’une réglementation nationale puisse éventuellement être conforme à une disposition de droit dérivé, en l’espèce l’article 22 du règlement n° 1408/71, n’a pas pour effet de la faire échapper aux dispositions du traité CE (voir, en ce sens, arrêts précités Watts, points 46 et 47, ainsi que Commission/Espagne, point 45).

39      D’autre part, l’article 22, paragraphe 1, sous c), i), du règlement n° 1408/71 a pour objet de conférer un droit aux prestations en nature servies, pour le compte de l’institution compétente, par l’institution du lieu de séjour, selon les dispositions de la législation de l’État membre dans lequel les prestations sont servies, comme si l’intéressé relevait de cette dernière institution (voir, en ce sens, arrêts du 28 avril 1998, Decker, C‑120/95, Rec. p. I‑1831, points 28 et 29, ainsi que Kohll, C‑158/96, Rec. p. I‑1931, points 26 et 27; du 12 juillet 2001, Vanbraekel e.a., C‑368/98, Rec. p. I‑5363, points 32 et 36; du 23 octobre 2003, Inizan, C‑56/01, Rec. p. I‑12403, points 19 et 20, ainsi que Watts précité, point 48). Le paragraphe 2, second alinéa, du même article, quant à lui, a pour seul objet d’identifier les circonstances dans lesquelles il est exclu que l’institution compétente puisse refuser l’autorisation sollicitée sur le fondement du paragraphe 1, sous c) (voir, en ce sens, arrêt Vanbraekel e.a., précité, point 31).

40      En deuxième lieu, il convient également de rappeler que, ainsi que l’ont fait valoir les gouvernements ayant présenté des observations dans la présente affaire, il est constant que le droit de l’Union ne porte pas atteinte à la compétence des États membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale et que, en l’absence d’une harmonisation au niveau de l’Union européenne, il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer les conditions d’octroi des prestations en matière de sécurité sociale. Il demeure toutefois que, dans l’exercice de cette compétence, les États membres doivent respecter le droit de l’Union, notamment les dispositions relatives à la libre prestation des services, lesquelles comportent l’interdiction pour ces derniers d’introduire ou de maintenir des restrictions injustifiées à l’exercice de cette liberté dans le domaine de la santé (voir notamment, en ce sens, arrêts Watts, précité, point 92 et jurisprudence citée; du 19 avril 2007, Stamatelaki, C‑444/05, Rec. p. I‑3185, point 23, et Commission/Espagne, précité, point 53).

41      Bien qu’une autorisation préalable, telle que celle exigée par l’article 36 de la loi relative à l’assurance maladie, constitue, tant pour les patients que pour les prestataires, un obstacle à la libre prestation des services (voir, en ce sens, arrêts Kohll, précité, point 35; du 12 juillet 2001, Smits et Peerbooms, C‑157/99, Rec. p. I‑5473, point 69; du 13 mai 2003, Müller-Fauré et van Riet, C‑385/99, Rec. p. I‑4509, point 44, ainsi que Watts, précité, point 98), la Cour a néanmoins jugé que l’article 49 CE ne s’oppose pas en principe à ce que le droit d’un patient d’obtenir des soins hospitaliers dans un autre État membre à la charge du système dont il relève soit soumis à une autorisation préalable (voir, en ce sens, arrêts précités Smits et Peerbooms, point 82, ainsi que Watts, point 113).

42      En effet, la Cour a considéré qu’il ne saurait être exclu qu’un risque d’atteinte grave à l’équilibre financier du système de sécurité sociale puisse constituer une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une entrave à la libre prestation des services. Elle a de même reconnu que l’objectif de maintenir un service médical et hospitalier équilibré et accessible à tous peut également relever des dérogations pour des raisons de santé publique au titre de l’article 46 CE, dans la mesure où un tel objectif contribue à la réalisation d’un niveau élevé de protection de la santé. Elle a encore précisé que cet article 46 CE permet aux États membres de restreindre la libre prestation des services médicaux et hospitaliers, dans la mesure où le maintien d’une capacité de soins ou d’une compétence médicale sur le territoire national est essentiel à la santé publique, voire même pour la survie de la population (voir, en ce sens, arrêts précités Kohll, points 41, 50 et 51; Smits et Peerbooms, points 72 à 74; Müller-Fauré et van Riet, points 67 et 73, ainsi que Watts, points 103 à 105).

43      La Cour a également considéré que le nombre des infrastructures hospitalières, leur répartition géographique, leur aménagement et les équipements dont elles sont pourvues, ou encore la nature des services médicaux qu’elles sont à même d’offrir, doivent pouvoir faire l’objet d’une planification, laquelle répond, en règle générale, à diverses préoccupations. D’une part, cette planification poursuit l’objectif de garantir sur le territoire de l’État membre concerné une accessibilité suffisante et permanente à une gamme équilibrée de soins hospitaliers de qualité. D’autre part, elle participe d’une volonté d’assurer une maîtrise des coûts et d’éviter, dans la mesure du possible, tout gaspillage de ressources financières, techniques et humaines. Un tel gaspillage s’avérerait en effet d’autant plus dommageable qu’il est constant que le secteur des soins hospitaliers engendre des coûts considérables et doit répondre à des besoins croissants, tandis que les ressources financières pouvant être consacrées aux soins de santé ne sont, quel que soit le mode de financement utilisé, pas illimitées (arrêts précités Smits et Peerbooms, points 76 à 79, ainsi que Watts, points 108 et 109).

44      En troisième lieu, il doit encore être rappelé que, si le droit de l’Union ne s’oppose pas en principe à un système d’autorisation préalable, il est néanmoins nécessaire que les conditions mises à l’octroi d’une telle autorisation soient justifiées au regard des impératifs susvisés, qu’elles n’excèdent pas ce qui est objectivement nécessaire à cette fin et que le même résultat ne puisse pas être obtenu par des règles moins contraignantes. Un tel système doit en outre être fondé sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, de manière à encadrer l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités nationales afin que celui-ci ne soit pas exercé de manière arbitraire (voir, en ce sens, arrêts précités Smits et Peerbooms, points 82 et 90; Müller-Fauré et van Riet, points 83 à 85, ainsi que Watts, points 114 à 116).

45      En l’occurrence, il convient de constater qu’une réglementation nationale excluant dans tous les cas la prise en charge des soins hospitaliers dispensés sans autorisation préalable prive l’assuré social, qui, pour des raisons liées à son état de santé ou à la nécessité de recevoir des soins en urgence dans un établissement hospitalier, a été empêché de solliciter une telle autorisation ou n’a pu, comme M. Elchinov, attendre la réponse de l’institution compétente, de la prise en charge, par cette institution, de tels soins, quand bien même les conditions d’une telle prise en charge seraient par ailleurs réunies.

46      Or, la prise en charge de tels soins, dans des situations particulières telles que celles décrites au point précédent, n’est pas de nature à compromettre la réalisation des objectifs de planification hospitalière mentionnés au point 43 du présent arrêt ni à porter gravement atteinte à l’équilibre financier du système de sécurité sociale. Elle n’affecte pas le maintien d’un service hospitalier équilibré et accessible à tous non plus que celui d’une capacité de soins et d’une compétence médicale sur le territoire national.

47      Par conséquent, une telle réglementation n’est pas justifiée par lesdits impératifs et, en tout état de cause, ne satisfait pas à l’exigence de proportionnalité rappelée au point 44 du présent arrêt. Partant, elle comporte une restriction injustifiée à la libre prestation des services.

48      En outre, s’agissant de l’application de l’article 22, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1408/71, la Cour a jugé, au point 34 de l’arrêt Vanbraekel e.a., précité, que, lorsqu’un assuré social ayant introduit une demande d’autorisation sur le fondement de cette disposition a essuyé un refus de la part de l’institution compétente et que le caractère non fondé d’un tel refus est ultérieurement établi soit par l’institution compétente elle-même, soit par une décision juridictionnelle, cet assuré est en droit d’obtenir directement le remboursement, par l’institution compétente, d’un montant équivalent à celui qui aurait normalement été pris en charge si l’autorisation avait été dûment délivrée dès l’origine.

49      Il s’ensuit que la réglementation d’un État membre ne saurait exclure dans tous les cas la prise en charge des soins hospitaliers dispensés sans autorisation préalable dans un autre État membre.

50      S’agissant de la réglementation en cause au principal, ainsi que l’a relevé en substance M. l’avocat général aux points 49 et 50 de ses conclusions, l’article 36 de la loi relative à l’assurance maladie est ambigu. Il incombe, en tout état de cause, à la juridiction de renvoi d’apprécier, au vu des indications contenues dans le présent arrêt, la conformité de cet article avec les articles 49 CE et 22 du règlement n° 1408/71 tels qu’interprétés par la Cour et, dans la mesure où ledit article 36 peut faire l’objet de plusieurs interprétations, de l’interpréter conformément au droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Melki et Abdeli, précité, point 50 et jurisprudence citée).

51      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de répondre à la cinquième question que les articles 49 CE et 22 du règlement n° 1408/71 s’opposent à une réglementation d’un État membre interprétée en ce sens qu’elle exclut, dans tous les cas, la prise en charge des soins hospitaliers dispensés sans autorisation préalable dans un autre État membre.

 Sur les première, deuxième et quatrième questions, relatives aux conditions énoncées à l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1408/71

52      Par ses première, deuxième et quatrième questions, la juridiction de renvoi demande en substance si, s’agissant de soins médicaux ne pouvant être dispensés dans l’État membre sur le territoire duquel réside l’assuré social, l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1408/71 doit être interprété en ce sens qu’une autorisation requise au titre du paragraphe 1, sous c), i), du même article ne peut être refusée lorsque, d’une part, la législation de cet État membre prévoit le type de traitement dont il s’agit, mais n’indique pas expressément et précisément la méthode de traitement appliquée, et que, d’autre part, un traitement alternatif présentant le même degré d’efficacité ne peut être prodigué en temps opportun dans ce même État membre. Elle cherche en outre à savoir si ce même article doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les organes nationaux appelés à se prononcer sur une demande d’autorisation préalable présument, lors de l’application de cette disposition, que les soins hospitaliers ne pouvant être dispensés dans ledit État membre ne figurent pas parmi les prestations dont la prise en charge est prévue par la législation de cet État et, inversement, que les soins hospitaliers figurant parmi ces prestations peuvent être prodigués dans cet État membre.

53      L’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1408/71 énonce deux conditions dont la réunion rend obligatoire la délivrance, par l’institution compétente, de l’autorisation préalable sollicitée sur le fondement du paragraphe 1, sous c), i), du même article (voir, en ce sens, arrêts précités Inizan, point 41, et Watts, point 55).

54      La première condition exige que les soins dont il s’agit figurent parmi les prestations prévues par la législation de l’État membre sur le territoire duquel réside l’assuré social, tandis que la seconde condition requiert que les soins que ce dernier envisage de recevoir dans un État membre autre que celui sur le territoire duquel il réside ne puissent, compte tenu de son état actuel de santé et de l’évolution probable de sa maladie, lui être dispensés dans le délai normalement nécessaire pour obtenir le traitement dont il s’agit dans l’État membre de résidence (arrêts précités Inizan, points 42 et 44, ainsi que Watts, points 56 et 57).

55      La quatrième question soumise à la Cour portant sur la première de ces conditions, il convient d’examiner d’abord celle-ci. Ensuite, sera analysée la deuxième question, qui a trait à la seconde de ces conditions, et, enfin, sera examinée la première question, relative à la présomption évoquée dans la décision de renvoi, la réponse à cette question découlant de celles données aux deux autres.

–       Sur la quatrième question, relative à la première condition énoncée à l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1408/71

56      Afin d’établir si la première condition énoncée à l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1408/71 est remplie, il convient de vérifier si les «soins dont il s’agit», à savoir, ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, le traitement de l’œil prescrit par ordonnance médicale et consistant en la mise en place d’applicateurs radioactifs ou d’une protonthérapie, figurent parmi les «prestations prévues par la législation de l’État membre sur le territoire duquel réside l’intéressé», c’est-à-dire parmi les prestations pour lesquelles le régime de sécurité sociale bulgare prévoit la prise en charge.

57      À cet égard, il doit être souligné que, ainsi qu’il a été rappelé au point 40 du présent arrêt, le droit de l’Union ne porte pas atteinte à la compétence des États membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale et que, en l’absence d’une harmonisation au niveau de l’Union, il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer les conditions d’octroi des prestations en matière de sécurité sociale.

58      Ainsi, il a déjà été jugé qu’il n’est en principe pas incompatible avec le droit de l’Union qu’un État membre procède à l’établissement de listes limitatives des prestations médicales prises en charge par son système de sécurité sociale et que ce droit ne saurait en principe avoir pour effet de contraindre un État membre à étendre de telles listes de prestations (voir, en ce sens, arrêt Smits et Peerbooms, précité, point 87).

59      Il s’ensuit que, comme l’ont fait valoir les gouvernements ayant présenté des observations dans la présente affaire, il revient à chaque État membre de prévoir les prestations médicales prises en charge par son propre système de sécurité sociale. À cette fin, l’État membre concerné a la faculté d’établir une liste énumérant précisément des traitements ou des méthodes de traitement ou visant plus généralement des catégories ou des types de traitements ou de méthodes de traitement.

60      Il incombe, dans ce contexte, aux seuls organes nationaux appelés à se prononcer sur une demande d’autorisation en vue de recevoir des soins dispensés dans un État membre autre que celui sur le territoire duquel réside l’assuré social de déterminer si ces soins entrent dans les prévisions d’une telle liste. En l’occurrence, il appartient à la juridiction de renvoi de juger si les soins reçus par M. Elchinov en Allemagne figurent parmi les parcours de traitement clinique mentionnés à l’annexe 5 du décret n° 40.

61      Il demeure toutefois que, les États membres étant tenus de ne pas méconnaître le droit de l’Union dans l’exercice de leur compétence, il doit être veillé à ce que l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1408/71 soit appliqué conformément audit droit, dans le respect des exigences rappelées au point 44 du présent arrêt.

62      Il en découle, lorsque la liste des prestations médicales prises en charge ne mentionne pas expressément et précisément la méthode de traitement appliquée, mais définit des types de traitements, d’une part, qu’il appartient à l’institution compétente de l’État membre de résidence de l’assuré social d’examiner, en application des principes d’interprétation usuels et sur la base de critères objectifs et non discriminatoires, en prenant en considération tous les éléments médicaux pertinents et les données scientifiques disponibles, si cette méthode de traitement correspond à des prestations prévues par la législation de cet État membre. Il en résulte, d’autre part, que si tel est le cas, une demande d’autorisation préalable ne saurait être refusée au motif qu’une telle méthode de traitement n’est pas pratiquée dans l’État membre de résidence de l’assuré social, car un tel motif, s’il était admis, impliquerait une restriction de la portée de l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1408/71.

–       Sur la deuxième question, relative à la seconde condition énoncée à l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1408/71

63      Afin d’établir si la seconde condition énoncée à l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1408/71 est remplie, il convient de vérifier si les soins dont il s’agit peuvent, compte tenu de l’état actuel de santé de l’assuré social et de l’évolution de sa maladie, lui être dispensés dans le délai normalement nécessaire pour les obtenir dans l’État membre de résidence.

64      En l’occurrence, la juridiction de renvoi indique que le traitement en question ne peut être dispensé dans l’État membre de résidence de l’intéressé où il aurait été procédé à une intervention chirurgicale qui ne saurait être considérée, selon elle, comme un traitement identique ou présentant le même degré d’efficacité. Or, si le fait que le traitement envisagé dans un autre État membre n’est pas pratiqué dans l’État membre de résidence de l’intéressé n’implique pas, per se, que la seconde condition énoncée à l’article 22, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71 est remplie, force est au contraire de constater que tel est le cas lorsqu’un traitement présentant le même degré d’efficacité ne peut y être prodigué en temps opportun.

65      En effet, la Cour a déjà jugé que l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1408/71 doit être interprété en ce sens que l’autorisation à laquelle se réfère cette disposition ne peut être refusée lorsqu’il apparaît que la première condition énoncée par celle-ci est satisfaite et qu’un traitement identique ou présentant le même degré d’efficacité ne peut être obtenu en temps opportun dans l’État membre sur le territoire duquel réside l’intéressé (voir, en ce sens, arrêts précités Inizan, points 45, 59 et 60, ainsi que Watts, points 59 à 61).

66      La Cour a précisé à cet égard que, aux fins d’apprécier si un traitement présentant le même degré d’efficacité pour le patient peut être obtenu en temps utile dans l’État membre de résidence, l’institution compétente est tenue de prendre en considération l’ensemble des circonstances caractérisant chaque cas concret, en tenant dûment compte non seulement de la situation médicale du patient au moment où l’autorisation est sollicitée et, le cas échéant, du degré de la douleur ou de la nature du handicap de ce dernier, qui pourrait, par exemple, rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice d’une activité professionnelle, mais également de ses antécédents (arrêts précités Inizan, point 46, et Watts, point 62).

67      Ainsi, dans le contexte où les soins dont il s’agit ne peuvent être dispensés dans l’État membre sur le territoire duquel réside l’assuré social et où les prestations prévues par la législation de cet État membre font l’objet non pas d’une énumération précise de traitements ou de méthodes de traitement, mais d’une définition plus générale de catégories ou de types de traitements ou de méthodes de traitement, l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1408/71 implique que, s’il est établi que le traitement envisagé dans un autre État membre relève de l’une de ces catégories ou correspond à l’un de ces types, l’institution compétente est tenue de délivrer à l’assuré social l’autorisation nécessaire à la prise en charge du coût de ce traitement lorsque le traitement alternatif pouvant être prodigué en temps opportun dans l’État membre de sa résidence ne présente pas, comme dans la situation décrite par la juridiction de renvoi, le même degré d’efficacité.

–       Sur la première question, relative à la présomption évoquée dans la décision de renvoi

68      À l’appui de cette question, la juridiction de renvoi expose que, selon les indications données dans l’affaire au principal par le Varhoven administrativen sad, si les soins hospitaliers considérés ne peuvent être dispensés en Bulgarie, il convient de présumer que lesdits soins n’entrent pas dans les parcours de traitement clinique pris en charge par la NZOK et, inversement, si lesdits soins sont pris en charge par cette dernière, il y a lieu de présumer qu’ils peuvent être dispensés en Bulgarie. Cette juridiction s’interroge sur la conformité d’une telle présomption avec l’article 22 du règlement n° 1408/71, celle-ci ayant pour conséquence, selon elle, que les deux conditions énoncées au paragraphe 2, second alinéa, du même article ne peuvent être réunies que dans l’hypothèse où des soins présentant le même degré d’efficacité sont pratiqués dans l’État membre de résidence, mais ne peuvent l’être en temps opportun.

69      À cet égard, il convient de constater qu’il découle de l’interprétation de l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1408/71 faite dans le cadre de l’examen des quatrième et deuxième questions qu’une décision relative à une demande d’autorisation requise au titre du paragraphe 1, sous c), i), du même article ne saurait être fondée sur une telle présomption.

70      En effet, en premier lieu, il résulte de ce qui est énoncé au point 62 du présent arrêt, d’une part, que doit être examiné, dans chaque cas, en application des principes d’interprétation usuels et sur la base de critères objectifs et non discriminatoires, en prenant en considération tous les éléments pertinents et les données scientifiques disponibles, si la méthode de traitement dont il s’agit correspond à des prestations prévues par la législation nationale et, d’autre part, qu’une demande d’autorisation préalable ne saurait être refusée au motif qu’une telle méthode de traitement n’est pas pratiquée dans l’État membre de résidence de l’assuré social.

71      En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 64 à 67 du présent arrêt qu’une demande d’autorisation ne peut être rejetée lorsque des soins identiques à ceux envisagés ou présentant le même degré d’efficacité ne peuvent être dispensés dans l’État membre de résidence en temps opportun, ce qui doit être également vérifié dans chaque cas.

72      Outre que l’utilisation de la présomption évoquée dans la première question posée par la juridiction de renvoi aurait pour effet de restreindre la portée de l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1408/71, elle conduirait à créer une entrave à la libre prestation des services dans le secteur de la santé, non justifiée par les impératifs visés aux points 42 et 43 du présent arrêt.

73      Au vu de ces considérations, il y a lieu de répondre aux première, deuxième et quatrième questions que, s’agissant de soins médicaux ne pouvant être dispensés dans l’État membre sur le territoire duquel réside l’assuré social, l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1408/71 doit être interprété en ce sens qu’une autorisation requise au titre du paragraphe 1, sous c), i), du même article ne peut être refusée:

–        si, lorsque les prestations prévues par la législation nationale font l’objet d’une liste ne mentionnant pas expressément et précisément la méthode de traitement appliquée, mais définissant des types de traitements pris en charge par l’institution compétente, il est établi, en application des principes d’interprétation usuels et à la suite d’un examen fondé sur des critères objectifs et non discriminatoires, prenant en considération tous les éléments médicaux pertinents et les données scientifiques disponibles, que cette méthode de traitement correspond à des types de traitements mentionnés dans cette liste, et

–        si un traitement alternatif présentant le même degré d’efficacité ne peut être prodigué en temps opportun dans l’État membre sur le territoire duquel réside l’assuré social.

Le même article s’oppose à ce que les organes nationaux appelés à se prononcer sur une demande d’autorisation préalable présument, lors de l’application de cette disposition, que les soins hospitaliers ne pouvant être dispensés dans l’État membre sur le territoire duquel réside l’assuré social ne figurent pas parmi les prestations dont la prise en charge est prévue par la législation de cet État et, inversement, que les soins hospitaliers figurant parmi ces prestations peuvent être prodigués dans ledit État membre.

 Sur les sixième et septième questions, relatives aux modalités de remboursement à l’assuré social des soins hospitaliers dispensés dans un autre État membre

74      Par ses sixième et septième questions, la juridiction de renvoi demande si le juge national doit contraindre l’institution compétente à délivrer à l’assuré social le formulaire E 112 s’il considère que, alors même que les soins hospitaliers sont achevés au moment où il statue, le refus de délivrer ce document est illégal. Elle demande en outre si, dans ce cas, les soins hospitaliers doivent être remboursés à l’assuré social par l’institution compétente ou par celle du lieu où ont été dispensés les soins et à hauteur de quel montant le remboursement doit être effectué lorsque le montant des prestations prévues par la législation de l’État membre de résidence de l’assuré social diffère de celui des prestations prévues par l’État membre sur le territoire duquel les soins ont été dispensés.

75      À cet égard, il convient d’observer que la délivrance d’une autorisation préalable telle que celle prenant la forme du formulaire E 112 ne semble pas présenter d’utilité lorsque les soins hospitaliers ont déjà été dispensés à l’assuré social, sauf, éventuellement, dans l’hypothèse où ceux-ci n’ont pas encore été facturés à l’intéressé ou n’ont pas été acquittés. En dehors de cette hypothèse, ainsi qu’il a été dit au point 48 du présent arrêt, l’assuré social a le droit, dans un tel cas, d’obtenir directement le remboursement, par l’institution compétente, d’un montant équivalent à celui qui aurait normalement été pris en charge par cette dernière si l’autorisation avait été dûment délivrée avant le début des soins.

76      En tout état de cause, il incombe au juge national d’obliger l’institution compétente, selon les règles de procédure nationales, à prendre en charge le montant mentionné au point précédent.

77      Ce montant est égal à celui déterminé selon les dispositions de la législation à laquelle est soumise l’institution de l’État membre sur le territoire duquel ont été dispensés les soins hospitaliers (voir, en ce sens, arrêt Vanbraekel e.a., précité, point 32).

78      Si le montant du remboursement des frais exposés pour des services hospitaliers fournis dans un État membre autre que celui de résidence, qui résulte de l’application des règles en vigueur dans celui-ci, est inférieur à celui qui aurait résulté de l’application de la législation en vigueur dans l’État membre de résidence en cas d’hospitalisation dans ce dernier, il doit en outre être accordé par l’institution compétente, en vertu de l’article 49 CE tel qu’interprété par la Cour, un remboursement complémentaire correspondant à la différence entre ces deux montants (voir, en ce sens, arrêts précités Vanbraekel e.a., points 38 à 52, ainsi que Commission/Espagne, points 56 et 57).

79      La Cour a précisé que, dans l’hypothèse où la législation de l’État membre compétent prévoit la gratuité des soins hospitaliers prodigués dans le cadre d’un service national de santé, et où la législation de l’État membre dans lequel un patient relevant dudit service a été, ou aurait dû être, autorisé à recevoir un traitement hospitalier aux frais de ce service ne prévoit pas une prise en charge intégrale du coût dudit traitement, il doit être accordé à ce patient, par l’institution compétente, un remboursement correspondant à la différence éventuelle entre, d’une part, le montant du coût, objectivement quantifié, d’un traitement équivalent dans un établissement relevant du service en cause, plafonné, le cas échéant, à hauteur du montant global facturé pour le traitement prodigué dans l’État membre de séjour, et, d’autre part, le montant à concurrence duquel l’institution de ce dernier État membre est tenue d’intervenir, au titre de l’article 22, paragraphe 1, sous c), i), du règlement n° 1408/71, pour le compte de l’institution compétente, en application des dispositions de la législation de cet État membre (arrêt Watts, précité, point 143).

80      Il convient d’ajouter que, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 85 de ses conclusions, les assurés sociaux qui reçoivent des soins hospitaliers dans un État membre autre que celui de résidence sans solliciter d’autorisation au titre de l’article 22, paragraphe 1, sous c), i), du règlement n° 1408/71 ne peuvent prétendre à la prise en charge desdits soins, sur le fondement de l’article 49 CE, que dans la limite de la couverture garantie par le régime d’assurance maladie auquel ils sont affiliés (voir, en ce sens, arrêt Müller-Fauré et van Riet, points 98 et 106). Il en va de même lorsque le refus de délivrance d’une autorisation préalable requise au titre dudit article 22 est fondé.

81      Au vu de ces considérations, il y a lieu de répondre aux sixième et septième questions comme suit:

–        Lorsqu’il est établi que le refus de délivrance d’une autorisation requise au titre de l’article 22, paragraphe 1, sous c), i), du règlement n° 1408/71 n’était pas fondé, alors que les soins hospitaliers sont achevés et que les frais y afférents ont été exposés par l’assuré social, la juridiction nationale doit obliger l’institution compétente, selon les règles de procédure nationales, à rembourser audit assuré social le montant qui aurait normalement été acquitté par cette dernière si l’autorisation avait été dûment délivrée.

–        Ledit montant est égal à celui déterminé selon les dispositions de la législation à laquelle est soumise l’institution de l’État membre sur le territoire duquel ont été dispensés les soins hospitaliers. Si ce montant est inférieur à celui qui aurait résulté de l’application de la législation en vigueur dans l’État membre de résidence en cas d’hospitalisation dans ce dernier, il doit en outre être accordé à l’assuré social un remboursement complémentaire, à charge de l’institution compétente, correspondant à la différence entre ces deux montants, dans la limite des frais réellement exposés.

 Sur les dépens

82      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)      Le droit de l’Union s’oppose à ce qu’une juridiction nationale, à laquelle il incombe de statuer à la suite du renvoi qui lui a été fait par une juridiction supérieure saisie sur pourvoi, soit liée, conformément au droit procédural national, par des appréciations portées en droit par la juridiction supérieure, si elle estime, eu égard à l’interprétation qu’elle a sollicitée de la Cour, que lesdites appréciations ne sont pas conformes au droit de l’Union.

2)      Les articles 49 CE et 22 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, s’opposent à une réglementation d’un État membre interprétée en ce sens qu’elle exclut, dans tous les cas, la prise en charge des soins hospitaliers dispensés sans autorisation préalable dans un autre État membre.

3)      S’agissant de soins ne pouvant être dispensés dans l’État membre sur le territoire duquel réside l’assuré social, l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 118/97, tel que modifié par le règlement n° 1992/2006, doit être interprété en ce sens qu’une autorisation requise au titre du paragraphe 1, sous c), i), du même article ne peut être refusée:

–        si, lorsque les prestations prévues par la législation nationale font l’objet d’une liste ne mentionnant pas expressément et précisément la méthode de traitement appliquée mais définissant des types de traitements pris en charge par l’institution compétente, il est établi, en application des principes d’interprétation usuels et à la suite d’un examen fondé sur des critères objectifs et non discriminatoires, prenant en considération tous les éléments médicaux pertinents et les données scientifiques disponibles, que cette méthode de traitement correspond à des types de traitements mentionnés dans cette liste, et

–        si un traitement alternatif présentant le même degré d’efficacité ne peut être prodigué en temps opportun dans l’État membre sur le territoire duquel réside l’assuré social.

Le même article s’oppose à ce que les organes nationaux appelés à se prononcer sur une demande d’autorisation préalable présument, lors de l’application de cette disposition, que les soins hospitaliers ne pouvant être dispensés dans l’État membre sur le territoire duquel réside l’assuré social ne figurent pas parmi les prestations dont la prise en charge est prévue par la législation de cet État et, inversement, que les soins hospitaliers figurant parmi ces prestations peuvent être prodigués dans ledit État membre.

4)      Lorsqu’il est établi que le refus de délivrance d’une autorisation requise au titre de l’article 22, paragraphe 1, sous c), i), du règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 118/97, tel que modifié par le règlement n° 1992/2006, n’était pas fondé, alors que les soins hospitaliers sont achevés et que les frais y afférents ont été exposés par l’assuré social, la juridiction nationale doit obliger l’institution compétente, selon les règles de procédure nationales, à rembourser audit assuré social le montant qui aurait normalement été acquitté par cette dernière si l’autorisation avait été dûment délivrée.

Ledit montant est égal à celui déterminé selon les dispositions de la législation à laquelle est soumise l’institution de l’État membre sur le territoire duquel ont été dispensés les soins hospitaliers. Si ce montant est inférieur à celui qui aurait résulté de l’application de la législation en vigueur dans l’État membre de résidence en cas d’hospitalisation dans ce dernier, il doit en outre être accordé à l’assuré social un remboursement complémentaire, à charge de l’institution compétente, correspondant à la différence entre ces ceux montants, dans la limite des frais réellement exposés.

Signatures


* Langue de procédure: le bulgare.