61995C0330

Conclusions de l'avocat général La Pergola présentées le 27 février 1997. - Goldsmiths (Jewellers) Ltd contre Commissioners of Customs & Excise. - Demande de décision préjudicielle: Value Added Tax Tribunal, Manchester - Royaume-Uni. - TVA - Sixième directive - Faculté de dérogation prévue à l'article 11, C, paragraphe 1 - Exclusion des opérations d'échange du remboursement en cas de non-paiement. - Affaire C-330/95.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-03801


Conclusions de l'avocat général


1 Par le présent renvoi préjudiciel, le Value Added Tax Tribunal, Manchester Tribunal Centre, demande à la Cour de préciser, par la voie de l'interprétation, la faculté de dérogation prévue à l'article 11, C, paragraphe 1, de la sixième directive en matière de TVA (1) (ci-après la «directive» ou la «sixième directive») dans le régime applicable à la réduction de la base d'imposition - en cas de constatation d'un non-paiement total ou partiel après l'achèvement de l'opération assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. Plus précisément, la Cour est invitée à se prononcer sur la compatibilité d'une réglementation qui fait application de la disposition précitée, telle la réglementation édictée en l'espèce par le législateur britannique, et qui accorde le bénéfice du dégrèvement fiscal pour les opérations de vente contre paiement en argent, mais l'exclut, au contraire, pour les transactions dans lesquelles le prix est représenté autrement que par une somme d'argent.

Les faits

2 Les faits à l'origine du litige font intervenir deux sociétés: la société Goldsmiths (Jewellers) Ltd (ci-après «Goldsmiths»), qui exerce des activités de fabrication et de distribution d'articles de bijouterie, et la société RRI Ltd (ci-après «RRI»), spécialisée dans les opérations de troc et d'échange. Ces deux sociétés ont entamé des négociations commerciales portant sur la conclusion d'un contrat dans le cadre duquel Goldsmiths s'engageait à fournir à RRI des bijoux qu'elle n'avait pas pu vendre et, en contrepartie, RRI s'engageait à fournir certains services publicitaires.

3 En exécution de l'accord contractuel, Goldsmiths a livré à RRI des bijoux représentant une valeur de 202 809,47 UKL (comprenant un montant de TVA de 30 205,67 UKL mentionné par Goldsmiths dans la déclaration TVA correspondant à la période concernée et effectivement acquittée). RRI s'est engagée, pour sa part, à fournir à Goldsmiths des services publicitaires représentant un montant équivalent à celui des bijoux.

4 Après avoir procédé à la fourniture d'une première partie des services publicitaires qu'elle s'était engagée à fournir - pour une valeur de 68 678,03 UKL (comprenant un montant de 9 335 UKL à titre de TVA) -, RRI est devenue insolvable et a été déclarée en cessation de paiements. Le montant des prestations qu'elle n'avait pas fournies s'élevait donc à la somme de 135 162,12 UKL, comprenant un montant de 20 130,53 UKL au titre de la TVA.

5 A la suite de cette insolvabilité, Goldsmiths a considéré que les services publicitaires restant dus ne seraient plus fournis et a donc modifié sa déclaration de TVA pour la période clôturée le 28 février 1993. Elle a ainsi réduit le montant net de la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant égal à celui à acquitter au titre de la TVA pour les prestations dues par RRI, désormais considérées comme passées par profits et pertes.

6 Les Commissioners of Customs and Excise se sont refusés à accorder à Goldsmiths le dégrèvement fiscal ainsi calculé. Le 1er juin 1993, un avis de mise en recouvrement de TVA d'un montant de 20 130 UKL, majoré des intérêts, a donc été délivré à Goldsmiths.

7 L'administration a pris cette décision sur la base de l'article 11, paragraphe 1, du Finance Act de 1990. En effet, comme le reconnaît d'ailleurs le juge de renvoi (2), cette disposition nationale limite le droit au remboursement de la TVA en cas de non-paiement total ou partiel et le réserve exclusivement aux cessions de biens ou de services effectuées en échange d'une «contrepartie en argent»: compte tenu de son libellé, la règle en question ne pouvait pas couvrir une prestation en nature telle que celle à laquelle RRI s'était engagée (3).

8 Estimant avoir néanmoins droit au dégrèvement fiscal pour le montant de la contrepartie qu'elle n'avait pas reçue, Goldsmiths a saisi le juge de renvoi devant lequel elle a fait valoir que la réglementation nationale était contraire à la sixième directive, et en particulier à son article 11, C, paragraphe 1, qui est libellé comme suit:

«En cas d'annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s'effectue l'opération, la base d'imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres.

Toutefois, en cas de non-paiement total ou partiel, les États membres peuvent déroger à cette règle.» (C'est nous qui soulignons).

Compte tenu de cette disposition, la réglementation nationale ne pouvait pas, selon la thèse de Goldsmiths, se limiter à instituer une exonération fiscale pour le seul cas du non-paiement de la contrepartie en argent prévue dans les contrats de vente, mais devait aussi étendre le bénéfice de l'exonération aux contrats prévoyant une contrepartie en nature. En effet, ce que le législateur communautaire a reconnu aux États membres serait, d'après la définition de Goldsmiths, une faculté «tout ou rien». Cela s'oppose, selon la demanderesse, à un choix sélectif ou partiel des conditions d'octroi d'un dégrèvement fiscal. Selon elle, le fait que le Royaume-Uni applique la règle de base aux opérations de vente implique, en définitive, l'impossibilité d'exercer la faculté de dérogation pour des opérations d'un autre type (4).

9 Confronté à ce problème d'interprétation, le Value Added Tax Tribunal, Manchester Tribunal Centre, a déféré à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La dérogation inscrite à l'article 11, C, paragraphe 1, de la sixième directive du Conseil 77/388/CEE, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (`la sixième directive'), doit-elle être interprétée en ce sens qu'elle autorise un État membre qui adopte des dispositions visant à permettre le remboursement de la taxe en cas de créances irrécouvrables à exclure ce remboursement lorsque la contrepartie impayée n'était pas libellée en argent?»

Appréciation juridique

10 La question soulevée par le Value Added Tax Tribunal, Manchester Tribunal Centre, porte, en substance, sur les limites du cadre dans lequel les États membres peuvent exercer la faculté, qui leur est reconnue par la directive, de déroger au principe d'une «réduction due» de la base d'imposition, établi à l'article 11, C, paragraphe 1, de cette législation communautaire.

11 Nous sommes en présence d'une réglementation, édictée par le Finance Act britannique, qui, nous dit le juge de renvoi, accorde le dégrèvement fiscal prévu dans la directive pour certaines catégories de transactions, à savoir les ventes contre paiement d'une somme d'argent, mais non certaines autres, dans lesquelles la contrepartie est prévue en nature. Du point de vue du droit communautaire, cela soulève deux ordres de problèmes qui se présentent à la Cour selon une progression logique: le second problème se pose, ou non, selon la solution apportée au premier, ainsi que nous l'expliquerons plus loin.

La réduction de la base d'imposition est prescrite par la sixième directive pour une série d'hypothèses qu'elle énumère: 1) annulation, 2) résiliation, 3) résolution, 4) non-paiement total ou partiel, 5) réduction de prix après le moment où s'effectue l'opération. En tout cas, le dégrèvement fiscal obéit aux conditions déterminées par les États membres, chacun dans son ordre juridique. La faculté de dérogation - c'est ce que la norme prévoit - n'est accordée au législateur national que pour ce qui concerne l'hypothèse figurant sous 4) dans l'énumération, à savoir le «non-paiement total ou partiel» (5). Dans cette hypothèse, l'État membre peut ne pas accorder le droit à la réduction fiscale, qu'il est tenu, au contraire, d'observer et d'appliquer dans les autres cas envisagés par la directive, selon les modalités qu'il estime devoir prescrire.

12 Le premier problème posé à la Cour impose de vérifier comment le législateur communautaire a entendu organiser la faculté de dérogation litigieuse qu'il a accordée. Cela signifie, plus précisément, qu'il s'agit de vérifier si l'État membre qui recourt à la faculté de dérogation doit indistinctement supprimer la réduction de la base d'imposition pour toutes les situations de non-paiement, ou s'il peut agir de manière différente, ce qui a précisément été fait par le législateur britannique. Dans le premier cas, le pouvoir ou la faculté de déroger serait, selon la prescription de la disposition communautaire à interpréter, conçue de manière «rigide»: c'est-à-dire comme imposant nécessairement, dans le domaine dans lequel elle peut s'exercer, d'exclure l'application de la réglementation communautaire uniforme, sans exceptions. Dans la seconde solution, la faculté de dérogation est, au contraire, discrétionnaire en un double sens: le législateur national peut non seulement décider ou non d'en faire usage, ce qui est constant, mais il est également libre de différencier le contenu des règles dérogatoires en fonction des exigences laissées à son appréciation.

13 La première thèse est celle soutenue par la défense de Goldsmiths et la seconde, avec des arguments divers, par le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Royaume-Uni. Il faut préciser dès maintenant que, si c'est le premier de ces deux points de vue opposés qui est accueilli, le litige est immédiatement tranché la racine. La solution adoptée dans l'ordre britannique ne correspondrait alors ni au mécanisme ni au cadre dans lequel s'inscrit la dérogation prévue par la réglementation communautaire. Quelles sont, en revanche, les conséquences qui découleraient du choix de la seconde des thèses qui ont été avancées? La dérogation pourrait aussi être limitée discrétionnairement, dans le sens que nous avons exposé. Cela n'implique cependant pas que les dispositions dérogatoires édictées par la législation nationale soient alors dégagées de l'obligation de respecter les principes et les préceptes du droit communautaire, y compris ceux que l'interprète peut déduire du contexte de la directive même et, partant, des règles qu'elle contient et des fins qui les inspirent. C'est là le second problème, auquel nous avons précédemment fait allusion en annonçant l'ordre logique des éléments soumis à l'examen de la Cour par la présente question préjudicielle.

14 S'agissant du premier problème, l'exercice de la faculté de dérogation n'est pas soumis, à notre avis, à la condition que le conseil de Goldsmiths estime prévue, ou tout au moins sous-entendue, par la directive, à savoir que le législateur national est tenu de déroger intégralement la règle susceptible de dérogation ou, à défaut, d'appliquer sans dérogations la réduction de la base d'imposition. Nous ne voyons pas sur quel fondement logique ou textuel pourrait reposer cette sorte d'automatisme, qui consisterait à attirer en bloc dans la dérogation toute la matière sur laquelle celle-ci peut porter en vertu de la directive.

15 La disposition communautaire qui nous occupe est claire et exhaustive: elle énonce que les États membres peuvent déroger à la réduction fiscale et précise dans quel cas la dérogation est autorisée. La nature du pouvoir - ou, si l'on veut, du droit - ainsi reconnu à l'État membre est à entendre en ce sens que le législateur se voit conférer le pouvoir de déroger. Il s'agit du pouvoir d'instituer des normes qui, dans l'organisation juridique d'une certaine sphère de relations, se substituent à d'autres normes, lesquelles conservent, pour leur part, une sphère résiduelle d'application. En effet, la règle dérogatoire n'éteint pas celle à laquelle il est dérogé, sinon il y aurait abrogation, et non simple dérogation. En tout état de cause, le législateur qui peut instituer une dérogation décide jusqu'où va l'inapplication de la règle ou du principe dont il est habilité à circonscrire la portée. Le pouvoir de déroger entraîne donc, avec lui, la faculté discrétionnaire de graduer le contenu et les effets des normes qui résultent de son exercice (6). L'analyse juridique de ce pouvoir ne varierait pas si l'on disait - comme on le lit dans le texte espagnol de la seconde phrase de l'article 11, C, paragraphe 1, de la directive - que l'État membre peut ne pas appliquer la règle concernant l'exonération fiscale, au lieu de dire qu'il peut déroger (7). La non-application de cette règle ne peut pas être autre chose que le résultat d'une dérogation, et le pouvoir de déroger demeure ce qu'il est. A ces considérations s'ajoute qu'il est prévu, comme nous l'avons rappelé, que la réduction de la base d'imposition s'opère elle-même dans les conditions déterminées par l'État membre. A notre avis, cela plaide en faveur de l'idée que la directive reconnaît - il restera à voir dans quelles limites - un pouvoir discrétionnaire du législateur national, tant pour régler les modalités d'application de l'exonération fiscale que pour en refuser l'octroi aux intéressés (8).

16 Ce qui importe est alors de déterminer comment la règle communautaire, dont la directive prévoit qu'elle est susceptible de dérogation, s'articule, eu égard à son contenu normatif, avec la règle qui y déroge, dans la sphère de l'ordre juridique national.

La sixième directive poursuit l'objectif d'harmoniser les impositions fiscales. L'obligation de réduire la base d'imposition dans les cas prévus est, en effet, une règle d'harmonisation et elle se rattache aux autres règles posées par la directive pour poursuivre ce même but, toujours dans le domaine de la fiscalité. Par rapport aux règles de l'article 11 qui sont destinées à harmoniser les critères de détermination de la base d'imposition, le régime dérogatoire édicté par le Royaume-Uni constitue une exception. En ce sens, la dérogation à la règle communautaire constitue une exception à un principe général, celui établi par l'article 11, partie A, paragraphe 1, de la sixième directive qui dispose [lettre a)] que la base d'imposition est constituée, «pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers» (c'est nous qui soulignons).

17 C'est précisément pour cela que la dérogation doit être justifiée. Or elle ne l'est, à notre avis, que si elle est instituée de manière conforme aux principes et impératifs de droit communautaire qui interviennent dans la réglementation applicable en la matière. S'agissant de déterminer les limites dans lesquelles peut s'exercer la dérogation, il faut, en effet, garder en mémoire que, selon une jurisprudence constante, pour l'interprétation d'une disposition du droit communautaire, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (9).

18 Il s'agit d'un principe général de l'ordre communautaire qui a trouvé son expression particulière dans le domaine qui nous intéresse en l'espèce. L'exercice de la faculté de dérogation - et plus généralement de toute marge d'appréciation conférée aux États membres dans le système de la directive - doit, en tout cas, être maintenu dans les limites et conditions résultant des principes qui inspirent la réglementation communautaire (10). Ce critère s'induit de la jurisprudence de la Cour et, en premier lieu, de l'arrêt Profant (11). Cet arrêt a établi que le droit des États membres de préciser les limites et les modalités des exonérations prévues par l'article 14 de la sixième directive «n'est pas laissé entièrement à la discrétion des autorités des États membres, celles-ci devant respecter les objectifs fondamentaux poursuivis par l'effort d'harmonisation en matière de TVA» (point 25). Dans l'arrêt Kühne, la Cour a ensuite censuré, comme étant contraire au principe de neutralité fiscale, l'utilisation que l'État membre concerné avait faite de la dérogation autorisée par la seconde phrase de l'article 6, paragraphe 2 (12). Dans un sens analogue, elle a retenu le manquement de la partie défenderesse dans l'arrêt Commission/Belgique, dans lequel elle était appelée à se prononcer sur l'exercice de la faculté de dérogation prévue à l'article 27 de la directive: «les mesures [nationales] litigieuses - a-t-elle déclaré - sont disproportionnées au but recherché dans la mesure où elles dérogent d'une manière globale et systématique aux règles de l'article 11» (13).

19 Les cas précédemment examinés, si différents soient-ils du cas actuel, ont au moins en commun avec ce dernier que, dans les précédentes affaires comme en l'espèce, les États membres se voient attribuer une liberté qui s'exerce dans le cadre, c'est-à-dire dans le respect, de la sixième directive. De la jurisprudence, il ressort effectivement, et clairement, que les États membres doivent faire usage de la discrétion qui leur est ainsi laissée, de manière à respecter les fins d'harmonisation de la réglementation et les principes qui la sous-tendent.

20 Nous examinerons maintenant cet autre aspect, qui est décisif pour la solution du litige. Il convient de se tourner vers la justification, considérée sous l'angle précis de la proportionnalité, de la dérogation introduite dans la législation britannique, laquelle établit une différence, aux fins de l'exonération fiscale, entre les opérations comportant une contrepartie en argent et celles comportant une contrepartie en nature.

21 Avant tout, comment une prestation en nature est-elle définie dans le cadre de la sixième directive? Comme l'a précisé la Cour dans l'arrêt Aardappelenbewaarplaats, «une prestation de services est taxable... lorsque ce service est effectué à titre onéreux et que la base d'imposition d'une telle prestation est constituée par tout ce qui est reçu en contrepartie du service; il doit donc exister un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue» (14). La signification de l'expression «tout ce qui», laquelle figure aussi, comme nous l'avons déjà indiqué, à l'article 11, partie A, paragraphe 1, nous est précisée par l'arrêt Naturally Yours Cosmetics. A l'occasion de cet arrêt, la Cour s'est penchée sur l'hypothèse dans laquelle, au prix stipulé entre le vendeur et l'acheteur, vient aussi s'ajouter la valeur du service de marketing rendu par ce dernier, de sorte qu'une prestation initialement non monétaire est convertie en une somme d'argent (15).

22 Si l'on remonte aux précisions fournies par la Cour, dans cette affaire comme dans d'autres, il est possible de dire que la transaction dont il s'agit en l'espèce, dans laquelle existe un lien direct et explicite entre le service rendu et la contre-valeur, comporte nécessairement l'échange de deux prestations imposables selon la sixième directive (16). En raisonnant différemment, on irait au devant des conséquences précisées par l'avocat général M. Cruz Vilaça: «S'il fallait exclure de la contrepartie une forme de paiement, par exemple les services rendus en échange du bien fourni, la porte serait ouverte à une évasion fiscale qui empêcherait d'atteindre les objectifs de la sixième directive et permettrait qu'une partie de l'assiette imposable échappe à l'impôt, en provoquant, le cas échéant, des distorsions dans le traitement fiscal de situations qui sont, d'un point de vue économique ou commercial, substantiellement identiques» (17).

23 C'est précisément pour cela que les assujettis qui effectuent les prestations synallagmatiques dont se compose la transaction en nature sont tenus de respecter les obligations prévues à l'article 22 de la directive. En particulier, il résulte du paragraphe 3, sous a), que tout assujetti doit «délivrer une facture, ou un document en tenant lieu, pour les livraisons de biens et les prestations de services qu'il effectue pour un autre assujetti, et conserver un double de tous les documents émis». En outre, «tout assujetti doit déposer une déclaration dans un délai» fixé par les États membres. D'ailleurs, d'après les faits de la cause, c'est ce qu'auraient fait tant Goldsmiths que RRI pour la partie du paiement qui a été effectuée.

24 Le gouvernement du Royaume-Uni justifie la solution retenue pour la dérogation en faisant valoir l'existence d'un risque de fraude plus important dans le cas des contrats prévoyant un paiement en nature que dans ceux prévoyant une contrepartie en argent (18).

25 La solution adoptée par la règle dérogatoire britannique s'alignerait donc sur le dix-septième considérant de la sixième directive, lequel énonce qu'il convient que, «dans certaines limites et conditions, les États membres puissent prendre ou maintenir des mesures particulières dérogatoires à la présente directive, afin de simplifier la perception de la taxe ou d'éviter certaines fraudes ou évasions fiscales» (c'est nous qui soulignons).

26 Pour notre part, nous sommes d'avis que la présente affaire est à analyser au regard des limites et des conditions que les États membres doivent observer lorsqu'ils adoptent des mesures dérogatoires. On ne saurait non plus ignorer que la Cour a appliqué le principe de proportionnalité, lequel fait partie des principes généraux du droit qui sont à la base de l'ordre juridique communautaire, pour définir la portée de dispositions dérogatoires. Elle a ainsi précisé, dans l'arrêt Johnston, que «Ce principe exige que les dérogations ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché» (19).

27 Appliquons le critère énoncé par la jurisprudence au cas de l'espèce. Même si les opérations en nature peuvent comporter davantage de risques d'évasion ou de fraude que les contrats de vente, cela ne suffit pas à justifier le choix radical opéré par le législateur britannique (20). La réglementation que celui-ci a édictée poursuit un objectif auquel il est possible d'adhérer dans l'abstrait; toutefois, concrètement, la différence de traitement entre les contrats comportant des prestations en nature et les contrats de vente, introduite pour déroger à la directive, s'avère incompatible avec un principe qui devait être observé, celui de la neutralité fiscale.

28 Ce principe est intimement lié, selon nous, au principe de non-discrimination et implique, en l'espèce, que la transaction en nature soit traitée de la même manière que celle en argent. La neutralité fiscale exige précisément que des activités économiques différentes telles que celles-ci reçoivent un même traitement, afin d'éviter que le régime plus général de la TVA communautaire ne subisse des distorsions, par suite de différenciations dépourvues de pertinence et de légitimité (21).

29 Examinons, sous l'angle ainsi précisé, la solution que retient le Royaume-Uni. La présente affaire nous montre quels sont les effets externes, c'est-à-dire les retombées, de la dérogation, telle qu'elle a été édictée dans ce pays. Comme le reconnaît l'administration britannique elle-même, tout risque de fraude est exclu en l'espèce (22). Pourtant, du fait que le législateur britannique a distingué entre deux types de transactions, la société Goldsmiths subit un préjudice économique important: elle n'est pas en droit de récupérer la taxe sur la valeur ajoutée sur une opération qui a été exécutée, régulièrement enregistrée et comptabilisée, mais pour laquelle elle n'a pas obtenu la contre-valeur convenue. Elle se trouve donc dans une situation plus défavorable que celle dans laquelle elle se serait trouvée si elle avait conclu un contrat de vente contre paiement d'une somme d'argent. C'est dans la même situation que se trouveront aussi tous ceux qui s'engageront dans des transactions du même type: ils seront moins protégés en cas de défaut de paiement, total ou partiel. Il est inutile de dire que, pour échapper à de telles conséquences fiscales, l'opérateur économique avisé préférera conclure un contrat de vente. Sous l'angle économique, comme le rappelaient les conclusions précédemment citées de l'avocat général M. Cruz Vilaça, tout comme la vente contre paiement en argent, la transaction en nature est un instrument au moyen duquel se développe la vie commerciale (23). Il n'est pas justifié de traiter l'une des catégories de manière discriminatoire par rapport à l'autre. Aux fins de la directive et du droit communautaire, cette différence de traitement se traduit par une ingérence injustifiée, rien moins que neutre sur le plan fiscal, dans la liberté de choix de l'opérateur économique, ingérence qui, par voie de conséquence, intervient aussi sur l'absence indue de réduction de la base d'imposition (24). Cette conclusion est renforcée par le caractère général de la taxe sur la valeur ajoutée dont il découle qu'il est impératif de traiter ce qui est égal de manière égale, et ce qui est inégal de manière proportionnellement inégale (25).

30 A cet égard, il existe, dans la directive, un élément textuel qui vient à l'appui de la conclusion précédemment exposée et qui figure dans le texte de l'article 11, partie A, paragraphe 1, sous a). Cette disposition précise que, pour les livraisons de biens et les prestations de services, la base d'imposition est constituée par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire. Comme nous l'avons dit, l'arrêt Naturally Yours Cosmetics a donné une interprétation large de la formule ainsi utilisée: elle englobe les prestations qui peuvent, lato sensu, être exprimées en termes économiques. En matière fiscale, il en résulte donc que, lorsqu'elles sont susceptibles d'une évaluation monétaire, les prestations en nature sont assimilées, pour l'essentiel, à celles qui sont entièrement réalisées par le versement d'une somme d'argent et, à y regarder de près, cette assimilation conduit forcément à la nécessité de principe de l'égalité de traitement des deux types de transactions. Des exceptions et dérogations peuvent être prévues, mais elles doivent trouver un fondement objectif. Il faut que la dérogation soit conforme aux principes de la directive et que, par ailleurs, elle ne porte pas atteinte au principe de proportionnalité.

31 D'autre part, il nous semble aussi qu'il n'est nullement pertinent, en l'espèce, d'invoquer le dix-septième considérant. Les États membres peuvent adopter des mesures afin de simplifier les procédures de recouvrement et prévenir les fraudes et évasions fiscales. Les mesures ainsi prévues sont des mesures dérogatoires et le considérant précité fait état des limites et des conditions auxquelles la dérogation reste subordonnée. Il n'est pas expressément indiqué en quoi consistent ces limites et conditions. Il s'agit de limitations qui doivent être déduites de la directive même, dans le cadre de l'interprétation de ses dispositions et des espaces de dérogation qu'elles laissent aux États membres.

32 Examinons donc le système de la directive. Celle-ci prévoit deux instruments qui se rattachent au dix-septième considérant.

En premier lieu, les États membres peuvent déroger aux dispositions de la directive pour prévenir les fraudes et évasions fiscales et l'article 27 dispose, à cette fin, qu'ils peuvent introduire ou maintenir des mesures particulières, sur autorisation du Conseil. Il existe donc un instrument spécialement forgé pour permettre aux États membres d'affronter et de résoudre les problèmes de fraude et d'évasion fiscale (26).

D'autre part, comme l'a reconnu la Cour, l'utilisation de cet instrument exige les précautions requises. On ne peut «déroger en principe au respect de la base d'imposition de la TVA visée par l'article 11 que dans les limites strictement nécessaires» pour atteindre l'objectif de la norme (27). Nous formulerons deux observations sur ce point. En premier lieu, le Royaume-Uni avait à sa disposition un mécanisme spécifique pour faire face aux problèmes que peuvent éventuellement présenter les transactions en nature quant au risque allégué de fraude ou d'évasion fiscale, et il ne s'en est pas servi (28). Il y a davantage encore: même l'instrument ad hoc prévu par le législateur a malgré tout été conçu, et précisément pour ce qui concerne la règle générale de l'article 11, comme limité par le critère de la nécessité. S'agissant donc du premier point de vue, les mesures dérogatoires qui nous occupent ont été adoptées sans passer par la procédure prévue par la directive et sans offrir aux autres États membres les garanties liées à l'observation de cette procédure (29). Le Royaume-Uni n'a pas non plus fourni d'explications concrètes au sujet de l'aspect de stricte nécessité - donc de l'impossibilité d'opter pour d'autres mesures - pour justifier le choix d'exclure les transactions comportant des prestations en nature du bénéfice de la réduction fiscale.

33 En second lieu, la directive prévoit que certaines exonérations précises sont accordées dans les conditions fixées «en vue de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels» ou encore que «d'autres obligations» sont établies par les États membres pour prévenir les fraudes (30). La disposition litigieuse ne prévoit rien, quant à elle, sur ce point. Cela constitue un argument en faveur de l'idée qu'elle n'envisage pas les dispositions dérogatoires qu'elle autorise comme destinées au but précis de prévenir la fraude et l'évasion fiscales. En d'autres termes, le silence du législateur à cet égard permet de déduire que les considérations de cette nature n'avaient pas à intervenir dans le cas de cette disposition.

34 En définitive, le législateur britannique a estimé devoir déroger à la règle générale de l'article 11, partie C, paragraphe 1, de la directive d'une «manière globale et systématique» pour les seules transactions en nature. Toutefois, le fait de ne pas accorder la réduction de la base d'imposition, dans le cas de ces transactions, aboutit à ce que l'exercice qu'il a fait de la faculté discrétionnaire de dérogation ne soit pas conforme aux impératifs du droit communautaire: on se trouve en présence d'une atteinte au principe de neutralité fiscale, qui est lui-même lié au principe, fondamental, de non-discrimination (31).

35 Une dernière et brève remarque. Au cours de l'audience, la représentante du gouvernement du Royaume-Uni a demandé à la Cour de limiter dans le temps les effets de son arrêt, au cas où ne serait pas reconnue la légalité d'une règle excluant la réduction fiscale dans le cas des opérations entièrement réalisées en nature. Elle a justifié cette demande en faisant valoir que les États membres auraient interprété la disposition en cause en toute bonne foi et qu'il faudrait donc leur épargner les problèmes «très graves» que causerait, selon le Royaume-Uni, un tel arrêt.

36 Nous ne pensons pas que cet argument mérite d'être accueilli. La limitation des effets d'un arrêt rendu sur le fondement de l'article 177 est exceptionnelle: l'interprétation donnée d'une règle du droit communautaire, dans le cadre d'une procédure préjudicielle, éclaire et précise la signification et la portée de cette règle, telle qu'elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur. La règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l'arrêt statuant sur la demande d'interprétation, si par ailleurs les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l'application de ladite règle se trouvent réunies (32).

Tels sont les principes. La Cour n'a eu recours à l'instrument de la limitation des effets de l'arrêt qu'en présence de circonstances très particulières. Elle l'a fait en cas de répercussions économiques graves, dues en particulier au nombre élevé de rapports juridiques constitués de bonne foi sur la base de la réglementation considérée comme étant validement en vigueur, ainsi que lorsqu'elle a considéré que les particuliers et les autorités nationales avaient été induits à un comportement non conforme à la réglementation communautaire en raison d'une incertitude objective et importante quant à la portée des dispositions communautaires (33).

C'est ainsi que, en dernier lieu, elle a reconnu, dans l'arrêt Bosman, la nécessité d'une limitation des effets de son arrêt - avec une unique exception en faveur des personnes ayant déjà engagé une action en justice ou soulevé une réclamation équivalente selon le droit national - au vu de l'état d'incertitude quant à la compatibilité avec le droit communautaire des diverses règles qui existaient et qui s'appliquaient en matière de transferts de joueurs (34).

37 De tels préalables ne sont pas réunis en l'espèce. Aucune précision n'a, en effet, été fournie quant aux troubles économiques graves qui résulteraient, selon le Royaume-Uni, de l'application de la disposition litigieuse, ainsi interprétée (35). On ne constate pas davantage, à notre avis, l'existence d'un comportement des institutions communautaires qui aurait été de nature à induire le Royaume-Uni à penser que les règles qu'il avait instituées en l'espèce étaient licites au regard du droit communautaire (36).

38 Enfin, en raison des considérations que nous avons exposées, nous ne croyons pas que les exigences de sécurité juridique puissent inciter à une limitation des effets de l'arrêt. Nous sommes, en effet, d'avis que la marge d'appréciation reconnue aux États membres par la disposition qui leur confère la faculté de dérogation pouvait être exercée de manière appropriée en tenant compte des principes du système de la directive - proportionnalité, neutralité fiscale, égalité de traitement -, lesquels pouvaient être déduits des arrêts dans lesquels la Cour s'est penchée sur la question des limites des dérogations à la directive. On ne constate donc pas la présence de l'élément d'incertitude juridique qui aurait pu raisonnablement induire à interpréter le champ d'application de la faculté de dérogation accordée aux États membres par la disposition en cause d'une manière correspondant aux indications de la réglementation en vigueur dans l'ordre juridique britannique (37).

Pour les raisons précédemment exposées, nous proposons à la Cour de répondre au juge de renvoi que:

«L'article 11, C, paragraphe 1, seconde phrase, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens qu'il n'autorise pas un État membre à exclure la possibilité d'un dégrèvement fiscal pour les créances irrécouvrables qui résultent de transactions en nature, si la possibilité d'un dégrèvement est, en revanche, accordée pour les créances résultant de contrats de vente contre paiement d'une somme d'argent.»

(1) - Directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1).

(2) - Ordonnance de renvoi, point 11.

(3) - L'article 11, paragraphe 2, du Finance Act de 1990 (qui était la disposition applicable au moment des faits et qui a ensuite été reprise par l'article 36 du VAT Act 1994) prévoit un droit au remboursement de la TVA exigible. En application du paragraphe 1 de l'article 11, ce dégrèvement s'applique «a) lorsqu'une personne a livré des biens ou des services en échange d'une contrepartie en argent, et a facturé et acquitté la taxe sur cette livraison, b) que la contrepartie de cette livraison a été, en tout ou en partie, passée par pertes et profits dans ses comptes et c) qu'un délai d'un an s'est écoulé (à compter de la date de la livraison).»

(4) - Voir ordonnance de renvoi, point 16.

(5) - On remarquera que, à la différence de la version italienne, la version anglaise prévoit quatres hypothèses: «cancellation», «refusal», «total or partial non-payment» et «price is reduced after the supply takes place». Dans ce cadre, la faculté de dérogation vise donc l'hypothèse n_ 3, et non l'hypothèse n_4.

(6) - Pour en revenir à la disposition examinée en l'espèce, c'est en ce sens que s'est exprimée une partie de la doctrine. Dans leur commentaire de la seconde phrase de l'article 11, C, paragraphe 1, Farmer P. et Lyal R, EC Tax Law, Oxford, 1994, p. 128, ont effectivement précisé que «the structure of the provision suggests that on this point (l'hypothèse du non-paiement total ou partiel) the power to derogate extends to the principle of reduction itself» (c'est nous qui soulignons). En un sens qui nous semble analogue, voir aussi Terra, B. J. M., et Kajius, J.: A guide to the European VAT Directives, Amsterdam, 1993, commentaire article 11, p. 95: «Notwithstanding the imperative `shall', Member States are free to derogate from this rule (i.e. not to grant or to partially grant a reduction) in the case of total or partial non-payment« (c'est nous qui soulignons).

(7) - L'article 11, C, paragraphe 1, seconde phrase, est libellé comme suit dans la version espagnole: «non obstante, en los casos de impago total o parcial, los Estados miembros podrán no applicar esta regla» (c'est nous qui soulignons).

(8) - D'ailleurs, comme le rappelle le Royaume-Uni dans ses observations, la Cour a déjà été appelée à se prononcer sur une alternative brutale de «tout ou rien» en matière d'exercice d'une dérogation. Il s'agissait de l'arrêt du 7 juillet 1994, Bramhill (C-420/92, Rec. p. I-3191), dans lequel la Cour n'a pas suivi la thèse de la partie demanderesse qui tendait à analyser la faculté de dérogation prévue à l'article 7, paragraphe 1, sous d), de la directive 79/7/CEE selon la même conception d'ensemble que celle adoptée par Goldsmiths dans la présente affaire. Dans l'affaire en question, le raisonnement de la Cour avait été fondé sur la nécessité d'une interprétation des limites de la dérogation qui n'aille pas à l'encontre de l'objectif de mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement (points 20 à 22).

(9) - Arrêt du 2 juin 1994, AC-ATEL Electronics Vertriebs (C-30/93, Rec. p. I-2305, point 21).

(10) - Voir, en ce sens, les conclusions de l'avocat général M. Mayras sous l'arrêt du 1er février 1977, Verbond van Nederlandse Ondernemingen (51/76, Rec. p. 113): «Si l'autonomie dont jouissent les États membres en matière de taxe sur la valeur ajoutée demeure complète ... ils ne peuvent agir, dans les domaines où ils ont la possibilité d'introduire des dérogations ou la faculté d'appliquer certaines dispositions transitoires ... que dans le cadre et selon les prescriptions de la directive» (p. 134).

(11) - Arrêt du 3 octobre 1985 (249/84, Rec. p. 3237, points 23 à 25; voir aussi arrêt du 6 juillet 1988, Ledoux (127//86, Rec. p. 3741, point 11).

(12) - Arrêt du 27 juin 1989 (50/88, Rec. p. 1925).

(13) - Arrêt du 10 avril 1984 (324/82, Rec. p. 1861, point 32).

(14) - Arrêt du 5 février 1981 (154/80, Rec. p. 445, point 12) (c'est nous qui soulignons).

(15) - Arrêt du 23 novembre 1988 (230/87, Rec. p. 6365; voir, en particulier, les points 16 et 17).

(16) - Voir aussi les conclusions présentées par l'avocat général M. Van Gerven le 24 janvier 1990 sous l'arrêt du 27 mars 1990, Boots Company (C-126/88, Rec. p. I-1235): «Cela fait apparaître clairement que l'article 11 A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive vise également d'autres prestations que des paiements en argent» (point 6).

(17) - Voir conclusions de l'avocat général M. Cruz Vilaça dans l'affaire Naturally Yours Cosmetics (Rec. p. 6374).

(18) - Aux termes des observations déposées par le gouvernement britannique: «the United Kingdom chose to limit relief for bad debt to cases where the supply has been made `for a consideration in money'. Its purpose, in enacting that limitation, was to remove the risk of fraud: an approach which reflects the 16th recital to the Sixth Directive», point 24.

(19) - Arrêt du 15 mai 1986 (222/84, Rec. p. 1651, point 38).

(20) - Et, en ce sens, c'est, à notre avis, avec l'arrêt Commission/Belgique, précité, que la présente affaire présente les plus grands points de ressemblance, et ce pour deux ordres de raisons. En premier lieu, du fait que, dans les deux cas, l'État membre a fait valoir le motif de prévention fiscale à l'appui de l'exercice de sa faculté de dérogation. En second lieu, en raison du fait que, en l'espèce tout comme dans l'affaire précédente, l'exercice de la faculté de dérogation aboutit, selon les termes choisis par la Cour à cette occasion, à une réglementation qui «modifie toutefois la base d'imposition d'une manière si absolue et générale qu'on ne saurait admettre qu'elle se borne aux dérogations nécessaires en vue d'éviter un risque d'évasion ou de fraude fiscales» (point 31).

(21) - D'autre part, cette présentation du principe nous semble très voisine de celle avancée par le Royaume-Uni lui-même dans l'affaire Fischer (C-283/95, procédure en cours; voir observations du Royaume-Uni présentées le 20 décembre 1995): «The essential nature of the principle (of neutral fiscality), as its very name indicates, is neutrality. Its force is derived from the need to ensure that economic activities are treated equally and to ensure that the common system of value added taxation is not distorted by irrelevant or illegitimate distinctions».

(22) - Voir observations du Royaume-Uni, point 25: «There is no suggestion of fraud in the present case».

(23) - Et, en ce sens, il nous semble intéressant de souligner ce qu'écrivait au sujet du contrat de troc un auteur italien à une époque, peu éloignée, caractérisée par des taux d'inflation élevés: «bisogna prendere atto di un rinnovato interesse per questo tradizionale istituto, idoneo a recuperare in termini reali il valore di scambio dei beni, sui quali incidono invece negativamente i grandi processi inflazionistici in atto ed il correlato elevatissimo corso del denaro»; Ricca, L.: «Permuta», EdD, vol. XXXIII, p. 125, Milan (point 1).

(24) - Sur ce point, nous nous permettons d'être d'un avis différent de celui que le Royaume-Uni a exprimé à l'audience en précisant que, d'un point de vue économique, le fait d'exclure du bénéfice de la réduction fiscale les transactions en nature ne comportait pas d'éléments de distorsion, dans la mesure où le risque plus élevé que présentent ces transactions est intériorisé dans le prix. Nous pensons, en effet, que cet effet de risque majoré «induit» est intrinsèquement de nature à détourner certaines opérations vers la vente, plutôt que vers les opérations en nature, qui deviennent plus onéreuses au vu de la réglementation britannique. Nous voulons dire, en substance, que le raisonnement du Royaume-Uni, qui implique (si nous l'avons bien compris) l'idée d'une «neutralité» des effets de la réglementation spécifiquement édictée pour ce type d'opérations sur les choix économiques, est une thèse qui serait valable si lesdites opérations n'étaient pas en «concurrence» avec celles dont la réalisation comporte des prestations monétaires..

(25) - Voir Terra, B. J. M., et Kajius, J.: op. cit., p. 14: «the general character of a sales tax demands that the equal is treated equally and the unequal in proportion unequally».

(26) - Pour une analyse des finalités de cette disposition, nous renvoyons à ce qui a été précisé par l'avocat général M. Jacobs dans les conclusions présentées le 30 avril 1991 sous l'arrêt du 11 juillet 1991, Lennartz (C-97/90, Rec. p. I-3795): «Les règles générales de la sixième directive ... ont pour fonction de concilier les intérêts de la simplification administrative avec les objectifs du système commun de TVA, en particulier celui de neutralité. Il aurait sans doute été difficile, sinon impossible, d'envisager toutes les difficultés techniques ou toutes les formes de fraude ou d'évasion susceptibles d'être rencontrées par les autorités fiscales de la Communauté. ... Il était donc utile de permettre aux États membres de demander une autorisation individuelle pour des mesures visant des problèmes particuliers» (point 71).

(27) - Voir arrêt Commission/Belgique, précité note 13, point 29.

(28) - A cet égard, il semble opportun de signaler que le Royaume-Uni est celui des États membres qui a fait le plus grand usage de la possibilité conférée par l'article 27. En effet, les mesures de simplification et de lutte contre l'évasion fiscale que ce pays a notifiées à la Commission sont au nombre de douze (la République française et la République fédérale d'Allemagne ont soumis cinq mesures chacune à l'examen de la Commission). Ces chiffres sont tirés de Terra B. J. M. et Kajius J., op. cit., voir commentaire de l'article 27, p. 19.

(29) - Voir les paragraphes 2, 3 et 4 de l'article cité dans le texte. Ces dispositions imposent à l'État membre de communiquer à la Commission les mesures prévues, afin que celle-ci puisse les évaluer; d'autre part, la Commission est tenue d'informer les autres États membres et ces derniers ont la possibilité de redemander un examen du cas par le Conseil.

(30) - Voir, en ce sens, les articles 13, partie B, 14 et 22, paragraphe 8, de la directive.

(31) - Voir arrêt Commission/Belgique, précité, note 13, point 32.

(32) - Arrêt du 27 mars 1980, Salumi e.a. (66/79, 127/79 et 128/79, Rec. p. 1237, point 10).

(33) - Conclusions de l'avocat général M. Tesauro du 30 janvier 1992 sous l'arrêt du 31 mars 1992, Dansk Denkavit et Poulsen Trading (C-200/90, Rec. p. I-2217, point 12); voir aussi la jurisprudence citée.

(34) - Arrêt du 15 décembre 1995 (C-415/93, Rec. p. I-4921, points 143 et 144).

(35) - En outre, comme on le sait, le seul fait d'invoquer les conséquences économiques d'une certaine interprétation du droit communautaire n'est pas de nature à justifier la limitation des effets de l'arrêt de la Cour pour éviter le paradoxe, mis en lumière par l'avocat général M.Tesauro dans les conclusions précitées, de traiter «plus favorablement précisément les violations les plus graves» (point 12).

(36) - Nous rappelons que, dans certains arrêts, la Cour a retenu, à titre d'élément en faveur de la bonne foi invoquée, la circonstance que la Commission avait renoncé à poursuivre une procédure en manquement contre une pratique ultérieurement considérée comme contraire au droit communautaire, ou avait provisoirement consenti à son maintien (arrêt du 16 juillet 1992, Legros e.a. (C-163/90, Rec. p. I-4625, point 32); de manière analogue, dans l'arrêt du 30 avril 1996, Cabanis-Issarte (C-308/93, Rec. p. I-2097), elle a pris en compte, pour décider de limiter dans le temps les effets de son arrêt, la circonstance que celui-ci limitait à son tour la jurisprudence antérieure (points 46 à 48).

(37) - S'agissant de l'exigence du caractère raisonnable, on peut s'appuyer sur l'arrêt Dansk Denkavit et Poulsen Trading, précité, dans lequel la Cour a constaté que «le gouvernement danois n'a[vait] pas démontré que, à l'époque de l'institution de la contribution litigieuse, le droit communautaire pouvait raisonnablement être compris comme autorisant une telle taxe» (point 21; c'est nous qui soulignons).