61988C0251

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 22 février 1990. - Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne. - Manquement d'État - Ressources propres provenant de la TVA - Méthode de calcul appliquée pour l'incorporation d'opérations exonérées. - Affaire C-251/88.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-02107


Conclusions de l'avocat général


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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . La présente affaire a pour origine un litige entre la Commission et la République fédérale d' Allemagne quant au traitement de certaines opérations aux fins des ressources propres des Communautés .

2 . L' institution de ressources propres aux Communautés a été introduite par la décision du Conseil du 21 avril 1970 ( décision 70/243 relative au remplacement des contributions financières des États membres par des ressources propres aux Communautés, JO L 94 du 28.4.1970, p . 19 ). Cette décision ( ci-après "décision sur les ressources propres ") prévoit que les prélèvements agricoles et d' autres droits institués dans le cadre de la politique agricole commune (( article 2, sous a ) )) ainsi que les droits du tarif douanier commun et d' autres droits de douane (( article 2, sous b ) )) constituent des ressources propres à inscrire au budget des Communautés . Les recettes provenant de ces sources n' étant pas suffisantes pour équilibrer le budget, l' article 4, paragraphe 1, prévoit que les ressources propres aux Communautés comprennent aussi celles provenant de la taxe sur la valeur ajoutée ( ci-après "TVA ") et obtenues par l' application d' un taux ne dépassant pas un certain pourcentage à une assiette déterminée d' une manière uniforme pour les États membres, selon des règles communautaires . Le pourcentage maximal, qui était initialement de 1 %, a été relevé à 1,4 % en 1985 et fixé à ce niveau par la décision 88/376 du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés ( JO L 185, p . 24 ), décision qui a également introduit une nouvelle ressource propre fondée sur la somme des PNB des États membres . Les ressources propres des Communautés sont perçues par les États membres et transférées à la Communauté .

3 . Les dispositions relatives au financement du budget des Communautés par les ressources propres ne sont pas entrées pleinement en vigueur avant 1980 . Une des étapes nécessaires était l' introduction d' une assiette uniforme pour les ressources TVA, ce qui a été réalisé par la sixième directive ( directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, JO L 145, p . 1 ). L' article 2 de cette directive dispose que sont soumises à la TVA toutes les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux à l' intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel . Les articles 13 à 16 exonèrent cependant certaines activités .

4 . L' article 28, paragraphe 3, sous b ), qui fait partie du titre XVI - Dispositions transitoires -, permet aux États membres, pendant une certaine période transitoire, de "continuer à exonérer les opérations énumérées à l' annexe F dans les conditions existantes dans l' État membre ...". Les opérations énumérées à l' annexe F comprennent, en numéro 5, "les prestations de services et les livraisons de biens accessoires auxdites prestations effectuées par les services publics postaux dans le domaine des télécommunications ".

5 . Le règlement n° 2892/77 du Conseil définit les modalités selon lesquelles est déterminée la base de perception des ressources TVA ( JO L 336, p . 8 ). Son article 3, paragraphe 1, laisse aux États membres une option entre deux méthodes, la "méthode A" et la "méthode B ". En fait, il ressort du dossier que tous les États membres ont opté pour la "méthode B" qui consiste à calculer ladite base des ressources TVA en divisant le total des recettes nettes de la TVA encaissées par l' État membre par le taux de TVA exprimé en fraction ou, si plusieurs taux de TVA sont appliqués, en divisant ce total par le taux moyen pondéré de la TVA, également exprimé en fraction ( article 6 ). Le résultat est de supprimer les incidences des différences de taux de TVA et de faire effectivement reposer les ressources TVA sur le chiffre d' affaires de toutes les opérations traitées comme des opérations soumises à la TVA .

6 . Les dispositions du règlement n° 2892/77 concernant les opérations à prendre en compte pour déterminer la base de perception sont d' une importance essentielle aux fins de l' espèce . L' article 2, paragraphe 1, dudit règlement n° 2892/77 prévoit que la base des ressources TVA est déterminée à partir des opérations imposables visées à l' article 2 de la sixième directive, à l' exception des opérations définitivement exonérées en application des articles 13 à 16 de cette directive . Aux termes de l' article 2, paragraphe 2, troisième tiret, les opérations que les États membres continuent à exonérer en vertu de l' article 28, paragraphe 3, sous b ), de la sixième directive ( c' est-à-dire celles qui ne sont exonérées qu' à titre transitoire ) "doivent être prises en compte pour la détermination des ressources TVA ". L' article 9, paragraphe 2, qui a trait à l' application de l' article 2, paragraphe 2, dispose, au deuxième tiret :

"Pour les opérations énumérées à l' annexe F de la directive 77/388/CEE que les États membres continuent à exonérer en vertu de l' article 28, paragraphe 3, sous b ), de ladite directive, les États membres calculent la base des ressources TVA comme si ces opérations étaient taxées ."

7 . La durée de validité du règlement n° 2892/77, initialement limitée à cinq ans, a été prolongée par les règlements du Conseil n°s 3550/82 ( JO L 373, p . 1 ) et 3735/85 ( JO L 356, p . 1 ). Le règlement n° 1553/89 du Conseil concernant le régime uniforme définitif de perception des ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée ( JO L 155, p . 9 ), qui est applicable depuis le 1er janvier 1989 et qui a, en grande partie, remplacé et annulé le règlement n° 2892/77, prévoit une seule méthode de calcul de la base des ressources TVA correspondant à l' ancienne "méthode B" ( article 3 ). Les dispositions précitées des articles 2, paragraphe 2, et 9, paragraphe 2, du règlement n° 2892/77 sont reprises dans le règlement de 1989 ( articles 2, paragraphe 2, et 6, paragraphe 2 ).

8 . En application de l' article 28, paragraphe 3, sous b ), et de l' annexe F de la sixième directive, la République fédérale d' Allemagne exonère de la TVA les opérations de la Deutsche Bundespost ( poste fédérale allemande ) dans le domaine des télécommunications . Il résulte de cette exonération que la Bundespost ne peut pas se prévaloir de l' article 17, paragraphe 2, de la sixième directive qui permet à l' assujetti de déduire de la taxe dont il est redevable la TVA due ou acquittée pour des biens ou des services qui lui sont fournis, pour autant que lesdits biens ou services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées . Or, de 1980 à 1985, aux fins du calcul de la base des ressources TVA pour les opérations de la Bundespost dans le domaine des télécommunications, la République fédérale d' Allemagne a, en fait, déduit de la valeur totale desdites opérations le montant de la TVA que la Bundespost avait acquittée pour les biens et les services qui lui avaient été fournis en vue de ces opérations . En l' espèce, la Commission soutient essentiellement que la République fédérale d' Allemagne n' était pas en droit d' opérer cette déduction .

9 . Le litige tourne autour de l' interprétation de l' article 9, paragraphe 2, du règlement n° 2892/77 qui impose aux États membres de calculer la base des ressources TVA pour les opérations exonérées visées à l' annexe F, "comme si ces opérations étaient taxées ". Selon la Commission, cette disposition signifie que la totalité de la valeur des opérations concernées doit être incorporée dans l' assiette, sans aucune déduction de la "taxe en amont" implicitement contenue dans leur valeur . Selon le gouvernement de la République fédérale d' Allemagne, elle signifie que, sous tous les aspects à faire entrer en ligne de compte, les opérations en question doivent être traitées comme si elles étaient taxées et, si elles étaient taxées, la déduction de la taxe acquittée en amont serait possible en vertu de l' article 17, paragraphe 2, de la sixième directive . Les deux parties s' appuient sur le libellé de l' article 9, paragraphe 2, sur l' économie générale de la législation communautaire et sur ses objectifs .

10 . A lui seul, le libellé de l' article 9, paragraphe 2, du règlement n° 2892/77 ne nous semble pas corroborer de façon concluante la thèse de l' une ou l' autre des parties . Si l' on s' attache à son sens littéral, l' obligation de calculer la base de perception, pour les opérations visées à l' annexe F, "comme si ces opérations étaient taxées" semble étayer la thèse de la République fédérale d' Allemagne . D' autre part, ce libellé peut aussi se comprendre comme signifiant simplement que les opérations en question, bien qu' exonérées, doivent être incorporées dans la base des ressources propres; en d' autres termes, il peut signifier que ces opérations doivent être assimilées à des opérations imposables uniquement dans ce but précis, mais qu' elles ne doivent pas être traitées, à tous égards, comme si elles étaient taxées .

11 . En ce qui concerne l' économie générale de la législation, la République fédérale d' Allemagne fait valoir qu' un des principes fondamentaux du système de TVA, qui trouve son expression en particulier à l' article 11 de la sixième directive, est que la TVA n' est perçue que sur la valeur nette des marchandises ou des services à chaque stade de la production ou de la distribution, mais non sur la TVA déjà acquittée ou due à chaque stade . La méthode de la Commission impliquerait d' inclure un élément de double taxation (" taxe sur taxe ") dans la base des ressources propres, contrairement au principe de la valeur nette . La République fédérale d' Allemagne fait également valoir que ce principe est étayé par la jurisprudence de la Cour, notamment par les deux arrêts Schul ( 15/81, Rec . 1982, p . 1409, et 47/84, Rec . 1985, p . 1491 ).

12 . La Commission ne conteste pas que le principe de la valeur nette est un principe fondamental, mais souligne, à juste titre, qu' il n' est pas absolu . De fait, il est mis en échec lorsqu' il existe une opération exonérée dans une chaîne d' opérations imposables . Lorsqu' il existe une fourniture de marchandises ou de services qui entre dans la catérogie des opérations exonérées, le fournisseur n' est pas autorisé à déduire la taxe qu' il a versée à ses propres fournisseurs et celle-ci est donc répercutée comme une charge cachée dans le prix de vente . L' acheteur desdits biens ou services n' est pas non plus en mesure de déduire cette charge cachée de sa propre charge fiscale et il en résulte un cumul de taxes ( taxe sur taxe ) contraire au principe de la valeur nette . Le total des recettes TVA provenant de pareille chaîne d' opérations inclut un élément de double taxation et cet élément pénètre dans la base des ressources propres . Ainsi, c' est précisément lorsqu' il existe des opérations exonérées que la base de perception des ressources TVA peut comprendre un élément caché de taxe acquittée en amont qui n' est pas déductible .

13 . Au surplus, la jurisprudence de la Cour conforte la thèse selon laquelle le principe de la valeur nette n' est pas absolu . Dans son arrêt récent du 5 décembre 1989, ORO Amsterdam Beheer BV et Concerto BV/Inspecteur der Omzetbelasting ( C-165/88 ), la Cour a fait observer que la solution des deux arrêts Schul, invoqués en l' espèce par la République fédérale d' Allemagne, se fondait non sur un principe général d' interdiction d' un cumul de taxes, mais sur l' article 95 du traité qui interdit les impositions intérieures discriminatoires vis-à-vis des biens importés ( point 18 de l' arrêt ). Dans le même arrêt, la Cour a, en outre, reconnu que l' harmonisation de la TVA n' était encore que partielle et que, si l' objet de la législation communautaire était d' exclure les doubles taxations, cet objectif n' avait pas encore été entièrement réalisé ( points 22 et 23 ). C' est pourquoi la Cour a dit pour droit qu' en l' état actuel de son évolution le droit communautaire ne faisait pas obstacle à l' application d' une législation nationale qui, pour le calcul de la TVA due sur la vente de biens d' occasion achetés par des entreprises à des particuliers non assujettis, en vue de leur revente, n' autorisait pas la déduction de la taxe demeurant incorporée dans le prix d' achat desdits biens . Il apparaît donc qu' aucune conclusion définitive ne peut être tirée du principe de la valeur nette .

14 . Eu égard aux objectifs de la réglementation communautaire, la Commission s' est efforcée de faire valoir que, avec la méthode de calcul utilisée par la République fédérale d' Allemagne, le niveau du taux de la TVA avait des répercussions directes sur la base des ressources TVA, contrairement à l' objectif de neutralité auquel tend le système des ressources propres provenant de la TVA . La Commission souligne que la méthode allemande implique qu' une partie des recettes provenant de la TVA soit directement déduite de la base de perception et allègue que, dans la mesure où le montant desdites recettes est fonction du niveau du taux de la TVA, cette déduction permet une incidence du taux sur l' assiette des ressources TVA et donc sur le montant de ces ressources propres .

15 . Toutefois, la République fédérale d' Allemagne réussit, selon nous, à réfuter cet argument . Elle admet que le montant de la taxe en amont, et donc le montant de la déduction opérée en application de sa méthode de calcul, varie effectivement suivant le taux de TVA pratiqué, mais elle fait remarquer que, dans la mesure où le montant de la déduction correspond toujours exactement au montant de la taxe acquittée en amont, il ne peut exister aucune incidence sur la base des ressources TVA, celle-ci correspondant toujours à la somme de la valeur d' achat nette et de la valeur ajoutée au stade de l' opération exonérée . Cela n' est naturellement pas étonnant puisque la méthode de calcul utilisée par la République fédérale d' Allemagne consiste à simuler le cas normal de taxation, cas dans lequel, comme le déclare la Commission elle-même, le taux de la TVA ne peut avoir aucune incidence sur l' assiette . En vérité, il est manifeste que c' est la méthode de la Commission, plutôt que celle de la République fédérale d' Allemagne, qui est incompatible avec l' objectif de neutralité . Comme la méthode de la Commission suppose d' inclure le montant de la taxe acquittée en amont dans la base de perception et comme ce montant varie selon le taux de TVA, c' est avec cette méthode que les augmentations ou les réductions du taux de TVA peuvent produire des répercussions directes sur l' assiette des ressources propres et donc sur leur montant .

16 . Cette considération n' est cependant pas décisive . La réponse nous paraît devoir être recherchée d' après les objectifs plus larges de la réglementation communautaire et d' après la fonction spécifique de l' article 9, paragraphe 2, du règlement n° 2892/77 . L' objectif de ce règlement, conformément à la décision sur les ressources propres, est de mettre en oeuvre une assiette uniforme pour les ressources TVA . De même, un des objectifs de la sixième directive est de faciliter la détermination de cette assiette uniforme par l' adoption de règles communes pour la perception de la TVA . La notion d' assiette uniforme contient implicitement l' objectif d' assurer une répartition équitable et cohérente de la charge des ressources propres entre les États membres ou, pour reprendre les termes utilisés par l' avocat général M . Darmon dans les conclusions qu' il a présentées à l' occasion de l' affaire 107/84, Commission/Allemagne, Rec . 1985, p . 2655, d' assurer un "système égal de contribution pour chaque État membre" ( p . 2659 et 2662 ).

17 . Nous rappellerons que l' article 2, paragraphe 1, du règlement n° 2892/77 pose en principe de base que les ressources TVA doivent être déterminées à partir des opérations imposables définies à l' article 2 de la sixième directive, à l' exception des opérations définitivement exonérées conformément à ladite directive . Les dispositions transitoires de l' article 28, paragraphe 3, de la sixième directive permettent aux États membres de continuer à appliquer la taxe aux opérations définitivement exonérées (( article 28, paragraphe 3, sous a ), et annexe E )), d' exonérer les opérations normalement imposables (( article 28, paragraphe 3, sous b ), et annexe F )) ou d' accorder aux fournisseurs la faculté d' opter pour la taxation pour les opérations qui seraient exonérées à défaut (( article 28, paragraphe 3, sous c ), et annexe G )). Il est manifeste qu' à moins d' opérer une correction le recours à ces dispositions transitoires est susceptible d' altérer la base uniforme de perception prévue à l' article 2, paragraphe 1, du règlement n° 2892/77 . Selon nous, c' est la fonction de l' article 9, paragraphe 2, du règlement n° 2892/77 d' opérer cette correction .

18 . C' est ainsi que les premier et troisième tirets dudit article 9, paragraphe 2, prévoient que les opérations visées à l' article 28, paragraphe 3, sous a ), et à l' annexe E de la sixième directive de même que celles visées à l' article 28, paragraphe 3, sous c ), et au paragraphe 1, sous a ), de l' annexe G sont à traiter, aux fins du calcul de la base des ressources propres, comme si elles étaient exonérées : cette solution est conforme à la logique de l' exonération définitive de ces opérations prévue par la sixième directive et elle assure la possibilité de calculer de façon uniforme la base des ressources propres pour ces opérations, quel que soit l' usage fait par les États membres des dispositions transitoires . Inversement, au deuxième tiret, qui est la disposition en cause en l' espèce, l' article 9, paragraphe 2, prévoit que les opérations visées à l' article 28, paragraphe 3, sous b ), et à l' annexe F de la sixième directive doivent être traitées comme si elles étaient taxées : cela est conforme à la logique du régime de ces opérations que la sixième directive prévoit d' imposer et, là encore, cette solution établit l' égalité de traitement des États membres en ce qui concerne le calcul de la base des ressources propres .

19 . La fonction de la disposition de l' article 9, paragraphe 2, deuxième tiret, est donc d' annuler l' effet de l' exonération transitoire des opérations visées à l' annexe F en réintroduisant, dans la base de perception des ressources TVA, les ressources qui seraient perdues, à défaut, en raison de l' exonération, et d' atteindre un résultat qui soit neutre entre les États membres qui optent pour l' exonération transitoire et ceux qui ne le font pas . A cet effet, il suffit de reconstituer le montant qui entrerait dans la base de perception si les opérations en question étaient taxées .

20 . Néanmoins, si ce principe est exact, il se pose la question de savoir comment il doit être mis en oeuvre . La difficulté tient au fait que, dans la mesure où l' article 9, paragraphe 2, renvoie à une situation hypothétique ( la situation qui existerait si les opérations étaient taxées ), il n' existe aucune méthode dont l' exactitude soit évidente pour le calcul du montant qui doit être rétabli dans la base de perception . D' ailleurs, la difficulté de concevoir une méthode donnant approximativement le résultat exact est illustrée par le fait que la République fédérale d' Allemagne a utilisé, à divers moments, trois méthodes de calcul différentes . Il ressort du dossier que, de 1980 à 1982, elle a suivi une méthode consistant à opérer une déduction à un taux forfaitaire de 13 % sur la valeur des opérations de la Bundespost dans le domaine des télécommunications, ce taux étant réputé représenter le montant de la taxe acquittée en amont . En 1983, elle est passée à la méthode en cause en l' espèce, tout en révisant en même temps les calculs qu' elle avait effectués pour les années précédentes . Enfin, en 1987, elle a encore adopté une autre méthode de calcul conçue de façon à supprimer l' élément de "double taxation" contenu dans la valeur des opérations .

21 . Même si le principe est difficile à mettre en pratique, il ne s' ensuit cependant pas qu' il est incorrect . En tout état de cause, il nous paraît manifeste que la méthode préconisée par la Commission ne saurait être admise . Cette méthode ne permet nullement de tenir compte du montant de la taxe acquitté par la Bundespost à titre d' élément du coût d' acquisition des biens et des services . Étant donné qu' en l' absence de droit à la déduction ce montant est normalement répercuté sur les clients de la Bundespost, la méthode de la Commission aboutit nécessairement à estimer la valeur des opérations en cause à un montant sensiblement supérieur à celui auquel on aboutirait si ces opérations étaient imposables et si le droit à déduction existait . La méthode de la Commission va donc au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l' objectif de reconstituer une base uniforme et, en ce qu' elle pénalise, en pratique, les États membres qui optent pour l' exonération prévue par l' article 28, paragraphe 3, sous b ), de la sixième directive, elle est incompatible avec l' objectif d' égalité de traitement qui sous-tend la législation sur les ressources propres .

22 . La méthode préconisée par la République fédérale d' Allemagne est critiquable, il est vrai, en ce qu' elle présuppose que le chiffre d' affaires des opérations de la Bundespost dans le domaine des télécommunications serait diminué d' un montant correspondant exactement au montant de la taxe acquittée en amont, si ces opérations étaient taxées et si la Bundespost pouvait donc exercer le droit à la déduction de la taxe acquittée en amont . Comme le signale la Commission, il n' est pas possible, en pratique, de prévoir quel serait le comportement de la Bundespost si lesdites opérations étaient taxées : elle pourrait choisir de s' abstenir de répercuter sur ses clients la totalité ou une partie de l' avantage résultant de la déduction .

23 . En dépit de cet élément d' incertitude que comporte la méthode de calcul utilisée par la République fédérale d' Allemagne, cette méthode nous paraît avoir davantage de chances de se rapprocher du résultat correct que celle proposée par la Commission, qui ne prévoit rien pour tenir compte de la taxe en amont que reflètent les opérations de la Bundespost . En tout état de cause, il n' est pas nécessaire, aux fins de l' espèce, d' avaliser une méthode particulière . Il suffit de constater que l' approche globale de la République fédérale d' Allemagne est correcte et que la Commission n' a pas réussi à établir que la sienne l' était .

24 . La Commission avance certains autres arguments en faveur de sa propre méthode de calcul et contre celle utilisée par la République fédérale d' Allemagne . Elle fait ainsi valoir que sa méthode est plus simple que la méthode concurrente, plus aisément vérifiable et qu' elle aboutit à une base de perception plus large ( et donc à des ressources propres plus élevées ). Elle souligne aussi que, si la méthode de la République fédérale d' Allemagne l' emportait, il en résulterait, à cause du délai de trois ans prévu pour la rectification des relevés des ressources TVA par l' article 10 ter du règlement n° 2892/77 ( introduit par l' article 9 du règlement n° 3625/83 du Conseil, JO L 360, p . 1 ), que d' autres États membres ayant dûment appliqué la méthode de calcul de la Commission pour les opérations visées à l' annexe F subiraient un désavantage permanent par rapport à la République fédérale d' Allemagne . Ces arguments sont incontestablement bien fondés du point de vue pratique, mais ne sauraient l' emporter sur l' objectif clair de la législation relative aux ressources propres .

25 . En conséquence, nous concluons en vous proposant de rejeter la requête et de condamner la Commission aux dépens .

(*) Langue originale : l' anglais .