CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MmeJuliane Kokott

présentées le 8 septembre 2009 (1)

Affaire C‑139/07 P

Commission des Communautés européennes

contre

Technische Glaswerke Ilmenau GmbH

soutenue par le Royaume de Danemark

Autres parties:

République de Finlande

Royaume de Suède





«Pourvoi – Accès aux documents des institutions – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Protection de l’intérêt des activités d’enquête – Procédure de contrôle des aides d’État – Refus d’accès aux documents»

I –    Introduction

1.        La présente procédure soulève la question de la confidentialité du dossier de la Commission des Communautés européennes dans une procédure d’examen d’une aide d’État en cours.

2.        Dans le passé, l’accès à ce dossier n’a été abordé que sous l’angle du droit procédural de consulter le dossier. Seules les parties à la procédure disposent d’un tel droit. Dans les procédures de contrôle des aides d’État, ce statut n’est reconnu qu’à l’État membre concerné en vertu de l’article 88 CE et du règlement (CE) n° 659/1999 (2).

3.        S’il est vrai que les autres parties intéressées peuvent introduire un recours contre la décision relative à l’aide d’État si elles sont directement et individuellement concernées, elles ne bénéficient pas toutefois du statut de parties à la procédure d’aide d’État et la Commission peut donc leur refuser le droit d’accès au dossier.

4.        Le règlement (CE) n° 1049/2001 (3) permet, en revanche, à tout citoyen de consulter l’ensemble des documents détenus par la Commission. C’est ce droit dont se prévaut la Technische Glaswerke Ilmenau GmbH (ci-après «TGI»). Elle exige l’accès aux documents détenus par la Commission relatifs aux aides la concernant.

5.        La Commission estime, en revanche, que, dans la mesure où TGI ne dispose pas d’un droit d’accès au dossier, il existe également une exception au droit d’accès aux documents. Elle se prévaut, à cet égard, de la protection de l’objectif des activités d’enquête au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.

6.        La position de la Commission repose, du moins en partie, sur les difficultés pratiques considérables liées à l’accès aux documents figurant dans le dossier de la procédure. Ces dossiers sont souvent très volumineux et contiennent beaucoup d’informations qu’il convient de traiter, dans la mesure du possible, de manière confidentielle pour d’autres raisons que la protection de l’objectif des activités d’enquête (par exemple les secrets d’affaires ou les documents internes). Un examen individuel des divers documents pourrait donc être très fastidieux, d’autant plus que les services compétents ont déjà fort à faire avec l’enquête sur l’aide. Des problèmes analogues existent dans d’autres procédures d’enquêtes en matière de droit de la concurrence.

II – Cadre juridique

7.        Le cadre juridique de l’affaire est constitué par l’article 1er, deuxième alinéa, UE et l’article 255 CE, ainsi que par le règlement n° 1049/2001.

8.        L’article 1er, deuxième alinéa, UE dispose:

«Le présent traité marque une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens.»

9.        L’article 255, paragraphes 1 et 2, CE dispose:

«1. Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, sous réserve des principes et des conditions qui seront fixés conformément aux paragraphes 2 et 3.

2. Les principes généraux et les limites qui, pour des raisons d’intérêt public ou privé, régissent l’exercice de ce droit d’accès aux documents sont fixés par le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251, dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam.»

10.      L’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (4), adoptée à Nice le 7 décembre 2000 (ci-après la «charte des droits fondamentaux»), reconnaît ce droit:

«Tout citoyen de l’Union ainsi que toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, organes et organismes de l’Union, quel que soit leur support.»

11.      Sur la base de l’article 255, paragraphe 2, CE, le Conseil a adopté le règlement n° 1049/2001. Les deuxième, quatrième, dixième et onzième considérants de ce règlement sont libellés comme suit:

«(2)      La transparence permet d’assurer une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel, ainsi que de garantir une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique. La transparence contribue à renforcer les principes de la démocratie et le respect des droits fondamentaux tels qu’ils sont définis à l’article 6 du traité UE et dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

[…]

(4)      Le présent règlement vise à conférer le plus large effet possible au droit d’accès du public aux documents et à en définir les principes généraux et limites conformément à l’article 255, paragraphe 2, du traité CE.

[…]

(10)      Afin d’améliorer la transparence des travaux des institutions, le Parlement européen, le Conseil et la Commission devraient donner accès non seulement aux documents établis par les institutions, mais aussi aux documents reçus par celles-ci. Dans ce contexte, il convient de rappeler que la déclaration n° 35 annexée à l’acte final du traité d’Amsterdam prévoit qu’un État membre peut demander à la Commission ou au Conseil de ne pas communiquer à des tiers un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui-ci.

(11)      En principe, tous les documents des institutions devraient être accessibles au public. Toutefois, certains intérêts publics et privés devraient être garantis par le biais d’un régime d’exceptions. Il convient de permettre aux institutions de protéger leurs consultations et délibérations internes lorsque c’est nécessaire pour préserver leur capacité à remplir leurs missions. […]»

12.      Selon l’article 1er, sous a), du règlement n° 1049/2001, l’objectif du règlement est de «définir les principes, les conditions et les limites, fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé, du droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission […] prévu à l’article 255 du traité CE de manière à garantir un accès aussi large que possible aux documents».

13.      L’article 2, paragraphe 1, dudit règlement confère à tout citoyen de l’Union et à toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre un droit d’accès aux documents des institutions, «sous réserve des principes, conditions et limites définis par le […] règlement».

14.      L’article 2, paragraphe 3, du règlement dispose que ledit règlement s’applique à tous les documents détenus par une institution, «c’est-à-dire établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union européenne».

15.      L’article 3, sous a), définit comme «document» «tout contenu quel que soit son support (écrit sur support papier ou stocké sous forme électronique, enregistrement sonore, visuel ou audiovisuel) concernant une matière relative aux politiques, activités et décisions relevant de la compétence de l’institution».

16.      L’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 («Exceptions») dispose que:

«(2) Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection:

–        des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,

–        des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,

–        des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit,

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.»

17.      L’article 6 du règlement régit la demande présentée par le citoyen de l’Union:

«1. Les demandes d’accès aux documents sont formulées sous forme écrite, y compris par des moyens électroniques, dans l’une des langues énumérées à l’article 314 du traité CE et de façon suffisamment précise pour permettre à l’institution d’identifier le document. Le demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande.

2. Si une demande n’est pas suffisamment précise, l’institution invite le demandeur à la clarifier et assiste celui-ci à cette fin, par exemple en lui donnant des informations sur l’utilisation des registres publics de documents.

3. En cas de demande portant sur un document très long ou sur un très grand nombre de documents, l’institution concernée peut se concerter avec le demandeur de manière informelle afin de trouver un arrangement équitable.

4. Les institutions assistent et informent les citoyens quant aux modalités de dépôt des demandes d’accès aux documents.»

18.      Le règlement n° 659/1999 régit la procédure d’examen des aides d’État. Son article 20 réglemente les droits des parties intéressées:

«1. Toute partie intéressée peut présenter des observations conformément à l’article 6 suite à une décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Toute partie intéressée qui a présenté de telles observations et tout bénéficiaire d’une aide individuelle reçoivent une copie de la décision prise par la Commission conformément à l’article 7.

2. Toute partie intéressée peut informer la Commission de toute aide illégale prétendue et de toute application prétendue abusive de l’aide. Lorsque la Commission estime, sur la base des informations dont elle dispose, qu’il n’y a pas de motifs suffisants pour se prononcer sur le cas, elle en informe la partie intéressée. Lorsque la Commission prend une décision sur un cas concernant la teneur des informations fournies, elle envoie une copie de cette décision à la partie intéressée.

3. À sa demande, toute partie intéressée obtient une copie de toute décision prise dans le cadre de l’article 4, de l’article 7, de l’article 10, paragraphe 3, et de l’article 11.»

III – Faits et procédure

A –    Le contexte du litige

1.      La procédure d’aide d’État C 19/2000

19.      TGI est une société allemande dont le siège se trouve dans le Land de Thuringe. Elle fabrique du verre spécial. En 1997, la Bundesanstalt für vereinigungsbedingte Sonderaufgaben, le Land de Thuringe et un investisseur privé sont convenus d’une action concertée pour apporter un soutien financier à TGI.

20.      La République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission, par une lettre du 1er décembre 1998, les mesures de cette action concertée. La Commission a ouvert une procédure formelle d’examen au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE, sous le numéro C 19/2000, par une lettre du 4 avril 2000 (5).

21.      Schott Glas, un concurrent de TGI, était notamment une partie intéressée à la procédure d’aide d’État et a présenté des observations écrites.

22.      Le 12 juin 2001, la Commission a adopté dans cette procédure la décision 2002/185/CE (6). Elle a déclaré incompatible avec le marché commun un abattement de 4 millions de DM au profit de l’investisseur. Trois autres mesures de l’action commune ont été exclues de cette procédure et soumises à une seconde procédure formelle d’examen. Le Tribunal a rejeté le recours de TGI contre cette décision par un arrêt du 8 juillet 2004 (7). Le pourvoi introduit par TGI contre cet arrêt a également été rejeté (8).

2.      La procédure d’aide d’État C 44/2001

23.      La Commission a ouvert, par une lettre du 3 juillet 2001, une seconde procédure formelle d’examen au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE, sous le numéro C 44/2001, concernant les mesures exclues de la procédure C 19/2000 (9).

24.      La Commission a mis fin à cette procédure le 2 octobre 2002 par la décision 2003/383/CE (10), dans laquelle elle a déclaré deux des mesures examinées incompatibles avec le marché commun. TGI a également contesté cette décision, mais cette procédure a toutefois été interrompue après le désistement de la requérante à la suite du rejet du pourvoi dans la procédure concernant la première décision (11).

B –    La présente procédure concernant l’accès au dossier

1.      La procédure administrative

25.      TGI a demandé à la Commission le 24 octobre 2001, dans le cadre de ses observations sur la seconde procédure formelle d’examen C 44/2001, le droit de consulter une version non confidentielle du dossier. La Commission a rejeté cette demande le 23 novembre 2001.

26.      Par une lettre du 1er mars 2002, TGI a demandé à la Commission d’avoir accès aux documents relatifs à l’ensemble des aides la concernant et notamment l’affaire d’aide d’État C 44/2001 (12). Elle a fondé sa demande sur le règlement n° 1049/2001. La Commission a rejeté cette demande le 27 mars 2002, en référence à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001. Selon la Commission, les documents demandés par TGI font «partie de la procédure formelle d’examen C 44/2001 actuellement en cours».

27.      Le 15 avril 2002, TGI a présenté une deuxième demande, au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement, au secrétariat général de la Commission. Celui-ci a rejeté cette deuxième demande par la décision attaquée du 28 mai 2002. Le rejet a de nouveau été basé sur l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement comme cela résulte du point 12 de l’arrêt attaqué:

«[…] En effet, dans le cadre des enquêtes en cours concernant la compatibilité entre une aide d’État et le marché unique, une coopération loyale et une confiance mutuelle entre la Commission, l’État membre et les entreprises concernées sont indispensables afin de permettre aux différentes parties de s’exprimer librement. C’est pourquoi la divulgation de ce document pourrait porter préjudice au traitement de l’examen de cette plainte en compromettant ce dialogue.

[…]

Par ailleurs, nous avons examiné la possibilité de rendre accessibles les parties des documents sollicités non couvertes par les exceptions. Il s’est cependant avéré que ces documents ne [pouvaient] être scindés en parties confidentielles et parties non confidentielles.

Par ailleurs, il n’y a pas d’intérêt public supérieur qui, en l’espèce, justifierait la divulgation des documents en question […].»

2.      La procédure devant le Tribunal

28.      Le 8 août 2002, TGI a introduit un recours contre cette décision devant le Tribunal. Elle a été soutenue, à cette occasion, par le Royaume de Suède et la République de Finlande. La Commission a conclu, pour sa part, au rejet du recours. Schott Glas est intervenue au soutien de la Commission.

29.      Par un arrêt du 14 décembre 2006, le Tribunal a annulé la décision de la Commission du 28 mai 2002 dans la mesure où elle refusait l’accès aux documents concernant la procédure de contrôle des aides d’État octroyées à TGI (13).

3.      La procédure du pourvoi

30.      Dans un pourvoi envoyé par courriel au greffe du Tribunal le 28 février 2007, et dont l’original est parvenu par courriel postal le 8 mars 2007, la Commission demande à ce qu’il plaise à la Cour:

–        annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il invalide la décision de la Commission du 28 mai 2002 de refuser l’accès aux documents concernant la procédure de contrôle des aides d’État octroyées à TGI;

–        condamner TGI aux dépens.

31.      TGI et la République de Finlande demandent à ce qu’il plaise à la Cour:

–        rejeter le pourvoi, et

–        condamner la Commission aux dépens, y compris ceux de la défenderesse au pourvoi.

32.      Le Royaume de Suède sollicite également le rejet du recours, mais renonce à une demande concernant les dépens.

33.      Par une ordonnance du président de la Cour du 4 mars 2008, le Royaume de Danemark a été autorisé à intervenir au soutien des conclusions de TGI.

34.      La procédure écrite devant la Cour a été suivie, le 16 juin 2009, d’une audience de plaidoirie.

IV – Analyse juridique

35.      En vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, tout citoyen peut exiger de la Commission, du Conseil de l’Union européenne ou du Parlement européen, sans apporter la preuve d’un intérêt, l’accès aux documents que l’institution a en sa possession. L’accès ne peut être refusé que dans les cas d’exceptions visés à l’article 4, paragraphes 1 à 3.

36.      Dans le cas présent, il s’agit de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001. La Commission a refusé de communiquer les documents demandés parce que leur divulgation porterait atteinte à la protection de l’objectif des activités d’enquête. Le Tribunal a annulé cette décision parce que la Commission n’avait pas vérifié pour chacun de ces documents si l’on se trouvait bien dans le cas d’exception.

37.      La Commission conteste l’arrêt attaqué en invoquant cinq moyens qui peuvent se résumer comme suit:

–        Le critère d’application des exceptions prévu au point 77 de l’arrêt attaqué, c’est-à-dire l’atteinte à un intérêt, est erroné en droit (quatrième moyen du pourvoi).

–        L’interprétation figurant aux points 78 et 85 de l’arrêt attaqué selon laquelle les exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, portent sur le document pris individuellement et non sur le type de document, est erronée en droit (troisième moyen du pourvoi).

–        L’interprétation figurant aux points 85 à 89 et 93 de l’arrêt attaqué est erronée en droit, puisque tous les documents d’une procédure d’aide d’État en cours sont manifestement visés dans leur intégralité par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001 (premier et deuxième moyens du pourvoi, ainsi que première branche du cinquième moyen).

–        Le Tribunal a méconnu la protection des documents internes en vertu de l’article 4, paragraphe 3, du règlement (deuxième branche du cinquième moyen).

A –    La recevabilité du pourvoi

38.      TGI conteste la recevabilité du pourvoi dans son intégralité. Selon elle, la Commission fonde son pourvoi sur un argument que le Tribunal a déjà rejeté comme irrecevable.

39.      Le pourvoi ne peut pas, conformément à l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, modifier l’objet du litige devant le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est ainsi limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui (14). La requérante au pourvoi n’est donc pas recevable à se prévaloir de moyens que le Tribunal a rejetés comme irrecevables, alors que cette déclaration d’irrecevabilité n’est pas mise en cause (15). En d’autres termes, lorsque le Tribunal a rejeté un moyen comme irrecevable, le pourvoi peut certes contester ce rejet, mais la question de savoir si le moyen rejeté pourrait prospérer est sans importance dans un premier temps.

40.      Selon TGI, la question juridique soulevée par la Commission n’est pas celle de l’application prétendument erronée de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 par le Tribunal. Les moyens du pourvoi de la Commission visent plutôt la question juridique de savoir si le règlement n° 659/1999 constitue une lex specialis par rapport au règlement n° 1049/2001. Le Tribunal a toutefois rejeté comme irrecevable un argument analogue de l’intervenante Schott Glas au point 41 de l’arrêt attaqué, sans que la Commission conteste ce rejet.

41.      Ce grief d’irrecevabilité de TGI ne me convainc pas, puisque la partie défenderesse confond les moyens du pourvoi et les arguments de manière inappropriée. Il est vrai que la Commission se fonde, pour l’essentiel, sur le caractère spécifique de la procédure de contrôle des aides d’État. Elle ne soutient pas, cependant, que le règlement n° 659/1999 constitue une lex specialis par rapport au règlement n° 1049/2001. Ainsi que l’a constaté, à juste titre, le Tribunal, elle ébranlerait son propre statut procédural, puisque la décision attaquée serait basée sur une base juridique incorrecte et serait donc illégale. La Commission défend au contraire l’idée selon laquelle il y a lieu de tenir compte des choix du règlement n° 659/1999 dans l’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001. Le Tribunal n’en aurait pas tenu suffisamment compte. La Commission ne soulève toutefois ainsi pas directement la question juridique de l’articulation entre les deux actes du droit dérivé.

42.      Cependant, la deuxième branche du cinquième moyen du pourvoi va au‑delà de l’objet de la procédure. Avec cet argument, la Commission fait grief au Tribunal d’avoir méconnu la protection des documents internes en vertu de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001. La Commission n’a toutefois pas motivé la décision attaquée par cette disposition. Il s’agissait, au contraire, uniquement de toujours savoir si la Commission pouvait refuser les documents en vertu de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret. Cet argument ne relevait pas jusqu’ici de l’objet du litige et il est donc irrecevable.

B –    Le bien-fondé du pourvoi

43.      Les moyens recevables du pourvoi concernent essentiellement deux domaines. D’une part, la Commission conteste les hypothèses méthodiques de base du Tribunal. La Commission conteste le fait que l’on ne se trouve dans un cas d’exception en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 que si le risque d’atteinte à un intérêt est raisonnablement prévisible et pas seulement hypothétique (quatrième moyen du pourvoi; voir, à cet égard, point 1 ci-dessous) et qu’il y a lieu d’examiner chaque document pour vérifier s’il relève d’une exception au droit d’accès aux documents (troisième moyen du pourvoi; voir, à cet égard, point 2 ci-dessous).

44.      D’autre part, la Commission considère que la protection de l’objectif des activités d’enquête, c’est-à-dire l’exception au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, porte, en tout cas, sur l’ensemble des documents concernés qui figurent dans le dossier d’une procédure de contrôle d’aide d’État en cours (premier et deuxième moyens du pourvoi ainsi que première branche du cinquième moyen; voir, à cet égard, point 3 ci-dessous).

1.      L’atteinte à un intérêt (quatrième moyen du pourvoi)

45.      Avec son quatrième moyen, la Commission conteste le critère de l’atteinte à l’intérêt d’une exception appliqué par le Tribunal. Au point 77 de l’arrêt attaqué, le Tribunal constate, à cet égard, en référence à sa propre jurisprudence:

«Toutefois, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière [...]. Une telle application ne saurait, en principe, être justifiée que dans l’hypothèse où l’institution a préalablement apprécié, premièrement, si l’accès au document porterait concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé et, deuxièmement, dans les hypothèses visées à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001, s’il n’existait pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé. De plus, le risque d’atteinte à un intérêt protégé doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique […]. Par conséquent, l’examen auquel doit, en principe, procéder l’institution afin d’appliquer une exception doit être effectué de façon concrète et doit ressortir des motifs de la décision […].»

a)      L’articulation entre le principe et l’exception dans le cas de l’accès aux documents

46.      La Commission fait grief au Tribunal d’avoir supposé, à tort, que l’accès aux documents constitue le principe et le refus l’exception, et que, en tant que tel, le refus doit donc être interprété restrictivement.

47.      Outre le fait que l’arrêt attaqué repose sur cette supposition, au plus de manière implicite, elle est conforme à la jurisprudence constante, non seulement à celle du Tribunal (16), mais également à celle de la Cour (17). À l’instar du Royaume de Suède, de la République de Finlande et de TGI, je ne vois pas de raison de la remettre en cause. En vertu de l’article 1er, deuxième alinéa, UE, les décisions sont prises dans l’Union européenne avec la plus grande transparence possible. Dans cette perspective, l’article 255 CE prévoit un droit d’accès aux documents également reconnu à l’article 42 de la charte des droits fondamentaux (18). Par conséquent, le règlement n° 1049/2001 vise, en vertu de son article 1er, sous a), et de son quatrième considérant, l’accès le plus large possible aux documents et constate dans son onzième considérant que, en principe, tous les documents des organes communautaires doivent être accessibles au public. Il en découle que les exceptions à l’accès doivent être interprétées aussi étroitement que possible.

48.      À la lumière de cela, il convient d’examiner si le contrôle exercé par le Tribunal repose sur le critère exact d’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.

b)      La nécessaire probabilité de l’atteinte à un intérêt

49.      La Commission faisant grief au Tribunal d’un défaut de référence, dans son argumentation, au texte du règlement n° 1049/2001, il y a lieu de se référer, en premier lieu, au libellé des exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3: une exception au droit d’accès aux documents présuppose toujours une atteinte à la protection d’un intérêt spécifique. Il est, par conséquent, nécessaire de procéder à un pronostic. Il y a lieu de clarifier le degré de probabilité de l’atteinte d’un intérêt en cas de divulgation du document.

50.      L’utilisation de l’expression «porterait atteinte» montre déjà que les exceptions ne s’appliquent pas lorsqu’un intérêt n’est qu’affecté. C’est ce que soulignent les différences entre la formulation de l’article 4 du règlement n° 1049/2001 et les règles en vigueur avant l’adoption du règlement. Ces dernières se contentaient de la possibilité d’une violation de la protection pour refuser l’accès (19). Il y a lieu d’en déduire que le législateur aspire à une application des exceptions plus restrictive comparée à la réglementation antérieure.

51.      Il serait donc envisageable d’exiger pour l’application d’une exception que la divulgation du document porte atteinte avec certitude, ou du moins sans doute raisonnable, à l’intérêt protégé.

52.      La Cour a toutefois fixé à un degré moindre, en accord avec la position du Tribunal critiquée par la Commission, le niveau à partir duquel les exceptions trouvent application. En ce qui concerne l’intérêt des avis juridiques au sens de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001, il suffit déjà que le risque d’atteinte à cet intérêt soit raisonnablement prévisible, et non purement hypothétique (20).

53.      Il s’agit là d’une solution intermédiaire équilibrée qui devrait être également appliquée à la protection des activités d’enquête au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001. La certitude ou l’absence de doutes sérieux quant à l’atteinte à l’intérêt protégé ne serait que rarement justifiable au préalable. On accepterait donc la survenance d’un préjudice dans de nombreux cas. Si, au contraire, on se contentait de risques hypothétiques d’atteinte à un intérêt, non seulement on irait au-delà de la limite constituée par le libellé de la réglementation des exceptions, mais on viderait également de son sens l’objectif de l’accès aux documents le plus large possible. Au lieu de cela, on maximiserait les dérogations au droit d’accès. Les hypothèses de préjudice se concrétisent presque toujours.

54.      Le Tribunal a donc appliqué le critère correct lors de l’examen de l’application d’une exception.

c)      L’exception à rebours de l’intérêt public supérieur

55.      Dans le cas des exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001, il convient, de surcroît, de tenir compte du fait qu’elles ne trouvent pas à s’appliquer lorsqu’il existe un intérêt public supérieur à la divulgation du document. Il y a donc lieu de vérifier en outre s’il n’existe pas un intérêt de ce type susceptible de justifier cette divulgation en dépit de l’atteinte portée à l’intérêt.

56.      Il convient, notamment, de mettre en balance l’intérêt spécifique qui doit être protégé par la non‑divulgation du document concerné et l’intérêt général de permettre l’accès à ce document. Dans ce contexte, il y a lieu de mettre en balance l’intérêt spécifique devant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi que le relève le deuxième considérant du règlement n° 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique (21).

d)      La mise en œuvre du droit d’accès dans les procédures administratives

57.      La Commission soutient toutefois que, selon le sixième considérant et l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, celui-ci vise, en particulier, les documents législatifs, c’est-à-dire des documents concernant la législation. Par conséquent, l’article 13 du règlement n° 1049/2001 ne prévoit pas la publication au Journal officiel des documents concernant les enquêtes en matière d’aides d’État.

58.      On doit concéder à la Commission que le règlement n° 1049/2001 vise à promouvoir spécifiquement l’accessibilité de certaines catégories de documents. Il s’agit, en particulier, des documents liés au processus législatif ainsi qu’au développement de politiques et de stratégies. Ces documents présentent un intérêt particulier pour le public, ce que confirme également l’article 207, paragraphe 3, second alinéa, CE pour l’activité législative du Conseil.

59.      Toutefois, cette argumentation de la Commission méconnaît le fait que le règlement n° 1049/2001 doit certes permettre un accès plus large aux documents dans ces domaines (22), mais également qu’il prévoit explicitement, en vertu de son article 2, paragraphe 3, l’accès aux documents dans tous les domaines d’activité de l’Union. Les dossiers administratifs des procédures de contrôle des aides d’État n’y font pas exception. Les dérogations ne peuvent reposer que sur l’article 4. Et, selon celui-ci, une atteinte aux intérêts énoncés est nécessaire.

60.      De plus, l’intérêt public au contrôle des aides d’État n’est pas nécessairement moindre que l’intérêt public au processus législatif. Il existe certes nombre de procédures administratives d’un intérêt public très limité, mais le contrôle des aides d’État revêt souvent, et à juste titre, un grand intérêt. Il concerne la promotion de l’économie des États membres et notamment des mesures de création ou de maintien d’emplois.

e)      Les difficultés pratiques de la mise en œuvre du droit d’accès aux documents

61.      La Commission objecte, en outre, que, dans le délai relativement bref imparti pour statuer sur la demande d’accès aux documents, il est pratiquement impossible de soumettre à cet examen tous les documents d’un volumineux dossier d’une procédure de contrôle d’une aide d’État. Cet examen est rendu d’autant plus difficile que les observations présentées sont souvent rédigées dans différentes langues.

62.      La Commission redoute que le contrôle des aides d’État pâtisse du fait que les services compétents doivent consacrer trop de temps à l’examen des demandes d’accès. Le règlement n° 1049/2001 ne saurait avoir pour objectif de compliquer l’exercice de ses missions par la Commission. Le législateur a manifestement supposé qu’il y aurait sensiblement moins de demandes volumineuses d’accès aux documents individuels.

63.      Le Tribunal a rejeté comme irrecevable, au point 96 de l’arrêt attaqué, une observation similaire de Schott Glas, requérante en première instance, concernant la charge de travail de la Commission. Faute d’un grief de la Commission en ce sens, il n’y a pas lieu d’examiner s’il existe une erreur de droit pertinente. Rien n’empêche en tout cas la Commission d’invoquer sa charge de travail comme argument lors de l’interprétation du règlement n° 1049/2001.

64.      Toutefois, cet argument ne prospère pas sur le fond. D’éventuels effets négatifs sur l’accomplissement des tâches principales habituelles par les services compétents ne sauraient justifier une limitation générale du droit d’accès. L’article 1er, deuxième alinéa, UE, l’article 255 CE, l’article 42 de la charte des droits fondamentaux et le règlement n° 1049/2001 ont, au contraire, assigné aux organes une nouvelle tâche supplémentaire: ils doivent être en mesure de communiquer au citoyen les documents souhaités dans la mesure où des intérêts dignes de protection n’y font pas obstacle. Il n’est pas prévu, en revanche, d’exonérer certains services de la Commission de cette tâche.

65.      Les charges résultant de cette nouvelle tâche doivent être minimisées grâce à des mesures adéquates. À cet égard, l’article 6, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 prévoit dans ce contexte, dans le cas où les demandes portent sur un grand nombre de documents, de consulter le demandeur de manière informelle pour trouver une solution raisonnable (23).

66.      En interne, les services compétents doivent avant tout se demander, de manière critique, dans quelle mesure leurs besoins de confidentialité peuvent perdurer à la lumière du règlement n° 1049/2001. La communication de documents nécessite souvent moins d’efforts que la motivation d’un rejet dans les domaines à la limite des exceptions ou au-delà. Les demandes peuvent également être rejetées plus facilement lorsque les services compétents ont identifié avec précision les raisons du traitement confidentiel des documents. Sur cette base, il est possible de former les employés compétents et le traitement des documents peut être, d’emblée, optimisé dans la perspective d’éventuelles demandes d’accès. Outre un traitement électronique, qui facilite la recherche de documents et leur reproduction, on peut envisager l’identification de documents ou de parties de documents sensibles et la classification des documents et des dossiers en parties confidentielles et non confidentielles.

67.      Le règlement n° 1049/2001 devant être appliqué en tenant compte du principe de proportionnalité (24), il ne paraît pas exclu, au demeurant, de renoncer, dans des cas particuliers, et dans l’intérêt de l’exécution correcte d’autres tâches administratives urgentes, à l’examen dans les délais d’une demande d’accès (25). On peut notamment penser à la phase de l’ouverture d’une procédure formelle d’examen d’une aide d’État. En vertu de l’article 4 du règlement n° 659/1999, la décision doit intervenir dans un délai de deux mois suivant la notification complète de l’aide, car, dans le cas contraire, l’aide est réputée avoir été autorisée. Outre l’échec d’un accord amiable avec le demandeur, un cas dérogatoire présuppose que la Commission dispose déjà des capacités suffisantes pour examiner normalement, dans les délais, – également durant la phrase précontentieuse dans les cas qui ne présentent pas de complexité spécifique – des demandes d’accès dans le domaine du contrôle des aides.

68.      Ainsi que le constate le Tribunal au point 95 de l’arrêt attaqué, la Commission n’a pas invoqué une charge administrative excessive lors du rejet de la demande d’accès. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner davantage ici les considérations liées à un refus tiré de l’existence d’autres tâches plus urgentes.

69.      On ne peut donc constater aucune erreur de droit en référence au critère de l’atteinte à un intérêt défini au point 77 de l’arrêt attaqué et il y a ainsi lieu de rejeter le quatrième moyen.

2.      L’examen individuel de documents (troisième moyen)

70.      Dans son troisième moyen, la Commission fait grief au Tribunal des constatations faites aux points 78 et 85 de l’arrêt attaqué. Selon ces constatations, les exceptions mentionnées à l’article 4, paragraphes 1 à 3, portent sur le document pris individuellement et non sur une catégorie de documents.

71.      La Commission considère, au contraire, qu’elle est en droit de refuser l’accès au dossier d’une procédure d’aide d’État sans procéder à l’examen individuel des différents documents qu’il contient.

72.      La Cour a toutefois déjà jugé que, lorsque la divulgation d’un document est demandée à un organe communautaire, celui-ci est tenu d’apprécier, dans chaque cas d’espèce, si ce document relève des exceptions au droit d’accès du public aux documents des institutions énumérées à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 (26).

73.      L’examen des documents individuels correspond aux règles applicables aux exceptions au droit d’accès au sens de l’article 4 du règlement n° 1049/2001. En vertu des paragraphes 1, 2 et 3 de cet article, les organes refusent l’accès à un document en cas d’exceptions. La prise en compte des intérêts des tiers au sens des paragraphes 4 et 5, le contrôle de l’accès partiel en vertu du paragraphe 6 et la réglementation sur la caducité des exceptions du fait de l’écoulement du temps en vertu du paragraphe 7 portent sur le document individuel.

74.      Cette technique législative est la conséquence nécessaire d’exceptions qui reposent directement sur l’atteinte à certains intérêts par la divulgation de documents. Une telle atteinte ne peut être constatée que sur la base d’une appréciation individuelle des informations contenues dans le document en cause.

75.      La Commission ne peut pas opposer à cela, avec succès, que, selon la définition de l’article 3, sous a), du règlement n° 1049/2001, un document peut comporter une pluralité de contenus. Elle comprend cela en ce sens que ces différentes informations doivent être examinées conjointement et en déduit, apparemment, qu’il est également possible d’apprécier conjointement une pluralité de contenus lorsqu’elle figure dans plusieurs documents.

76.      Comme le soutient la République de Finlande, c’est le contraire qui est exact: lorsque seuls certains contenus, c’est-à-dire des parties des documents demandés, relèvent de l’une des exceptions, les autres parties du document sont exemptées en vertu de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001. En principe, il y a donc lieu de vérifier pour chaque contenu d’un document, c’est-à-dire pour chaque information qu’il contient, si la divulgation porte atteinte à un intérêt.

77.      La Commission soutient, en outre, que, puisque l’accès à un dossier concernant une procédure est demandé, il devrait être également possible de limiter l’examen au dossier dans son ensemble, sans porter d’appréciation sur chaque document. Elle se fonde, à cet égard, sur l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, qui réglemente la forme et le contenu des «[d]emandes d’accès». Puisqu’il y est question – dans la version en langue allemande, qui est la langue de la présente procédure – d’un document, cette notion figurant à l’article 6 devrait être interprétée comme la notion de document visée à l’article 4. Lorsqu’une demande porte sur une multitude de documents, la Commission a également le droit, selon elle, d’apprécier cette demande de manière globale, tout du moins lorsque les documents demandés sont du même type.

78.      Il est certes exact que l’article 6 du règlement n° 1049/2001 utilise dans la majorité des versions linguistiques, notamment dans les versions allemande et anglaise, la notion de «document» au singulier. En revanche, d’autres versions, en particulier les versions française et finnoise, l’utilisent au pluriel.

79.      Les diverses versions linguistiques d’un texte communautaire doivent être interprétées de façon uniforme et, dès lors, en cas de divergences entre ces versions, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (27), le cas échéant en fonction de la volonté réelle de son auteur (28).

80.      S’il est vrai que les articles 4 et 6 du règlement n° 1049/2001 utilisent la même notion dans quelques versions linguistiques, ces articles poursuivent pourtant des objectifs totalement différents. L’article 6 concerne le contenu des demandes. Cette disposition doit garantir, avant tout, que les documents sont identifiés et mettre en évidence le fait qu’une motivation n’est pas nécessaire. Ainsi que le montre l’article 6, paragraphe 3, une demande peut porter sur plusieurs documents et même sur «un très grand nombre de documents». Il a été déjà indiqué, au contraire, que l’examen de la demande doit porter sur chacun des documents pris individuellement, et même sur chaque contenu. L’économie et la finalité fondent ainsi les différences d’interprétation de la notion de document utilisée aux articles 4 et 6 du règlement n° 1049/2001.

81.      La renonciation générale à l’examen individuel de chaque document (ou contenu) exigerait, au contraire, une autre conception des exceptions. La Commission a ainsi proposé de modifier le règlement n° 1049/2001 en ce sens que les documents faisant partie du dossier administratif d’une enquête ou d’une procédure relative à un acte de portée individuelle ne sont pas accessibles au public tant que l’enquête n’est pas close ou que l’acte n’est pas devenu définitif. De plus, les documents contenant des informations recueillies ou obtenues auprès de personnes physiques ou morales par une institution dans le cadre d’enquêtes de ce type ne sont pas accessibles au public (29). En l’espèce, il n’est pas question d’apprécier une exception conçue de la sorte.

82.      Tout comme le demandeur, la Commission peut toutefois concevoir sa déclaration de manière synthétique. Une demande, tout comme l’octroi de l’accès, peut porter sur une multitude de documents, dans la mesure où ceux-ci ne peuvent être identifiés qu’avec certitude. En cas de rejet, la Commission peut tout du moins se fonder, à cet égard, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature. Il lui incombe toutefois de vérifier, dans chaque cas, si les considérations d’ordre général normalement applicables à un type de documents déterminé sont effectivement applicables à un document donné dont la divulgation est demandée (30).

83.      Le Tribunal a fait des constatations analogues et exemptes d’erreur de droit aux points 78, 85 et 86 de l’arrêt attaqué. Il y a donc lieu de rejeter le troisième moyen. Il convient d’examiner ci-après si la Commission a établi, à bon droit, des catégories lors du rejet de la demande d’accès aux documents.

3.      La protection de l’objectif des activités d’enquête

84.      Les premier et deuxième moyens ainsi que la première branche du cinquième moyen concernent la portée de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, c’est-à-dire la protection de l’objectif des activités d’enquête.

85.      Le Tribunal reproduit au point 88 de l’arrêt attaqué la motivation de la décision de la Commission comme suit:

«Dans le cadre d’enquêtes en cours concernant la compatibilité entre une aide d’État et le marché unique, une coopération loyale et une confiance mutuelle entre la Commission, l’État membre et les entreprises concernées sont indispensables afin de permettre aux différentes ‘parties’ de s’exprimer librement et que la divulgation de documents afférents à ces enquêtes ‘pourrait porter préjudice au traitement de l’examen de [la] plainte en compromettant ce dialogue’.»

86.      Selon le point 89 de l’arrêt attaqué, cette motivation ne convainc pas le Tribunal que tous les documents du dossier d’une procédure de contrôle d’une aide d’État relèvent manifestement de l’exception des activités d’enquête. La Commission considère que cette constatation est entachée d’une erreur de droit.

87.      Dans la procédure juridictionnelle, la Commission se fonde, à cet égard, en premier lieu sur le fait que, dans la procédure de contrôle des aides d’État, aucune partie intéressée autre que l’État membre ne se voit reconnaître un droit d’accès au dossier [voir, à cet égard, sous a)]. Il est toutefois plus pertinent de poursuivre les idées figurant dans la motivation de la décision de la Commission et concernant le point de savoir dans quelle mesure la communication avec l’État membre concerné est digne de protection [voir, à cet égard, sous b)] et si cet intérêt autorise, en particulier, à renoncer à un examen individuel des documents demandés [voir, à cet égard, sous c)]. Il y a lieu de procéder à un examen analogue en ce qui concerne la communication avec d’autres parties intéressées [voir, à cet égard, sous d)].

a)      Le statut du bénéficiaire de l’aide dans la procédure de contrôle des aides d’État

88.      Dans la première branche du premier moyen et dans le deuxième moyen, la Commission justifie le caractère manifestement nécessaire de la protection par le fait que, dans la procédure de contrôle des aides d’État, des parties intéressées autres que l’État membre concerné ne peuvent pas faire valoir un droit d’accès au dossier.

89.      La Commission vise ainsi, de manière indirecte, la spécificité du droit d’accès dans les procédures de contrôle d’aides d’État par rapport au règlement n° 1049/2001. Contrairement à ce que TGI suppose, la Commission ne conçoit pas le droit de consulter le dossier comme une lex specialis de nature technique qui exclurait l’application du règlement n° 1049/2001 (31), mais elle l’invoque pour interpréter une exception au droit d’accès aux documents.

90.      Le droit d’accès au dossier est un corollaire du principe du respect des droits de la défense (32). Il est donc lié, en principe, au statut de partie dans une procédure. La procédure de contrôle des aides d’État est une procédure ouverte vis-à-vis de l’État membre responsable (33).

91.      Les personnes, les entreprises et les associations d’entreprises dont l’intérêt est susceptible d’être affecté par l’octroi d’une aide d’État, comme le bénéficiaire de l’aide, ne constituent pas des parties dans une procédure d’aide. Elles ont essentiellement un rôle d’informateurs (34). Par conséquent, l’article 20 du règlement n° 659/1999 ne prévoit aucun droit d’accès au dossier pour ces parties intéressées.

92.      La Commission comprend apparemment cela en ce sens que l’accès au dossier est même interdit aux parties autres que l’État membre concerné. Ainsi que le soulignent à juste titre le Royaume de Suède, la République de Finlande et TGI, on ne peut toutefois déduire une interdiction ni du règlement n° 659/1999 ni de la jurisprudence. Au contraire, des arrêts récents laissent même apparaître la possibilité qu’un droit d’accès au dossier existe à titre exceptionnel: si ces intéressés ne peuvent se prévaloir des droits de la défense, ils disposent en revanche du droit d’être associés à la procédure administrative suivie par la Commission dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (35). Cela ne doit toutefois pas être tranché en l’espèce.

93.      En tout cas, le statut de ces autres intéressés dans la procédure de contrôle des aides d’État n’autorise aucune conclusion a contrario sur la portée du droit d’accès aux documents. Elle ne comporte aucune référence à l’application d’une exception au titre de l’article 4 du règlement n° 1049/2001, notamment pas à l’exception de la protection de l’objectif des activités d’enquête appliquée en l’espèce. Il apparaît, au contraire, que la raison du refus au droit de consulter le dossier n’a rien à voir avec le fait que les informations figurant au dossier ne doivent pas être divulguées. Ce qui est déterminant, c’est uniquement la considération tirée de l’organisation de la procédure selon laquelle les autres intéressés ne disposent pas de droits de la défense.

94.      La partie concernée par une procédure doit disposer, grâce au droit de consulter le dossier, de la possibilité d’examiner les pièces figurant dans le dossier d’enquête qui peuvent présenter une importance pour sa défense. Le droit de consulter le dossier a été reconnu par la Cour, en particulier, aux entreprises concernées dans les procédures d’ententes (36). Les informations qui n’ont pas été communiquées à une partie directement concernée ne peuvent pas non plus lui être opposées (37). Les autres intéressés n’étant pas parties à la procédure d’aide d’État, la Commission ne leur oppose pas non plus des documents auxquels il conviendrait de donner accès.

95.      Les informations fournies dans le cadre du droit d’accès au dossier constituant, en premier lieu, un moyen de participer à cette procédure, le refus d’accès au dossier ne peut pas être – comme l’indique TGI – attaqué séparément (38). Elle peut toutefois remettre en cause la décision concernant l’aide de manière globale au titre d’une erreur de procédure (39).

96.      À la différence du droit de consulter le dossier, le droit d’accès aux documents en vertu du règlement n° 1049/2001 n’a aucune signification juridique pour la procédure de contrôle des aides d’État. Ce règlement ne régit précisément pas dans quelles conditions les citoyens peuvent participer à de telles procédures. L’accès aux documents ne justifie, en particulier, aucune possibilité de présenter des observations dans la procédure d’aide d’État. Un litige portant sur l’accès aux documents figurant dans un dossier d’aide d’État n’affecte pas la validité de la décision portant sur l’aide.

97.      L’autonomie du règlement n° 1049/2001 par rapport à la procédure de contrôle des aides d’État n’est pas non plus remise en cause par son deuxième considérant. D’après celui-ci, la transparence permet «d’assurer une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel, ainsi que de garantir une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique». On pourrait comprendre cela comme un indice de la participation du public à la procédure. La participation des citoyens au processus décisionnel et la responsabilité de l’administration à leur encontre ne doivent toutefois pas être entendues au sens du droit procédural, mais comme étant de nature politique. Grâce à la transparence, les citoyens reçoivent des informations qui leur permettent d’apprécier la pratique administrative de manière objective et, le cas échant, de la critiquer. Elle ne doit pas toutefois avoir une influence primaire sur l’issue des procédures individuelles.

98.      Le droit d’accès aux documents existe donc indépendamment de la procédure de contrôle des aides d’État. L’accès aux documents et le droit de consulter le dossier conduisent seulement à une situation comparable d’un point de vue factuel en ce qui concerne l’information et non – comme le soutient la Commission – à un statut juridique analogue. Il en résulte, au demeurant, que l’absence de droit, pour d’autres intéressés à la procédure de contrôle des aides d’État, de consulter le dossier n’exclut pas non plus, de manière générale et en tant que lex specialis au sens des arguments invoqués par Schott Glas (40) en première instance, l’application du règlement n° 1049/2001.

99.      Il n’y a pas non plus de contradiction dans le fait que la Commission puisse refuser l’accès au dossier sur la base d’une motivation relativement succincte, alors que les exigences de motivation d’un rejet d’accès aux documents peuvent être relativement élevées. Cette différence résulte du fait que l’accès au dossier peut être refusé par simple référence à l’absence de droits de la défense, alors que le refus d’accès aux documents exige l’invocation d’exceptions. Il est cependant presque toujours plus facile d’expliquer qu’il n’existe aucun droit que de justifier des exceptions à un droit qui, en principe, existe.

100. Contrairement à ce que pense la Commission, l’autonomie de ces deux droits l’un par rapport à l’autre est confirmée par l’arrêt Sison/Conseil. Dans cet arrêt, la Cour a déduit de la genèse du règlement n° 1049/2001 que la portée du droit d’accès qui en résulte ne dépend pas du point de savoir si le demandeur a besoin des informations pour asseoir son statut juridique (41).

101. Cela signifie, d’une part, que les demandeurs qui possèdent un intérêt juridiquement protégé en vertu du règlement n° 1049/2001 ne disposent pas d’un droit d’accès aux documents plus large que les autres. D’autre part, le droit de ces demandeurs n’est pas restreint davantage que celui de n’importe quel tiers. Le fait qu’un certain nombre de demandeurs exigent le document pour l’utiliser afin de faire valoir d’autres droits ne saurait ni renforcer ni affaiblir leur droit en vertu du règlement n° 1049/2001 (42).

102. C’est la raison pour laquelle l’exclusion de l’accès au dossier d’autres intéressés à la procédure d’aides d’État ne justifie aucune exception au droit d’accès aux documents et la première branche du premier moyen et le deuxième moyen ne peuvent donc prospérer.

b)      La confidentialité de la communication avec l’État membre concerné

103. Ainsi que l’explique la Commission dans la deuxième branche du premier moyen, elle a refusé l’accès aux documents pour ne pas mettre en péril l’exécution de la procédure de contrôle des aides d’État. Dans cette procédure, on ne peut, selon la Commission, renoncer à la coopération loyale et à la confiance réciproque entre la Commission, l’État membre et les entreprises concernées pour que les intéressés puissent s’exprimer librement. La divulgation de documents de la procédure mettrait en péril ce rapport de confiance.

104. Le Tribunal a rejeté cette justification comme trop générale au point 89 de l’arrêt attaqué. Elle n’atteste pas notamment du fait que tous les documents refusés relèvent dans leur intégralité des exceptions.

105. Il n’apparaît pas directement, en effet, que la protection de l’objectif d’une enquête au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001 inclut également un rapport de confiance avec l’État membre concerné. Comme le soutient le Royaume de Suède, on pourrait plutôt penser que ce sont les stratégies d’enquête (43) et les sources (44) qui sont protégées.

106. Néanmoins, le Tribunal part du principe, dans une jurisprudence constante, que les États membres sont en droit d’attendre de la Commission qu’elle garantisse la confidentialité des enquêtes susceptibles d’aboutir à un recours en manquement (45).

107. Cette conception semble également quelque peu déconcertante au premier abord. Pourquoi devrait-on concéder à la Commission et aux États membres un domaine de protection isolé du public pour des «négociations» sur le respect du droit communautaire? Dans le domaine d’application du recours en manquement, le droit n’est, par principe, pas négociable. Il est, au contraire, contraignant par nature.

108. Toutefois, le respect du droit communautaire dépend souvent du détail des mesures internes, par exemple des lois transposant les directives. Les discussions entre la Commission et l’État membre concernant les mesures de transposition ou d’application peuvent se rapprocher d’un processus de négociation. À cet égard, il y a lieu de rappeler que le but de la procédure précontentieuse est de permettre à l’État membre de se conformer volontairement aux exigences du traité CE ou, le cas échéant, de lui donner l’occasion de justifier sa position (46). À cela s’ajoute le fait que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans la poursuite des infractions (47).

109. Dans cette acception, la protection de l’objectif des enquêtes s’étend également à un espace libre aux fins de discussions non perturbées sur le grief de violation du droit communautaire. Un tel espace est judicieux pour que l’État membre concerné ainsi que la Commission puissent s’efforcer de parvenir à un arrangement à l’amiable sans pression publique extrême. Si chaque étape d’un recours en manquement controversé faisait l’objet d’une publicité, les décideurs politiques ne pourraient que difficilement revenir sur les positions adoptées. Cela pourrait déjà fermer la voie à une solution du conflit sensée et garante du droit. L’objectif du recours est, en définitive, de trouver une solution de ce type, alors que l’exploration et la constatation d’un manquement ne sont qu’un moyen d’atteindre cet objectif.

110. Une divulgation de documents relatifs à la phase d’enquête, pendant les négociations entre la Commission et l’État membre concerné, pourrait ainsi porter atteinte au bon déroulement de la procédure en manquement (48).

111. Contrairement à ce que le Tribunal a souligné jusqu’ici, il n’y a pas, à cet égard, que la confiance des États membres qui est pertinente. Si tel était le cas, la Commission serait, en principe, tenue de consulter l’État membre avant de rejeter une demande d’accès à des documents et de les communiquer en cas d’accord de l’État membre. La Commission a toutefois, elle-même, un intérêt digne de protection à négocier avec l’État membre la communication de manière confidentielle. Elle n’agit pas non plus à l’abri de l’influence de l’opinion publique: si ses positions durant la discussion avec l’État membre sont connues, cela peut compliquer une nouvelle appréciation critique de sa propre opinion ou une concession.

112. Il n’est toutefois pas possible de garantir cet espace libre sans la moindre limite. Le respect du droit communautaire par les États membres et sa mise en œuvre par la Commission sont des sujets légitimes d’intérêt public. Un État membre ne peut pas s’attendre à ce qu’une violation du droit communautaire ou l’adhésion à une certaine interprétation demeure longtemps confidentielle. La Commission ne peut pas non plus exiger que sa pratique de mise en œuvre, et notamment l’exercice de sa discrétion dans le cadre de la répression des infractions, demeure inconnue de l’opinion publique. La procédure devrait donc être transparente, ne serait-ce qu’a posteriori, lorsque le comportement des partenaires de négociation peut être apprécié à la lumière du résultat obtenu.

113. La protection des enquêtes susceptibles d’aboutir à un recours en manquement ne doit pas toutefois, dans le cas présent, être délimitée de manière précise (49). Il n’y a notamment pas lieu de clarifier la question de savoir dans quelles conditions le danger pour le processus de négociation dans le cadre d’un recours en manquement est raisonnablement prévisible et non pas seulement hypothétique (50). Un recours en manquement – possible également en vertu du droit des aides d’État – n’est, en effet, pas à l’ordre du jour. Il s’agit plutôt de la protection des enquêtes dans le cadre du contrôle des aides d’État en tant que tel.

114. La Commission allègue, de manière exacte, que le contrôle des aides d’État est très semblable au recours en manquement. Cela vaut notamment pour la phase précontentieuse du recours en manquement et la préparation de la décision concernant l’aide. Il tombe sous le sens que la Commission et l’État membre s’entretiennent sur la manière dont l’aide peut être conçue pour être conforme au droit communautaire. En outre, la Commission ne dispose certes pas de la discrétion de poursuivre ou non des aides illégales (51), mais il existe toutefois une marge d’appréciation plus large lors de l’examen du caractère justifié de l’aide (52). Il subsiste ainsi un espace pour des discussions sensibles aux consultations publiques permanentes.

115. L’exception de la protection de l’objectif des activités d’enquête ne trouve toutefois application que lorsque le risque d’atteinte à ces négociations est raisonnablement prévisible et non pas seulement hypothétique (53).

116. Cela ne pose aucun problème en l’espèce: le contrôle formel d’une aide d’État suppose un conflit entre la Commission et l’État membre concerné. L’État membre souhaite verser l’aide, alors que la Commission estime que la mesure notifiée «suscite des doutes» (article 4, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999). De plus, TGI était également consciente que la République fédérale d’Allemagne et la Commission négociaient au sujet des aides. Le risque d’atteinte à ces négociations était ainsi raisonnablement prévisible et non pas seulement hypothétique.

c)      La renonciation à l’examen individuel des documents

117. Il y a lieu, en outre, d’examiner si la Commission pouvait, sans examen individuel, partir du principe que la divulgation de l’ensemble des documents demandés entraînerait ce risque. Il est vrai qu’il convient en principe de vérifier que les motifs de refus de l’accès existent pour chaque document individuel (54). Il est cependant loisible à la Commission de se fonder, à cet égard, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (55).

118. En ce qui concerne, premièrement, la correspondance avec l’État membre, il y a lieu de partir du principe que, dans le cadre d’une procédure d’aide d’État controversée, cette correspondance est, en principe, digne de protection dans son intégralité. Il serait généralement difficile de distinguer les documents liés à la procédure de ceux qui ne le sont pas. Même des informations connues de tous, par exemple celles concernant les marchés, les prix ou les technologies, peuvent être dignes de protection, lorsqu’elles sont transmises dans le cadre de négociations. La circonstance qu’elles soient présentées permet en effet des spéculations sur les négociations. Indépendamment du fait qu’elles soient ou non exactes, de telles spéculations peuvent peser sur les négociations.

119. Deuxièmement, et pour les mêmes raisons, les documents internes de la Commission, identifiés au point 83 de l’arrêt attaqué (mémorandums échangés entre les différents services de la Commission, mémorandums destinés au membre de la Commission responsable, notes internes de la DG «Concurrence»), relèvent, en principe, de la protection de l’objectif des enquêtes. Ils comporteront en effet des informations portant sur les négociations avec l’État membre.

120. En principe, il n’est pas nécessaire, dans ces cas, de vérifier également pour chaque document individuel s’il existe un intérêt public supérieur. Il y a lieu, au contraire, d’examiner la procédure de contrôle de l’aide d’État dans sa globalité et avant tout l’objet de l’aide. Un tel intérêt ne fait l’objet d’aucune discussion dans le cas présent.

121. En principe, la Commission pouvait donc partir du principe que tant la correspondance avec l’État membre que ses documents internes concernant la procédure d’aide d’État et portant sur les mesures au profit de TGI relevaient de l’exception à la protection de l’objectif des activités d’enquête.

122. On doit toutefois douter du fait que le traitement confidentiel de l’enquête était encore globalement justifié à la date du rejet de la demande d’accès aux documents.

123. En principe, la thèse soutenue par la Commission dans la première branche du cinquième moyen est exacte: l’intérêt de protection des négociations non perturbées avec l’État membre concerné subsiste, normalement, jusqu’à leur clôture, c’est-à-dire durant toute la durée de l’enquête sur l’aide.

124. Sur cette base, la Commission indique que la procédure d’aides d’État dure jusqu’à ce que la décision finale ne puisse plus faire l’objet d’un recours juridictionnel. En effet, en cas d’invalidation de la décision, l’aide devrait faire l’objet d’un nouvel examen. Selon la Commission, le Tribunal a méconnu ce point lorsqu’il a fait référence, au point 93 de l’arrêt attaqué, à la clôture de la procédure C 19/2000.

125. Il n’est pas exclu qu’une divulgation du dossier après la décision concernant l’aide puisse peser sur une éventuelle reprise d’une enquête sur une aide d’État. La décision met cependant fin, tout d’abord, aux éventuelles négociations avec l’État membre. Elle est publiée et peut faire l’objet d’un recours en justice. Si la Commission supposait, dans cette situation, que la reprise de l’enquête sur l’aide, c’est-à-dire les négociations à protéger, était prévisible, elle concéderait que sa décision est entachée d’irrégularités. Il n’est pas possible de supposer cela de la part de la Commission. En l’espèce, le risque d’une reprise de l’enquête est donc hypothétique. Le risque que d’hypothétiques négociations concernant une aide soient affectées, n’est donc, à plus forte raison, pas raisonnablement prévisible et ne saurait justifier un refus d’accès aux documents.

126. Dans la mesure où la Commission se réfère dans le mémoire en réponse à l’exception de protection des procédures juridictionnelles au titre de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001, il y a lieu de constater que cette exception – à l’instar de la protection des documents internes au titre de l’article 4, paragraphe 3 (56) – ne fait pas l’objet de la présente procédure. La Commission ne peut pas fonder, a posteriori, le refus d’accès aux documents sur une autre exception (57). Il n’y a donc pas lieu d’examiner s’il est prescrit – comme le soutient le Royaume de Suède – de limiter la protection des procédures juridictionnelles aux documents spécifiquement élaborés pour ces procédures (58).

127. La Commission se réfère, en outre, aux rapports, du point de vue de leur contenu, entre la procédure C 19/2000 et la procédure C 44/2001, puisque cette dernière concerne des mesures qui ont également été examinées dans le cadre de la première. Il ne serait donc possible d’accorder l’accès qu’après la clôture des deux procédures.

128. Il y a cependant lieu d’opposer à cela que, en rendant sa décision dans la procédure C 19/2000, la Commission a scindé l’affaire en plusieurs volets et a statué sur l’un d’entre eux. Les négociations portant sur ce volet ont donc été closes et ne sont plus nécessairement dignes de protection dans leur intégralité. Un refus d’accès ne serait possible que dans la mesure où des informations qui portent sur la procédure C 44/2001, encore en cours, ont été communiquées dans le cadre de ces négociations. Par conséquent, la Commission ne pouvait plus partir du principe, sans examen individuel, que les documents demandés concernant la procédure C 19/2000 relevaient, dans l’ensemble, de la protection des enquêtes menées dans la procédure C 44/2001.

129. Le Tribunal a ainsi rejeté, à bon droit, l’extension de la protection des enquêtes sur les aides d’État à l’ensemble de la correspondance avec l’État membre dans l’affaire C 19/2000 et aux documents internes analogues.

130. Il convient d’ajouter que, à la date pertinente, les documents de la procédure C 44/2001 n’étaient plus non plus dignes d’être protégés dans leur intégralité. La Commission avait, en effet, déjà ouvert la procédure formelle d’examen par une décision publiée qui contenait des informations sur l’aide.

131. La Commission défend ainsi l’idée que cette publication et la publication de la décision elle-même garantiraient, jusqu’au caractère définitif de cette dernière, une transparence suffisante du contrôle des aides d’État.

132. Dans la mesure où des informations concernant les négociations ont déjà été communiquées, de manière régulière (59), au public (60), on ne peut, toutefois, pas s’attendre à ce que ces informations fassent l’objet d’un traitement confidentiel (61). La divulgation supplémentaire de ces informations ne peut plus porter atteinte à la protection de l’objectif de l’enquête, puisque ces informations et leur lien avec l’enquête concernant l’aide d’État ont déjà été rendus publics. Dans ce contexte, il est, en revanche, sans importance que la publication au Journal officiel assure une transparence suffisante ou non (62).

133. En vertu de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 659/1999, la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen au titre de l’article 4, paragraphe 4, récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. La Commission la publie au JO en vertu de l’article 26, paragraphe 2.

134. La Commission a ainsi rendu public l’essentiel du contenu du dossier. Au-delà de ce contenu, les documents existant à cette date ne peuvent encore comporter que des informations insignifiantes. La supposition générale selon laquelle la divulgation de chacun de ces documents porterait atteinte, de manière raisonnablement prévisible, à la communication avec l’État membre est donc privée de fondement. Dans la mesure où la Commission continue de vouloir justifier son refus par la confidentialité de l’enquête, cela ne peut résulter que d’un examen individuel des documents.

135. Cet examen ne saurait se limiter à vérifier si les documents comportent des informations qui ne figurent pas dans la décision publiée. Il est, au contraire, nécessaire de fournir une raison spécifique montrant que la divulgation des informations restantes, secondaires en vertu de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 659/1999, porterait toutefois atteinte, de manière suffisamment prévisible et non pas seulement hypothétique, à la protection de l’objectif de l’enquête sur l’aide d’État.

d)      La communication avec les autres parties intéressées à la procédure de contrôle de l’aide d’État

136. En outre, on ne doit pas non plus perdre de vue que, logiquement, la protection des négociations ne peut, généralement, pas s’étendre aux rapports entre la Commission et les autres parties intéressées à la procédure de contrôle de l’aide d’État. Qu’il s’agisse du bénéficiaire de l’aide, de ses concurrents ou d’autres intéressés, les tiers intéressés ne sont que des sources d’information à la différence de l’État membre. En vertu des articles 6 et 20 du règlement n° 659/1999, ils peuvent présenter des observations. Il ne s’agit donc pas de protéger des négociations non perturbées entre eux et la Commission.

137. Néanmoins, la Commission défend l’idée qu’il existe une relation de confiance entre elle et ces tiers intéressés. Cela est exact dans la mesure où ils peuvent demander à la Commission, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999, que leur identité ne soit pas révélée, pour cause de préjudice potentiel résultant de leur participation à la procédure. Par conséquent, la confiance dans la protection des sources est justifiée (63). Au-delà de l’identité d’une source – et des informations qui pourraient tarir cette source (64) –, pratiquement rien n’est digne de protection sur cette base.

138. Dans le cas présent, la protection de l’identité n’a jamais fait l’objet d’un débat, puisque la Commission mentionne même explicitement Schott Glas comme intéressé dans sa décision de rejet.

139. Cependant, même lorsque la source est connue, il peut exister un intérêt à un traitement confidentiel des informations fournies. Ces informations peuvent être à l’origine de périls. Les personnes concernées peuvent en profiter pour agir directement contre la source, par exemple en lui faisant grief d’avoir diffusé des informations inexactes. On pourrait y voir un effet dissuasif «chilling effect» qui rend la collecte d’informations auprès des tiers plus difficile pour la Commission.

140. Il y a toutefois lieu, en principe, de l’accepter. Il n’existe aucun droit de pouvoir influer sur l’issue des enquêtes menées par la Commission sans en subir les conséquences. Le Royaume de Suède soutient, au contraire, que l’accessibilité des observations des tiers intéressés peut améliorer la base de décision de la Commission. Lorsque les observations sont accessibles, les parties intéressées peuvent se contrôler réciproquement et corriger à temps les indications inexactes (65). La tentation de fournir à la Commission des informations inexactes ou trompeuses sera également moins grande.

141. Il est possible qu’il y ait lieu d’apprécier différemment l’accès de la protection des observations de sources connues dans les cas dans lesquels la transmission d’informations exactes peut entraîner des périls injustifiés. On pourrait s’imaginer, par exemple, que ces informations ne sont pas protégées comme secrets d’affaires dans la Communauté, mais dans des pays tiers (66). En l’espèce, il n’existe, toutefois, aucune allégation en ce sens.

142. Par conséquent, le contenu des observations n’est pas explicitement protégé en vertu du règlement n° 659/1999. Même en ce qui concerne la protection des secrets d’affaires, seule une consultation de l’État concerné est prévue (article 25). Les autres intéressés peuvent certes également exiger, au titre de l’article 287 CE et de l’article 24 du règlement n° 659/1999, la protection de leurs secrets d’affaires et des intérêts à la préservation de la confidentialité comparables. Toutefois, leur statut dans l’enquête sur l’aide d’État ne permet pas de supposer, de manière générale, que la correspondance avec eux est, en principe, globalement digne de protection. Il doit, au contraire, être vérifié dans chaque cas dans quelle mesure des documents doivent faire l’objet d’une rétention pour protéger leur identité ou pour d’autres raisons.

143. Une protection étendue de la communication avec des tiers intéressés ne résulte pas non plus, indirectement, des négociations avec l’État membre concerné. Les simples observations d’un autre intéressé ne permettent pas de conclusion a contrario sur les négociations. Ce n’est que dans la mesure où la Commission demande des informations spécifiques, pour les utiliser dans le cadre des négociations qu’il existe un rapport suffisamment étroit avec le processus de négociation. Le refus d’accès aux documents ne peut être, néanmoins, justifié, dans ce cas, que sur la base d’un examen individuel. Cela n’a pas été le cas en l’espèce.

e)      Conclusion intermédiaire

144. Globalement, il y a lieu de retenir que le Tribunal a jugé, à bon droit, que la Commission ne pouvait pas rejeter, de manière globale, la demande d’accès aux documents de TGI sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001 sans procéder à un examen individuel de chaque document.

145. On pourrait certes se demander si la décision de la Commission devrait être maintenue, tout du moins en ce qui concerne la correspondance avec l’État membre portant sur la procédure de contrôle d’aides d’État C 44/2001, dans la mesure où cette correspondance est intervenue après l’ouverture de la procédure formelle d’examen. La Commission n’a toutefois pas contesté l’arrêt attaqué sur ce point. En outre, il est douteux que la décision puisse être scindée de la sorte, puisqu’elle a été formulée comme une décision unique portant sur l’ensemble de la demande et qui n’identifie pas les différents documents demandés.

146. Il y a donc également lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen et la première branche du cinquième moyen du pourvoi.

C –    Conclusion de l’analyse juridique

147. Aucun des moyens allégués par la Commission n’étant de nature à prospérer, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

V –    Dépens

148. Conformément aux dispositions combinées de l’article 69, paragraphe 2, première phrase, et des articles 118 et 122, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. TGI ayant présenté une demande en ce sens et la Commission ayant succombé, il y a lieu de condamner la Commission aux dépens.

149. En vertu de l’application combinée de l’article 69, paragraphe 4, premier alinéa, et des articles 118 et 122, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige en première ou en deuxième instance en qualité d’intervenant supportent, en principe, leurs propres dépens (67).

VI – Conclusion

150. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de juger comme suit:

«1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

3)      Le Royaume de Danemark, la République de Finlande et le Royaume de Suède supportent les dépens exposés au cours de la procédure de pourvoi.»


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – Règlement du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1).


3 – Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43).


4 – JO C 364, p. 1. Reprise avec des modifications lors de l’adoption du 12 décembre 2007, JO C 303, p. 1.


5 – Invitation à présenter des observations en application de l’article 88, paragraphe 2, du traité, concernant l’aide C 19/2000 (ex NN 147/98) — Aides en faveur de Technische Glaswerke Ilmenau GmbH — Allemagne (JO 2000, C 217, p. 10).


6 – Décision de la Commission, du 12 juin 2001, relative à une aide d’État accordée par l’Allemagne en faveur de Technische Glaswerke Ilmenau GmbH (Allemagne) (JO 2002, L 62, p. 30).


7 – Arrêt Technische Glaswerke Ilmenau/Commission (T-198/01, Rec. p. II-2717).


8 – Arrêt du 11 janvier 2007, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission (C‑404/04 P, non publié au Recueil).


9 – Invitation à présenter des observations en application de l’article 88, paragraphe 2, du traité CE concernant l’aide C 44/2001 (ex NN 147/98) — Aide en faveur de Technische Glaswerke Ilmenau GmbH — Allemagne (JO 2001, C 272, p. 2).


10 – Décision de la Commission, du 2 octobre 2002, relative à l’aide d’État C 44/01 (ex NN 147/98) accordée par l’Allemagne en faveur de Technische Glaswerke Ilmenau GmbH [notifiée sous le numéro C(2002) 2147] (JO 2003, L 140, p. 30).


11 – Ordonnance du Tribunal du 16 mai 2007, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission (T‑378/02, JO 2007 C 183, p. 41).


12 – De plus, TGI a sollicité l’accès à tous les documents concernant les aides d’État octroyées à son concurrent Schott Glas. Cette partie de la demande ne fait toutefois pas l’objet du pourvoi. C’est pourquoi il n’y a pas lieu d’examiner davantage l’intérêt légitime de Schott à la confidentialité de ces documents.


13 – Arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission (T‑237/02, Rec. p. II-5131, ci-après l’«arrêt attaqué»).


14 – Arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C-189/02 P, C‑202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, point 165).


15 – Arrêts du 22 décembre 1993, Eppe/Commission (C-354/92 P, Rec. p. I-7027), et du 2 avril 2009, France Télécom/Commission (C-202/07 P, non encore publié au Recueil, point 93).


16 – Arrêts du 23 novembre 2004, Turco/Conseil (T-84/03, Rec. p. II-4061, point 34); du 11 mars 2009, Borax Europe/Commission (T-121/05, non encore publié au Recueil, point 35) et (T-166/05, non encore publié au Recueil). Sur la base de la situation juridique antérieure à l’adoption du règlement n° 1049/2001, voir déjà arrêts du 5 mars 1997, WWF UK/Commission (T-105/95, Rec. p. II-313, point 56), et du 7 décembre 1999, Interporc/Commission (T-92/98, Rec. p. II-3521, point 40).


17 – Arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil (C-266/05 P, Rec. p. I-1233, point 63); du 18 décembre 2007, Suède/Commission (C-64/05 P, Rec. p. I-11389, point 66), et du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C-39/05 P et C-52/05 P, Rec. p. I‑4723, point 36). Sur la base de la situation juridique antérieure à l’adoption du règlement n° 1049/2001, voir déjà arrêts du 11 janvier 2000, Pays-Bas et van der Wal/Commission (C-174/98 P et C-189/98 P, Rec. p. I-1, point 27), et du 6 mars 2003, Interporc/Commission (C-41/00 P, Rec. p. I-2125, point 48), concernant tous deux la décision 94/90/CECA, CE, Euratom, de la Commission, du 8 février 1994, relative à l’accès du public aux documents de la Commission (JO L 46, p. 58), ainsi que l’arrêt du 6 décembre 2001, Conseil/Hautala (C-353/99 P, Rec. p. I-9565, point 25), concernant la décision 93/731/CE du Conseil, du 20 décembre 1993, relative à l’accès du public aux documents du Conseil (JO L 340, p. 43).


18 – Entre‑temps, il existe également, dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, des indices en ce sens que la liberté d’expression, au titre de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950, inclut également un droit d’accès à l’information: voir Cour eur. D. H, 2ème section, arrêt Társaság a Szabadságjogokért c. Hongrie du 14 avril 2009, req. n° 37374/05, non encore publié au Recueil des arrêts et décisions, § 28, et Kenedi c. Hongrie du 26 mai 2009, req. n° 31475/05, non encore publié au Recueil des arrêts et décisions, § 43, dans le cas où ces informations sont nécessaires à la liberté d’expression. Une telle interprétation de l’article 10 avait encore été rejetée dans les arrêts Leander c. Suède du 26 mars 1987, série A n° 116, p. 29, § 74; Gaskin c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989 série A n° 160, p. 21, § 52; Guerra et autres c. Italie du 19 février 1998, Recueil des arrêts et décisions, 1998-I, p. 226, § 53, ainsi que Roche c. Royaume-Uni du 19 octobre 2005, Recueil des arrêts et décisions, 2005-X, § 172.


19 – Voir article 4 de la décision 93/731 et réglementation des dérogations dans le code de conduite applicable à la Commission.


20 – Arrêt Suède et Turco/Conseil, précité note 17, point 43.


21 – Ibidem, point 45.


22 – Ibidem, point 46.


23 – Ainsi l’arrêt du 10 septembre 2008, Williams/Commission (T-42/05, non encore publié au Recueil, points 14 et suiv.), envisage une solution, à savoir de convenir d’un examen étalé dans le temps d’une demande d’accès à des documents volumineux.


24 – Voir arrêt Conseil/Hautala, précité note 17, points 27 et suivants.


25 – Voir arrêts Conseil/Hautala, précité note 17, point 30, et du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission (T-2/03, Rec. p. II-1121, points 102 et suiv.).


26 – Arrêt Suède et Turco/Conseil, précité note 17, point 35.


27 – Arrêts du 5 décembre 1967, van der Vecht (19/67, Rec. p. 445, points 462 et 463); du 27 octobre 1977, Bouchereau (30/77, Rec. p. 1999, points 13 et 14); du 14 juin 2007, Euro Tex (C-56/06, Rec. p. I-4859, point 27), et du 21 février 2008, Tele2 Telecommunication (C-426/05, Rec. p. I‑685, point 25).


28 – Arrêts du 12 novembre 1969, Stauder (29/69, Rec. p. 419, point 3); du 7 juillet 1988, Moksel (55/87, Rec. p. 3845, point 49); du 20 novembre 2001, Jany e.a. (C‑268/99, Rec. p. I-8615, point 47), et du 27 janvier 2005, Junk (C-188/03, Rec. p. I-885, point 33).


29 – Article 2, paragraphe 6, de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission [COM(2008) 229 final]. Le Parlement a toutefois rejeté cette proposition en première lecture le 11 mars 2009 (document du Parlement P6_TA-PROV(2009)0114, voir également document 7394/09 du Conseil).


30 – Arrêt Suède et Turco/Conseil, précité note 17, point 50.


31 – Voir points 38 et suiv. ci-dessus. La proposition de règlement n° 1049/2001 de la Commission [COM(2000) 30 final/2], prévoyait encore, à son article 2, paragraphe 2, deuxième phrase, que des dispositions spécifiques concernant l’accès aux documents devaient exclure l’application du règlement. Bien que cette réglementation n’ait pas été reprise dans le règlement adopté, le Tribunal a décidé, dans son arrêt du 5 avril 2005, Hendrickx/Conseil (T-376/03, RecFP p. I-A-83 et II-379, points 55 et suiv.), que des dispositions relatives à la confidentialité des procédures de recrutement de fonctionnaires faisaient obstacle à l’application du règlement.


32 – Arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C-204/00 P, C‑205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123 , point 68).


33 – Arrêts du 10 juillet 1986, Belgique/Commission (234/84, Rec. p. 2263, point 29), et du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (C-74/00 P et C-75/00 P, Rec. p. I-7869, point 81).


34 – Arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France (C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 45), et du 6 octobre 2005, Scott/Commission (C-276/03 P, Rec. p. I-8437, point 34).


35 – Arrêts du 8 mai 2008, Ferriere Nord/Commission (C-49/05 P, non publié au Recueil, point 69), et du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission (C-521/06 P, Rec. p. I‑5829, point 38).


36 – Arrêts du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, Rec. p. 461, points 13 et 14); du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, Rec. p. 3461, points 7 et 8); du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission (C-51/92 P, Rec. p. I‑4235, points 75 et 76), et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C-238/99 P, C‑244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, Rec. p. I-8375, points 315 et suiv.). Voir, concernant les droits d’information des fonctionnaires, articles 26 et 27 du statut ainsi qu’arrêt du 8 juillet 2008, Franchet et Byk/Commission (T-48/05, non encore publié au Recueil, points 126 et suiv.).


37 – Arrêt Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, précité note 33, point 81.


38 – Arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, Rec. p. 2639, point 10).


39 – Voir, concernant le droit des ententes, arrêts Hercules Chemicals/Commission, point 77, et Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 317, précités note 36.


40 – Voir, à cet égard, points 40 et 41 ci-dessus.


41 – Arrêt précité note 17, points 45 à 48.


42 – Il existe, en revanche, une occasion de vérification du droit procédural si le droit d’accès aux documents au titre du règlement n° 1049/2001 est plus étendu que les droits procéduraux des parties dont les intérêts sont juridiquement protégés. En principe, le droit procédural devrait tenir compte de ces intérêts et mettre à la disposition des personnes concernées davantage d’informations qu’au public.


43 – En ce sens, arrêt du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission (T-391/03 et T‑70/04, Rec. p. II-2023, point 122).


44 – Voir arrêt du 7 novembre 1985, Adams/Commission (145/83, Rec. p. 3539), concernant la protection des informateurs.


45 – Voir, concernant la décision 94/90, arrêts WWF UK/Commission (précité note 16, point 63); du 14 octobre 1999, Bavarian Lager/Commission (T-309/97, Rec. p. II‑3217, point 46), et du 11 décembre 2001, Petrie e.a./Commission (T-191/99, Rec. p. II-3677, point 68), ainsi que, concernant le règlement n° 1049/2001, arrêt du 12 septembre 2007, API/Commission (T-36/04, Rec. p. II-3201, point 120). Concernant d’autres activités d’enquête, voir arrêt du 13 septembre 2000, Denkavit Nederland/Commission (T-20/99, Rec. p. II-3011, points 43 et suiv.) sur la base de la décision 94/90.


46 – Arrêts du 23 octobre 1997, Commission/Pays-Bas (C-157/94, Rec. p. I-5699, point 60), Commission/Italie (C-158/94, Rec. p. I-5789, point 56) et Commission/France (C-159/94, Rec. p. I-5815, point 103), ainsi que du 29 septembre 1998, Commission/Allemagne (C-191/95, Rec. p. I-5449, point 44).


47 – Arrêt du 14 février 1989, Star Fruit/Commission (247/87, Rec. p. 291, point 11).


48 – Voir arrêts précités note 45 Bavarian Lager/Commission, point 46, et API/Commission, point 121.


49 – Cette question pourrait se poser davantage dans les affaires jointes Suède/API et Commission (C-514/07 P), API/Commission (C-528/07 P) et Commission/API (C‑532/07 P) ayant fait l’objet d’une communication respectivement aux JO 2008, C 22, p. 36, et C 51, p. 32 et 37.


50 – Ainsi, la simple non-transposition de directives ou l’omission de présenter des rapports dans les délais ne sont, souvent, pas vraiment contestées ou ne font pas l’objet de «négociations».


51 – Voir arrêts Commission/Sytraval et Brink’s France, cité note 34, point 47, et Athinaïki Techniki/Commission, précité note 35, point 40.


52 – Arrêt du 11 juillet 1996, SFEI e.a. (C-39/94, Rec. p. I-3547, points 36 et suiv. et jurisprudence citée).


53 – Voir ci-dessus, points 52 et suiv.


54 – Voir ci-dessus, points 72 et suiv.


55 – Voir ci-dessus, point 82.


56 – Voir ci-dessus, point 42.


57 – Arrêt du 22 janvier 2004, Mattila/Conseil et Commission (C-353/01 P, Rec. p. I‑1073, point 32).


58 – Voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Interporc/Commission, précité note 16, point 40, et API/Commission, précité note 45, point 60.


59 – Une divulgation non autorisée ne peut, en revanche, pas annuler la confidentialité. La communication confirmerait en effet que ces documents étaient authentiques. L’ordonnance du 11 décembre 2006, Weber/Commission (T-290/05, non publiée au Recueil, points 41 et 42), est donc problématique dans la mesure où elle constate, à titre subsidiaire, le classement d’une demande d’accès au dossier du fait d’une publication non autorisée du document.


60 – À cet égard, il y a également lieu de penser au comportement de l’État membre concerné. Si celui-ci communique des informations circonstanciées concernant les négociations, il ne peut s’attendre à ce que la Commission les traite de manière confidentielle. Cela vaut, en particulier, en cas de diffusion d’informations trompeuses. Mais la Commission ne peut pas non plus tout simplement exiger la confidentialité, en dépit de son propre intérêt (voir point 111 ci-dessus) lorsque ses positions dans les négociations sont déjà connues du public.


61 – Voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 2007, Pitsiorlas/Conseil et BCE (T-3/00 et T-337/04, Rec. p. II-4779, point 86).


62 – Dans la mesure où le Tribunal a abordé, dans l’arrêt API/Commission (précité note 45, point 98), la transparence suffisante en raison d’une publication, il s’agissait là d’un autre stade d’examen, à savoir l’exception à rebours en raison d’un intérêt public supérieur à la divulgation des documents. Si l’exception n’est déjà pas applicable en soi, il n’existe aucune raison d’examiner l’exception à rebours.


63 – L’arrêt Adams/Commission, précité note 44, point 34, rendu avant l’introduction du droit d’accès aux documents, va encore plus loin: il y a toujours lieu de respecter les conditions d’un traitement confidentiel. Voir également, en ce sens, article 18, paragraphe 4, de la directive 2009/16/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative au contrôle par l’État du port (JO L 131, p. 57), selon lequel l’identité du plaignant n’est pas révélée indépendamment des périls imminents.


64 – Voir arrêt Adams/Commission, précité note 44, en particulier point 40.


65 – Dans les faits, TGI critique, au point 6 du pourvoi, le fait que Schott Glas a donné à la Commission de fausses indications qui n’auraient pas pu être rectifiées à temps.


66 – Les faits de l’affaire à la base de l’arrêt Adams/Commission, précité note 44, sont significatifs.


67 – Voir décision sur les dépens dans l’arrêt Suède/Commission, précité note 17, points 101 et suivants. Parmi les États membres intervenus en première instance, seul le Royaume de Suède a eu gain de cause sur les dépens, puisque cet État membre avait introduit le pourvoi.