61995C0002

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 4 juillet 1996. - Sparekassernes Datacenter (SDC) contre Skatteministeriet. - Demande de décision préjudicielle: Østre Landsret - Danemark. - Sixième directive TVA - Article 13 B, sous d), points 3 à 5 - Opérations exonérées. - Affaire C-2/95.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-03017


Conclusions de l'avocat général


1 L'OEstre Landsret (Danemark) pose, à titre préjudiciel, six questions relatives à l'interprétation de l'article 13, partie B, sous d), points 3, 4 et 5, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (1) (ci-après la «sixième directive»).

2 Le litige porté devant cette juridiction danoise vise à déterminer si certains services fournis par la requérante à une série d'établissements de crédit (caisses d'épargne et banques) sont redevables ou non de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»). Concrètement, le juge de renvoi souhaite savoir si ces prestations peuvent bénéficier des règles relatives à l'exonération de la TVA inscrites à l'article 13, partie B, sous d), points 3, 4, et 5, de la sixième directive.

Les faits de l'affaire au principal, tels qu'ils ressortent de l'acte de renvoi

3 Le Sparekassernes Datacenter (ci-après «SDC») est une personne morale enregistrée aux fins de la TVA, créée par la Danmarks Sparekasseforening (association des caisses d'épargne du Danemark). Selon le droit danois, SDC ne constitue pas un établissement ou organisme de crédit (2). Avant 1993, il effectuait toute une série de prestations, en priorité pour les caisses d'épargne précitées, mais également pour d'autres entreprises du secteur financier (3).

4 Après la restructuration opérée en 1993, SDC a créé une société anonyme (SDC af 1993 A/S) qui fournit toutes les opérations effectuées jusqu'alors par la requérante, de sorte que c'est lui qui fournit les prestations aux établissements de crédit. Pour des raisons d'organisation, SDC af 1993 A/S facture à la requérante, laquelle établit à son tour une facture pour les membres de l'association SDC.

5 Les faits sur lesquels porte le litige correspondent à la situation existant jusqu'à la réorganisation des activités de la requérante, en 1993. L'incidence éventuelle des prestations postérieures à cette restructuration fait l'objet de la dernière question préjudicielle (question 6).

6 Les membres composant la requérante sont des caisses d'épargne et des banques (4). Le bilan de l'exercice 1992 fait apparaître que le chiffre d'affaires brut de SDC s'élevait à 650,2 millions de DKR, dont 378,2 millions à titre de «revenus informatiques».

7 En juillet 1986, la requérante au principal a consulté l'administration compétente (Distriktstoldkammer) pour savoir si la part de ses activités pouvant être qualifiées de «simples» opérations de virement était exonérée de la TVA. Jusqu'alors elle avait payé la TVA pour toutes ses prestations.

8 Le 23 septembre 1986, la Distriktstoldkammer a décidé que la part d'activité de la requérante consistant à procéder à des virements entre deux établissements de crédit était exonérée de la TVA.

9 Le 18 juillet 1988, la requérante a réclamé la restitution d'environ 229 millions de DKR, correspondant au montant de TVA qu'elle avait acquitté en trop, selon elle, au cours de la période comprise entre le 1er octobre 1981 et le 31 mars 1988, au titre de virements de fond.

10 Eu égard à l'importance du montant et au caractère de principe de l'affaire, la Distriktstoldkammer a soumis la question à l'autorité administrative supérieure, à savoir la Told- og Skattestyrelse (direction des douanes et des contributions).

11 Cette dernière a estimé, par décision du 20 avril 1990, que seul le service de virements «en tant que tel» mentionné au point 4.7 du catalogue de produits (brochure d'utilisation) de la requérante pouvait être considéré comme compris dans le champ d'application de l'exonération de la TVA instituée par l'article 2, paragraphe 3, sous j), de la loi danoise relative à la TVA, qui met en oeuvre dans le droit interne danois l'article 13, partie B, sous d), de la sixième directive.

12 A la suite de cette décision, la Told- og Skattestyrelse a ordonné la restitution à la requérante des sommes perçues en excès au titre de la TVA (61 022 170 DKR), majorées des intérêts, d'un montant de 13 376 520 DKR.

13 La requérante a déféré cette décision devant la Momsnaevn (commission administrative d'appel en matière de TVA) qui, agissant en tant qu'instance administrative suprême, a, par décision du 14 février 1992, statué en ce sens qu'aucune des prestations fournies par la requérante n'était exonérée de la TVA.

14 Le 27 avril 1992, la requérante a saisi l'OEstre Landsret de la décision de la Momsnaevn et c'est cette juridiction qui a formé la demande de décision préjudicielle en posant à la Cour les questions suivantes:

«1) L'article 13, partie B, sous d), points 3 à 5, de la sixième directive TVA doit-il être interprété en ce sens qu'il y a lieu d'accorder l'exonération de TVA pour des prestations du genre de celles décrites aux sections 3 et 5 de l'ordonnance de renvoi?

Dans ce même contexte, le fait qu'une opération au sens de ces dispositions soit effectuée, en tout ou partie, de façon électronique s'oppose-t-il à l'octroi d'une exonération de TVA au titre de l'article 13, partie B, sous d), points 3 à 5?

2) A l'article 13, partie B, sous d), points 1 et 2, de la directive TVA figurent respectivement les termes `par celui qui les a octroyés' et `par celui qui a octroyé les crédits'. Cette qualification du sujet n'est pas reprise sous d), points 3 à 5, du même article.

Convient-il d'accorder de l'importance à cette différence lorsqu'il s'agit d'interpréter l'article 13, partie B, sous d), points 3 à 5?

3) A. Aux fins de l'application de l'article 13, partie B, sous d), points 3 à 5, importe-t-il de distinguer selon que les opérations sont effectuées par des établissements financiers ou par des personnes autres que ceux-ci?

B. Importe-t-il, aux fins de l'application de l'article 13, partie B, sous d), points 3 à 5, que l'ensemble de la prestation financière soit effectuée par un établissement financier qui se trouve en relation avec un client?

C. S'il n'est pas nécessaire, aux fins de l'application de l'article 13, partie B, sous d), points 3 à 5, que l'établissement financier effectue l'ensemble de la prestation, l'établissement financier peut-il faire effectuer, à titre onéreux, tout ou partie des opérations par une autre personne, de telle sorte que les prestations effectuées par cette autre personne soient comprises dans le champ d'application de l'article 13, partie B, sous d), points 3 à 5, ou peut-on poser des exigences particulières dans le chef de cette autre personne?

4) Comment y a-t-il lieu d'interpréter les termes `opérations ... concernant' visés à l'article 13, partie B, sous d), points 3 et 4?

La juridiction de céans souhaite à cet égard savoir si les termes `opérations ... concernant' doivent être entendus en ce sens qu'il y a également lieu d'accorder l'exonération de TVA dans les cas où une personne soit n'effectue qu'une partie de cette prestation, soit n'effectue que certaines des opérations, au sens des dispositions précitées de la directive, nécessaires à la fourniture de la prestation financière globale.

5) S'agissant d'interpréter l'article 13, partie B, sous d), points 3 à 5, quelle importance doit-on attribuer au fait que l'assujetti qui sollicite l'exonération de TVA pour des opérations au sens de ces dispositions les effectue pour le compte de l'établissement financier au nom duquel l'opération est effectuée?

6) La circonstance que, à la suite d'une réorganisation de la requérante, les prestations en cause soient désormais assurées par une société anonyme qui fournit les prestations aux établissements financiers affiliés revêt-elle de l'importance au regard de l'application de l'article 13, partie B, sous d), points 3 à 5?

On remarquera à cet égard que la société anonyme facture lesdites prestations à la requérante, qui les facture à son tour aux établissements membres du réseau.»

Observations préliminaires sur la nature des services fournis par SDC et sur la portée des questions soulevées

15 Le juge de renvoi a exprimé dans l'ordonnance de renvoi son avis sur les caractéristiques des prestations fournies par la requérante à ses membres et à leurs clients (5). Cette opinion, formée après une analyse des preuves (surtout sous forme de documents) (6) qui figurent au dossier, constitue le point de départ de la qualification juridique des services fournis, à l'effet de leur inclusion ou non dans l'assiette de la TVA.

16 Dans un système de coopération entre juridictions, tel que celui réglementé à l'article 177 du traité CE, l'appréciation des preuves apportées dans le litige au principal appartient, logiquement et exclusivement, au juge national. La Cour de justice peut donc «tenir pour établi», selon les termes mêmes de l'acte de renvoi, que les prestations de la requérante présentent les caractéristiques suivantes:

- la requérante n'effectue de prestations de services qu'à la demande d'une caisse d'épargne faisant partie du réseau, de l'un de ses clients ou d'autres personnes qui sont autorisées, suivant convention avec le client, à exiger, par exemple, des paiements;

- la demande résulte de la transmission électronique d'une information; cette information peut avoir pour conséquence qu'une prestation est effectuée immédiatement ou que plusieurs prestations successives ont lieu sur une période de temps plus ou moins longue;

- un client ne peut transmettre une information qu'après y avoir été autorisé par l'établissement, par exemple sous forme de délivrance d'une carte de paiement ou de crédit;

- le nom de la requérante n'apparaît pas vis-à-vis des clients de chacune des caisses d'épargne en particulier, et la requérante n'a pas non plus souscrit d'obligation juridique vis-à-vis de ceux-ci;

- la requérante ne perçoit pas le prix auprès de chaque client, mais uniquement auprès des membres du réseau;

- les prestations de la requérante s'effectuent, pour l'essentiel, en tout ou partie, par mode électronique.

17 Les domaines d'activité dans lesquels SDC fournit des services sont, aux termes de l'acte de renvoi, les quatre suivants:

- opérations de virement;

- conseil en matière de gestion de titres (7);

- gestion des dépôts, des contrats d'achat et des crédits;

- tâches en rapport avec des situations internes aux membres.

18 L'objet du litige au principal, en ses diverses instances, devant les organes administratifs et juridictionnels danois, s'est limité au remboursement des montants payés par la requérante au titre de la TVA en ce qui concerne son activité en matière de «virements» de fonds.

19 Il est vrai que la décision finale de la Momsnaevn, en tant que dernière instance administrative, conteste de manière générale à la requérante le bénéfice de l'exonération pour l'ensemble de ses prestations, quelles qu'elles soient. Toutefois cette décision (8) était la réponse finale - au plan administratif - à une demande initiale qui portait seulement sur le remboursement des montants payés au titre de la TVA sur les virements de fonds.

20 En d'autres termes, SDC n'avait pas contesté devant les autorités danoises (c'est au moins ce qui ressort de la description des antécédents du litige faite par le juge de renvoi) (9) qu'elle était obligée de payer la TVA pour les services concernant les secteurs d'activité autres que les virements de fonds.

21 Dans ces conditions, je ne pense pas qu'il serait d'une grande utilité, pour le juge de renvoi, que la Cour lui réponde sur l'assujettissement à la TVA d'activités autres que les virements de fonds précités, ou leur exonération.

22 En particulier, si, dans le cadre du litige au principal, SDC n'a pas demandé le remboursement des montants de la TVA correspondant à ses activités de conseil pour la gestion de valeurs mobilières, la gestion de crédits ou de dépôts, et les opérations liées à la situation interne de ses membres, je ne vois pas en quoi une réponse de la Cour sur le régime fiscal de telles opérations pourrait apporter une aide au juge danois.

23 Quoi qu'il en soit, le poids de cette objection est limité: en effet, la teneur des questions formulées par le juge de renvoi permettrait, à mon avis, de donner une réponse globale, de principe, sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans les détails spécifiques à chacune des différentes opérations réalisées.

24 Pour plus de clarté, après avoir reproduit le texte de la réglementation communautaire soumise à interprétation, j'analyserai les questions préjudicielles en les regroupant en trois catégories:

a) celles qui se réfèrent aux éventuels éléments subjectifs de l'exonération (questions 2, 3A et 6);

b) celles qui se réfèrent à l'objet des opérations exonérées (questions 3B, 3C, 4 et 5);

c) celle qui se réfère au rattachement des opérations concrètes de SDC à la catégorie des opérations exonérées (question 1).

Les règles communautaires qui font l'objet de la demande d'interprétation

25 L'article 13 de la sixième directive fixe les exonérations que les États membres doivent introduire en matière de TVA. Les passages de cet article dont l'interprétation est demandée sont les suivants:

«B. Autres exonérations

Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

...

d) les opérations suivantes:

1. l'octroi et la négociation de crédits ainsi que la gestion de crédits effectuée par celui qui les a octroyés;

...

3. les opérations, y compris les négociations, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l'exception du recouvrement des créances;

4. les opérations, y compris la négociation, portant sur les devises, les billets de banque et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux, à l'exception des monnaies et billets de collection; sont considérés comme de collection les pièces en or, en argent ou en autre métal, ainsi que les billets, qui ne sont pas normalement utilisés dans leur fonction comme moyen de paiement légal ou qui présentent un intérêt numismatique;

5) les opérations, y compris la négociation mais à l'exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d'associations, les obligations et le autres titres, à l'exclusion:

- des titres représentatifs de marchandises; - des droits ou titres visés à l'article 5, paragraphe 3».

26 Il convient toutefois de relever que, aux termes du paragraphe 3, sous b), de l'article 28 de la sixième directive, les États membres peuvent, pendant la période transitoire visée au paragraphe 4 dudit article, continuer à exonérer les opérations énumérées à l'annexe F dans les conditions existantes dans l'État membre.

27 Ces opérations - qui, en l'absence de la disposition précitée, auraient nécessairement été redevables de la TVA - sont les suivantes:

a) la gestion de crédits et de garanties de crédits par une personne ou un organisme autre que ceux ayant accordé les crédits (point 13 de l'annexe F);

b) le recouvrement de créances (point 14 de l'annexe F);

c) la garde et la gestion d'actions, de parts de sociétés ou d'associations, d'obligations et d'autres titres ou effets de commerce, à l'exclusion des titres représentatifs de marchandises et des droits et titres visés à l'article 5, paragraphe 3 (point 15 de l'annexe F).

28 La période transitoire pendant laquelle les États pouvaient, à titre exceptionnel, maintenir l'exonération a définitivement pris fin, soit le 1er janvier 1990 (pour le recouvrement de créances), soit le 1er janvier 1991 (pour les deux autres catégories d'opérations) (10). A partir de ces dates, donc, ces opérations sont soumises au régime général de la sixième directive et, en conséquence, elles sont redevables de la TVA de la même manière que les autres opérations qui y sont assujetties.

Les personnes concernées par les opérations exonérées au titre de l'article 13, partie B, sous d), points 3, 4 et 5 de la sixième directive

29 L'acte de renvoi comporte trois questions qui demandent à la Cour de se prononcer sur les aspects liés aux éventuels éléments subjectifs des exonérations litigieuses; il me paraît approprié de traiter ces questions ensemble, en raison de leur caractère de connexité.

30 La question clé à cet effet est la question 3A, par laquelle le juge de renvoi cherche à savoir si les exonérations s'appliquent différemment selon que les opérations concernées sont effectuées par des établissements de crédit ou par d'autres personnes. La question 2 touche au même problème en demandant si certaines expressions aux points 1 et 2 de l'article 13, partie B, sous d) (concernant les auteurs des opérations), et qui ne figurent pas aux points 3, 4 et 5, ont de l'importance dans cette situation. Enfin, la question 6 porte sur les conséquences que peut avoir l'intervention d'une société anonyme dans la prestation de services par SDC.

31 De manière générale, il me paraît clair que les dispositions reproduites ci-dessus ne font aucune référence à d'éventuels éléments subjectifs de l'exonération. Il s'agit donc de règles énoncées uniquement en fonction de la nature objective des opérations concernées, quels que soient ceux qui les effectuent.

32 Il est vrai que plusieurs des opérations qui font l'objet de l'exonération (plus spécifiquement certaines de celles décrites à l'article 13, partie B, sous d), points 3 et 4) relèvent normalement des activités bancaires et que, dans certains États membres, elles sont réservées par la loi, exclusivement à certains établissements bancaires ou à des intermédiaires financiers. Mais c'est là le résultat des options de politique économique de ces États membres et non pas de l'application de la sixième directive.

33 Dans la mesure où des personnes autres que les établissements bancaires ou les intermédiaires financiers peuvent, selon le droit interne, effectuer les opérations visées aux points précités, les exonérations en cause leur sont pleinement applicables. Rien n'empêche donc qu'une personne physique ou morale, de nature bancaire ou non, bénéficie de l'exonération en analyse.

34 C'est ce qu'a établi la Cour de justice dans son arrêt du 27 octobre 1993, Muys (11), à l'égard d'une autre opération visée à l'article 13, partie B, sous d), de la sixième directive, concrètement à l'égard de l'octroi de crédits. Le fait qu'une telle opération a été exonérée conformément au point 1 et non pas aux points 3, 4 et 5 de la lettre d) est dénué d'importance ici, car le raisonnement de l'arrêt peut parfaitement s'appliquer par analogie à la présente procédure.

35 Il est affirmé dans cet arrêt (point 13) que, «si les exonérations prévues par l'article 13 sont d'interprétation stricte (voir arrêt du 15 juin 1989, Stichting Uitvoering Financiële Acties, 348/87, Rec. p. 1737), il n'en demeure pas moins qu'à défaut de précision de l'identité du prêteur ou de l'emprunteur, l'expression `octroi et négociation de crédits' est en principe suffisamment large pour inclure un crédit accordé par un fournisseur de biens sous la forme d'un sursis à paiement. Contrairement à l'affirmation de la Commission, une limitation de la portée de l'article 13, partie B, sous d) point 1, aux seuls prêts et crédits octroyés par des organismes bancaires et financiers, ne résulte nullement des termes de cette disposition» (12).

36 D'ailleurs, pour en revenir à l'analyse des points 3, 4 et 5 de la lettre d), une bonne partie des opérations exonérées au titre de ces dispositions ne suppose même pas l'intervention d'un organisme bancaire. S'il est vrai que, selon la réglementation actuelle, les dépôts de fonds, les comptes courants ou les chèques sont normalement traités par des organismes bancaires, ces derniers peuvent rester en dehors de certaines opérations habituelles du commerce, comme l'émission de certains effets de commerce. De même, certaines opérations relatives à des actions et obligations sont fréquemment réalisées sans l'intervention des organismes bancaires.

37 Dans le même ordre d'idées, on peut comprendre que les points 3, 4 et 5 ne comportent pas l'expression «par celui qui les a octroyés» qui figure à d'autres points de la même lettre d) pour accorder l'exonération à la «gestion de crédits effectuée par celui qui les a octroyés» (point 1) ou à la «gestion de garanties de crédits effectuée par celui qui a octroyé les crédits» (point 2).

38 Aux points 1 et 2, il s'agit de limiter l'exonération accordée à certains types d'opérations: ce n'est que lorsque les crédits ou leur garantie sont gérés par ceux qui ont octroyé les crédits en cause que naît le droit à l'exonération. Ce droit n'existe donc pas lorsque la gestion est effectuée par un tiers, autre que celui qui a octroyé le crédit.

39 Le fait que l'expression («par celui qui les a octroyés») ne figure pas aux points 3, 4 et 5 confirme, si c'était nécessaire, que ces dispositions font abstraction des éléments subjectifs des opérations, en instituant le bénéfice fiscal en termes uniquement objectifs, par référence aux opérations en tant que telles.

40 En fin de compte, le fait que les sujets actifs des opérations en question soient des associations, des sociétés anonymes, des personnes physiques, ou tout autre type d'organisme doté de la personnalité morale, n'affecte en rien ce que je viens de dire. Les problèmes d'intervention d'une société anonyme visés dans la dernière question préjudicielle peuvent être envisagés sous l'angle de l'objet des prestations globales et de l'interaction des entreprises (à laquelle je me référerai plus loin), mais ils disparaissent si on les traite dans la perspective des personnes concernées par les opérations.

L'objet des opérations exonérées au titre de l'article 13, partie B, sous d), points 3, 4 et 5, de la sixième directive

41 Les «opérations» (13) auxquelles se réfère la lettre d) sont de véritables actes juridiques de nature contractuelle, soit de caractère purement privé, soit - dans la plupart des cas - de caractère commercial. S'il intervient dans ces opérations un établissement de crédit, caisse d'épargne ou banque, en tant que partie au contrat juridique correspondant, son caractère commercial est indéniable.

42 Le législateur communautaire a octroyé l'exonération en cause à une série d'«opérations» caractérisées par leur fréquence dans les affaires juridiques; en effet, l'absence d'exonération aurait pesé tant sur l'activité économique quotidienne, qui s'exerce en utilisant les moyens commerciaux mentionnés (chèques, effets de commerce, comptes courants, etc.), que sur la transmission des actions, parts de société, obligations et autres titres.

43 Les «opérations» exonérées lorsqu'elles sont effectuées entre les établissements de crédit et leurs clients - et telle est l'hypothèse à laquelle se réfère constamment l'acte de renvoi (14) - constituent en réalité des contrats bancaires de nature très différente. Pour tous ces contrats, l'établissement s'oblige à fournir un service aux clients en échange d'une certaine rémunération (15). Les services peuvent être fournis une seule fois ou de manière répétée, sans que cela ait une incidence sur le bénéfice de l'exonération.

44 Ce qui importe pour la solution du litige est, à mon avis, que l'exonération est accordée à l'«opération» entre l'établissement et son client, qui est l'unique contrat juridique à laquelle ils participent tous les deux. Cette opération serait en principe redevable de la TVA, de telle sorte que le montant de la taxe serait répercuté sur le client, en tant que consommateur final. L'exonération est admise, précisément, pour éviter une telle charge sur l'activité économique.

45 Il importe d'insister sur le fait que l'«opération» assujettie à la TVA (et immédiatement exonérée) est le contrat juridique entre le client et l'établissement de crédit. Lorsqu'il s'agit, par exemple, d'un ordre de paiement ou d'un virement, les parties à la relation juridique sont le client qui passe l'ordre et la caisse d'épargne - ou, en général, l'établissement de crédit - qui accepte l'ordre et fournit au client un service consistant à transférer les fonds en faveur d'un tiers.

46 Dans ces circonstances, aux fins de l'application de l'exonération, peu importe quels sont les moyens ou instruments par lesquels l'établissement de crédit s'acquitte de ses obligations, dérivées du contrat juridique avec le client. De même, le fait qu'en utilisant ces moyens ou instruments l'établissement de crédit fait appel, pour sa part, à des tiers est également dénué de pertinence.

47 En d'autres termes, il y a, d'une part, l'«opération», c'est-à-dire le contrat juridique entre la banque ou la caisse d'épargne et son client, et, d'autre part, de manière tout à fait distincte, la façon dont l'établissement de crédit s'acquitte matériellement de son obligation de fournir le service accordé. Seul ce contrat juridique est visé par la sixième directive lorsqu'on y parle, à l'article 13, partie B, sous d), d'«opérations exonérées».

48 Certaines des questions préjudicielles déférées par le juge de renvoi (16) comportent une certaine ambiguïté qu'il convient d'éliminer: les «opérations» analysées ne consistent pas en une «prestation financière globale» qu'il est possible de décomposer en plusieurs «parties» différentes ou «sous-prestations» indépendantes, chacune de ces dernières pouvant être attribuées à des auteurs différents. Au contraire, on est en présence d'une seule prestation financière découlant du contrat juridique liant le client et sa banque ou caisse d'épargne, et ce, indépendamment des processus, internes ou non, par lesquels l'organisme bancaire fournit en fait son service.

49 Le tribunal de renvoi reconnaît lui-même qu'il n'y a pas de lien juridique entre la requérante et les clients des établissements de crédit. Ainsi, SDC ne fournit des services qu'à ces établissements, et ne s'oblige qu'à leur égard, sans même que son nom soit porté à la connaissance des clients. Il n'existe en conséquence aucune «opération», de quelque nature qu'elle soit, entre la requérante et les clients des établissements bancaires.

50 L'intervention de la requérante se limite à fournir aux caisses d'épargne et banques associées un service électronique déterminé (17), lequel, dans l'état actuel de la technologie informatique, facilite énormément la gestion du trafic bancaire: ainsi, SDC fournit aux établissements bancaires agréés un service qui consiste essentiellement dans le traitement et la transmission électronique de données (18).

51 Ce «service» est un simple instrument, parmi d'autres, dont disposent les banques et caisses d'épargne pour s'acquitter des obligations qu'elles ont contractées vis-à-vis de leurs clients. Il n'est pas possible, toutefois, de les confondre avec les «opérations» bancaires au sens propre du terme qui font l'objet de l'exonération et auxquelles je me suis référé ci-dessus. Il s'agit au contraire d'un moyen technique, parmi d'autres possibilités, que l'établissement de crédit utilise à sa propre convenance.

52 Les caisses d'épargne et les banques ont le choix entre deux options pour effectuer le traitement et la transmission électronique des données, en vue de l'exécution matérielle des opérations de transfert, de paiement, de gestion de comptes courants et similaires: soit elles emploient leurs moyens propres, en personnel et en matériel, comme pour le reste de leur activité bancaire, soit elles passent un contrat avec un tiers pour l'exécution matérielle de certaines de ces tâches.

53 Dans la deuxième hypothèse, qui est celle du dossier, la relation juridique entre le client et la caisse d'épargne reste exactement comme si cette dernière effectuait par ses propres moyens l'exécution matérielle de telles tâches. Il n'y a de différence qu'en ce qui concerne le système interne de fonctionnement de l'établissement de crédit lui-même, mais cela n'a aucune importance vis-à-vis du client, lequel a conclu un contrat exclusivement avec la banque ou la caisse d'épargne qui sont les seules responsables vis-à-vis de lui.

54 Le choix de l'une ou l'autre option est une décision de politique de l'entreprise qui a, dans ce secteur d'activité, les mêmes conséquences fiscales que dans les autres secteurs. Si une entreprise fait appel aux services d'une autre entreprise pour l'exécution de certaines tâches, au lieu de s'en acquitter avec ses propres moyens en personnel et en matériel, elle devra payer la TVA correspondant à la prestation de ces services.

55 Il n'est pas possible, en conséquence, d'admettre l'argument de la requérante en ce qui concerne la prétendue discrimination fiscale entre les entreprises bancaires, qui disposent par elles-mêmes de leurs propres moyens informatiques, et les autres qui sont tenues de s'attacher, à cet effet, les services d'un tiers. Comme je l'exposerai ci-après, c'est là la conséquence logique de la structure fiscale qui caractérise la TVA.

56 Le principe de neutralité fiscale, à la base du système de la TVA, n'est pas affecté par le choix de cette option. En effet, le fait assujetti à la TVA, s'agissant d'une «prestation de services», implique la présence de deux sujets fiscaux indépendants, juridiquement liés entre eux, et dont l'un effectue une opération en faveur de l'autre.

57 Ainsi, les travailleurs salariés qui, sous la direction de leur employeur et rémunérés par ce dernier, apportent leurs services à l'entreprise qui les emploie ne sont pas des assujettis. Dans le cadre de la prestation de tels services, il n'y a pas de fait imposable, assujetti à la TVA: en réalité, il s'agit d'un phénomène de non-assujettissement (19) dérivé a contrario de la définition positive du fait imposable au titre de la TVA, et même de la nature propre à cette taxe.

58 Les entreprises, dans le cadre de leurs décisions de politique interne, peuvent choisir d'effectuer certaines tâches par les propres moyens de l'entreprise, cette dernière utilisant son personnel salarié. Dans un tel cas, il n'y a pas de fait imposable au titre de la TVA. Au contraire, elles peuvent choisir de passer des contrats avec des tiers, juridiquement indépendants de l'entreprise, pour la prestation de ces services: dans ce cas, il s'agit d'une opération redevable de la TVA.

59 Ce schéma, qui reprend d'ailleurs des éléments simples de la dynamique de la TVA, peut parfaitement s'appliquer à la présente espèce. Une caisse d'épargne peut exécuter matériellement les contrats juridiques passés avec ses clients, en ce qui concerne les virements de fonds et similaires, soit avec ses propres employés, ses ordinateurs et ses systèmes de transmission électronique, soit en faisant appel, à cet effet, à une autre entreprise. Dans le premier cas, aucune TVA n'est due; dans le deuxième cas, la prestation de services fournie par une entreprise externe à la caisse d'épargne est redevable de la TVA.

60 En relation avec un problème analogue, bien qu'avec des aspects différents, la Cour s'est prononcée dans ce même sens, dans un arrêt du 6 avril 1995, BLP Group (20), en distinguant les conséquences fiscales des choix de l'entreprise entre les opérations exonérées et les opérations imposées. On peut appliquer un raisonnement identique aux cas, tels que ceux de l'espèce, où le choix n'est pas entre des opérations exonérées et des opérations imposées, mais entre des opérations qui ne sont pas assujetties et des opérations imposées.

61 Au demeurant, le fait que l'intervention de l'entreprise extérieure, au service des établissements bancaires, ait un lien avec les activités commerciales de ces derniers n'affecte en rien ce que je viens d'exposer. Toutes les entreprises qui fournissent des services aux établissements bancaires, pour leur faciliter l'accomplissement normal de leur activité commerciale (c'est-à-dire de leurs opérations avec leurs clients), en viennent, en définitive, à «collaborer» aux activités financières des banques et caisses d'épargne, et ne sont pas pour autant exonérées du paiement de la TVA.

62 Le gouvernement danois souligne, à juste titre, que, si l'on suit les arguments de la requérante, toute entreprise indépendante passant un contrat avec un établissement bancaire, en vue de lui fournir un service plus ou moins lié aux «opérations» bancaires typiques qui sont exonérées au titre de la sixième directive, pourrait également prétendre à l'exonération; il en serait ainsi de l'entreprise téléphonique grâce à laquelle les ordres de virement sont transmis, ou de l'entreprise de transport et de sécurité qui transfère matériellement les fonds d'une succursale à une autre, etc.

63 De tels exemples, ainsi que d'autres qu'on pourrait ajouter, démontrent bien la nécessité de circonscrire les limites de l'exonération à ce qui constitue son objet juridique: les transactions (21) ou les opérations financières conclues entre agents économiques. L'utilisation, par un organisme bancaire, de services auxiliaires de tiers (qu'il s'agisse d'entreprises de traitement électronique de données, de téléphone, de transport ou de messagerie), aux fins d'accomplir ses propres obligations, découlant des contrats souscrits avec ses clients, est un phénomène étranger, en tant que tel, à l'exonération qui fait l'objet de la présente analyse.

L'appartenance des différentes opérations de SDC à la catégorie des opérations exonérées

64 Compte tenu de la description, telle qu'elle a été résumée ci-dessus, des services fournis par SDC à ses membres, et si l'on accepte les conclusions que je défends, il convient de nier que ces services appartiennent à la catégorie des opérations exonérées sur lesquelles porte le présent débat.

65 En effet, j'ai déjà souligné que SDC ne réalise pas, à proprement parler, des opérations avec les particuliers et les entreprises, qui sont clients des banques ou des caisses d'épargne. Il se borne au contraire à fournir à ces établissements de crédit quelques moyens ou services techniques déterminés pour le meilleur accomplissement des opérations typiquement bancaires qu'ils réalisent avec leurs clients.

66 La fonction d'aide ou d'instrument de SDC, en tant qu'entreprise extérieure aux banques ou caisses d'épargne, est analogue à celle de toute autre entreprise passant un contrat avec un établissement de crédit pour lui fournir des services professionnels dans le secteur du traitement électronique des données. Dans la mesure où de tels services ne constituent en eux-mêmes aucune des «opérations» ou transactions juridiques visées à l'article 13, partie B, sous d), de la sixième directive, ils ne peuvent bénéficier de l'exonération prévue par cette disposition.

67 Il convient de préciser ces observations en les liant à chacun des quatre types d'opérations décrites en détail au point 3.1 de l'acte de renvoi.

68 En ce qui concerne les virements (lettre A du point 3.1 de l'acte de renvoi), qui constituent la plus grande partie de l'activité de SDC, j'ai déjà mentionné que l'opération exonérée est la transaction juridique entre les clients et l'établissement de crédit, et non pas les services instrumentaux fournis par des sociétés ou personnes tierces à la caisse d'épargne ou à la banque, pour la réalisation de cette transaction juridique.

69 Les opérations de virements bancaires, dont l'importance pour la réalisation du marché intérieur est telle que la Commission a pris l'initiative de proposer une directive à leur sujet (22), trouvent leur origine dans un ordre donné à un établissement de crédit par une personne physique ou morale en faveur d'un bénéficiaire (qui peut être la personne ayant donné l'ordre elle-même), en vue de mettre une somme d'argent à la disposition du bénéficiaire.

70 Cette opération constitue, je l'ai dit, un véritable contrat, avec des obligations pour le client et l'établissement de crédit, contrat dont les conditions (quant à l'existence d'une couverture suffisante, aux délais d'exécution, aux commissions dues, aux intérêts et indemnisations en cas de non-accomplissement ou de retard excessif, aux taux de change applicables aux opérations transfrontalières, etc.) lient juridiquement les deux parties (23).

71 Les sujets actifs et passifs des opérations de virement visées dans l'acte de renvoi sont les clients (particuliers et entreprises, en tant que personnes ayant ordonné le virement ou en tant que bénéficiaires de ce dernier) et les organismes qui procèdent aux virements en assumant les risques et les obligations spécifiques de ce type de contrat (24).

72 Les organismes qui procèdent aux virements offrent à leurs clients un service financier spécifique, qui consiste à mettre en oeuvre un mouvement de capital, prestation de services exonérée par la sixième directive. Le fait que, pour assurer ce service, elle soit obligée d'utiliser certains moyens techniques ou matériels, ou les services de tiers (entreprises de télécommunication, de transport d'argent, services postaux, services informatiques, services de conseil juridique, etc.), ne doit pas entraîner une confusion entre l'opération exonérée, en tant que telle, et les services techniques ou auxiliaires qui permettent le déroulement de cet aspect des activités bancaires et ne bénéficient pas de cette exonération.

73 En particulier, la description des opérations de virement dans l'acte de renvoi met en évidence que la fonction de SDC en tant qu'instrument réside dans le traitement informatique de données, au service des établissements de crédit, sans qu'il effectue lui-même, juridiquement, l'opération de virement (25). Il n'y a donc pas lieu d'appliquer à ces fonctions d'instrument l'exonération qui fait l'objet du débat.

74 En relation avec les opérations de conseil relativement aux titres (lettre B du point 3.1 de l'acte de renvoi), l'exposé, par le juge de renvoi, des activités de SDC comporte une certaine ambiguïté:

a) dans l'énoncé général des opérations, la lettre B du point 3.1 de l'ordonnance de renvoi se limite, comme je l'ai dit, à viser les opérations de «conseil» en matière de titres;

b) au contraire, en détaillant le contenu de cette partie, l'acte de renvoi parle de «fonctions de conseil et de gestion (26) des titres», en ajoutant que «la requérante s'acquitte d'opérations en bourse pour les clients de ses membres. De telles opérations se font par voie d'achat ou de vente de titres détenus en portefeuille par les membres».

75 Si l'activité de SDC dans ce domaine se limite à apporter aux caisses d'épargne et aux banques des informations et des conseils sur le marché des valeurs mobilières, ce service n'est tout simplement pas compris dans les opérations que la sixième directive considère comme exonérées.

76 En effet, un service de la nature de celle décrite dans l'acte de renvoi («la requérante met à disposition de ses membres un système d'information et de conseil très avancé en ce qui concerne le marché des obligations danoises, la requérante donne aux membres la possibilité d'élaborer des propositions d'investissements à partir de certains critères, par exemple les montants d'investissements et la durée de placement»), ne bénéficie d'aucune exonération au titre de la sixième directive.

77 Au contraire, si SDC négociait, achetait et vendait des valeurs mobilières pour le compte de ses clients, ces opérations-là bénéficieraient bien de l'exonération prévue à l'article 13, partie B, sous d), point 5, de la sixième directive.

78 En fait, toutefois, il ne semble pas que tel soit le cas. Là encore, l'intervention de SDC semble limitée à offrir à ses membres (banques et caisses d'épargne) le support technique nécessaire pour que ces derniers réalise à leur tour les opérations de médiation dans l'achat et la vente de titres pour le compte de leurs clients.

79 Dans ces conditions, et sous réserve que la nature juridique de ces activités soit définitivement clarifiée (ce qui relève de la compétence du juge de renvoi), il convient à nouveau de constater qu'il est impossible de déclarer exonérés les services que SDC offre, en tant qu'instruments, aux établissements de crédit pour que ces derniers interviennent dans l'achat et la vente de valeurs mobilières de leurs clients.

80 En ce qui concerne les opérations de gestion de dépôts, de contrats de vente et de crédit (lettre C du point 3.1 de l'acte de renvoi), SDC admet que ces opérations ne bénéficient plus de l'exonération depuis le 1er janvier 1991, date à laquelle a expiré la période transitoire pendant laquelle les États membres pouvaient, à titre exceptionnel, maintenir les exonérations pour les cas spécifiques prévus à l'annexe F de la sixième directive (27).

81 Les caractéristiques de ces opérations (pendant la période antérieure au 1er janvier 1991), telles qu'elles sont décrites dans l'acte de renvoi, laissent place à certains doutes et ne permettent pas de décider, avec certitude, du régime juridique applicable.

82 Le juge de renvoi affirme en effet que les «opérations de gestion des dépôts» (visées à la lettre C du point 3.1 de l'acte de renvoi) réalisées par SDC impliquent la tenue d'un registre des titres des clients, le contrôle et la réalisation des entrées et des sorties, le transfert aux comptes des clients des bénéfices qui leur sont dus et l'information de ces clients par écrit des mouvements qui se sont produits.

83 Or, la personne juridique qui, vis-à-vis des clients, est l'auteur de ces actes, n'est pas SDC mais l'établissement de crédit auquel les clients ont confié la gestion de leur patrimoine mobilier. La fonction de SDC paraît donc être d'apporter aux établissements de crédit le support technique nécessaire pour que ces organismes assurent les tâches de gestion, selon les conditions convenues avec leurs clients.

84 Il en va de même de la gestion de contrats d'achat et de crédit, où les relations juridiques se forment entre les clients et les établissements financiers. Ces derniers continuent d'être responsables de la gestion vis-à-vis de leurs clients, qui ne sont même pas au courant de l'intervention de SDC qui se limite à fournir aux établissements bancaires les données correspondantes.

85 Enfin, quant aux opérations dites «concernant des situations internes aux membres» (lettre D du point 3.1 de l'acte de renvoi), la réponse donnée par SDC à la question posée par la Cour sur le contenu de sa demande d'exonération confirme qu'à aucun moment cette association n'a prétendu bénéficier de l'exonération pour ce type d'opérations. Il en résulte qu'il n'est pas nécessaire de répondre sur le régime fiscal qui leur est applicable.

Conclusions

86 Compte tenu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de justice de répondre aux questions qui lui ont été déférées par l'OEstre Landsret de la manière suivante:

1) Les exonérations prévues à l'article 13, partie B, sous d), points 3, 4 et 5, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, ne dépendent pas nécessairement de l'intervention, dans les opérations correspondantes, d'un établissement de crédit, banque ou caisse d'épargne.

2) Lorsqu'un établissement de crédit qui fournit des services financiers à ses clients intervient dans les opérations exonérées en vertu des dispositions précitées, la portée de l'exonération est limitée aux contrats juridiques correspondants, effectués par cet établissement avec ses propres clients. Elle ne s'étend pas à la prestation de services auxiliaires ou instrumentaux éventuellement fournis, sous la forme de traitement électronique de données ou, en général, de transmission électronique d'informations, à l'établissement, pour l'exécution de ses propres opérations bancaires, par une entreprise externe, indépendante de l'établissement de crédit.

3) En particulier, l'exonération en cause ne s'étend pas à la prestation de services consistant dans la transmission électronique d'informations éventuellement fournie par une entreprise externe, indépendante de l'établissement de crédit, à celui-ci, pour lui permettre de réaliser des opérations de virement de fonds et autres, visées à l'article 13, partie B, sous d), points 3 et 4, de la sixième directive 77/388, ou des opérations relatives aux titres visées à l'article 13, partie B, sous d), point 5, de cette même directive.

4) Il appartient au juge de renvoi de déterminer si, pendant la période transitoire visée à l'article 28, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive 77/388, en liaison avec le paragraphe 4 de ce même article, l'entreprise requérante a effectivement fourni des services financiers consistant dans la gestion de dépôts de titres, la gestion de contrats de vente et la gestion de crédits ou, au contraire, si elle s'est limitée à apporter aux établissements de crédit l'appui technique nécessaire pour la réalisation de ces opérations de gestion vis-à-vis de ses clients. Ce n'est que dans la première des hypothèses qu'elle aurait droit à l'exonération en cause.

(1) - JO L 145, p. 1.

(2) - Il n'en est pas moins soumis, comme le reconnaît le gouvernement danois dans ses observations (point 22), au décret n_ 820 du 12 décembre 1991 qui concerne la mise en oeuvre des contrôles généraux de comptes dans les services communs de traitement informatique.

(3) - La requérante fournit ses prestations à 99 % de l'ensemble des caisses d'épargne danoises (pourcentage calculé sur la base du bilan global des caisses d'épargne) ainsi qu'à certaines banques.

(4) - Il ressort des mémoires des parties qu'au Danemark les banques et les caisses d'épargne relèvent de la même législation.

(5) - Pour plus de clarté, par le terme «membres» de SDC, je vise les banques et les caisses d'épargne. Par le terme «clients», je vise les personnes physiques ou morales qui ont des relations commerciales avec ces banques ou ces caisses d'épargne.

(6) - Le document de base consiste dans la «description générale de l'activité de SDC».

(7) - En ce qui concerne la portée de cette rubrique, voir les points 74 à 79 des présentes conclusions.

(8) - La décision de la Momsnaevn constitue un exemple de reformatio in peius car, sur la base d'un recours administratif formé par une personne n'ayant obtenu gain de cause que partiellement et s'estimant lésée par cette solution, elle aggrave la situation juridique de cette personne, en lui retirant même les avantages qui lui avaient été reconnus par la décision lui faisant droit partiellement.

(9) - La section 2 de l'acte de renvoi, concernant la procédure suivie devant les autorités administratives nationales, décrit les différentes étapes de la réclamation de SDC dans les termes que j'ai résumés aux points 7 à 13 des présentes conclusions.

(10) - C'est ce qui résulte de l'article 1er, paragraphe 2, de la dix-huitième directive 89/465/CEE du Conseil, du 18 juillet 1989, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Suppression de certaines dérogations prévues à l'article 28 paragraphe 3 de la sixième directive 77/388/CEE (JO L 226, p. 21).

(11) - C-281/91, Rec. p. I-5405.

(12) - La Cour renforce son argument en ajoutant au point 14 de l'arrêt: «Cette interprétation est corroborée par la finalité du système commun, instauré par la sixième directive TVA, qui tend notamment à garantir aux assujettis une égalité de traitement. Ce principe serait en effet méconnu si un acheteur devait être taxé au titre du crédit accordé par son fournisseur, alors qu'un acheteur sollicitant un crédit auprès d'une banque ou d'un autre traiteur bénéficie d'un crédit exonéré.»

(13) - Les versions linguistiques espagnole, française et italienne emploient, respectivement, les expressions «operaciones siguientes», «opérations suivantes» et «operazione seguenti»; les versions anglaise et danoise emploient, respectivement, les expressions «following transactions» et «foelgende transaktioner». La version allemande emploie pour sa part l'expression «folgenden Umsaetze». Le terme d'origine latine «transaction» employé dans le sens de marché ou de contrat commercial (et non pas en son sens de résultat de l'action de transiger ou de cette action elle-même) est peut être plus précis, juridiquement, que le terme général «opération», pour décrire le type des actes qui bénéficient de l'exonération en cause.

(14) - En résumant les arguments de SDC (section 6.1 de l'acte de renvoi), le juge affirme que «la requérante fait valoir qu'une très grande partie des prestations (opérations) que la requérante effectue pour les clients des établissements financiers au nom des membres de l'association (c'est-à-dire les établissement financiers) sont exonérées de la TVA...».

(15) - La forme, directe ou indirecte, de la rémunération n'a pas d'importance: dans chaque cas, la cause de l'opération reste l'obtention d'un gain.

(16) - Concrètement, les questions 1, 3 et 4.

(17) - Dans ses observations, la Commission souligne qu'aux termes de l'article 2 des statuts de SDC son objet social consiste à effectuer des travaux informatiques pour ses membres et pour d'autres institutions et sociétés agréées, en concevant et en exploitant des systèmes de traitement automatique des données.

(18) - Selon l'acte de renvoi (point 3.1), les prestations de service de SDC consistent en une série de composantes qui, ensemble, forment les prestations que chaque établissement financier souhaite voir effectuer. Le document intitulé «Description générale de l'activité de SDC» indique pour sa part que «... les composantes s'analysent en composantes respectivement destinées à la saisie des données, à leur traitement et à leur envoi électronique» (les italiques ont été ajoutés par nous).

(19) - Il ne s'agit donc pas d'une exonération pure et simple. On ne peut parler à juste titre d'exonération fiscale qu'en présence d'un fait antérieurement assujetti à l'impôt. En tant que notion, l'exonération présuppose une obligation initiale de payer l'impôt, à l'égard de laquelle le législateur accorde, pour différentes raisons, une dispense de paiement. Il s'agit donc d'un bénéfice qui doit obligatoirement être expressément prévu dans la loi pour aboutir à la dispense du devoir de payer l'impôt. Avant de vérifier si une opération déterminée satisfait aux conditions pour bénéficier de l'exonération, il convient de vérifier qu'elle entre dans le champ d'application de l'impôt.

(20) - Le point 26 de l'arrêt BLP Group (C-4/94, Rec. p. I-983, notamment p. I-1011) comporte le texte suivant: «le choix, pour un entrepreneur, entre des opérations exonérées et des opérations imposées peut se baser sur un ensemble d'éléments, et notamment des considérations de nature fiscale tenant au régime de la TVA. Le principe de la neutralité de la TVA, au sens de la jurisprudence de la Cour, n'a pas la portée que lui donne BLP. Si le système commun de la TVA garantit la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, c'est à la condition que lesdites activités soient elles-mêmes soumises à la TVA (voir notamment arrêt du 14 février 1985, Rompelman, 268/83, Rec. p. 655, point 19)».

(21) - Dans le sens de ce terme commenté à la note 13.

(22) - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les virements intérieurs à l'Union européenne (JO 1994, C 360, p. 13, dans la version modifiée publiée au JO 1995, C-199, p. 16). Cette proposition a déjà abouti à la «position commune (CE) n_ 32/95, du 4 décembre 1995, arrêtée par le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l'article 189 B du traité instituant la Communauté européenne, en vue de l'adoption d'une directive du Parlement européen et du Conseil, concernant les virements transfrontaliers» (JO C 353, p. 52).

(23) - La Commission a adopté la recommandation 90/109/CEE, du 14 février 1990, concernant la transparence des conditions de banque applicables aux transactions financières transfrontalières (JO L 67, p. 39), en établissant une série de principes visant à «rendre plus transparentes les informations et les règles de facturation» de telles opérations.

(24) - Au cours de l'audience, certains parties intervenantes ont souligné que les opérations exonérées au titre de l'article 13, partie B, sous d), points 3 à 5, de la sixième directive sont décrites en termes purement objectifs, sans que soit exigé un lien ou une relation directe entre les clients et les organismes bancaires. Comme je l'ai déjà mis en évidence dans la partie de ces conclusions relative aux personnes concernées par les opérations susceptibles d'être exonérées, rien n'empêcherait, au sens de la sixième directive, que des entreprises autres que les établissements de crédit (dont SDC) réalisent de véritables opérations de transfert, c'est-à-dire fournissent les services financiers correspondants, en assumant les devoirs et risques spécifiques à ces derniers. Il se trouve toutefois que, d'après les faits exposés dans l'acte de renvoi, le rôle de SDC n'est pas celui d'un intermédiaire financier, mais celui d'une entreprise informatique qui apporte son aide technique aux établissements de crédit.

(25) - La procédure ne porte pas sur les opérations de stricte compensation («clearing») entre banques, qui peuvent se produire par un échange électronique d'informations. Il est fréquent, en effet, que les liquidations entre banques soient faites par un système commun de compensation électronique. Le gouvernement du Royaume-Uni a relevé lors de l'audience que, dans ce cas, les transferts réalisés par des banques et entre elles, c'est-à-dire étrangères à la relation entre les organismes financiers et leurs clients, bénéficient également de l'exonération en cause.

(26) - Les italiques ont été ajoutés par nous. Par le terme «gestion», employé dans cette partie de l'acte de renvoi, le juge paraît se référer, non pas aux activités typiques de gestion du patrimoine mobilier (qui comprennent normalement son administration et sa conservation, le recouvrement des dividendes et des intérêts et des tâches analogues), mais à la négociation et à la vente. Les activités de gestion de portefeuilles au sens propre sont envisagées à la lettre C du point 3.1 de l'acte de renvoi, sous la rubrique «Gestion de dépôts».

(27) - Voir le point 28 des présentes conclusions.