61991C0276

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 17 février 1993. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Sanctions en cas d'infraction à la législation TVA - Caractère disproportionné. - Affaire C-276/91.

Recueil de jurisprudence 1993 page I-04413


Conclusions de l'avocat général


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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A - Introduction

1. Le présent recours en manquement se place dans le contexte du système commun de taxe sur la valeur ajoutée établi par la sixième directive (1), tel qu' il s' appliquait à l' époque où l' importation (au sens d' entrée physique d' un bien sur un territoire) à partir d' un autre État membre présentait encore le caractère d' un fait générateur de la taxe (2). La Commission reproche en effet à la République française d' avoir établi à l' article 414 du code français des douanes et d' avoir appliqué un régime de sanctions en cas d' infraction à la réglementation de la TVA à l' importation, qui serait à certains égards incompatible avec l' article 95 du traité CEE. L' article 414 du code des douanes est rédigé comme suit:

"Sont passibles d' un emprisonnement maximum de trois ans, de la confiscation de l' objet de fraude, de la confiscation des moyens de transport, de la confiscation des objets servant à masquer la fraude et d' une amende comprise entre une et deux fois la valeur de l' objet de fraude, tout fait de contrebande ainsi que tout fait d' importation ou d' exportation sans déclaration lorsque ces infractions se rapportent à des marchandises de la catégorie de celles qui sont prohibées ou fortement taxées au sens du présent code.

Les infractions portant sur des marchandises non prohibées, dont la valeur n' excède pas 5 000 FF, sont passibles d' une amende égale à la valeur desdites marchandises."

2. La Commission a été amenée à agir à la suite d' un cas concret d' application de cette disposition, où la cour d' appel d' Amiens, statuant en deuxième instance, avait infligé à Mme Yetta Patron, ressortissante belge, une amende de 20 000 FF en la condamnant en outre à la confiscation de sa voiture immatriculée en Belgique. En effet, aux termes de cet arrêt (3), Mme Patron avait en 1983 importé son véhicule en France, où elle avait alors son domicile, sans faire la déclaration requise. Ce fait était passible de l' article 414 du code des douanes parce que le véhicule importé était soumis à un taux de TVA de 33 % et était donc considéré comme "fortement taxé" au sens de cette disposition.

3. Dans sa requête, la Commission fait valoir deux griefs tirés de l' article 95 du traité CEE.

4. Le premier grief est tiré du fait que les infractions à la réglementation de la TVA pour les transactions internes ne relèvent pas de l' article 414 du code des douanes, mais d' un régime de sanction propre. Pour les caractéristiques de ce régime, telles qu' elles résultent des dispositions nationales présentées par l' État défendeur, nous renvoyons au rapport d' audience (4).

5. La Commission considère à ce propos que l' article 414 est incompatible avec l' article 95 du traité, au motif qu' il violerait le principe établi dans l' arrêt Drexl (5). Dans cet arrêt, la Cour avait dit pour droit que:

"Une législation nationale qui sanctionne plus sévèrement les infractions à la TVA à l' importation que celles à la TVA afférente aux cessions de biens à l' intérieur du pays est incompatible avec l' article 95 du traité dans la mesure où cette différence est disproportionnée par rapport à la dissimilitude des deux catégories d' infraction."

6. Avec son deuxième grief, la Commission reproche à l' article 414 de ne contenir aucune disposition garantissant l' application des principes développés dans l' arrêt Schul (6). Ainsi, dans le cas concret de Mme Patron, le montant de la TVA acquittée dans l' État d' exportation devrait être pris en compte lors de la fixation de l' amende sur la base de la TVA due.

7. Dans sa réplique, la Commission fait encore valoir que la sanction infligée dans le cas concret de Mme Patron serait disproportionnée par rapport au montant dû au titre de la TVA. D' autre part, Mme Patron aurait contesté avoir le statut de résidente en France. A cet égard, il y aurait lieu de tenir compte du fait que, pour les personnes qui ont une double résidence, plusieurs éléments doivent être pris en considération lors de la détermination de l' État membre dans lequel la voiture leur appartenant doit être enregistrée et taxée. La Commission se réfère à cet égard à l' article 7, paragraphe 1 de la directive 83/182 (7) ainsi qu' à l' arrêt prononcé à ce propos dans l' affaire Ryborg (8).

8. La Commission conclut à ce qu' il plaise à la Cour

- constater qu' en instituant et en appliquant des dispositions législatives, réglementaires ou administratives en force sous l' article 414 du code français des douanes, qui sanctionnent plus sévèrement les infractions à la TVA due à l' importation d' un autre État membre que les sanctions prévues aux infractions à la TVA afférentes aux transactions rémunérées à l' intérieur du pays, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l' article 95 du traité CEE;

- condamner la République française aux dépens.

Le gouvernement français conclut à ce qu' il plaise à la Cour

- déclarer la requête non fondée;

- condamner la requérante aux dépens.

9. Elle tient les griefs de la Commission pour dépourvus de fondement et considère en outre certains des arguments de la réplique comme invoqués trop tardivement.

B - Appréciation

I - Quant au grief selon lequel l' article 414 du code des douanes violerait le principe établi dans l' arrêt Drexl

10. Pour bien apprécier ce grief, il convient tout d' abord de formuler certaines observations à propos du principe développé dans l' arrêt Drexl avant de définir la portée exacte du reproche soulevé par la Commission.

11. 1. Dans l' affaire Drexl, la Cour était confrontée à deux régimes de sanction - prévus respectivement pour les infractions commises lors d' importations et pour celles commises à l' occasion de transactions internes - dont les modalités étaient différentes en ce qui concerne la nature et la gravité des sanctions (9). De même qu' en l' espèce et pour les biens "fortement taxés", le régime applicable aux infractions commises à l' occasion d' importations résultait des dispositions relatives à la contrebande.

12. Dans cette situation, la Cour était tenue de concilier deux principes: d' une part, le principe que les sanctions pénales sont de la compétence des États membres (10) et d' autre part, le principe établi à l' article 95 du traité de la neutralité des impositions intérieures au regard des échanges intracommunautaires.

13. A cet égard, la Cour a jugé que certaines différences dans les régimes de sanction pouvaient être licites (point 22 de l' arrêt):

"...les deux catégories d' infraction en cause se distinguent par différentes circonstances qui concernent aussi bien les éléments constitutifs de l' infraction que la plus ou moins grande facilité à la découvrir. En effet, la TVA à l' importation est perçue à l' occasion de la simple entrée physique du bien sur le territoire de l' État membre concerné, plutôt qu' à celle d' une transaction. Ces différences impliquent notamment que les États membres ne sont pas obligés de prévoir un régime identique pour les deux catégories d' infraction."

14. La Cour a néanmoins considéré que la dissimilitude de ces deux catégories ne pouvait en aucun cas justifier un écart disproportionné dans la sévérité des sanctions prévues pour chacune d' entre elles (11).

15. La marge d' appréciation qui est ainsi laissée aux États membres présente donc deux traits marquants. D' une part, en ce qui concerne le fait générateur de la TVA, ils peuvent instituer pour les infractions commises à l' occasion de l' importation un régime de sanction différent, à savoir un régime rattaché aux dispositions relatives à la contrebande (au sens de fraude aux taxes à l' importation). D' autre part, comme les infractions à la TVA commises lors de l' importation sont en règle générale plus difficiles à découvrir que celles commises lors de transactions se déroulant à l' intérieur du pays, les États membres sont en droit de moduler la sévérité des sanctions en conséquence.

16. C' est également par rapport à la sévérité des sanctions que la Cour a tracé la limite de la marge d' appréciation laissée aux États membres en ce qui concerne leur pouvoir de légiférer en matière pénale (12). Cette limite interdit aux États membres de violer le principe de l' égalité de traitement sur le plan fiscal des opérations réalisées à l' intérieur du pays d' une part et des importations d' autre part en prévoyant en ce qui concerne ces dernières des sanctions d' une sévérité telle que la différence dans les sanctions ne reflèterait plus la dissimilitude des deux catégories d' infractions: dans une telle hypothèse en effet, la plus grande sévérité des sanctions applicables dans le cas des importations apparaîtrait non plus seulement comme une réaction aux plus grandes difficultés qu' il y a à déceler ces infractions mais également (pour partie du moins) comme une entrave inadmissible aux importations.

17. D' autre part, la Cour a, dans les motifs de l' arrêt (13), précisé l' interdiction qui est ainsi imposée aux États membres en indiquant qu' il doit s' agir d' un

"écart manifestement disproportionné dans la sévérité des sanctions...".

Selon nous, la précision ainsi apportée à l' interdiction ne résulte pas tellement de la pondération entre l' intérêt qu' ont les États membres à préserver leur liberté de légiférer en matière pénale et l' intérêt de la Communauté à la protection des libertés fondamentales et à un fonctionnement sans heurt du système commun de taxe sur la valeur ajoutée (14). Il s' explique bien plutôt par le fait qu' une "disproportion" de ce genre ne peut en régle générale pas être constatée avec une exactitude mathématique. Permettez-nous de vous démontrer ceci à l' aide des questions suivantes:

- Quelle est l' importance de la différence entre les deux catégories d' infractions, en ce qui concerne la possibilité de les déceler?

- Quel poids faut-il attribuer à cette différence lors de la fixation des sanctions?

- Dès lors, jusqu' où les écarts, en nature et en importance, entre les sanctions peuvent-ils aller pour ne pas être disproportionnés par rapport aux différences entre les deux catégories d' infractions?

18. La tâche de constater l' existence d' une disproportion ou son absence peut être rendue encore plus difficile lorsque, comme c' est le cas en l' espèce et comme c' était le cas dans l' affaire Drexl, les régimes de sanction ne sont pas structurés de la même manière.

19. Partant de ces considérations, nous pouvons enfin déterminer de quelle façon il y a lieu de procéder à la comparaison entre les deux régimes de sanction en vue de constater ou non l' existence d' une disproportion au sens ci-dessus. Cette précision aussi a son importance dans l' évaluation du grief concret soulevé par la Commission.

20. A cet égard, il y a lieu de tenir compte du fait que les régimes de sanction en cause ne sont pas structurés de la même manière. Partant, la comparaison doit intégrer tous les éléments essentiels des deux régimes, en confrontant dans la mesure du possible et du nécessaire des facteurs comparables (peine normale et aggravations de peine, sanctions pour les tentatives, régime applicable aux infractions de portée minime, peines complémentaires [confiscation] etc.). Lorsque les écarts sont particulièrement criants, notamment entre les sanctions de privation de liberté ou sanctions pécuniaires infligées en règle générale, il peut suffire de se référer à cette circonstance (15). Sinon, il faut procéder à une mise en balance de l' ensemble des éléments précités (16).

21. 2. Après avoir précisé le critère applicable en vertu de la jurisprudence Drexl, nous pouvons passer à la délimitation du grief que la Commission fonde sur cette jurisprudence.

22. A ce propos, il y a lieu de constater que la Commission critique exclusivement la mesure de confiscation prévue à l' article 414 du code des douanes, qui ne trouverait pas d' équivalent dans les sanctions applicables aux opérations effectuées à l' intérieur du pays. Cette interprétation du grief résulte des termes concordants de la lettre de mise en demeure (17), de l' avis motivé (18) et de la requête (19). Mais il est vrai que l' argumentation contenue dans la réplique aurait pu faire douter de son bien-fondé. Certaines des considérations qui y sont développées pouvaient en effet donner l' impression que la Commission mettrait en cause l' ensemble du régime établi à l' article 414 du code des douanes, au motif qu' il prévoirait des sanctions plus sévères que celui applicable en cas d' infractions commises à l' occasion de transactions effectuées à l' intérieur du pays (20). Mais, indépendamment du fait que, dans ce contexte, la Commission s' est bornée à affirmer une disproportion dans ce sens global, sans apporter d' autre précision, elle a encore spécifié en réponse à une question de la Cour que:

"Dans la présente affaire, la Commission conteste à l' État membre visé par le recours la possibilité de prononcer, à l' occasion du contrôle du recouvrement de la TVA à l' importation d' autres États membre, des peines de confiscation des marchandises importées, alors que de telles peines n' existent pas dans le régime des sanctions aux infractions à la TVA à l' intérieur du pays" (21).

23. La menace d' une peine de confiscation étant sans commune mesure avec les sanctions prévues en cas de livraisons de biens à l' intérieur du pays, son existence créerait une disproportion manifeste entre les sanctions prévues pour les deux catégories d' infractions (22).

24. La Commission précise encore qu' elle n' a

"pas entendu mettre en cause, de manière générale, une éventuelle différence de traitement, au plan des sanctions, qui serait opérée par la France selon que les infractions soient commises à l' importation ou à l' intérieur du pays, bien qu' une telle différence ne puisse être justifiée par le seul fait que l' infraction soit liée à une importation plutôt qu' à une livraison intérieure" (23).

25. Enfin, tout en admettant que les sanctions peuvent être modulées pour répondre à la diversité des situations infractionnelles et à la difficulté d' appréhender certaines d' entre elles, la Commission observe que rien ne justifierait cependant le maintien, dans un marché intérieur, de deux régimes contentieux totalement indépendants l' un de l' autre et conduisant à des traitements de nature complètement différente selon que l' infraction est commise à l' importation d' autres États membres ou à l' intérieur du pays (24).

26. Dans l' ensemble, ces éléments de la réponse à la question posée par la Cour confirment ce qui apparaissait déjà dans la requête et dans les documents de la procédure précontentieuse, à savoir que la Commission entend mettre en cause (uniquement) la possibilité de confiscation établie à l' article 414 du code des douanes, même s' il est manifeste que la seule existence de deux régimes de sanction autonomes suffit déjà à la mettre mal à l' aise.

27. 3. Il convient maintenant d' examiner le grief ainsi défini à la lumière des principes de la jurisprudence Drexl, tels qu' ils ont été exposés précédemment (25).

28. Selon nous, le recours doit être rejeté sur ce point. Ainsi qu' il résulte en effet de nos considérations ci-dessus (26) à propos de la comparaison entre des régimes de sanction différents, il ne suffit en aucun cas d' affirmer l' existence d' un écart pour un élément donné. Bien au contraire, une différence disproportionnée au sens de la jurisprudence Drexl ne peut en règle générale être constatée qu' à la suite d' une comparaison globale des deux systèmes. Vu sous cet angle, le grief de la Commission ne remplit pas, de par sa nature même, le critère établi dans la jurisprudence précitée.

29. Une autre approche s' imposerait cependant si la Commission avait comparé entre eux les autres éléments des deux régimes de sanctions en vue d' établir que - mise à part la sanction de la confiscation - les deux régimes sont d' une sévérité en substance comparable (27). Dans cette hypothèse, il aurait alors fallu déterminer si la comparaison effectuée par la Commission était correcte dans sa méthode et dans son résultat et, dans l' affirmative, si la sanction de la confiscation provoque une disproportion (manifeste) dans la mesure où elle n' est prévue que pour le cas de l' importation.

30. La requête ne contient cependant pas même l' ébauche d' une argumentation en vue d' une comparaison au sens indiqué ci-dessus. Il est significatif à cet égard que les dispositions relatives aux sanctions applicables en cas de transactions effectuées à l' intérieur du pays, ainsi que la référence à l' article 350 du code des douanes et à la pratique administrative ayant cours dans ce domaine, ne nous soient parvenues qu' avec le mémoire en défense.

31. Le seul passage de la requête qui puisse être considéré comme une esquisse dans le sens ci-dessus est le suivant:

"Faire tomber, systématiquement, sous le coup de la législation pénale, par adoption des sanctions applicables en matière de droits de douane, toute fraude à la TVA à l' importation, alors que l' évasion de la TVA interne est moins sévèrement réprimée, revient à attribuer une signification particulière au passage d' une frontière intracommunautaire, incompatible avec le marché commun" (28).

32. Cette déclaration de la Commission reste cependant sur un plan purement abstrait et ne dit pas dans quelle mesure cette appréciation s' applique à la réglementation française. La constatation n' est d' ailleurs guère surprenante, car un examen plus attentif montre que le texte précité constitue une citation littérale des conclusions présentées par l' avocat général M. Darmon dans l' affaire Drexl, et qu' il se rapporte donc à la réglementation italienne litigieuse à l' époque (29).

33. Dans la mesure où le mémoire en réplique contient des éléments de comparaison entre les deux régimes de sanction (30), nous les tenons pour une simple réaction à l' argumentation développée par l' État membre dans son mémoire en défense. Au reste, il y a lieu de constater que, conformément à l' article 19 du protocole sur le statut CEE de la Cour et à l' article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, il incombe à la Commission d' indiquer, dans toute requête déposée au titre de l' article 169 du traité CEE, les griefs précis sur lesquels la Cour est appelée à se prononcer ainsi que, de manière à tout le moins sommaire, les éléments de droit et de fait sur lesquels ces griefs sont fondés (31). Aux termes de l' article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure, une extension de l' objet du litige n' est possible qu' aux conditions indiquées dans cette disposition, lesquelles ne sont pas remplies en l' espèce. Enfin, d' après sa réponse - détaillée ci-dessus - à la question qui lui a été posée par la Cour, la Commission n' a pas l' intention de s' engager dans une comparaison circonstanciée des deux systèmes. Dans ces conditions, l' examen de ce point reviendrait à évaluer la validité des arguments en défense de l' État défendeur au lieu d' apprécier le bien-fondé du grief de la Commission.

34. Il y a donc lieu de rejeter le premier grief de la Commission, aux termes duquel l' article 414 du code des douanes est contraire au principe établi dans l' arrêt Drexl.

II - Quant au grief reprochant à l' article 414 de ne pas contenir de disposition qui garantirait l' application des principes développés dans l' arrêt Schul à la détermination du montant de l' amende en cas d' infraction commise à l' occasion d' une importation réalisée par des particuliers

35. Ce grief - à supposer qu' il soit recevable (32) - nous paraît dépourvu de fondement. La Commission part en effet de la prémisse que l' amende visée à l' article 414 du code des douanes serait fixée en fonction du montant de la TVA non acquittée à l' importation. Or, ainsi que l' État défendeur l' a relevé à juste titre, cette prémisse ne correspond pas à la réalité. Le montant de l' amende en question est en effet compris entre une et deux fois la valeur de "l' objet de fraude"; il est donc fonction de la valeur du bien importé et non pas du montant de la TVA due.

III. Quant au grief suivant lequel la sanction imposée dans le cas concret de Mme Patron serait hors de proportion avec le montant dû au titre de la taxe.

36. Ce grief doit être rejeté comme irrecevable, car il n' est apparu ni dans la procédure précontentieuse ni dans la requête et il est d' autre part dépourvu de lien avec les conclusions du recours.

37. Pour la bonne forme, nous relèverons encore que ce grief ne peut en aucun cas être compris comme une simple extension du premier grief. Ce dernier se fonde (à l' instar des conclusions du recours) sur une comparaison entre deux cas d' imposition et il ressortit en substance au principe de l' égalité de traitement (dont l' article 95 constitue une manifestation spécifique). En revanche, le présent grief consiste à comparer la gravité d' une infraction fiscale (s' exprimant dans le montant de la taxe non acquittée) avec la gravité de la sanction, ce qui revient à un examen au regard du principe de proportionnalité.

IV - Quant au grief relatif au lieu de résidence de Mme Patron

38. Ce grief ayant été soulevé pour la première fois dans le mémoire en réplique (33), il doit être rejeté pour les mêmes raisons que le grief précédent.

C - Conclusion

39. Partant, nous vous proposons

- de rejeter le recours;

- de condamner la Commission aux dépens, conformément à l' article 69 du règlement de procédure.

(*) Langue originale: l' allemand.

(1) - Sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145 du 13 juin 1977, p. 1).

(2) - Voir les dispositions combinées de l' article 2, point 2 et de l' article 7 de la première version de la directive. La directive modificative 91/680/CEE du 16 décembre 1991 (JO L 376 du 31 décembre 1991, p. 1) a introduit à compter du 1er janvier 1993 un nouveau régime, qui se fonde non plus sur l' importation intracommunautaire mais sur l' acquisition intracommunautaire de biens effectuée à titre onéreux à l' intérieur du pays (voir l' article 28bis, dans la version de la directive 91/680 précitée).

(3) - Arrêt du 14 janvier 1986; voir l' annexe au mémoire en duplique. La Cour de cassation a confirmé cet arrêt le 15 février 1988.

(4) - Voir ibidem le point I.a).

(5) - Arrêt du 25 février 1988 dans l' affaire 299/86, Procédure pénale contre Rainer Drexl, Rec. 1988, p. 1213.

(6) - Arrêt du 5 mai 1982 prononcé dans l' affaire 15/81, Schul, Rec. 1982, p. 1409, confirmé en dernier lieu par les arrêts du 26 février 1991 prononcés dans les affaires C-120/88, C-119/89 et C-159/89, Rec. 1991, p. I-621, I-641 ainsi que I-691.

(7) - Directive du Conseil du 28 mars 1983 relative aux franchises fiscales applicables à l' intérieur de la Communauté en matière d' importation temporaire de certains moyens de transport, JO L 105 du 23 avril 1983, p. 59.

(8) - Arrêt du 23 avril 1991 dans l' affaire C-297/89, Ryborg, Rec. 1991, p. I-1943.

(9) - Voir le point I 1., sous b), du rapport d' audience dans cette affaire.

(10) - Arrêt du 11 novembre 1981 dans l' affaire 203/80, Procédure pénale contre Casati, Rec. 1981, p. 2595, au point 27; arrêt dans l' affaire Drexl, loc. cit., au point 17.

(11) - Aux points 23 et 25 des motifs, ainsi qu' au point 2 du dispositif.

(12) - Voir la citation faite au point 5, ainsi que le point 15 des présentes conclusions.

(13) - Voir le point 23 de l' arrêt.

(14) - La précision qu' il doit s' agir d' une disproportion manifeste n' apparaît plus dans le dispositif de l' arrêt.

(15) - C' est ainsi que la Cour a déclaré dans l' arrêt Drexl (au point 23 des motifs) qu' une

telle disproportion existe lorsque la sanction prévue en cas d' importation comporte, en règle générale, des peines d' emprisonnement et la confiscation de la marchandise en vertu des règles prévues pour la répression de la contrebande alors que des sanctions comparables ne sont pas prévues, ou pas appliquées de façon générale, en cas d' infraction à la TVA afférente aux transactions internes.

Il faut cependant relever que la prémisse selon laquelle la sanction prévue par la réglementation italienne pour les infractions commises à l' occasion d' importations comporterait en règle générale des peines d' emprisonnement n' est pas conforme à la réalité: voir l' article 292 du décret n 43 (rapport d' audience, Rec. 1988, p. 1214, à la p. 1215) ainsi que l' arrêt de la Corte suprema di Cassazione du 21 février 1989, Cassazione penale 1989, n 1345, p. 1547, à la p. 1550.

(16) - Cette hypothèse est particulièrement bien illustrée par l' arrêt de la Corte Suprema di Cassazione du 21 février 1989 (voir la note précédente) ainsi que par l' arrêt du 14 décembre 1988 rendu par la juridiction de renvoi dans l' affaire Drexl, la Corte d' appello Genua, à la suite de l' arrêt prononcé par la Cour de justice dans cette affaire: Cassazione Penale 1989, n 1367, p. 1568.

(17) - Voir p. 2, premier et deuxième alinéas.

(18) - Voir p. 2, premier alinéa, p. 3, premier alinéa et p. 4, deuxième alinéa.

(19) - Voir p. 3 au point 1, deuxième alinéa et p. 5, dernier alinéa.

(20) - Voir p. 4, avant-dernier alinéa, p. 7, avant-dernier alinéa et p. 10 premier alinéa, in fine.

(21) - Voir p. 2 de la réponse du 9 décembre 1992, au point 1., premier alinéa; c' est nous qui soulignons.

(22) - Voir les deux derniers alinéas à la p. 2 de la réponse.

(23) - Voir p. 3 de la réponse, au premier alinéa; c' est nous qui soulignons.

(24) - Voir p. 3 de la réponse, au dernier alinéa.

(25) - Voir ci-dessus les points 12 et ss.

(26) - Voir ci-dessus les points 20 et ss.

(27) - Voire que le régime applicable aux importations est encore plus sévère que l' autre.

(28) - Requête, p. 8, deuxième alinéa, deuxième phrase.

(29) - Voir le point 15 des conclusions de l' avocat général M. Darmon, Rec. 1988, p. 1222, à la p. 1225.

(30) - Voir supra, à la note 20.

(31) - Jurisprudence constante: voir par exemple l' arrêt du 31 mars 1992 dans l' affaire C-52/90, Commission/Danemark, Rec. 1992, p. I-2187, au point 17.

(32) - Aux termes d' une jurisprudence constante, l' objet du litige dans la procédure au titre de l' article 169 est circonscrit notamment aux griefs invoqués dans les conclusions du recours (voir par exemple l' arrêt du 7 mars 1992 dans l' affaire C-61/90, Commission/Grèce, Rec. 1992, p. I-2407, au point 9). A cet égard, il y a lieu de constater que, comme il résulte de leurs termes même, les conclusions du recours ne se rapportent en l' espèce qu' au premier grief.

(33) - La requête mentionne bien (à la p. 4, troisième alinéa) que Mme Patron a importé son véhicule temporairement . Il n' y apparaît cependant nulle part que la Commission souhaiterait que la Cour se prononce également sur cette question.