61993C0033

Conclusions de l'avocat général Van Gerven présentées le 16 mars 1994. - Empire Stores Ltd contre Commissioners of Customs and Excise. - Demande de décision préjudicielle: Value Added Tax Tribunal, Manchester - Royaume-Uni. - TVA - Sixième directive - Base d'imposition. - Affaire C-33/93.

Recueil de jurisprudence 1994 page I-02329


Conclusions de l'avocat général


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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Par ordonnance du 14 janvier 1993, le Manchester Tribunal Centre des Value Added Tax Tribunals (ci-après "juridiction de renvoi") a posé à la Cour, sur le fondement de l' article 177 du traité CE, une question relative à l' interprétation de la sixième directive en matière de TVA (ci-après "directive")(1). Cette question a été soulevée dans le cadre de deux recours qu' Empire Stores Limited (ci-après "Empire Stores") a formés contre des avis d' imposition à la TVA que les Commissioners of Customs and Excise (ci-après "Commissioners") ont établis en ce qui concerne des périodes comptables situées, respectivement, entre le 1er février 1987 et le 12 novembre 1988 et entre le 13 novembre 1988 et le 22 juillet 1989. Les deux recours concernent la TVA due sur des biens qui sont offerts comme articles de promotion aux personnes qui se présentent elles-mêmes ou qui présentent d' autres personnes comme clientes potentielles.

Antécédents

2. Empire Stores possède une entreprise de vente par correspondance et vend des articles par l' intermédiaire d' un catalogue qu' elle procure à ses clientes actuelles ou futures. Ainsi que le mentionne la juridiction de renvoi, la clientèle est composée presque exclusivement de femmes. Les articles peuvent être payés au comptant ou à tempérament. En pratique, un très grand nombre d' articles sont achetés à tempérament. Si Empire Stores vend à toute personne qui paie au comptant, elle ne vend à tempérament qu' aux personnes qu' elle a acceptées comme clientes. Il ressort de la décision provisoire que la juridiction de renvoi a rendue dans cette affaire le 17 août 1992 que, durant la période à laquelle se rapportent les avis d' imposition qu' elle conteste, Empire Stores utilisait deux procédés pour attirer des clientes.

Le premier procédé est qualifié de "formule de présentation propre" ("self-introduction scheme"). Dans ce contexte, Empire Stores réalisait sa publicité au moyen de dépliants ou d' annonces insérés dans des journaux et de dépliants envoyés par la poste. Elle offrait aux futures clientes un cadeau qu' elles pouvaient choisir une fois qu' elles avaient complété avec leurs données personnelles un formulaire figurant dans le dépliant ou l' annonce et qu' elles le lui avaient envoyé. Empire Stores examinait ensuite la solvabilité grâce aux données susmentionnées et si le résultat de cet examen était satisfaisant, elle envoyait à la future cliente le dernier catalogue et d' autres documents, tels que des cartes de paiement. Le cadeau indiqué par la cliente lui était envoyé, selon le cas, dès qu' Empire Stores avait reçu la commande ou dès que la cliente avait payé la commande ou effectué un premier versement(2). La juridiction de renvoi mentionne comme cadeaux une théière automatique et un téléphone à touches.

Le second procédé est qualifié de "formule de présentation d' une amie" ("introduce-a-friend-scheme"). Dans le cadre de ce procédé, les clientes existantes étaient invitées, par un cadeau qu' elles pouvaient choisir, à recommander une ou plusieurs amies en tant que clientes futures. A cet effet, elles devaient, avec leur amie, compléter les formulaires concernés, mentionner le cadeau de leur choix et renvoyer le formulaire à Empire Stores. Dans ce cas également, la solvabilité de la candidate cliente était d' abord examinée. Si la solvabilité était jugée satisfaisante et dès que la nouvelle cliente avait effectué le premier versement, Empire Stores envoyait le cadeau à la cliente existante. Selon la décision provisoire, les cadeaux pouvaient être choisis parmi les objets suivants: un sac de rangement (dans un premier dépliant, un lecteur de cassettes), un grille-pain, une théière, un fer à repasser à vapeur, un appareil photographique à disque et un "bon de 15 UKL". Ce bon donnait droit à une ristourne de 15 UKL sur un article du catalogue d' Empire Stores valant 15 UKL ou plus. Selon la juridiction de renvoi, aucune des parties au principal ne soutenait que le prix de revient pour Empire Stores des articles de promotion dépassait 10 UKL la pièce.

3. Quel qu' ait été le procédé utilisé, Empire Stores acquittait la part de TVA comprise dans le prix qu' elle-même avait payé pour l' article de promotion dont question. En revanche, les Commissioners estimaient qu' elle aurait dû acquitter la TVA sur le prix de revient hors taxe de l' article, majoré de 50 %, ce qui, selon leurs estimations, correspondait au prix qu' Empire Stores aurait facturé pour cet article s' il avait figuré dans son catalogue. C' est en se fondant sur ce point de vue que les Commissioners ont établi les avis d' imposition à la TVA qui sont contestés.

4. Empire Stores a formé des recours contre ces avis d' imposition à la TVA devant la juridiction de renvoi. Celle-ci soumet à la Cour les questions suivantes:

"Aux fins de l' article 11, partie A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires (directive 77/388/CEE, JO L 145, p. 1), lorsqu' un opérateur livre des biens qui lui ont été commandés par correspondance et sur catalogue (' articles du catalogue' ) et use de procédés que nous décrivons de manière détaillée dans la décision annexée et que l' on peut définir succinctement comme suit:

i) lorsqu' une cliente potentielle lui procure des renseignements satisfaisants sur sa propre situation (en particulier, sur son degré de solvabilité), le fournisseur s' engage à lui livrer sans frais supplémentaires un article choisi par elle parmi une gamme d' articles qui lui sont proposés et qui figurent ou non dans le catalogue, si et lorsque cette cliente a son agrément et, soit commande des articles du catalogue, soit, le cas échéant, commande des articles du catalogue et fait dûment le paiement correspondant;

ii) lorsqu' une cliente existante trouve et présente au fournisseur une nouvelle cliente potentielle qui procure des renseignements satisfaisants sur sa propre situation (en particulier, sur son degré de solvabilité), le fournisseur s' engage à livrer sans frais supplémentaires à cette cliente existante un article choisi par elle parmi une gamme d' articles qui lui sont proposés et qui figurent ou non dans le catalogue, si et lorsque cette nouvelle cliente potentielle a son agrément et, soit commande des articles du catalogue, soit, le cas échéant, commande des articles du catalogue et fait dûment le paiement correspondant,

et lorsque le fournisseur ne livre ces articles ne figurant pas dans le catalogue (' articles hors catalogue' ) que dans les conditions susdites et qu' aucun prix de vente normal n' est fixé pour ces articles, en ce qui concerne chacun des deux procédés évoqués ci-dessus:

1) La contrepartie obtenue par le fournisseur pour la livraison des articles hors catalogue est-elle distincte de la somme qui lui est payable pour la livraison des articles du catalogue qui lui ont été commandés?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, comment doit-on déterminer la base d' imposition? La base d' imposition

i) correspond-elle au prix payé par le fournisseur pour l' acquisition de ces articles, ou

ii) au prix auquel le fournisseur vendrait ces articles s' ils figuraient dans le catalogue (prix calculé conformément à la méthode de fixation des prix qui lui est habituelle), ou

iii) à quelque autre montant et, si oui, lequel?"

La recevabilité des questions

5. La Commission nourrit des doutes quant à la recevabilité des questions. L' article 177, deuxième alinéa, du traité CE ne permet à une juridiction nationale de soumettre à la Cour une question préjudicielle relative à l' interprétation ou à la validité d' une disposition de droit communautaire que si elle estime qu' une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement. A cet égard, la Commission observe que, dans sa décision du 17 août 1992, la juridiction de renvoi avait accueilli les deux recours d' Empire Stores et annulé les avis d' imposition. Cette décision mentionne qu' elle devient définitive si, dans le délai de deux mois, aucune des parties n' a demandé d' adresser une question préjudicielle à la Cour. En conséquence, la Commission estime qu' il est douteux qu' une réponse de la Cour soit vraiment nécessaire pour statuer dans le litige au principal. Néanmoins, elle ne soulève pas formellement une exception d' irrecevabilité.

6. A notre avis, les doutes de la Commission se fondent sur une lecture erronée de la décision du 17 août 1992. La juridiction de renvoi a explicitement précisé dans cette décision qu' il ne s' agissait que d' une décision provisoire. Bien qu' elle ait estimé qu' Empire Stores avait acquitté la TVA sur une base correcte et que dès lors "the appeals ought to be allowed and the assessments discharged" (que les recours devraient être accueillis et que les avis d' imposition devraient être annulés)(termes que nous soulignons), elle a décidé d' accorder aux parties, pendant deux mois, la faculté d' introduire une demande visant à soumettre à la Cour une ou plusieurs questions préjudicielles. Empire Stores a introduit une telle demande le 14 octobre 1992 et, après une audience tenue le 14 janvier 1993, la juridiction de renvoi a décidé le renvoi préjudiciel. Dans sa décision de renvoi rendue ce même jour, le juge considère explicitement que "les questions ci-annexées sont des questions que le tribunal estime devoir être résolues afin qu' il puisse statuer en l' espèce". Étant donné dès lors que la décision finale de la juridiction de renvoi dépend de la réponse de la Cour et que, selon une jurisprudence constante, il appartient aux seules juridictions nationales d' apprécier la nécessité d' une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement(3), nous ne voyons aucun motif pour déclarer la demande irrecevable.

Existe-t-il une contrepartie au sens de la directive?

Dispositions de la directive

7. Selon l' article 2, paragraphe 1, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:

"les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l' intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel".

L' article 5 de la directive indique les transactions qui doivent être considérées comme des livraisons de biens et, dès lors, comme des opérations taxables au sens de la directive. A ce sujet, l' article 5, paragraphe 6, précise:

"Est assimilé à une livraison effectuée à titre onéreux le prélèvement par un assujetti d' un bien de son entreprise pour ses besoins privés ou ceux de son personnel ou qu' il transmet à titre gratuit ou, plus généralement, qu' il affecte à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien ou les éléments le composant ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, ne sont pas visés les prélèvements effectués pour les besoins de l' entreprise pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons."

Enfin, l' article 11 de la directive définit la base d' imposition. Les dispositions suivantes de l' article 11, partie A, qui se rapporte aux biens et services livrés à l' intérieur du pays, sont pertinentes en l' espèce:

"1. La base d' imposition est constituée:

a) pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l' acheteur, du preneur ou d' un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations;

b) pour les opérations visées à l' article 5 paragraphes 6 et 7, par le prix d' achat des biens ou de biens similaires ou, à défaut de prix d' achat, par le prix de revient, déterminés au moment où s' effectuent ces opérations;

c) ...

d) ...

2. ...

3. Ne sont pas à comprendre dans la base d' imposition:

a) ...

b) les rabais et ristournes de prix consentis à l' acheteur ou au preneur et acquis au moment où s' effectue l' opération;

c) ..."

Positions défendues par les parties intervenant devant la Cour

8. Chacune des parties intervenant devant la Cour développe un raisonnement différent.

Empire Stores propose, à titre principal, de répondre par la négative à la première question et, dès lors, de ne pas répondre à la deuxième question. Elle soutient que, quel que soit le procédé utilisé, la somme d' argent payée par la nouvelle cliente constitue la "contrepartie", au sens de l' article 11, partie A, paragraphe 1, sous a), de la directive, à la fois de la livraison de la première commande d' articles et de la livraison du cadeau. Il résulterait de la jurisprudence de la Cour et en particulier des arrêts Hong-Kong Trade Development Council(4) et Apple and Pear Development Council(5) que pour qu' il y ait une opération taxable, un lien direct doit exister entre les articles livrés et la contrepartie reçue. Or, un tel lien direct existe effectivement entre la livraison du cadeau et le versement monétaire, étant donné que le cadeau n' est livré qu' une fois le versement effectué.

Ensuite, selon Empire Stores, il résulte de l' arrêt Association coopérative "Cooeperatieve Aardappelenbewaarplaats"(6) que la contrepartie consiste dans tout ce qui est reçu en échange de la livraison de biens ou de la prestation de services. Or, en l' espèce, tant la fourniture du cadeau que la livraison des premiers articles du catalogue commandés sont effectuées en échange d' une seule et même contrepartie, à savoir le versement monétaire. En dehors de ce versement, aucune contrepartie distincte ou supplémentaire n' est fournie en échange du cadeau. En particulier, il n' existe pas de lien direct entre la livraison du cadeau et les renseignements personnels que la nouvelle cliente fournit sur elle-même ou l' introduction d' une nouvelle cliente par une cliente existante. Le droit à ce cadeau ne naît que lorsque la nouvelle cliente a effectué sa première commande et le versement y afférent. Pour cette raison, Empire Stores estime également que la présente affaire doit être distinguée de l' affaire Naturally Yours Cosmetics(7).

9. Selon le gouvernement du Royaume-Uni, la question de savoir si la contrepartie obtenue par le vendeur pour le cadeau est distincte du prix payé pour les articles commandés est une question de fait qu' il appartient à la juridiction nationale de trancher. Toutefois, dans la mesure où la Cour souhaite répondre à cette question, cette réponse doit être affirmative. En effet, chacun des deux procédés donne lieu à deux transactions, dont chacune a sa propre contrepartie: d' une part, il y a la livraison du cadeau dont la contrepartie consiste dans une prestation de services, à savoir la présentation d' une nouvelle cliente susceptible d' être agréée (elle-même ou quelqu' un d' autre) ainsi que la communication d' informations personnelles relatives à cette cliente; d' autre part, il y a la livraison des articles du catalogue commandés, dont la contrepartie consiste dans un versement monétaire. Il résulte de l' arrêt Naturally Yours Cosmetics que la contrepartie d' une livraison de biens peut consister dans une prestation de services s' il existe un lien direct entre les services rendus et les biens livrés et si la valeur de ces services est susceptible d' être exprimée en termes monétaires. Selon le gouvernement du Royaume-Uni, ces deux conditions sont réunies en l' espèce.

10. La Commission considère que pour déterminer la base d' imposition d' un article supplémentaire offert par un commerçant en cas d' achat d' un article principal, il faut distinguer l' hypothèse dans laquelle l' article supplémentaire présente la même nature que l' article principal de celle dans laquelle l' article supplémentaire présente une autre nature que l' article principal. Si l' article supplémentaire présente la même nature, la contrepartie au sens de l' article 11, partie A, paragraphe 1, sous a), de la directive consiste dans la somme payée par le consommateur pour l' ensemble des articles. Si l' article supplémentaire ne présente pas la même nature, il s' agit de deux articles distincts, pour lesquels il faut déterminer séparément la base d' imposition selon les modalités prévues par la directive.

Selon la Commission, tel est le cas en l' espèce. Il convient de prendre en tant que base d' imposition la totalité de la somme payée par le consommateur. Toutefois, la livraison d' un cadeau doit être considérée comme une transaction distincte relevant de l' article 5, paragraphe 6, de la directive, à savoir "le prélèvement par un assujetti d' un bien de son entreprise ... qu' il transmet à titre gratuit". Dès lors, en principe, en vertu de l' article 11, partie A, paragraphe 1, sous b), de la directive, il convient de prendre comme base d' imposition le prix d' achat des biens concernés ou, à défaut de prix d' achat, le prix de revient, déterminé au moment de la livraison.

Toutefois, selon la Commission, il s' agit en l' espèce de "cadeaux de faible valeur" au sens de l' article 5, paragraphe 6, in fine, de sorte que la remise de ces cadeaux ne constitue pas une opération taxable et que, dès lors, il n' y a pas de base d' imposition. Pour le cas où la juridiction de renvoi estime que l' article supplémentaire n' est toutefois pas de faible valeur, la base d' imposition est le prix d' achat payé par le fournisseur du bien, en d' autres termes, la base d' imposition indiquée par la juridiction de renvoi au point i) de sa deuxième question.

11. Le gouvernement portugais, enfin, distingue selon le procédé utilisé par Empire Stores.

S' agissant de la "formule de présentation propre", il fait valoir que le cadeau ne constitue pas un "rabais" au sens de l' article 11, partie A, paragraphe 3, sous b), de la directive, étant donné qu' un rabais se présente normalement sous la forme d' une réduction de prix et non d' une livraison de biens. Selon cette formule, Empire Stores ne reçoit pas un service de sa cliente, qui est rétribué par le cadeau en question, de sorte que sa valeur ne doit pas être considérée comme une contrepartie au sens de l' article 11, partie A, paragraphe 1, sous a). En effet, l' avantage promotionnel obtenu par Empire Stores du fait du cadeau est trop indéfini pour constituer la contrepartie directe de la livraison du cadeau. D' autre part, le cadeau a un lien direct avec l' achat de biens et non avec la présentation de la cliente qui a entraîné l' achat. Dès lors, selon cette formule, le cadeau doit être considéré comme une livraison à titre gratuit qui, aux termes de l' article 5, paragraphe 6, de la directive, doit être assimilée à une livraison à titre onéreux.

En revanche, selon le gouvernement portugais, s' agissant de la "formule de présentation d' une amie", il existe un lien direct et synallagmatique entre la recherche et le recrutement d' une nouvelle cliente et la livraison du cadeau. Il s' agit en l' occurrence d' un service d' un intermédiaire qui est rétribué par un cadeau, de sorte que l' on se trouve face à une opération comportant une contrepartie qui est imposable conformément à la disposition figurant à l' article 11, partie A, paragraphe 1, sous a), telle qu' elle a été interprétée par la Cour dans l' arrêt Naturally Yours Cosmetics.

Notre point de vue

12. Aucun des points de vue mentionnés ci-dessus ne parvient à nous convaincre entièrement. Nous examinerons en premier lieu le point de savoir si, dans le cadre des procédés dont il est question, la nouvelle cliente ou, respectivement, la cliente existante livrent une contrepartie, au sens de la directive, en échange de l' article qui leur est attribué. En d' autres termes, la question centrale consiste à savoir si la livraison de l' article constitue une opération taxable au sens de la directive. Si la réponse est affirmative, se pose la question de savoir comment la base précise d' imposition de la TVA doit être déterminée.

13. Selon l' article 2 de la directive, précité (au point 7), la qualité d' opération taxable requiert qu' un assujetti livre le bien à titre onéreux. Pour apprécier si tel est le cas dans le cadre des systèmes de cadeaux dont question en l' espèce, nous pouvons nous référer en premier lieu à l' arrêt Hong-Kong Trade Development Council, qui a encore été rendu sous le régime de la deuxième directive TVA(8) (9). Dans ce dernier arrêt, la Cour a considéré que

"les prestations gratuites se différencient, par nature, d' opérations taxables qui supposent, dans le cadre du système de la taxe sur la valeur ajoutée, la stipulation d' un prix ou d' une contre-valeur"(10).

Dans ce même arrêt, la Cour a déduit également le fait que les prestations gratuites ne rentrent pas dans le système de la TVA de la circonstance qu' elles ne peuvent pas, selon l' article 8 de la deuxième directive en matière de TVA, constituer une base d' imposition(11). Cette disposition, qui est l' antécédent de l' article 11 de la directive, définit sous a) la base d' imposition des livraisons et prestations de services comme étant "tout ce qui constitue la contre-valeur de la livraison d' un bien ou de la prestation de services..." En d' autres termes, si aucune contre-valeur ou - selon la terminologie de l' article 11 de la directive - aucune contrepartie n' est obtenue en échange d' une livraison de bien ou d' une prestation de services, il n' y a pas d' opération à titre onéreux et donc pas non plus d' opération taxable.

14. Tout dépend, dès lors, des caractéristiques précises des systèmes de cadeaux dont question en l' espèce, telles que les constate la juridiction de renvoi(12). Si nous examinons plus en détail les deux procédés, en premier lieu, nous ne sommes pas convaincu par l' argumentation développée par Empire Stores, selon laquelle la contrepartie de la livraison du cadeau gratuit consisterait dans le paiement effectué par la cliente pour les articles qu' elle a commandés. Comme la juridiction de renvoi le fait observer, à juste titre, dans sa décision provisoire du 17 août 1992, ce paiement ne constitue en aucune façon la contrepartie de l' article qu' Empire Stores attribue en tant que cadeau.

La juridiction de renvoi relève, à juste titre, que les deux procédés possèdent un fondement contractuel. Par l' intermédiaire d' annonces, de catalogues et/ou de dépliants, Empire Stores formule à l' intention de clientes potentielles ou, respectivement, de clientes existantes une offre qui, lorsqu' elles y répondent, fait naître une convention entre les deux parties. Selon cette convention, Empire Stores s' engage, en échange de la présentation d' une cliente potentielle et de la fourniture d' informations au sujet de cette cliente potentielle - et sous les conditions que celle-ci soit considérée comme solvable et commande un article du catalogue et/ou effectue un paiement - à livrer un article au choix de la personne qui effectue la présentation. Cet article attribué est manifestement conçu en tant que contrepartie d' un avantage fourni à Empire Stores par la personne qui répond à l' offre de cette dernière, quoique cet avantage diffère selon le procédé utilisé.

15. En quoi consiste cet avantage pour Empire Stores, et dès lors la contrepartie qu' elle a obtenue ?

Dans le cadre de la formule de présentation propre, cet avantage consiste en deux éléments: i) l' obtention de données personnelles (et en partie confidentielles) sur la cliente qui se présente elle-même et l' autorisation, à tout le moins implicite, d' utiliser ces données pour examiner la solvabilité (un élément essentiel pour les ventes à tempérament), données dont la juridiction de renvoi relève, par ailleurs, qu' elles revêtent une valeur économique, eu égard au fait qu' Empire Stores pouvait vendre et vendait à des tiers ses listes de clientes régulières pour 65 UKL pour mille noms et adresses, et ii) la possibilité sérieuse que la cliente qui se présente, attirée par l' article attribué, commande à Empire Stores des articles de catalogue, ce qui permet à cette dernière d' élargir sa clientèle.

Dans le cadre de la formule de présentation d' une amie, Empire Stores obtient les mêmes avantages, étant entendu que les données transmises de même que la possibilité de commander des articles de catalogue se rapportent à la personne introduite alors que ce n' est pas cette dernière mais bien la cliente existante qui reçoit l' article attribué, en raison de son intervention en qualité d' "intermédiaire".

Le fait que la livraison de l' article attribué dépende, dans le cadre des deux procédés, de conditions supplémentaires, à savoir la solvabilité de la personne présentée et la commande et le paiement des articles de catalogues par cette dernière, ne lui enlève pas, à notre avis, son caractère de rétribution.

16. Dans les deux formules, il y a donc une contrepartie. La question se pose toutefois de savoir s' il s' agit en l' occurrence d' une contrepartie au sens de l' article 11, partie A, paragraphe 1, de la directive. A ce sujet, dans les arrêts Association coopérative "Cooeperatieve Aardappelenbewaarplaats", Apple and Pear Development Council et Naturally Yours Cosmetics, précités, la Cour a développé les critères suivants:

- un lien direct doit exister entre la livraison d' un bien et la contrepartie reçue(13);

- la contre-valeur doit pouvoir être exprimée en argent(14); et

- cette contre-valeur doit constituer une valeur subjective, puisque la base d' imposition est la contrepartie réellement reçue et non une valeur estimée selon des critères objectifs(15).

17. Si nous appliquons ces critères à la présente affaire, cela conduit aux constatations suivantes. S' agissant de la condition relative à un lien direct, à notre avis, il ressort des éléments dont la Cour dispose qu' un tel lien existe bien en l' espèce. En effet, dans les deux formules, la présentation avec fourniture de renseignements constitue une condition sine qua non de l' article attribué. La juridiction de renvoi est également arrivée à cette constatation à la fin de sa décision provisoire: "A notre avis, dans le cadre des deux systèmes concernés, la livraison de l' article n' avait de lien direct qu' avec la prestation intervenue"(16).

En outre, on ne saurait en aucune façon prétendre que la valeur de l' article attribué soit indépendante de la valeur économique que la présentation constitue pour Empire Stores. Sur ce point, la présente affaire se distingue nettement des éléments de fait des affaires Association coopérative "Cooeperatieve Aardappelenbewaarplaats"(17) et Apple and Pear Development Council(18), dans lesquelles les faits établissaient clairement l' absence de lien direct et elle se rapproche davantage de la situation qui se présentait dans l' affaire Naturally Yours Cosmetics.

Cette dernière affaire concernait une société de vente en gros de produits de beauté (Naturally Yours Cosmetics) qui revendait ses produits par l' intermédiaire de "conseillères en esthétique" qui faisaient intervenir des amies et connaissances ("hôtesses") pour l' organisation, chez elles, de réunions au cours desquelles les produits concernés étaient offerts à la vente. Au cours de ces réunions, les conseillères en esthétique vendaient les produits, tandis que l' hôtesse recevait comme récompense pour l' organisation de la réunion un pot de crème de l' assortiment de Naturally Yours Cosmetics. Si le pot de crème était utilisé à cette fin, Naturally Yours Cosmetics ne comptait pour ce pot, aux conseillères en esthétique, que 1,50 UKL au lieu du prix de gros normal de 10,14 UKL. Interrogée sur la question de savoir quelle devait être la base d' imposition précise eu égard à l' article 11, partie A, paragraphe 1 de la directive, la Cour a formulé les considérations suivantes:

"A cet égard, il ressort de l' ordonnance de renvoi que la méthode de vente de Naturally Yours se caractérise par l' intervention des conseillères en esthétique dans le cadre de réunions privées qu' elles organisent par l' intermédiaire d' hôtesses. Ce serait la raison pour laquelle Naturally Yours accepte de vendre le pot de crème destiné à servir de cadeau à un prix très bas. En outre, au cours de la procédure orale devant la Cour, il est apparu que lorsque la conseillère en esthétique ne rend pas le service prévu, à savoir qu' elle ne trouve pas d' hôtesse qui organise une réunion, le pot de crème doit être rendu ou payé au prix courant de vente en gros. Si tel est le cas - ce qu' il appartient au juge national de vérifier -, il y a lieu de constater qu' il existe un lien direct entre la livraison du pot de crème à très bas prix et le service rendu par la conseillère en esthétique"(19).

18. En l' espèce, les avantages obtenus par Empire Stores du fait de la cliente potentielle ou existante sont indéniablement évaluables en argent, même si, tout comme le constate la juridiction de renvoi, nous devons admettre que la cliente ne connaissait qu' approximativement la valeur de l' article attribué et ne connaissait pas du tout la valeur de l' avantage qu' Empire Stores obtient en échange de cet article. Ce qui importe, c' est que les avantages obtenus par Empire Stores présentaient pour elle une valeur économique. C' est pourquoi le point de vue défendu par Empire Stores à titre subsidiaire, selon lequel la contrepartie ne pourrait pas être exprimée en termes monétaires et selon lequel subjectivement, elle ne présenterait pas de valeur pour elle, ne saurait nous convaincre: ainsi que le fait observer la juridiction de renvoi dans sa décision provisoire, la valeur de la présentation d' une nouvelle cliente constituait effectivement pour elle une valeur subjective, étant donné qu' en échange elle était disposée à donner un article dont elle avait payé le prix de revient.

19. Nous en concluons dès lors que, dans les deux formules, la livraison du cadeau par Empire Stores constitue une livraison de bien à titre onéreux au sens de la directive et que, dès lors, il existe une opération taxable. Contrairement à ce que prétend la Commission, il n' est pas question, en l' occurrence, d' un bien que l' assujetti "transmet à titre gratuit ou, plus généralement, qu' il affecte à des fins étrangères à son entreprise" au sens de l' article 5, paragraphe 6, première phrase, de la directive: cette disposition vise les marchandises qu' un assujetti prélève de son entreprise en les transmettant à titre gratuit pour des fins étrangères à son entreprise - ce qui n' est pas le cas en l' espèce(20). De telles livraisons sont d' ailleurs assimilées à une livraison à titre onéreux. Il n' est pas non plus question en l' espèce de "prélèvements effectués pour les besoins de l' entreprise pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons" au sens de l' article 5, paragraphe 6, in fine: à notre sens, cette disposition vise des cadeaux conçus en tant que cadeaux d' affaires et qui sont destinés à cultiver l' image générale ou la renommée sans qu' il y ait, en échange, une contrepartie directe - contrairement à la situation qui se présente en l' espèce.

A fortiori, les cadeaux ne constituent pas des "rabais et ristournes de prix" au sens de l' article 11, partie A, paragraphe 3, sous b), de la directive: il ressort des éléments qui précèdent qu' il ne s' agit nullement d' "une réduction du prix auquel un article est régulièrement offert au client" dans le cadre de laquelle, même s' il ne reçoit pas de contrepartie de l' acheteur, le vendeur "accepte de se priver d' encaisser la somme qui représente le rabais, afin justement d' inciter le client à acheter le produit"(21).

La base d' imposition

20. Ensuite, se pose la question de la détermination précise de la base d' imposition. Sur ce point également, les points de vue défendus par les parties intervenant devant la Cour divergent. Selon les gouvernements du Royaume-Uni et portugais (en ce qui concerne ce dernier, uniquement s' agissant de la formule de présentation d' une amie), c' est le prix de vente au détail qui doit valoir comme base d' imposition, c' est-à-dire le prix qui serait compté pour les articles concernés s' ils avaient figuré dans le catalogue d' Empire Stores. A l' audience, le gouvernement du Royaume-Uni a soutenu que les deux systèmes de cadeaux se caractérisaient par le fait qu' ils donnent à la cliente l' illusion de recevoir gratuitement une chose pour laquelle, dans d' autres circonstances, elle aurait dû payer le prix de catalogue. La valeur subjective consisterait, dès lors, dans le prix que la cliente aurait dû payer pour obtenir les articles concernés dans le commerce de détail.

En revanche, à titre subsidiaire, Empire Stores soutient que, puisqu' en l' espèce, les parties n' ont pas convenu de la valeur des cadeaux, la valeur subjective est le prix qu' Empire Stores a payé pour les articles concernés, étant donné que tel est le prix qu' elle était disposée à payer afin d' obtenir les renseignements. La juridiction de renvoi a également adopté ce point de vue dans sa décision provisoire.

21. L' article 11, partie A, paragraphe 1, de la directive est rédigé en termes particulièrement larges: la base d' imposition est formée par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou (encore) à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations(22). Comme nous l' avons mentionné (au point 16), selon la Cour, c' est la contrepartie réellement reçue qui constitue la base d' imposition. En d' autres termes, ce qui est déterminant, c' est la valeur subjective dont les parties ont convenu qu' elle soit attribuée au fournisseur ou au prestataire et non une valeur objective indépendante de la transaction concrète.

Quelle est la valeur subjective en l' espèce ? C' est le prix qu' Empire Stores était disposée à payer réellement à la cliente potentielle ou existante en tant que contrepartie de l' avantage apporté par cette dernière. Or, cette contrepartie consiste dans l' objet que la cliente a désigné et qu' elle désirait recevoir en cadeau; elle ne consiste pas dans une somme d' argent convenue entre les parties. Nous en concluons que c' est le prix d' achat pour Empire Stores de l' objet attribué et non le prix compté aux tiers acheteurs par Empire Stores qui constitue la base d' imposition.

Conclusion

22. Nous proposons à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions posées par la juridiction de renvoi:

"1) Dans le cadre des deux formules décrites par la juridiction de renvoi, la livraison, par le fournisseur, d' un article supplémentaire en cadeau équivaut à une livraison de bien à titre onéreux au sens de la sixième directive en matière de TVA, pour laquelle une contrepartie directe et suffisante est fournie.

2) Le prix d' achat pour le fournisseur des articles livrés en cadeaux constitue la base d' imposition."

(*) Langue originale: le néerlandais.

(1) - Directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1).

(2) - La juridiction de renvoi précise dans la décision provisoire que i) jusqu' au 8 août 1988, le cadeau était envoyé à la cliente une fois qu' elle avait payé la commande ou qu' elle avait effectué le premier versement; que ii) du 8 août 1988 au 22 février 1989, le cadeau était envoyé une fois qu' Empire Stores avait reçu la commande; et que iii) après le 23 février 1989, le cadeau était livré à la cliente après qu' elle avait effectué le premier versement à cet effet.

(3) - Voir entre autres l' arrêt du 18 octobre 1990, Dzodzi (C-297/88 et C-197/89, Rec. p. I-3763, point 34).

(4) - Arrêt du 1er avril 1982 (89/81, Rec. p. 1277).

(5) - Arrêt du 8 mars 1988 (102/86, Rec. p. 1443).

(6) - Arrêt du 5 février 1981 (154/80, Rec. p. 445).

(7) - Arrêt du 23 novembre 1988 (230/87, Rec. p. 6365).

(8) - Deuxième directive 67/228/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires - Structure et modalités d' application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 71, p. 1303).

(9) - Cela n' enlève rien à la valeur de précédent de cet arrêt pour la présente affaire: comme la Cour l' a affirmé dans les arrêts Apple and Pear Development Council (précité, au point 10) et Naturally Yours Cosmetics (précité, au point 10), afin d' interpréter la sixième directive, il convient, eu égard à la finalité commune de la sixième directive en matière de TVA et de la deuxième directive, de tenir compte de la jurisprudence relative à cette dernière directive.

(10) - Arrêt Hong-Kong Trade Development Council, précité, point 10. Voir également l' arrêt Tolsma, rendu récemment (arrêt du 3 mars 1994, C-16/93, non encore publié au Recueil de la jurisprudence de la Cour), dans lequel, s' agissant de prestations de services, la Cour a précisé qu' elles ne sont effectuées à titre onéreux que s' il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire (point 14).

(11) - Arrêt Hong-Kong Trade Development Council, au point 11.

(12) - Pour répondre à des questions telles que celle posée en l' espèce, la Cour doit nécessairement partir des constatations de fait formulées par la juridiction nationale concernant les transactions en cause: voir entre autres les arrêts du 27 mars 1990, Boots Company (C-126/88, Rec. p. I-1235, point 11) et du 25 mai 1993, Bally (C-18/92, Rec. p. I-2871, point 8).

(13) - Arrêt Association coopérative Cooeperatieve Aardappelenbewaarplaats , précité, point 12; arrêt Apple and Pear Development Council, précité, point 11; arrêt Naturally Yours Cosmetics, précité, points 11 et 12. Ce dernier arrêt applique la jurisprudence susmentionnée, qui se rapportait aux prestations de services, à la livraison de biens. La Cour vient précisément de confirmer cette jurisprudence dans l' arrêt Tolsma, précité, au point 13.

(14) - Arrêt Association coopérative Cooeperatieve Aardappelenbewaarplaats , précité, point 12; arrêt Naturally Yours Cosmetics, précité, point 16.

(15) - Ibidem.

(16) - A la page 58 de la décision provisoire (version anglaise).

(17) - Cette affaire concernait une coopérative agricole qui entreposait les pommes de terre de ses membres et qui, pendant deux ans, avait décidé de ne pas porter en compte de droit de garde en rémunération de ce service. Selon le service néerlandais des impôts, la coopérative avait néanmoins compté une contrepartie pour ses services, résultant de la baisse de la valeur des parts de ses membres par suite de la non-perception de droit de garde. La Cour a considéré qu' aucun lien direct n' existait entre le service rendu et la contrepartie reçue, étant donné qu' une baisse - non déterminée - de la valeur des parts ne pouvait pas être considérée comme une rétribution perçue par la coopérative prestataire de services: arrêt Association coopérative "Cooeperatieve Aardappelenbewaarplaats", précité, point 12.

(18) - Il s' agissait d' un organisme de droit public (l' Apple and Pear Development Council) qui avait été institué à l' instigation de producteurs de fruits et dont la mission consistait principalement dans la publicité, la promotion et l' amélioration de la qualité des pommes et des poires produites en Angleterre et au pays de Galles. La Cour a répondu par la négative à la question de savoir si cette organisation accomplissait des prestations de services effectuées à titre onéreux au sens de la deuxième directive en matière de TVA, étant donné qu' elle imposait à ses membres une cotisation annuelle qui dépendait de l' importance de leurs vergers plantés de pommiers ou de poiriers: les producteurs individuels de pommes et de poires ne bénéficiaient des avantages des activités de l' organisation que dans la mesure où ils les tiraient indirectement de ceux qui reviennent de façon générale à l' ensemble du secteur et, en outre, il n' existait pas de relation entre le niveau des avantages pour les producteurs individuels et le montant de la cotisation due: arrêt Apple and Pear Development Council, précité, point 15.

(19) - Arrêt Naturally Yours Cosmetics, précité, point 14 (passage que nous soulignons).

(20) - Nous pouvons rappeler, en l' occurrence, l' objectif de cette disposition, tel qu' il a été précisé par la Cour dans l' arrêt du 6 mai 1992, De Jong (C-20/91, Rec. p. I-2847), au point 15, à savoir assurer une égalité de traitement entre l' assujetti qui prélève un bien de son entreprise et un consommateur ordinaire qui achète un bien du même type. En vue de la réalisation de cet objectif, cette disposition empêche qu' un assujetti qui a pu déduire la TVA sur l' achat d' un bien affecté à son entreprise échappe au paiement de la TVA lorsqu' il prélève ce bien sur le patrimoine de son entreprise à des fins privées et qu' il profite donc d' avantages indus par rapport au consommateur ordinaire qui achète le bien en acquittant la TVA .

(21) - Arrêt Boots Company, précité, point 18; voir également nos conclusions dans cette affaire, (Rec. 1990, p. I-1256, I-1257, points 11 et 12).

(22) - Voir l' arrêt Association coopérative Cooeperatieve Aardappelenbewaarplaats , point 12, dans lequel la Cour a considéré que la base d' imposition est constituée par tout ce qui est reçu en contrepartie du service.